Le cœur enamouré du poète est mort. […] Tous les hommes sont morts et peuplent un immense navire. […] Les morts se dressent épouvantés. […] Il enterre ses morts. […] Pleine d’un glorieux passé, receleuse de nos morts et de nos traditions continuées, elle nous fait vivre et nous charme.
Et si proche du terme votre illustre inconstance est-elle encore si ferme, que ce reste de feu que j’avois crû si fort puisse dans quatre jours se promettre ma mort ? […] puisse dans quatre jours se promettre ma mort ? […] La seconde que trois avis de mort auroient été très-ennuyeux, et qu’il falloit trouver le moyen d’en exprimer deux d’une maniere nouvelle. […] Le premier que la rivalité sembleroit intéresser à la mort du prince, prend sa défense avec chaleur, et ne conçoit pas même qu’on puisse hésiter à lui faire grace. […] Un instant va décider de mon innocence ou de ma perfidie ; et ma mort va vous venger d’un traître, ou les dieux vont vous rendre un fils digne de vous.
L’amour semble infini en ce temps ; il joue avec la mort, c’est qu’il fait toute la vie ; hors de la vie supérieure et délicieuse qu’il enfante, il semble qu’il n’y ait plus rien. […] La femme lui dit que son enfant est mort il y a quinze jours. […] Le régime scolastique a érigé en reine la lettre morte et peuplé le monde d’esprits morts. […] Né entre 1328 et 1345, mort en 1400. […] Mort en 1529, lauréat en 1489.
— Ils en avaient un, mais il est mort. […] J’allai le voir peu de temps avant sa mort ; il pouvait à peine marcher. […] Lorsque je serai mort, ils le sauront bien. […] Votre ami est mort en pleine connaissance ; je vous dirai même qu’il est mort avec une sorte d’indifférence, sans donner le moindre signe d’attendrissement, même lorsque moi et toute ma famille nous lui fîmes nos adieux. […] Lorsque Iakof se découvrit la figure, il était pâle comme un mort, et ses yeux étaient presque entièrement fermés.
Paul Alexis écrivit un jour que le naturalisme n’était pas mort… vraiment ce n’était pas sa faute. […] Zola nous a confié quelque part qu’il fallait considérer ses romans dans le genre du Ventre de Paris comme d’énormes « natures mortes ». […] La naissance et la mort, l’amour et le travail constituent dans ces romans les seules péripéties. […] Il sait que la mort est une renaissance. […] La vie née sans fin de la mort.
Dans le poëme d’Éloa, cette vierge-archange est née d’une larme que Jésus a versée sur Lazare mort, larme recueillie par l’urne de diamant des séraphins et portée aux pieds de l’Éternel, dont un regard y fait éclore la forme blanche et grandissante. […] (M. de Vigny est mort le 17 septembre 1863.) […] « Il ne faut disséquer que les morts : cette manière de chercher à ouvrir le cerveau d’un vivant est fausse et mauvaise. […] la bonne chose que d’être mort de cette manière ! […] Tout cela est en vérité de bien bon augure pour ces pauvres Poëmes ressuscités d’entre les morts.
Ce petit volume original, dans sa primitive ordonnance qui s’est plus tard rompue, offrant ses trois cent quinze pensées si brèves, encadrées entre les considérations générales sur l’amour-propre au début et les réflexions sur le mépris de la mort à la fin, me figure encore mieux que les éditions suivantes un tout harmonieux, où chaque détail espacé arrêta le regard. […] Dans la lettre si connue où elle raconte l’effet de cette mort sur Mme de Longueville, Mme de Sévigné ajoute aussitôt : « Il y a un homme dans le monde qui n’est guère moins touché ; j’ai dans la tête que s’ils s’étoient rencontrés tous deux dans ces premiers moments, et qu’il n’y eût eu personne avec eux, tous les autres sentiments auroient fait place à des cris et à des larmes que l’on auroit redoublés de bon cœur : c’est une vision. » Jamais mort, au dire de tous les contemporains, n’a peut-être tant fait verser de larmes et de belles larmes que celle-là. […] Même comme écrivain, quand il dit : « Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement. » 135. […] Celui-ci était mort dès 1662 ; mais la mise en ordre et la publication de ses Pensées furent retardées par suite des querelles jansénistes jusqu’à l’époque dite de la paix de l’Église (1669). […] Dans l’ode sérieuse qu’elle lui adresse, Mme Des Houlières, lui parlant de la mort en des termes virils, avait dit : Oui, soyez alors plus ferme Que ces vulgaires humains Qui près de leur dernier terme De vaines terreurs sont pleins.
La séparation même ne dura pas jusqu’à la mort ; le baron de Staël revint, après la révolution française, mourir entre les soins de sa femme et les respects de ses enfants. […] « Pendant le procès du roi, chaque jour abreuvait sa famille d’une nouvelle amertume ; il est sorti deux fois avant la dernière, et la reine, retenue captive, ne pouvant parvenir à savoir ni la disposition des esprits ni celle de l’assemblée, lui dit trois fois adieu dans les angoisses de la mort ; enfin le jour sans espérance arriva. Celui que les liens du malheur lui rendaient encore plus cher, le protecteur, le garant de son sort et de celui de ses enfants, cet homme, dont le courage et la bonté semblaient avoir doublé de force et de charme à l’approche de la mort, dit à son épouse, à sa céleste sœur, à ses enfants, un éternel adieu ; cette malheureuse famille voulut s’attacher à ses pas, leurs cris furent entendus des voisins de leur demeure, et ce fut le père, l’époux infortuné qui se contraignit à les repousser. […] Depuis l’affreuse époque de la mort du roi, la reine a donné, s’il était possible, de nouvelles preuves d’amour à ses enfants. […] Les grandes voix de 89 et les grandes voix de la Gironde, Mirabeau, Barnave, madame Rolland, Vergniaud, André Chénier, s’étaient éteintes dans la mort naturelle ou dans la mort violente.
Le volume est élégant, mignon, dandy, parfaitement digne d’être acheté par les princes de la Bohême, s’ils payaient jamais quelque chose, et s’il y avait encore des princes dans la Bohême, qui, depuis la mort de Balzac, l’incomparable historien, a perdu son ancienne aristocratie. […] Ce fut vingt ans après la mort de Milton qu’un matin Addison découvrit que le Paradis perdu pourrait bien être un poème de talent et un honneur pour l’Angleterre. […] Il se grandit pour faire plus de place à la mort qui vient. Avec un geste de triomphe, il montre le ciel où il va monter par la mort et l’amour, et c’est ainsi que les paroles du conteur sont magnifiquement accomplies : « Au veu du geste et de la face brillante de cet homme de couraige, la connestable feut férue en plein dans le cueur. » C’est aussi dans ce Conte, où l’accent de Shakespeare alterne avec celui de Rabelais, que, sur les paroles du conteur, « l’espée des marys est un beau trespas de guallanterie, s’il y a de beaulx trespas », Doré en invente un de ce fantastique corporel qui est l’outrance d’une réalité gigantesque. […] Quand Dutacq vivait, — Dutacq, l’ami de Balzac pendant toute sa vie, et qui est mort sans avoir pu réaliser le projet, galvaudé par d’autres depuis sa mort, d’éditer, comme on éditait au xvie siècle, toutes les pensées de Balzac, lesquelles, réunies dans un foyer commun, auraient envoyé un tel jet de son génie sur son génie que l’aspect en eût été peut-être changé, sous cette lumière inattendue, — Dutacq chercha comme il savait chercher, cet investigateur unique, cette activité merveilleuse, qui n’était pas seulement un homme actif, mais l’activité doublée, triplée alors par le fanatisme de l’admiration et de l’amitié.
Une place à l’Académie française étant venue à vaquer par la mort de Barbier d’Aucour, simple avocat et littérateur (septembre 1694), le roi témoigna qu’on lui ferait plaisir d’élire M. de Noyon. […] Le chancelier Séguier, qui après la mort du grand cardinal avait donné asile dans son hôtel à l’Académie errante, était célébré comme l’hôte des « anges visibles de la science ». […] L’aimable abbé n’obtint d’évêché qu’après la mort du monarque. […] On y suppose que l’Académie française, en apprenant la mort du célèbre poète latin, manifesta son deuil et ses regrets, et cela devient une occasion de tracer un léger crayon de chaque académicien.
A peine le prince de Condé se fut aperçu de l’absence de son fils et de celle du duc de Longueville, qu’oubliant pour ainsi dire, si l’on ose parler ainsi du plus grand homme du monde, son caractère de général, et s’abandonnant tout entier aux mouvements du sang et de l’amitié tendre qu’il portait à son fils et à son neveu, accourut ou pour les empêcher de s’engager légèrement, ou pour les retirer du mauvais pas où leur courage et leur peu d’expérience auraient pu les embarquer ; il les trouva avec tous les volontaires aux mains avec les ennemis, qui, se voyant pressés et profitant du terrain qui leur était favorable, avaient tourné brusquement… « Cette action fut fort vive et fort glorieuse ; mais la blessure du prince de Condé au poignet, la mort du duc de Longueville et les blessures des ducs de La Rochefoucauld, de Coislin et de Vivonne, du jeune La Salle, de Brouilly, aide-major de mes gardes du corps, etc., et de plusieurs autres gens de qualité, en diminuèrent fort le prix et me donnèrent une grande mortification, particulièrement la blessure de M. le Prince, tant à cause de sa naissance et de son mérite singulier que de la faiblesse de son tempérament, exténué par la goutte, que j’appréhendais ne pouvoir pas résister à la violence du mal. […] Il est mort comme il avait vécu, en vue de tous et en toute lumière, conservant jusqu’à la fin sa noblesse de sentiments, sa droiture d’esprit, sa langue parfaite et royale. Un Récit authentique de ses derniers instants, écrit par un témoin et assez récemment publié, nous le montre procédant et agissant sur son lit de mort « avec une manière naturelle et simple, comme dans les actions, est-il dit, qu’il avait le plus accoutumé de faire ; ne parlant à chacun que des choses dont il convenait de lui parler, et avec une éloquence juste et précise qu’il a eue toute sa vie et qui semble s’être encore augmentée dans ses derniers moments. […] Un jugement définitif ne sera possible sur lui (s’il l’est jamais) qu’après sa pleine et entière carrière, si brusquement rompue par la mort.
Le poète compare Cromwell encore modeste, selon lui, et fier seulement d’obéir à la République et aux Communes, au généreux oiseau de proie, docile au chasseur, et qui n’ensanglante les airs que pour lui : « Ainsi, quand le faucon s’abat pesamment des hauteurs du ciel, une fois sa proie mise à mort, il ne pense plus qu’à percher sur la branche verte voisine où, au premier appel, le fauconnier est sûr de le trouver. » Ainsi la République est sûre de son Cromwell. — Rapprochez cette ode du généreux et fervent sonnet que Milton adressait à Cromwell vers le même temps : « Cromwell, notre chef d’hommes, qui, à travers un nuage non seulement de guerre, mais de détractions violentes et de calomnies, guidé par la foi et par une fortitude incomparable, as enfoncé ton glorieux sillon vers la paix et la vérité ! […] Exposé à bien des périls dans son enfance et plus d’une fois en danger de mort par accident ou par suite de sa fragilité de complexion et de nature, on a conservé des preuves touchantes de sa tendre et durable reconnaissance pour ceux qui lui avaient porté intérêt ou qui avaient contribué à le sauver. […] Quelques faits qu’on a essayé de produire après sa mort, pour le noircir, ont été depuis expliqués à son honneur : l’ensemble de son œuvre parle pour lui. […] Un jour que Jules Sandeau revenait de son pays natal où il avait assisté à une perte cruelle, à la mort d’une sœur, Balzac le revoyant et après les premières questions sur sa famille, lui dit tout à coup comme en se ravisant : « Allons, assez de raisonnement comme cela, revenons aux choses sérieuses. » Il s’agissait de se remettre au travail et, je le crois, au Père Goriot.
I La Correspondance régulière du maréchal de Noailles avec Louis XV commence à un moment décisif, au moment de la mort du cardinal de Fleury ou même quelques mois auparavant. […] Le cardinal mort, le roi allait-il enfin régner ? […] Au lieu de cela, il répondit au maréchal avec des paroles d’honnête condoléance pour son échec qualifié simplement de victoire manquée, avec des félicitations pour la valeur des jeunes seigneurs et des officiers, et par des regrets au sujet des morts ; puis il ajoutait : « Je ne suis pas moins fâché que vous de ce que vous me dites de ma Maison, et surtout de celle à cheval ; trop de complaisance doit en être la seule cause ; tenons-nous-le pour dit pour l’avenir. […] D’ailleurs, la maladie arrive ; Louis XV est à deux doigts de la mort.
Si l’on nous faisait tant de singeries, nous aurions tous peur de la mort. Il y a longtemps que l’on dit que les prêtres et les médecins rendent la mort douloureuse. […] » — Et ici le duc pouvait songer confusément la mort du duc d’Enghien. — « Je crois, monseigneur, que le moment est venu… » — « Monsieur, je vais expédier un courrier à Sa Majesté l’Empereur pour le consulter à cet égard. » — J’avais manqué le but. […] C’est lui qui m’a fait connaître l’endroit où il était, et, après m’avoir conseillé sa mort, il en a gémi avec toutes ses connaissances (l’empereur se remet à marcher, et, d’un ton calme, après un moment de silence)… Je ne lui ferai aucun mal ; je lui conserve ses places ; j’ai même pour lui les sentiments que j’ai eus autrefois ; mais je lui ai retiré le droit d’entrer à toute heure dans mon cabinet.
On y peut remarquer une sorte de transition à sa seconde manière ; il cherche à s’y rapprocher de plus près de la nature, à prendre son point de départ dans la réalité : ainsi, dans le Miracle, il s’inspira de la vue d’un enfant mort, qu’il avait vu entouré de cierges et paré de ses beaux habits, au moment où un jeune frère, dans sa naïve ignorance, s’approchait du mort en lui offrant un jouet. […] Et ici, Messieurs, sans embarras, sans discussion, et sachant devant qui j’ai l’honneur de m’exprimer, je rendrai toute ma pensée, ce qui est un hommage encore à l’illustre mort, au sincère et pur écrivain que nous célébrons. […] Dès que le bruit du danger et, sitôt après de la mort de Casimir Delavigne se répandit, cette renommée établie, paisible, dont il jouissait sans contestation, se réveilla dans un grand cri : on se demanda s’il était possible que celui dont on se croyait si en possession, qu’on venait d’applaudir la veille et qui florissait dans la maturité des années, fût déjà ravi.
Une jeune fille qui sort pour la première fois du couvent où elle a passé toute son enfance ; un beau lord élégant et sentimental, comme il s’en trouvait vers 1780 à Paris, qui la rencontre dans un léger embarras et lui apparaît d’abord comme un sauveur ; un très-vieux mari, bon, sensible, paternel, jamais ridicule, qui n’épouse la jeune tille que pour l’affranchir d’une mère égoïste et lui assurer fortune et avenir ; tous les événements les plus simples de chaque jour entre ces trois êtres qui, par un concours naturel de circonstances, ne vont plus se séparer jusqu’à la mort du vieillard ; des scènes de parc, de jardin, des promenades sur l’eau, des causeries autour d’un fauteuil ; des retours au couvent et des visites aux anciennes compagnes ; un babil innocent, varié, railleur ou tendre, traversé d’éclairs passionnés ; la bienfaisance se mêlant, comme pour le bénir, aux progrès de l’amour ; puis, de peur de trop d’uniformes douceurs, le monde au fond, saisi de profil, les ridicules ou les noirceurs indiqués, plus d’un original ou d’un sot marqué d’un trait divertissant au passage ; la vie réelle, en un mot, embrassée dans un cercle de choix ; une passion croissante qui se dérobe, comme ces eaux de Neuilly, sous des rideaux de verdure, et se replie en délicieuses lenteurs ; des orages passagers, sans ravages, semblables à des pluies d’avril ; la plus difficile des situations honnêtes menée à fin jusque dans ses moindres alternatives, avec une aisance qui ne penche jamais vers l’abandon, avec une noblesse de ton qui ne force jamais la nature, avec une mesure indulgente pour tout ce qui n’est pas indélicat : tels sont les mérites principaux d’un livre où pas un mot ne rompt l’harmonie. […] Robespierre mort, Mme de Flahaut partit d’Angleterre avec son fils, et vint en Suisse, espérant déjà rentrer en France ; mais les obstacles n’étaient pas levés18. […] Mme de Souza a voulu peindre, par la liaison du vieux M. d’Entrague et de Mme de Nançay, ces amitiés d’autrefois, qui subsistaient cinquante ans, jusqu’à la mort. […] (Janin) a été induit en erreur, ce mot fut attribué à un homme de lettres ; mais, quoiqu’il soit mort depuis longtemps, je ne me permettrai pas de le nommer.
La baronne M…, veuve d’un chef d’escadron mort en 1815 de chagrin et de fatigue après les désastres des Cent-Jours, était Allemande de naissance. […] A la mort de M. […] Un jour, y considérant avec surprise une tête de mort et deux os en croix, elle se dit : Est-ce sérieux, n’est-ce qu’un jeu ? […] Ici, c’est près du jeune homme qu’une belle jeune fille est messagère ; élégante, légère, demi-penchée, émue et alarmée, lisant, depuis des mois, la mort ou la vie dans son regard, et il ne l’a pas vue !
Hugo écrit : Vos régiments, pareils à l’hydre qui serpente, Vos Austerlitz tonnants, vos Lutzen, vos Lépante, Vos Iena sonnant du clairon, Vos camps pleins de tambours que la mort pâle éveille Passent pendant qu’il (Dieu) songe, et font à son oreille Le même bruit qu’un moucheron ; l’esprit, n’ayant besoin d’aucun effort pour ramener l’idée du mot propre, les batailles et les victoires, n’ayant même pas à repasser par ce mot propre, s’abandonne tout entier à l’impression de la figure, et l’imagination voit défiler toutes les scènes terribles ou glorieuses que ces grands noms font surgir de la mémoire. […] Étudiez l’incomparable style de Bossuet ; prenez le Sermon sur la mort, et tous ces conseils s’éclairciront ; vous y verrez la métaphore brusque ou préparée, suivie ou abandonnée, plongée au milieu des termes propres ou de métaphores dissemblables, lâchée dès qu’elle ne serait plus qu’une curiosité ou un obstacle, avec une souplesse et une fortune merveilleuses, sans autre règle apparente que l’universelle et l’infaillible règle de donner à la pensée l’expression adéquate, transparente, qui n’y ajoute rien et n’en retranche rien : Multipliez vos jours, comme les cerfs que la fable ou l’histoire de la nature fait vivre durant tant de siècles ; durez autant que ces grands chênes sous lesquels nos ancêtres se sont reposés et qui donneront encore de l’ombre à notre postérité ; entassez, dans cet espace qui paraît immense, honneurs, richesse, plaisir : que vous profitera cet amas, puisque le dernier souffle de la mort, tout faible, tout languissant, abattra tout à coup cette vaine pompe, avec la même facilité qu’un château de cartes, vain amusement des enfants ? […] Tout nous appelle à la mort ; la nature, comme si elle était presque envieuse du bien qu’elle nous a fait, nous déclare souvent et nous fait signifier qu’elle ne peut pas nous laisser longtemps ce peu de matière qu’elle nous prête, qui ne doit pas demeurer dans les mêmes mains, et qui doit être éternellement dans le commerce ; elle en a besoin pour d’autres formes, elle la redemande pour d’autres ouvrages.
« Si j’étais encore maître de ces Mémoires, écrit-il dans la préface, ou je les garderais en manuscrit, ou j’en retarderais l’apparition de cinquante années. » En se mettant, en effet, dans l’obligation de laisser publier, le lendemain de sa mort, des Mémoires où tant d’hommes vivants sont jugés, et le sont en général sans aucune indulgence, tandis qu’il se donne toujours à lui-même le beau rôle, M. de Chateaubriand s’est exposé à des représailles sévères. […] Les hommes de lettres, en général, n’y sont pas mieux traités que les hommes politiques ne le sont dans la seconde partie, mais au moins ceux-là sont morts, et il ne resterait qu’à examiner si la sentence est juste. […] « Religion à part, dit M. de Chateaubriand (en un endroit où il parle de l’ivresse et de la folie), le bonheur est de s’ignorer et d’arriver à la mort sans avoir senti la vie. » Le plus souvent en effet, si l’on retranche cette parenthèse de religion qui est là comme pour la forme, on retrouve en M. de Chateaubriand tantôt une imagination sombre et sinistre comme celle d’Hamlet, et qui porte le doute, la désolation autour d’elle, tantôt une imagination épicurienne et toute grecque, qui se complaît aux plus voluptueux tableaux, et qui ira, en vieillissant, jusqu’à mêler les images de Taglioni avec les austérités de Rancé. À un endroit, parlant de la mort de La Harpe qui, malgré ses défauts bien connus, se convertit avant l’heure suprême, il lui est échappé de dire : « Il n’a pas manqué sa fin, je le vis mourir chrétien courageux. » C’est ainsi qu’il aurait dit de l’auteur dramatique : « Il n’a pas manqué son cinquième acte. » De tels mots, lâchés par mégarde, donnent fort à penser.
Tout ce que l’on peut et ce que l’on doit envers une grande renommée contemporaine au moment où la mort la saisit, c’est d’indiquer en quelques traits bien marqués les mérites, les habiletés diverses, les séductions délicates et puissantes par où elle a charmé son époque et y a conquis l’influence. […] Charles de Bernard, mort depuis peu, manquait de ce mobile ; il doutait de tout avec ironie et avec goût, et son œuvre si distinguée s’en est ressentie. […] » Ne forçons point les natures, et, puisque la mort a fermé la carrière, acceptons, du talent qui n’est plus, l’héritage opulent et complexe qu’il nous a légué. […] Il est mort d’une maladie de cœur, comme meurent aujourd’hui tant d’hommes parmi ceux qui ont trop ardemment labouré la vie.
Nous serons encore à Sceaux cette fois : Florian y habitait volontiers ; il y est mort et il y repose. […] Il eut, malgré tout, la bonté d’y consentir, et l’article ne fut imprimé qu’après la mort de Florian, dans Le Spectateur du Nord, qui paraissait à Hambourg (mars 1797). […] Il se présenta lui-même comme porté jusque dans le sanctuaire académique par les amis de Voltaire : « Ainsi quelquefois de vaillants capitaines élèvent aux honneurs un jeune soldat, parce qu’ils l’ont vu servir enfant sous les tentes de leur général. » En même temps il rendait un public hommage à Gessner, mort depuis peu, et qu’il proclamait son maître et son ami. […] Or, dans la première quinzaine de septembre 1793, le château privilégié réunissait encore, au sein de sa douce et fraîche vallée, une vingtaine de personnes de tout âge, hommes, femmes, tous plus ou moins menacés, et qui, au milieu de ces idées de ruine, de prison et de mort même, dont chacun était environné alors, tâchaient d’oublier l’orage et de jouir ensemble des derniers beaux jours.
L’état de Louis XIV au lit de mort, et qui n’avait plus que quelques jours à vivre, rendait cet héroïsme un peu moins compromettant. […] Son père avait débuté par la magistrature, par une charge de conseiller au parlement de Metz ; mais la mort d’un frère aîné ayant laissé vacante une charge de maître des requêtes, M. d’Aguesseau en demanda l’agrément, et l’obtint à l’âge de vingt-trois ou vingt-quatre ans. […] Il avait, à titre de chancelier, la haute main sur la Librairie, et sur la littérature qui aspirait à se produire régulièrement ; cette direction, dépendante de sa charge, lui demeura jusqu’en novembre 1750, peu de mois avant sa mort. […] Et ce même chancelier pourtant, séduit par le plan que lui déroula Diderot, et par le pur amour des sciences, accorda en dernier lieu le privilège de l’Encyclopédie, dont les premiers volumes ne parurent, il est vrai, qu’après sa mort.
Et d’abord, à travers ces guerres à mort et ces révolutions littéraires, qui semblaient ne vouloir rien laisser d’intact dans les traditions du passé, tous les anciens genres se poursuivent et trouvent encore des disciples et des continuateurs persistants. […] Ces deux petits tableaux, Le Chevreuil et La Mort du bouvreuil, qui n’ont chacun que trente vers, brillent dans ce volume et s’en détachent ; ce sont comme deux vignettes en miniature au bas d’une page de Buffon63. Je voudrais pourtant donner quelque idée au lecteur ami des lettres, et que les préventions d’école n’aveuglent point, des richesses et des ressources que la poésie moderne recèle ; car on la calomnie souvent, et il y a des critiques instruits qui s’empressent de déclarer, à chaque rencontre, l’école moderne morte, et qui, de plus, ont l’air d’en triompher, comme si c’était le cas du proverbe : Tant plus de morts, tant moins d’ennemis. […] [NdA] J’ai exprimé dans les pages qui précèdent mon dernier sentiment sur le poète distingué dont la veine ne s’est pas renouvelée depuis. — Brizeux, parti de Paris malade, est arrivé à Montpellier le 16 avril 1858, et y est mort le 3 mai.
Ainsi la mort de Mme de Montespan, par un singulier effet, et comme si l’on eût voulu réparer le passé, devient pour d’Antin le signal inespéré de la faveur. […] À la mort de Mansart, surintendant des Bâtiments, il demande au roi sa place, « sur le pied, dit-il, de m’être toujours mêlé de jardinage et d’avoir un peu de goût pour les maisons ». […] D’Antin y insiste ; il ne perd aucune occasion de se représenter dans les vicissitudes de ces années (1712-1715) la misère des espérances mortelles ; la chute de Mme des Ursins lui rafraîchit cette amère leçon : « Je regarde comme une gorge-chaude, dit-il avec plus d’énergie qu’à lui n’appartient, toutes les occasions où je peux me convaincre de la légèreté et de la bizarrerie de la fortune. » Quand le chancelier, M. de Pontchartrain, se retire et va méditer sur une vie meilleure, il y voit un bel exemple et qu’il voudrait avoir le courage d’imiter : « Heureux ces prédestinés, s’écrie-t-il, qui savent se couper dans le vif et mettre une distance raisonnable entre la vie et la mort ! […] C’était lui qui avait dit de d’Antin ce mot décisif : « Voilà comme un vrai courtisan doit être, sans humeur et sans honneur. » Il semblait que d’Antin eût fait son temps, et il se disposait à pratiquer enfin sa morale de retraite : Je voyais, dit-il (dans les huit jours qui précédèrent la mort du roi), je voyais tout le monde courre au soleil levant ; les gens attachés de longue main à M. le duc d’Orléans épanouissaient leur visage.
Cet ouvrage, conçu dès la jeunesse du président, et qui ne parut que l’année même de sa mort (trois volumes in-4º, 1777), fut l’œuvre savante à laquelle il revint toujours à travers ses digressions nombreuses. […] Là-dessus il m’arrêta en me disant que César entendait mieux le dénouement que Molière ; qu’il avait eu l’esprit de se faire tuer au moment du comble de sa gloire, dans le temps qu’il allait peut-être la risquer contre les Parthes, et qu’il était mort la montre à la main. […] C’est que Molière, lui aussi, est mort la montre à la main, au comble de sa gloire et sans déclin, après Le Misanthrope, le Tartuffe et Les Femmes savantes. […] Je n’essaierai pas d’en donner une complète idée : entre autres projets, par exemple, il avait celui d’une histoire des temps incertains et fabuleux jusqu’au règne de Cyrus : « Car, vous savez, disait-il en riant, que je traite tous les siècles postérieurs de petits jeunes gens. » L’histoire du président de Brosses comme magistrat, comme érudit, durant les trente-sept années qui s’écoulèrent depuis son retour d’Italie jusqu’à sa mort, est tout entière dans l’ouvrage de M.
Un jour, trois mois après cette mort, le capitaine Bourdeilles passant à Pau, et étant allé saluer la reine de Navarre comme elle revenait de vêpres, reçut d’elle un excellent accueil, et, de propos en propos, tout en se promenant, la princesse l’emmena doucement dans l’église, du côté où était la tombe de cette dame qu’il avait aimée : Mon cousin, lui dit-elle, ne sentez-vous rien mouvoir sous vous et sous vos pieds ? — Non, madame, répondit-il. — Mais songez-y bien, mon cousin, lui répliqua-t-elle. — Madame, j’y ai bien songé, mais je ne sens rien mouvoir, car je marche sur une pierre bien ferme. — Or je vous advise, dit alors la reine sans le tenir plus en suspens, que vous êtes sur la tombe et le corps de la pauvre Mlle de La Roche, qui est ici dessous vous enterrée, que vous avez tant aimée, et, puisque les âmes ont du sentiment après notre mort, il ne faut pas douter que cette honnête créature, morte de frais, ne se soit émue aussitôt que vous avez été sur elle ; et, si vous ne l’avez senti à cause de l’épaisseur de la tombe, ne faut douter qu’en soi ne se soit émue et ressentie ; et, d’autant que c’est un pieux office d’avoir souvenance des trépassés, et même de ceux que l’on a aimés, je vous prie lui donner un Pater noster et un Ave Maria, et un De profundis, et l’arroser d’eau bénite ; et vous acquerrez le nom de très fidèle amant et d’un bon chrétien. Elle le laissa donc et partit, pour qu’il pût accomplir en tout recueillement ces pieuses cérémonies dues aux morts. […] La mort l’empêcha de les terminer : au lieu de sept journées qu’on a, elle en voulait réellement faire dix à l’exemple de Boccace ; elle voulait donner non un Heptaméron, mais bien un Décaméron français.
Quand, par exemple, je songe à un ami que j’ai perdu, l’image de la personne aimée se trouve subir l’action de deux séries de représentations en sens contraire, les unes tendant à la favoriser, comme le souvenir de ses qualités et de ses bienfaits, les autres à la refouler, comme le souvenir de sa mort ; il en résulte un rapport de tension et de lutte, qui est la peine. […] Si la mort d’un ami m’afflige, ce n’est pas parce qu’il y a conflit entre l’idée de ses bienfaits, qui tend à faire subsister son image dans la conscience, et l’idée de sa mort, qui tend à la refouler ; c’est parce qu’il y a conflit de mes inclinations, désirs, habitudes et affections avec la réalité brutale qui les prive de leur objet. […] Dès lors, c’est un je ne sais quoi d’inerte, d’indifférent, de mort, qui reçoit toute faite du dehors la jouissance ou la souffrance sans y être pour rien lui-même par son action.
Il le voudrait voir, ses cinq classes assemblées, discuter idéalement toutes les questions repoussées par la Chambre… ainsi la peine de mort. […] Aujourd’hui j’ai un saisissement, en tombant sur la nouvelle de la mort de ce pauvre garçon. […] Dimanche 2 novembre Cette lumière implacablement blanche de la lune, dans ces premières nuits de novembre, dans cette nuit du jour des Morts, est vraiment spectrale. […] En sortant, je le croise sous la porte cochère, et il me jette : « Condamné à mort à l’unanimité !
C’est à peu près comme si l’on disait : Il n’y a plus de roses, le printemps a rendu l’âme, le soleil a perdu l’habitude de se lever, parcourez tous les prés de la terre, vous n’y trouverez pas un papillon, il n’y a plus de clair de lune et le rossignol ne chante plus, le lion ne rugit plus, l’aigle ne plane plus, les Alpes et les Pyrénées s’en sont allées, il n’y a plus de belles jeunes filles et de beaux jeunes hommes, personne ne songe plus aux tombes, la mère n’aime plus son enfant, le ciel est éteint, le cœur humain est mort. […] Elle ne dépend d’aucun des perfectionnements de l’avenir, d’aucune transformation de langue, d’aucune mort ou d’aucune naissance d’idiome. […] On étonnerait fort Solon, fils d’Exécestidas, Zenon le Stoïcien, Antipater, Eudoxe, Lysis de Tarente, Cébès, Ménédème, Platon, Épicure, Aristote et Epiménide, si l’on disait à Solon que Ce n’est pas la lune qui règle l’année ; à Zenon, qu’il n’est point prouvé que l’âme soit divisée en huit parties ; à Antipater, que le ciel n’est point formé de cinq cercles ; à Eudoxe, qu’il n’est pas certain qu’entre les Égyptiens embaumant les morts, les Romains les brûlant et les Pæoniens les jetant dans les étangs, ce soient les Pæoniens qui aient raison ; à Lysis de Tarente, qu’il n’est pas exact que la vue soit une vapeur chaude ; à Cébès, qu’il est faux que le principe des éléments soit le triangle oblong et le triangle isocèle ; à Ménédème, qu’il n’est point vrai que, pour connaître les mauvaises intentions secrètes des hommes, il suffise d’avoir sur la tête un chapeau arcadien portant les douze signes du zodiaque ; à Platon, que l’eau de mer ne guérit pas toutes les maladies ; à Épicure, que la matière est divisible à l’infini ; à Aristote, que le cinquième élément n’a pas de mouvement orbiculaire, par la raison qu’il n’y a pas de cinquième élément ; à Epiménide, qu’on ne détruit pas infailliblement la peste en laissant des brebis noires et blanches aller à l’aventure, et en sacrifiant aux dieux inconnus cachés dans les endroits où elles s’arrêtent. […] Un homme, un mort, une ombre, du fond du passé, à travers les siècles, vous saisit.
Ces sçavantes reliques sont passées à sa mort entre les mains du marquis Massimi, et l’on en voit les estampes dans le livre de M. de La Chausse intitulé : le pitture antiche delle grotte di Roma . […] D’ailleurs ce qui nous reste et ce qui étoit peint à Rome sur les murailles, n’a été fait que long-tems après la mort des peintres celebres de la Grece. […] On voit, dit-il, sur le visage de cette femme, abatuë déja et dans les simptômes d’une mort prochaine, les sentimens les plus vifs et les soins les plus empressez de la tendresse maternelle. […] Ce malheureux blessé à mort d’un coup d’épée à travers le corps est assis à terre, et il a encore la force de se soûtenir sur le bras droit.
Gustave Planche, ce critique qui fut une momie, avant d’être mort, osa lui imputer jusqu’à du génie. […] Les deux volumes des Lettres à Panizzi, d’un homme mort et qui ne renaîtra point par ces deux volumes, ont fait leur petit bruit de deux jours, mort déjà comme eux, et ils n’en méritaient pas davantage. […] Coup de filet manqué d’une spéculation qui ne rapportera pas ce qu’on avait espéré à ceux qui l’ont faite, ces Lettres à Panizzi, si terriblement dommageables à la mémoire de Mérimée, se retourneront, après sa mort, contre le bonheur de toute sa vie, à cet homme heureux qui ne s’appela pas Prosper pour rien.
Après sa mort, qui limita ses œuvres, en les interrompant, et les fit complètes, on pensait tout tenir de cet esprit puissant, qui s’était concentré, dans une époque où presque personne ne se concentre, mais où tout le monde s’avachit ; et, de fait, ce qu’il avait publié suffisait à la plus grande gloire religieuse du xixe siècle et à une des grandes de tous les siècles ! On s’imaginait tout connaître de cette intelligence profonde et grave, et dont l’éclat est d’autant plus vif et plus dardant que son bloc, comme celui du diamant, est plus massif et plus solide, quand, bien du temps après sa mort, on s’est avisé de publier sa Correspondance avec sa fille, qui étonna tout à la fois et qui ravit, et modifia, pour la plupart des lecteurs, qui n’ont pas vu le lion quand il aime, la physionomie de ce lion-ci, qui avait la grâce au même degré que la force, car il ne pouvait pas l’avoir davantage ! […] Je parle de son esprit même, de cet esprit que des lettrés superficiels, convertis à sa tendresse de cœur par les délicieuses choses qu’il a écrites, mais rétifs et résistants à la douceur de son génie, non moins réelle que la tendresse de son âme, continuent d’appeler un esprit absolu et dur parce qu’il ne croit pas que la vérité se plie et se chiffonne comme une de nos loques matérielles ; parce que, ne pouvant y rien changer et historien de la Providence, il proclame le dogme de l’Expiation, — dont il n’est pas l’auteur plus que de cette mort par laquelle l’homme expie ses fautes ! […] Que ce sacrifice nécessaire s’appelle la maladie, la guerre, le bourreau, c’est toujours la Mort, dont il dit simplement, et pas plus, qu’elle doit arriver et qu’elle arrive.
M.Viguier, ancien inspecteur général de l’Université, ancien directeur des études et maître de conférences à l’École normale, est mort le 11 octobre dernier à Précy-sur-Oise, où il vivait retiré depuis quelque temps. […] Mort le 11 octobre 1867, il était né le 19 octobre 1793 : il avait soixante-quatorze ans. […] Il m’a été donné de le voir dans les dernières phases de sa maladie, et de représenter, auprès de son lit de mort et de son cercueil, ses anciens camarades absents ou informés trop tard de la catastrophe.
Les personnages y sont généraux ; dans les circonstances particulières et personnelles, on aperçoit les diverses conditions et les passions maîtresses de la vie humaine, le roi, le noble, le pauvre, l’ambitieux, l’amoureux, l’avare, promenés à travers les grands événements, la mort, la captivité, la ruine ; nulle part on ne tombe dans la platitude du roman réaliste et bourgeois. […] N’attends pas à demain, la mort peut te prendre en route. […] Il loue Epicure, il parle de la mort en païen, il voudrait, comme Lucrèce, « qu’on sortît de la vie ainsi que d’un banquet, remerciant son hôte. » Il ne semble pas songer qu’il y ait quelque chose au-delà de la vie et du plaisir.
Je me disais que le vieux manuscrit serait publié après ma mort, qu’alors une élite d’esprits éclairés s’y plairait et que, de là peut-être, viendrait pour moi un de ces rappels à l’attention du monde dont les pauvres morts ont besoin dans la concurrence inégale que leur font, à cet égard, les vivants. […] Même la gloire, comme force de traction, suppose à quelques égards l’immortalité, Le fruit n’en devant d’ordinaire être touché qu’après la mort.
Le peuple n’a que faire de la liberté ; c’était le mot d’ordre d’une certaine école innocente et dupe dont le chef est mort il y a quelques années. […] Nous nous rappelons avoir entendu dire en pleine académie, à un académicien mort aujourd’hui, qu’on n’avait parlé français en France qu’au dix-septième siècle, et cela pendant douze années ; nous ne savons plus lesquelles. […] Il y a, à cette heure, effort pour galvaniser les choses mortes.
Si le cerveau est l’organe de l’imagination et de la mémoire, comme l’expérience semble bien l’indiquer, si l’âme ne peut penser sans signes et sans images, c’est-à-dire sans cerveau, qu’advient-il le jour où la mort, venant à dissoudre non-seulement les organes de la vie végétative, mais ceux de la vie de relation, de la sensibilité, de la volonté, de la mémoire, semble détruire ces conditions inévitables de toute conscience et de toute pensée ? […] L’embryon dans le sein de la mère ne sait rien des conditions d’existence auxquelles il sera un jour appelé, et il peut croire que l’heure de la naissance est pour lui l’heure de la mort. Pour nous aussi, la mort n’est peut-être qu’une naissance, et ce que nous croyons l’extinction de la pensée n’est peut-être que la délivrance de la pensée.
la Dé—cen—tra—li—sa—tion ou la mort ! […] Que ces morts en veuillent aux vivants d’être vivants — car les vivants sont les seuls qui puissent se faire entendre et se faire écouter — mon Dieu ! […] Malheur aux langues mortes !
Et c’est peut-être là, du reste, l’apparente durée de ce peuple étrange, qui est mort de la mort de l’âme, de la mort sociale, et qui semble vivre toujours parce qu’il n’a pas été dévoré par la conquête ou par la faim.
En ces temps néfastes, l’Église n’était que partiellement entamée dans son unité souveraine, mais sa mort n’était ni résolue ni voulue avec l’épouvantable unanimité des temps actuels. […] À Osimo, on a proféré des cris de mort contre les prêtres, massacré l’adjoint au maire, brisé les filatures, et affiché cette proclamation : « Osimo doit être un lac de sang. […] … L’auteur de la biographie de Léon XIII, de celui-là que les Romains appellent le Cunctator, est trop chrétien, lui, pour admettre la mort, même historique, de l’Église, dans l’écroulement de ces misérables monarchies qui n’ont plus ni rois ni peuples, et il n’hésite pas devant l’hypothèse de la Papauté acceptant, en ces derniers temps, la fatalité des républiques.
Mais l’herbe fut coupée bien tendre ; mais la fleur fut coupée à peine entr’ouverte ; et toutes deux, à ras de terre, par une faux qui est celle de l’amour, — de cet amour fort comme la mort, et qui tranche l’âme comme la mort tranche la vie. […] On cherche en vain dans cette aristocratique religieuse agenouillée, sous ce visage, à l’ovale si pur, que l’austère et strict bandeau fait paraître plus pur encore, la mystique dont l’âme, à force d’énergie, détruisit le corps, la paralytique aux os écrasés et aux nerfs tordus, cet amas sublime d’organes dissous sur lesquels flamboyait l’Extase, l’ombre de fille consumée qui vécut deux trous ouverts au cœur, les deux trous par lesquels le glaive du Séraphin avait passé, et si physiquement et si réellement qu’après sa mort, sur le cœur même, on put constater la blessure.
C’est cette inépuisable psychologie qui lui a fait redécouvrir dans l’amazone une sybarite, — une sybarite de nouvelle espèce, qui resta voluptueusement pendant dix-sept ans, et jusqu’à sa mort, sur la paillasse des Carmélites, — et non pas en vertu d’une grâce divine, comme nous dirions, nous autres imbéciles, mais en vertu de « l’essence des choses », comme il dit, ce philosophe, qui a sans doute dans sa poche un flacon de cette mystérieuse essence-là ! […] — Marie Leczinska était comme un sol épuisé ; elle n’enfantait plus que la mort ou la difformité. […] Quant à des mortifications plus hautes, de celles qui allaient plus loin que la chair et ses frissons, elle dit, à l’heure de sa mort, qu’on remportât le crucifix qui avait servi à son père pour mourir.
Ouvrez au hasard ce charmant petit livre, à l’encre rouge, et voyez si à toute page vous ne trouvez pas cet amour sensuel de la forme, cette exagération violente du pittoresque, ce mépris du bourgeois qui appartient à Gautier comme le mépris du philistin appartient à Heine, ce mutisme religieux, cette sombre et voluptueuse étreinte des choses finies, cette conception brute et blême de l’amour sans idéal et de la mort sans immortalité, et enfin, pour parachever le tout, l’éternelle assomption des Clorindes du bal Mabille et de la Maison-d’Or, qui meurent, dit le poète (dans Les Vignes du Seigneur) : L’estomac ruiné de champagne Et le cœur abîmé d’amour ! Et dites si tout cela n’appartient pas, corps et biens, depuis des siècles, à l’auteur d’Émaux et Camées et de La Comédie de la mort ? […] Monsieur de Cupidon — comme dit la vieille petite nudité de ce nom — est, on s’en doute bien, cet Amour que le xviiie siècle avait conçu et réalisé, dont la monographie est depuis longtemps trop connue pour que nous la recommencions, et qui, revenu après sa mort sous la forme d’un dandy moderne, traverse le monde et retrouve tous les personnages de sa vie antérieure, affublés comme lui de formes nouvelles : Voici monsieur Dubois plaisamment fagoté !
Aussi, dit-il à Théodose, nous étions accoutumés à voir l’or retourner du trésor public à ceux à qui on l’avait injustement enlevé, mais nous venons de voir plus ; nous avons vu des hommes menés par la loi aux portes de la mort, ramenés à la vie par le prince ; car de tous nos empereurs, tu es celui qui respecte le plus la loi ; mais tu sais que par respect pour la loi même, il faut quelquefois s’en écarter. » Et dans le même discours, faisant allusion à la fable célèbre des deux tonneaux d’Homère : « Sous ton empire, nous connaissons le tonneau du bien, d’où s’épanchent la félicité, la richesse et la vie. […] Valens, qui ne manqua jamais une occasion d’être cruel, sous prétexte d’être juste, l’avait fait traîner dans les prisons, où il souffrit tous les tourments que notre justice barbare ne compte pour rien, parce que ces tourments ne sont point la mort. […] La colère de son prince lui a paru préférable à l’humanité d’un rebelle ; et pouvant être heureux et libre en devenant coupable, il a mieux aimé rester vertueux et attendre la mort.
Les intérêts ont changé, la plupart des hommes sont morts ou ont changé aussi. […] Olivier est mort tout récemment à Genève, le 7 janvier 1876.
Note Tels sont ces articles sur Chateaubriand qui m’ont valu, par la suite, tant d’injures, et au nom desquels on m’a contesté le droit d’étudier plus à froid et de juger Chateaubriand mort à un point de vue toujours admiratif, mais moralement plus vrai et plus réel. […] On ne vit depuis semblable tyrannie qu’à l’Abbaye où Mme Récamier avait composé à Chateaubriand un cercle d’admirateurs, d’où la vérité ne put sortir qu’après la mort de l’idole qu’on y encensait. » On n’est pas plus instruit que M.
le tendre poëte nous remet sur la mort de sa mère, sur ce legs de sensibilité douloureuse qui lui vient d’elle, et qui, d’abord obscur, puis trop tôt révélé, n’a cessé de posséder son cœur : Comme le rossignol, qui meurt de mélodie, Souffle sur son enfant sa tendre maladie, Morte d’aimer, ma mère, à son regard d’adieu Me raconta son âme et me souffla son Dieu Triste de me quitter, cette mère charmante, Me léguant à regret la flamme qui tourmente, Jeune, à son jeune enfant tendit longtemps sa main, Comme pour le sauver par le même chemin. Et je restai longtemps, longtemps sans la comprendre, Et longtemps à pleurer son secret sans l’apprendre, A pleurer de sa mort le mystère inconnu, Le portant tout scellé dans mon cœur ingénu… Et ce cœur, d’avance voué en proie à l’amour, où pas un chant mortel n’éveillait une joie, voilà comme elle nous le peint en son heure d’innocente et muette angoisse : On eût dit, à sentir ses faibles battements, Une montre cachée où s’arrêtait le temps ; On eût dit qu’à plaisir il se retînt de vivre ; Comme un enfant dormeur qui n’ouvre pas son livre, Je ne voulais rien lire à mon sort ; j’attendais, Et tous les jours levés sur moi, je les perdais.
Nous avons eu, comme l’Angleterre, une Révolution soulevée par les classes moyennes et inférieures de la société contre le haut clergé, la haute aristocratie et la royauté, un roi mort sur l’échafaud, des excès et des folies après des commencements justes et glorieux, une dictature militaire, une Restauration monarchique, une race incorrigible et antipathique à la nation, enfin une délivrance heureuse qui assure nos droits et nous rouvre un libre avenir. […] La révolution récente l’a bien prouvé ; l’indignation publique s’est bornée, dans les moments de plus vive effervescence, à quelques représailles plus politiques que religieuses ; le prêtre dans son ministère a été respecté ; il a même été appelé sur le champ de carnage pour bénir les morts : seulement les mots de religion dominante ont disparu du code fondamental.
Quand on étudie quelque grand écrivain ou poète mort, La Bruyère, Racine, Molière, par exemple, on est bien plus à l’aise, je le sens, pour dire sa pensée, pour asseoir son jugement sur l’œuvre ; mais le rapport de l’œuvre à la personne même, au caractère, aux circonstances particulières, est-il aussi facile à saisir ? […] En parlant des morts, on est plus véridique par rapport à soi, je le veux bien ; on dit tout ce qu’on sait ; mais on sait moins, et ainsi l’on est souvent peut-être moins vrai par rapport à l’objet, que lorsque, sachant plus, on ne dit qu’avec le sous-entendu des amitiés et des convenances.
Ce fut lui qui introduisit dans le palais, dans la chambre de Napoléon, malgré les défenses, madame de Hazfeld dont le mari était en jugement et allait être condamné à mort : voir Napoléon, c’était obtenir la grâce. […] De même qu’un article sur la mort de Béranger, recueilli depuis dans le tome X des Causeries du Lundi l’article suivant parut en premier-Paris et sans signature dans le Moniteur universel.
* * * Donc, la semaine dernière, à propos de la mort d’une dame qui fut évidemment une femme de bien, les journaux abondèrent en louanges si enthousiastes sur la charité de la défunte, que je ne vois guère ce qu’on y eût pu ajouter s’il se fût agi de saint Vincent de Paul ou de la Sœur Rosalie. […] C’est comme si, ayant cent quatre-vingt mille francs — et pas d’héritiers naturels directs — vous faisiez, après votre mort, largesse de quinze louis aux pauvres de Jésus-Christ.
La vision s’enrichit de lectures et de méditations nouvelles ; elle attire des mots colorés et sonores ; elle se vêt de pourpre, d’azur et d’or ; elle se couvre de cristaux et d’aiguilles, comme ces branches de bois mort que l’on jette dans les mines de Harz. […] Lorsqu’on a pénétré leur ordonnance intime, ils vous mettent dans l’état d’harmonie où l’on aime les morts mêlés aux vivants.
Quelques-uns de ces petits poèmes, Au temps de la mort des marjolaines, entre autres, sont parmi les plus délicieux que je connaisse. […] Stuart Merrill ; la dernière altitude idéale qu’il a gravie et où il veut se maintenir : J’irai, heureux de croire à mon âme, Sous le signe céleste de ténèbres et de flammes, Qui annonce la vie ou la mort aux veilleurs, Détruire, pour les rebâtir, les remparts trop vieux, Où se déferleront, demain, les étendards de Dieu.
Par exemple, elle termine cette strophe d’un hymne triumphal sur la mort de Marguerite de Valois, reine de Navarre, qu’il plaît au poëte de mettre au rang des plus grandes saintes. […] Après sa mort, il reçut des honneurs tels qu’on n’en rend qu’aux gens de lettres qu’en Angleterre.
L’illustre Pope, par humanité pour vous, a bien voulu rendre compte à la postérité de votre esprit, de vos ouvrages, de vos goûts, de vos mœurs, du temps de votre naissance & de votre mort. […] Il est mort en 1744, dans une maison de campagne proche de Londres, moins encore de ses infirmités que des peines cruelles qu’il éprouva pour avoir été trop sensible à la satyre.
Qu’on demande à l’actrice qui joüe le rolle d’Andromaque, si la scéne dans laquelle Andromaque prête à se donner la mort, recommande Astianax, le fils d’Hector et le sien à sa confidente, ne deviendroit pas encore plus touchante en y faisant paroître cet enfant infortuné, et en donnant lieu par sa présence aux démonstrations les plus empressées de la tendresse maternelle qui ne sçauroient paroître froides en une pareille situation. […] Un anglois à qui l’on prononce l’arrêt qui le condamne à la mort, montre moins d’agitation qu’un italien que son juge condamne à un écu d’amende.
Et les morts s’échapperont du sépulcre pour attendrir les directeurs endurcis ! […] Mais vous êtes donc tous fous ou morts dans cette maison !
III Et la première, c’est la mort de l’esprit en France, ou du moins sa longue léthargie, pour parler comme ceux-là qui s’imaginent qu’en se cotisant d’un bon mot tous les mois, — ce qui n’est pas ruineux, — ils vont tout à l’heure le ressusciter et l’envoyer jouer à la fossette, comme le petit garçon de Sganarelle. […] Et, au contraire, qu’un homme qui voit juste en cela le dise comme nous, — mais que, pour mieux l’affirmer, il établisse une fondation de post-obit, une espèce de repas des funérailles comme les Écossais en font à la mort de leurs parents, le tout, dit-il, en se moquant un peu de nous, pour ressusciter le défunt, ce qui serait un miracle auquel ne croient pas les Écossais, ni lui non plus, tous les gens d’esprit de France et de Navarre qui l’entendent, cette redoutable impertinence, ne s’insurgent ni ne se gendarment, et disent même, en approuvant : « Tiens, c’est une idée !
Ce livre est un réquisitoire terrible contre les Français de 1865, et comme ils ne sont pas morts ou que leurs fils leur sont identiques, c’est, on en juge, une lecture assez stimulante. […] Seulement, voici qui est particulier et par où le philosophe se distingue du pur artiste : si Taine considère que tous ces gens qu’il croise dans ses tournées sont asservis à une telle conception de la vie qu’il ne peut collaborer avec eux, il ne peut pourtant pas en prendre son parti et, comme un Gautier, un Flaubert, un Leconte de Lisle, déclarer : « Je ne connais pas ces bourgeois ; je me désintéresse de tout ce qui les préoccupe » ; en tant que sociologue, il faut bien qu’il envisage les destinées de son pays, et dans cet esprit doué si merveilleusement d’imagination philosophique et historique, cette horreur du « bourgeois », du « philistin », aboutira à cette déclaration que le type du fonctionnaire français, que l’esprit fonctionnaire (qui ne se trouve pas seulement dans les administrations, mais qui a peu à peu pénétré même les professions libres) doit déterminer la mort de l’énergie française et, par conséquent, la décadence de notre patrie.
Cette mort, suivant un autre récit, n’était pas pourtant imprévue. […] Pindare lui apparut aussitôt après sa mort, et, pendant le sommeil, lui chanta un hymne nouveau à Proserpine.
La société des grands esprits se compose forcément de plus de morts que de vivants, sans exclure a priori ces derniers. […] Un fils peut désirer la mort de son père, pourvu que ce ne soit point par haine, mais seulement pour l’héritage. […] Jacques Chevalier s’obstine à vouloir que Pascal ait abjuré le jansénisme sur son lit de mort. […] Manfred a aimé sa sœur Astarté, dont il s’accuse d’avoir fait le malheur et causé la mort ; mais il l’aime toujours. […] Presque toute la critique universitaire, avant et depuis sa mort, lui a été hostile.
tu le sais, j’ai bravé la mort. […] … Mort ? […] » les « Par la mort Dieu ! […] Ce n’est point la mort, puisque la mort est la fin de toutes les souffrances. […] — Non, il est mort. — Ah !
Franz est-il mort ? […] Il se débattait dans les affres de la mort ! […] Tu appelles la Mort. […] »… « Mort ! […] Ainsi fut liée une amitié que la mort seule devait dénouer.
Mercredi 21 avril Dans nos dîners du mercredi, chez la princesse, maintenant des peintres bouchent les vides des morts, des nombreux morts de l’ancien dîner, uniquement composé d’hommes de lettres. […] Pris de mélancolie, j’examine le cabinet, et je me rappelle que mon frère y est venu dîner, l’année de sa mort, et que très souffrant, il s’était couché à la fin du dîner, sur le canapé, dans un tel navrement, que toute la gaieté de mon petit cousin s’en était allé. […] La Chine, selon lui, pue la m… et la mort. […] La pensée de la mort chez les autres, m’est horrible. […] Ces lames, c’est l’idéal de l’acier, l’idéal de ce beau ton cruel du métal de la mort.
Bouilhet allait jusqu’à sa mort corriger Flaubert comme il corrigeait les devoirs de ses élèves. […] « La mort de l’archevêque de Paris me sert, je crois. […] Je suis mort, pendant la croisade, pour avoir mangé trop de raisins sur la côte de Syrie. […] La mort de Félicité comme la mort de Julien, c’est l’achèvement d’une vie qui a mérité d’être. […] Il vit avant sa mort Maxime Du Camp reçu à l’Académie française.
Comme les morts sont de bonnes gens qui ne se mettent pas en colère, elle a ses coudées franches. […] Non, non, je veux qu’il ait vécu parmi les morts. […] Brunetière doit avoir aussi quelque peine à se figurer que M. de Meaux est mort.) […] Tant pis pour ceux qui n’ont pas le bonheur d’être morts ! […] On sait aujourd’hui qu’il doit marcher et se renouveler sans cesse sous peine de mort.
Savais-je ce qu’était la mort ? […] Alors je trépigne de colère contre cette inconnue implacable : la mort ! […] Je suis chargée de vous apprendre que monsieur votre grand-père est mort. — Mon grand-père, mort ! […] Le père Damon était mort, de la maladie qui le tenait depuis longtemps.
À la nouvelle de sa mort à Novi, il y eut un instant d’affolement. […] Molière est mort, mais les médecins de Molière sont toujours vivants. […] Et être malade de la rage, c’est la mort infailliblement. […] Il est mort grandiosement, comme il avait vécu. […] Mort et damnation !
Antigone a ce courage qui fait braver la mort ; femme antique, elle n’eut point su défendre sa vie. […] C’est l’image de la mort, mais avec des guirlandes de roses et de violettes. […] Un duel à mort contre le panthéisme, voilà son but. […] Tout son sang paraissait avoir quitté ses veines ; elle se tenait là, pâle comme la mort. […] De ce duel implacable une mort d’homme est le terme, et l’on ne distingue même pas le cliquetis des épées.
Après leur mort, elles entreront au paradis. […] Quatre ans plus tard, Fernand le Catholique est mort. […] » Il lui promet de faire mettre à mort l’empoisonneur Mosen. […] La Mort est morte enfin : c’est la Pâque ! […] Ce gouffre exhale une odeur de mort.
Goethe, comme tout le jeune monde allemand d’alors, fut très frappé de cette mort sinistre, et il s’enquit très curieusement des détails auprès de Kestner, qui les lui donna par écrit. […] Cependant, il dit dans ses mémoires que « la mort de Jérusalem, occasionnée par sa malheureuse passion pour la femme d’un ami, l’éveilla comme d’un songe et lui fit faire avec horreur un retour sur sa propre situation. » Mais, dans ses mémoires, il entendait ceci d’un commencement de passion plus récente qu’il croyait éprouver pour la fille de Mme de La Roche, la même personne qu’il avait vue il y avait peu de temps à Coblentz, et qui venait de se marier à Francfort. L’idée de ces relations fausses et de ces engagements sans issue lui fut donc vivement retracée par la mort de Jérusalem. […] Nous avions passé ensemble une belle soirée, comme des hommes auxquels le bonheur vient de faire un grand cadeau, et je m’endormis en remerciant les saints dans le ciel pour la joie d’enfants qu’ils ont voulu nous accorder pour la nuit de Noël… Telle était sa disposition trois mois après avoir quitté Charlotte, sept semaines après la mort du jeune Jérusalem, et quand il avait déjà en idée le germe de Werther. […] Puis, les années s’écoulant et la mort achevant d’épurer et de consacrer les souvenirs, le quatrième de ses douze enfants à qui elle avait transmis plus particulièrement sans doute une étincelle de son imagination et de sa douce flamme, s’aperçut qu’après tout il y avait là, mêlé à de l’affection véritable, un de ces rayons immortels de l’art que le devoir permettait ou disait de dégager, que c’était un titre de noblesse domestique, même pour son père, de l’avoir emporté sur Goethe, et que de la connaissance plus intime des personnes il allait rejaillir sur les plus modestes un reflet touchant de la meilleure gloire.
On s’enferme pendant une quinzaine de jours avec les écrits d’un mort célèbre, poëte ou philosophe ; on l’étudie, on le retourne, on l’interroge à loisir ; on le fait poser devant soi ; c’est presque comme si l’on passait quinze jours à la campagne à faire le portrait ou le buste de Byron, de Scott, de Gœthe ; seulement on est plus à l’aise avec son modèle, et le tête-à-tête, en même temps qu’il exige un peu plus d’attention, comporte beaucoup plus de familiarité. […] Condillac, si vanté depuis sa mort pour ses subtiles et ingénieuses analyses, ne vécut pas au cœur de son époque, et n’en représente aucunement la plénitude, le mouvement et l’ardeur. […] Plusieurs de ses amis étaient morts, les autres dispersés ; mademoiselle Voland et Grimm lui manquaient souvent. […] On lit au tome second des Essais de Nicole : « … En considérant avec effroi ces démarches téméraires et vagabondes de la plupart des hommes, qui les mènent à la mort éternelle, je m’imagine de voir une île épouvantable, entourée de précipices escarpés qu’un nuage épais empêche de voir, et environnée d’un torrent de feu qui reçoit tous ceux qui tombent du haut de ces précipices. […] Trois ou quatre ans avant la mort de Diderot, Garat, alors à ses débuts, publia dans quelque almanach littéraire le récit d’une visite qu’il avait faite au philosophe, récit piquant, un peu burlesque, où les qualités naïves de l’original sont prises en caricature.
je prévoyais le coup fatal et je ne l’ai pas détourné : j’ai moi-même attiré mon époux dans le piège de la mort. — Et la bonne nourrice répond : vous étiez si jeune alors ! […] Malheur au personnage, qui tué sur la scène, ne sera pas mort comme elle prescrit d’expirer : à l’instant elle fera pleuvoir sur lui tant de pommes et de monnaies de cuivre qu’on aura quelquefois lieu de craindre qu’il ne s’ensuive un plus véritable trépas. […] Si par bonheur la scène se couvre de morts, l’enthousiasme et l’allégresse n’ont plus de borne. […] La seconde, intitulée les Piccolomini, offre le développement du sujet, les nœuds de l’action ; et la dernière appelée mort de Walstein, est le dénouement des précédentes. […] en effet Molière jouait les rôles à manteau, il remplissait celui du Malade imaginaire peu d’heures avant sa mort, et il y avait longtemps que Boileau lui reprochait de se donner ainsi en spectacle, et surtout de venir livrer son dos aux coups de bâton.
cette révolution, les décadents la continuent après le géant mort. […] cette révolution, les décadents la continuent après le géant mort. […] Littré, ce lexicographe libéral et hardi, serait le premier à accueillir, s’il n’était pas mort, les trouvailles de style des décadents, comme il l’a fait pour les mots, tirés du latin ou créés de toutes pièces, par ce prodigieux écrivain qui a nom Théophile Gautier. […] C’est ainsi que, façonnés pour le joug, nous retombons d’un esclavage dans un autre, et qu’après les poncifs classiques, il y a eu des poncifs romantiques, poncifs de coupes, poncifs de phrases, poncifs de rimes ; et le poncif, c’est-à-dire le lieu commun passé à l’état chronique, en poésie comme en toute autre chose, c’est la Mort. […] Renan nous affirme que Nicolas est devenu romantique depuis qu’il est mort.
Nous ne vivons que de la mort d’autrui, des gens, des bêtes et des plantes. […] Tant que nous profitons de la douleur et de la mort des autres, c’est-à-dire tant que nous vivons, il nous faut accepter, si nous voulons être sincères, la responsabilité de cette douleur et de cette mort. […] Napoléon, s’il a bien dit : « Après ma mort, le monde fera : ouf ! […] Et enfin, s’il y a, comme je pense, quelque ironie dans le mot qu’on prête à Jean Huss sur son bûcher, l’ironie n’empêcherait donc pas une conviction plus forte que les flammes et la mort.
Après plusieurs cruelles années, années de faim et de désillusionnement, et juste au moment où, dans le Hollandais Volant, Wagner reprochait au ciel de ne le laisser ni mourir, ni trouver l’amour qui le sauvât (I, 21-24), à ce moment, une transformation subite, presque fantastique, avait tout changé ; Wagner avait été appelé à Dresde, son opéra Rienzi avait eu un grand succès ; une mort inopinée avait permis de le nommer chef d’orchestre ; après la plus noire misère, il était débarrassé de tous soucis, dans une position assurée, et, ce qui pour l’artiste était bien plus, avec le plus beau théâtre de l’Allemagne à ses ordres pour réaliser toutes ses inspirations (IV, 338). […] Après les privations, il était maintenant « avide de jouissances » ; les sensations, les aspirations, l’ambition, « l’ardent désir d’amour », emplissaient son cœur ; il était dans un état d’excitation voluptueuse et dévorante, qui mettait sang et nerfs dans des transports fiévreux » ; son « être entier s’était consumé dans cette création », à tel point, que « l’idée qu’une mort subite le surprendrait » et l’empêcherait de terminer cette œuvre « puisée dans son cœur même », s’empara de lui et le fit poursuivre son achèvement avec une ardeur redoublée (IV, 342-348 ; et Glasenapp, Biogr. : I, 194). Ce qui caractérise Tannhaeuser, c’est que cette œuvre, quoi qu’écrite « avec son propre sang », était destinée par Wagner de très bonne foi au théâtre, qu’il en espérait même un grand succès (IV, 339) ; il ne soupçonnait guère que c’était « son propre arrêt de mort » (IV, 344) qu’il signait ; bientôt il le sut. — Un état d’épuisement physique et moral, de prostration, devait nécessairement suivre ; aussi, la dernière note écrite, se hâta-t-il de prendre un congé. […] MANNHEIM. — On annonce la mort de M. […] Victor Hugo est mort le 22 mai 1885, jour anniversaire de la naissance du compositeur.
Voltaire, [Marie-François Arouet de] de l’Académie Françoise, & de presque toutes les Sociétés Littéraires de l’Europe, né à Paris en 1694, mort dans la même Ville en 1778. De grands talens, & l’abus de ces talens porté aux derniers exès : des traits dignes d’admiration, une licence monstrueuse : des lumieres capables d’honorer son Siecle, des travers qui en sont la honte : des sentimens qui ennoblissent l’humanité, des foiblesses qui la degradent : tous les charmes de l’esprit, & toutes les petitesses des passions : l’imagination la plus brillante, le langage le plus cynique & le plus révoltant : de la philosophie, & de l’absurdité : la variété de l’érudition, & les bévues de l’ignorance : une poésie riche, & des plagiats manifestes : de beaux Ouvrages, & des Productions odieuses : de la hardiesse, & une basse adulation : des leçons de vertu, & l’apologie du vice : des anathêmes contre l’envie, & l’envie avec tous ses accès : des protestations de zele pour la vérité, & tous les artifices de la mauvaise foi : l’enthousiasme de la tolérance, & les emportemens de la persécution : des hommages à la Religion, & des blasphêmes : des marques publiques de repentir, & une mort scandaleuse ; telles sont les étonnantes contrariétés, qui, dans un Siecle moins conséquent que le nôtre, décideront du rang que cet Homme unique doit occuper dans l’ordre des talens & dans celui de la Société. […] De là, ami & admirateur de Crébillon, il a publié, du vivant de ce Poëte, des Critiques anonymes contre lui, parce qu'il étoit jaloux de sa gloire ; & des Libelles, après sa mort, parce que le Monarque lui élevoit un monument. […] Helvétius, il a attendu le moment de sa mort, pour le mépriser & le rendre ridicule. […] Pourquoi encenser la grandeur, outrager la médiocrité ou les cendres des Morts ?
Prideaux, depuis la décadence des Royaumes d’Israël & de Juda jusqu’à la mort de J. […] Cyprien, avec le traité de Lactance de la mort des persécuteurs, doivent d’autant moins être négligés que la lecture ne peut pas occuper long-tems. […] Gerberon, Bénédictin, alors retiré en Hollande, & qui depuis est mort en France. […] L’auteur avoit entrepris les deux premiers volumes à la priére du Cardinal de Noailles, & ils ne furent imprimés qu’après la mort de ce Prélat. […] Le premier parut en 1714., & les sept derniers furent donnés après la mort de l’auteur.
A ces qualités des bêtes La Fontaine ajoute encore la patience profonde, la résignation aux coups du sort, ce caractère de tranquillité devant la mort non pas devant le danger, car l’animal sait se soustraire au danger mais tranquillité, quiétude devant l’inévitable, que La Fontaine a marqué encore quelquefois de traits justes, profonds et tout à fait pathétiques. […] Il y a un bien grand mot de Spencer, un peu impertinent, mais juste au fond : « Lorsque je verrai une femme, pour défendre son petit, s’élancer, ongles en avant, contre un éléphant, alors je dirai que la femme est aussi courageuse que la poule. » Vous me direz : « Mais vous ajoutez à La Fontaine, qui a peu parlé du dévouement à l’espèce chez les animaux, qui n’a presque pas parlé de leur patience, qui n’a parlé que de leur bonté, de leur solidarité, de leur stoïcisme devant la mort. » Il est vrai, j’en ajoute pour vous montrer ce que La Fontaine a produit, en quelque sorte, ce dont il a été l’initiateur. […] Tu vivais de sa vie et tu meurs de sa mort. […] Il a fait plus, et ici je crois en être sûr : je ne crois pas que Vigny malgré ses souvenirs de chasseur, qui certainement l’ont aidé, je ne crois pas que Vigny aurait écrit la Mort du Loup si La Fontaine n’avait pas existé, et aurait compris aussi bien le sublime stoïcisme du loup qui souffre et meurt sans parler, sous les six couteaux qui lui sont entrés dans le corps ; — et il n’aurait pas dit : Comment on doit quitter la vie et tous les maux, C’est vous qui le savez, sublimes animaux. […] La Mort du loup de Vigny est contenue déjà dans le Loup et le Chien de La Fontaine.
Comme Luther, il ne prêcha point l’hérésie ; il la commanda sous peine de mort, et il fut obéi. […] Ils commencent de pratiquer la confession, les jeûnes, les retraites spirituelles ; ils croient en la présence réelle ; ils prient pour les morts, fêtent les saints, ont repris l’usage du signe de la croix, parent l’autel, prêchent en surplis, impriment des bréviaires et ont essayé d’établir des couvents ecclésiastiques7. » Voilà les conquêtes successives que la vérité a été obligée de recommencer sur cette terre évangélisée par le moine Augustin et si longtemps chère au Saint-Siège ; voilà ce qu’elle a repris, pièce par pièce, à l’erreur ! […] Ainsi la situation s’est aggravée des efforts faits pour en sortir, et c’est ainsi que pour les institutions comme pour les hommes, l’agonie est pire que la mort. […] Comme Napoléon, — mort de cela et qui l’a avoué, — elle a choqué les peuples, et peut-être elle aussi, quoiqu’un État ait la vie plus dure qu’un homme, finirait-elle par en mourir. […] Les Stuarts morts, c’est autant d’apaisé, c’est autant d’éteint dans cette haine que les générations ont usée en se la transmettant.
Au milieu de cette nature touchante et pleine de chastes ivresses, se dessèchent d’un amour aussi foudroyant que mal récompensé, de jeunes vierges que des brigands musqués enlèvent à l’amour de la famille, ou que des adolescents, transportés des plus pures intentions arrachent à une mort certaine. […] A une littérature de mort succède une pensée de vie. […] « … Pendant de longues années après la mort de son père, écrit M. […] « Et nous vous applaudissons de tout cœur lorsque vous dites vous-même : « J’espère, quand je serai mort, être traité avec plus d’équité. […] Car rien n’est, pire que la solitude et la mort.