Nous sentons en lui quelque chose qui vit de notre vie ; et si cette vie du langage était complète et parfaite, s’il n’y avait rien en elle de figé, si le langage enfin était un organisme tout à fait unifié, incapable de se scinder en organismes indépendants, il échapperait au comique, comme y échapperait d’ailleurs aussi une âme à la vie harmonieusement fondue, unie, semblable à une nappe d’eau bien tranquille.
. — « J’ai vu le temps, dit La Noue dans un de ses curieux Discours, que si quelqu’un les eût voulu blâmer, on lui eût craché au visage, d’autant qu’ils servaient de pédagogues, de jouets et d’entretien à beaucoup de personnes, dont aucunes, après avoir appris à amadiser de paroles, l’eau leur venait il la bouche, tant elles désiraient de tâter seulement un petit morceau des friandises qui y sont si naïvement et naturellement représentées. » — « Jamais livre ne fut embrassé avec tant de faveur l’espace de vingt ans, dit encore Estienne Pasquier, … et on y peut cueillir toutes les belles fleurs de notre langue française. » — De la matière des Amadis, les Espagnols ont eu l’art ou le bonheur de faire ce que notre Corneille fera plus tard de leur Rodrigue, ou notre Molière de leur don Juan : ils l’ont européanisée, si je puis ainsi dire ; et puisque aussi bien, en ce genre de littérature, le fond n’importe guère, c’est exactement comme s’ils l’avaient eux-mêmes inventée. […] Mais ce que l’on s’expliquerait moins encore que tout le reste, c’est que le xviie siècle apparaisse dans son ensemble comme un pont jeté sur le courant où les eaux du xvie siècle se confondent avec celles du xviie siècle, et la philosophie des derniers « Humanistes » avec celle des premiers « Publicistes ». […] Mais il peut suffire qu’en sortant du collège de Clermont, le jeune Poquelin, sans que nous sachions comment, se soit lié d’amitié avec le jeune Chapelle, et que, par son intermédiaire, il ait fréquenté dans la maison de Lhuillier, le père naturel de Chapelle, beaucoup plus cynique encore et plus débraillé que son ivrogne de fils. « J’ai vu quelque part une stampe de Rabelais, dit Tallemant des Réaux, qui ressemblait à Lhuillier comme deux gouttes d’eau, car il avait le visage chafouin et riant comme Lhuillier. » On peut ressembler à Rabelais sans que cela lire à conséquence. […] Ils professaient seulement qu’elle était la nature, que ses inspirations ou ses conseils ne sauraient en général différer de ceux de la sagesse : Nunquam aliud natura, aliud sapientia dicit ; et surtout ils disaient — c’est l’expression de La Mothe Le Vayer, l’un des amis particuliers de Molière — que de vouloir lui résister, c’est prétendre ramer contre le cours de l’eau.
Une vieille femme portait dans sa main droite une écuelle pleine de feu, et dans sa gauche une fiole pleine d’eau. — Que veux-tu faire de cela ? […] Elle répondit qu’elle voulait avec le feu brûler le paradis et avec l’eau éteindre l’enfer. — Et pourquoi donc ? […] J’avoue néanmoins, et on ne le saurait nier, que quelquefois, lorsque d’excellents ouvrages viennent de paraître, la cabale et l’envie trouvent moyen de les rabaisser et d’en rendre, en apparence, le succès douteux : mais cela ne dure guère ; et il en arrive de ces ouvrages comme d’un morceau de bois qu’on enfonce dans l’eau avec la main : il demeure au fond tant qu’on l’y retient ; mais bientôt, la main venant à se lasser, il se relève et gagne le dessus. […] J’aime autant de grands marais troubles et profonds par place que ces deux verres d’eau claire que le génie français lance en l’air avec une certaine force, se flattant d’aller aussi haut que la nature des choses. […] Destinée étrangement amère pour un livre, d’avoir échappé aux incendies de bibliothèques, aux guerres d’extermination, à l’invasion des barbares, au fanatisme des ennemis de la culture, aux lavages des moines pieux et des scribes économes grattant les manuscrits païens et les passant à l’eau de chaux afin de fournir des pages blanches à la littérature chrétienne ; d’avoir enfin traversé tout le moyen âge sans encombre et de toucher l’ère de la Renaissance, pour être changé en quelques sous par un vieil imbécile, pour servir de garniture à des raquettes, pour envelopper le poisson vendu au marché !
« Heureux, dit Tchâroudatta, l’amant qui pendant l’orage réchauffe sur sa poitrine la bien-aimée aux membres mouillés et refroidis par l’eau des nuages ! […] Il en ramènerait une belle jeune fille aux cheveux dénoués, mais très propre, et sans une goutte d’eau sur ses vêtements. […] » C’est le petit Eyolf qui est tombé à l’eau. […] Le petit Eyolf pouvait tomber dans l’eau sans elle. […] Mais, restée seule avec le pauvre petit monstre, songeant à ce qui l’attend s’il a le malheur de vivre, elle le baptise (car elle est croyante) avec l’eau d’une carafe, puis l’étouffe doucement sous des couvertures.
Vous hésitez à les nommer des fleurs et des plantes, vous hésitez à les nommer des animaux, et si, pour mettre un terme à cette indécision, vous les tirez de l’élément humide où elles fleurissent et se meuvent, vous ne trouvez plus qu’une gelée incolore qui se résout bien vite en quelques pâles gouttes d’eau. […] Tout à l’heure, on l’apercevait très distinctement, étalant sous une belle lumière ses formes capricieuses, ses tendres couleurs, et maintenant l’heureuse illusion a disparu et a comme plongé sous l’eau profonde. […] L’indécision se poursuit ainsi de page en page jusqu’à épuisement complet de l’œuvre du fantasque écrivain, et resterait aussi entière à la fin de la lecture qu’au commencement, n’était une certaine démangeaison à la fois cuisante et légère, tout à fait semblable à celle que laissent les méduses lorsqu’elles se sont résolues en eau, démangeaison qui vous avertit que le génie a passé près de vous et vous a effleuré. […] Pour un esprit aussi éveillé que le sien, la vie sédentaire dans une paroisse de campagne, en compagnie d’une femme tant soit peu maussade, devait être un pénible supplice ; aussi le voyons-nous s’échapper le plus souvent qu’il peut, et courir à York, à Scarborough, la ville d’eaux alors à la mode, où il aimait à se promener en voiture sur la plage en ayant soin, pour plus de dandysme, qu’une des roues baignât dans la mer, à Crazy-Castle, le bien nommé, Castellum infirmorum, comme il traduit ingénieusement dans l’épître macaronique que nous avons citée, un vrai logis de fous et de toqués. […] Un rideau qu’un vent léger ouvre et referme, une libellule rasant la surface de l’eau, un écureuil parcourant une forêt sur les cimes qu’il effleure à peine de ses bonds, un chat se promenant sans rien casser au milieu d’un encombrement de porcelaines, fournissent des comparaisons à peine suffisantes pour rendre l’incroyable légèreté du talent de Sterne.
La baronne Pfeffers pêchant un mari dans l’eau trouble des combinaisons politiques, M. […] De même, pour donner l’impression d’une coloration, ils procèdent par retouches ; ils posent des tons à petits coups de pinceau ; ils peindront ainsi, en s’y reprenant toujours, le bleu d’un beau ciel : Un ciel bleu où elle crut voir la promesse d’un éternel beau temps, — un ciel bleu, de ce bleu léger, doux et laiteux que donne la gouache à un ciel d’aquarelle ; — un ciel immensément bleu, sans un nuage, sans un flocon, sans une tache, — un ciel profond, transparent, et qui montait comme de l’azur à l’éther ; — un ciel qui avait la clarté cristalline des cieux qui regardent de l’eau, la limpidité de l’infini flottant sur une mer du Midi, — ce ciel romain auquel le voisinage de la Méditerranée et toutes les causes inconnues de la félicité d’un ciel font garder, toute la journée, la jeunesse, la fraîcheur et l’éveil de son matin100. […] Une charcutière aura nécessairement la chair grasse et rosée, le caractère placide ; mais entre deux marchandes de poisson, si l’une vend du poisson d’eau douce et l’autre du poisson d’eau de mer, cette différence se retrouvera dans le caractère comme dans l’extérieur des deux femmes, et tout en elles accusera la marque indélébile de leur commerce117. — Même accord entre les aspects de la nature et les sentiments de l’homme. […] C’est une dérision que ce seul intitulé de chapitre : « Elle ne recommencera pas », mis en tête de l’histoire des derniers moments de cette pauvre fille, qui, toute grelottante du froid de l’eau où elle s’est jetée et déjà touchée par la mort, promet du moins à M. le commissaire de ne pas recommencer.
Partir dans l’étude du cœur humain sans être informé de son existence et de son activité, et sans s’équiper contre ses subterfuges, c’est vouloir établir la nature des fonds marins sans sonde et en se laissant guider au seul visage des eaux. […] Et comme dans ce jeu où les Japonais s’amusent à tremper dans un bol de porcelaine rempli d’eau, de petits morceaux de papier jusque-là indistincts qui, à peine y sont-ils plongés s’étirent, se contournent, se colorent, se différencient, deviennent des fleurs, des maisons, des personnages consistants et reconnaissables, de même maintenant toutes les fleurs de notre jardin et celles du parc de M. […] Ma pensée qui jusqu’ici avait navigué en souriant sur ces eaux bienheureuses éclatait soudain, comme si elle eût heurté une mine invisible et dangereuse, insidieusement posée à ce point de sa mémoire 27.
Il ne touche point, il devient froid, s’il fait une description de la tempête, s’il parle de source de feu bouillonnant sur les eaux, & de la foudre qui gronde & qui frappe à sillons redoublés la terre & l’onde. […] Ils ont senti une force dans la terre qui produit leurs alimens ; une dans l’air qui souvent les détruit ; une dans le feu qui consume, & dans l’eau qui submerge. […] Il n’y avoit pas d’apparence que ces êtres supérieurs habitassent dans les nuées qui ne sont que de l’eau.
Le paysage, en se réfléchissant dans ce lac aux bords sourcilleux et aux ondes un peu amères, dans ce lac humain mobile et toujours plus ou moins prestigieux, s’y teint certainement de la couleur de ses eaux.
En voulez-vous un échantillon : « A droite, c’est la fontaine où tiennent cour, autour de l’eau bleue, servantes, mitrons, valets, commères.
Les eaux coulent du haut des montagnes dans les vallons, aux lieux qui leur ont été assignés, afin que jamais elles ne passent les bornes prescrites, mais qu’elles abreuvent tous les animaux des champs.
Un voyage à Naples en 1811, un séjour aux gardes du corps en 1814, des excursions en Savoie et dans les Alpes, et le voici aux eaux d’Aix en 1816 : là il fait la connaissance de Mme Charles, la jeune femme d’un vieux physicien, phtisique et nerveuse, point vaporeuse ni exaltée, semble-t-il, charmante « avec ses bandeaux noirs et ses beaux yeux battus » ; elle mourut en 1818, chrétienne, le crucifix aux mains.
L’accident du pont de Neuilly, arrivé dans l’automne de cette même année, où Pascal avait vu les chevaux de son carrosse précipités dans l’eau, et le carrosse s’arrêter sur le bord, hâta ce dégoût du monde et ce retour à la foi.
Les trompettes répondent aux trompettes ; les costumes chatoient ; les bannières des corporations se déroulent à la brise ; les eaux jaunes de la Pegnitz reflètent des pavoisements omnicolores.
Si La Fontaine est d’un pays de coteaux et de petits cours d’eau, Bossuet n’a-t-il pas aperçu les mêmes aspects autour de Dijon, et Lamartine autour de Mâcon ?
On aime pourtant à suivre les sources et les lenteurs mystérieuses des eaux aux flancs du rocher. […] En lui disant la vérité, vous la mettrez à l’aise, et elle vous en saura gré : ce raisonnement est clair comme de l’eau de roche.
Des plantes aquatiques, qui montent à la surface, sont ballottées sans cesse par le courant ; leurs feuilles, se rejoignant au-dessus de l’eau, leur donnent de la stabilité, en haut, par leur entrecroisement. […] Celle-ci a de tout temps suscité des sentiments qui sont presque des sensations ; on a toujours goûté la douceur des ombrages, la fraîcheur des eaux, etc., enfin ce que suggère le mot « amoenus » par lequel les Romains caractérisaient le charme de la campagne.
Souday, quand il voyage en Amérique, met de l’eau dans son whisky. […] Robert de Souza disait dans où nous en sommes. — la victoire du silence (p. 45) : rien ne peut être étranger au poète, si toutefois le magasin de sa raison reste, « dans l’instant qui le soulève », attaché comme un banc de coquilles obscures « au fond des eaux ingénues de son âme ». il m’est signalé encore que la préface de Paul Valéry aux poésies de M.
Si les prophètes, comme cela se voit, doivent remettre en question les notions les plus élémentaires, arranger la nature à une étrange sauce philosophique et religieuse, s’en tenir à l’homme métaphysique, tout confondre et tout obscurcir, les prophètes, malgré leur génie de rhétoriciens, ne seront jamais que de gigantesques Gribouille ignorant qu’on se mouille en se jetant à l’eau. […] Dans les œuvres purement littéraires, la nature intervient et règne bientôt avec Rousseau et son école ; les arbres, les eaux, les montagnes, les grands bois deviennent des êtres, reprennent leur place dans le mécanisme du monde ; l’homme n’est plus une abstraction intellectuelle, la nature le détermine et le complète. […] C’est comme une série de petites eaux fortes, de courts chapitres, déroulant l’agonie d’une fille qui meurt dans un dernier besoin de plaisir, au milieu des bavardages imbéciles de quatre femmes, accourues à son chevet par une curiosité de la mort. […] Vos fameuses « pisses de chat » des Sœurs Vatard, dont on a mené tant de tapage, ne sont que de l’eau sucrée, à côté de ces lieux d’aisance. […] J’ai honte de cette eau pure.
Pocula Lethoeos ut si ducentia somnos Traxerim, comme si j’avois bû les eaux qui amenent le sommeil du fleuve Léthé. Il étoit plus naturel de dire, pocula Lethoea, les eaux du fleuve Léthé.
Voici, par exemple, douze manières de figurer l’eau : aigue, aige, aighe, aive, ague, awe, egue, eve, iave, yaue, eave, eaue, sans compter, comme on voit, celle dont nous nous servons ; en voici quatorze d’écrire le pronom démonstratif : cil, chil, sil, chel, cis, chis, ceus, cieus, cieux, chius, cheus, chiex, cilz, çax 16 ; et peut-être qu’elles n’y sont pas toutes. […] Il n’importait ici que de montrer, dans les vastes eaux de l’épopée, le courant gaulois qui se mêle au courant germanique. […] Je me tais, j’ai trop à dire246. » Il ne se contente pas de se taire ; il s’en va et quitte Ferney pour aller prendre les eaux de Rolle.
Il enchaînait de tout les semences fécondes, Les principes du feu, les eaux, la terre et l’air, Les fleuves descendus du sein de Jupiter… Et celui qui, tout à l’heure, était comme le plus petit, parlait incontinent comme les antiques aveugles, — comme ils auraient parlé, venus depuis Newton.
Toutes les forêts s’inclinent, tous les saules blanchissent, tous les ruisseaux se rident, et tous les échos soupirent. » De plus en plus, en avançant, le style de Nodier, avec une grâce et une souplesse qui ne seront qu’à lui et qui composeront son caractère, atteindra à peindre de la sorte les mouvements prompts, les reflets soudains, les chatoiements infinis de la verdure et des eaux, moins sans doute, dans toute scène, les grands traits saillants et simples qu’une multitude de surfaces nuancées et d’intervalles qui semblaient indéfinissables et qu’il exprime.
Je connaissais par ses récits tous les détails de l’intérieur de Clichy, cette Paphos de cette divinité, ce sanctuaire où toute l’Europe élégante en 1800 allait s’enivrer de la vue de Juliette ; son visage, ses expressions, ses formes, son costume, ses poses, ses langueurs, ses évanouissements pittoresques à une certaine heure de la soirée, où elle défaillait entre les bras de ses femmes, où on l’emportait toute vêtue sur son lit antique, où elle revenait à elle au parfum des eaux de senteur ruisselant sur ses blonds cheveux dénoués, et où les convives de la soirée défilaient ravis devant tant de charmes, attendris par tant de défaillances, mignardises de l’adolescence, de l’amour et de la mort.
Le contraste du calme resplendissant de cette solitude, cernée par les flots de la mer, avec le bruit menaçant et tumultueux d’une grande ville en révolution, augmentait la sensation de bonheur, de calme et de sécurité qu’inspirait cette résidence enchantée entre le ciel et l’eau.
Mardi 23 février À la fin du dîner de Brébant d’aujourd’hui, au bout d’une longue conversation, entre tous les hommes politiques, sur Lourdes et ses eaux miraculeuses, Berthelot dit qu’il ne serait pas étonné, que la fin du siècle fût en proie à un violent mysticisme.
La terre à la fin se fit plus étroite qu’une sandale et après avoir jeté vers le soleil des gouttes de l’océan, nous tournâmes à droite pour revenir. » Et ailleurs : « Il y avait des jets d’eau dans les salles, des mosaïques dans les cours, des cloisons festonnées, mille délicatesses d’architecture et partout un tel silence que l’on entendait le frôlement d’une écharpe ou l’écho d’un soupir. » Par un contraste que l’on perçoit déjà dans ce passage, Flaubert, précis et magnifique sait user parfois d’une langue vague et chantante qui enveloppe de voiles un paysage lunaire, les inconsciences profondes d’une âme, le sens caché d’un rite, tout mystère entrevu et échappant : Certaines des scènes d’amour où figure Mme Arnoux, l’énumération des fabuleuses peuplades accourues à la prise de Carthage, le symbole des Abaddirs et les mythes de Tanit, les louches apparitions qui, au début de la nuit magique, susurrent à saint Antoine des phrases incitantes, la chasse brumeuse où des bêtes invulnérables poursuivent Julien de leurs mufles froids, tout cet au-delà est décrit en termes grandioses et lointains, en indéfinis pluriels abstraits et approchés qui unissent à l’insidieux des choses, la trouble incertitude de la vision.
Mettez de l’eau dans les écuelles au-dessus desquelles ils sont rangés afin que les rats ne puissent les ronger.
« Depuis que Galilée eut fait rouler sur un plan incliné des boules dont il avait lui-même choisi le poids, ou que Toricelli eut fait porter à l’air un poids qu’il savait être égal à une colonne d’eau à lui connue, ou que plus tard Stahl eut transformé des métaux en chaux, et celle-ci en métaux par la suppression et l’addition de certaines parties, depuis ce moment un flambeau a été donné aux naturalistes.
On a constaté que des circonstances peu importantes en apparence, telles qu’une quantité d’eau plus ou moins grande à quelque époque particulière de la croissance, peuvent déterminer la stérilité ou la fécondité d’une plante.
Ernest Renan Je pense n’avoir pas besoin, pour parler à cette place de mon vénéré maître, d’alléguer qu’Ernest Renan appartient à la littérature dramatique par l’Eau de Jouvence, le Prêtre de Némi, l’Abbesse de Jouarre, ni que ses obsèques ont été cette semaine un des « spectacles » de Paris. […] Et ainsi il nous fait assister au spectacle infiniment curieux du rêve de Margot devant Lazare le Pâtre, le Verre d’eau ou la Tour de Nesle, commenté et fortement motivé par le plus raffiné des littérateurs, la sensibilité de la brunisseuse coexistant en lui avec les lumières de l’habile homme. […] Quand elle aura reçu la dernière absoute, l’encens et l’eau bénite du prêtre, Fabiane te pardonnera. […] Et je ne dis pas que cela soit clair comme eau de roche.
Il n’y a rien dans leur théâtre qui accuse la même faiblesse et le même épuisement que les Eaux de Saint-Ronan et Redgauntlet. […] Il essaya vainement les eaux de Bath, et enfin les médecins lui conseillèrent de chercher un climat plus doux. […] Bien qu’il ait la prétention d’avoir mené à bout plusieurs ordres de sensations, d’avoir empli ses oreilles de symphonies, au point de pouvoir dire que l’Othello est d’une instrumentation maigre ; bien qu’il se vante de trouver au rhum moins de goût qu’à l’eau fraîche, je ne puis que le plaindre de toutes les satiétés qu’il s’est faites. […] Elle aspire librement l’air qui l’environne, elle s’épanouit sous la chaude haleine qui ride l’eau en passant, et lui porte une vapeur féconde.
Il y a toutefois quelques différences ; et, pour le plaisir paradoxal de rapprocher l’eau et le feu, il ne conviendrait pas d’exagérer les analogies. […] Voici comme il parle : « L’eau est très bonne, à la vérité, et l’or qui « brille comme le feu durant la nuit, éclate merveilleusement parmi les richesses qui rendent l’homme superbe. […] Voilà un galimatias que vous venez de faire pour vous divertir ; je ne donne pas si aisément dans le panneau. — Je ne me moque point, lui dit le président, et c’est votre faute si vous n’êtes pas charmée de tant de belles choses. — Il est vrai, reprit la présidente, que de l’eau bien claire, de l’or bien luisant, et le soleil en plein midi sont de fort belles choses ; mais parce que l’eau est très bonne, et que l’or brille comme le feu pendant la nuit, est-ce une raison de contempler ou de ne pas contempler un autre astre que le soleil pendant le jour ? […] Cette idée, vous la trouverez exprimée dans ces leçons de Victor Cousin où, sous le titre à l’Introduction à l’histoire de la philosophie, mêlant d’ailleurs aux vues de Mme de Staël celles de Herder et aussi de Schelling, il a dit en France, presque le premier, bien des choses que nous sommes habitués à, considérer de nos jours comme toutes contemporaines. « Oui, messieurs, s’écriait-il, donnez-moi la carte d’un pays, sa configuration, son climat, ses eaux, ses vents, et toute sa géographie physique ; donnez-moi ses productions naturelles, sa flore, sa zoologie, et je me charge de vous dire a priori quel sera l’homme de ce pays, et quel rôle le pays jouera dans l’histoire, non pas accidentellement, mais nécessairement ; non pas à telle époque, mais dans toutes ; enfin l’idée qu’il est appelé à représenter. » M.
Et pourtant ces barbares que vous appelez parmi vous et qui vous dévorent sont de la race à qui Marius ouvrit le flanc, et la mémoire de cette œuvre n’est pas encore éteinte ; et, quand le vainqueur haletant voulut se désaltérer, il but dans le fleuve autant de sang que d’eau. […] Une tristesse sereine erre dans tes yeux et sur tes joues ; le regard sérieux et vif étincelle, comme il convient à une si grande intelligence, et dans le miroir de ton front austère, tel que le soleil dans l’eau pure, resplendit le génie et l’âme qui se sent immaculée. […] Autant vaut affirmer que l’air et l’eau ne se ressemblent pas.
. — Et au chant II, cette autre comparaison d’Éloa, se mirant dans le Chaos, avec la fille des montagnes se mirant dans un puits naturel et profond où l’eau pure amassée réfléchit les étoiles : elle s’y voit, comme dans un ciel, le front entouré d’un brillant diadème. — Et dans le même chant, cette comparaison encore (car les comparaisons ici se succèdent et ne tarissent pas) de la jeune Écossaise, vaguement apparue au chasseur dans la nuée, au sein de l’arc-en-ciel, avec la belle forme vaporeuse de l’ange ténébreux aperçu de loin d’abord par Éloa ; — et au chant III, cette dernière image enfin, cette description si large et si fière de l’aigle blessé qui tente un moment de surmonter sa douleur, et qui ressemble plus ou moins au même archange infernal avec sa plaie immortelle : Sur la neige des monts, couronne des hameaux, L’Espagnol a blessé l’aigle des Asturies, Dont le vol menaçait ses blanches bergeries, Hérissé, l’oiseau part et fait pleuvoir le sang, Monte aussi vite au ciel que l’éclair en descend, Regarde son soleil, d’un bec ouvert l’aspire, Croit reprendre la vie au flamboyant empire ; Dans un fluide d’or il nage puissamment.
Elle profita d’un voyage aux eaux de Bourbonne où elle était allée conduire une de ses filles, pour pousser de là par Besançon et Pontarlier jusqu’en Suisse.
Traduire de cette sorte Théocrite, c’est un peu comme si l’on allait puiser à une source vive dans le creux de la main, ou encore comme si l’on essayait d’emporter de la neige oubliée l’été dans une fente de rocher de l’Etna : on a fait trois pas à peine, que cette neige déjà est fondue et que cette eau fuit de toutes parts.
Ce foyer allumé vaporise l’eau de la chaudière.
Les onze premiers ne traitent que de la haute astronomie, le firmament, les astres, les phénomènes célestes ; puis viennent les livres qui concernent la division de l’année en mois, jours, saisons ; puis ce qui concerne la terre et le sol, puis ce qui concerne les eaux, leur régime, leur application.
Ses doges, conseillers temporaires de cette Rome des eaux, conquirent tout ce qui se détachait de l’empire gréco-romain sur les bords de la Méditerranée, de l’Adriatique, de la mer Noire ; la Syrie, Chypre, Rhodes, les îles de l’Archipel grec et ionien, Scio, Samos, Mytilène, Andros.
Les vents étésiens, qui soufflent du nord pendant la canicule, en rafraîchissant la température ; des jardins en terrasses descendaient d’étages en étages de la maison aérée à la plage humide ; des cavernes naturelles, achevées par l’art, pavées de mosaïques, entrecoupées de bassins où l’eau de la mer, en pénétrant par des canaux invisibles, renouvelait la fraîcheur, y servaient de bains.
Aussi prit-il, en pleine gloire, la résolution de quitter ce noir, fiévreux, assourdissant et asservissant Paris : ses amis les philosophes, qui n’avaient pas le tempérament bucolique et vivaient aux bougies comme le poisson dans l’eau, ne comprirent rien à cette lubie, essayèrent de le retenir, et n’arrivèrent qu’à le froisser.
Le temps est comparable à une étoffe sans couture ; la durée échappe à nos classifications, à la tyrannie de notre arithmétique, comme l’eau pure à la main qui essaye de la retenir.
Voici toute la vengeance qu’il en a tirée : Peu (nourri) m’a, d’une petite miche Et de froide eau, tout eng este.
Je me trompe, il pense par moments à tout brouiller, pour pêcher une femme en eau trouble.
Les nuances douteuses qu’il y prodigue l’étendent comme l’amplification étend le sujet en l’énervant, ou comme l’eau étend le vin en lui ôtant sa force.
Il avait prescrit une nourriture réglée ; on affamait les enfants : — des bains d’eau froide ; on risquait d’y faire périr les nourrissons trop faibles : — beaucoup d’air ; on en exposait de presque nus à l’intempérie des saisons.
Lors même que le toit serait percé à jour et que l’eau du ciel viendrait mouiller la face du croyant agenouillé, la science aimerait à étudier ces ruines, à décrire toutes les statuettes qui les ornent, à soulever les vitraux qui n’y laissent entrer qu’un demi-jour mystérieux, pour y introduire le plein soleil et étudier à loisir ces admirables pétrifications de la pensée humaine.
Purification par l’eau du baptême.
Ce sont les contes de Marcel Schwob, si pleins d’une atmosphère étrange de crypte souterraine, de fards milésiens, de jeunes corps amoureux, si ruisselants d’eaux, de miroirs, de gemmes, rappelant à la fois les encens du temple, les toiles de Rochegrosse et Gustave Moreau et cette angoisse qui flotte sur les ruines solitaires au crépuscule : les contes de Jean Lorrain, avec leurs gnomes, leurs fées, leurs éphèbes équivoques, leurs princesses d’ivoire et d’ivresse, leur frisson d’inconnu, leur ombre nostalgique et peuplée de fantômes luxurieux.
Tressant la métaphore des remparts barrésiens, des eaux vives devenues Aigues-Mortes à la responsabilité de Barrès dans cette décomposition fangeuse de la littérature, Crevel ne manque pas de vanter l’antidote — la libération du verbe surréaliste : « ils ont fait craquer les cadres, envoyé au diable les murs, les poivrières des faux remparts » ; les isotopies métaphoriques jouent sur plusieurs réseaux ; le mot « esprit » martelé, de citations en locutions, opposé à « fond », « forme », « raison », « intelligence », émergeant au cœur d’un paysage de Camargue ou dans une réminiscence du dernier recueil de Saint-John Perse, nous rappellent que le détour n’est pas gratuit.
Faites maintenant un pas de plus ; imaginez une conscience rudimentaire comme peut être celle de l’amibe s’agitant dans une goutte d’eau : l’animalcule sentira la ressemblance, et non pas la différence, des diverses substances organiques qu’il peut s’assimiler.
Auprès de ce génie, on est comme au bord d’un gouffre ; l’eau tournoyante s’y précipite, engloutissant les objets qu’elle rencontre, et ne les rend à la lumière que transformés et tordus. […] Comme l’eau molle et agile, leur âme s’élevait et s’abaissait en un instant au niveau de l’émotion du poëte, et leurs sentiments coulaient sans peine dans le lit qu’il avait creusé.
Les faunes et les Pans et les Nymphes des eaux. […] » je gage qu’il vous répondra : « Descartes » ou « Hegel » ou Chimera bombinam in vacuo » et jamais : « pie chien, poule d’eau ». Et cependant chien, pie, et poule d’eau sont bêtes qui abstraient parfaitement ou plutôt imparfaitement, mais qui sont parfaitement capables d’une abstraction rudimentaire, comme les exemples que vous trouverez dans le livre de M. […] Ils ne sont pas guidés par l’odeur de l’eau, puisqu’il n’y en a pas. Ils sont guidés par cette idée abstraite qui n’est pas si simple : « rigole, en descendant, au bout, eau, d’ordinaire ».
Parfois il forme d’immenses nappes d’eau… Et quand à ce don de peindre les choses visibles se joint un de ces grands sentiments qui sont ce que nous mettons de notre âme dans un paysage et qui lui en donnent une, quel beau tableau, mélancolique d’une tristesse virile, sobre, large et grand, et qui reste pour toujours, on le sent, dans notre esprit. […] Et partout devant lui, par milliers, les oiseaux, De la verve fangeuse où le héros dévale, S’envolèrent, ainsi qu’une brusque rafale, Sur le lugubre lac dont clapotaient les eaux. […] Les romantiques vivent dans l’imagination comme le poisson dans l’eau et ont la crainte de la vérité comme le poisson de la paille.
Retrempons-nous, d’accord ; — mais à la condition pourtant que ce ne soit pas en eau sale. […] tu cherches un chimérique bonheur, tu regardes un avenir éloigne, et tu ne vois pas que nous nous consumons sans cesse, et que nos âmes, épuisées d’amour et de peines, se fondent et coulent comme de l’eau. » Tous ces mérites, nouveaux en 1760, pourraient être d’un orateur autant que d’un poète. […] Si j’ajoutais maintenant qu’une autre influence, dont on croirait d’abord qu’elle eût plutôt contrarié la précédente, a cependant agi dans le même sens, et que cette influence est celle de l’auteur de l’Abbesse de Jouarre et de l’Eau de Jouvence, on crierait sans doute au paradoxe ; et je conviens qu’il semble qu’on aurait raison. […] Mais ils n’ont pas fait attention que l’Eau de Jouvence et l’Abbesse de Jouarre, dans l’œuvre de M. […] C’est ainsi que je n’ai trouvé enfin, ni à Fange, ni à Enfer, ni à Forge, les trois vers de Booz endormi : Il était, quoique riche, à la justice enclin, Il n’avait pas de fange en l’eau de son moulin ; Il n’avait pas d’enfer dans le feu de sa fange.
Une partie de la pièce est un guignol, c’est-à-dire une pièce à travestissements burlesques : Sganarelle, faux médecin est surpris par le père de famille sans habit de médecin, il dit qu’il est le frère du médecin et qu’il lui ressemble comme deux gouttes d’eau se ressemblent (souvenir de cela dans le Malade imaginaire) ; il se présente au père de famille tantôt en habit de médecin, tantôt en habit bourgeois, avec une grande rapidité de changement de costume, pour faire croire à l’existence réelle de deux personnages ; il se présente même, du haut d’une fenêtre, sous l’aspect des deux personnages, étant en habit bourgeois mais tenant de sa main et du coude le chapeau, la fraise et la robe du médecin, etc. […] se font sans y penser, Semblables à ces eaux si pures et si belles, Qui coulent sans effort des sources naturelles. […] Madame Pernelle lui dit : […]Vous faites la discrète, Et vous n’y touchez pas, tant vous semblez doucette, Mais il n’est, comme on dit, pire eau que l’eau qui dort, Et vous menez sous chape un train que je hais fort.
était-ce l’eau ? […] C’est dire qu’elle n’a pas début et par conséquent qu’elle est inutile, comme l’art de souffler des bulles d’eau savonneuse. […] Il ne faut pas que l’œuvre d’art soit pareille à l’épitaphe du roi Midas : “Je suis une vierge d’airain ; je repose sur le tombeau de Midas — Tant que l’eau coulera, tant que les grands arbres verdiront — Debout sur ce tombeau arrosé de larmes — J’annoncerai que Midas repose en ces lieux” ; c’est-à-dire telle qu’on puisse indifféremment la lire en commençant par le premier vers, ou le dernier, ou le second, ou le troisième. » Il faut que l’œuvre d’art réalise l’ordre dans la vie pour qu’elle puisse aider à se réaliser une âme qui vive d’une façon ordonnée. […] Ici les hommes sont d’un caractère bizarre et emporté, à cause des vents de toute espèce et des chaleurs excessives qui règnent dans le pays qu’ils habitent ; ailleurs, c’est la surabondance des eaux qui produit les mêmes effets ; ailleurs encore, c’est la nature des aliments que fournit la terre, aliments qui n’influent pas seulement sur le corps pour le fortifier ou l’affaiblir, mais aussi sur l’âme pour y produire les mêmes effets. […] Le passionné est un homme qui puise de l’eau ou du vin dans un crible.
Elle glisse de toutes parts à une sorte de fluidité qui, multipliant son contact avec toutes les émanations de la terre, du ciel et de l’eau, met comme un infini dans ses sensations. […] Le flux et reflux de l’eau, son bruit continu, mais renflé par intervalles, frappant sans relâche mon oreille et mes yeux, suppléaient aux mouvements internes que la rêverie éteignait en moi, et suffisaient pour me faire sentir avec plaisir mon existence, sans prendre la peine de penser. De temps à autre naissait quelque faible et courte réflexion sur l’instabilité des choses de ce monde, dont la surface des eaux m’offrait l’image, mais bientôt ces impressions légères s’effaçaient dans l’uniformité du mouvement continu qui me berçait…. sans aucun concours actif de mon âme21. […] Les lieux où Senancour trouve le plus d’harmonie avec lui-même, c’est les hautes vallées ; dans une enceinte noire de bois, des prairies à peine animées par le bruissement du feuillage et de l’eau, et, si quelque être vivant figure dans ces muets spectacles, que la distance l’immobilise ; les lentes modifications du jour dans une clairière ; une avenue oubliée où la mousse étouffe les pas.
Il connut les grands sommets aux neiges presque éternelles d’où descendaient les eaux des torrents, et, à côté, les cratères élevés, aux gueules béantes, éclairant les nuits de leurs incessantes éruptions. […] Puis, quand l’ardeur céleste enveloppe à la fois Les nappes d’eau torride et la terre enflammée, Il plonge, et va chercher sa proie accoutumée, Le taureau, le jaguar, ou l’homme, au fond des bois233. Cette conscience que le poète a saisie chez les êtres rudimentaires, mais pourtant animés, il la découvre, nous l’avons dit, plus bas encore : il l’entend ou il la voit vaguement épandue à travers les éléments informes, se manifestant chez la forêt vierge par l’aversion pour l’homme destructeur et la lutte contre ses conquêtes234, émanant des astres suspendus dans l’infini, planant au-dessus de l’Océan, des « steppes de la mer », alors que … Le ciel magnifique et les eaux vénérables Dorment dans la lumière et dans la majesté, Comme si la rumeur des vivants misérables N’avait troublé jamais leur rêve illimité 235. […] Leurs deux théories sur ce point vont se confondre dans la même formule, et l’on pressent ce qu’elle sera devant les prémisses posées : anéantissement irrémissible de l’être individuel, qui, apparu une seconde hors du vide, y rentre et s’y perd à jamais, Comme une goutte d’eau dans l’Océan immense236.
Le tems vient où ses eaux pures sont le miroir le plus fidele que puissent consulter les Arts. […] Les autres ont imaginé, pour ainsi dire, goutte-à-goutte, & leur style est comme un filet d’eau pure à la vérité, mais qui tarit à chaque instant. […] Qu’une bonne paysanne reprochant à ses enfans leur lenteur à puiser de l’eau, & à allumer du feu pour préparer le repas de leur pere, leur dise : « Savez-vous, mes enfans, que dans ce moment même votre pere, courbé sous le poids du jour, force une terre ingrate à produire de quoi vous nourrir ? […] La tranchée de Philisbourg étoit inondée, le soldat y marchoit dans l’eau plus qu’à demi-corps.
Un chasseur de gibier d’eau, qui nous fait tranquillement ses doléances : « Je n’ai rien tué. […] Pour atmosphère, de la vapeur d’alcool sous un nuage de fumée opaque, à couper, comme on dit, au fil à beurre, mais fondue dans un goût de cuir, culottée et cuite, et où se retrouvent la pipe éteinte, l’eau grasse des cuisines et la sueur des abonnés. […] Je me refuse surtout à voir dans ces beaux récits : Sur l’eau, Fou et même le Horla, des manifestations positives d’une maladie quelconque. […] A peine l’auteur de Mon frère Yves montrait-il sa tête, qu’il recevait sur la nuque le contenu d’un large pot à eau.
Niez-vous que cette eau soit dans ce verre ? […] Un jour, on lit le Bhagavad-Gita ou Lao-tseu82, on enseigne un Dieu indéfinissable, sans attributs essentiels et déterminés ; et le lendemain, on fait voir au peuple telle ou telle forme, telle ou telle manifestation de ce Dieu qui, n’en ayant pas une qui lui appartienne, peut les recevoir toutes, et qui, n’étant que la substance en soi, est nécessairement la substance de tout, de la pierre et d’une goutte d’eau, du chien, du héros et du sage. […] Regardez ces vastes et belles solitudes, éclairées par les premiers ou les derniers rayons du soleil : dites-moi si ces solitudes, si ces arbres, si ces eaux, si ces montagnes, si cette lumière, si ce silence, si toute cette nature n’a pas une âme, et si derrière ces horizons lumineux et purs vous ne remontez pas involontairement, en d’ineffables rêveries, à la source invisible de la beauté et de la grâce ! Le Lorrain est par-dessus tout le peintre de la lumière, et on pourrait appeler ses ouvrages l’histoire de la lumière et de toutes ses combinaisons, en petit et en grand, quand elle s’épanche sur de larges plans ou se brise dans les accidents les plus variés, sur la terre, sur les eaux, dans les cieux, dans son éternel foyer. […] Celui qui a dessiné le parc de Versailles, qui, à l’agrément des parterres, au mouvement des fontaines, au bruit harmonieux des cascades, aux ombres mystérieuses des bosquets, a su ajouter la magie d’une perspective infinie au moyen de cette large allée où la vue se prolonge sur une nappe d’eau immense pour aller se perdre en des lointains sans bornes, celui-là est un paysagiste digne d’avoir une place à côté du Poussin et du Lorrain.
De cette hauteur des branches où ils sont élevés, ils lui jettent de l’eau en cent manières différentes. […] Son provincial, qui l’épioit depuis longtemps, ne l’eut pas en sa disposition qu’il le fit mettre en une prison affreuse, au pain & à l’eau, avec ordre de ne lui pas épargner de fréquentes & rudes disciplines. […] Les matelots, croyant n’être pas entendus de lui, disoient qu’après avoir pris ses hardes & son argent, il falloit le jetter dans l’eau, parce qu’il étoit Allemand, & que le croyant hérétique, ils ne doutoient pas qu’il ne fût cause de la tempête.
Et, parlant par la bouche d’un de ses personnages dans l’Eau de Jouvence : « Tous les trois nous avons mené une jeunesse sage, car nous avions une œuvre à faire. […] Une vapeur, une goutte d’eau suffit pour le tuer. […] De sa voix de sirène, il appelait… » Et ailleurs : « Il faut ainsi, pour saisir cette âme du grand lac, des lumières atténuées, le calme, le silence, l’automne, qui augmentent sa force poétique et cette tristesse des eaux qui l’humilient en le faisant ressembler à un grand étang, et qui, en l’humiliant, le rapprochent et le rendent plus familier… » Il en parle comme d’une personne, et ce n’est pas chez lui un artifice de rhétorique.
) De même que la lune en se couchant laisse désertes et sombres ces campagnes et ces eaux que l’instant d’auparavant elle argentait et qu’elle peuplait de flottantes images, de même la jeunesse en s’enfuyant laisse la vie toute déserte et ténébreuse.
Grand orage au bord du lac et surtout dans les petits bassins d’eau à côté.
« La maison où demeuroit cette dame étoit au milieu d’une grande forêt, et située entre deux collines par où passe une petite rivière dont l’eau est aussi claire et aussi pure que celle d’une source vive ; et ce qui la rend bien considérable, c’est que cette dame s’y est quelquefois baignée.
Il peint toutes les petites choses, il n’en a pas honte, elles l’intéressent ; il prend plaisir à « l’odeur de la laiterie » ; vous l’entendez parler des chenilles, et « de la feuille qui se recroqueville empoisonnée par leur morsure », des oiseaux qui, sentant venir la pluie, « lissent d’huile leur plumage pour que l’eau luisante puisse glisser sur leur corps. » Il sent si bien les objets qu’il les fait voir : on reconnaît le paysage anglais, vert et humide, à demi noyé de vapeurs mouvantes, taché çà et là de nuages violacés qui fondent en ondées sur l’horizon qu’ils ternissent, mais où la lumière se distille finement tamisée dans la brume, et dont le ciel lavé reluit par instants avec une incomparable pureté.
Mais, comme Dieu a pitié des fous, je courus aussitôt, je sautai sur la pierre, et, m’y attachant d’une main, de l’autre je le saisis par son manteau, au moment où il allait disparaître dans l’eau, et je lui sauvai la vie.
Ainsi que la douce saveur de quelques gouttes de miel disparaît dans une vaste quantité d’eau, de même l’affection que font naître ces noms si chers se perdra dans un État où il sera complètement inutile que le fils songe au père, le père au fils, et les enfants à leurs frères.
Il ne s’agit point là du diable des chrétiens et s’il feint encore de craindre l’eau bénite, c’est une concession du poète au symbole de la fable.
Le lieu ne devait être ni une capitale ayant un théâtre permanent, ni une ville d’eau qui, justement en été, m’eût donné un public tout à fait différent du public que je souhaite ; ce doit être une ville du centre de l’Allemagne ; et une ville de Bavière, puisque je veux y transférer mon domicile et que je ne puis choisir nul autre pays … … Quant au choix et à l’acquisition du terrain destiné au théâtre, il y a à considérer si la ville de Bayreuth, vu les avantages que mon entreprise pourrait lui procurer, serait disposée à me céder la place nécessaire à la construction de mon théâtre.
Commencée en 709, — entre Clovis et Charlemagne, par la révélation de saint Aubert, évêque d’Avranches, auquel l’archange Michel ordonna de bâtir sur le roc escarpé, au péril de la mer, qui allait devenir tous les genres de périls, un monastère impossible, et qui, pour preuve de la réalité de son apparition, laissa l’empreinte de son doigt dans la tête du saint à une telle profondeur qu’on retrouve le trou dans l’ossature du crâne qui nous reste, — traversant tout le Moyen Âge, et ne finissant qu’en 1594, après les terribles guerres protestantes, cette histoire du Mont Saint-Michel, qui recommencera peut-être dans l’avenir, a laissé là, écrite entre le ciel et l’eau, comme une immense lettre cunéiforme de granit devant laquelle nos pattes de mouche humiliées paraîtraient bien petites, si un esprit venant de Dieu ne les animait et ne les grandissait, en les animant… Or, c’est cet esprit-là, allumé dans le romancier devenu chrétien, qui lui a fait écrire une histoire qui, sans cet esprit, n’aurait que l’intérêt d’un roman, quoique ce soit certainement le plus magnifique de ses romans.
Croce est allé trop loin ; pour employer l’expression des Allemands, il a jeté l’enfant avec l’eau du bain.
Et, en dehors de cela, il n’y a, vous le savez, que le pur et simple mélodrame, l’arrangement et l’implication de circonstances qui roulent et bousculent l’homme comme une chute d’eau fait un chat noyé ; et vous remarquez que, d’instinct, les hommes ont toujours tenu cette forme du poète dramatique comme inférieure, et lui ont à peine reconnu droit de cité dans l’art. […] Onze heures du matin : « L’eau de l’étang resplendit, le paon déploie, en guise d’ombrelle, sa lourde queue ; le faon altéré recherche les réservoirs d’eau creusés au pied des arbres et protégés par leur ombre circulaire », etc. […] Les ténèbres tortueuses se glissent, pareilles à des faisceaux de roseaux noirs, et voilent les bornes du ciel ; à l’horizon la terre semble plongée dans l’eau. […] À le lire, on se sent peu à peu transformé en lotus, bercé doucement à la surface d’un grand lac paisible, la paupière demi-ouverte vers le ciel immense, les racines s’enfonçant je ne sais où, dans le mystère confus de la terre grasse et des eaux profondes.
On n’y trouve pas trop de ces détails comme il y en a dans l’Oraison funèbre de Mme d’Aiguillon : « Les eaux de la mer n’éteignirent pas l’ardeur de sa charité11 » ; ou comme dans l’Oraison funèbre de M. de Lamoignon : « Le premier tribunal où il monta fut celui de sa conscience » ; ou comme dans l’Oraison funèbre de Mme de Montausier : « Il n’y a rien de si aimable que l’enfance des princes destinés à l’empire… et ils règnent d’autant plus fortement dans les cœurs qu’ils ne règnent pas encore dans leurs États. » Mais, après tout, ce sont là des vétilles, et quelques antithèses de ce goût dans l’Oraison funèbre de Turenne ne suffiraient pas pour en déprécier la valeur : Voltaire pensait, non sans raison, que le style de Balzac n’était pas disconvenant au genre de l’oraison funèbre. […] sortis du même sein, régénérés dans les même eaux, incorporés dans la même Église, rachetés d’un même esprit ! […] « L’air malsain et pesant, l’eau mauvaise, d’incroyables variations de climat, pas de glaces, pas de fruits, pas de fromage, pas de coquillages », que de supplices pour un homme qui vient de Naples en droiture, et son tempérament napolitain avec lui ! […] … Imaginez-vous une centaine de cabanes entourées d’eau, de vieilles forêts immenses, des coteaux… Non ! […] Ces lois particulières, — dont la connaissance et les applications, en leur lieu, font le prix de toute critique digne de ce nom, parce que seules, en effet, elles ramènent la critique du ciel, pour ainsi dire, sur la terre, et des hauteurs où s’élaborent les généralités de l’esthétique abstraite sur ce terrain plus solide où les œuvres d’art sont examinées, étudiées en elles-mêmes ; jugées sur leurs qualités intrinsèques et non plus dans leurs rapports avec cette beauté prétendue faussement idéale, « qui serait comme l’eau pure et qui n’aurait point de saveur particulière » ; caractérisées par les mots qui leur conviennent et non plus par ces expressions indéterminées, vagues et flottantes qui servent à louer à peu près indifféremment, du même accent d’admiration banale, une toile de Raphaël, une tragédie de Racine, un opéra de Mozart ; — Diderot les connaît-il ?
Il est trop évident en effet qu’à Berlin comme à Paris, et qu’à Londres comme à Washington, l’eau se congèle à 0 degré en augmentant de volume, et qu’elle bout à 100 degrés, sous la pression normale ; — que la lumière se réfléchit d’après les deux lois enseignées dans tous les manuels : « 1º le rayon incident, la normale et le rayon réfléchi sont dans un même plan ; 2º l’angle d’incidence est égal à l’angle de réflexion. » Mais ces lois sont des résultats de la science, elles ne sont pas la science. […] Imaginez qu’afin de répartir plus équitablement l’eau d’une source entre les cultivateurs d’une plaine, vous canalisiez cette source de façon à en tarir le débit, auriez-vous fait œuvre utile ? […] On a comparé les grandes fortunes à des fontaines qui n’accaparent les eaux que pour les répandre, et c’est exact.
La source garde toujours une part de ses eaux. […] (Suit une description du jet d’eau.)
Néron s’avance au-devant d’elle sur le rivage, à la descente d’Antium ; il lui présente la main, il l’embrasse et la conduit à Baules, maison de campagne baignée par les eaux qui forment un coude entre le promontoire de Misène et le lac de Baïes. […] Ici l’on monte sur les jetées, là sur les barques ; les uns s’avancent dans les flots, autant que la profondeur des eaux le permet ; les autres ont les bras étendus vers la mer ; la côte retentit de plaintes, de vœux, de questions diverses, de réponses vagues ; elle brille de flambeaux sur toute sa longueur. […] Depuis ce moment, il ne se nourrissait plus que de fruits sauvages, et ne se désaltérait que de l’eau courante des ruisseaux175. […] Enfin, il entre dans un bain chaud ; il prend un peu d’eau qu’il répand sur ses esclaves les plus proches de lui, ajoutant : A Jupiter libérateur.
Colletet, un des cinq de la comédie de Son Éminence, ayant porté à Richelieu le monologue dans lequel se trouve une description de la pièce d’eau des Thuileries, le ministre admira beaucoup ces trois vers : La cane s’humecter de la bourbe de l’eau ; D’une voix enrouée et d’un battement d’aile, Animer le canard qui languit auprès d’elle.