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1313. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre IV. Addison. »

On sent qu’il en a l’amour, qu’il les scande avec volupté, qu’une belle césure le ravit, que toutes les délicatesses le touchent, que nulle nuance d’art ou d’émotion ne lui échappe, que son tact littéraire s’est raffiné et préparé pour goûter toutes les beautés de la pensée et des expressions. […] Dans toute société polie on recherche l’ornement de la pensée ; on lui veut de beaux habits rares, brillants, qui la distinguent des pensées vulgaires, et pour cela on lui impose la rime, la mesure, l’expression noble ; on lui compose un magasin de termes choisis, de métaphores vérifiées, d’images convenues qui sont comme une garde-robe aristocratique dont elle doit s’empêtrer et se parer. […] Partout de justes oppositions qui ne servent qu’à la clarté et ne sont point trop prolongées ; d’heureuses expressions aisément trouvées qui donnent aux choses un tour ingénieux et nouveau ; des périodes harmonieuses où les sons coulent les uns dans les autres avec la diversité et la douceur d’un ruisseau calme ; une veine féconde d’inventions et d’images où luit la plus aimable ironie. […] Les bienséances du monde, qui atténuent les expressions, émoussent le style ; à force de régler ce qui est primesautier et de tempérer ce qui est véhément, elles amènent le langage effacé et uniforme. […] Such an habitual homage to the Supreme Being would in a particular manner banish from among us that prevailing impiety of using his name on the most trivial occasions… What can we think of those who make use of so tremendous a name in the ordinary expressions of their anger, mirth, and most impertinent passions ?

1314. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (1re partie) » pp. 313-408

C’était le seul sentiment assez fort pour l’arracher aux peines individuelles, et il en a consacré, dans quelques pièces, l’expression amère et généreuse. […] Je me souviens que les Rayons jaunes, cette nuance non encore caractérisée du soir dans nos villes ou dans nos étages élevés de nos chambres à la campagne, me frappa comme une nouveauté des yeux, du cœur, de l’expression, et m’arracha des larmes. Je me dis : Voilà un jeune homme qui s’attache trop à un détail, mais le détail est pittoresque, et son expression restera dans le dictionnaire de nos tristesses. […] Vous avez toujours cette fine et douce expression intelligente et ces beaux cheveux blonds de notre jeunesse retombant en arrière comme une cascatelle du génie ; mais une redingote d’un drap sombre râpée, et dont les pans battaient les talons des souliers à la Dupin, un chapeau aux ailes usées et battues, désavouaient toute prétention à l’élégance extérieure, et n’en montraient que dans l’esprit. […] Il faut pourtant que je vous dise que moi, qui suis de ces poètes tombés dans l’ivresse des sens dont vous parlez, mais qui sympathise même avec le mysticisme, parce que j’ai sauvé du naufrage une croyance inébranlable, je trouve la vôtre un peu affectée dans ses expressions.

1315. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quatorzième. »

Cette doctrine des parfaits, cet impossible amour de Dieu, cette piété distinguée, toutes ces rêveries du sens propre, ce rare, ce grand fin en religion, selon l’expression du temps, telle est, pour la plus grande part, l’invention dans Fénelon. […] Comment Fénelon, qui écrit de génie, a-t-il parlé d’abandonner, même à un corps si considérable, ce qui est le plus beau privilège du génie, le droit de créer des expressions pour des idées nouvelles ? Si les académies pouvaient avoir un emploi quelconque en cette matière, ce serait plutôt celui de vérifier si les idées nouvelles sont justes, si les expressions créées sont dans le génie de la langue, et d’en consigner les raisons dans leurs vocabulaires. […] La plus solide de toutes les nouveautés de ce grand esprit est d’avoir indiqué au dix-huitième siècle sa tâche, c’est à savoir l’application au bien-être de la nation de toutes ces vérités dont le choix et l’expression sont la gloire du dix-septième. […] Les expressions suivent, sans interruption et sans effort.

1316. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

Dumas a trouvé la meilleure expression de ses idées. […] Daudet l’a dessiné en traits inoubliables, avec un singulier bonheur d’expression. […] Il s’est appliqué à faire passer et à sauver par l’expression ses plus cruelles études. […] Expression de M.  […] Expressions de Mercier.

1317. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires relatifs à la Révolution française. Le Vieux Cordelier, par Camille Desmoulins ; Les Causes secrètes ou 9 thermidor, par Villate ; Précis du 9 thermidor, par Ch.-A. Méda, Gendarme »

La dernière lettre de Camille Desmoulins écrite à sa femme, avant de marcher à la mort, est un mémorable et touchant exemple de cette exaltation qui ne devait s’éteindre qu’avec la vie : mais ici il n’y a rien qui doive étonner ; pour une telle affection, dans un tel moment, nulle expression ne suffit ; l’énergie de l’amour est incalculable, et, comme dit Bacon, c’est la seule passion qui ne fasse pas mentir l’hyperbole.

1318. (1875) Premiers lundis. Tome III « Émile Augier : Un Homme de bien »

Mais ce que nous voudrions surtout suggérer à un talent aussi net et aussi naturel d’expression, aussi tourné par vocation, ce semble, aux choses de théâtre, ce serait d’agrandir, avant tout, le champ de son observation, non pas de vieillir (cela se fait tout seul et sans qu’on se le dise), mais de vivre, de se répandre hors du cercle de ses jeunes contemporains, de voir le monde étendu, confus, de tout rang, le monde actuel tel qu’il est, de le voir, non pas à titre de jeune auteur déjà en vue soi-même, mais d’une manière plus humble, plus sûre, plus favorable au coup d’œil, et comme quelqu’un de la foule ; c’est le meilleur moyen d’en sortir ensuite avec son butin, et de dire un jour à quelque ridicule, à quelque vice pris sur le fait : Le voilà !

1319. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Signoret, Emmanuel (1872-1900) »

Emmanuel Signoret est riche d’expression et, si l’on sait lui pardonner un déplorable abus de fausse joaillerie, de sonorités assourdissantes, d’images futiles et désordonnées, ses poèmes peuvent offrir de remarquables dons d’évocation.

1320. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Introduction » pp. 2-6

S’il désire puiser dans les faits des arguments à l’appui d’une doctrine qui lui tient à cœur, il est entraîné malgré lui à grossir les uns et à négliger les autres ; il se crée un intérêt, ce qui est un moyen sûr « pour se crever agréablement les yeux », suivant l’expression de Pascal.

1321. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — Q. — article » pp. 572-580

Le naturel, il est vrai, s’énonce sans effort, quand l’esprit & le cœur, qui le produisent par leur accord, sont profondément pénétrés ; mais il n’exclut ni la noblesse, ni l’élévation, ni le choix des expressions, ni la finesse, ni l’élégance des tours.

1322. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface et note de « Notre-Dame de Paris » (1831-1832) — Note ajoutée à l’édition définitive (1832) »

Mais il est peut-être d’autres lecteurs qui n’ont pas trouvé inutile d’étudier la pensée d’esthétique et de philosophie cachée dans ce livre, qui ont bien voulu, en lisant Notre-Dame de Paris, se plaire à démêler sous le roman autre chose que le roman, et à suivre, qu’on nous passe ces expressions un peu ambitieuses, le système de l’historien et le but de l’artiste à travers la création telle quelle du poëte.

1323. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Sophocle, et Euripide. » pp. 12-19

La scène étoit en proie à des sentimens hors de nature & gigantesques ; à des expressions dures, raboteuses, obscures, embarrassées ; aux situations les plus terribles & les moins vraisemblables.

1324. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Deshays  » pp. 134-138

Mais, mon ami, s’il eût donné cette expression forte à son St Benoit, voyez ce qui en serait rejailli sur le reste.

1325. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Hallé » pp. 71-73

Mais, dites-moi, je vous prie, qui est cet homme maigre, ignoble, sans expression, sans caractère, couché sous cette tente. " c’est le roi Scilurus " .

1326. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 8, des instrumens à vent et à corde dont on se servoit dans les accompagnemens » pp. 127-135

Je réponds que cette expression renferme veritablement un reproche dans notre usage, mais c’est uniquement à cause du sens limité dans lequel nous avons coutume d’emploïer le mot de chanter, lorsque nous nous en servons en parlant de la déclamation théatrale.

1327. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Méry »

Son Histoire de Constantinople est toute parfumée d’un catholicisme qui n’est pas du catholicisme littéraire, c’est à-dire un sentiment vague, énervé ou faux, dont l’expression plaque artificieusement une phrase artificielle.

1328. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Argument » pp. 93-99

., ne sont que des expressions symboliques du caractère des indigènes qui fondèrent ces villes.

1329. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre premier. Sujet de ce livre » pp. 101-107

Quatrièmement, elles leur donnaient la facilité d’exposer les idées philosophiques les plus sublimes en se servant des expressions des poètes, héritage heureux qu’ils avaient recueilli.

1330. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Cette fièvre de l’âme déborde en expressions convulsives. […] Aussi n’y a-t-il plus de sculpture, et la seule beauté est celle de la tête et de l’expression. […] La cuisine, l’écurie, le garde-manger, la maçonnerie, la ménagerie, les mauvais lieux, il prend des expressions partout. […] En tout temps le langage copie la vie ; les habitudes du monde forment les expressions des livres ; comme on agit, on écrit. […] Un enfant entendrait du premier coup toutes ses expressions et tous ses tours.

1331. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. VILLEMAIN. » pp. 358-396

Un de ces inconvénients, c’est, en écrivant sur les auteurs ou en touchant certaines idées religieuses, sociales, d’être trop tenté de prendre les personnes ou les choses par leur surface embellie, par l’expression convenable et consacrée selon laquelle elles se produisent. […] Vers 1827, par le silence à peu près absolu des autres chaires et la disette de toute parole publique dont on était affamé, par la gravité des circonstances qui allaient jusqu’à menacer l’expression de la pensée littéraire, et par les développements croissants du professeur, le Cours de M. […] Villemain me parait assez exactement appartenir à cette classe d’orateurs que Cicéron caractérise, à divers endroits de ses œuvres de rhétorique, par ces expressions : « Tenues, acuti, omnia docentes et dilucidiora facientes, subtili quadam et pressa oratione limati,… faceti, florentes etiam et leviter ornati,… in narrando venusti.

1332. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE KRÜDNER » pp. 382-410

La partie profonde de son âme était (pour me servir d’une expression de Valérie) comme ces sources dont le bruit se perd dans l’activité et dans les autres bruits du jour, et qui ne reprennent le dessus qu’aux approches du soir. […] Dans l’expression de cette simple relation avec Bernardin de Saint-Pierre, on sent combien Mme de Krüdner était exaltée. […] Il y a ici une incorrection de langage (assistant ne se prenant point dans un sens absolu) ; l’auteur de Valérie, en se faisant instrument divin et prophétesse, soignait beaucoup moins son expression.

1333. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

… Partout sur des autels j’entends mugir Apis, Bêler le dieu d’Ammon, aboyer Anubis. » Mais voici le génie d’expression qui se retrouve : « Des opinions puissantes, un vaste échafaudage politique ou religieux, ont souvent été produits par une idée sans fondement, une rêverie, un vain fantôme, Comme on feint qu’au printemps, d’amoureux aiguillons La cavale agitée erre dans les vallons, Et, n’ayant d’autre époux que l’air qu’elle respire, Devient épouse et mère au souffle du Zéphire. » J’abrège les indications sur cette portion de son sujet qu’il aurait aimé à étendre plus qu’il ne convient à nos directions d’idées et à nos désirs d’aujourd’hui ; on a peine pourtant, du moment qu’on le peut, à ne pas vouloir pénétrer familièrement dans sa secrète pensée : « La plupart des fables furent sans doute des emblèmes et des apologues des sages (expliquer cela comme Lucrèce au livre III). […] André, dans ses notes, emploie, à diverses reprises, cette expression : j’en pourrai faire un QUADRO ; cela paraît vouloir dire un petit tableau peint ; car il était peintre aussi, comme il nous l’a appris dans une élégie : Tantôt de mon pinceau les timides essais Avec d’autres couleurs cherchent d’autres succès. […] Peut-être aussi le poëte n’emploie-t-il, en certains cas, cette expression de Quadro que métaphoriquement et par allusion à son petit cadre poétique.

1334. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIe entretien. Poésie lyrique » pp. 161-223

Son front était étroit, peu élevé, comme celui que les sculpteurs de Chypre ou de Milo donnent à leurs statues de femmes, parce que la Grèce et l’antiquité savaient bien que la vraie beauté de la femme n’est pas dans l’intelligence de la physionomie, mais dans la tendresse de l’expression du visage ; des cheveux d’un blond doré poussaient très bas sur ce front et l’encadraient dans les boucles à peine ondées de ces cheveux. […] Ce qu’il y a de plus divin en nous ne s’exprime jamais, car les langues sont des moyennes, selon l’expression des géomètres, et les moyennes ne s’élèvent jamais aux excès des sensations et aux énergies ineffables du cœur humain. […] Le froid le saisit ; il rentra chancelant dans sa chambre solitaire, chercha lentement l’inspiration, tantôt dans les palpitations de son âme de citoyen, tantôt sur le clavier de son instrument d’artiste, composant tantôt l’air avant les paroles, tantôt les paroles avant l’air, et les associant tellement dans sa pensée qu’il ne pouvait savoir lui-même lequel de la note ou des vers était né le premier, et qu’il était impossible de séparer la poésie de la musique et le sentiment de l’expression.

1335. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

Sa seule physionomie me l’aurait nommé ; il était jeune, grand, élancé, la tête chargée de modestie, un peu inclinée en avant, le regard bleu et nuancé de blanches visions comme une eau de golfe traversée par beaucoup de voiles, le front plein, les traits mâles, quoique avec une expression générale mélancolique, le teint pâli par la lampe, la physionomie pieuse, si l’on peut se servir de cette expression, c’est-à-dire la physionomie d’un jeune solitaire qui écoute des voix célestes entendues de lui seul, et dont la pensée, consumée du feu doux de l’encensoir, monte habituellement en haut plus qu’elle ne se répand sur les choses visibles d’ici-bas. […] XXVIII Enfin la poésie est l’expression de l’idéal ; or le beau idéal, c’est l’amour enthousiaste, la prière, la miséricorde, la charité du genre humain, comme dit Cicéron.

1336. (1892) Boileau « Chapitre I. L’homme » pp. 5-43

D’abord sa liberté ne l’enivra pas : content de se sentir maître de sa volonté et de l’usage de son esprit, il continua de résider dans la maison de la cour du Palais qui avait passé à son frère Jérôme ; ce fut sans doute alors que, selon son expression, il « descendit au grenier », de l’étroite guérite sous le faîte du toit, où il avait logé jusque-là. […] Ce jouet ingénieux était l’expression du goût fin de la jeune cour. […] En 1677, Louis XIV lui commanda, ainsi qu’à Racine, de « tout quitter » pour se consacrer à écrire son histoire, et Boileau, selon ses propres expressions, « renonça » dès lors à la poésie : non pas aussi complètement que son ami, il n’en avait pas les mêmes raisons intimes ; mais deux chants du Lutrin, trois satires et trois épîtres, une ode et quelques épigrammes, voilà tout le bilan de son activité poétique pendant plus de trente années qu’il lui restait à vivre.

1337. (1914) Enquête : Les prix littéraires (Les Marges)

La justice civile et pénale est boiteuse et myope ; elle rend des arrêts qui sont rarement l’expression de l’équité absolue, et la plupart des jugements sont des cotes mal taillées. […] À mon avis, et en jugeant à première vue, le meilleur moyen serait de leur offrir, moyennant une somme très réduite, ou en échange d’un travail de deux ou trois heures par jour qui leur laisserait le reste du temps libre, une retraite à la campagne, une sorte d’université-hôtel, si je puis employer une expression aussi singulière, s’inspirant, mais en abandonnant tout ce qui est enseignement, des universités anglaises. […] À parler net, je trouve que les prix tendent, selon votre expression, à avilir la mentalité des jeunes.

1338. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

On sent de quel intérêt dut être la lecture de Plutarque, lorsque, selon l’expression de Montaigne, il fut devenu français par Amyot. […] De là cette intelligence si profonde et si sûre, et cette pratique pour ainsi dire journalière des analogies des langues anciennes avec la nôtre ; de là tant de créations de tours et d’expressions conformes à l’esprit de notre pays. […] Les érudits en goûtent la nouveauté, et y admirent tant de tours et d’expressions conformes au génie de notre pays, et qui datent de Montaigne.

1339. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juillet 1886. »

Ils eurent cette langue musicale précise, qui seule permet une expression régulière des émotions. […] Mais dans la Messe du Pape Marcel, tout différente de ses autres œuvres, dans les admirables Improperia, il nous montre un étonnant souci de l’expression émotionnelle. […] La fable mise en scène n’est que l’expression d’un état intérieur traduit en faits visibles.

1340. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

D’elle, d’elle seule, vient la noble simplicité, celle qu’il ne faut pas confondre, ô Francis Jammes, « avec l’indigence du vocabulaire ou la vulgarité de l’expression ». […] Elle est « la réalisation de ce miracle : l’expression de l’ineffable ». […] Ses moyens d’expression — de l’alexandrin au vers de deux syllabes, de l’hexamètre latin à la prose française roide en son armure ou souple et jupes troussées — sont aussi innombrables que les merveilles à exprimer.

1341. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Romans et nouvelles » pp. 3-80

Non, le romancier, qui a le désir de se survivre, continuera à s’efforcer de mettre dans sa prose de la poésie, continuera à vouloir un rythme et une cadence pour ses périodes, continuera à rechercher l’image peinte, continuera à courir après l’épithète rare, continuera, selon la rédaction d’un délicat styliste de ce siècle, à combiner dans une expression le trop et l’assez, continuera à ne pas se refuser un tour pouvant faire de la peine aux ombres de MM.  […] Cette expression, très blaguée dans le moment, j’en réclame la paternité, la regardant, cette expression, comme la formule définissant le mieux et le plus significativement le mode nouveau de travail de l’école qui a succédé au romantisme : l’école du document humain.

1342. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VII. M. Ferrari » pp. 157-193

Pour nous servir d’une expression fameuse de M.  […] Il a, dans le style, ce qui vaut mieux que le mouvement même : il a l’expression. […] Pour écrire et même pour bien peindre l’histoire, nul critique n’est en droit d’exiger de l’historien qu’il s’élève à une pareille hauteur ; mais quand il s’y élève, il est plus qu’un historien ; il monte jusqu’au poète, le poète qui n’est peut-être que l’expression la plus intense de toutes les espèces de génie et que vous avez au-dessus de toutes les spécialités de la pensée, même de celles qui paraissent le plus prosaïques et le plus abstraites, depuis Newton jusqu’à Burdach et depuis Kant jusqu’à Cuvier !

1343. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

J’ai souvent employé l’expression de metteur en scène ; mais la plupart du temps c’est pour moi une expression complexe qui ne répond pas à une personnalité distincte et à une fonction réelle. En parlant du travail théâtral, des décors, des jeux et des combinaisons scéniques, j’ai d’ailleurs évité de me servir d’expressions techniques peu familières aux lecteurs. […] Ici, je n’ai pas d’ailleurs à examiner cette question dans les détails infinis qu’elle comporterait : je l’ai ramenée à sa plus simple expression. […] On ferait également de semblables remarques au sujet de l’expression de la joie, où l’image générale suffit, sans qu’on y ajoute les images disgracieuses qui déparent souvent les plus jolis visages. […] Évidemment, celle suite d’exhibitions, souvent pleines de mouvement et d’expression, où le pittoresque atteint une grande intensité, constitue pour les yeux et même pour l’esprit un amusement parfois très vif.

1344. (1892) Sur Goethe : études critiques de littérature allemande

Cela est si vrai qu’en Allemagne, si l’on adresse quelquefois un reproche au style d’Hermann et Dorothée c’est que l’expression y est trop sèche et trop nue. […] Au contraire, quand il écrit Hermann et Dorothée, l’expression est devenue nette et précise ; il n’y a plus nulle part d’affectation. […] Des expressions heureuses, une suite de scènes dessinées avec art ; çà et là, pour rompre la monotonie, quelques élans d’imagination ; et voilà ce poème tant vanté. […] Il n’y a guère de genre en littérature qui se prête mieux à l’expression des besoins d’une société que le roman. […] Friedrich est l’expression de ces colères, et, dès les premières pages, on peut sonder la profondeur du mal.

1345. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

Mais il les varie par l’expression et, le plus souvent, il tâche d’enchérir sur le premier trait par un trait plus énergique. […] Hier, de l’orchestre, j’examinais la physionomie des loges ; je retrouvais sur tous les visages cette expression d’ennui respectueux et décent qui m’avait frappé, huit jours auparavant, à l’Odéon, quand on jouait Le Roi Lear. […] L’expression était impropre, je le reconnais, et je la retire. […] N’est-ce pas là un de ces vers comme on n’en trouve que dans Corneille, d’un sentiment si emporté, d’une expression si naturelle, un vers de génie ! […] Il prend le joueur au sérieux ; il tâche de nous rendre, et par l’expression de la physionomie, et par le geste, et par la voix, les fureurs et les désespoirs d’un homme qui a perdu au jeu.

1346. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Madame de Verdelin  »

C’est qu’étant lui-même l’expression harmonieuse ou éloquente des joies, des douleurs, des désirs de son époque, il a fait vibrer à un moment la corde cachée qui aurait peut-être toujours sommeillé sans lui ; il a tiré du silence et du néant la note intime et profonde qui n’attendait que lui pour résonner, mais que lui seul pouvait apprendre à l’âme mystérieuse qui la contenait sans le savoir. […] Elle ne pouvait s’empêcher de prendre Rousseau pour confident de sa peine secrète : « Imaginez, mon bon voisin, que votre très aimable lettre est tombée entre les mains d’une créature qui n’existait plus ; peignez-vous l’état d’une âme touchée au-delà de toute expression, qui depuis sept ans ne vit, ne respire que pour un être qui était prêt à la sacrifier au fanatisme d’un dévot. […] Avant la fièvre, je charmais les douleurs de mon bras en chantant vos charmants airs ; je me suis bien affligée dans ce moment de la médiocrité de ma voix ; j’aurais voulu pouvoir rendre toute la mélodie de cette délicieuse musique : mais elle est si parfaite que, malgré le défaut de mon expression, tout le monde en était charmé ; je la quittais pour vous lire. […] Il commence trente choses à la fois, et n’en suit aucune ; il est toujours enchanté de ce qu’il va faire, et ennuyé de ce qu’il fait ; le morceau le plus sublime ne lui inspire que du dédain, s’il s’y trouve par malheur une expression qui blesse son oreille.

1347. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIVe entretien. Littérature, philosophie, et politique de la Chine » pp. 221-315

., avec cette magnificence d’expression et cette élévation d’idées qui glacent les passions d’effroi, ravissent l’esprit et tirent l’âme de la sphère des sens.” » XIII S’élevant ensuite à la hauteur d’une critique supérieure aux ignorances et aux préjugés de secte, le savant disciple des jésuites parle des Kings, de leur antiquité, de leur authenticité, de leur caractère en ces termes : « De bons missionnaires qui avaient apporté en Chine plus d’imagination que de discernement, plus de vertu que de critique, décidaient sans façon que les Kings étaient des livres, sinon antérieurs au déluge, du moins de peu de temps après ; que ces livres n’avaient aucun rapport avec l’histoire de la Chine, qu’il fallait les entendre dans un sens purement mystique et figuré. […] Le nez est droit et court, un peu renflé aux narines ; la bouche n’a rien de l’ironie socratique, symptôme contentieux de lutte et d’orgueil qui humilie plus qu’il ne persuade les hommes ; elle a une expression de sourire fin, heureux et bon d’un homme qui vient de surprendre une vérité au gîte, et qui est pressé de la communiquer à ses semblables. […] Ces devoirs, rédigés en codes par les premiers législateurs des hommes, sont exprimés par des rites ou cérémonies, expression extérieure de ces devoirs religieux et civils. […] « Ce sont les lois extérieures, expression des lois morales et politiques, qui doivent porter l’ordre et la hiérarchie graduée des fonctions dans la société2. » XXIX Les règlements de Confucius sur le culte renouvelé aussi des ancêtres, n’attestent pas dans le législateur religieux une raison moins épurée que ses règlements civils.

1348. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (2e partie) » pp. 81-159

« Toujours s’enflammant de plus en plus dans l’irritation de sa parole et dans la violence des expressions, il accumula tant de reproches contre moi que mes amis en furent consternés et me crurent tôt ou tard perdu sans rémission, tant étaient noires et terribles les couleurs sous lesquelles l’Empereur dépeignait l’acte que j’avais commis, ainsi que les autres, pour accomplir mes devoirs. […] L’un d’eux même déclara qu’il voulait essayer de trouver des expressions capables de concilier les deux parties. […] « En prenant congé de lui, on commit l’imprudence de lui donner à entendre qu’on avait fidèlement copié les expressions suggérées par les ministres, expressions qu’il eût été fort malheureux d’adopter.

1349. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

La joie que j’éprouvais dans ces moments me rendait tout mon feu ; les idées et la suite de leur développement, les expressions telles qu’elles avaient été prononcées, tout redevenait clair comme un souvenir de la veille. […] Je ne pouvais me rassasier de regarder les traits puissants de ce visage bruni, riche en replis dont chacun avait son expression, et dans tous se lisaient la loyauté, la solidité, avec tant de calme et de grandeur ! […] Je lui ai dit ce que je pensais de ses articles de critique de Francfort, et je les ai appelés « des échos de ses années d’Université » ; cette expression a paru lui plaire, parce qu’elle indique le point de vue sous lequel on doit considérer ces travaux de jeunesse. […] « “Et il soutint son opinion par de longs développements d’une parfaite justesse. — Je l’écoutai, gardant une expression de physionomie sereine, et lui répondis avec un sourire gai : « “— Je crois que personne ne m’a fait encore cette critique, mais je la trouve tout à fait juste, et j’avoue qu’il y a dans ce passage un manque de vérité.

1350. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

Telle est l’impression qui reste de la Théorie de la Terre, le premier ouvrage français où l’éloquence, comme on l’entendait au dix-septième siècle, c’est-à-dire l’art de persuader la vérité, a passé des lettres dans la science, et mis au service des vérités de l’ordre physique la grande langue employée jusqu’alors à l’expression des vérités de l’ordre moral. […] Je n’y vois que le grand style du dix-septième siècle se continuant dans le dix-huitième, le tour noble et tranquille, une phrase abondante et longue qui ne craint pas qu’on la laisse en chemin, une logique pressante sans être précipitée, l’image qui n’est que la plus parfaite justesse de l’expression. […] Ils en portent une marque plus certaine que l’invention de quelques tours ou le bonheur de quelques expressions nouvelles ; ils ont le génie de ce qu’ils ont entrepris et, ce qui n’a pas besoin des complaisances de l’apologie, la durée. […] « Le goût, dit-il, est un discernement délicat, vif, net et précis de toute la beauté, la vérité et la justesse des pensées et des expressions qui entrent dans un discours. » N’est-ce que cela ?

1351. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

12 janvier Une horrible et sinistre expression du Paris actuel, sur la fin du viveur, sur les maladies, comme celle de M. de M… On appelle ça : Il file son macaroni. […] … ce n’est pas dans le dictionnaire… C’est une expression de peintre, ça… Tout le monde n’est pas peintre… C’est comme un ciel de couleur rose thé, rose thé… Qu’est-ce que c’est, une rose thé… » Et il répète une ou deux fois : « Rose thé », ajoutant : « Il n’y a que la rose, ça n’a pas de sens !  […] À la représentation du couteau de cuisine qui a servi à tuer la femme, une expression indéfinissable d’un œil qui se voile sous des cils d’albinos : expression sournoise d’un regard clignotant qui regarde, sans vouloir voir.

1352. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — III. Le Poëme épique, ou l’Épopée. » pp. 275-353

Cependant qu’étoit-ce qu’une critique de quelques vers foibles, de quelques mauvaises expressions, de quelques bévues réelles, & de quelques pensées fausses, en comparaison de tant de traits qu’il décocha sur toute la famille de Perrault ? […] L’expression même du sentiment que La Mothe a si bien traité dans son Inès, s’est refusée à lui dans son Iliade. […] Néanmoins il s’est reproché l’expression qu’il avoit employée en le portant. […] L’expression de l’auteur est toujours juste, correcte, simple, claire, énergique, brillante & naturelle.

1353. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIe entretien. Boileau » pp. 241-326

Nous ne pouvons pas non plus trouver une expression plus exacte et plus concise pour le définir. […] Un grand amour des choses honnêtes éclate partout dans ses dégoûts même les plus scandaleux d’expression contre le vice. […] XIV À côté de l’école de Ronsard, qui triomphait à l’hôtel de Rambouillet, et en opposition avec elle, il s’était formé une école pédantesque, pénible, lourde, gauche, inhabilement imitatrice, mais très orgueilleuse et très puissante, dont Pradon, Chapelain et d’autres écrivains estimables, mais sans génie, étaient les soleils, selon l’expression de Boileau ; école littéraire qui s’était emparée par la prétention, par la camaraderie et par la suffisance, de la cour, des salons, de ce qu’on appelait alors les ruelles, et surtout des faveurs lucratives du gouvernement. […] On n’est point tel même pour avoir écrit dans un poème héroï-comique, comme le Lutrin, cinq ou six pages égales en expression, sinon en invention, à ce qu’il y a de plus parfait dans le badinage d’Arioste et de Pope.

1354. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

La lyre, pour nous servir de l’expression antique, n’est pas une tenaille pour torturer nos adversaires, elle n’est pas une claie pour traîner des cadavres aux gémonies ; il faut laisser cela à faire au licteur, ce n’est pas œuvre de poète. […] On vient de le voir : j’ai appelé le Dante un grand homme, un Michel-Ange de la poésie, un rival d’Homère, de Virgile, de Shakespeare, quelquefois supérieur à eux par fragments épiques ; mais j’ai eu l’audace de dire que son poème était obscur, que les expressions se perdaient quelquefois dans les nuages de la théologie mystique, et descendaient souvent jusqu’au scandale de l’image et jusqu’au cynisme du mot ! […] Encore une fois, ce n’est pas l’expression qu’il faut traduire, c’est le sentiment. […] Il voulut dire ce qui se passait en lui ; il voulut, selon sa propre expression, noter les chants intérieurs de l’amour, et Dante fut poète. » « Mais comme il faut toujours », poursuit Ozanam, « que la nature humaine se trahisse par quelque côté, les belles qualités de ce poète se déshonorèrent quelquefois par leurs excès.

1355. (1884) Articles. Revue des deux mondes

Flottante et indécise chez les poètes, la foi au progrès trouve chez les prosateurs une expression déjà plus ferme. […] L’antique Orient, c’est le monde immobile de l’infini ; la société gréco-romaine, c’est le développement de l’idée du fini ; la civilisation moderne, c’est l’expression du rapport entre le fini et l’infini. […] Selon lui, le caractère dominant de l’enfance, chez l’individu comme chez la race tout entière, c’est un débordement de vie joyeuse et sensitive qui trouve son expression dans l’art. […] Et ces organes sont soumis à la même loi de croissance et de dépérissement que la force dont ils sont les expressions variées.

1356. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — II. (Fin.) » pp. 20-37

Il ne m’appartient pas de faire le rigoriste, ni de m’inscrire contre cette magie de l’expression et de la parole qui faisait que Voltaire ici ne se formalisait pas du fond : pourtant, Massillon n’est-il pas un peu jugé par ce goût même si déclaré que Voltaire avait pour lui, et par cette faveur singulière dont il jouissait de ne pas déplaire à l’adversaire ? […] C’était ainsi que, parmi les rides de ce visage déjà flétri et dans ces jeux qui allaient s’éteindre, je croyais démêler encore l’expression de cette éloquence si sensible, si tendre, si haute quelquefois, si profondément pénétrante, dont je venais d’être enchanté à la lecture de ses Sermons.

1357. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — I. » pp. 162-179

Il la perdit après peu d’années de mariage, et tomba dans un abattement et un désespoir qu’il crut éternel ; on lui doit cette justice qu’il fit tout son effort pour conserver et consacrer cette disposition d’âme, et il eût volontiers écrit alors à M. de Tréville, ou à tel autre de ses amis avancé dans la pénitence, cette belle parole qui résume toute la piété d’un deuil vertueux : « Priez Dieu d’accroître mon courage et de me laisser ma douleur. » On a dans plusieurs lettres de lui, et dans des réflexions écrites en ce temps-là, l’expression très naturelle et très vive de ses sentiments ; il s’écriait : Dieu a rompu la seule chaîne qui m’attachait au monde ; je n’ai plus rien à y faire qu’à mourir ; je regarde la mort comme un moment heureux… Que je me trouve jeune ! […] Sa douleur, comme toutes les vraies douleurs, est inépuisable dans l’expression et se complaît dans les redites.

1358. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — I » pp. 20-38

quelle expression sur tous les points ! […] La vanité faisait ce que la charité devait faire. » Dans une seconde lettre, il relève quelques expressions d’une oraison que Santeul avait faite à Jésus-Christ : il lui marque qu’à sa place il n’oserait pas se nommer le poète de Jésus-Christ : Vous avouez, lui dit-il, que la vaine gloire vous a fait faire des hymnes ; par où osez-vous croire que c’est lui qui vous les a inspirées ?

1359. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — III » pp. 337-355

C’est tout le contraire qu’il faut dire : on y retrouve une manière d’exposition plus générale qu’il n’est habituel à Rohan ; il y a aussi plus d’images dans le style, plus de littérature, si je puis dire, et quantité d’expressions et de locutions qui ne sont point et ne peuvent être de lui. […] Quoi qu’il en soit, il est, par le rare assemblage de ses mérites, une des figures originales de notre histoire ; et, quand pour le distinguer des autres de son nom et pour caractériser ce dernier mâle de sa race, quelques-uns continueraient de l’appeler par habitude le grand duc de Rohan, il n’y aurait pas de quoi étonner : à l’étudier de près et sans prévention dans ses labeurs et ses vicissitudes, je doute que l’expression vienne aujourd’hui à personne ; mais, la trouvant consacrée, on l’accepte, on la respecte, on y voit l’achèvement et comme la réflexion idéale de ses qualités dans l’imagination de ses contemporains, cette exagération assez naturelle qui compense justement peut-être tant d’autres choses qui de loin nous échappent, et on ne réclame pas.

1360. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — I » pp. 356-374

Les événements purent changer le langage et modifier l’expression extérieure du prince Henri, mais on peut dire que cette glace première qui enveloppait son cœur du côté de son royal frère ne fondit jamais. […] Pendant que je la lisais, je me rappelais bien souvent cette autre correspondance récemment publiée, si étonnante, si curieuse, si pleine de lumière historique et de vérité, entre deux autres frères, couronnés tous deux, le roi Joseph et l’empereur Napoléon ; et, sans prétendre instituer de comparaison entre des situations et des caractères trop dissemblables, je me bornais à constater et à ressentir les différences : — différence jusque dans la précision et la netteté même, poussées ici, dans la correspondance impériale, jusqu’à la ligne la plus brève et la plus parfaite simplicité ; différence de ton, de sonoréité et d’éclat, comme si les choses se passaient dans un air plus sec et plus limpide ; un théâtre plus large, une sphère plus ample, des horizons mieux éclairés ; une politique plus à fond, plus à nu, plus austère, et sans le moindre mélange de passe-temps et de digression philosophique ; l’art de combattre, l’art de gouverner, se montrant tout en action et dans le mécanisme de leurs ressorts ; l’irréfragable leçon, la leçon de maître donnée là même où l’on échoue ; une nature humaine aussi, percée à jour de plus haut, plus profondément sondée et secouée ; les plaintes de celui qui se croit injustement accusé et sacrifié, pénétrantes d’accent, et d’une expression noble et persuasive ; les vues du génie, promptes, rapides, coupantes comme l’acier, ailées comme la foudre, et laissant après elles un sillon inextinguible54.

1361. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mémoires de Mme Elliot sur la Révolution française, traduits de l’anglais par M. le comte de Baillon » pp. 190-206

Quand Mme Elliott éprouvait toutes ses émotions, ses indignations, ses loyales colères, elle n’en allait pas demander l’expression à sa langue maternelle ; elle répondait à l’injure dans la même langue, elle avait son cri en français. […] Il savait bien (sans même que Mme Elliott le lui dît) que, pour lui aussi, l’échafaud était au bout ; seulement, il tâchait à tout prix d’allonger le tour et, suivant l’expression vulgaire, de prendre le plus long.

1362. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Une monarchie en décadence, déboires de la cour d’Espagne sous le règne de Charles II, Par le marquis de Villars »

Il est bien plus large et bien plus long que le Pont-Neuf de Paris : et l’on ne peut s’empêcher de savoir bon gré à celui qui conseilla à ce prince de vendre ce pont ou d’acheter une rivière… » Ce Mançanarès tout poudreux est revenu fort à propos en idée au savant et délicat Boissonade dans je ne sais plus quel commentaire, pour lui servir à justifier une expression pareille qu’on rencontre chez les auteurs anciens et qui semblait invraisemblable ; ainsi, le pulverulenta flumina de Stace est vrai au pied de la lettre. — Un jour qu’un spirituel voyageur français (Dumas fils) était à Madrid, et que, mourant de soif, on lui apporta un verre d’eau, c’est-à-dire ce qu’on a de plus rare : « Allez porter cela au Mançanarès, dit-il, ça pourra lui faire plaisir. […] Ce n’est pas l’histoire politique de l’Espagne, c’est sa chronique intime, le journal de sa décadence, qu’il a voulu raconter ; et, en portant la splendeur habituelle de son expression sur ces rapetissements et ces misères, l’écrivain de talent les a éclairés et fixés dans la mémoire en traits ineffaçables.

1363. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier (suite et fin.) »

Je m’explique : vivra-t-elle autrement que comme un grand témoin historique, que comme l’expression de la plus haute littérature de société et comme un nom à jamais mémorable ? […] On allègue tantôt le vague de l’expression, tantôt l’impropriété des termes ou le peu d’analogie des membres.

1364. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Il faut absolument, pour rétablir l’équilibre, pour maintenir la composition de l’esprit français, considéré dans son expression la plus haute, non seulement des esprits sérieux, mais des esprits dignes, des poëtes héroïques dans les âges d’héroïsme, de grands évêques éloquents dans le siècle monarchique religieux, des tragiques capables de sublime, des écrivains porte-sceptre, des autorités. […] Le mot Dieu est toujours pour lui le signe représentatif de toutes les belles et suprêmes idées que l’humanité conçoit, pour lesquelles elle s’exalte et qu’elle adore ; mais il semble que ce soit quelque chose de plus encore à ses yeux qu’une expression ; il semble prêter décidément à l’intelligence, à la justice indéfectible et sans bornes, une existence indéfinissable, inconnue, mais réelle.

1365. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite.) »

Selon une très heureuse expression pittoresque, on aurait dit, à de certains jours, que ces centaines de statues et de figures qui peuplaient les portails et les vitraux des cathédrales descendaient de leurs niches et de leurs verrières pour jouer en personne leur histoire devant le peuple69. […] grandeur ou flamme du sentiment, éclat de l’expression et, s’il se peut, harmonie de composition et d’ensemble (et s’il n’y A pas de composition proprement dite dans Homère, il y a une flamme perpétuelle, un feu et un torrent de poésie qui rachète tout), — ce sont là quelques-uns des traits et des conditions de cette beauté plus aisée à sentir qu’à définir.

1366. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite) »

 » L’expression, du reste, est admirable. […] Tel qu’il apparaît jusque dans son incomplet, et tout mal servi qu’il était par l’instrument insuffisant de la langue poétique d’alors, par cette versification solennelle qui, dans le noble, excluait les trois quarts des mots, presque toutes les particularités de la vie et tous les accidents de l’existence réelle, ce poète en Ducis éclatait assez pour se donner à tout instant la joie de l’air libre et de la grande carrière, tandis que le pauvre Deleyre avec son expression hésitante, ses nuances exquises, suivies d’empêchement et de mutisme, n’était qu’un malade, un romantique venu avant l’heure et cherchant sa langue.

1367. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis du Belloy (suite et fin.) »

» — Et Mysis exprimant encore quelques craintes, et Pamphile s’animant de plus en plus : « Tout ce que je sais, dit la suivante qui a sa réserve d’expression et sa délicatesse à sa manière, c’est qu’elle mérite bien que vous ne l’oubliiez pas. » — « Que je ne l’oublie pas, ô Mysis, Mysis ! […] Et aji même temps, pas une déclamation, pas une épithète inutile, pas de tirade proprement dite et pour la galerie ; c’est l’expression même de la nature, « une naïveté inévitable qu’il plaît et qui attendrit par le simple récit d’un fait très-commun. » C’est encore Fénelon qui dit cela.

1368. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite.) »

Un homme d’esprit et de tact qui avait vieilli dans le journalisme me disait un jour « Un critique, en restant ce qu’il doit être, peut avoir jusqu’à trois jugements, — trois expressions de jugement : — le jugement secret, intime, causé dans la chambre et entre amis, un jugement d’accord avec le type de talent qu’on porte en soi, et, par conséquent, comme tout ce qui est personnel, vif, passionné, primesautier, enthousiaste ou répulsif, un jugement qui, en bien des cas, emporte la pièce : c’est celui de la prédilection ou de l’antipathie. […] Il fallait, à cet effet, une double faculté qui n’en fait qu’une chez lui : avoir un coin particulier dans l’organe de la vision, et y joindre un don, particulier aussi et correspondant, pour l’expression des choses de la vision.

1369. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Observations sur l’orthographe française, par M. Ambroise »

Ces projets de réforme radicale dans l’orthographe, mis en avant par Meigret et par Ramus, ont échoué ; Ronsard lui-même recula devant l’emploi de cette écriture en tout conforme à la prononciation : il se contenta en quelques cas d’adoucir les aspérités, d’émonder quelques superfétations, d’enlever ou, comme il disait, de racler l’y grec : il avait d’ailleurs ce principe excellent que « lorsque tels mots grecs auront assez longtemps demeuré en France, il convient de les recevoir en notre mesnie et de les marquer de l’i français, pour montrer qu’ils sont nôtres et non plus inconnus et étrangers. » — Et pour le dire en passant, cette règle est celle qui se pratique encore et qui devrait prévaloir pour tout mot ou toute expression d’origine étrangère. Ainsi pour a-parte : un a-parte, des a-parte ; on l’écrivait d’abord en deux mots, et le pluriel ne prenait pas d’s ; mais, l’expression ayant fait assez longtemps quarantaine et ayant mérité la naturalisation, on en a soudé les deux parties, on en a fait un seul mot qui se comporte comme tout autre substantif de la langue, et l’on écrit : un aparté, des apartés. — C’est ainsi encore qu’il est venu un moment où les quanquam sont devenus les cancans.

1370. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Talleyrand a observé les États-Unis comme Volney, et il résume ce qu’il a vu avec plus de légèreté dans l’expression et autant d’exactitude. […] Recevez-en mon compliment de cœur, mon général ; les expressions manquent pour vous dire tout ce qu’on voudrait en ce moment.

1371. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Recueillements poétiques (1839) »

Dès qu’on n’est plus inspiré par un sentiment souverain, impétueux, unique, qui décide et apporte avec lui l’expression ; dès qu’on flotte entre plusieurs sentiments, et qu’on peut choisir ; qu’on en est à redire les choses profondes, à exhaler le superflu des émotions nouvelles, il faut que le travail, l’art, ou, pour exiger le moins possible, un certain soin quelconque aide à l’exécution, et y ajoute, y retranche à l’extérieur par le goût ce que l’âme, tout directement et du premier coup, n’a pas imprimé. […] Un peu plus loin, l’expression est tout à fait convulsive : Et je sens dans mon front l’assaut de tes pensées Battre l’oreiller que je mords !

1372. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DIX ANS APRÈS EN LITTÉRATURE. » pp. 472-494

. — A défaut de M. de Balzac, qui ne semble pas en mesure de modifier la verve croissante de ces entraînements, et en se garant surtout du ruisseau impur des imitateurs, c’est à tels ou tels de ses disciples rivaux et de ses héritiers vraiment distingués qu’on voudrait demander parfois l’œuvre agréable dans laquelle le choix de l’expression, le soin du détail, quelque art littéraire enfin, se joindraient à toutes les veines délicates qu’ils ont141. […] Leroux et Reynaud, c’est à cause de l’aspect parfois exclusif et répulsif que se donne dans l’expression une doctrine si vaste, si patiente au fond, si faite en définitive pour comprendre et tolérer.

1373. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Mathurin Regnier et André Chénier »

Mais là où Regnier surtout excelle, c’est dans la connaissance de la vie, dans l’expression des mœurs et des personnages, dans la peinture des intérieurs ; ses satires sont une galerie d’admirables portraits flamands. […] Or il arrive que chacun d’eux possède précisément une des principales qualités qu’on regrette chez l’autre : celui-ci, la tournure d’esprit rêveuse et les extases choisies ; celui-là, le sentiment profond et l’expression vivante de la réalité : comparés avec intelligence, rapprochés avec art, ils tendent ainsi à se compléter réciproquement.

1374. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. le Cte Alfred de Vigny à l’Académie française. M. Étienne. »

On sait les hautes qualités de M. de Vigny, son élévation naturelle d’essor, son élégance inévitable d’expression, ce culte de l’art qu’il porte en chacune de ses conceptions, qu’il garde jusque dans les moindres détails de ses pensées, et qui ne lui permet, pour ainsi dire, de se détacher d’aucune avant de l’avoir revêtue de ses plus beaux voiles et d’avoir arrangé au voile chaque pli. […] Ce manque habituel de vitalité dans le style, ce néant de l’expression a beau se déguiser à la représentation sous le jeu agréable des scènes, il éclate tout entier à la lecture.

1375. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre VI. Science, histoire, mémoires »

Perrot934, qui — je laisse toujours le mérite spécial — nous fait voir dans ses expressions artistiques le mouvement général des civilisations anciennes, et saisir la vie même des siècles lointains dans tous les débris qu’elle a laissés, depuis le temple ou la forteresse jusqu’aux bijoux et aux vases ; c’est aussi comme une ample leçon d’esthétique expérimentale. […] Boissier s’est enfermé dans son rôle d’historien : historien non des faits, mais des âmes, des idées, des croyances, dont il a recherché de préférence l’expression dans les monuments écrits, dans l’épigraphie et la littérature.

1376. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Pierre Loti »

Il s’en explique dans Aziyadé avec un peu d’effort et quelque pédanterie ; mais cet effort même de l’expression marque bien qu’il connaît la rareté inestimable du don qui est en lui : … Vous êtes impressionné par une suite de sons ; vous entendez une phrase mélodique qui vous plaît. […] Pierre Loti s’est trouvé posséder ce don suprême de l’expression.

1377. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre quatrième »

Ce sont les idées générales, c’est-à-dire les vérités de l’ordre philosophique et de l’ordre moral dont l’expression, dans un langage définitif qu’elles seules peuvent inspirer, constitue la littérature ou l’art. […] Les grands hommes dans l’ordre des choses de l’esprit ne peuvent naître que dans une société qui a des idées générales, à l’expression desquelles la langue nationale suffit.

1378. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre premier. La contradiction de l’homme » pp. 1-27

Partout elle agit, non seulement sur notre vie personnelle, mais sur la naissance, le développement, l’expression de nos idées sur le monde et de nos conceptions politiques et sociales. […] Notre âme ne serait point l’expression de notre organisme, mais de notre société.

1379. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Pline le Naturaliste. Histoire naturelle, traduite par M. E. Littré. » pp. 44-62

Ce que je tiens à marquer, c’est que des pensées comme celles que j’indique, et rendues avec une si forte expression, suffisent à classer un esprit, quoi qu’il puisse dire ensuite et avoir l’air d’accueillir ou de croire. […] Il est peu de sujets de la vie, et surtout de ceux qui tiennent à l’habitude des choses de l’esprit, sur lesquels il ne nous offre quelque pensée ingénieuse, brillante et polie, une de ces expressions qui reluisent comme une pierre gravée antique, ou comme les blancs cailloux qu’il se plaît à nous montrer en nous décrivant les belles eaux de ses fontaines.

1380. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Mme de Genlis. (Collection Didier.) » pp. 19-37

Dans ce petit roman, comme dans tous ceux de l’auteur, le récit, qui coule partout avec facilité, ne se relève nulle part d’aucune vivacité d’expression. Les expressions qui ont quelque nouveauté et quelque fraîcheur sont très rares chez Mme de Genlis, et on ne les rencontrerait guère que dans quelques-uns de ses portraits de société, où elle est soutenue par la présence et la fidélité de ses souvenirs.

1381. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. de Lamartine. (Les deux premiers volumes. — Pagnerre.) » pp. 389-408

En lisant ces pages de M. de Lamartine et en trouvant à chaque instant des expressions heureuses, larges, élevées et même fines (car il y a du fin et du spirituel proprement dit chez lui bien plus qu’on ne le croirait, il y a même de la malice en quelques endroits), on éprouve un vif regret : c’est que la rhétorique, l’habitude et le besoin d’étendre, de forcer et de délayer, le conduisent à compromettre ces pensées et ces touches excellentes : « Depuis deux ans, dit-il de Napoléon, son retour à Paris, autrefois triomphal, était soudain, nocturne, triste. […] Le portrait de la duchesse d’Angoulême m’a surtout choqué par une fausse expression de charmes et par une prodigalité de coloris qui fait contresens avec le caractère élevé, sévère et presque austère d’une figure si propre à inspirer uniquement le respect.

1382. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — I. » pp. 441-459

» À quoi le jeune Portalis répond avec le bon sens du cœur, et qui lui donne le bonheur de l’expression : « M.  […] Portalis qualifiait ce décret du 3 Brumaire « un véritable Code révolutionnaire sur l’état des personnes. » Il montrait que le régime révolutionnaire avait dû être détruit par la Constitution : « Et au lieu de cela, c’est la Constitution que l’on veut mettre sous la tutelle du régime révolutionnaire. » La suite et l’enchaînement régulier de la discussion s’animait chemin faisant, sur ses lèvres, d’expressions heureuses à force de justesse : « Avec la facilité que l’on a, disait-il, d’inscrire qui l’on veut sur des listes, on peut à chaque instant faire de nouvelles émissions d’émigrés. » Il demandait pour la Constitution de la patience et du temps : « Il faut que l’on se plie insensiblement au joug de la félicité publique. » Il observait que jamais nation ne devient libre quand l’Assemblée qui la représente ne procède ainsi que par des coups d’autorité : « Les institutions forment les hommes, si les hommes sont fidèles aux institutions ; mais si nous conservons l’habitude de révolutionner, rien ne pourra jamais s’établir, et nos décrets ne seront jamais que des piliers flottants au milieu d’une mer orageuse. » On entrevoit par ces passages que Portalis n’était pas dénué d’une certaine imagination sobre et grave qui convenait à la nature et à l’ordre de ses idées législatrices.

1383. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Regnard. » pp. 1-19

Il ne songea plus désormais qu’à jouir de la vie en sage épicurien ou en cynique mitigé (c’est son expression), et à se livrer à ses goûts, où les sens se mêlaient agréablement à l’esprit. […] Les images sont vives, les expressions puisées au vrai fond de la langue.

1384. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1853 » pp. 31-55

— Alors je… (Mettez ici l’expression la plus énergique de la vieille France.) En sortant de la salle du tribunal, nous pensions l’expression du fiacre 6.

1385. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre V. Le génie et la folie »

Il a exprimé lui-même sa doctrine en ces termes : « Les dispositions d’esprit qui font qu’un homme se distingue des autres hommes par l’originalité de ses pensées et de ses conceptions, par son excentricité ou l’énergie de ses facultés affectives, par la transcendance de ses facultés intellectuelles, prennent leur source dans les mêmes conditions organiques que les divers troubles moraux, dont la folie et l’idiotie sont l’expression la plus complète. » Telle est la doctrine développée par M.  […] En même temps, on ne trouvait pas assez d’expressions pour l’exalter, ou plutôt on ne trouvait d’images dignes de lui que dans la religion.

1386. (1912) Le vers libre pp. 5-41

Ainsi les romantiques, pour augmenter les moyens d’expression de l’alexandrin ou plus généralement des vers à jeu de syllabes pairs, inventèrent le rejet qui consiste en un trompe-l’œil transmutant deux vers de douze pieds en un vers de quatorze ou quinze et un de neuf ou dix. […] Il y a dans cette différence d’expression toutes nos différences de théories, aussi ne fûmes-nous jamais affligés lorsque ce reproche nous fut adressé même pour la première fois, et depuis cette première fois, nous nous sommes très aguerris.

1387. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre II : Variations des espèces à l’état de nature »

En général, cette expression sous-entend l’élément inconnu d’un acte distinct de création. […] Une telle plante n’en est pas moins dominante, dans le sens que nous donnons ici à cette expression, parce que quelque Conferve aquatique ou quelque Champignon parasite est infiniment plus nombreux en individus et plus généralement répandu ; mais, si une espèce de Conferve ou de Champignon surpasse ses alliés à tous égards, ce sera l’espèce dominante de sa classe.

1388. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Michelet »

Nous qui l’avons lu, comme nous lisons tout ce qui vient de son auteur, bien plus pour l’expression que pour le renseignement, bien plus pour l’agrément que pour les profits graves, nous ne sommes pas, du reste, de ceux qui croient qu’un livre ne peut avoir qu’un seul accent. […] En histoire naturelle, Michelet est un savant de jeune fille, et il devient tellement sentimental, même dans son livre de la Mer, qu’il ne sera peut-être pas fâché de l’expression.

1389. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Un symbole »

Jules Simon : « La loi que je sollicite aurait donc ce double objet : « 1° D’approuver la proposition faite par l’archevêque de Paris d’ériger sur la colline de Montmartre en un point déterminé après une enquête, un temple destiné à appeler sur la France la protection et la bonté divines ;‌ « 2° D’autoriser l’archevêque à acquérir, tant en son nom qu’au nom de ses successeurs, les « terrains nécessaires, à l’amiable et, s’il y a lieu, par voie d’expropriation, après déclaration d’utilité publique, à la charge par lui de payer le prix d’acquisition des terrains et les frais de construction de l’édifice, avec les ressources mises ou à mettre à sa disposition par la piété des fidèles. »‌ Il est inutile, je pense, de faire remarquer la profonde habileté et la prudence d’expression de cette requête, qui cache, sous son apparente modestie, le piège où allait se prendre l’Assemblée nationale. […] Le fait d’une si forte majorité est tellement inconcevable, que je découvre l’expression d’une surprise dans ce passage d’une petite brochure de propagande consacrée au Sacré-Cœur de Montmartre : « Tous les députés qui votèrent cette loi comprirent-ils l’importance de leur acte ?

1390. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIV : De la méthode (Suite) »

On s’en aperçoit à l’expression du visage, éclairé parfois d’illuminations subites, mais plus souvent inquiet et souffrant, comme d’un homme fatigué par la contention d’une pensée opiniâtre, et qui attend. […] Il veut démontrer, et il démontre avec une suite, une énergie, une vigueur d’expression que l’on ne rencontre guère ailleurs.

1391. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

Il est impossible d’accomplir une sérieuse analyse si l’on admet dans son raisonnement des expressions comme « culture moyenne ». […] Darwin a trouvé chez les animaux l’esquisse de l’expression des émotions. […] La morale est l’expression de la volonté de l’absolu, ou rien, ou un code d’usages. […] Compris, il cesse d’être de l’art pur pour devenir un motif à de nouvelles expressions d’art. […] Tenez-vous-en à l’expression d’émotion intellectuelle.

1392. (1885) Les étapes d’un naturaliste : impressions et critiques pp. -302

Le Gongorisme ne suffit plus, il n’admet la bizarrerie que dans l’expression, et se laisse entendre ; l’art sera de trouver un système où la pensée sera voilée par les mots. […] Valera reproche encore à la dépravation du mysticisme la théorie de l’amour platonique s’adressant à la femme, — théorie qui est, pour employer une expression familière, sa bête noire. […] Le naturalisme ou le vérisme, pour me servir de l’expression italienne, n’est évidemment pas une découverte d’Émile Zola : il le sait, il le dit et nul ne le veut croire. […] Dickens, en Angleterre, suivait le même filon que Daudet en France : tous deux se rencontraient, abattant des arbres dans la forêt des difficultés, suivant l’expression jeunement prétentieuse de David. […] Employant les vieux modes de la poésie du seizième siècle à l’expression d’idées où la modernité palpite, Louis Tridon fait vraiment des vers antiques sur des pensers nouveaux.

1393. (1874) Premiers lundis. Tome I « Fenimore Cooper : Le Corsaire Rouge »

Nous voudrions encore, dussions-nous sembler bien exigeant, que le tailleur Homespun parlât un peu moins de ses cinq longues et sanglantes guerres, et que l’excellent Richard Fid farcît un peu moins sa conversation d’expressions nautiques ; l’auteur, en voulant être vrai, a renchéri sur la nature : les marins, les tailleurs et les gens de métier parlent aussi comme les autres hommes.

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