Il y a des gens qu’on peut appeler gais, parce qu’ils participent du meilleur de leur cœur à la gaîté des autres, sans la produire par eux-mêmes : il y en a, au contraire, qui font naître la gaîté autour d’eux sans en éprouver le sentiment. […] Quand on avait joué cette dernière pièce, les spectateurs semblaient dans l’ivresse de la gaîté, tandis que, pour le bon Henri, c’était de l’ivresse de cœur et de l’attendrissement. […] Mais tandis que Béranger, l’œil et le cœur aux choses nationales, n’a garde de se confiner dans le genre érotique et bachique, la chanson de Collé ne fait que tourner et retourner à satiété la gaudriole et n’en sort pas. […] C’était, l’esprit de Collé qui, avec sa justesse, manquait d’une certaine élévation, plutôt que son cœur. […] Il est vrai qu’il s’abandonne à la sienne sans retenue ni contrainte, et vraiment à cœur joie 75.
Il classa méthodiquement, scolastiquement, lourdement et par cela seul il outra les saillies de Montaigne : mais ce qu’il en saisissait, ce n’était pas l’irréligion, c’était l’observation de la vie et du cœur. […] Il trouve dans la grande idée de la Providence le remède à l’accablante tristesse dont le spectacle des misères publiques frappe les cœurs honnêtes : par elle, sa raison voit clair, et dès qu’il comprend, il se redresse, il espère. […] Avec toute la différence de son humeur, il continue Calvin : il fait de la théologie une matière de littérature, parce que, renonçant à la scolastique, il parle à tout cœur chrétien, à tout esprit raisonnable ; il ne faut qu’être homme, et chercher la règle de la vie, pour le comprendre et le goûter. […] Ajoutez la science du dogme, et la science du cœur humain, qu’il avait surabondamment. […] Avant lui, Du Bellay et De la Taille n’avaient fait qu’y toucher : Vauquelin fit cinq livres de satires, discours d’un bon homme qui sait par cœur Horace, Perse, Juvénal, et qui a ouvert les yeux avec indulgence sur le monde.
Mais elle n’arrête pas sa puissance à celui qui la fait surgir ; nous aussi, par les yeux, par l’ouïe, par le cœur, nous y participons, et d’avoir communié avec ce mirage, notre rythme intérieur a senti bondir sa force : l’approche de la Beauté nous approche de nous-même. […] Il ne pense plus que sa fonction soit de susciter en un pressentiment de l’Être le cœur humain et l’âme humaine jusqu’au vertige par l’éloquente harmonie de la Forme. […] Sur les fenêtres de mon cœur Deux pâles mains se sont collées Mains de douleur et de malheur, Mains de la Mort, mains effilées. […] Le Roy, par exemple, c’est une fenêtre où deux mains apparaissent en un geste d’énigme ; mais au lieu de donner à penser qu’il évoque ainsi un moment du cœur humain, ce poète a cru devoir en avertir dès les premiers mots, et, en spécifiant qu’il s’agit des mains de la mort, il enlève beaucoup de son mystère à une vision qui demeure pourtant belle et hantante. […] La parabole du grain de sénevé est un symbole dans l’Évangile ; mais, telle que le catéchisme nous l’enseigne, à savoir : « le grain de la pensée divine germera dans le cœur des hommes et l’on en verra grandir l’arbre immense de l’Église universelle dont les rameaux couvriront toute la terre », — elle devient une allégorie.
Des petites choses drôles du dialogue, des « mots » salés ou poivrés, le cœur me lève rien que d’en parler… Si j’ai paru m’intéresser à la pantomime, c’est exclusivement parce qu’elle me graciait des « paroles ». […] Mais l’artiste, par son intellectualité, qui n’est autre chose que la faculté de rendre sans déchet ce qu’il a senti, formule avec aisance, naturellement ; son esprit souple laisse déborder l’émotion qui remplit son cœur ; il crée par la surabondance de sa sensation qui se répand et s’exprime ; la sensation exprimée est l’idée, et celle-ci est toute l’œuvre d’art. […] Ce peuple, le plus intelligent du monde, vibrait comme un cœur unique, écoutant les gémissements d’Atossa, mère de Xerxès, dans la sublime péroraison des Perses : parce qu’il y sentait, traduite dans la langue des dieux, l’émotion encore chaude de Salamine, de la victoire remportée, de la liberté sauvée. […] Égoïsme ou égotisme, plaisir de digestion ou plaisir d’analyse : mais rien du cœur, nulle sympathie, nul groupement, nulle société. […] Que si cette solution pessimiste était repoussée par les personnes qui se refusent à souscrire aux vérités pénibles, sous le fallacieux prétexte qu’« elles abaissent les cœurs », nous avouerons que la conclusion désolante est toujours pour nous une raison dernière de croire à l’exactitude des déductions qui la commandent.
Les “caractères” me glacent plus encore ; aussi bien savons-nous qu’il en existe si peu en deçà de la rampe… Des petites choses drôles du dialogue, des “mots” salés ou poivrés, le cœur me lève rien que d’en parler… Si j’ai paru m’intéresser à la pantomime, c’est exclusivement parce qu’elle me graciait des “paroles”. […] Mais l’artiste, par son intellectualité, qui n’est autre chose que la faculté de rendre sans déchet ce qu’il a senti, formule avec aisance, naturellement ; son esprit souple laisse déborder l’émotion qui remplit son cœur ; il crée par la surabondance de sa sensation qui se répand et s’exprime ; la sensation exprimée est l’idée, et celle-ci est toute l’œuvre d’art. […] Ce peuple, le plus intelligent du monde, vibrait comme un cœur unique, écoutant les gémissements d’Atossa, mère de Xerxès, dans la sublime péroraison des Perses : parce qu’il y sentait, traduite dans la langue des dieux, l’émotion encore chaude de Salamine, de la victoire remportée, de la liberté sauvée. […] Égoïsme ou égotisme, plaisir de digestion ou plaisir d’analyse : mais rien du cœur, nulle sympathie, nul groupement, nulle société. […] Que si cette solution pessimiste était repoussée par les personnes qui se refusent à souscrire aux vérités pénibles, sous le fallacieux prétexte qu’« elles abaissent les cœurs », nous avouerons que la conclusion désolante est généralement pour nous une raison dernière de croire à l’exactitude des déductions qui la commandent.
Les pages où il nous montre ce vieillard, fidèle jusqu’au bout à la mémoire de Louis XIII, ne manquant jamais tous les ans d’aller au service funèbre du feu roi, à Saint-Denis, le 14 de mai, et s’indignant vers la fin d’y être tout seul ; ces pages respirent une véritable éloquence de cœur et sentent la magnanimité de race. […] Le peintre abonde et surabonde ; il nage et s’en donne partout à cœur joie. […] Autrement, s’il était donné à tous de lire si aisément dans les cœurs et de pénétrer les motifs cachés, la plupart des liaisons, des amitiés, et la sûreté même du commerce social, y périraient. […] Salomon a dit quelque part dans le livre des Proverbes : « Comme on voit se réfléchir dans l’eau le visage de ceux qui s’y regardent, ainsi les cœurs des hommes sont à découvert aux yeux des sages. » Mais il est difficile de rester prudent et sage quand on lit à ce degré jusqu’au fond dans l’âme des autres hommes ; il est difficile, même lorsqu’on n’en abuserait point pour des fins intéressées et sordides, de ne point haïr, de ne point mépriser, de ne point marquer ses propres antipathies et ses instincts ; et le faible de Saint-Simon comme homme, de même qu’une partie de sa gloire comme peintre, est de s’être livré avec passion et flamme à tous les mouvements de réaction que cette seconde vue, dont il était doué, excitait en lui. […] Mais, ici, l’Hippocrate ne sait pas garder son sang-froid ; il laisse échapper la joie qu’il y prend et à quel point sa curiosité se délecte ; il s’écrie, en présence de cette multitude de sujets de son observation : La promptitude des yeux à voler partout en sondant les âmes à la faveur de ce premier trouble de surprise et de dérangement subit, la combinaison de tout ce qu’on y remarque, l’étonnement de ne pas trouver ce qu’on avait cru de quelques-uns, faute de cœur ou d’assez d’esprit en eux, et plus en d’autres qu’on n’avait pensé, tout cet amas d’objets vifs et de choses si importantes forme un plaisir à qui le sait prendre, qui, tout peu solide qu’il devient, est un des plus grands dont on puisse jouir dans une cour.
Il semble, au premier abord, que ce soit une ironie de la nature de l’avoir fait naître neveu de celui qui créa ces âmes héroïques de Polyeucte, du vieil Horace, et de tant d’autres personnages au cœur impétueux et sublime ; car il était l’âme la plus égale, la plus froide, la plus exempte de passion et de flamme qui fut jamais. […] Le grand Corneille, à travers ses hautes qualités, avait, je ne dirai pas beaucoup d’esprit, mais prodigieusement de bel esprit ; quand ils ne sont point passionnés et grandioses, et même alors, une fois que leur mot sublime est lâché, ses personnages continuent de raisonner, et ils le font avec subtilité et à outrance ; ils parlent de tête ; le cerveau chez eux prend la place du cœur ; ils raffinent et quintessencient les idées et les choses. Faites un seul moment une supposition : retirez au grand Corneille toute sa chaleur, toute son inspiration de cœur et d’âme, et demandez-vous ce qu’il deviendra avec cette faculté desséchée et refroidie de finesse exacte et de raisonnement. […] Le cerveau fut tout chez lui, et la nature, qui avait doublement doué son généreux oncle, oublia ici totalement le cœur. […] On n’a jamais mieux compris qu’en lisant les premiers écrits de Fontenelle ce mot de Vauvenargues : « Il faut avoir de l’âme pour avoir du goût. » Fontenelle manque de goût avec tout l’esprit du monde, parce que le cœur et l’âme sont absents et muets en lui, parce que le pectus et l’affectus (comme diraient les anciens) ne lui parlent jamais.
Dans les écrits que nous avons de lui, mêlés, à grandes doses, de lumière et d’ombre, sa supériorité n’existe pas toujours au même degré ; mais quand elle existe, elle est absolue, et nul, parmi les moralistes chrétiens qui retournent le cœur et l’esprit de l’homme dans leurs mains curieuses, n’a montré plus d’acuité que cet homme tyrannisé par ses facultés et préoccupé tellement de voir, que, pour lui, l’absence de seconde vue est le caractère irrémissible de ce qu’il haïssait le plus au monde, — la Médiocrité ! […] De cela seul qu’il est plus chrétien qu’eux, l’auteur de l’Homme est, d’emblée, et par le fond même des choses, supérieur à ces trois moralistes au cœur sec, qui regardent la société du haut de leur moi, et qui n’en ont guères peint que les surfaces. […] Une âme souffre à travers ses pages, une âme chrétienne, baptisée, pleine de Dieu, une vraie âme, tandis que dans les pages de La Rochefoucauld, de Vauvenargues et même de La Bruyère, il n’y a que des entéléchies d’Aristote, il y a des esprits et peu d’âme, — quoique, d’entre les trois, le plus jeune, qui sentait palpiter ses vingt ans à travers sa philosophie, ait dit que « les grandes pensées viennent du cœur », La Bruyère, le seul chrétien d’entre eux, ne l’était que correctement, comme tous les honnêtes gens de son époque, mais il devait entendre cette religion, dont il admirait l’ordonnance, à peu près comme Le Nôtre entendait ses jardins. […] La Fantaisie, c’est la Convention avec soi-même. » Le charme puissant de ce livre de l’Homme est d’être, par de semblables traits, une suggestion perpétuelle pour le cœur et pour la pensée. […] Lui qui n’est pas un religieux dans son cloître, mais à qui le mépris du monde en a bâti un dans son cœur, il n’a pas craint de toucher à des sujets qui auraient épouvanté un esprit moins essuyé que le sien des écumes du siècle.
On n’est poète et poète comique, que lorsque la Muse se fait psychologue, et porte son flambeau jusqu’au fond du cœur humain289. […] Semblable à ces déesses des anciennes épopées qui apparaissaient aux mortels, elle enchante nos yeux, subjugue nos cœurs ; mais, si nous voulons la saisir, nous embrassons une nuée. […] L’autorité que le texte a par lui-même pour convaincre et persuader tous les hommes de sa propre beauté, le commentaire ne l’a point pour rendre cette beauté sensible aux esprits rebelles et aux cœurs indifférents. […] Car elle sait que ces choses-là ne sont point belles, si elles ne plaisent qu’à ses sens ou ne touchent que son cœur, sans pouvoir être en même temps admirées, ni d’elle, ni de personne. […] Mais, si le poète fait tristement, courageusement, le sacrifice des espérances les plus chères au cœur de l’homme à ce qu’il croit être la vérité, quoi de plus beau ?
Mais tant qu’une larme chaude demandera à couler délicieusement du cœur de l’homme sensible, ému des souffrances de ses semblables, on relira le Lépreux de Xavier de Maistre, et l’on appellera l’auteur son ami. […] Quant à moi, j’admirai cette force du naturel qui place l’étiquette plus haut que le cœur. […] Une pensée contraire à la restauration du principe de la légitimité serait une trahison de sa religion politique, une apostasie de son cœur. […] Vous êtes tous dans mon cœur ; vous ne pouvez en sortir que lorsqu’il cessera de battre. […] Regardez tout ce que j’ai eu l’honneur de vous dire comme des pensées qui se sont élevées d’elles-mêmes dans votre cœur.
Il naquit à une époque où la philosophie française passionnait l’Allemagne et où les excès de la révolution repoussaient les cœurs. […] Il lui fit épouser une jeune fille charmante et tendre qui fut pour lui comme une seconde jeunesse en son cœur. […] Sa présence enivrait, et chacune de ses paroles semblait élargir le cœur. […] J’avais ajouté foi à ces bruits, parce qu’ils étaient tout à fait d’accord avec sa santé encore si verte, la puissance productive de son esprit et la fraîche vivacité de son cœur. […] Je lui laisse le titre de tout cœur, et je me console en pensant que bien d’autres ont eu le même sort que moi.
» Et ses yeux, pleins de la colère de son cœur, me fouillaient les yeux. […] Entre les deux Hôtel-Dieu qui vous enserrent le cœur, serré que vous êtes entre ce long parallélisme de la souffrance humaine, on se prend à penser à ce Dieu de bonté, qu’on dit là, au-dessus. […] Il meurt d’une maladie de cœur, et son ami prétend, à l’encontre du jugement de tous, que cette maladie vient de la sensibilité rentrée de l’écrivain, qui était très tendre, sous le masque de l’égoïsme et du cynisme. […] » qui sont comme des réveils en sursaut, à un coup qu’on lui frapperait au cœur. […] Lui, il a entendu sans faiblesse la lecture de son arrêt, et, la lecture finie, il saute d’un bond sur le banc au-dessus, et de là, se retournant vers l’endroit des cris, et touchant son cœur, il envoie d’un geste violent, suprême, un dernier baiser à celle qui a crié.
Mais vite il s’anime pour énumérer chaleureusement la foule des poètes contemporaines, depuis les deux maîtres de cœur et d’art, Verlaine et Mallarmé, mis à part, et feu Jules Laforgue, jusqu’à Henri de Régnier, Verhaeren et Gustave Kahn. […] Première amie aux beaux yeux simples, un mot du livre, le nom peut-être du cœur du livre. […] La Fileuse soupèse le chanvre de son cœur, sous le dépècement des griffes du soleil. […] ils portent tous tout le crucifiement au cœur de leur face immortellement immobile). […] — Je suis loin, bien loin de ces génies, mais Dieu a peut-être mis quelque chose de leur cœur en moi ?
Nous voulons retrouver sous la khlamyde dorienne ou l’armure espagnole, des âmes et des cœurs d’aujourd’hui. […] Mon cœur chantait dans le bruit lumineux des houles. […] Beaucoup d’artistes exotiques connurent cette « vagabonde au grand cœur ». […] La France est comme un cœur trop lourd, gonflé d’un sang riche qu’il faut laisser circuler librement par des artères nouvelles. […] On n’ignore pas que c’est un jouet et on lui donne quand même Un peu de son cœur, et voici que l’on se prend à souffrir et qu’on raille cette souffrance pour avoir l’air « bien parisien ».
Mais nous appellerons au contraire ces émotions et ces rêveries de tout notre cœur, si nous sommes poètes. […] Ce qu’on ne voit pas, c’est que si le poète se détache ainsi de lui-même, ce n’est pas par indifférence, c’est par désintéressement et générosité de cœur. […] Nous aussi nous contemplerons son œuvre d’un œil calme ; elle nous restera étrangère, ne nous touchant pas le cœur. […] On peut jouer magistralement du cœur humain sans se laisser prendre soi-même à ce jeu. […] Le cœur innombrable.
Pas plus qu’en Allemagne, en Pologne ou en Russie, ses ambitions ni son cœur n’y trouvèrent ce qu’ils cherchaient. […] Taine lui-même, cette fille d’esprit n’en avait pas le cœur moins léger ni moins gai. […] Vous l’avez fixé pour jamais dans mon cœur. […] Il apprenait ses discours par cœur. […] Si son amour vit toujours dans son cœur, ce n’est plus le même amour, car son fiancé n’est plus le même Francis.
Il fut poète, comme plus tard orateur et homme d’État, par inspiration, par besoin du cœur : ce fut une fonction de sa vie morale, d’ennoblir par le vers ses émotions intimes ; jamais il ne voulut en faire un exercice professionnel, jamais même un pur jeu d’artiste. […] Alfred de Vigny », disait-on à l’Académie759 ; s’il en excluait ses amis, ce n’était pas pour y admettre le public, et laisser déborder son cœur dans ses livres. […] Affectant un certain mépris de la forme et de l’art, il posa que toute l’œuvre littéraire consiste à ouvrir son cœur, et pénétrer dans le cœur du lecteur : émouvoir en étant ému, voilà toute sa doctrine ; et si l’émotion est sincère, communicative, peu importe quelle forme l’exprime et la convoie. […] Éliminant les faits, laissant l’histoire anecdotique du cœur, où s’étaient complu tous les élégiaques jusque-là, Musset fait apparaître dans son amour à lui les propriétés éternelles et l’immuable essence de l’amour. […] Plus que jamais, rien pour la pensée ni pour le cœur, tout pour les yeux ; cela s’appelle Études de mains, ou Symphonie en blanc majeur : une aquarelle, un bibelot, une statue du musée, un aveugle jouant du basson, l’obélisque, Paris sous la neige, voilà ses modèles ; ou bien il grave la vision que Nodier ou Mérimée donnent de leurs héroïnes, Inès de las Sierras ou Carmen.
Ici Villehardouin, dans son récit, laisse percer un éclair d’enthousiasme et une joie d’homme de cœur. […] Certes l’enthousiasme d’un tel homme, s’attachant à l’heure la plus brillante du souvenir, a tout son prix : Le temps fut beau et clair, dit-il en parlant de ce jour mémorable où l’on appareilla de Corfou, et le vent bon et clément ; aussi laissèrent-ils leurs voiles aller au vent ; et bien l’atteste le maréchal Geoffroi qui dicta cet ouvrage et qui n’y a dit mot, à son escient, qui ne soit de pure vérité, comme celui qui assista à tous les conseils ; bien atteste-t-il que jamais si grande chose navale ne fut vue, et bien semblait que ce fût expédition à devoir conquérir des royaumes ; car, aussi loin qu’on pouvait voir aux yeux, ne paraissaient que voiles de nefs et de vaisseaux, tellement que le cœur de chacun s’en réjouissait très fortement. […] à jamais anéantis dans les flammes, le cœur ne saigne, et l’on partage pleinement la douleur du digne sénateur byzantin ; on comprend sous sa plume ce mélange de Jérémie et de mythologie grecque, ces pleurs pour une statue d’Hélène et pour la profanation des vases de Sion, ces réminiscences d’une double antiquité qui lui viennent en foule et qui ressemblent à des lambeaux d’homélies entremêlés d’un retour d’Anacréon. […] Et quant au caractère même de l’homme, du guerrier si noblement historien, je dirai pour conclure : Villehardouin, tel qu’il apparaît et se dessine dans son Histoire, est bien un homme de son temps, non pas supérieur à son époque, mais y embrassant tous les horizons ; preux, loyal, croyant, crédule même, mais sans petitesse ; des plus capables d’ailleurs de s’entremettre aux grandes affaires ; homme de conciliation, de prudence, et même d’expédients ; visant avec suite à son but ; éloquent à bonne fin ; non pas de ceux qui mènent, mais de première qualité dans le second rang, et sachant au besoin faire tête dans les intervalles ; attaché féalement, avec reconnaissance, mais sans partialité, à ses princes et seigneurs, et gardant sous son armure de fer et du haut de ses châteaux de Macédoine ou de Thrace des mouvements de cœur et des attaches pour son pays de Champagne.
car si son talent n’était en rien de la même famille que celui de Bossuet, son esprit du moins était bien parent de ce grand esprit et de ce grand sens, et son cœur lui était tendrement attaché. […] Nous assistons, grâce au journal de Le Dieu, aux derniers sermons de Bossuet, qu’il prêche à l’âge de soixante-quatorze et soixante-quinze ans : le 1er novembre 1701, jour de la Toussaint, « il recueille les restes de ses forces pour exciter les cœurs à l’amour de Dieu, dans un sermon de la béatitude éternelle. » Une autre fois, le 2 avril 1702, dimanche de la Passion, il fait un grand sermon dans sa cathédrale pour l’ouverture du jubilé : Il réduit tout à ce principe : Cui minus dimittitur, minus diligit, que plus l’Église était indulgente, plus on devait s’exciter à l’amour pour mériter ses grâces et parvenir à la vraie conversion. […] Bossuet croit à la religion de toute son intelligence et de tout son cœur, et dans le cours de cette vie si pleine on ne voit pas d’interstice par où le doute se soit jamais introduit. […] — Encore une fois, Bossuet ressort de cette lecture et de l’épreuve suprême de ces intimes documents avec des traces de faiblesse sans doute et d’infirmité humaine ; je ne sais si ceux qui se dressent dans l’esprit d’illustres statues qui ressemblent trop souvent à des idoles, trouveront qu’il ait grandi à leurs yeux ; mais cet homme, qui a eu tant de grandeur dans le talent, s’y montre avec bien de la bonté morale et de la piété vraie dans le cœur ; que faut-il davantage ?
Il retourna vite braver la mort là où elle était plus tentante pour les nobles cœurs, sous le drapeau. […] Il faut paraître confiant quand on est inquiet, dur envers le soldat, quand souvent il n’inspire que de la pitié ; il faut enfin avoir un visage qui ne soit point le miroir de son cœur. […] Pour désirer des places, il faut une science approfondie du cœur humain, et une conduite politique à l’avenant ; je dédaigne tant de prudence. […] Mais ici, et dans ce mot échappé du cœur, on reconnaît plutôt encore la religion de l’amitié.
qu’il se sentait le cœur plus léger alors, j’en réponds, qu’au milieu de ces sourdes intrigues, de ces tiraillements en sens divers, dont son honorable indécision ne triomphait pas. […] M. de Sémonville, que nous avons connu de tout temps si actif, si empressé à se mêler du jeu des événements publics et de leurs chances, avait enlacé Joubert par le plus sûr des liens ; une jeune personne charmante, sa belle-fille32, avait fait impression sur le cœur du général, et allait devenir sa femme. […] C’était (et il le sentait bien tout en y cédant) s’être jeté, de gaieté de cœur, dans un conflit et un courant de difficultés presque impossible à surmonter pour aucun autre, plus impossible encore pour lui avec son caractère. […] Il défaillait dans son for intérieur, il avait perdu l’espérance ; l’homme de cœur et le héros en lui se revancha du moins, se releva tout d’un bond.
M. de Laprade, avec ses dons de poète noble et qui ne veut rien proférer que de digne de Phébus, n’est jamais parvenu à passionner sa poésie, à l’humaniser suffisamment ; il y a mêlé, je le sais, dans des dédicaces et des épilogues, de purs et touchants sentiments de famille ; mais chez lui le cœur ne fait pas foyer, les sens sont froids, le crime d’amour est trop absent. […] il est poète, quoiqu’il n’ait pas la sainte fureur, ni cet aiguillon de désir et d’ennui, qui a été notre fureur à nous, le besoin inassouvi de sentir ; bienqu’il n’ait pas eu la rage de courir tout d’abord à toutesles fleurs et de mordre à tous les fruits ; — il l’est, bien qu’il ne fouille pas avec acharnement dans son propre cœur pour y aiguiser la vie, et qu’il ne s’ouvre pas les flancs (comme on l’a dit du pélican), pour y nourrir de son sang ses petits, les enfants de ses rêves ; — il l’est, bien qu’il n’ait jamais été emporté à corps perdu sur le cheval de Mazeppa, et qu’il n’ait jamais crié, au moment où le coursier sans frein changeait de route : « J’irai peut-être trop loin dans ce sens-là comme dans l’autre, mais n’importe, j’irai toujours. » — Il l’est, poète, bien qu’il n’ait jamais su passer comme vous, en un instant, ô Chantre aimable de Rolla et de Namouna, de la passion délirante à l’ironie moqueuse et légère ; il est, dis-je, poète à sa manière, parce qu’il est élevé, recueilli, ami de la solitude et de la nature, parce qu’il écoute l’écho des bois, la voix des monts agitateurs de feuilles, et qu’il l’interprète avec dignité, avec largeur et harmonie, bien qu’à la façon des oracles. […] Ce doux feuillage obscurcissait ta route, Son ombre aidait ton cœur à s’égarer ; La feuille tombe, et sillonnant la voûte, Un jour plus pur descend pour t’éclairer. […] J’ai dit tout net, et une fois pour toutes, ce que j’avais sur le cœur.
Fervel, fut aux Pyrénées le pendant de la canonnade de Valmy. » Je laisse le malheureux de Flers payer sa fermeté trop froide du prix de sa tête, et un autre général en chef, Barbantane, jactancieux et incapable, le remplacer : je m’attache au brave Dagobert qui, suivant son instinct et aussi afin de se soustraire à l’odieuse tutelle des représentants, se fait donner le commandement séparé de l’expédition de Cerdagne pour défendre cette province du coeur des Pyrénées contre l’invasion des Espagnols et pour conserver Mont-Louis (alors appelé Mont-Libre), cette clef des montagnes. […] On sait les motifs de cette retraite fameuse : c’étaient des motifs analogues, le même désappointement du moins, qui ramenaient l’armée espagnole en arrière au pied des Pyrénées. » Dagobert signala son retour en Cerdagne par des coups de main audacieux ; pour un manqué, il en inventait dix ; il faisait rage en tous sens, il méditait et exécutait des percées et des pointes soudaines au cœur des vallées voisines, le long des rampes, par-delà les cols et les gorges, et les Espagnols ne l’appelaient plus que le Démon. […] Figure attachante, originale, pleine de générosité et de candeur ; vieil officier gentilhomme devenu le plus allègre et le plus jeune des généraux républicains ; uniquement voué au drapeau, à la patrie ; sans arrière-pensée, sans grand espoir ; ne sachant trop où l’on allait, mais pressé, mais avide comme tous les grands cœurs de réparer les retards de la fortune et de signaler ses derniers jours par des coups de collier valeureux et des exploits éclatants ! […] À la tête de sa nouvelle armée, Dugommier justifia l’espoir des gens de cœur comme au siège de Toulon.
Les mœurs réglées, en elles-mêmes, sourient peu et n’amusent guère ; les mœurs bourgeoises notamment sont anti-romanesques, anti-dramatiques et anti-poétiques, et depuis longtemps tout ce qui avait talent et puissance avait cherché l’émotion et l’intérêt dans l’irrégularité des situations et dans les orages du cœur : — Mérimée, George Sand, Balzac, Dumas, Musset. […] » On devine le reste ; c’est la femme qui tout à l’heure est allée brouiller la serrure, en y jetant du sable ; elle retient insensiblement son mari chez elle ; ce jour même, elle a découvert sur la tête du volage ce bienheureux cheveu blanc si désiré, elle prétend bien en tirer parti ; elle s’en empare au moral, ouvre son cœur, exhale ses plaintes du délaissement auquel elle s’est condamnée, dix années durant, pour lui laisser une indépendance entière à laquelle il tenait tant et dont, elle, elle n’a jamais entendu se prévaloir ni s’autoriser ; elle dit et fait si bien qu’elle reconquiert enfin l’infidèle qui ne pense plus à sortir du délicieux réduit. […] Il y a des nuances délicates et fort curieusement observées et démêlées entre ces deux vieux cœurs amoureux de Mme d’Ermel et du docteur Jacobus : il est pourtant impossible de ne pas voir dans de telles productions d’art un genre de conte moral comme chez Marmontel, ou même de conte édifiant comme chez l’évêque Camus. […] Mais pendant le bal et dans cette scène si bien amenée, où la jeune femme, qui n’a rien de grave, après tout, à se reprocher, tout émue enfin de tendresse, et transformée par la passion, se déclare au jeune amateur artiste et en vient à lui offrir son cœur, sa vie, sa main, — car elle est veuve, — d’où vient cette austérité subite et non motivée, cette pruderie farouche du jeune homme, déjà touché lui-même, et qui n’a plus aucune raison de la repousser ?
Au lieu d’une seconde prise de voile, nous allons donc assister à un mariage chrétien, à la dernière joie de cœur de Racine. […] Alors il m’ouvrit son cœur et m’expliqua confidemment ses idées sur le mariage et la qualité de l’alliance qu’il cherchait pour sa fille, ajoutant que s’il trouvait de quoi remplir solidement ces idées, comme serait un jeune avocat de bon esprit, bien élevé, formé de bonne main, qui eût eu déjà quelque succès dans des coups d’essais et premiers plaidoyers, avec un bien raisonnable et légitimement acquis, il le préférerait sans hésiter à un plus grand établissement, quoi que lui fissent entrevoir et espérer des gens fort qualifiés et fort accrédités qui voulaient marier sa fille. […] Je m’acquitterai du devoir de l’offrir à Dieu et en même temps tous ceux qui y ont part, afin qu’il daigne se trouver à ces noces chrétiennes et y apporter de ce bon vin que lui seul peut donner, qui met la vraie joie dans le cœur, et qui donne aux vierges une sainte fécondité en plus d’une manière : Vimim germinans virgities, comme parle un prophète. » Vous éprouvez sans doute, monsieur, qu’il n’est besoin de vous nommer l’auteur, ni de vous le désigner plus clairement. » Ainsi échangeaient de loin leurs bénédictions, ainsi s’exprimaient entre eux avec une prudence mystérieuse ces hommes de piété et de ferveur dont le commerce semblait un crime, et en qui l’esprit de parti prétendait découvrir de dangereux conspirateurs. […] Vous jugez aisément à quel point M. de Cavoye en est touché, car vous connaissez mieux qu’un autre son cœur pour ses amis.
Se peut-il que, sur cette terre, on veuille du don de la vie, lorsqu’elle ne sert qu’à former des liens que doit briser la mort, qu’à aimer ce qu’il faut perdre, qu’à recueillir dans son cœur une image dont l’objet peut disparaître du monde où l’on reste encore après lui ! […] Cette distinction est d’un esprit faux et d’un cœur étroit ; et si nous périssions, ce serait pour l’avoir adoptée. […] Il suffit d’un jour où l’on ait pu prêter un appui par quelques pensées, par quelques discours, à des résolutions qui ont amené des cruautés et des souffrances ; il suffit de ce jour pour tourmenter la vie, pour détruire au fond du cœur, et le calme, et cette bienveillance universelle que faisait naître l’espoir de trouver des cœurs amis partout où l’on rencontrait des hommes.
[Maurice Maeterlinck] Constater que les dieux personnels sont morts ; détruire les temples extérieurs qui jettent sur nous une ombre malsaine ; ne laisser aux puissances divines, justice, chance, destinée, d’autre refuge que le cœur de l’homme, ou mieux la partie inconsciente et comme souterraine de notre être, « le temple enseveli » : tel est bien, malgré quelques incertitudes et quelques retours en arrière, l’effort de Maurice Maeterlinck. […] « Nous devenons presque toujours le dernier refuge et la véritable demeure des mystères que nous voulons anéantir. » Tout « ce qu’on enlève aux cieux se retrouve dans le cœur de l’homme ». […] Il nous recommande encore : « N’interrogeons plus ceux qui fuyaient en silence aux premières questions, mais notre propre cœur, qui renferme en même temps la question et la réponse, et qui peut-être un jour se souviendra de celle-ci. » À plusieurs reprises, il proclame « la vaste loi qui ramène en nous, un à un, tous les dieux dont nous avions rempli le monde ». […] « Notre propre puissance », quoiqu’il la désigne souvent par le mot « cœur », il la voit, en réalité, plus profonde et plus secrète.
Maucroix, chanoine de Reims et poète, naïf comme La Fontaine, et, dans sa jeunesse, un peu plus romanesque que lui ; ce Champenois de l’Île-de-France, qui parlait un français si pur, qui a trouvé quelques vers heureux dans la veine de Racan, et qui a du La Fontaine en lui, au génie près, mais qui en tient pour la bonhomie et pour le cœur ; Maucroix, l’ami aussi de Patru et de d’Ablancourt, était de cette race bourgeoise bien parlante, bien clouée et paresseuse. […] Au lieu de nous rendre ce récit dans les termes mêmes plus qu’à demi légers, plus qu’à demi narquois, et avec le sel de l’original, il a voulu le traduire dans sa propre langue, il y a mêlé une élégance trompeuse ; il parle en un endroit de la désolation que la volonté d’un père « porta dans le cœur de la malheureuse Henriette (Mlle de Joyeuse) » ; enfin, il attendrit un peu trop le récit de Tallemant et y répand ce que j’appelle une teinte du style de Louis XVI, ce qui est le plus loin du ton de cette régence de Mazarin. […] Je sentis une de vos joues se presser sur mon cœur qui battait avec violence. […] Mais ce qu’il était surtout, c’était la droiture, l’antique probité, la candeur et la conscience même, une bonhomie éclairée pourtant de finesse ; laborieux jusqu’à la fin et infatigable ; aimant les lettres, aimant la jeunesse et ce qui le chassait peu à peu et allait lui succéder ; prenant intérêt à ces recherches curieuses et innocentes qui dénotent la simplicité du cœur et l’intégrité conservée de l’esprit.
Une dame disoit : Il y a tant d’amour-propre dans tout ce qu’il a écrit, que cela fait mal au cœur. […] On apprit par cœur les beaux vers de Despréaux. […] Ce grand poëte eut toujours dans le cœur un germe de religion, lequel se développa parfaitement sur la fin de sa vie, & la rendit exemplaire. […] On en sçait par cœur des scènes entières.
Il semble que tout d’un coup on se soit trouvé des ailes ; sur ces ailes nouvelles, on s’élance à travers l’histoire et la nature ; on touche à tout, on ne doute de rien, on croit à sa force, on n’est point inquiété par la réflexion, on n’est pas attristé par l’expérience ; on se porte et on s’élance tout entier, de tout son cœur et de toute sa force, à la conquête de la vérité. […] Oui, c’est à vous que nous adressons particulièrement cet écrit, jeunes gens qui ne nous connaissez plus, mais que nous portons dans notre cœur, parce que vous êtes la semence et l’espoir de l’avenir. […] Sursum corda, tenez en haut votre cœur, voilà toute la philosophie… Il le dit, du moins. […] Nous l’exposerons en orateurs, en citant le sens commun, et en racontant ce qui se passe dans le cœur d’un honnête homme.
Mérimée est, de cœur et d’esprit, pour un art de combinaisons et de complications scéniques. […] De cœur. […] Ils sont en extase devant Madame Bovary et Un cœur simple. […] Poe voit le grotesque, dans le cœur et surtout dans la tête ; c’est à notre âme, et non plus à nos yeux, qu’il s’adresse. […] Saint Antoine nous montre un cœur torturé par la vision des Paradis de la Vie ; Salammbô est la prêtresse de Tanit.
L’abbé Jouffroy vint dans le même temps rendre visite à mon oncle, et lui lut dans toute la joie de son cœur une lettre du jeune normalien qui battait des deux mains à la chute du tyran. […] Puis je manquais de confiance en lui ; sous cet air si grave et si froid, je ne sus pas reconnaître tout ce qu’il y avait de chaleur et même d’enthousiasme dans le cœur.
La corruption est au cœur de la littérature, et trop souvent ce n’est pas au cœur seulement qu’elle se loge, elle s’étale sur le front, elle s’affiche, elle tient boutique ouverte.
Sur un front de quinze ans la chevelure est belle, Elle est de l’arbre en fleur la grâce naturelle, Le luxe du printemps et son premier amour : Le sourire la suit et voltige alentour ; La mère en est heureuse, et dans sa chaste joie Seule en sait les trésors et seule les déploie ; Les cœurs des jeunes gens, en passant remués, Sont pris aux frais bandeaux décemment renoués ; Y poser une fleur est la gloire suprême : Qui la pose une fois la détache lui-même. […] A force toutefois de savoir le chemin, Elle s’apprivoisa : — comme un oiseau volage Que le premier automne a privé du feuillage, Et qui, timidement laissant les vastes bois, Se hasarde au rebord des fenêtres des toits ; Si quelque jeune fille, âme compatissante, Lui jette de son pain la miette finissante, Il vient chaque matin, d’abord humble et tremblant, Fuyant dès qu’on fait signe, et bientôt revolant ; Puis l’hiver l’enhardit, et l’heure accoutumée : Il va jusqu’à frapper à la vitre fermée ; Ce que le cœur lui garde, il le sait, il y croit ; Son aile s’enfle d’aise, il est là sur son toit ; Et si, quand février d’un rayon se colore, La fenêtre entr’ouverte et sans lilas encore Essaye un pot de fleurs au soleil exposé.
François Coppée Depuis la Ciguë, pure œuvre d’art qui résume toute la grâce antique, comme une statuette sortie, intacte et exquise, des fouilles d’Olympie ou de Tanagra, depuis la Ciguë jusqu’à cet émouvant et robuste drame des Fourchambault, qui naguère encore secouait tous les cœurs, Émile Augier n’a compté que d’éclatants succès. […] Jean-Jacques Weiss La comédie des Effrontés appartient au second Augier, celui qui est de son temps plus que de sa race et sur qui les influences de l’air moral ambiant ont eu plus d’action et de pénétration que les instincts de son imagination et de son cœur.
Depuis le jour où j’ai serré sa main sur son lit d’agonie, sans qu’elle m’ait répondu, il me semble que nos études ont été atteintes dans quelque organe vivant, près du cœur. […] Pauvre cher ami, entré maintenant dans la sérénité absolue, donne le repos à ce cœur inquiet, à cette conscience timorée, à cette âme toujours craintive de ne pas assez bien faire.
Dorat, au contraire, n’exprimoit que ce qu’il voyoit, & ce qu’il voyoit ne paroît pas avoir affecté son cœur ; les objets ne faisoient tout au plus que l’effleurer. […] Entraînée par son naturel, elle ne se porte que vers les plaisirs faciles, & les goûte sans que le cœur soit de la partie.
Puissent, puissent les nations, au défaut d’amour pour nous, entretenir ainsi dans leur cœur les unes contre les autres une haine éternelle178 ! […] Dieu tient, du plus haut des cieux, les rênes de tous les royaumes ; il a tous les cœurs en sa main.
Il nous semble qu’on a vanté trop exclusivement son Petit Carême : l’auteur y montre, sans doute, une grande connaissance du cœur humain, des vues fines sur les vices des cours, des moralités écrites avec une élégance qui ne bannit pas la simplicité ; mais il y a certainement une éloquence plus pleine, un style plus hardi, des mouvements plus pathétiques et des pensées plus profondes dans quelques-uns de ses autres sermons, tels que ceux sur la mort, sur l’impénitence finale, sur le petit nombre des élus, sur la mort du pécheur, sur la nécessité d’un avenir, sur la passion de Jésus-Christ. […] Convenez de leurs maximes, et l’univers entier retombe dans un affreux chaos ; et tout est confondu sur la terre ; et toutes les idées du vice et de la vertu sont renversées ; et les lois les plus inviolables de la société s’évanouissent ; et la discipline des mœurs périt ; et le gouvernement des États et des Empires n’a plus de règle ; et toute l’harmonie des corps politiques s’écroule ; et le genre humain n’est plus qu’un assemblage d’insensés, de barbares, de fourbes, de dénaturés, qui n’ont plus d’autres lois que la force, plus d’autre frein que leurs passions et la crainte de l’autorité, plus d’autre lien que l’irréligion et l’indépendance, plus d’autres dieux qu’eux-mêmes : voilà le monde des impies ; et si ce plan de république vous plaît, formez, si vous le pouvez, une société de ces hommes monstrueux : tout ce qui nous reste à vous dire, c’est que vous êtes dignes d’y occuper une place. » Que l’on compare Cicéron à Massillon, Bossuet à Démosthène, et l’on trouvera toujours entre leur éloquence les différences que nous avons indiquées ; dans les orateurs chrétiens, un ordre d’idées plus général, une connaissance du cœur humain plus profonde, une chaîne de raisonnements plus claire, enfin une éloquence religieuse et triste, ignorée de l’antiquité.
Abreuvés de christianisme dès le berceau comme du lait de nos mères, nous retrouvons en nous l’influence chrétienne, même quand nous ne la méritons plus, et cette bienfaisante influence garde les instincts de nos cœurs contre les frénésies de l’orgueil et les froides audaces de la raison. […] Sinon sans trahison, mais qui introduiraient l’ennemi au cœur de la place autant que s’ils étaient des traîtres, ces métis de la Philosophie et du Christianisme ne sont pas d’hier dans l’histoire.
Ainsi, dans la bouche de Bégon, qui, tout fort et redouté qu’il est en Gascogne, ne s’y sent pas chez lui, cette belle réponse à ceux qui lui vantent et lui énumèrent ses richesses : Le cœur d’un homme vaut tout l’or d’un pays. […] Il a trouvé pour quelques-uns de ces regrets naturels qui reviennent sans cesse, sur la beauté évanouie, sur la fuite des ans, l’expressionla meilleure et définitive, une expression vraie, charmante, légère, et qui chante à jamais au cœur et à l’oreille de celui qui l'a une fois entendue. […] Cet esprit poétique s’était embarrassé, de gaieté de cœur et jusqu’à épuisement, dans une forme artificielle, dans un labyrinthe de subtilités d’où il avait toutes les peines du monde à se tirer, et d’où il ne se tirait même pas, s’il n’avait reçu un heurt violent et un vigoureux coup de coude venu d’ailleurs. […] Par je ne sais quel secret défaut de l’imagination ou du cœur, il nous laisse froids, même là où il a le mieux réussi. […] Ce ne sont pas seulement les plus grands qui ont excellé dans quelques-unes de tes parties les plus hautes et les plus heureusement renouvelées, ce sont des poètes moindres, mais poètes encore par le cœur, par la fantaisie, par l’art, par une vocation sincère !
. — De même sous une tragédie du dix-septième siècle, il y a un poëte, un poëte comme Racine, par exemple, élégant, mesuré, courtisan, beau diseur, avec une perruque majestueuse et des souliers à rubans, monarchique et chrétien de cœur, « ayant reçu de Dieu la grâce de ne rougir en aucune compagnie, ni du roi, ni de l’Évangile » ; habile à amuser le prince, à lui traduire en beau français « le gaulois d’Amyot », fort respectueux envers les grands, et sachant toujours, auprès d’eux, « se tenir à sa place », empressé et réservé à Marly comme à Versailles, au milieu des agréments réguliers d’une nature policée et décorative, parmi les révérences, les grâces, les manéges et les finesses des seigneurs brodés qui sont levés matin pour mériter une survivance, et des dames charmantes qui comptent sur leurs doigts les généalogies afin d’obtenir un tabouret. […] Il verra comment, sous des querelles de couvent et des résistances de nonnes, on peut retrouver une grande province de psychologie humaine, comment cinquante caractères enfouis sous l’uniformité d’une narration décente, reparaissent au jour chacun avec sa saillie propre et ses diversités innombrables ; comment, sous des dissertations théologiques et des sermons monotones, on démêle les palpitations de cœurs toujours vivants, les accès et les affaissements de la vie religieuse, les retours imprévus et le pêle-mêle ondoyant de la nature, les infiltrations du monde environnant, les conquêtes intermittentes de la grâce, avec une telle variété de nuances, que la plus abondante description et le style le plus flexible parviennent à peine à recueillir la moisson inépuisable que la critique a fait germer dans ce champ abandonné. […] Cette seconde idée, à son tour, dépend d’une troisième plus générale encore, celle de la perfection morale, telle qu’elle se rencontre dans le Dieu parfait, juge impeccable, rigoureux surveillant des âmes, devant qui toute âme est pécheresse, digne de supplice, incapable de vertu et de salut, sinon par la crise de conscience qu’il provoque et la rénovation du cœur qu’il produit. […] Là s’arrête la recherche ; on est tombé sur quelque disposition primitive, sur quelque trait propre à toutes les sensations, à toutes les conceptions d’un siècle ou d’une race, sur quelque particularité inséparable de toutes les démarches de son esprit et de son cœur. […] Il y a donc un système dans les sentiments et dans les idées humaines, et ce système a pour moteur premier certains traits généraux, certains caractères d’esprit et de cœur communs aux hommes d’une race, d’un siècle ou d’un pays.
Ce n’était plus la peinture naïve et profonde du cœur humain, où Molière avait excellé, où Dancourt et Lesage l’avaient imité. […] Les paroles de chaque personnage sont toujours arrangées de façon à montrer que la théorie de son cœur était bien connue de l’auteur. […] Ce fut à l’école de Pascal qu’il apprit à sonder le cœur humain, à l’école de Fénelon qu’il apprit à l’encourager et à le secourir. […] Mais ils étaient accessibles à toutes les séductions de la vanité ; leur cœur n’était fermé ni à la haine, ni à la jalousie. […] Comme les orateurs anciens, c’est aussi sa vraie pensée, celle du fond de son cœur, qu’il veut persuader aux hommes.
J’y souscris pleinement, comme on peut croire, de tout mon cœur d’honnête homme. […] « L’homme est enfoncé dans le cœur, non dans la tête. […] Voilà donc une passion qui ne vient pas du cœur. […] L’immense majorité des poètes italiens nous raconte mélodieusement ses peines de cœur. […] Comme le cœur me battait en abordant les côtes d’Espagne !
La disette des idées et la modestie du cœur confinaient le bourgeois dans son enclos héréditaire. […] Les successeurs de Samuel Bernard ne sont plus des Turcaret, mais des Pâris-Duverney, des Saint-James, des Laborde, affinés, cultivés de cœur et d’esprit, ayant du tact, de la littérature, de la philosophie, de la bienfaisance571, donnant des fêtes, sachant recevoir. […] Quand le cœur est révolté, tout est pour lui sujet de ressentiment. […] À quatorze ans, présentée à Mme de Boismorel, elle est blessée d’entendre appeler sa grand’maman « mademoiselle » « Un peu après, dit-elle, je ne pouvais me dissimuler que je valais mieux que Mlle d’Hannaches dont les soixante ans et la généalogie ne lui donnaient pas la faculté de faire une lettre qui eût le sens commun ou qui fût lisible. » — Vers la même époque, elle passe huit jours à Versailles chez une femme de la Dauphine, et dit à sa mère : « Encore quelques jours et je détesterai si fort ces gens-là, que je ne saurai plus que faire de ma haine Quel mal te font-ils donc Sentir l’injustice et contempler à tout moment l’absurdité. » — Au château de Fontenay, invitée à dîner, on la fait manger, elle et sa mère, à l’office, etc En 1818, dans une petite ville du nord, le comte de…, dînant chez un sous-préfet bourgeois et placé à table à côté de la maîtresse de la maison, lui dit en acceptant du potage « Merci, mon cœur ». Mais la Révolution a donné bec et ongles à la petite bourgeoise et, un instant après, elle lui dit avec son plus beau sourire : « Voulez-vous du poulet, mon cœur ?
Diderot, un des pères de cette littérature malsaine, avait des élans de cœur qui rachetaient bien des misères. […] Voici les os, les muscles, les nerfs ; de ce côté-ci est le cerveau, de l’autre le viscère du cœur. […] Ce n’est qu’un travers d’esprit où l’honnêteté du cœur n’est point engagée ; mais, la question de moralité une fois écartée, reste la question d’art, et ici la critique peut à bon droit se montrer sévère. […] Battre le briquet sur son cœur sera peu apprécié, j’imagine, en dehors du cercle de Cathos et de Madelon. […] Malheureusement, au lieu de vous emparer de mon imagination et de mon cœur, romancier inhabile, vous me jetez malgré moi dans les investigations érudites, vous me forcez de consulter les maîtres, et ceux-ci, quand je viens de m’instruire auprès d’eux, que me disent-ils ?
Les douces paroles ne sont pas si fréquentes sous la plume de Chamfort, et les sentiments indulgents n’habitent pas si volontiers dans son cœur, qu’on doive négliger de les relever quand on les rencontre. […] Se justifiant auprès d’un ami du reproche de fierté et de dureté de cœur à l’encontre des bienfaits : « Mon ami, lui écrit-il, je n’ai point, je crois, les idées petites et vulgaires répandues à cet égard ; je ne suis pas non plus un monstre d’orgueil ; mais j’ai été une fois empoisonné avec de l’arsenic sucré, je ne le serai plus : Manet alta mente repostum. » Oui, Chamfort a été une fois empoisonné, et il lui est toujours resté de ce poison dans le sang. […] Il la perdit, et parut avoir enseveli avec elle les restes de son cœur. Il n’en parle jamais qu’en des termes qui marquent un attendrissement profond : Lorsque mon cœur a besoin d’attendrissement, je me rappelle la perte des amis que je n’ai plus, des femmes que la mort m’a ravies ; j’habite leur cercueil, j’envoie mon âme errer autour des leurs. […] Chamfort, au reste, pensait de même : « J’ai, disait-il, du Tacite dans la tête et du Tibulle dans le cœur. » Ni le Tibulle ni le Tacite n’ont pu en sortir pour la postérité.
Bref, il bat son cœur à tour de bras pour ne pas qu’il s’ennuie. […] * * * — Une bonne d’une lorette qui habite la maison prête de l’argent à ses amants de cœur, à 20, 30, 50 pour 100. […] Jamais, il me semble, je n’ai eu l’œil et le cœur plus réjouis que par le spectacle de ce laid pâté de plâtre, tout bâtonné de grandes lettres, et tout écrit et tout sali et tout barbouillé de la réclame parisienne. […] Et les choses prenant un rôle plus grand que les êtres, — et l’amour, l’amour déjà un peu amoindri dans l’Œuvre de Balzac par l’argent, — l’amour cédant sa place à d’autres sources d’intérêt ; enfin le roman de l’avenir appelé à faire plus l’histoire des choses qui se passent dans la cervelle de l’humanité que des choses qui se passent dans son cœur. […] Un premier testament lui donnait 100 000 francs (le chiffre de ses dettes) ; un second, 300 000 francs ; enfin, la succession ouverte, un troisième testament, découvert sous le fauteuil dans lequel vivait, le jour et la nuit, la mourante d’une maladie de cœur, lui donne toute la fortune.
Nous croyons que des cœurs chauds et purs (car pour nous tous les catholiques ne sont pas des hypocrites ou des inquisiteurs) se consacrent à cette œuvre de salut ; mais qu’importe, et quelle valeur peuvent avoir ces efforts purement individuels ? […] Guizot, comme Moïse tolérait le divorce chez les juifs, à cause de la dureté de leur cœur ! […] Le cœur a des raisons que la raison ne comprend pas. […] quelle consolation pour le cœur ! […] Cette transmission du mal du père aux enfants est précisément un des scandales qui révoltent le plus le cœur humain, l’un de ceux qui suscitent le plus de doutes, et les doutes les plus amers, les plus douloureux.
Laissons les Don Juan de la Philosophie et les Jocrisse du machiavélisme profond sourire quand nous écrivons ce mot-là… Mais pour nous, qui savons le néant de toutes les formules auxquelles croient les sots, ce qu’on appelle la politique n’existe plus que dans la moralité de l’homme, depuis qu’il existe du christianisme sur la terre, et le crime chrétien, le grand crime que la maison de Bourbon paie encore et expie, c’est le coup porté par elle au cœur de la famille et aux mœurs. […] Capefigue, dans ce tableau sincèrement flatté du règne de Louis XV, ne montra que le côté qui lui plaît, le côté brillant, étincelant, élégant, pourpré, d’une société qui avait sur le front les reflets encore chauds du grand siècle et dans le cœur, cette chose qui chez nous ne meurt point, quelles que soient les souillures de l’autel, le feu de Vesta du courage ! […] Il fallait qu’elle cumulât les supériorités de tous les genres, et que la femme politique, se trouvant au fond de l’odalisque, emportât le cœur de l’historien ! […] Le cœur de l’historien est parti, mais la femme politique est-elle venue ? […] L’arme qui menaçait Choiseul, toujours chargée sur le cœur de Louis XV, était précisément elle, la favorite, cette faiseuse d’amour sans amour !
La flamme divine manqua toujours à ce cœur plein d’un sang grossier. […] D’abord, le parti évangélique ou puritain (Low Church), qui professe arrogamment le protestantisme dans son horreur pure, nie la tradition, méprise les Pères et interprète la Bible à son gré ; ensuite le parti de l’Église et l’État (Church and State), qui tend à sacrifier entièrement, dans un temps donné, l’élément religieux à l’élément politique ; et, enfin, le parti anglo-catholique, celui de tous qui doit frapper le mieux au cœur l’Église anglicane, mais qui la frappe pour la sauver : car, tuée par lui, elle ressuscitera catholique, apostolique et romaine. […] Elles n’ont ni retentissement, ni causes visibles ; elles ne sont pas de ces coups de miracle qui éclatent dans les cœurs surpris. […] Heureux symptômes, selon nous, que ce soit d’Oxford que le Puséysme rayonne avec le plus d’intensité ; car Oxford, ce n’est pas le cœur, mais le cerveau protestant de l’Angleterre. […] À une époque comme la nôtre, où les gouvernements bâtis sur la crainte s’écroulent sous la main des peuples devenus hommes qui veulent les remplacer par les gouvernements de l’amour, rentrer dans la grande communion chrétienne, — car les communions protestantes sont plutôt des dispersions chrétiennes que des communions, — reprendre nécessairement les sentiments de charité qu’engendre la foi catholique dans les âmes et leur faire jouer dans la politique de son avenir le rôle qu’a joué, dans celle de son passé, le sentiment d’un égoïsme inflexible, ce serait là un de ces spectacles qui ferait tomber l’imprécation de bien des lèvres et rallierait bien des cœurs.
Ingres sectateur de l’antique beauté, des vers à la mémoire de ce Georges Farcy que sa mort a révélé à la France, et qui eût aimé ce livre s’il avait vécu, et qui, en le lisant, eût envié de le faire ; partout une nature élégante et gracieuse à laquelle le cœur se confie ; partout de bienveillantes images et un pur désir du beau : le doux Virgile en robe traînante et les cheveux négligés, s’appuyant sur le bras de Mécène au seuil du palais d’Octave ; un doute tolérant et chaste, la liberté clémente ; Jésus homme ou Dieu, dit le poëte, mais qui possède à jamais l’univers moral, et qui, s’il doit mourir, ne mourra que comme le père de famille, après que toute sa race, la race des fils d’Adam, sera pourvue ; — ce sont des vers comme ceux-ci, inspirés par le joli pays de Livry, que Mme de Sévigné chérissait déjà : ………. […] Tout homme de notre âge, dont la vie n’a pas été celle d’une jeune fille de province, tout homme que ses passions ou les circonstances ont mêlé aux diverses classes de notre civilisation si vantée, et qui ne les a pas envisagées, comme trop souvent, avec des yeux cupides et un cœur endurci, celui-là sait fort bien ce qu’il y a de trop misérablement vrai au fond de cette lie où M. […] Cette impiété, outrée à dessein, est, on le conçoit, un rappel violent, et provoque au retour ; elle gît tout entière dans la logique du poëte, nullement dans son cœur.
Hugo l’avait conçu de la sorte ; mais en approchant de la scène, son imagination l’a entraîné ; il s’est fait involontairement spectateur, et la pompe de l’incendie l’a bien plus occupé que le cœur de Néron. […] Quel poète, au fond du cœur, n’a senti murmurer cette plainte, qu’une muse brillante n’a point rougi de confier à M. Hugo lui-même : … D’un cri de liberté Jamais comme mon cœur mon vers n’a palpité ; Jamais le rythme heureux, la cadence constante, N’ont traduit ma pensée au gré de mon attente ; Jamais les pleurs réels à mes yeux arrachés N’ont pu mouiller ces chants de ma veine épanchés ?
Mais fabriquer un personnage comme Fier-en-Fat, ce n’est pas peindre les faiblesses du cœur humain, c’est tout simplement faire réciter, à la première personne, les phrases burlesques d’un pamphlet, et leur donner la vie. […] Si nous ne savions pas par cœur les textes mêmes de ces arrêts, sévères, nous tremblerions pour notre réputation d’hommes d’esprit. […] Il faut qu’on me présente des images naïves et brillantes de toutes les passions du cœur humain, et non pas seulement et toujours les grâces du marquis de Moncade6.
La vérité est insaisissable à la raison, mais l’image doit être sensible à notre cœur. […] Marcel Schwob, le maître conteur de Cœur double, dans une préface ingénieuse, a émis à propos du Démon de l’Absurde deux théories distinctes. […] V. — Ajalbert Dans les Nouvelles qui composent le Cœur gros comme dans les précédentes publiées par M.
Le ton du cœur qui y règne d’un bout à l’autre, a obtenu grâce pour les défauts qu’une critique sévère lui a reprochés. […] On a souvent imité ce morceau, et même avec succès, parce que les sentimens qu’il exprime sont cachés au fond de tous les cœurs, mais on n’a pu surpasser ni peut-être égaler La Fontaine. […] Cette critique de Lamotte n’est peut-être pas sans fondement ; mais que dire contre un poète qui, par le charme de sa sensibilité, touche, pénètre, attendrit votre cœur, au point de vous faire illusion sur ses fautes, et qui sait plaire même par elles ?
Le coeur s’agite de lui-même et par un mouvement qui précede toute déliberation, quand l’objet qu’on lui présente est réellement un objet touchant, soit que l’objet ait reçu son être de la nature, soit qu’il tienne son existence d’une imitation que l’art en a faite. Notre coeur est fait, il est organisé pour cela. […] Mais dès que les mouvemens de leur coeur qui opere mécaniquement, viennent à s’exprimer par leur geste et par leur contenance, elles deviennent, pour ainsi dire, une pierre de touche qui donne à connoître distinctement si le mérite principal manque ou non dans l’ouvrage qu’on leur montre ou qu’on leur lit.
Elle avait le cœur de niveau avec le génie. […] Les salons, c’est la rue qui a passé par le bain, la pâte d’amande, la grammaire et les bonnes manières, mais c’est toujours la rue, au fond des esprits et des cœurs ! […] je les sais par cœur, ces mots, et je puis vous en taire le compte.
C’est là ce qui explique tout dans la vie de cet incroyable roi, que Catherine, en belle mauvaise humeur, comparait spirituellement à « un comédien en voyage », et justement c’est ce qui explique ses ribambelles de voyages qui n’étaient que de la coquetterie étouffant dans cette toute petite Suède, et qui voulait déborder sur le monde et y régner sur tous les cœurs ! […] Il se jouait de Dieu et des hommes dans une éloquence pleine d’eux qui allait au cœur… Tête vertigineuse, mobile et tenace, trait juste que Léouzon-Leduc a rencontré, je ne sais comment, suffisant sans scrupule, élégamment cynique, on le vit donner des spectacles presque comiques dans leur abaissement. […] Mais c’est précisément la main puissante, comme la tête puissante, comme le cœur puissant, qui manquent à Léouzon-Leduc en histoire ; il n’y est qu’un ramasseur de faits et un chroniqueur.
Il y aurait perdu une originalité de cœur plus belle à nos yeux que l’originalité du génie. […] C’est, en effet, cette ambition, même infortunée, qui empêcha Vauvenargues de toucher au malheur suprême ; car l’ambition est faite dans nos cœurs avec de l’orgueil et de l’espérance, et Vauvenargues mourut avant de désespérer. […] Dieu lui a épargné de vieillir, de porter longtemps cette force désespérée et vaine qui n’a pas d’autre emploi que de nous peser sur le cœur.
nous tombe à travers le cerveau et le cœur pour y faire lever tant de sentiments et de pensées inconnues aux civilisations qui ne sont pas chrétiennes, la poésie de l’Inde n’apparaît plus que comme un paganisme grossier, un joujou pour les yeux et pour les oreilles, une fantasmagorie, une inanité. […] Comme d’autres esprits moins richement et moins profondément cultivés, il n’a pu être dupe de cette adoration pour les choses médiocres qui prend fatalement le cœur ou l’esprit de l’homme quand il vit dans l’isolement du Beau. […] de passage pareil, pour l’émotion, la main plongée au cœur, le secret de la passion, l’empire enfin sur la sensibilité humaine, vous n’en trouverez pas dans tout le long poème de Valmiki, lequel peut bien être un mystagogue, un fakir, un thériaki, tout ce qu’il y a de plus prisé et de plus estimé aux Indes, mais qui n’est pas un poète, du moins dans le sens inspiré que les hommes, depuis qu’on chante leur bonheur, leur gloire et leur misère, ont donné à ce titre-là.
Il y aurait perdu une originalité de cœur plus belle à nos yeux que l’originalité du génie. […] C’est, en effet, cette ambition, même infortunée, qui empêcha Vauvenargues de toucher au malheur suprême, car l’ambition est faite dans nos cœurs avec de l’orgueil et de l’espérance, et Vauvenargues mourut avant de désespérer. […] Dieu lui a épargné de vieillir, de porter longtemps cette force désespérée et vaine qui n’a pas d’autre emploi que de nous peser sur le cœur.
Quant à la profondeur, qu’on a souvent prétendu y voir, ce n’a jamais été qu’un mirage, car ce qu’elle est le moins peut-être, cette conversation intérieure d’un cœur presque vierge dans un coin de chapelle, c’est d’être un livre fouillé et profond. Pour les âmes circoncises qui habitent la thébaïde des monastères, ce qui est dit dans l’Imitation de l’amour et des autres passions humaines peut sembler des découvertes terribles et le cœur humain montré jusque dans ses fondements, mais qui a passé par les vieilles civilisations, qui a lu les moralistes modernes n’est ni révolté ni surpris de cette balbutie. Ceux qui ont reçu les coups du monde et les morsures du monde trouvent ce livre sans forte connaissance du fin fond du cœur.
Tout mettre à pied comme un postillon, — tout descendre, — tout incliner au niveau de tout, telle est la consigne donnée par les plus ignobles passions de nos cœurs ; telle la tendance des temps modernes dans la Critique et dans l’Histoire. […] Ce n’est pas lui qui, d’une France anarchique, brutale, corrompue, avide, n’ayant, au sortir de la Fronde, comme il le dit, qu’une pistole d’Espagne à la place du cœur, a fait une France monarchique et forte, qui se reprend à sa tradition, à l’obéissance, à l’honneur, et à l’amour — revenus enfin à travers le Roi ! […] L’Alceste de Molière n’est donc ni un Montausier ni un amoureux de la Béjart, — comme on l’a dit aussi, — c’est-à-dire Molière se traduisant lui-même quoiqu’il ait peut-être saigné du cœur ou de l’orgueil en l’écrivant ; ce n’est ni la tolérance sociale de Loiseleur, ni davantage le janséniste de Gérard du Boulan, Y oiseleur, à son tour, lui qui découvre des pies au nid de cette force !
Les feuilles du pain de coucou ou alléluia7, découpées en forme de cœur, sont comportatives du cœur. Le coing est pour le cœur un remède merveilleux, à cause de sa figure. […] De plus, le cerf a dans le cœur un os qui est un remède admirable à toutes les maladies du cœur. L’ivoire de l’éléphant, lequel a deux cœurs, est très roboratif. […] Racine, cet ami de cœur !
Ceci qui vaut du Desbordes-Valmore : Les tout petits enfants ont le cœur si sensible ! […] Mais le cœur y joue un grand rôle, dans ce recueil, le cœur, un viscère qui tient lieu de tout, âme, cerveau, et… correction à messieurs les inspirés ; mais les crucifix lamartiniens y alternent avec les flacons de ce divin Musset, et voilà M. de Beauvoir, — un nouvelliste agréable, du reste, passé grand poète ! […] Il y a dans ces strophes tant de cœur, tant de vie, tant d’émotion ! […] … Elle régnait dans tous les esprits et dans tous les cœurs. […] néanmoins j’y participais d’esprit, je communiai de cœur avec les ouvriers qu’enfin je vois et de qui je viens enfin de voir les œuvres.
Par exemple, quand La Rochefoucauld dit : « L’esprit est souvent la dupe du cœur », ne serait-il pas accusé de style précieux s’il avait écrit de nos jours ? […] s’écrierait un critique ; pourquoi ne pas se contenter de dire : « L’esprit est souvent trompé par le cœur ? » ou : « Le cœur en fait accroire à l’esprit ? » Ici, dans une petite dissertation très juste et très bien déduite, Marivaux montre que pour la nuance de pensée de La Rochefoucauld, il n’y avait pourtant pas d’autre expression possible, et que les équivalents proposés n’y répondent pas : Cet esprit, simplement trompé par le cœur, ne me dit pas qu’il est souvent trompé comme un sot, ne me dit pas même qu’il se laisse tromper. […] Quelquefois on nous en fait habilement accroire, sans qu’on puisse nous reprocher d’être faciles de croyance : et cet auteur a voulu nous dire que souvent le cœur tourne l’esprit comme il veut ; qu’il le fait aisément incliner à ce qui lui plaît ; qu’il lui ôte sa pénétration ou la dirige à son profit ; enfin qu’il le séduit et l’engage à être de son avis, bien plus par les charmes de ses raisons que par leur solidité… Voilà bien des choses que l’idée de dupe renferme toutes, et que le mot de cette idée renferme toutes aussi.
Elle fait effet, elle règne à la manière des puissants du siècle, et même plus qu’eux : Ils n’agissent que sur les esprits, et j’ai le cœur et les sens de plus dans mon domaine… Suis-je une dupe, dites-le-moi, de jouir à la manière des héros et des ministres, d’avoir sans peine ce qui leur coûte des années de travail, ce qui leur fait passer tant de mauvaises nuits dans la crainte d’en être privés ? […] Estimant avec tout son siècle que le règne des idées religieuses est passé, il ajoute : Celui de la liberté paraît renaître : mais chez les anciens, remarque-t-il, l’amour de la liberté avait sa racine dans le cœur, c’était une passion ; celui qui éclate en ce moment a sa racine dans l’esprit, il est raisonné et systématique. […] la méchante fée a doué Aladin à son berceau d’un cœur sensible, d’un génie supérieur et d’une grande franchise : ce sont là les dons maudits dont elle a chargé l’enfant ; et Salem, au contraire, a été doué par la bonne fée d’un esprit médiocre et actif, d’un caractère patient et d’une âme froide ; voilà ses trésors. […] L’homme n’a qu’une mesure de sensibilité, et son langage qu’un degré d’énergie ; son cœur est-il oppressé par le poids accablant d’un sentiment profond, son imagination ravagée par des spectacles d’horreur multipliés, il désespère d’y proportionner son langage ; et un geste, un regard, un morne silence lui tiennent lieu alors de paroles et sont plus expressifs. […] L’affection part du cœur, et la haine, de l’amour-propre irrité ou de l’intérêt blessé. » Cette haine née d’un amour-propre raffiné et d’une ambition déçue s’est encore produite depuis dans un petit écrit, d’ailleurs spirituel, et qui a pour titre : Supplice de Necker.
Il y inspire un tendre intérêt à une jeune dame qui, après bien des troubles et des luttes secrètes de cœur, devient veuve fort à propos, et qui n’aurait plus qu’à l’épouser si lui-même, forcé par l’honneur de se rendre à l’armée de Condé, il n’était fait prisonnier les armes à la main et condamné à périr sur l’échafaud ; il ne s’y dérobe qu’en se donnant la mort et en se frappant d’un coup de stylet, exactement comme Valazé. […] Laissons M. de Meilhan nous le dire par la bouche d’un de ses personnages : Je me rendis dans une maison voisine où se rassemblait ordinairement l’élite de la société ; mon cœur était navré, mon esprit obscurci des plus sombres nuages, et je croyais trouver tout le monde affecté des mêmes sentiments ; mais écoutez les dialogues interrompus des personnes que j’y trouvai, ou qui arrivèrent successivement : « Avez-vous vu passer le roi ? […] Je n’en citerai que quelques pensées qui donnent le fin fond du cœur de M. de Meilhan, et dont celles qui concernent l’amitié devaient faire entre lui et Mme de Créqui le sujet de contradictions assez vives : Chacun doit s’empresser de faire aux autres le bien que comportent ses facultés, sans attendre de reconnaissance, et sans mettre dans ses actes de bienfaisance rien de passionné qui puisse compromettre le repos. […] n’y eut-il pas un reste de chaleur de cœur tardivement ranimé ? […] [NdA] En voici la dernière, qui résume le système avec une rare énergie : « À mesure que l’on vieillit, il faut se concentrer davantage dans soi-même, se réduire au bonheur sensuel, et restreindre ses rapports avec les autres, parce qu’on n’en peut attendre que des marques du mépris inné dans le cœur de l’homme pour tout ce qui décèle l’impuissance, et que la vieillesse est la plus grande des impuissances. » al.
On a eu par lui, dans des lettres adressées à une amie, toutes ses confidences de jeunesse, et le dernier mot de son cœur et de ses sentiments en ces belles années. […] En effet, cet article du 19 mars 1815, si l’on s’en souvient, où il se déchaînait en style d’émigré contre Bonaparte, Attila et le Gengiskhan moderne, se terminait par une profession de foi, et cette profession de foi elle-même se couronnait par un serment que personne ne lui demandait et qu’il proférait devant tous, la main étendue et comme à la face du Ciel : « … Je n’irai pas, misérable transfuge, me traîner d’un pouvoir à l’autre, couvrir l’infamie par le sophisme, et balbutier des mots profanes pour racheter une vie honteuse. » Quand Lamennais s’écria dans un moment solennel : « Je vous ferai voir ce que c’est qu’un prêtre », et qu’ensuite il donna à cet engagement si éclatant le démenti qu’on sait, il eut beau faire désormais, être un grand écrivain, et plus grand même que par le passé, un homme sincère, désintéressé, un cœur dévoré de l’amour des hommes : il se déconsidéra. De même Benjamin Constant, après cet engagement public et formel, contracté gratuitement et de gaieté de cœur pour plaire à une coquette, enfreint et violé par lui (très raisonnablement d’ailleurs) à un mois d’intervalle, n’en resta pas moins un homme éclairé, un publiciste éloquent, et, je l’admets tout à fait, un citoyen animé de l’amour du bien public, mais il avait porté un coup mortel à sa considération. […] Je retourne la phrase connue, et je dis que, dans ce recueil, l’image de César s’entretenant à cœur ouvert avec un héritier des Gracques brille par son absence. […] … » La popularité, c’était là son rêve, sa passion dirigeante ; et, selon la belle remarque de Pope, notre passion maîtresse (the ruling passion) persévère, se grave et s’enfonce au cœur en vieillissant ; elle est la dernière à mourir en nous, et revient encore voltiger sur nos lèvres dans le dernier soupir.
que c’eût bien été le cas pour lui de se réciter les jolis vers qui couraient alors le monde, et où il était dit, entre autres vérités de morale indulgente : Gêner un cœur, ce n’est pas ma façon ! Il est affreux d’aller persécuter Un jeune cœur que l’on n’a pu dompter26. […] Saint-René Taillandier que je choque de plus en plus, bien malgré moi, mais il est par trop prêcheur aussi), osons rétablir tout ce joli début d’un certain chant VII : Lorsqu’autrefois, au printemps de mes jours, Je fus quitté par ma belle maîtresse, Mon tendre cœur fut navré de tristesse, Et je pensai renoncer aux amours ; Mais d’offenser par le moindre discours Cette beauté que j’avais encensée, De son bonheur oser troubler le cours, Un tel forfait n’entra dans ma pensée. Gêner un cœur, ce n’est pas ma façon… Et quant à ces grands mots de « la dignité de son art » et de « l’honneur de son nom », appliqués à une agréable actrice (car j’ai décidément sur le cœur toute cette morale à côté dont on nous inonde), j’ajouterai encore qu’il suffît de lire le Manuscrit trouvé à la Bastille, et dans ce Manuscrit certaine page 28, en ayant soin d’y rectifier une coquille typographique, pour s’assurer que les relations entre le maréchal et l’aimable Chantilly n’étaient pas guindées, il s’en faut de beaucoup, sur un si haut ton.
De foi intacte et fraîche encore, mais mondaine, assez enthousiaste pour se croiser, il ne saurait se désintéresser longtemps : il a des pensées positives dans le cœur, tandis que le service de Dieu est sur ses lèvres. […] Et bien semblait flotte qui dût conquérir le monde : car autant que l’œil pouvait voir, on ne voyait que voiles de nefs et de vaisseaux, en sorte que les cœurs des hommes s’en réjouissaient fort. » C’est, enfin et surtout, l’éblouissement des yeux et de toute l’âme, quand, le 23 juin 1203, veille de saint Jean-Baptiste, nos barons français, de leurs vaisseaux ancrés à San Stefano, « virent tout à plein Constantinople ». […] Assurément il s’entendait à manier les âmes, ce bon maréchal de Champagne et Romanie, qui savait que, là où échouent tous les arguments, quand il s’agit de persuader ce que le devoir, la conscience et parfois l’intérêt réprouvent, le mot magique qui perce les cœurs et l’ait tout faire, c’est l’honneur, l’honneur qu’on définit : « rester avec les autres, ne pas dépecer l’armée » : en langage moderne, ne pas lâcher les camarades. […] L’excellent sénéchal admire, aime de tout son cœur la grande perfection qu’il voit en Louis IX. […] Son humanité, aimable et faible, éclate à chaque page de son récit, comme lorsque, au départ, il n’ose se retourner vers son beau château de Joinville où il laisse ses deux enfants, de peur que le cœur ne lui fende.
Le cœur en elle mène l’intelligence, elle ne vit que pour aimer et se dévouer. […] Sa protection qui ne tombait pas de haut, et froidement, était une tendresse soucieuse où son cœur, non pas seulement sa puissance, apparaissait. […] Quelques vers au début d’une de ses meilleures pièces expriment très bien le vœu de son esprit et le vœu de son cœur167 : 1re Fille. — Tout le plaisir et le contentement Que peut avoir un gentil cœur honnête, C’est liberté de corps, d’entendement, Qui rend heureux tout homme, oiseau, ou bête ! 2e Fille. — Ô qu’ils sont sots et vides de raison, Ceux qui ont dit une amour vertueuse Être à un cœur servitude et prison, Et pour aimer la dame malheureuse ! […] La délicatesse ultra-montaine aide nos seigneurs à dissiper la lourdeur du bon sens bourgeois dont leurs pères avaient subi la contagion : l’idéal romanesque de la féodalité française reparaît, réveillé au fond des cœurs, ou renvoyé par des influences étrangères.
Supposez un homme instruit et noble de cœur exerçant un de ces métiers qui n’exigent que quelques heures de travail ; bien loin que la vie supérieure soit fermée pour cet homme, il se trouve dans une situation mille fois plus favorable au développement philosophique que les trois quarts de ceux qui occupent des positions dites libérales. […] On se rappelle les lollards du Moyen Âge, ces tisserands mystiques, qui, en travaillant, lollaient en cadence et mêlaient le rythme du cœur au rythme de la navette. […] Quand l’objet scientifique a par lui-même quelque intérêt esthétique ou moral, il occupe tout entier celui qui s’y applique ; quand, au contraire, il ne dit absolument rien à l’imagination et au cœur, il laisse ces deux facultés libres de vaquer à leur aise. Je conçois, dans l’érudit, une vie de cœur très active, et d’autant plus active que l’objet de son érudition offrira moins d’aliment à la sensibilité : ce sont alors comme deux rouages parfaitement indépendants l’un de l’autre. […] Avec l’idée que le paradis est par-delà, on marche toujours et on trouve mieux que le paradis. « Le cœur, dit Herder 185, ne bat que pour ce qui est loin. » Les espérances, d’ailleurs, chimériques peut-être dans leur forme, ne le sont pas, envisagées comme symbole de l’avenir de l’humanité.
Elle n’avait qu’un défaut, c’était de faire trop bien, de trop aller au cœur par certains accents : « On continue à représenter Esther, écrivait Mme de Sévigné à sa fille (11 février 1689) : Mme de Caylus, qui en était la Champmeslé, ne joue plus ; elle faisait trop bien, elle était trop touchante : on ne veut que la simplicité toute pure de ces petites âmes innocentes. » Mme de Caylus passe pour avoir été la dernière personne, la dernière actrice qui ait conservé la déclamation pure de Racine, le degré de cadence et de chant qui convenait à ce vers mélodieux, tout fait exprès pour l’organe d’une Caylus ou d’une La Vallière. […] Par ses saillies railleuses, par ses vivacités d’esprit et de cœur, par sa liaison avec le duc de Villeroi, Mme de Caylus mérita d’être exilée de la Cour à l’âge de dix-neuf ans. […] Ce petit livre de Souvenirs, publié en 1770 avec des notes et une préface de Voltaire, ne semble rien aujourd’hui, parce que toutes ces anecdotes ont passé depuis dans la circulation et qu’on les sait par cœur sans se rappeler d’où on les tient ; mais c’est elle qui les a si bien racontées la première. […] Et pourtant cette même Mlle de Fontanges, cette beauté si vaine et si sotte, donna un jour une leçon à Mme de Maintenon, qui l’exhortait avec sa rectitude sèche à se guérir d’une passion qui ne pouvait faire son bonheur : « Vous me parlez, lui répondit-elle, de quitter une passion comme on parle de quitter un habit. » Cette fille sans esprit était dans ce moment éclairée par son cœur. […] Que ce fût un petit mouvement du cœur ou seulement un goût vif de l’esprit, elle avait pour cette nièce-là un faible qu’elle n’avait pour aucune autre ; elle l’appelait sa vraie nièce, et, surtout depuis la mort de Louis XIV, on la voit se porter vers elle avec une solide amitié.
Dès les premières pages, quand il nous peint sa famille modeste, unie et heureuse (il était fils, je crois, d’un tailleur), le bon prêtre qui lui apprend le latin, l’abbé Vaissière ; le premier camarade et ami de cœur qu’il se donne pour modèle, le sage Durant ; quand il nous fait connaître de près sa mère, charmante et distinguée d’esprit dans sa condition obscure, son père sensé et d’une tendresse plus sévère, ses tantes, ses sœurs, on croit respirer une odeur de bonnes mœurs et de bons sentiments qui lui resteront, et qu’il ne perdra jamais, même à travers les boudoirs où plus tard il s’oubliera. […] Je ne sais pas quel mets nous eût paru meilleur que nos raves et nos châtaignes ; et en hiver, lorsque ces belles raves grillaient le soir à l’entour du foyer, ou que nous entendions bouillonner l’eau du vase où cuisaient ces châtaignes si savoureuses et si douces, le cœur nous palpitait de joie. […] Navarre, receveur des tailles à Soissons, était, nous dit un homme non amoureux (Grosley), la plus brillante partie de sa famille ; elle visait au grand, à l’extraordinaire, et se fit aimer du maréchal de Saxe : « La beauté, les grâces, les talents, un esprit délicat, un cœur tendre, l’appelaient à cette brillante conquête… Sa conversation était délicieuse70. » Marmontel nous la montre de plus imprévue, capricieuse, avec plus d’éclat encore que de beauté : « Vêtue en Polonaise, de la manière la plus galante, deux longues tresses flottaient sur ses épaules ; et sur sa tête des fleurs jonquille, mêlées parmi ses cheveux, relevaient merveilleusement l’éclat de ce beau teint de brune qu’animaient de leurs feux deux yeux étincelants. » C’est cette amazone, cette belle guerrière qui, sacrifiant l’illustre maréchal au jeune poète, enleva un matin Marmontel à ses sociétés de Paris et le transporta d’un coup de baguette dans sa solitude d’Avenay, où elle le garda plusieurs mois enfermé au milieu des vignes de Champagne comme dans une île de Calypso. […] … La littérature et un cœur noble sont le véritable charme de la société. » C’est bien ainsi que l’entendait Marmontel ; il avait l’âme avant tout sociable et littéraire. […] Son observation comme moraliste et son talent comme artiste pèchent également par cette mollesse et cette rondeur qui n’a jamais pénétré au fond des cœurs ni au fond des choses humaines.
Quand il eût eu dans le cœur quelques restes de tendresse pour cette femme, elle se serait évanouie par le récit que je lui fis de l’inégalité de son humeur et de la légèreté de son esprit ; mais cette idée était déjà tellement effacée, qu’il ne lui en restait aucun souvenir, et depuis ce temps je ne me souviens point de lui avoir ouï nommer son nom. […] Mme de Sévigné le peignait ainsi à sa fille quand il avait près de soixante ans : « L’archevêque (d’Aix) a de grandes pensées ; mais plus il est vif, plus il faut s’approcher de lui comme des chevaux qui ruent, et surtout ne rien garder sur votre cœur. » Le prince de Conti lui-même, un jour qu’il s’agissait d’emporter de vive force une grâce auprès du cardinal Mazarin et que Cosnac s’en chargeait, lui disait tout bas au départ : « Mais je vous défends les moulinets. » Il appelait ainsi les gestes de l’abbé et ses emportements. […] Cette action, quoique inconsidérée, me paraissant partir d’un bon cœur (c’est-à-dire d’un généreux cœur), qui ne peut souffrir d’injures, fit plus d’effet sur moi que le conseil de mes amis et le secours que le cardinal me donnait. […] « Il n’avait alors dans la tête que de faire faire des tentes propres et galantes, ayant grand soin qu’elles fussent remplies de miroirs et de chandeliers de cristal. » Cette âme d’une futilité désespérante, ce cœur qui n’a rien de tendre ni de grand, a quelques velléités d’honneur dans la campagne de 1667. […] Remarquez qu’en homme habile et qui n’oublie rien, Cosnac, qui savait déjà ce que c’est qu’un journal, ne manque pas, durant toute la campagne, « d’envoyer à Renaudot (rédacteur de la Gazette) des mémoires exacts et avantageusement tournés des choses que Monsieur avait faites ; et Renaudot, sans y rien changer, les plaça toutes dans les Gazettes. » Malgré tous ces moyens employés pour lui élever le cœur, Monsieur restait ce que l’avaient fait la nature et la première éducation.
Une flamme divine me consumait : j’étais comme ces disciples de Jésus-Christ qui, en se rappelant l’impression de ses discours, se disaient entre eux : Notre cœur brûlait en l’écoutant. […] Il s’y rendit lentement par la Hollande et par Lübeck, se faisant le long du chemin des amis ; car il avait de l’attrait, du charme et une ingénuité touchante, des trésors de sensibilité et de cœur quand sa susceptibilité n’était point en jeu. […] Il ne s’y laisse pourtant point gagner le cœur en commençant : Jamais ces lieux sauvages ne furent réjouis par le chant des oiseaux, ou par les amours de quelque animal paisible. […] quand pourrai-je, s’écrie-t-il, respirer le parfum des chèvrefeuilles, me reposer sur ces beaux tapis de lait, de safran et de pourpre que paissent nos heureux troupeaux, et entendre les chansons du laboureur qui salue l’aurore avec un cœur content et des mains libres ! […] … » Et Rousseau lui répondait dans la même pensée : « Il y a un si bel ordre dans l’ordre physique, et tant de désordre dans l’ordre moral, qu’il faut de toute nécessité qu’il y ait un monde où l’âme soit satisfaite. » Et il ajoutait avec effusion : « Nous avons ce sentiment au fond du cœur : Je sens qu’il doit me revenir quelque chose. » Que les personnes religieuses, avant de frapper sur Bernardin et sur Rousseau, veuillent toujours se rappeler ces deux belles paroles de l’un et de l’autre, ce quelque chose et ce quelqu’un.
Des visions l’obsèdent, de faibles rappels sonnent dans son souvenir ; un vague fantôme de femme reparaît ainsi, en quelques phrases obscures, à la fin de plusieurs chapitres des Reisebilder ; cette « Maria la morte », dont il croit entendre la « voix soyeuse » dans un vieux palais de Vérone, dont il retrouve le vague visage dans une galerie de très anciens portraits à Gênes : « Dans mon cœur vibrait le souvenir de Maria la morte. […] Il s’accable de mépris et d’indulgence, s’insulte et salit sa passion ; la folie de hasarder la paix de son cœur entre les mains traîtresses d’une femme, lui inspire de faux ricanements, et c’est quand son affection trompée, bourrelée et meurtrie lui rend l’âme le plus vide et le plus morne, qu’il s’ingénie à affiler contre sa tendresse et la perfidie de sa bien-aimée les plus jolis sarcasmes. […] Le poète raconte la joie des premières adorations, un cœur débordant prenant à témoin de sa félicité le printemps et le monde ; des doutes arrêtent cet essor passionné ; la bien-aimée est plus belle que bonne ; ses perfidies détruisent une à une toutes les promesses de ses yeux ; l’amant, abîmé de douleur, ne pouvant être aussi oublieux que sa maîtresse, se plaît à aigrir sa souffrance par ces éternelles plaintes qu’échangent les amants déçus. […] L’auteur n’y parle que de lui-même, s’analyse et se déchire, mais le cœur qui palpite sous ses doigts est le cœur de tous et si Heine se montre dans ses doux et méchants vers, il s’y montre humain.
On a imaginé que la nature agit toujours par le chemin le plus court, qu’elle emploie le moins de force et la plus grande économie possible : mais que répondraient les partisans de cette opinion, à ceux qui leur feraient voir que nos bras exercent une force de près de cinquante livres pour lever un poids d’une seule livre ; que le cœur en exerce une immense pour exprimer une goutte de sang ; qu’une carpe fait des milliers d’œufs pour produire une ou deux carpes ; qu’un chêne donne un nombre innombrable de glands, qui souvent ne font pas naître un seul chêne ? […] Le fer libérateur, qui perceroit mon sein, Déjà frappe mes yeux et frémit sous ma main, …………………………………………………… Et puis mon cœur s’écoute et s’ouvre à la faiblesse, Mes parents, mes amis ; l’avenir, ma jeunesse, Mes écrits imparfaits ; car à ses propres yeux. […] , réjouissez-vous avec elle d’une grande joie, et sucez avec elle par une foi vive la mamelle de ses consolations divines, afin que vous abondiez en délices spirituelles, parce que le Seigneur a dit : Je ferai couler sur elle un fleuve de paix ; et ce torrent se débordera avec abondance : toutes les nations de la terre y auront part ; et avec la même tendresse qu’une mère caresse son enfant, ainsi je vous consolerai, dit le Seigneur220. » Quel cœur serait insensible à ses divines tendresses ? […] » Trois choses contribuent ordinairement à rendre un orateur agréable et efficace : la personne de celui qui parle, la beauté des choses qu’il traite, la manière ingénieuse dont il les explique : et la raison en est évidente ; car l’estime de l’orateur prépare une attention favorable, les belles choses nourrissent l’esprit, et l’adresse de les expliquer d’une manière qui plaise, les fait doucement entrer dans le cœur ; mais de la manière que se représente le prédicateur dont je parle, il est bien aisé de juger qu’il n’a aucun de ces avantages. […] De là vient que nous admirons dans ses admirables épîtres une certaine vertu plus qu’humaine, qui persuade contre les règles, ou plutôt qui ne persuade pas tant qu’elle captive les entendements, qui ne flatte pas les oreilles, mais qui porte ses coups droit au cœur.
Maintenant est parti son gentil cœur aimant, et reste pour notre malheur, déconfort et tristesse. […] Le dommage est si grand, que je n’ai pas soupçon qu’il se répare jamais ; à moins qu’on ne lui tire le cœur, et qu’on ne le fasse manger à ces barons qui vivent sans cœur ; et alors ils en auront beaucoup. […] « Je veux que le roi d’Aragon mange de ce cœur. […] À sa dernière heure, il recommande à son écuyer de porter son cœur a la dame de Fayel. […] Mais il faut repasser devant son château ; et là, comme il a le cœur tout ému, il le dit.