Mme de Staël, qui a eu sa ligne droite et continue, ou du moins sa courbe d’un développement suivi et manifeste, s’en écartait parfois : elle avait des premiers mouvements irréguliers, irrésistibles, et elle ne perd pas à ce qu’on l’y surprenne. […] Il voudrait aller en Allemagne pour voir lui-même les grands génies, mais je lui conseillai plutôt d’aller en Grèce. » En ces journées de grande conversation, Sismondi craignait même tellement d’en rien perdre, qu’il allait jusqu’à en vouloir à Mme Récamier d’y apporter quelque distraction et de faire des a-parte à voix basse ; il le dit, et d’une plume assez peu légère : « Ici (Coppet, 30 août 1811) notre société est des plus brillantes, rien moins que deux Montmorency et Mme Récamier ; mais c’est pour peu de temps : eux repartent demain, et elle après-demain.
. — (Ne jamais perdre de vue ce point-là, en lisant le Journal.) […] À quarante-sept ans, il avait perdu toutes les dents du côté gauche de la mâchoire supérieure, et on les lui avait même si mal arrachées qu’il y avait une fistule, un trou pratiqué entre la bouche et la cavité nasale, à quoi l’on dut remédier par le feu.
Nisard, va jusqu’à accorder à la génération de 1660, c’est-à-dire des premières années du règne effectif de Louis XIV, à la génération qui était encore jeune ou déjà mûre alors, qui avait vu la fin de Richelieu et la Fronde, « une supériorité de lumières » sur les générations du xviiie siècle qui lisait l’Esprit des Lois, les Lettres philosophiques et l’Émile ; admettant cette supériorité comme un fait, il l’explique par la nature même des événements politiques auxquels cette génération avait assisté, par les revirements étranges qui lui avaient découvert toutes les vicissitudes de l’opinion et qui l’avaient éclairée sur le fond de la nature humaine, tandis que les hommes du xviiie siècle et d’avant 89 avaient perdu le souvenir des révolutions et des impressions qu’elles laissent, et n’avaient assisté qu’à des intrigues ministérielles, à des disputes de jansénisme et de molinisme, de gluckisme et de piccinisme, à de petites choses enfin, tout en en rêvant de grandes et d’immenses. […] Bossuet n ;a si bien peint, dans leur ensemble moral du moins, et dans leur aspect terrible et majestueux, les grands orages d’Angleterre qu’il n’avait pas vus et dont le sens politique lui échappait, que parce qu’il avait observé de près chez nous ces temps d’ébranlement où toutes les notions du devoir sont renversées, et où les meilleurs perdent la bonne voie.
Un de ces érudits, et des plus regrettables, qu’on vient de perdre et qui était à la fois un écrivain élégant, M. […] Le sujet est le Paradis perdu et ses conséquences, le même sujet que celui de Milton.
Le Saint-Simonisme, en tous ceux qu’il a touchés, a tué la foi au libéralisme pur, et tout en ne repoussant rien de ce que la liberté a de bon, d’utile et de pratique, le nom de liberté désormais, pour tous ceux qui ont compris le sens et le bienfait aussi de ce qui n’est pas elle, qui ont conçu, ne fût-ce qu’une fois, le regret ou l’espoir d’une haute direction sociale, a perdu de sa vertu merveilleuse et de sa magie. […] Les grands souvenirs d’entreprises glorieuses qui se rattachent aux époques libres où régnaient des Assemblées souveraines, tiennent aux hommes supérieurs enfantés par ces époques, et en qui le plus souvent la liberté a fini par se personnifier et quelquefois se perdre ; ceux qui l’ont concentrée et absorbée en eux sont les mêmes qui l’ont conduite.
Quand la société s’est compliquée, que les mœurs se sont effacées à force de se polir, que le goût usé se blase de chefs-d’œuvre, il faut cependant faire quelque chose, ou répéter dans une suite de contre-épreuves, de plus en plus pâles, les types classiques… Si Marivaux n’avait pas les défauts que l’on critique en lui et qui ne sont, à vrai dire, que des qualités poussées à l’excès, il se perdrait obscurément parmi la foule obscure des plats imitateurs de Molière. […] Athènes lui donna le sens de la mesure : ce fut à tel point que Venise, au retour, y perdit, et, dans son délicieux pêle-mêle, lui parut moins divine qu’auparavant.
Appartenant à la vieille race de gentilshommes ruraux que n’avaient pas atteints la corruption de Cour et l’élégance des vices inhérents à Versailles ou même nés bien auparavant à Fontainebleau et à Chambord dès le règne de François Ier, il déplorait la perte d’un état de choses, où la grande propriété, la famille, la religion, les mœurs étaient garanties ; il avait l’imagination et le souvenir remplis des tableaux d’une vie simple, régulière, patriarcale, frugale, antique, et il demandait au Pouvoir royal restauré de rétablir de son plein gré et de toute sa force ce qu’il avait laissé perdre par sa faute, ce qu’il avait compromis et entraîné avec lui dans une ruine commune. […] La raison qu’il en donne est que « Bourges est bien l’endroit le plus triste, le plus monotone et le plus ennuyeux du royaume », et que le roi, ne devant être suivi que des gens graves de sa Cour, se trouvera là en parfaite harmonie avec les lieux : dans ce séjour d’ennui choisi tout exprès, il pourra se livrer sans distraction et sans partage à l’œuvre immense de réparation qui pèse sur ses bras : « Milton, ajoute-t-il, si médiocre dans les écrits qu’il a faits pendant qu’il jouissait de la vue, devint sublime et fit son Paradis perdu, dès que, devenu aveugle, il ne fut plus distrait de ses inspirations et de ses méditations.
Cette femme superbe, dévorée d’ambition, voulait aller à la gloire par tous les chemins ; elle mit dans ses finances un ordre inconnu à ses ancêtres, et non seulement répara par de bons arrangements ce qu’elle avait perdu par les provinces cédées au roi de Prusse et au roi de Sardaigne, mais elle augmenta encore considérablement ses revenus. […] Je n’ai jamais pu oublier, quand j’ai eu à parler de Joseph II, ce reste de tradition vivante, égarée et comme perdue si loin de sa source, mais vive et directe encore, qu’il m’a été donné de recueillir.
Chacun, dès que le grand homme paraît et se déclare, après l’avoir admis volontiers au premier degré, s’empresse aussitôt de le continuer à sa guise, de l’achever à sa manière et selon ses goûts, de lui dicter son rôle de demain ; et si le personnage ne répond pas à cette idée qu’on s’en fait et ne suit pas le programme, on est bien près de le renier, de s’écrier qu’il fait fausse route et qu’il se perd, ce qui arrive quelquefois, mais par d’autres raisons le plus souvent que celles dont on se payait d’abord assez à la légère. […] Les fautes gratuites et funestes, les entreprises non provoquées et risquées sans nécessité, les excès et les fougues de la passion ne sauraient obscurcir ni faire perdre de vue cette vérité capitale, inhérente à la nature même des choses.
Abandonné dans ses mœurs, perdu de fortune, n’ayant plus ni feu, ni lieu, ce fut pour lui et pour son talent une inestimable ressource que de se trouver maintenu, sous les auspices d’une femme aimable, au sein d’une société spirituelle et de bon goût, avec toutes les douceurs de l’aisance. […] C’est alors surtout qu’il se livra, pour se désennuyer, à la société du prince de Conti et de MM. de Vendôme dont on sait les mœurs, et que, sans rien perdre au fond du côté de l’esprit, il exposa aux regards de tous une vieillesse cynique et dissolue, mal déguisée sous les roses d’Anacréon.
Ça partait toutes les trois ou quatre secondes, roulait un instant ; puis ça s’arrêtait et ça reprenait, juste le petit frisson qui secoue les chiens perdus, quand ils ont froid l’hiver, sous une porte » (p. 555). […] Œdipe-Roi et le Paradis perdu en étaient déjà magnifiquement imprégnées.
Ces ressorts, plus extérieurs qu’intimes, n’ont point permis à l’homme de connaître les secrets du cœur de l’homme ; et la philosophie morale y a perdu sous plusieurs rapports. […] L’instruction vaut quelquefois beaucoup mieux que l’érudition ; car, dans la nuit de l’antiquité, l’on peut se perdre dans des faits de détails qui empêcheront de saisir la vérité de l’ensemble.
Tout sujet qui devient susceptible d’évidence, sort du domaine des passions, qui perdent l’espoir de s’en emparer. […] Quand vous dévouez des innocents à ce que vous croyez l’avantage de la nation, c’est la nation même que vous perdez.
André Gide quand il écrit : Leconte de l’Isle était mort, Rimbaud perdu, Verlaine hagard, impossible à saisir. […] Paul Souday qui n’a point accoutumé de se perdre dans les nuages répond avec tranquillité à ceux que hante la peur d’être mystifiés : « On peut admirer Mallarmé » et ce matin même (1920), M.
Le léger accent provençal qu’il gardait dans la conversation se perdait à la tribune et s’y confondait avec l’accentuation plus marquée qu’exige le nombre oratoire. […] Il ne veut pas qu’on laisse du temps à l’ergotisation ou aux spéculations ambitieuses, sans quoi tout est perdu.
On opposera peut-être à mon explication que Bernardin de Saint-Pierre, de qui Lamartine procède à bien des égards si évidemment, et qui est un des maîtres de l’école idéale et harmonieuse, goûte pourtant et chérit La Fontaine autant que personne, et qu’il ne perd aucune occasion de le citer et de le louer. […] On n’aurait même pas de peine à découvrir chez lui un certain goût sensuel que l’on pourrait dire innocent et primitif, contemporain des patriarches, mais qui l’empêche de se perdre dans le raffiné des sentiments.
Et, à quelques jours de là, nous comparaissions devant un juge d’instruction presque poli, mais qui perdait soudainement toute politesse dans son embarras et son déconcertement, quand nous lui montrions les cinq vers incriminés, tout vifs imprimés dans le Tableau historique et critique de la poésie française. […] La rivière allait en pente très douce, elle y entrait pas à pas, et quand elle avait de l’eau jusqu’aux genoux, elle était entraînée par le courant… mais, à demi noyée, elle ne perdait pas toute connaissance ; à un moment, elle avait parfaitement le sentiment que sa tête cognait contre un câble tendu et que ses cheveux dénoués se répandaient autour d’elle, et, quand elle entendit un chien sauter à l’eau, de la Verberie, elle éprouvait l’appréhension anxieuse qu’il ne l’empoignât par un endroit ridicule.
Ce trou, au dire d’un des assistants, qui a été depuis garçon de cabaret aux Marronniers à la Râpée, était rond et ressemblait à un puits perdu. […] Cet Eschyle est perdu !
C’est ainsi que Chateaubriand et Lamartine ont déjà perdu la plus grande part de leur faveur, et M. […] La largeur de l’esprit et du goût en littérature comme en toutes choses a sans doute ses inconvénients, car elle peut dégénérer souvent en un éclectisme banal qui admire tout, ou un scepticisme blasé qui n’admire rien : en outre, elle peut faire perdre à une nation le sentiment de ses qualités propres et l’entraîner à la poursuite de qualités qui ne sont pas les siennes.
On sait aussi qu’après avoir trop servi les formes demeurent comme effacées ; leur effet primitif est perdu, et les écrivains capables de les renouveler considèrent comme inutile de se soumettre à des règles dont ils savent l’origine empirique et les débilités. […] C’est l’adhésion de ces jeunes groupes qui fortifie notre confiance dans l’avenir, comme ce sont les paroles de sympathie qu’ils nous ont apportées à propos de nos poèmes qui nous font croire que notre temps n’a pas été tout à fait perdu.
Leurs établissements, disent-ils, perdent beaucoup. […] Il est de la race de cet emprunté de Jean-Jacques, qui ne perdait pas sa gaucherie dans les transports les plus violents.
Toute la force de son enseignement et de son exemple a été perdue pour eux. […] Je le répète, le préraphaélisme n’a cessé de violer la nature, d’en transgresser les lois les plus élémentaires, de s’en détourner dédaigneusement, perdu à l’écart dans son rêve ascétique.
S’ils avaient perdu les habitudes d’analyse, ils avaient gardé la passion de la métaphysique ; ils étaient à la fois sentimentaux et systématiques, et demandaient des théories à leur cœur. […] De ce côté, toute espérance n’est pas perdue ; on est déjà bien revenu du rêve, des aspirations vagues et des grands mots ; la chute de vingt systèmes réformateurs nous a mis en défiance ; nous ne pensons plus que la poésie soit un instrument de précision, et nous commençons à soupçonner que le cœur est fait pour sentir et non pour voir.
Dans un siècle où tout marche si vite, où tous sont appelés indistinctement et souvent à l’improviste, où l’on a à peine le temps de la réflexion à travers l’action, où il nous faut faire après coup ce par où il eût été plus simple de commencer, on ne saurait trop introduire dans l’esprit de notions exactes, n’importe comment, ni par quel bout, à bâtons rompus, aux moments perdus, par les moindres interstices d’une journée occupée ou distraite : en fin de compte tout se retrouve.
je sens ma peine plus cuisante, Vous avez évoqué tous mes rêves perdus : Pitié !
Il nous paraît de plus que le roman aurait gagné en vraisemblance, sans perdre en intérêt, si le corsaire avait été moins habile en déguisements ; s’il avait eu des distractions, et, comme on dit, des absences moins longues et moins fréquentes ; s’il n’avait pas été précisément le frère de mistress Wyllis, l’oncle de Henry, le parent de Gertrude ; si mistress Wyllis avait attendu un peu moins tard à le reconnaître, etc.
On a certes bien fait de ne pas perdre un moment, et d’expédier un postillon à franc étrier ; la nouvelle est importante : le testament a été ouvert, et le comte Léopold de Vurzbourg est complètement déshérité.
Voyez-les : Anastase et Sosthène ne sont qu’habiles brasseurs ; Luc se perd en basses affaires ; Antonin ignore le monde et Moïse le connaît trop ; Edmond, Édouard et Charles gardent l’allure basse des prisons où ils séjournèrent.
Louis Marsolleau : Les Baisers perdus.
Privées du lien officiel ou concordataire, elles se désagrégeront, et perdront la plus grande partie de leurs inconvénients.
L’invention en eût été plus riche, la diction plus naturelle, & l’intérêt plus sensible ; l’Auteur auroit employé des expressions plus correctes, & évité les tournures Gasconnes ; ses images auroient été mieux choisies, ses comparaisons plus justes & moins ridicules ; il n’eût point appelé le Soleil le Duc des Chandelles les Vents les Postillons d’Eole, le Tonnerre le Tambour des Dieux ; le total de l’Ouvrage eût été dans le goût de ces vers du quatrieme Chant, qu’on peut citer avec estime, dès qu’il ne s’agit pas de l’Astronomie : Il se trouve entre nous des esprits frénétiques Qui se perdent toujours dans des sentiers obliques, Qui, sans cesse créant des systêmes nouveaux, Prouvent que la raison gît loin de leurs cerveaux.
Smart, qui veut dire en anglais, selon les cas, alerte, souple, habile, fin, actif, intrigant, roué, élégant, etc. a perdu en français, du moment qu’on a voulu l’y introduire, toutes ces valeurs, pour en gagner une seule, vague et très certainement passagère.
L’auteur en convient, un rudiment imperceptible, perdu dans la chronique ou dans la tradition, à peine visible à l’œil nu, lui a souvent suffi.
C’était lui montrer qu’il perdait sa peine.
Mais ce qu’il ne faut point perdre de vue, c’est que les parties d’éducation publique qui paraîtront superflues dans ce moment pourront devenir nécessaires avec le temps ; à mesure que le grand ouvrage de la civilisation s’avancera, les intérêts divers, les relations entre les sujets se multiplieront, et c’est cet avenir que Sa Majesté Impériale doit prévénir par sa sagesse, si elle redoute d’abandonner la suite de ses projets à l’ignorance ou aux caprices de la folie.
On connoît encore aujourd’hui une infinité de remedes dont Hippocrate n’entendit jamais parler, et dont le nombre surpasse de beaucoup celui des remedes qu’il connoissoit et que nous avons perdus.
Les hommes mêmes qui veulent établir les unes, lorsqu’elles n’ont pas en elles la raison de leur existence, ou qui veulent propager encore les autres lorsqu’elles ont perdu ce principe de vie qui est dans l’assentiment général, témoignent, par l’expression indécise de leurs discours, qu’ils ne les comprennent point.
… Il faut vraiment, pour risquer pareille comparaison, que nous ayons perdu, depuis 1789, jusqu’à l’aristocratie de notre mémoire !
Il calomniait même l’improvisation, et ne voyait pas qu’en allant en gros au plus pressé, le bon sens trouve souvent son compte ; il pensait que l’improvisation et le peu de précision qu’elle entraîne d’ordinaire avaient contribué à tout perdre dans les assemblées publiques ; il aurait voulu qu’on pût être astreint, à la tribune, à se servir d’une sorte de langage analytique, algébrique, où l’expression ne dépassât jamais l’idée : chimère de Condorcet ! […] Si, comme il arrive presque toujours et comme il doit arriver en effet, si votre élève attache quelque caractère de sagesse et de vérité naturelle à ce que vous lui enseignez, votre élève n’apprend à lire qu’en désapprenant à penser ; et certes il a trop à perdre dans cet échange. […] Il ne perdit depuis lors aucune occasion de renouveler ce genre un peu usé de plaisanteries. […] « Ne pouvant plus prétendre à d’autres fonctions publiques, puisque celles dont je ne suis point incapable dépendraient plus ou moins du ministère de l’intérieur ; ayant essuyé, depuis trois ans, des pertes considérables ; réduit à de faibles ressources ; exposé à perdre, au premier jour, celles qui me restent à l’Institut, je dois pour ma propre conservation, pour celle d’une sœur âgée et de quelques autres personnes dont je prends soin, solliciter une pension de retraite. […] Daunou s’aperçut de ce manége ; la peur le prit : il se dit que cet homme était capable de tout, qu’il était certes bien capable d’avoir machiné ce dîner pour le perdre, de supposer tout d’un coup qu’on lui manquait de respect, qu’on l’insultait, que sais-je ?
Séparé du public depuis huit années, j’ai perdu l’habitude de porter la parole devant de pareilles assemblées. […] Ne perdez pas cela de vue. […] Pour le platonisme et non pour l’humanité ; car après Platon est venu Aristote, et l’humanité, sans perdre l’un, a acquis l’autre. Est-ce que Platon est perdu pour l’humanité ? […] L’histoire est un jeu où tout le monde perd successivement, excepté l’humanité, qui gagne à tout, à la défaite de l’un comme à la victoire de l’autre.
Nous autres grands auteurs sommes trop riches pour craindre de rien perdre de nos productions… » Notons bien tout ceci : Mme de Sablé dévote, qui, depuis des années, a pris un logement au faubourg Saint-Jacques, rue de la Bourbe, dans les bâtiments de Port-Roval de Paris ; Mme de Sablé, tout occupée, en ce temps-là même, des persécutions qu’on fait subir à ses amis les religieuses et les solitaires, n’est pas moins très présente aux soins du monde, aux affaires du bel esprit ; ces Maximes, qu’elle a connues d’avance, qu’elle a fait copier, qu’elle a prêtées sous main à une quantité de personnes et avec toutes sortes de mystères, sur lesquelles elle a ramassé pour l’auteur les divers jugements de la société, elle va les aider dans un journal devant le public, et elle en travaille le succès.
Je me rappelle avoir eu l’occasion de rencontrer alors, et dans la première semaine qui suivit, deux hommes d’État, très inégaux par l’âge, mais qui avaient pris grande part l’un et l’autre à ce qui n’était plus, et jetés tous deux de côté par la tempête ; je fus frappé de voir que si l’un, le plus jeune, était sombre, estimant tout perdu, la société s’écroulant dans l’anarchie et le monde penchant à sa ruine, l’autre (c’était M.
Sa réputation d’esprit n’y a pas perdu.
Ce livre est en effet admirablement composé et conduit ; on ne se perd pas un seul instant dans les détails, quoique il y en ait beaucoup en chaque branche spéciale, en finances, en administration, en stratégie, mais le tout est ramené à l’ensemble et concourt à la marche générale.
L’intensité, le pittoresque de la description — par conséquent son retentissement émotif — ont perdu au profit de la précision de métier.
Le fier et laconique billet de François Ier, défait et pris à Pavie : « Tout est perdu, fors l’honneur », a été laborieusement extrait d’une lettre peu héroïque du roi par un historien qui a voulu jeter un peu de gloire sur la honte de la monarchie française.
Et puis chaque phrase ayant son éclat indépendant, brillant de tous les côtés sans tenir à rien, les idées ne s’enchaînent plus, ne s’engrènent plus les unes aux autres, et le discours perd sa cohésion.
Le meilleur moyen de ne pas perdre de sang est d’opérer vite et de ne pincer ou lier que les artères et les veines de gros calibre.
Il faut qu’il se reprenne ; mais, pendant ce temps-là, la phrase en fusion se lige et perd sa ductilité ; ce qui explique la quantité d’incidences, de juxtapositions et de soudures que l’on remarque dans la versification de M.
Du tombeau, quand tu veux, tu sais nous rappeler ; Tu frappes et guéris, tu perds et ressuscites.
Si dans mille ans d’icy les chants prophanes qui sont composez depuis quatre-vingt ans étoient perdus, et si les chants d’église qui se sont faits depuis le même temps s’étoient conservez, ne pourroit-on pas alors se faire une idée de la beauté de nos chants prophanes sur celle de nos chants d’église.
Il écrit, dans la dédicace de l’Étang de Berre (1915) : « Ce petit livre — dit — la ville et la province — épanouies — dans le royaume — pour les progrès — du genre humain » ; dans la préface de Quand les Français ne s’aimaient pas (1916), mettant en lumière « les services rendus à la beauté et à la vérité par les hommes de sang français », il spécifie que cela doit être considéré « sans perdre un seul instant de vue que la raison et l’art ont pour objet l’universel ».
Les autres lui résistent, comme si elles savaient qu’il a perdu le droit de commander. […] Le même Thiers disait à la même assemblée : « Napoléon a perdu la France par son génie. » Et l’assemblée d’applaudir à ce mot, bien que deux fois faux : d’abord parce que pour avoir restitué à la chute de Napoléon ce qu’elle avait pris de trop, la France n’a point été perdue ; ensuite parce que la vraie cause de ce revirement de fortune, ce n’est pas le génie de Napoléon, mais les éclipses de son génie. […] Pour mon compte, je ne les blâme pas de goûter médiocrement un genre de jeu où le moins que gagnent les joueurs c’est de s’y amuser, et où le seul qui perd, c’est le public de la galerie. […] En cédant il le perdit et se perdit avec lui. […] Ce sont matières à spéculation que je laisse dormir dans mon cerveau, sans perdre ma peine à rechercher ce que j’en penserai un jour.
Le moment approche où ces théories auront perdu l’un de leurs principaux charmes, la nouveauté. […] En tant qu’elle est liée à la matière, elle s’évanouit et se dissipe avec la matière même : elle perd donc la conscience, qui n’est que la résultante des actions du cerveau ; mais l’âme n’est pas tout entière dans la conscience, elle est quelque autre chose de plus. […] Ces deux idées vont se perdre l’une et l’autre dans l’idée commune d’un absolu phénoménisme. […] Des sciences abstraites qui courent toujours le risque de se perdre dans une vaine et vide scolastique. […] Il ne peut en être ainsi de la philosophie : elle ne parle pas au nom d’une vérité absolue une fois trouvée ; elle cherche, elle tâtonne, elle propose, elle n’impose rien : elle doit donc se développer progressivement, et, comme toutes les sciences, ajouter sans cesse de nouvelles lumières à celles qu’elle possède déjà : elle se perd en s’immobilisant.
Il est vrai qu’on n’est pas d’accord sur ce qui se gagne ni sur ce qui se perd entre le jour de la naissance et celui de la mort. […] Mais le fait que les deux théories s’accordent à affirmer la constante accumulation ou la perte constante d’une certaine espèce de matière, alors que, dans la détermination de ce qui se gagne et de ce qui se perd, elles n’ont plus grand’chose de commun, montre assez que le cadre de l’explication a été fourni a priori. […] Celui qui voudrait en noter tous les aspects successifs se perdrait dans un infini, comme il arrive quand on a affaire à une continuité. […] Le sentiment que nous avons de notre évolution et de l’évolution de toutes choses dans la pure durée est là, dessinant autour de la représentation intellectuelle proprement dite une frange indécise qui va se perdre dans la nuit. […] Dans ce cas, la tendance à perdre la vue se serait transmise de germen a germen sans qu’il y eût rien d’acquis ni de perdu par le soma de la Taupe elle-même.
Tous les soirs il se met en habit noir pour dîner, « afin de ne pas perdre, dans son isolement, le respect de lui-même » 1. […] Elle décroît peu à peu, et finit par se perdre dans la conscience que nous avons de nos mouvements quand nous nous portons bien. […] De ce point de vue, l’obligation perd son caractère spécifique. […] Il y a peut-être une tragédie qui se prépare, toute une vie gâchée, dissipée, perdue, on le sait, on le sent, n’importe ! […] Dans la première, l’émotion est consécutive à une idée ou à une image représentée ; l’état sensible résulte bien d’un état intellectuel qui ne lui doit rien, qui se suffit à lui-même et qui, s’il en subit l’effet par ricochet, y perd plus qu’il n’y gagne.
Ces épreuves expiatoires une fois subies, la langue poétique une fois assainie, les spéculations de l’esprit, les émotions de l’âme, les passions du cœur, perdront-elles de leur vérité et de leur énergie, quand elles disposeront de formes plus nettes et plus précises ? […] Mais l’art a perdu cette spontanéité intuitive, ou plutôt il l’a épuisée ; c’est à la science de lui rappeler le sens de ses traditions oubliées, qu’il fera revivre dans les formes qui lui sont propres. […] Déjà transformée dans la Divine Comédie et dans le Paradis Perdu, l’épopée a cessé d’être possible. […] Ces nobles récits qui se déroulaient à travers la vie d’un peuple, qui exprimaient son génie, sa destinée humaine et son idéal religieux, n’ont plus eu de raison d’être du jour où les races ont perdu toute existence propre, tout caractère spécial. […] Les seules voix qui chantent ne montent plus de la multitude ; elles tombent de hauteurs inaccessibles au vulgaire et viennent se perdre sans échos dans le bruit des locomotives et le hurlement de la Bourse.
Il paraît que c’est un conservateur en herbe, que son père appelle le petit éteignoir — et avec cela casseur en diable, — et dans une partie de jeu, ces temps-ci, un jour où son père ne l’avait pas mené au spectacle où il comptait aller, ayant brisé pour quarante mille francs de petits modèles de soldats exécutés par le sculpteur Frémiet : l’armée en réduction minuscule que l’Empereur a dans une armoire de sa chambre… * * * — Par le froid, les petits musiciens passent dans les rues, leur violon sous l’aisselle, perdus dans d’immenses redingotes, un képi sur le sommet de la tête : caricaturaux et sinistres, ayant l’air de petits singes en carrick. […] Les plus francs, les plus coléreux, les plus pléthoriques, dans la bassesse des événements, du ciel, des fortunes de ce temps, au contact du monde, au frottement des relations, au ramollissement des accommodements, dans l’air ambiant des lâchetés, perdent le sens de la révolte, et ont de la peine à ne pas trouver beau, tout ce qui réussit. […] 5 avril L’homme du gouvernail, accoudé à cette roue déroulant l’immensité des mers, et tournant autour du monde, — une main morte sur le cuivre de la roue, l’autre tenant un de ses montants ; — cet homme à la figure tannée, boucanée par le vent salin, sa toque de marin sur la tête, et sa robuste silhouette se détachant sur un ciel qui se perd dans une clarté mourante de feu de Bengale, ponctué du vol noir de quatre ou cinq mouettes, cet homme ayant derrière lui la barque de sauvetage. […] En se retournant, un soleil tout blanc, qui fait aux ramures noires des arbres un fond d’argent ; et de distance en distance, une brindille perdue portant à sa dernière feuille une sorte de marguerite de givre ; au loin un fouillis, un lacis, une confusion de ramilles maigres qui se perdent dans du violacé, saupoudré d’une poudre de neige, leur donnant la légèreté d’une forêt de plumes.
Mais il est à présumer que la branchie, aujourd’hui complétement perdue, doit s’être graduellement transformée par sélection naturelle pour quelque fonction tout à fait distincte100. […] Par suite du travail successif de diversification et de localisation des organes, la plupart des muscles ont pu perdre leur faculté de produire des courants, tandis que cette faculté se concentrait en quelques autres avec une intensité d’autant plus grande ; mais on conçoit que cette localisation ne se soit pas nécessairement faite partout dans le même organe ou dans le même muscle. […] « Voici encore, dit-il, un point d’analogie qu’il ne faut pas perdre de vue ; c’est que la vie des muscles, leurs fonctions, sont accompagnées de dégagement de chaleur et de lumière ; et cependant cette vie, ces fonctions sont immédiatement dépendantes de l’agent nerveux. » (Leçons sur le phénomène physique des corps vivants, VIIIe leçon.) […] Les mammifères Amphibies pourraient donc en effet devoir leur origine à une rétrogression partielle de leur organisme vers la classe inférieure et antérieure des reptiles, ou même vers celle des poissons ; c’est-à-dire à un phénomène de réversion à d’anciens caractères perdus dont la sélection naturelle aurait pris avantage pour les adapter à de nouvelles conditions de vie. […] Darwin subsiste ; car on comprend que, dans la plupart des cas, l’animal que pique une Abeille cherche à s’en défendre et à la chasser, soit avec l’un de ses membres, mobiles chez les animaux supérieurs, soit avec sa queue, comme chez les ruminants ou les pachydermes, soit en se roulant à terre ou en se frottant contre les arbres et les rochers De sorte qu’il serait avantageux à l’Abeille de pouvoir dé, gager son aiguillon plus vite, ou mieux encore d’avoir les viscères plus solidement retenus dans leur cavité, de manière à ne pas les perdre aussi aisément.
Je regagnai vite le temps perdu, et j’avais hâte de réparer envers un homme de ce talent sinon l’injustice, du moins l’excessive sévérité de ma première critique. […] Je lui en veux de ne pas parler de vous, comme s’il devait vous sentir à son côté. — Quel service vous rendez aux Lettres en relevant et rattachant ces anneaux perdus ou rouillés de la chaîne des poëtes ! […] Lacroix qui veut bien perdre une minute de ses soirées si dignes de Walter Scott33. — Adieu, mon ami, si vous n’avez pas embrassé mon Victor sur les deux joues, j’irai vous chercher querelle.
La muraille grattée par les visiteurs curieux de reliques avait perdu son ciment, et laissait voir les briques rouges de la muraille à laquelle était adossée la couche du poète. […] « Assister un pauvre gentilhomme qui, sans aucun tort de sa part et pour demeurer, au contraire, fidèle à l’honneur, est tombé dans le malheur et dans l’indigence, est le privilège d’un esprit noble et magnanime tel que le vôtre ; et sans cette assistance, Madame, mon pauvre vieux père mourra bientôt de désespoir, et vous perdrez en lui un de vos admirateurs les plus affectionnés et les plus dévoués. […] C’est une grande infortune, Madame, de perdre ses richesses, mais la pire est de se dégrader du rang où la nature nous fit naître.
Il y perdit sa femme adorée. […] Sa pensée accompagna son épouse dans un monde plus élevé ; l’image de celle qu’il avait perdue ne cessa d’être présente à son âme, elle se mêla à toutes ses pensées, elle ennoblit sa propre existence. […] J’ai la confiance que ma conduite dans les trois derniers mois (j’ai presque dit dans les trois derniers siècles) ne doit me rien faire perdre dans ton esprit.
Or, comme l’humanité n’a jamais perdu le sens commun, il faut bien se persuader que, jusqu’à ce qu’on soit arrivé à concevoir naturellement ces fables, on n’a pas le mot de l’énigme. […] barbares, ceux qui appellent cela du temps perdu et spéculent sur le gain des dimanches et des fêtes supprimées ! […] Le christianisme a perdu sa poésie depuis le XVIe siècle.
L’orthodoxie a réponse à tout et n’avoue pas une bataille perdue. […] Un résultat qui me semble maintenant acquis avec certitude, c’est que je ne reviendrai plus à l’orthodoxie en continuant à suivre la ligne que j’ai suivie, je veux dire l’examen rationnel et critique. jusqu’ici, j’espérais qu’après avoir parcouru le cercle du doute, je reviendrais au point de départ ; j’ai totalement perdu cette espérance ; le retour au catholicisme ne me semble plus possible que par un recul, en rompant net la ligne où je me suis engagé, en stigmatisant ma raison, en la déclarant une fois pour toutes nulle et sans valeur, en la condamnant au silence respectueux. […] Ai-je donc perdu toute espérance de revenir au catholicisme ?
Alors ne fut du désir, de l’aspiration, des joies et du malheur d’amour aucune fin ; monde, puissance, gloire, splendeur, honneur, chevalerie, fidélité, amitié, tout, comme un insubstantiel rêve, en poussière s’éparpilla ; seule une chose vivante encore, — le désir, le désir, l’inapaisable, l’éternellement réenfantée aspiration, le languissement et la soif ; une unique rédemption, — mourir, finir, se perdre, ne plus se réveiller ! […] Après les premières strophes, les instruments à vent reprennent, très doucement et d’un mouvement très ralenti, quelques traits de la vraie chanson du cordonnier, comme si l’homme détournait son regard de la besogne manuelle vers en haut, et se perdait en de douces gracieuses rêveries. […] Pour les mondes pécheurs Christ a agonisé, à cause qu’il avait la désirante pitié des Désirs… ô pitié du Seigneur, vois ton fils agonisant, palpitant, crucifié : il fut le Saint, et le Pur, et le Bon ; il chanta ton nom, lui qui pleure aujourd’hui ; agréable il te fut, ce réprouvé ; il fut ton garde, ton serviteur, ta force, ta splendeur, ta joie, lui qui presque blasphème, et qui se perd, l’affolé des sensuels souvenirs, et qui tournoie en la démence de sa chair, et se maudit, ne connaissant plus ta parole… ta divine parole sous l’effort des concupiscences se fait étrange, elle s’altère, elle se corrompt, voilà qu’elle se fait autre affreusement, et c’est des sons magiques : la prière à Dieu se tourne en suggestion d’enfer : rude, le sortilège ramène la mauvaise ; et elle est… Ô pensée toujours vive des délices coupables, inoubliable, inoubliable pensée !
Par un examen exact et une application opiniâtre qu’on n’aurait jamais attendue d’un homme d’épée, il se rendit compte de toutes les branches les plus minces et les plus éloignées de recettes et de dépenses ; il allait rechercher chaque nature de denier dans ses sources et origines, et, le suivant dans son cours, ne le perdait point de vue jusqu’à sa destination et son emploi. […] Il paraît avoir été surtout sensible au passé, à ce qui s’était perdu, selon lui, d’irréparable.
Mais le tissu habituel de ses lettres est plus uni et ne roule que sur de minces détails touchés avec complaisance et qui perdraient à être détachés ; une partie du charme est dans la suite même et dans l’effet de l’ensemble. […] La composition et la publication de son premier recueil n’avaient fait que le mettre en train et en verve ; il sentait que ce n’était qu’en écrivant, et en écrivant des vers, qu’il pouvait échapper complètement à sa mélancolie : Il y a, disait-il vers ce temps, il y a dans la peine et le travail poétique un plaisir que le poète seul connaît : les tours et les détours, les expédients et les inventions de toute sorte auxquels a recours l’esprit, à la poursuite des termes les plus propres, mais qui se cachent et qui ne se laissent point prendre aisément ; — savoir arrêter les fugitives images qui remplissent le miroir de l’âme, les retenir, les serrer de près, et les forcer de se fixer jusqu’à ce que le crayon en ait tiré dans toutes leurs parties une ressemblance fidèle ; alors disposer ses tableaux avec un tel art que chacun soit vu dans son jour le plus propice, et qu’il brille presque autant par la place qui lui est faite, que par le travail et le talent qu’il nous a coûtés : ce sont là des occupations d’un esprit de poète, si chères, si ravissantes pour sa pensée, et de nature à le distraire si adroitement des sujets de tristesse, que, perdu dans ses propres rêveries, heureux homme !
À cela et à ses vues encore vagues sur lui, mais qui allaient à le faire un jour ou ministre, ou ambassadeur, ou même premier président du Parlement, d’Argenson, sans trop résister, répondait toutefois en rappelant ce qui lui manquait : qu’il était honteux et timide au premier abord ; qu’il avait été mal élevé sur un point ; que son père, en portant ses préférences trop longtemps sur son cadet et en le méconnaissant hormis dans les deux dernières années de sa vie, l’avait découragé ou trop habitué à se renfermer en lui, et « avait par là engourdi son entrée dans le monde » ; qu’il était balourd au jeu, qu’il s’y ennuyait et ne savait qu’y perdre son argent, etc., etc. […] Par l’étude on ne connaît que les anciens et les mœurs bourgeoises, et dans la bonne compagnie on perd son temps, l’on écrit peu, et l’on pense encore moins.
Le jeune chevalier, pour le dire en passant, fit bientôt fausse route et perdit son avenir ; il s’amouracha d’une charmante et brillante folle, Mlle Navarre, fille d’un receveur des tailles à Soissons, aimée du maréchal de Saxe, et qui nous est connue par les Mémoires de Marmontel et par ceux de Grosley. […] , la perdit, quitta la France, et s’en alla chercher fortune en Allemagne à la petite cour de Baireuth, où il se remaria et devint chambellan et conseiller privé.
. — On s’y perdrait encore une fois à vouloir relever tous les à-peu-près et toutes les inexactitudes de cette partie des Souvenirs de M. […] À la longue et à force d’habiter l’Italie, il perdit un peu l’air de France et le fil des idées du temps ; à force de craindre la pédanterie, il en contracta une d’une espèce particulière : c’était de vouloir être plus vif que nature et de professer le naturel en des termes qui semblaient un peu cherchés.
Il rappela en commençant : « Qu’il y avait quarante ans que dans la même salle, dans le même lieu, et quasi à la même heure, il avait été émancipé du consentement de l’empereur Maximilien, son grand-père ; qu’il n’avait alors que quinze ans ; qu’en 1516 le roi catholique étant mort, il fut obligé de passer en Espagne l’année suivante ; qu’en 1519 il perdit l’empereur, son aïeul ; qu’alors il sollicita l’élection à l’Empire, non par ambition d’avoir plus de seigneuries, mais pour le bien de plusieurs de ses royaumes et pays, et principalement de ceux de par deçà ; que, depuis, il avait fait neuf voyages en Allemagne, six en Espagne, sept en Italie, dix aux Pays-Bas, quatre en France, deux en Angleterre, et deux en Afrique, sans compter ses visites en ses autres royaumes, pays et îles, lesquelles avaient été nombreuses, et son passage par la France en 1539, qui n’était pas la moindre de ses entreprises ; qu’il avait, dans ces divers voyages, traversé huit fois la Méditerranée et trois fois l’Océan… » Quarante années d’un semblable règne, de telles fatigues pour pourvoir à tout instant et subvenir à tant de royaumes et d’États disjoints, une santé détruite et dont le délabrement dans sa personne était visible à tous, justifiaient suffisamment une pensée de retraite depuis longtemps conçue, mais qu’il avait fallu ajourner jusqu’à ce que son fils eût atteint l’âge d’homme. […] Un ambassadeur vénitien écrivait peu après, en terminant une dépêche où il résumait tout le règne et le caractère de Charles-Quint : « Mais la fuite d’Inspruck, le mauvais succès de l’entreprise de Metz ont traversé le cours de cette gloire et sont venus remettre en mémoire les autres mauvais succès, comme ceux de Provence, d’Alger et de Castelnuovo ; la trêve désavantageuse conclue avec Sa Majesté très chrétienne, la renonciation aux États, le départ pour l’Espagne et l’entrée dans un monastère, tout cela lui a fait perdre presque toute sa réputation, je dis presque toute, parce qu’il lui en reste autant qu’il reste d’impulsion à une galère qui a été fortement poussée par les rames et le vent, et qui, l’un et l’autre cessant, fait pourtant encore un peu de chemin ; chacun concluant de là que c’est par le souffle favorable de la fortune qu’a été guidé l’immense navire des États, royaumes et pires de Sa Majesté. » Mais, patience !
Il avait un air prévenant ; sa voix était d’une étendue ; prodigieuse ; il prononçait fort vite, et cependant si distinctement qu’on ne perdait pas une seule de ses paroles. […] Cette disgrâce dut être pénible à un homme de Cour aussi ambitieux : il n’en répara que mieux ensuite le temps perdu.
Molière perdit sa mère à l’âge de dix ans (1632) ; elle n’avait que trente et un ans, était mariée depuis onze ans, et laissait trois fils et une fille en bas âge. […] Il avait acquis d’abord une expérience pratique du monde aussi complète que possible, et désormais aucun terrain, pas même celui de la Cour, ne serait si glissant qu’il y perdît l’équilibre.
Elle croit tout perdu pour une légère faveur ; il la raille de ses tourments, de ses petits malheurs dans le bonheur : « Vous êtes adorable, enfant ! […] Il perd ses raisons à la réfuter ; il en a pourtant de bien naturelles et d’insinuantes, où il entre du cœur et de l’esprit : « Ce sont là des paradoxes, ne cesse-t-il de lui répéter à propos de ces grands axiomes de tristesse ; je ne crois pas au triste.
Seul des anciens amis d’Herman, il a été l’un des témoins de son mariage, et il ne l’a pas perdu de vue depuis. […] C’est beaucoup, à qui a perdu comme Noirmont boussole et gouvernail, d’avoir gardé une dernière ancre de sûreté, — sincérité et franchise.
Érostrate vit pour avoir détruit le temple de Delphes, et celui-là qui l’a bâti est presque perdu. […] Oui, il était attentif à tout, même dans la conversation ; oui, quand une pensée, une expression heureuse, délicate ou vive, passait devant lui ou lui venait à l’esprit, il était empressé à la recueillir : toujours inquiet du mieux et de l’excellent, il l’amassait goutte à goutte et n’en laissait volontairement distraire aucune parcelle ; il s’y consumait, il se relevait la nuit quand il le fallait, et, comme il ne pouvait se servir seul, il faisait relever son monde, même en hiver, pour écrire une pensée qu’il craignait de perdre, et qui lui aurait échappé au réveil ; car plus d’une de nos pensées, et des meilleures, sont souvent noyées et englouties à jamais entre deux sommeils, comme les Égyptiens dans la mer Rouge.
Une première cause qu’il perdit l’aurait dégoûté de la profession d’avocat et rejeté du côté des armes. […] Us se sont regardés comme des hommes perdus et déshonorés, s’ils paraissaient si promptement consentir à une entière dépouille de leur maître.
Jasmin peut se permettre, avec sa qualité, avec sa profession, bien des libertés et des familiarités railleuses ; il peut ne s’épargner aucun des bons mots qui naissent du sujet ; il dira que le peigne et la plume vont très-bien ensemble, et que tous deux font un travail de tête ; il dira à ses confrères poëtes qu’il les défie, et qu’il est bien sûr, après tout, de leur faire la barbe d’une façon ou d’une autre ; il ajoutera qu’il n’est pas moins sûr de ne jamais perdre son papier, et que, si ses vers sont mauvais,… eh bien, il en fait des papillotes. […] Qu’il ne le perde point de vue ; et puisse-t-il arriver à vieillir, suivant ses souhaits, dans sa ville natale, poëte toujours aimable, mais de plus en plus sérieux, touchant et honoré !
Chénier a eu d’abord et il n’a pas du tout perdu une qualité que les Grecs prisaient fort et qu’ils ne cessent d’exprimer, de varier, d’appliquer à toutes choses, je veux dire la jeunesse, la fraîcheur et la fleur, le èáëåñüí, si l’on me permet de l’appeler par son nom, le novitas florida de Lucrèce. […] Pourquoi le parfum du moins de ce butin perdu ne revivrait-il pour la France en mes vers ?
Par exemple, pour une pièce perdue de Hardy, le décorateur de la comédie note ainsi la mise en scène : « Il faut au milieu du théâtre un beau palais, et à un des côtés une mer où paraît un vaisseau garni de mâts, où paraît une femme qui se jette dans la mer, et à l’autre côté une belle chambre qui s’ouvre et ferme, où il y ait un lit bien parc avec des draps309 ». […] Ces règles donc, qui sont devenues cause de tant d’invraisemblances dans la décadence du théâtre classique, se sont imposées comme condition nécessaire de la vraisemblance : on en méconnaîtrait le caractère si l’on perdait de vue un seul moment à quel état de la mise en scène elles se rapportent.
Surtout, lorsqu’il eut perdu en 1843 sa fille et son gendre, nouveau-mariés, qui se noyèrent à Villequier, il dit son désespoir, ses souvenirs douloureux, ses appels au Dieu juste, au Dieu bon en qui il crut toujours, dans un livre des Contemplations 871, où la perfection du travail artistique n’enlève rien à la sincérité poignante du sentiment. […] Un appel de chasseurs perdu dans les grands bois.