Regardez comme une lâcheté de trahir la femme qui vous a ouvert pour un moment le paradis de l’idéal ; tenez pour le plus grand des crimes de vous exposer aux malédictions futures d’un être qui vous devrait la vie et qui, par votre faute peut-être, serait voué au mal.
Le roi de France, qui est, si j’ose le dire, le type idéal d’un cristallisateur séculaire ; le roi de France, qui a fait la plus parfaite unité nationale qu’il y ait ; le roi de France, vu de trop près, a perdu son prestige ; la nation qu’il avait formée l’a maudit, et, aujourd’hui, il n’y a que les esprits cultivés qui sachent ce qu’il valait et ce qu’il a fait.
La véritable épopée se fait elle-même ; c’est la limite idéale de l’horizon historique.
L’idéal, c’est que le paysan puisse manger de la viande et que mon cordonnier, ayant amassé trois mille francs de rente, puisse envoyer son fils à l’École de Droit… » Voilà quelques extraits des trente-trois premières pages ; il y en a trois cent cinquante de ce ton.
Il y faudrait trop de distinctions ; — et à peine oserais-je dire que les Latins, en général, me paraissent des modèles plus sains que les Grecs, si je n’ajoutais tout de suite qu’il est résulté de cet exclusivisme une limitation nouvelle de l’idéal classique. […] Mais, où nous pouvons mesurer la portée de son influence et tâcher d’en caractériser la nature, c’est d’abord dans la question des trois unités, et conséquemment, de la détermination de l’idéal classique de la tragédie. […] Et tout d’abord, ce que Mme de Staël, un peu gênée peut-être par son protestantisme, avait à peine osé entreprendre, la réintégration de l’idéal chrétien dans ses droits sur le sentiment et sur l’imagination, c’est au Génie du christianisme, et c’est à Chateaubriand qu’on le doit. […] C’est que l’objet et l’idéal ont été fixés par les païens de la Renaissance ; et c’est que les modèles en sont demeurés, pendant plus de deux siècles, uniquement païens. […] Il faut savoir gré à Chateaubriand de la modération qu’il y a mise : je veux dire qu’aimant et goûtant lui-même les anciens comme il faisait, il faut lui savoir gré de n’avoir pas voulu substituer l’idéal chrétien à l’idéal antique.
Sous quel idéal l’homme n’a-t-il pas vécu ? […] Vous avez pris la part de l’idéal. […] Bien mieux : il est visible que cette goinfrerie idéale exprime la sympathie humaine, glorifie la terre nourricière. […] La soif de l’idéal le dévorait. […] Il reconnut son idéal.
Efflux et assises de la nécessité divine, les anges ne sont, en substance, que dans la libre sublimité des cieux absolus, où la réalité s’unifie avec l’Idéal. […] Il leur a manqué quelque chose pour réaliser pleinement un idéal très élevé. Ils ont très bien vu ce qui manquait à notre poésie et à notre littérature, qu’elle avait trop d’action, pas assez de rêve, et qu’on y discourait trop ; ils l’ont fortement marqué, mais ils n’ont pas mis, à la place de l’idéal qu’ils refusaient, un idéal complet ; ils n’ont point détrôné les vieilles formules pour en instituer une autre, comme c’était leur rêve. […] Bernard Lazare, en une conférence, développait un idéal d’art social, un de ceux qu’on peut concevoir, et je pense qu’il ne parlait qu’en son propre nom ; il est probable que M. Eekhoud, exposant son idéal d’art à lui, n’eût pas dit les mêmes choses, et certainement leur conception diffère fortement de celle de M.
On dédaigne les sentiments et les caractères ; le but, l’idéal, c’est l’alcôve. […] Cette vie laborieuse formait leur idéal commun. […] L’idéal serait le mélange des deux méthodes. […] Ce que le romancier réaliste lui reprochait surtout, c’était le mensonge de son idéal et la médiocrité de sa langue. […] L’idéal serait le sermon bien écrit et bien appris par cœur.
Molière paraît condamnable à Rousseau, parce qu’il a eu pour idéal, dans son théâtre, l’homme de société. […] Immédiatement son idéal se concrète en elle. […] Et cependant, ici comme dans les deux Discours, l’égalité semble son suprême idéal. […] Il y a des « idéaux » qui ne sont pas désirables du tout. Tel idéal implique une telle méconnaissance des réalités, ou des sentiments si suspects chez ceux qui l’ont conçu ou prôné, qu’il peut être très dangereux même d’aspirer à un idéal de cette louche espèce-là. « Idéal, idéal », cela est bientôt dit, et ce n’est pas du tout synonyme de bon, de généreux ou d’utile.
Cet état chez Adolphe avait plusieurs causes : sa jeunesse avait d’abord été austère, puis très dissipée et la réalité trop tôt connue avait tué en lui l’idéal. […] Il ne court pas, comme d’autres Dons Juans, à la recherche d’un idéal de bonheur qui le fuit sans cesse. […] C’est dans le monde de la rêverie, dans le monde idéal qu’il établit son domaine. […] Enfin il avait traversé une période de dissipation dont il était sorti, dit-il, « le cœur plein de cendres. » Toutefois, cette période avait été courte et bientôt il était remonté vers les hautes cîmes de l’idéal et de l’amour. […] Ce Don Juan là poursuit à travers mille amours un idéal insaisissable et meurt, sans avoir assouvi son immense besoin d’aimer.
S’il est vrai que la réalité ne lui suffise point, il faut donc que l’imagination y supplée et le satisfasse dans sa tendance à s’occuper de l’idéal. […] Eux seuls nous feront distinguer le vrai simple du vrai idéal, double objet des spéculations de l’art. […] On y retrouve la vivacité, l’étendue, les formes idéales, et le feu de l’imagination athénienne. […] Là commence à s’exécuter la loi transcrite par le fils de Racine, sur l’obligation d’imiter en poésie moins le vrai simple que le vrai idéal. […] Notre délicatesse est donc fausse lorsqu’elle mesure les passions de l’idéal sur la faiblesse de notre nature commune.
L’amour s’est éveillé en lui, un sentiment à la fois ardent et respectueux, idéal et passionné, pour une femme unie à un mari qu’il admire. […] À travers ces expériences, il constate que la débauche est une libération des plus hautes parties de son être, et que ses expériences de libertin exaltent en lui son culte pour cette créature idéale qu’il croirait profaner en osant la désirer. […] Il a vraiment, et jusqu’au terme de sa longue carrière, réalisé, sans une défaillance, l’idéal que sa studieuse jeunesse s’était formé à l’art d’écrire, idéal qu’il traduisait dans son hommage à Gautier : Heureux qui, comme Adam entre les quatre fleuves, Sut nommer par leur nom les choses qu’il sut voir. […] On sert sa famille, sa patrie, la science, un idéal, Dieu… » apparente du coup M. […] C’en était un que cette substitution d’un idéal de vérité dure à un idéal d’exaltation.
Sa passion à lui, son idéal, ce fut la bibliothèque, une certaine bibliothèque comme il n’en existait pas alors, du moins en France. […] Les amateurs de tableaux en mettent toujours dans leur cabinet ; il faut qu’un connaisseur en livres en mette dans sa bibliothèque. » Nulle part ce que j’appellerai l’idéal du vieux livre renfrogné, l’idéal du bouquin, n’a été mieux exprimé qu’en cette page heureuse ; mais M. […] Dans cette familiarité du cardinal de Bagni et des Barberins, il dut être de ceux qui trouvent, après tout, que c’eût été un bel idéal que d’être cardinal romain dans le vrai temps.
La propriété matérielle résultent de cette entreprise commune devra être considérée comme étant à ma disposition et sera plus tard soumise aux conditions que je jugerai les plus utiles selon le sens idéal de l’entreprise. […] De là, ces très spécial langage des poèmes Wagnériens, que Wagner a nommé « la conversation idéale », le langage ordinaire réel, mais condensé, affiné, abstrait, quintescencié, idéalisé. […] Cette traduction n’est guère qu’un idéal ; c’est comme un terme vu de très loin et presque inaccessible. […] Il chercha la forme idéale d’une poésie purement émotionnelle, mais indiquant la raison des émotions en même temps qu’elle les traduisait.
Que sera-ce donc quand elle sera chez elle, dans sa fondation propre, dans sa ruche de prédilection, avec toute sa joie et son orgueil de reine abeille et de mère, ayant une fois réussi à produire le parfait idéal qui était en elle ? Cet idéal était patriotique et chrétien tout ensemble : un jour, dans un entretien dont les termes ont été recueillis par ses pieuses élèves, et après leur avoir parlé de tout ce qu’il y avait eu de peu médité et de non prévu dans sa grande fortune à la Cour, elle a dit avec un élan et un feu qu’on n’attendrait pas de sa part, mais qu’elle avait dès qu’elle en venait au sujet chéri : Il en est de cela comme de Saint-Cyr, qui est devenu insensiblement ce que vous le voyez aujourd’hui.
Dans l’intervalle, et pendant le séjour qu’il fit en Lombardie, à Milan, à Brescia, à Bergame, à cet âge de moins de vingt ans ; au milieu de ces émotions de la gloire et de la jeunesse, de ces enchantements du climat, du plaisir et de la beauté, il acheva son éducation véritable, et il prit la forme intérieure qu’il ne fera plus que développer et mûrir depuis : il eut son idéal de beaux-arts, de nature, il eut sa patrie d’élection. […] Nous avons eu, depuis, ce qui était alors l’idéal pour Beyle, ces drames ou tragédies en prose « qui durent plusieurs mois, et dont les événements se passent en des lieux divers » ; et pourtant ni Corneille ni Racine n’ont encore été surpassés.
Quand on ne songe qu’à l’idéal de l’agrément, à la fleur de fine raillerie et d’urbanité, on se plaît à se figurer Voltaire dans cette demi-retraite, dans ces jouissances de société qu’il rêva bien souvent, qu’il traversa quelquefois, mais d’où il s’échappait toujours. « Mon Dieu, mon cher Cideville, écrivait-il à l’un de ses amis du bon temps, que ce serait une vie délicieuse de se trouver logés ensemble trois ou quatre gens de lettres avec des talents et point de jalousie, de s’aimer, de vivre doucement, de cultiver son art, d’en parler, de s’éclairer mutuellement ! […] Sans trop presser les dates, les personnages de cette intimité idéale que de loin et à distance on lui compose, seraient Formont, Cideville, des Alleurs, Mme Du Deffand, le président de Maisons, Genonville, l’élite des amis de sa première ou de sa seconde jeunesse ; gens d’esprit et de commerce sûr, jugeant, riant de tout, mais entre soi, sans en faire part au public, sachant de toutes choses ou croyant savoir ce qui en est, prenant le monde en douceur et en ironie, et occupés à se rendre heureux ensemble par les plaisirs de la conversation et d’une étude communicative et sans contrainte.
Son idéal en ce genre, autant qu’on l’entrevoit à travers ses regrets, serait une sorte de gouvernement paternel et de famille, avec des influences locales et territoriales et beaucoup de décentralisation. […] Malheur à qui ne se conduit pas d’après un idéal !
Heureuse autant qu’on pouvait l’être après une première existence très éprouvée, elle savait au fond ce que vaut la plus idéale des félicités humaines. […] Les traits de son visage, trop arrondis et trop obtus aussi, ne conservaient aucune ligne pure de beauté idéale ; mais ses yeux avaient une lumière, ses cheveux cendrés une teinte, sa bouche un accueil, toute sa physionomie une intelligence et une grâce d’expression qui faisaient souvenir, si elles ne faisaient plus admirer.
Jugez quand ce fut lui, quand l’idéal un moment fut trouvé ; alors les orageuses amours commencèrent, la vie devint errante. […] Ses paysages, à elle, ont de l’étendue ; un certain goût anglais s’y fait sentir ; c’est quelquefois comme dans Westall, quand il nous peint sous l’orage l’idéale figure de son berger ; ce sont ainsi des formes assez disproportionnées, des bergères, des femmes à longue taille comme dans les tableaux de la Malmaison, des tombeaux au fond, des statues mythologiques dans la verdure, des bois peuplés d’urnes et de tourterelles roucoulantes, et d’essaims de grosses abeilles et d’âmes de tout petits enfants sur les rameaux ; un ton vaporeux, pas de couleur précise, pas de dessin ; un nuage sentimental, souvent confus et insaisissable, mais par endroits sillonné de vives flammes et avec l’éclair de la passion.
ni d’harmonie idéale comme les grands siècles tant cités, les choses pourtant étaient loin de se passer de la sorte. […] Un journal, une revue dont l’établissement porterait sur des principes, et dont le cadre comprendrait une élite honnête, est un idéal auquel dès l’origine il a été bien de viser, et auquel ici même187 on n’a pas désespéré d’atteindre.
Enfin — et je suis tenté de dire surtout, — l’auteur de la Vie de César aima l’historien attitré de Rome, de cette Rome dont la période impériale, bienfaisante du moins pendant un siècle, sous Auguste, puis sous les Antonins, occupait l’imagination du neveu de Napoléon Ier, lui présentait à la fois son idéal et son apologie. […] Et, constatant que la France marchait en avant des autres peuples vers cet idéal, il concluait : « Pour nous venger, il nous faudra y traîner nos ennemis même ».
Faut-il admettre alors que ces voyageuses ailées et invisibles, parties d’un seul point, ont, avec la vitesse de l’éclair, franchi ces lignes idéales qu’on appelle des frontières ? […] Ainsi la Chine idyllique, telle que les écrivains de notre xviiie siècle la dépeignent souvent, pourrait bien, comme leur fameux état de nature, n’avoir été qu’une aimable création de leur fantaisie ; ainsi, pour quantité de Français, la Suisse demeure aujourd’hui un pays simple et patriarcal où l’on fabrique des montres et des fromages ; ainsi encore, avant 1870, la France croyait à l’existence d’une Allemagne sentimentale, rêveuse, pacifique, où la petite fleur bleue de l’idéal fleurissait dans les cœurs comme le myosotis au bord des ruisseaux.
C’est de l’idéal, mais un idéal dont la réalité offre trop d’exemples pour qu’on s’avise de le contester.
Et puis, l’objet de son idéal secret et de son ambition réelle, nous le savons à présent. […] L’idéal, selon lui, serait d’unir les mérites des deux nations ; mais il semble, dans ce mélange, pencher encore du côté de la France : « J’ai dit plusieurs fois, et je le pense réellement, qu’un Français, qui joint à un fonds de vertu, d’érudition et de bon sens, les manières et la politesse de son pays, a atteint la perfection de la nature humaine. » Il unit assez bien lui-même les avantages des deux nations, avec un trait pourtant qui est bien de sa race.
Il aurait pu, sans s’écarter de la vérité historique, faire l’application de ce principe au grand maître des Templiers ; mais il a voulu le représenter comme un modèle de perfection idéale, et cette perfection idéale sur le théâtre est toujours froide et sans intérêt.
Les ouvrages de Montesquieu ne sont guère que le résumé philosophique et la reprise idéale de ses lectures : on ne raisonne pas mieux que lui de l’histoire, quand il a fermé le livre où en est le récit. […] Montrant les Romains habiles à isoler les rois qu’ils veulent abattre, à détacher leurs alliés, et à se faire de longue main des amis de toutes parts autour de l’ennemi puissant : « Il semblait, dit-il, qu’ils ne conquissent que pour donner ; mais ils restaient si bien les maîtres que, lorsqu’ils faisaient la guerre à quelque prince, ils l’accablaient, pour ainsi dire, du poids de tout l’univers. » Nul n’est mieux entré que Montesquieu dans l’idéal du génie romain ; il est, par inclination, favorable au Sénat, et un peu patricien de l’antique République.
Il manque à cette nature saine, droite, habile, frugale et laborieuse de Franklin un idéal, une fleur d’enthousiasme, d’amour, de tendresse, de sacrifice, tout ce qui est la chimère et aussi le charme et l’honneur des poétiques natures. […] C’est l’idéal ; ne lui demandez pas davantage.
Necker redevient un écrivain et un dissertateur politique très distingué ; il analyse et il critique les diverses Constitutions qui se sont succédé en France, celles de 91, de 93, de l’an III, de l’an VIII ; il en relève aisément les vices ou les défauts : c’est alors qu’il propose et confectionne à loisir son idéal de monarchie tempérée et de gouvernement à l’anglaise, dont il s’était assez peu avisé dans le temps où il tenait le gouvernail. […] Et c’est ici qu’il se trahit à ravir dans toute l’indécision naturelle de sa pensée : il propose à la fois deux plans parallèles, l’un de parfaite république, l’autre de monarchie exemplaire ; il construit tour à tour ces deux plans avec une grande habileté d’analyse, il les balance, et, les ayant pondérés de tout point, il dit à l’homme proclamé par lui nécessaire : « Prenez l’un de mes projets, ou prenez l’autre. » Puis, si on ne les prend pas, il se console par la vue de son propre idéal, et, comme tous les théoriciens satisfaits, il en appelle à l’avenir et au bon sens qui, tôt ou tard, selon lui42, est le « maître de la vie humaine ».
L’œuvre littéraire, notamment, est un ensemble de phrases écrites ou parlées, destinées par des images de tout ordre, soit très vives et précises, soit plus vagues et idéales, à produire chez ses lecteurs ou ses auditeurs une sorte spéciale d’émotion, l’émotion esthétique qui a ceci de particulier qu’elle ne se traduit pas par des actes, qu’elle est fin en soi. […] Que l’artiste use d’éléments choisis dans le réel et agissant par leur vérité, ou d’éléments empruntés de même, mais de valeur émotionnelle accrue, parfaits, et agissant par leur caractère d’idéal, — qu’il se serve de faits minutieusement décrits comme dans tout l’art prosaïque et réaliste, ou de mots et par conséquent de types vagues, comme dans tout l’art poétique et idéaliste, puisés à ces deux sources, ses œuvres tenteront également d’émouvoir et d’émouvoir stérilement.
Rien de plus juste, je dirai même rien de plus évident qu’une telle opinion ; mais ce que l’on appelle synthèse n’est précisément que cet éclectisme idéal dont nous parlons, et dont nous venons de faire voir les difficultés. […] Malebranche n’a de commun avec Platon qu’une certaine beauté d’imagination et l’enthousiasme du monde idéal : autrement, il est sec comme un géomètre et étroit comme un moine.
Il avait en lui deux génies fraternels : le génie de la conversation, qui a besoin des autres pour exister, et le génie littéraire, qui n’a besoin que d’étude et de solitude pour chercher son idéal et pour le trouver. […] Il avait l’idéale, l’immatérielle, l’obsédante !
Il y a des philosophies qui sont presque, des poésies sans rhythme, il y a des métaphysiques qui ont un côté idéal, grandiose, religieux, et ce n’est pas pour rien sans doute qu’on parle des ailes d’or de la pensée de Platon. […] Il est de la race du grand poète, impie au stoïcisme, qui disait : « Je les attends, les plus enragés stoïques, à leur première chute de cheval. » Ce n’est qu’un épicurien, sentant trop la douleur pour la nier, — mais un épicurien de la Pensée, un voluptueux de l’Idéal et de la Forme, ayant la sensibilité nerveuse de la femme et l’imagination des poètes qui s’ajoute à cette sensibilité terrible… Et, dans les livres où il parle de ses souffrances avec une expression tout à la fois délicieuse et cruelle, il ne songe pas une minute à se poser comme un résistant de force morale et de volonté héroïque… En ces livres, parfumés de douleur, il n’est que ce qu’il a été toute sa vie, dans ses livres de bonheur et de jeunesse, — c’est-à-dire bien moins une créature morale qu’une charmante créature intellectuelle, intellectuelle jusqu’au dernier soupir.
Il semble mettre au-dessus de tout le sentiment de la fierté nationale qu’il se préoccupe de concilier avec l’idéal humanitaire. […] Après ils pourront travailler, s’il leur plaît, à l’œuvre supra et internationale, mais d’abord il fallait montrer par le fait qu’on n’est pas au dessous de l’idéal national… (Lettres communiquées.)
C’est bien là, certes, l’idéal de la perfection historique.
Mais l’homme qui écrit par besoin, pour défendre ce qu’il croit ou ce qu’il aime, pour réaliser un idéal d’art, ou même pour satisfaire son ambition, son égoïsme ou ses vices, ne songe qu’à parler juste, et qu’à trouver les mots qui rendent sa pensée et l’approchent de son but : celui-là est aussi éloigné de concerter ses figures que l’homme du peuple, qui, en jurant, ne pense guère à faire une imprécation.
Au nord de la ligne idéale dont on vient de parler, toute la Gaule romaine à peu près appartient au français, un peu diminuée pourtant au Nord-Est, où les invasions barbares ont fait avancer le tudesque au-delà du Rhin jusque vers la Meuse et les Vosges, et à l’Ouest, où les Bretons chassés de Grande-Bretagne par la conquête anglo-saxonne ont rendu au celtique une partie de l’Armorique.
… L’idéal existe… Heureux les simples !
Il conçut le poème une musique, non l’inarticulé balbutiement dont chaque flot sonore meurt perpétuellement au seuil de l’inexprimé, mais la vraie, l’idéale musique abstraite, dégageant le rythme épars des choses, douant d’authenticité, par la création divine du langage, notre séjour au sein des apparences fugaces.
Il en est quelques-uns que j’ai gardés pour la bonne bouche et qui montrent que, si positivement dénuée d’idéal que soit une société, son instinct l’avertit qu’il n’est point de vraie élégance hors du commerce des Muses et que c’est d’elles que l’esprit reçoit son vernis suprême.
C’est l’analogue de ce qu’était dans les mœurs antiques la libation, acte de haut idéalisme, prélèvement touchant fait pour l’invisible, l’inutile, l’inconnu, et qui d’un acte vulgaire fait un acte idéal.
Nous sommes très religieux ; jamais nous n’admettrons qu’il n’y ait pas une loi de l’honnêteté, que la destinée de l’homme soit sans rapport avec l’idéal.
Cette vie imposante de l’artiste civilisateur, ce vaste travail de philosophie et d’harmonie, cet idéal du poëme et du poëte, tout penseur a le droit de se les proposer comme but, comme ambition, comme principe et comme fin.
De là les différentes manières propres aux diverses écoles, et à quelques maîtres distingués de la même école : manière de dessiner, d’éclairer, de draper, d’ordonner, d’exprimer ; toutes sont bonnes, toutes sont plus ou moins voisines du modèle idéal.
Hardiment, elle procède avec les seules forces de la pensée conceptuelle à la reconstruction idéale de toutes choses, même de la vie.
Qu’il y ait dans ces lignes un sentiment de fatuité mondaine, que l’auteur soit heureux d’opposer secrètement à la Béatrice un peu déformée d’Alfieri la Béatrice toute gracieuse et tout idéale de l’Abbaye-aux-Bois, nous n’essayerons pas de le nier ; ce n’est pas une raison pour récuser un témoignage confirmé par des juges plus bienveillants. […] Les traits de son visage, trop arrondis et trop obtus aussi, ne conservaient aucunes lignes pures de beauté idéale.” […] Le sens de cette démarche, qui dut paraître si extraordinaire alors, n’est plus un secret pour nous aujourd’hui : on craignait que Chateaubriand, ayant visité Florence, n’eût appris bien des choses qui pouvaient nuire un peu à l’idéale peinture des amours d’Alfieri et de la comtesse.
Mais l’homme ne vit pas seulement d’idéal ; il faut que cet idéal s’incarne et se résume pour lui dans des institutions sociales ; il y a des époques où ces institutions, qui représentent la pensée de l’humanité, sont organisées et vivantes ; la société alors marche toute seule, et la pensée peut s’en séparer et de son côté vivre seule dans des régions de son choix ; il y en a d’autres où les institutions usées par les siècles tombent en ruines de toutes parts et où chacun doit apporter sa pierre et son ciment pour reconstruire un abri à l’humanité. […] L’idée est mûre, les temps sont décisifs ; un petit nombre d’intelligences appartenant au hasard à toutes les diverses dénominations d’opinions politiques, portent l’idée féconde dans leurs têtes et dans leurs cœurs ; je suis du nombre de ceux qui veulent sans violence, mais avec hardiesse et avec foi, tenter enfin de réaliser cet idéal qui n’a pas en vain travaillé toutes les têtes au-dessus du niveau de l’humanité, depuis la tête incommensurable du Christ jusqu’à celle de Fénélon ; les ignorances, les timidités des gouvernements, nous servent et nous font place ; elles dégoûtent successivement dans tous les partis les hommes qui ont de la portée dans le regard et de la générosité dans le cœur, ces hommes désenchantés tour à tour de ces symboles menteurs qui ne les représentent plus, vont se grouper autour de l’idée seule, et la force des hommes viendra à eux s’ils comprennent la force de Dieu et s’ils sont dignes qu’elle repose sur eux par leur désintéressement et par leur foi dans l’avenir.
Olier conçoit comme l’idéal de la vie du chrétien ce qu’il appelle « l’état de mort ». […] Mon premier idéal est une froide charmille janséniste du xviie siècle, en octobre, avec l’impression vive de l’air et l’odeur pénétrante des feuilles tombées. […] Reid fut de la sorte longtemps mon idéal ; mon rêve eût été la vie paisible d’un ecclésiastique laborieux, attaché à ses devoirs, dispensé du ministère ordinaire pour ses recherches.
IV Ce côté, c’est le côté du détail cru, du mot vulgaire, de cette langue de Paris qui quelquefois est un argot mêlé à la grande langue française, c’est enfin toute cette réalité d’en bas, qui, sous une autre plume moins distinguée et moins savante que celle des de Goncourt, lesquels ont gardé de l’idéal dans la pensée, tend à devenir chaque jour le plus affreux démocratisme littéraire. […] Voilà comme ce poétique entend l’idéal !!! […] même pour M. de Goncourt, pour cet écrivain qui avait un talent à lui autrefois, qui pensait et qui observait pour son compte et, qui ne demandait de documents ni aux grandes personnes, ni aux toutes petites filles, pour faire un de ces livres de réalité et d’idéal comme la vie, que l’on appelle un roman.
À mesure que l’isolement développe, dans l’acteur qui le représente, une rêverie plus intense et plus idéale, il ne doit se refuser aucune image, aucune figure, si riche qu’elle soit. […] Quelle blonde fille de l’Angleterre a posé devant le maître d’école aveugle pour l’idéale figure de la première femme ? […] Il ne permet à personne d’entamer ou de révoquer en doute l’idéale sublimité de son idole. […] Ils avaient compris que la volupté a deux sens, l’un grossier, vulgaire, qui se révèle au plus grand nombre, c’est le plaisir égoïste ; l’autre idéal, poétique, supérieur à la vie commune, c’est la volupté dans l’amour. […] Sans doute l’esprit ne se refuse pas à concevoir le duel idéal de ces deux types.
Le procédé vrai, historique, celui qui donne la vérité absolue, c’est celui qui essaye de mêler, d’entrelacer l’homme réel, tel que nous le voyons sous nos yeux tous les jours, et l’homme idéal avec son rôle historique, dans la littérature et dans l’histoire, et de montrer à la fois l’homme et le grand homme : c’est ce que j’ai essayé de faire pour Molière. […] Je ne veux pas dire absolument qu’il y a un type et un idéal supérieur de vertu qui a tout à fait manqué aux femmes de Molière ; j’en excepte deux : Dona Elvire, qui devient tout à coup si fière et si digne ; avec quelle fermeté elle arrache de son cœur sa passion pour son indigne époux ! […] Son idéal de mariage, au bourgeois de Molière, est placé aussi bas que possible ; s’il lui arrive malheur, aucune souffrance chez lui, d’affection ni de cœur ; il n’a que les souffrances de vanité plate ; s’il se résigne, sa résignation est basse au possible. […] … Taisez-vous, carogne, etc. » Descendons d’un degré, nous trouvons, après le bourgeois, le paysan et le valet, de qui l’idéal absolu est de n’être pas battu. — N’être pas battu, c’est pour cela que le valet dépense des trésors d’industrie. […] Coudre et filer, voilà donc aussi l’idéal d’Arnolphe ; c’est la preuve que là n’est pas l’idéal de Molière.
La prostitution, Monsieur, car l’écrivain qui, au lieu d’imposer son propre idéal au public, incarne l’idéal courant toujours bas, est un prostitué. […] Dans l’occulte le symbole est toujours lié à une série de vérités religieuses, psychologiques, idéales ; dans l’école symboliste, il n’est que l’obscurcissement superficiel de la grimace du style. […] Mais je me dois à moi-même et à l’idéal poétique qui me sollicite, de dire que l’action immédiate de Verlaine sur le renouveau poétique espéré doit être combattue. […] … Ô ces vendanges idéales au vignoble de la Vérité ! […] Tout de même, il y a une réaction, réaction bienfaisante contre cette absence de toute préoccupation de l’intellectuel, contre cette négation de tout idéal, qui auront marqué d’une tache bête l’école naturaliste.
Mais, à cause de cela aussi, ils se séparent pour la réalisation de leur idéal : chacun d’eux manifeste sa personnalité avec indépendance, avec intransigeance. […] Ils ne forment pas une école, si la constitution, d’une école exige l’anéantissement des individualités ou leur soumission à quelque impérieux idéal. […] Verhaeren est tout entier à l’idéal qu’il a choisi, et il n’en admet pas d’autre : élégance, délicatesse lui sont odieuses et il n’a que du mépris pour les fades paysanneries de Greuze. […] Il y a des chimères, il y a des contradictions, il y a des laideurs et des vulgarités dans ces tentatives forcenées des hommes d’aujourd’hui pour se construire leur idéal. […] On la sent uniquement attentive à l’idéal qu’elle entrevoit et dont elle dédaignerait de se laisser distraire.
Il ne regrette point le ministère aux conditions où il l’a laissé, et il résume lui-même sa situation politique par un de ces mots décisifs qui sont à la fois un jugement très vrai, et un aveu honorable pour celui qui les prononce : « Je sens avec vous combien il est heureux pour moi de n’être plus en place ; je n’ai pas la capacité nécessaire pour tout rétablir, et je serais trop sensible aux malheurs de mon pays. » Et il essaye de se consoler de son mieux, de se recomposer, dans cette oisiveté, quoi qu’il en dise, un peu languissante, un idéal de vie philosophique et suffisamment heureuse : « La lecture, des réflexions sur le passé et sur l’avenir, un oubli volontaire du présent, des promenades, un peu de conversation, une vie frugale : voilà tout ce qui entre dans le plan de ma vie ; vos lettres en feront l’agrément. » Ce dernier point n’est pas de pure politesse : on ne peut mieux sentir que Bernis tout l’esprit et la supériorité de Voltaire là où il fait bien : « Écrivez-moi de temps en temps ; une lettre de vous embellit toute la journée, et je connais le prix d’un jour. » La manière dont Voltaire reçoit ses critiques littéraires et en tient compte enlève son applaudissement : « Vous avez tous les caractères d’un homme supérieur : vous faites bien, vous faites vite, et vous êtes docile. » Bernis n’a pas, en littérature, le goût si timide et si amolli qu’on le croirait d’après ses vers. […] Il indique alors quelques ridicules du jour qui sont un sujet tout fait pour la moquerie : « Il est plaisant, dit-il, que l’orgueil s’élève à mesure que le siècle baisse : aujourd’hui presque tous les écrivains veulent être législateurs, fondateurs d’empires, et tous les gentilshommes veulent descendre des souverains. » Il finit surtout par un conseil que Voltaire a trop peu suivi, et qui, au lieu de cette ricanerie universelle à laquelle il s’abandonnait, aurait dû être le but idéal suprême du grand écrivain en ces années de sa vieillesse : Riez de tout cela et faites-nous rire, lui dit Bernis en lui développant son plan ; mais il est digne du plus beau génie de la France de terminer sa carrière littéraire par un ouvrage qui fasse aimer la vertu, l’ordre, la subordination, sans laquelle toute société est en trouble.
En définissant le genre de talent de La Motte, il va nous définir une partie de son talent à lui-même, ou du moins de son idéal le plus sévère, tel qu’il le conçoit : L’expression de M. de La Motte, dit-il, ne laisse pas d’être vive ; mais cette vivacité n’est pas dans elle-même, elle est toute dans l’idée qu’elle exprime ; de là vient qu’elle frappe bien plus ceux qui pensent d’après l’esprit pur, que ceux qui, pour ainsi dire, sentent d’après l’imagination. […] Pourtant nous voilà bien avertis de l’idéal qu’il s’est choisi ; La Motte est pour lui le beau intellectuel, simple, majestueux, son Jupiter Olympien en littérature et son Homère : l’autre Homère, avec ses grands traits et ses vives images, n’est bon tout au plus qu’à débaucher les esprits.
On est tenté de croire que M. de Meilhan a songé à lui dans ce portrait d’Aladin qui nous représente assez bien son propre idéal et ce qu’il aurait voulu être dans la jeunesse : Aladin était éloquent, passionné pour la liberté ; il était épris de la gloire et sentait qu’on ne pouvait s’élever dans une cour qu’en rampant, et que l’assiduité tenait lieu de mérite. […] M. de Meilhan décompose, pour ainsi dire, son idéal entre ces deux personnages ; l’un est ce qu’il s’imagine avoir été dans sa jeunesse, l’autre ce qu’il se flatte d’être devenu dans son âge désabusé.
Son idéal habituel reste fort au-dessous de cet ordre de pensées. […] L’idéal du bonheur, avec considération et indépendance, s’offre le plus volontiers à ses yeux sous la forme assez bourgeoise d’un juge-consul ou d’un conseiller au Parlement de Paris ; mais il y ajoute certaines conditions supplémentaires qui en font une existence pas du tout ennuyeuse et des plus variées.
Et dans la meilleure supposition il est forcément amené à demander pour chef de son insurrection idéale, et qui doit réussir, un homme qui ait du génie et de la valeur. […] Il faut voir comme, dans les prétendus Mémoires d’Anne de Gonzague, elle goûte l’épisode romanesque de la comtesse de Moret que M. de Meilhan avait ajouté à la seconde édition ; elle y revient sans cesse : cette vie à deux, toute d’union, d’amitié et de sacrifice, au milieu de la forêt des Ardennes, dans une profonde solitude, lui paraît réaliser l’idéal du parfait bonheur et lui arrache des larmes : « Quel dommage, s’écrie-t-elle, que ce ne soient là que des songes !
Je pourrais noter, comme dans un opéra, nombre de ces beaux airs ou de ces hymnes : Si tu viens trop tard, ô mon Idéal, je n’aurai plus la force de t’aimer, etc. ; Ô Beauté, nous ne sommes créés que pour t’aimer et t’adorer à genoux, etc. […] Il nous a donné toute sa poétique dans une de ses plus belles pièces, le Triomphe de Pétrarque, où il s’adresse, en finissant, aux initiés et aux poètes : Sur l’autel idéal entretenez la flamme.
Mais ce serait se faire un trop bel idéal, je le crois, des journaux de Rome que de se les représenter par les lettres de Célius ; c’est précisément parce que les journaux, qui y sont à peine indiqués en passant, ne disent pas l’indispensable, qu’il y supplée si activement près de Cicéron. […] Voilà un assez bel idéal de plan, ce semble.
En un mot, ses mœurs et ses rêves d’idéal étaient assez au rebours de ses autres opinions, et, comme on aurait dit plus tard, de ses principes. […] Mais comme l’illusion d’une certaine perspective a besoin de se retrouver même dans les choses de l’amour lorsque son règne se prolonge, ces personnages, qui, de loin, sous leurs lambris élégants et leurs berceaux, nous semblent réaliser un idéal de vie amoureuse, enviaient eux-mêmes d’autres cadres et d’autres groupes qui leur figuraient un voisinage plus heureux.
Indépendamment de son idéal, il avait l’instinct politique. […] C’était la pensée égalitaire devenue homme, l’incarnation d’une impossibilité à laquelle tend l’idéal, mais à laquelle la nature résiste, et qui n’est pas par conséquent le plan divin des sociétés.
Aussi faut-il les prendre moins comme des formules fixes de valeur constante, que comme des formules élastiques, de valeur variable, qui indiquent un idéal à poursuivre. […] Cette conception a sa vérité : elle représente, en leur forme idéale, les âmes fortes et dures, qui raisonnent leurs passions, les âmes des Richelieu317 et des Retz, des grands ambitieux lucides et actifs.
Et c’est pourquoi le romanesque ne repoussera point, dans sa forme, un idéal de beauté un peu fade et d’élégance un peu convenue ; il aimera les cavaliers bruns, les amazones blondes, les ruines, les clairs de lune. […] est-ce la recherche de l’idéal qui les égare ?
La poésie chante la loi naturelle et flétrit le fanatisme ; le roman, hardi dans ses propos comme dans ses peintures de mœurs, raille tant qu’il peut l’idéal monastique. […] Voltaire disait109 : « Si Dieu nous a faits à son image, nous le lui avons bien rendu ». — Et, en effet, non seulement chaque civilisation, chaque siècle, se représente Dieu à sa façon et le modèle d’après son idéal ; non seulement on peut répéter en ce sens, après Renan : — Dieu n’est pas ; il devient ― ; mais encore le Dieu des catholiques, si bien défini qu’il paraisse par la théologie orthodoxe, s’est incessamment modifié.
Quelle part faisaient-ils à la raison et à l’imagination, à l’idéal et à la réalité ? […] Il a beau fulminer contre Ronsard ; il conserve la moitié de l’idéal de la Renaissance ; il érige en principe l’imitation des auteurs de la Grèce et de Rome ; il maintient les genres littéraires créés par eux ; il prescrit l’emploi de la mythologie ; il en fait une condition vitale du poème épique ; il invite les faiseurs d’odes à prendre Pindare pour modèle et il abritera sous l’autorité du poète thébain les hardiesses prudentes (oh combien prudentes !)
Mme de La Vallière est un de ces sujets et de ces noms qui ont toujours jeunesse et fraîcheur en France : elle représente l’idéal de l’amante avec toutes les qualités de désintéressement, de fidélité, de tendresse unique et délicate, qu’on se plaît à y rassembler ; elle ne représente pas moins en perfection la pénitence touchante et sincère. […] Disons seulement, de notre ton le moins profane, que, quand on vient de relire l’admirable chapitre v du livre III de l’Imitation, où sont exprimés les effets de l’amour divin, qui n’est dans ce chapitre que l’idéal de l’autre amour, Mme de La Vallière est une de ces figures vivantes qui nous l’expliquent en leur personne et qui nous le commentent le mieux.
Autant il serait périlleux et coupable de l’aller ériger en idéal romanesque et en modèle, autant il est impossible, quand on la rencontre dans la vie, et même au milieu de tout ce qu’on déplore, de n’en pas être touché. […] » Évidemment ce Voyez ne s’adresse pas à Sophie, qu’il tutoie d’habitude : c’est l’écrivain, c’est l’orateur, et non plus l’amant, qui s’adresse ici à cet auditoire absent et idéal que son imagination ne perd jamais de vue.
Lui-même, dans des pages excellentes, en définissant l’esprit et le goût, il n’a pu s’empêcher de définir son propre goût, son propre esprit ; on ne prend jamais, après tout, son idéal bien loin de soi : L’esprit, dit-il, est en général cette faculté qui voit vite, brille et frappe. […] Rivarol n’était point un homme de génie, mais c’était plus qu’un homme d’esprit : il réalisait tout à fait l’idéal de l’homme de talent, tel qu’il l’a défini : « Le talent, c’est un art mêlé d’enthousiasme. » Il est dommage que ce talent, chez lui, fût un peu gâté par du faste et de l’apprêt.
Le lyrisme est capiteux, le beau grise, le grand porte à la tête, l’idéal donne des éblouissements, qui en sort ne sait plus ce qu’il fait ; quand vous avez marché sur les astres, vous êtes capable de refuser une sous-préfecture ; vous n’êtes plus dans votre bon sens, on vous offrirait une place au sénat de Domitien que vous n’en voudriez pas, vous ne rendez plus à César ce qu’on doit à César, vous êtes à ce point d’égarement de ne pas même saluer le seigneur Incitatus, consul et cheval. […] Cette école met sous clef les passions, les sentiments, le cœur humain, la réalité, l’idéal, la vie.
Ils sont de l’idéal réel. […] Après avoir ainsi pourvu de vie réelle son personnage, le poëte peut le lancer en plein idéal.
Mais qu’un passant quelconque qui a en lui l’idéal, qu’un pauvre misérable comme Homère laisse tomber dans l’obscurité une parole, et meure, cette parole s’allume dans cette ombre, et devient une étoile. […] La vertueuse femme en qui le peuple anglais, royaliste, comme on sait, voit et vénère sa personnification actuelle, cette digne mère, cette noble veuve, vient, avec le respect profond qui convient, incliner la majesté matérielle devant la majesté idéale ; la reine d’Angleterre salue Shakespeare ; l’hommage de Victoria répare le dédain d’Élisabeth.
En conséquence, on doit admettre avec Kant l’existence de deux règnes, comme il les appelle, le règne de la nature et le règne de la liberté : le premier, où domine la nécessité, où chaque phénomène est déterminé par un phénomène antérieur, d’après un mécanisme rigoureux ; le second, où des volontés raisonnables se savent assujetties à une loi idéale, loi qui ne peut agir physiquement, mécaniquement sur elles, et qui, tout en déterminant leur action d’une façon en quelque sorte métaphysique, leur laisse leur entière spontanéité. […] L’esclavage, quel qu’il soit (civil ou politique), a pour effet de changer la personne en chose, de faire retomber l’homme du règne de la liberté dans le règne de la nature, et de l’ordre idéal, pour lequel il est fait, dans l’ordre mécanique, où il plonge naturellement.
Ils en cherchèrent la signification permanente et le sens idéal ; où les uns virent des contes et des fables, les autres virent des symboles. […] Ses disciples eurent l’ivresse de la plastique idéale.
Gabriel Boissy défend avec une activité inlassable la renaissance du théâtre héroïque et tragique, la valeur moralisatrice de l’idéal latin et fonde même des théâtres pour y mettre en œuvre ses théories. […] L’esprit traditionniste royaliste, l’idéal classique de M.
Remarquez, à travers la plus grande intelligence de l’art, qu’il est sans idéal, sans verve, sans poésie, sans mouvement, sans incident, sans intérêt. […] Intarrissables sur le technique qu’on trouve partout ; muets sur l’idéal qu’on ne trouve nulle part.
Cependant ce Vernet, tout ingénieux, tout fécond qu’il est, reste encore bien en arrière du Poussin du côté de l’idéal. […] Si au sublime du technique l’artiste flamand avait réuni le sublime de l’idéal, on lui élèverait des autels.
« Attaché à un idéal sévère, j’ai toujours eu peur d’être exclusif », dit-il quelque part, et il a toujours eu trop peur. […] Byron, qui aimait la force physique pour trois raisons souveraines : parce qu’il était un être idéal, délicat et infirme, a toute sa vie recherché et choyé les heureuses créatures douées de cette mystérieuse puissance, si loin de lui qu’elles fussent, d’ailleurs, par la pensée, le sentiment et les autres distinctions faites par la nature ou par la société.
. — Sur le premier plan, un cadavre, troué de balles, couché sur une civière ; derrière lui tous les gros bonnets de la ville, en uniforme, bien frisés, bien sanglés, bien attifés, les moustaches en croc et gonflés d’orgueil ; il doit y avoir là-dedans des dandys bourgeois qui vont monter leur garde ou réprimer l’émeute avec un bouquet de violettes à la boutonnière de leur tunique ; enfin, un idéal de garde bourgeoise, comme disait le plus célèbre de nos démagogues. […] Il s’amende, il se corrige sans cesse ; il se tourne, il se retourne et poursuit un idéal intangible.
J’ose à peine l’avouer au nouvel apôtre, mais il me semble que l’idéal qu’il nous propose, n’est pas fort éloigné de celui du moyen-âge catholique, avec ses couvents d’hommes et de femmes, où chaque sexe, en s’éloignant de l’autre, poursuivait, pour son compte personnel, les délices du ciel. Mais après cette modeste remarque, entrons dans la pensée plus intime de l’auteur. « … L’homme est né pour l’idéal, dit un de ses critiques24 en résumant le thème général du livre, il a mission de travailler à l’amélioration de son espèce, et il s’en trouve empêché par ses instincts sexuels, source infinie d’abrutissement et de dégradation. « Il est temps, s’écrie M.
Lentement, progressivement, il a élaboré en lui un Idéal en contradiction absolue avec son milieu, et, il le pressent, avec tout milieu. […] On y célèbre l’or, le marbre et la pourpre. » Cet Idéal serait donc un retour au pur paganisme et d’Albert le proclame : « Je suis un homme des temps homériques. […] « … Si tu viens trop tard, ô mon Idéal, je n’aurai plus la force de t’aimer. […] De l’autre, c’est une société chaotique, tumultueuse, qui semble en gésine d’un Idéal nouveau et dont cet homme se dit qu’il faut l’accepter pour qu’elle l’accepte. […] Ce peuple ne lui apparut pas non plus, sinon vers la fin, comme l’être idéal et sublime de qui relève une chimérique justice.