Il est touchant de voir combien Frédéric prend de précautions pour que l’État périclite le moins possible après lui, comme il multiplie les mesures pour parer aux divers conflits, particulièrement du côté de Joseph II, « quoiqu’il sache très bien, dit-il philosophiquement, qu’aucun homme ne peut prévoir ce qui se fera quinze jours après son trépas ». […] Je serais dans ce dernier cas, si, dans ce moment-ci, je ne prenais pas les mesures les plus sérieuses pour n’être pas pris au dépourvu ; car voilà de quoi il s’agit.
Dans cette seconde génération, Voltaire trouva donc des juges très éclairés, très équitables de mesure, et qui surent faire les deux parts. […] Je n’y entends rien : je ne conçois pas que la mesure d’un angle soit proportionnelle, et que l’angle ne le soit pas.
À force de célérité, de hardiesse, de précision dans les mesures et de brusquerie dans l’attaque, tout se passa comme il l’avait réglé. […] Oui, Villars en sauvant Landrecies sauva la France ; il la sauva certainement de l’humiliante nécessité de subir les conditions de vainqueurs hautains, et de clore la plus magnifique des époques sur des désastres sans consolation et sans mesure.
Il parle pourtant des passions qui l’entraînaient ou du moins auxquelles il croyait devoir céder, faussement persuadé alors que les passions sont la mesure de la force et de l’énergie. […] C’est, ce semble, une grande patience de rouler ainsi le rocher de Sisyphe… Mon état physique et moral, dont je suis toujours plus mécontent, est une croix intérieure, près de laquelle toutes les croix extérieures ne sont rien. » Un jour qu’il est chargé d’un rapport sur les pétitions, ce qui n’est jamais très inspirateur, il s’écrie, pensant bientôt à tout autre chose et à ses difficultés dans tous les genres de travaux : « Je m’ennuie de mes propres idées ; je ne suis satisfait d’aucune de celles qui se présentent ; j’efface à mesure que j’écris.
C’est son refrain perpétuel dans ses préfaces qui, à mesure qu’il avance en âge, ne sont plus qu’une longue lamentation : « Il ne suffit pas toujours, disait-il, de faire un bel ouvrage pour en acquérir de la réputation à son auteur, il lui faut encore des amis affectionnés et puissants en crédit pour l’établir dans l’opinion du monde : le peuple n’est pas capable de lui-même d’en connaître le mérite. » Marolles s’estime ainsi victime du mauvais vouloir ou de l’indifférence, à son égard, des principaux oracles de l’opinion ; il croit volontiers à la conspiration du silence. […] On y trouve l’explication en grande partie et la clef de la destinée de Marolles ; car l’autorité de Chapelain, avant l’avènement de Racine et de Boileau, faisait loi, et Marolles avait eu la maladresse d’offenser mortellement ce lourd régent du goût public, sans être en mesure de soutenir la lutte.
Son rôle principal à la Convention fut d’être envoyé aux armées ; son bonheur fut, en échappant aux cruelles mesures du dedans et aux luttes fratricides qui se réglaient à coups d’échafaud, d’être, pendant ce temps-là, à combattre l’ennemi du dehors, sur le Rhin, à Mayence, ou le royalisme en Vendée, et de montrer partout, avec un courage intrépide, le tact, le coup d’œil et les talents d’un homme de guerre improvisé. […] Athlète de la Convention en Thermidor, et l’un de ses énergiques libérateurs, mais plus propre à la période ascendante qu’au décours et au déclin d’une révolution, il s’efface et disparaît à mesure que la Révolution elle-même se perd dans les intrigues, comme le Rhin dans les sables.
Vers l’automne de 1695, le roi voyant que le duc de Savoie le lanternait toujours et qu’or, ne concluait pas, voulut décidément être en mesure d’agir la campagne suivante ; et Tessé, qu’il fit interroger sur cet article et sur le point précis où gisait la difficulté, répondait avec sa finesse habituelle, et à la fois avec tout le respect qu’il devait et qu’il portait en effet à Catinat ; — c’est un dernier jour ouvert, et selon moi définitif, sur l’esprit et le moral du très brave, mais très prudent maréchal : « Je vais parler franchement, écrivait donc Tessé (16 septembre 1695), puisque le roi l’ordonne. […] Heureux ceux qui meurent ou qui se retirent à propos et qui ne passent point la mesure !
C’est une chose bien remarquable, comme, en avançant dans la vie et en se laissant faire avec simplicité, on apprécie à mesure davantage un plus grand nombre d’êtres et d’objets, d’individus et d’œuvres, qui nous avaient semblé d’abord manquer à certaines conditions, proclamées par nous indispensables, dans là ferveur des premiers systèmes. […] « A vingt ans, des peines profondes m’obligèrent de renoncer au chant, parce que ma voix me faisait pleurer ; mais la musique roulait dans ma tête malade, et une mesure toujours égale arrangeait mes idées, à l’insu de ma réflexion.
Or, pour qui sait voir et observer, ces deux faits (que je n’entends encore une fois ni égaler ni juger en eux-mêmes) sont un grand enseignement, une mesure très-sensible de l’état du goût, du degré de température, et du niveau d’aujourd’hui. […] Depuis lors le pouvoir a perdu son prestige ; il a paru, sur bien des points, demander grâce pour lui, bien loin d’être en mesure de rien décerner.
Il faut donc tenter, avec la mesure de la raison, avec la sagesse de l’esprit, de se servir plus souvent des moyens dramatiques qui rappellent aux hommes leurs propres souvenirs ; car rien ne les émeut aussi profondément65. […] La mesure, l’harmonie, la rime, interdisent des expressions qui, dans telle situation donnée, pourraient produire un grand effet.
Les faits où l’on croit voir des interventions de volontés particulières, supérieures à l’homme et à la nature, disparaissent à mesure qu’on les serre de plus près. […] La mesure qu’il voulait pour lui, il la réclamait pour les autres, même quand il savait que ceux-ci ne lui rendraient pas la pareille s’ils étaient les maîtres.
Ce sont comme des êtres de nature très différente, entre lesquels manque une unité de mesure. […] Avant d’indiquer dans quelle mesure et à quelles conditions elle est désirable et possible, il est bon de fixer, comme des garde-fous, les barrières que l’historien ne doit pas chercher à franchir.
Le tout, pour cette race de mortels à part, est de bien prendre son moment, de bien proportionner son audace, et de faire valoir encore dans une certaine juste mesure le droit du lion. […] On y voit le maréchal Jourdan tout fait à la mesure de ce roi dont il est le Berthier, Jourdan, sage, tranquille et médiocre, s’écriant du fond du cœur, dans une lettre au général Belliard : Ah !
Elle n’eut pas plutôt achevé, qu’elle vit entrer une femme qui dit brusquement : « Non, madame, ce n’est point une dame, c’est la Beauval. » Toute part faite à la singularité de la personne qui disait ce mot, on a là une mesure vraie du préjugé social au commencement du xviiie siècle. […] À force d’esprit, de bon sens, de sentiment des bienséances et de modestie, Mlle Le Couvreur sut se faire accorder ce qu’à cette époque nulle autre de son état n’était en mesure ni en droit de réclamer.
Robert Walpole, moins leste et moins vif d’apparence, avait mieux pris ses mesures et mieux calculé. […] Tout ce qui vaut la peine d’être fait mérite et exige d’être bien fait, et rien ne peut être bien fait sans attention. » Ce précepte, il le répète sans cesse, et il en varie les applications à mesure que son élève grandit et est plus en état d’en comprendre toute l’étendue.
Il a éprouvé les passions, il les a laissées naître, et les a, jusqu’à un certain point, cultivées en lui, mais sans s’y livrer aveuglément ; et, même lorsqu’il y cédait, il y apportait le discernement et la mesure. […] Je tâche, selon ma mesure, d’exécuter quelque chose du programme de Goethe, et s’il a dit cela du xviiie siècle, je le dirai à plus forte raison du xviie , dans lequel il y eut, de la part des femmes célèbres qui y influèrent, plus d’invention encore et d’originalité personnelle.
L’article Buffon par Cuvier, qui se lit dans la Biographie universelle, ne saurait non plus s’omettre ; chaque mot y a sa mesure et son poids. […] Il était, en ce genre de soin, aussi scrupuleux que le plus délicat des anciens ; il avait l’oreille, la mesure et le nombre.
Reposons-nous un moment avec Mme de Motteville, l’auteur des judicieux Mémoires, avec cet esprit sage et raisonnable qui a vu de près les choses de son temps, qui les a appréciées et décrites dans une si parfaite mesure, avec une si agréable justesse. […] Ses Mémoires deviennent plus sérieux et prennent un caractère historique plus élevé à mesure qu’on avance dans le mouvement des agitations civiles et dans les troubles de la Fronde.
Cet écrivain tombera à mesure que les choses sérieuses reprendront de l’ascendant et autant que la société se trouvera bien gouvernée ; mais toutes les fois qu’elle entrera en opposition contre le gouvernement, quel qu’il soit, Voltaire retrouvera tout son crédit, parce qu’il est fort amusant à lire pour ceux qui sont mécontents. […] Par penchant et par habitude, il était encore plus homme de presse qu’il ne l’avait été de consultation et de cabinet : « Comme écrivain, disait-il, entre m’adresser au public ou à un souverain, fût-il dix fois plus élevé que la colonne de la place Vendôme, je n’hésiterai jamais à préférer le public ; c’est lui qui est notre véritable maître. » En laissant dans l’ombre les côtés faibles et ce qui n’est pas du domaine du souvenir, et à le considérer dans son ensemble et sa forme d’esprit, je le trouve ainsi défini par moi-même dans une note écrite il n’y a pas moins de quinze ans : Fiévée, publiciste, moraliste, observateur, écrivain froid, aiguisé et mordant, très distingué ; une Pauline de Meulan en homme (moins la valeur morale) ; sans fraîcheur d’imagination, mais avec une sorte de grâce quelquefois à force d’esprit fin ; — de ces hommes secondaires qui ont de l’influence, conseillers nés mêlés à bien des choses, à trop de choses, meilleurs que leur réputation, échappant au mal trop grand et à la corruption extrême par l’amour de l’indépendance, une certaine modération relative de désirs, et de la paresse ; — travaillant aux journaux plutôt par goût que par besoin, aimant à avoir action sur l’opinion, même sans qu’on le sache ; — Machiavels modérés, dignes de ce nom pourtant par leur vue froide, ferme et fine ; assez libéraux dans leurs résultats plutôt que généreux dans leurs principes ; — sentant à merveille la société moderne, l’éducation moderne par la société, non par les livres ; n’ayant rien des anciens, ni les études classiques, ni le goût de la forme, de la beauté dans le style, ni la morale grandiose, ni le souci de la gloire, rien de cela, mais l’entente des choses, la vue nette, précise, positive, l’observation sensée, utile et piquante, le tour d’idées spirituel et applicable ; non l’amour du vrai, mais une certaine justesse et un plaisir à voir les choses comme elles sont et à en faire part ; un coup d’œil prompt et sûr à saisir en toute conjoncture la mesure du possible ; une facilité désintéressée à entrer dans l’esprit d’une situation et à en indiquer les inconvénients et les ressources ; gens précieux, avec qui tout gouvernement devrait aimer causer ou correspondre pour entendre leur avis après ou avant chaque crise.
« Car enfin ce n’est pas une chose facile que de se transformer à toute heure en la manière que l’on doit », et « la face du monde où nous vivons est sujette à des révolutions si différentes, qu’il n’est pas en notre pouvoir d’y garder longtemps les mêmes mesures ». […] Mais d’ordinaire, et dans le courant habituel, il est dans la bonne mesure, dans les conditions de l’exacte et juste milieu de la plus saine des langues.
Dans ses Lettres à Delille sur la pitié, qui accompagnaient l’édition du Printemps d’un proscrit (1803), on le trouve servant à sa manière et dans sa mesure la restauration morale du pouvoir. […] La matière s’est étendue évidemment à mesure qu’il avançait, et c’est au moment où il terminait la rédaction de son récit, qu’il embrassait toute la masse de faits et de réflexions qui y devait rentrer.
Pour marquer que les soldats, à mesure qu’ils faisaient la guerre plus loin de Rome, sentaient s’affaiblir en eux l’esprit du citoyen, il dira : « Les soldats commencèrent donc à ne reconnaître que leur général, à fonder sur lui toutes leurs espérances, et à voir de plus loin la ville. » La ville par excellence, Urbs, c’est Rome ; on ne peut dire d’une manière en apparence plus simple une chose plus forte. […] Que nous fait telle ou telle mesure de police qu’adoptèrent les Épidamniens, et qu’en peut-on raisonnablement conclure ?
de laisser l’Assemblée s’ouvrir, sans faire prendre au roi l’initiative des mesures en litige ? […] Necker par lui-même nous montre encore quelques-unes de ces qualités, mais jointes à une personnalité excessive, non amère, plutôt naïve, surabondante dans l’expression de ses sentiments, et donnant jour, quand elle s’épanche, à toutes les sensibilités de l’homme privé, à toutes les faiblesses de l’homme public, Les infortunes des autres, celles surtout de son vertueux roi, vinrent un peu calmer les siennes, et, dans les années suivantes, il a retrouvé la mesure de sa pensée et la possession de sa plume quand il écrit.
Ne devons-nous pas leur faire une mesure juste, mais exacte ? […] En diminuant le personnage historique, nous aurons diminué l’historien, et mis l’un et l’autre à sa place ; car, il ne faut pas s’y méprendre, les hommes donnent leur mesure par leurs admirations, et c’est par leurs jugements qu’on peut les juger.
Goethe, comme Hegel, ces deux idoles de l’Allemagne, ont pâli tous deux dans l’imagination et dans l’amour de Heine à mesure que son imagination s’est passionnée, à mesure qu’elle a plongé davantage dans les réalités et les intensités de la vie.
Or, il est notoire que tous les fous des hôpitaux ont l’idée de leur propre supériorité développée outre mesure. […] Comme le comique est signe de supériorité ou de croyance à sa propre supériorité, il est naturel de croire qu’avant qu’elles aient atteint la purification absolue promise par certains prophètes mystiques, les nations verront s’augmenter en elles les motifs de comique à mesure que s’accroîtra leur supériorité.
La conception de patrie doit se modifier, à mesure que la conscience de l’humanité s’éclaire en s’élevant à l’unité. […] A mesure que le nationalisme se constitue sur des bases scientifiques, l’internationalisme doit peu à peu sortir de l’ombre ; car le défaut d’équilibre entre la vie intérieure et la vie extérieure est aussi funeste à « l’être social » qu’à l’individu.
Par ses journaux du soir, l’Étoile puis la Gazette, il a dit et fait tout le mal possible, il a conseillé et loué toutes les mesures perverses et violentes, les censures, etc.
Nous ne dirons quelque chose ici que de l’idée elle-même et des avantages qui en pourraient résulter, si elle est, comme nous l’espérons, interprétée dans sa vraie mesure et exécutée conformément à l’esprit.
Une autre considération qui nous a déterminé aussi à ne rien omettre de ce qui portait la marque infaillible de l’écrivain jusque dans de simples notices bibliographiques, c’est que nous avons obtenu la certitude que nous allions rendre service à des travailleurs spéciaux : cette conviction nous est venue, à mesure que nous retrouvions quelques-unes de ces pages oubliées, en les signalant à des savants pour lesquels elles devaient être un motif d’intérêt.
L’homme, en effet, par les déterminations soudaines dont il est susceptible, peut à tout moment faire intervenir dans les événements auxquels il prend part une force nouvelle, imprévue, variable, qui dans beaucoup de cas en modifie puissamment le cours, et dont en même temps l’ordinaire mobilité ne permet pas l’exacte mesure.
C’est donc la société avant tout qu’il convient d’examiner, les lendemains de révolution, pour voir si les principes de liberté et de justice sont possibles, applicables, et dans quelle mesure.
Par lui, les grandes phases de l’histoire des nations, les monuments de leurs lois, la série des législateurs et des philosophes, tout ce que le travail continu des siècles a apporté d’indestructibles matériaux à l’édifice du nôtre ; par lui, tout ce fortifiant spectacle n’a cessé de se dérouler aux regards des jeunes intelligences que la vue seule du présent pouvait décourager ou irriter outre mesure : leur devancier à peine de dix ans, l’ardent professeur les a constamment échauffées pour la science et pour l’avenir.
Cette mesure fut chez eux comme chez Flaubert acquise au prix de véridiques souffrances.
Congrève et plusieurs de ses imitateurs entassent, sans mesure comme sans vraisemblance, des immoralités de tous les genres.
Les parents ont, pour se faire aimer de leurs enfants dans leur jeunesse, beaucoup des avantages et des inconvénients des rois ; on attend d’eux beaucoup moins qu’on ne leur donne ; on est flatté du moindre effort, on juge tout ce qu’ils font pour vous d’une manière relative, et cette sorte de mesure comparative est bien plus aisément satisfaite ; ce n’est jamais d’après ce qu’on désire, mais d’après ce qu’on a coutume d’attendre, qu’on apprécie leur conduite avec vous ; et il est bien plus facile de causer une agréable surprise à l’habitude, qu’à l’imagination.
Nulle d’entre elles n’a été bâtie d’un seul coup, sur un patron neuf, et d’après les seules mesures de la raison.
Il faisait de l’utilité sociale, du goût contemporain, la mesure de tout bien et de toute beauté.
«… IL faut avoir de l’humanité, et laisser à un nègre au moins cinq pieds en longueur et deux en largeur pour s’ébattre, pendant une traversée de six semaines et plus, car enfin, disait Ledoux à son armateur pour justifier cette mesure libérale, les nègres, après tout, sont des hommes comme les blancs. » — « Cependant le pauvre Tamango perdait tout son sang.
J’ai laissé remonter d’eux-mêmes dans ma mémoire les livres dont j’avais reçu une impression un peu forte, et je les ai notés à mesure : voilà tout.
On doit du reste remarquer qu’à mesure qu’il avançait en âge, M.
Teodor de Wyzewa À mesure que je sens mieux l’obscurité des poésies de M.
C’est à les glaner au hasard que nous pouvons prendre mesure de la société du temps et découvrir en quoi consistait, aux yeux de l’élite, la vertu du « surhomme » en l’an de grâce 1897.
Pour rendre intelligibles au vulgaire les hautes théories philosophiques, on est obligé de les dépouiller de leur forme véritable, de les assujettir à l’étroite mesure du bon sens, de les fausser.
Au contraire, une confiance joyeuse, une ardeur singulière et un intérêt puissant les stimulent à se persuader qu’à tout moment ils sont maîtres de changer leur destinée en modifiant souverainement la forme de leur âme, en modifiant aussi en quelque mesure la forme du monde.
* Il n’est pas de brouillards, comme il n’est point d’algèbres, Qui résistent, au fond des nombres ou des cieux, À la fixité calme et profonde des yeux ; Je regardais ce mur d’abord confus et vague, Où la forme semblait flotter comme une vague, Où tout semblait vapeur, vertige, illusion ; Et, sous mon œil pensif, l’étrange vision Devenait moins brumeuse et plus claire, à mesure Que ma prunelle était moins troublée et plus sûre.
Le Latin étoit encore trop en règne ; au lieu qu’il commença à déchoir sous Louis XIV, à mesure que nos grands écrivains parurent & que le génie de notre langue se développa.
L’égalité des poids et mesures, l’abolition des coutumes provinciales, la réformation du code civil et criminel, la répartition égale de l’impôt : tous ces projets dont nous nous vantons ont été proposés, examinés, exécutés même quand les avantages de la réforme en ont paru balancer les inconvénients.
La petite portion du peuple qui médite, qui réfléchit, qui pense, qui prend pour unique mesure de son estime le vrai, le bon, l’utile, pour trancher le mot, les philosophes dédaignent les fictions, la poésie, l’harmonie, l’antiquité.
Mais, comme je viens de le dire, il faut qu’hors de ces deux occasions le stile de la poësie soit rempli de figures qui peignent si bien les objets décrits dans les vers, que nous ne puissions les entendre sans que notre imagination soit continuellement remplie des tableaux qui s’y succedent les uns aux autres, à mesure que les periodes du discours se succedent les unes aux autres.
Pélissier, c’est là tout mon livre ; il n’a vu que cela, cela seul l’a frappé, il ne parle que de cela, et il conclut en disant que mon ouvrage est destiné à « faire croire que le génie des grands écrivains se mesure à la diligence avec laquelle ils pourchassent les répétitions ou exterminent les auxiliaires ».
Nous avons seulement conseillé à chacun de refaire son style, selon ses moyens et ses aptitudes, jusqu’à ce qu’on en soit satisfait, et je crois que, dans cette mesure, le conseil peut s’appliquer à tout le monde.
. — Des groupes dignes de Virgile peignant son Andromaque dans l’exil d’Épire ; des fonds clairs comme ceux de Raphaël dans ses horizons d’Idumée ; la réminiscence classique, en ce qu’elle a d’immortel, mariée adorablement à la plus vierge nature ; dès le début un entrelacement de conditions nobles et roturières, sans affectation aucune, et faisant berceau au seuil du tableau ; dans le style, bien des noms nouveaux, étranges même, devenus jumeaux des anciens, et, comme il est dit, mille appellations charmantes ; sur chaque point une mesure, une discrétion, une distribution accomplie, conciliant toutes les touches convenantes et tous les accords ! […] La colombe, touchant ça et là, y gagne en essor, et son vol en prend plus d’aisance et de mesure. […] Cette impuissance de la mesure serrée et du chant, en ces organisations si accomplies, marque bien la spécialité du don, et venge les poëtes, même les poëtes moindres, ceux dont il est dit : « Érinne a fait peu de vers, mais ils sont avoués par la Muse. » Bernardin de Saint-Pierre vécut assez pour assister à toute la grande moitié du développement littéraire et poétique de M. de Chateaubriand.
Méphistophélès, agenouillé derrière elle, murmure lui-même à son oreille des menaces directes en vers de la même mesure. […] Chaque siècle, chaque peuple, chaque homme, selon Goethe, avait une croyance à la hauteur de son intelligence ou à la mesure de son horizon. […] Complétement incrédule à telle ou telle révélation historique par des miracles, Goethe admettait seulement cette révélation naturelle et progressive par la raison humaine, comme miroir de l’intelligence divine, successivement frappé de plus de clarté à mesure qu’il se dégage davantage des ignorances et des superstitions qui le ternissent.
Cette fortune n’était point pour Voltaire une ostentation de luxe, mais une mesure de prudence ; il en dépensait une partie considérable en bienfaits plus qu’en plaisirs. […] Il est la règle, le nombre, la mesure de tout ; l’infini est dans tous les points de son œuvre, comme il est en lui ; attribuer à Dieu le besoin de ces généralisations, de ces lois, de ces règles qui embrassent un ensemble faute de pouvoir embrasser les individualités dans cet ensemble si composé, c’est assimiler Dieu à l’homme et l’infini au fini. […] Le jour où cette indépendance, qui ne peut pas être éloignée et que les hommes de philosophie libre désirent ardemment, sera venue, ce jour-là seulement l’influence définitive de Voltaire sera fixée, et il ne restera de son nom et de son œuvre que ce qui doit en rester pour l’immortalité, c’est-à-dire : Un poëte lyrique sans flammes, sans ailes, sans enthousiasme ; Un poëte dramatique doué d’une certaine illusion théâtrale, mais d’un style au-dessous de Corneille, de Racine, style de parterre, qu’on peut entendre avec plaisir, mais qu’on ne peut relire avec admiration ; Un poëte badin au-dessous d’Arioste ; Un poëte familier égal à Horace ; Un historien inférieur à Thucydide, à Tacite, à Gibbon, à Montesquieu, sans profondeur dans les jugements, sans pathétique dans les sentiments, sans couleur et sans chaleur dans le récit, mais clair, rapide, sensé, judicieux, élégant, sincère, instruisant beaucoup, amusant toujours, ne trompant jamais son lecteur ; Un écrivain de lettres familières, tel qu’il n’en parut jamais dans l’antiquité ou dans les temps modernes, supérieur à Cicéron en facilité de style, égal en charme, en souplesse, en naturel à madame de Sévigné elle-même, féminin par la grâce, viril par le grand sens de ses lettres ; c’est là qu’il faut le chercher tout entier, ses imperfections sont dans ses œuvres, son génie est dans sa correspondance ; homme à la toise de beaucoup d’autres hommes si on le mesure quand il est vêtu, homme incommensurable en déshabillé ; Un polémiste dont on ne peut comparer l’éloquence aux éloquences de Cicéron, de J.
Ni goût, ni composition, ni mesure, ni netteté, ni correction, aucune des qualités où commençait précisément à consister toute la beauté des œuvres. […] Puis la, délicatesse devenant de plus en plus intérieure et spontanée, à mesure que se brisera le ressort des âmes, et que se videra le réservoir des énergies primitives, les formes se simplifieront, se détendront. […] Par malheur, l’art, la mesure, le style manquent à Sorel286 ; et son Francion, ancêtre de Gil Blas, n’arrive qu’à être une date, non une œuvre.
Mais que la création, à mesure qu’elle passe, qu’elle descend, qu’elle tombe du futur au passé par le ministère, par l’accomplissement du présent ne change pas seulement de date, qu’elle change d’être. […] Mais quand ce même philosophe parle de tout fait dans le sens d’idées toutes faites, de pensée toute faite, il prend ce mot dans le sens où on dit un vêtement tout fait pour un vêtement de confection, au lieu d’un vêtement sur mesure. […] La philosophie bergsonienne veut que l’on pense sur mesure et que l’on ne pense pas tout fait.
Et ces choristes marchaient vraiment en scène, jouaient véritablement des rôles, avec une entière liberté, sans aucun trouble vocal dans la mesure ou dans la note. […] Lamoureux qui excite par des mesures intempestives l’animosité de ses ennemis ; enfin, moins d’une semaine plus tard, l’événement de Pagny-sur-Moselle. […] Le président du Conseil a déclaré que, ne se croyant pas le droit d’interdire une représentation théâtrale tant qu’il n’y avait pas de troubles dans la salle, il avait pris toutes les mesures nécessaires pour assurer l’ordre dans la rue, en prévision de la seconde représentation de Lohengrin qui était fixée à ce soir, lorsque ce matin, M.
S’il n’avait plus dans ce livre la torche du bon temps, il avait encore quelques allumettes… De plus, à tort ou à raison (et nous prendrons tout à l’heure sa mesure), Proudhon passe pour un esprit carré, râblé, poignant. […] En d’autres termes, il se trompait du tout au tout, Proudhon, et comme un homme comme lui devait se tromper… car la chute se mesure à la hauteur d’où l’on tombe. […] Il leur raconte les livres qu’il fait à mesure qu’il les fait, et les publications lointaines qu’il projette.
Voilà la juste mesure. […] Ce qu’il y a de charmant dans son jeu, c’est la mesure exquise. […] Molière, leur intimité en est un sûr garant, n’a pas pu ne pas connaître à mesure l’œuvre de son ami. […] Il y a des scènes qui prêtent à la poésie et que Molière, préoccupé du vers libre, a dû écrire avec le souci de la mesure et de la cadence. […] Encore Cadet y porte-t-il un certain goût d’art et une mesure relative.
Les anachronismes d’opinion multiplient les vieillards outre mesure, et font les vieillards beaucoup plus vieux qu’ils ne sont. […] On pourrait même faire remarquer que si l’homme a plus de devoirs à mesure qu’il avance en âge, ce qui est mélancolique, mais ce qui est vrai, de même aussi l’humanité est tenue d’avoir une morale plus sévère à mesure qu’elle prend plus de siècles. […] A mesure qu’il s’organise mieux, le commerce tend à sa suppression ; par son perfectionnement il tend à la mort. […] Elle justifie les revendications populaires en les consacrant, et en ne consacrant que celles qui sont honorables et dans la mesure où elles le sont. […] A mesure qu’on connaît mieux la nature, on s’aperçoit que ce ne peut guère être une règle de conduite humaine que de l’imiter.
« On se demande., écrit un nouvelliste du temps, si quelqu’un peut répondre de coucher ce soir dans son lit. » Le faible roi ne fit pas longtemps attendre la réparation ; de même que l’offense, elle fut sans mesure. […] Pour elle, la mesure du goût est dans le degré d’indifférence qu’un critique peut avoir pour ce qu’on appelle en art les motifs, et dans le degré d’enthousiasme dont il est susceptible pour la seule exécution. […] Ceux-ci ont sept syllabes ; avec un peu de patience vous trouverez la rime et la mesure. — Mais la poésie ? […] Le commencement est ce qu’il y a de plus difficile en toute chose ; quand la note est trouvée et quand le train est pris, un défaut de mesure ou d’harmonie n’est pas probable de la part d’un écrivain soigneux et logique. […] Purement royaliste au début, il se transforme peu à peu à mesure que la raison et les événements l’instruisent ; on suit avec curiosité les modifications de sa pensée, jusqu’au jour où il se laissera entraîner trop loin ; mais, à cette heure, il est dans la juste mesure.
Tel est, dans certaines mesures, le cas de Goethe. […] Il faut comparer ces ouvrages pour connaître à quelle mesure on a évalué celui de Goethe, en le désignant à l’admiration du monde et des hommes. […] La mesure est comble. […] Or, il n’existe aucune balance de précision, aucun étalon de commune mesure, aucun instrument pour peser et connaître la valeur absolue des œuvres littéraires. […] Souvent même, j’ai poétisé dans ses bras, et d’une main musicale, j’ai compté sur ses épaules la mesure de l’hexamètre.
Après cela, relisons Hamlet, et Mesure pour mesure, et la Tempête, etc. : nous croirons rêver. […] Il les choisit à cause de leur son, de leur mesure, et à cause de ce qu’ils contiennent de rêverie ancienne ou récente. […] Drieu La Rochelle avant d’aborder Mesure de la France, qui est un livre de colère. […] Dès lors, ne pouvant jeter cette affirmation qui seule aurait compté dans la balance du jugement du monde, nous retombons à une mesure fort médiocre. […] Gardons la mesure.
… L’indignation de la fiancée n’eut pas de mesure, tout son beau rêve s’effondra subitement, sous le choc de cette vision fâcheuse ! […] … Quelques-uns marchaient et semblaient prendre des mesures. […] Comme je revoyais toutes ces chères figures à mesure qu’elle parlait, et cette vie laborieuse et humble, et le pauvre nid, si bien ouaté pour moi de tendresse ! […] Se fiant à ma promesse, il m’installa sur la table même, et je fus chargée de lui passer les planches, à mesure qu’il en avait besoin, puis de les reprendre et de les remettre en ordre. […] … Toute une forêt de jambes inégales, se levaient et s’abaissaient, pas du tout en mesure, dans un complet désarroi.
Rien ne vaut mieux, pour se donner dès l’abord la mesure de son génie, que de voir avec quelle facilité il se rattache à son siècle, et comment il s’en détache aussi ; combien il s’y adapte exactement, et combien il en ressort avec grandeur. […] Ce n’est pas là du tout le cas de Molière ni celui des grands hommes doués, à cette mesure, du génie qui crée. […] et en quelle mesure l’a-t-il fait ? […] Racine, génie admirablement heureux et proportionné, capable de tout dans une belle mesure, aurait excellé à se chanter, à se soupirer et à se décrire, si ç’avait été la mode alors, de même qu’en se tournant à la réalité du dehors, il aurait excellé au portrait, à l’épigramme fine et à la raillerie, comme cela se voit par la lettre à l’auteur des Imaginaires. […] Qu’une telle nature de poëte lyrique veuille créer des personnages vivants, un monde d’ambitieux, d’amants, de pères, etc. ; il arrivera que n’ayant pas en soi la mesure juste, la moyenne, en quelque sorte, de l’âme humaine, le poëte se méprendra sur toutes les proportions des caractères, et ne parviendra pas à les poser dans un rapport naturel de terreur et de pitié avec les impressions de tous.
Avant de dérouler son manuscrit, le directeur de l’Académie adresse ces mots à l’honorable assemblée : « Toutes les mesures extrêmes, messieurs, sont voisines de dangers extrêmes. […] En les réfutant, je courrais le danger de les faire connaître ; j’ai pris le parti plus sage, selon moi, de les traiter comme non avenues ; je n’en ai pas dit le plus petit mot dans mon discours… » (Interruption, applaudissements universels ;) « grande mesure ! […] Ainsi, en réfutant la lettre, j’aurai réfuté le manifeste ; et c’est ce que je me réserve de faire sentir aux moins attentifs, en citant à mesure de la discussion plusieurs phrases de M. […] Les ridicules sans bornes ni mesure de l’homme de génie amoureux d’une Française remplissent le troisième acte et une partie du quatrième. […] Lorsque la mesure du vers n’admet pas le mot précis dont se servirait l’homme passionné, que font nos poètes d’Académie ?
Si l’on parvenait à prouver qu’en fait l’éther existe, et qu’en fait la densité de ses couches étagées autour d’un corps pesant va croissant comme le carré du rayon qui mesure leur distance à ce corps, la supposition présentée deviendrait une vérité démontrée, on aurait un parce que de plus ; on dégagerait dans le corps qui gravite un caractère plus abstrait et plus général encore que la gravitation, une propriété toute mécanique, celle par laquelle un corps suit l’impulsion et, à chaque nouvelle impulsion, reçoit une nouvelle vitesse. […] Dans celui qu’on nomme sphère, on met une infinité de demi-cercles égaux qui ont un diamètre commun, et les propriétés de la grosse boîte ainsi construite lui sont attachées grâce aux propriétés des moindres boîtes qu’elle contient avec leur contenu. — Il suit de là que la dernière raison, le dernier parce que, le dernier intermédiaire explicatif et démonstratif, qui relie une propriété à un composé géométrique quelconque, recule de boîte en boîte et de contenant en contenu, à mesure qu’on le poursuit, de la sphère au demi-cercle tournant, du demi-cercle tournant à la droite tournante, de la droite tournante à la droite simple, c’est-à-dire du composé à ses facteurs, de ceux-ci à leurs facteurs, et ainsi de suite, pour se laisser à la fin saisir dans les facteurs primitifs, c’est-à-dire dans les petites boîtes élémentaires où il est inclus. […] Tous les jours, à mesure que la science se précise et s’augmente, nous voyons la première série croître aux dépens de la seconde, et l’analogie nous porte à croire que les cas encore compris dans la seconde sont pareils à ceux qui ont cessé d’y être compris. […] Admettons cette fois qu’il a sous la main une quantité de quadrilatères parfaits, que ses instruments de mesure sont parfaits, et qu’il les applique parfaitement. […] Par un travail latent, les identités et les contradictions incluses dans notre construction mentale ont fait leur effet. — D’autre part, à mesure que l’induction opère, le groupe des conditions se resserre.
Les modèles que l’Antiquité Grecque & Latine présentoit à ces premiers Littérateurs, devoient en même temps exciter en eux le sentiment de l’admiration, & celui du désespoir de les imiter ; mais le goût naissoit à mesure qu’ils les étudioient. […] La langue Latine n’a donc pu se perfectionner que lentement, & à mesure que le luxe adoucissoit les mœurs, & les corrompoit. […] A mesure que la carrière des sciences s’étendoit, la nature se hâtoit de former des hommes dignes de la parcourir : l’éloquence devenoit plus mâle & plus pure ; une critique plus éclairée, discutant les faits, rétablissoit l’Histoire dans son ancienne splendeur ; la Poësie s’embellissoit des larcins qu’elle faisoit aux Muses Grecques & Latines ; & les Arts commençoient à briller sous une forme plus élégante & plus belle. […] Ces efforts ne furent pas tout-à-fait inutiles ; ils accoutumèrent du moins à une sorte de cadence & de mesure dans le style, dont il étoit auparavant entièrement dépourvu. […] Mais à mesure que la nature s’est corrompue, que l’innocence a cessé d’habiter la terre, que le séjour des Villes est devenu nécessaire à une société plus nombreuse, que le fer n’a plus été travaillé pour ouvrir seulement le sein de la terre & le rendre fertile, qu’on en a forgé des armes cruelles, & que des ruisseaux de sang ont coulé dans les campagnes ; les besoins alors ont fait naître l’industrie, les Arts ont dû leur découverte au hasard, le luxe les a multipliés, l’expérience d’âge en âge a perfectionné les connoissances, les sciences se sont formées & ont été le produit des méditations constantes de l’esprit humain, les peuples de proche en proche se les sont communiquées, & ceux chez lesquels elles ont jeté les plus profondes racines, ont été les plus favorisés de la nature.
Nul jugement, nulle louange, nul blâme, nulle phrase générale ne les mesure. […] Il avait une grande armée de barbares, et ses troupes grecques rejoignaient son camp à mesure qu’il avançait. […] Le reste de l’armée le suivait à mesure, et occupait des villages, des vallées et des gorges. […] Il note les différentes parties de sa vision à mesure qu’elles passent en lui, tour à tour, et la construction marque leur suite. […] C’est l’invention qui mesure la force morale.
l’un des plus dramatiques assurément qu’il y ait, si toutefois l’atrocité des situations et la mesure de la beauté d’un drame. […] que Corneille, étant à sa manière de ces esprits extrêmes, ait abondé sans mesure dans son sens ? […] Mais nécessairement, à mesure qu’il s’enfoncera dans l’histoire des Lombards ou des Huns, guidé, vous le voyez, par des motifs qui n’ont rien de commun avec ceux qu’on lui prête quand on loue son « sens historique », à mesure aussi s’éloignera-t-il de la nature et de la vérité. […] Scarron, de son côté, pouvait manquer de goût, de mesure, de décence ; il avait de la verve, de l’éclat, de la drôlerie, le sens du comique, encore qu’il le fît sortir plutôt de la rencontre ou du choc des mots que du fond des choses. […] Il reste qu’elle soit traitée par le drame ou par le roman ; et, en effet, c’est ce que nous verrons se produire, à mesure que, dans des sociétés plus compliquées, composées de plus de parties, et plus divisées, la question d’argent prendra plus d’importance.
Depuis quinze ans, nous l’avons loué outre mesure, pour lui faire rendre la justice qui lui était due, et que le gros du public lui refusait encore. […] Cousin mesure ses admirations et ses sympathies. […] Saint Bernard fut le vrai grand homme du douzième siècle, et, bien que M. et madame Guizot n’aient pu faire pleine mesure au génie et à la gloire de cet immortel champion de l’orthodoxie, ils m’en disent assez pour que je puisse reconstruire en idée l’opposition et le parallèle entre les deux hommes, les deux caractères les deux rôles. […] Flourens, tels que Broussais, Cabanis, Destutt de Tracy, sans aborder des sujets qui risquaient de désorienter un peu le public habituel des solennités académiques ; il s’est acquitté de cette tâche ingrate avec une mesure et une lucidité parfaites. […] Albert de Broglie, à mesure que de nouvelles péripéties donnaient à ses pensées une autre direction, à ses luttes un autre terrain, à sa polémique un autre but.
Il sera curieux et profitable pour nous, messieurs, d’apprécier à cette mesure la société de l’ancien régime. […] Il prend un point, le grossit outre mesure, et, bon gré mal gré, il faut que tout le reste s’y rattache. […] La littérature, bien interrogée, nous donne en ce point, comme en beaucoup d’autres, la mesure de l’esprit public. […] Toute arme lui semble bonne, toute mesure lui semble juste contre le parlement, corps bourgeois, usurpateur des privilèges de la pairie. […] Ici les actions perdent leur valeur accoutumée ; la règle qui les mesure, ce n’est point la moralité, c’est le plaisir.
Les écrivains français, eux, sont des architectes : l’œuvre mal bâtie nous froisse ; des mesures égales, des développements symétriques, voilà ce qu’exige notre tempérament. […] Et ce n’est là, dans l’esprit des flamingants, que le début d’une série de mesures destinées à bannir de Belgique la langue et la culture françaises. […] Elles sont devenues de moins en moins fréquentes, à mesure que Lemonnier s’affinait à notre culture. […] Telle est la vertu de notre influence, que Demolder mit dans sa peinture presque autant de mesure élégante que, jusqu’alors, de verve outrée. […] Couler la conception panthéiste des anciens en un moule aux mesures harmonieuses et françaises, sans sacrifier son inspiration haletante de Flamand, voilà quelle tentative audacieuse Verhaeren réalise.
Mais dans quelle mesure s’est-il servi de son auteur et préparateur ? […] Ce qu’on vient de voir permet de conjecturer que, Saint-Simon lui manquant, Duclos a profité, dans la même mesure, des autres secours manuscrits qu’il aura trouvés pour la suite de sa narration.
Marivaux n’a qu’un tort ou qu’un malheur, c’est qu’en étant en effet lui-même, et en usant à bon droit de sa manière de sentir pour s’exprimer avec une singularité souvent piquante, il dépasse sans s’en douter la mesure, tombe sensiblement dans le raffiné, et devient maniéré, minaudier, façonnier, le plus naturellement du monde. […] Elle se met donc à l’instant à s’en dépouiller ; mais elle s’en dépouille lentement, et, à mesure qu’elle avance, il lui vient des raisons pour retarder : elle est décidée à aller trouver le bon religieux qui l’a recommandée par mégarde au fourbe, et qui est son seul protecteur ; il faut qu’elle le voie à l’instant, et, pour cela, qu’elle garde sa robe, qu’elle reprenne même cette coiffe galante qui, se dit-elle, déposera à vue d’œil de l’intention perfide du corrupteur : enfin elle trouve bientôt un prétexte tout honnête et naturel pour reprendre au complet cet habit qu’elle venait de quitter et qu’il sera temps de rendre demain.
Il démêlait très finement le naturel et la portée des femmes, et, tout en les estimant à quelques égards meilleurs que l’homme et en les entendant volontiers dans leurs confidences, il les jugeait dangereuses là où elles l’étaient, et ne se laissait point consumer ni absorber : La femme a en elle un foyer d’affection qui la travaille et l’embarrasse ; elle n’est à son aise que lorsque ce foyer-là trouve de l’aliment ; n’importe ensuite ce que deviendra la mesure et la raison. […] Quand ses pensées viennent bien, c’est élevé, distingué et fin ; ce n’est point au sens commun qu’il vise, c’est au sens distingué ; c’est celui-là seul qui convient à ses inclinations et à la mesure qui lui a été donnée : J’ai vu que les hommes étaient étonnés de mourir et qu’ils n’étaient point étonnés de naître : c’est là cependant ce qui mériterait le plus leur surprise et leur admiration.
Garat, homme de talent, littérateur distingué et disert, mais esprit vague et peu précis, professait la doctrine du jour, celle de Condillac, qui se réduisait à la sensation pour tout principe : il simplifiait l’homme outre mesure, et répandait sur des explications, qui n’en étaient pas, un certain prestige, je ne sais quel luxe académique et oratoire. […] Il lui semblait que les horizons s’étendaient et s’élargissaient chaque jourh, à mesure que la Révolution s’apaisait et tendait à son déclin.
De tout cela il lui a résulté peu de soif de la justice, et comme il ne se commande rien à lui-même, par facilité de vivre et par habitude de suivre ses penchants, il ne s’est formé aucuns principes de morale, de justice, ni de droit public ; il ne voit ces règles qu’à mesure des occurrences et de l’offre de chaque espèce, ce qui rend nécessairement cette conduite fautive et peu profonde, n’étant conduite que par l’esprit. […] Je me bornerai à dire avec lui : « N’ayant aucune intrigue à la Cour, il est aisé de sentir ce qui en arrive : tout ce qu’on fait de bien est peu senti, ou est attribué à d’autres, et la moindre faute qu’on peut faire devient un crime qui vous met à découvert. » Et à un autre endroit, trouvant à son fils M. de Paulmy, alors ambassadeur en Suisse, quelques-unes des qualités de mesure, d’insinuation et d’adresse qu’il n’avait pas, il dit, par un retour sur lui-même et en indiquant le contraste : « Il loue…, il approuve, il sait réduire ses idées et les diminuer quand il faut ; on est bien heureux d’être de cette souplesse, car il faut plaire pour réussir ; les hommes sont plus difficiles que les affaires 20 ».
Il y a ceux qui ne vivent dans la postérité et qui ne comptent que par leurs œuvres et pour ce qu’on en lit : de ceux-ci on comprend tout, tout est net et clair, on pèse, on mesure ; on en rabat souvent. […] — Mais l’essentiel, je le vois bien, même en littérature, est de devenir un de ces noms commodes à la postérité qui s’en sert à tout moment, qui en fait le résumé de beaucoup d’autres, et qui, à mesure qu’elle s’éloigne, ne pouvant toucher toute l’étendue de la chaîne, ne la compte plus, de distance en distance, que par quelque anneau brillant.
Mais, sans demander la censure en 1797, il admettait et tolérait bien davantage, puisqu’il amnistiait et absolvait les mesures de fructidor contre ces mêmes journalistes, et que dans un discours au Cercle constitutionnel, quelques mois après, il s’écriait, en les désignant du geste et en se retournant vers eux, alors absents et pour la plupart proscrits ou déportés : « Pensaient-ils donc que notre aveuglement serait tel que nous ne démêlerions pas la cause de tant de maux ; que notre impatience se dirigerait contre le Gouvernement dont la marche entravée pouvait être quelquefois irrégulière, et se détournerait des hommes qui nécessitaient cette irrégularité ? […] Au moment où il se rapprochait de Napoléon, il s’effrayait de ce qu’il faisait, il avertissait les adversaires de se méfier, et se mettait en mesure vis-à-vis d’eux en cas d’erreur et d’entraînement.