Tout le monde connaît les vers délicieux qu’elle écrivit à travers ses larmes sur le pont de son vaisseau en voyant fuir les côtes de France : Adieu, plaisant pays de France, Ô ma patrie La plus chérie, Qui a nourri ma jeune enfance !
Les vraies précieuses — que Molière a visées et atteintes à travers les autres, — c’étaient Mme de Rambouillet, Mme de Sablé, Mme de Longueville, Mme de Maure, et le monde précieux a été l’école où se sont formés les Bussy et les La Rochefoucauld, les Sévigné et les La Fayette, les Maintenon et les Ninon, c’est-à-dire les plus exquis exemplaires de la société française dans la seconde moitié du siècle : voilà ce qu’il ne faut pas perdre de vue pour bien juger la préciosité.
Des enfants, des artistes presque sans lettres, se sont passionnés pour ce qui perce des beautés homériques à travers les traductions les plus infidèles.
Mais c’est là une question qu’on se fait un devoir de résoudre sans le moindre doute, à tort et à travers.
Il y avait une lieue à faire à pied à travers la campagne.
Les « ratés » de la bohème s’épuisant à courir après un gîte et un souper problématiques, et ce qu’on appelle de nos jours le prolétariat intellectuel rejoignent à travers les siècles les misères d’un Rutebœuf, couchant sur la paille, toussant de froid, bâillant de faim, ayant pour toute fête l’espérance du lendemain, ou d’un Villon, vivotant d’expédients et de filouteries, frisant la potence et promenant de prison en prison son squelette plus noir qu’une mûre et plus maigre qu’une chimère.
Chez nous donc la musique a toujours été et, en dépit de tout ce qu’on peut dire, est toujours un article de luxe ; elle n’entre nullement dans la vie ordinaire de notre peuple, et il y a des milliers d’excellents citoyens qui passent à travers l’existence sans jamais entendre une seule note de musique.
De plus, j’estime que l’on ne doit pas juger le génie de l’artiste à travers ses répugnances pour l’homme.
Veut-on dire que nous recevions passivement de l’extérieur nos sensations toutes faites, comme Démocrite croyait que les images subtiles des choses pénètrent à travers nos sens ?
Je viens d’acheter une garde de sabre, où dans un ciel écorné par un quartier de lune d’argent, d’arbres qu’on ne voit pas, tombent à travers le ciel neigeux, deux jaunes feuilles d’automne.
Les Grecs eux-mêmes ont perdu une partie de leur prestige, depuis que nous ne les voyons plus à travers Plutarque et plus grands que nature, comme les voyait Rousseau, et qu’une érudition plus précise nous a fait descendre dans les détails intimes et familiers de leur existence journalière69. […] Ses œuvres sont autant de fenêtres à travers lesquelles nous saisissons une lueur du monde qui était en lui. […] En vérité, quand on surprend à travers l’histoire ce grouillement vivace, cette continuelle fermentation d’idées neuves qui n’attendent que leur heure pour germer et pour éclore, on est tenté de croire que l’invention, c’est-à-dire le génie, n’est pas, sur le marché de la littérature, une denrée aussi rare que la critique le prétend. […] Si Molière était mort dans son voyage aventureux à travers la province, un autre aurait-il pris sa place, et Boursault, à défaut de lui, serait-il devenu le grand homme ? […] L’œuvre de ces trois poètes surhumains a depuis bien longtemps cessé d’être pour nous celle qu’ils ont écrite ; c’est celle que nous avons faite nous-mêmes : l’imagination tout éblouie des rayons de leur apothéose, à peine pouvons-nous la discerner encore à travers mille et mille volumes de commentaires superstitieux.
Et il quitte Genève le lendemain pour courir fortune à travers le monde. […] Elle le suit à travers tous ses exils. […] Cependant, à travers des découragements et des paresses, il cherche à se faire sa place, soit dans la musique, soit dans la littérature, et particulièrement au théâtre ; et c’est à cela qu’il songe entre 1741 et 1749. […] Dans ces promenades à travers bois, il se souvient de sa jeunesse vagabonde, qui se transfigure à ses yeux.
Sa morgue, cette hauteur d’estime où il était de lui-même, cette « réserve polie des manières du grand monde », qui n’est souvent qu’une forme du dédain, et ce qu’il semble bien que son abord eût d’hostile, tout cela, que l’on retrouve à chaque ligne de son Journal, ou que l’on entrevoit à travers le poète, M. […] Pareillement, pour suivre Hegel à travers les détours et les obscurités de sa Philosophie de la nature ou de sa Philosophie de l’histoire, il faut que l’on commence par lui consentir ou par lui passer un certain nombre de définitions et d’axiomes. […] Cependant, à travers l’espace infini, tandis que Faustus et Stella s’enivrent de la joie de vivre, des « voix de la Terre » montent confusément. […] Spronck a peut-être raison, et l’on sent, à travers tous ces poèmes, sous cette perpétuelle affectation, circuler en quelque manière la recherche active de la nouveauté. […] Mais ce qui n’appartient qu’au théâtre ; ce qui fait à travers les âges l’unité permanente et continue de l’espèce dramatique, si j’ose ainsi parler ; ce que l’histoire, ce que la vie même ne nous montrent pas toujours, c’est le déploiement de la volonté ; — et voilà pourquoi l’action demeurera la loi du théâtre, parce qu’elle est enveloppée dans son idée même, quoi que l’on en dise et quoi que l’on en ait.
L’auteur y oppose les cathédrales de Huysmans à celles de Monet, et le rapprochement m’a paru tout à fait pathétique : « Huysmans, à la fin du dix-huitième siècle, considère la cathédrale comme l’expression toujours vivante et toujours adéquate de la pensée religieuse contemporaine… C’est à travers le flot des puériles légendes, des naïves ignorances, des obscures allégories, charrié par le moyen âge, c’est orné de cette végétation mystique qu’il entrevoit le monument où l’humanité d’hier pétrifia son rêve, et qu’il en exalte la signification tout à la fois d’orgueil et d’humilité. » Mais la conception moderne de Claude Monet s’oppose à la conception catholique de J. […] De sa présence, elle m’entoure : je suis absorbé, je suis enlevé à tout, je suis comme dans un rêve ; il y a quelque chose d’elle autour de moi, et je n’aperçois rien qu’à travers ce quelque chose d’elle.
La partie du salon qui me faisait face était entièrement ouverte ; la muraille absente, remplacée par une colonnade de bois des îles, à travers laquelle la campagne tahitienne apparaissait par une nuit étoilée. […] Dans le jardin, Gaston courait à travers les allées, sans se préoccuper de sa blouse noire, inquiet de la santé des poissons rouges et des canards auxquels il n’avait pas porté de pain depuis plusieurs jours. […] — La semaine prochaine… et voilà 700 francs qu’il va me devoir… oui, il me donne gentiment 500 francs pour les premières et 200 francs pour les reprises… Ça ne fait rien, cette existence avec ce Machabée, ce n’est pas drôle… Au fond, mes bichettes, j’étais née pour épouser un Laruette, et tenir en province une table d’hôte de cabots… Tiens, j’ai envie de partir pour Turin, — dit-elle, en se lançant tout à coup à travers le boudoir ; puis, au milieu de son bondissement, se retournant soudainement par une brusque virevolte vers ses amies, elle ajouta en brandissant sa fourchette, au bout de laquelle il y avait une bouchée de perdrix : Je ferais peut-être le roi. Et plus loin, ce prologue de répétition vraiment copié sur le vif : Dans la salle emballée sous d’immenses bandes de toile écrue : la pleine nuit — une nuit dans laquelle il n’y a de lumineux que les petits carrés de fou, produits par la lumière du jour, passant à travers les rideaux rouges de la vitre des troisièmes loges, et le scintillement de saphir du lustre, pareil à un faisceau de stalactites pendant dans les froides ténèbres, à la voûte d’un glacier. […] Ses strophes ne sont pas plus vite exténuées Dans leur vol à travers l’azur que vos nuées ; ……………………………………………………… La pensée est un aigle à quatre ailes, qui va Du gouffre où Noé flotte à l’île où Jean rêva ; Et chacun de ses grands ailerons, Épopée, Drame, Ode, Ïambe ardent, coupe comme l’épée.
Une traduction du grec — exquise d’ailleurs en son vieux style, supérieure même à son original — a fondé, comme on sait, l’immortalité d’Amyot, et Montaigne, avec sa manie de citer, ne sera-t-il pas toujours un peu suspect de n’avoir connu l’homme qu’à travers Plutarque ou Sénèque ? […] Mais elle devient tout à fait vraisemblable si l’on fait attention qu’elle explique les suites de la querelle, aussi bien que ses commencements, et pourquoi la dispute s’est divisée comme en deux courants, dont l’un allait se perdre insensiblement dans les sables, tandis que l’autre allait grossir, et s’enfler à travers le siècle, de tout ce que les progrès de la science et des arts mécaniques lui apporteraient d’affluents. […] Et ce que je constate, c’est que, n’étant pas facile de suivre, à travers les détours d’une question très compliquée, les marches et les contremarches de l’un et l’autre adversaire, on aima mieux croire que, si l’on ne le pouvait pas, c’était leur faute, ou au moins celle de la question. […] Et Voltaire a soin d’ajouter : « Un citoyen de Paris se promène aujourd’hui dans sa ville avec plus de luxe que les premiers triomphateurs romains n’allaient autrefois au Capitole. » Combien de fois maintenant, en combien de manières, par combien de « philosophes » — et, si je l’ose dire, de nigauds aussi, — n’entendrons-nous pas, à travers tout le xviiie siècle, répéter, ou refaire, ou diversifier cette comparaison !
Il n’y a qu’une Vérité, intangible et éternelle ; il n’y a qu’une Vie, toujours agissante et se continuant identique à travers des manifestations variées à l’infini ; il y a seulement des façons différentes de comprendre et d’interpréter ; et c’est cela qu’on appelle la nouveauté en art, en philosophie, en sociologie, en matière de religion. […] N’étant pas au courant des idées de Wagner, ne les connaissant qu’à travers les travestissements perfides qu’en ont donnés les adversaires de son art en Russie, n’ayant probablement jamais eu le loisir ou l’occasion d’approfondir les mystérieux phénomènes dont je viens de parler, Tolstoï se fait de l’art de Wagner une représentation tout à fait erronée et en raisonne à faux avec la sérénité de l’inconscience. […] Poursuivant maintenant le développement de cette mélodie instrumentale à travers l’œuvre de Haydn, de Mozart et de Gluck, nous la voyons se formuler de plus en plus indépendante, souple et suggestive, pour devenir enfin, dans Beethoven, un mode d’expression absolument parfait. […] Si bien qu’il ne nous reste d’autre ressource que de fuir un beau jour la grotte aux nymphes, et de chercher à retrouver, à travers les flots et les dangers de la mer, le chemin qui conduit vers les fumées du foyer d’Ithaque et les embrassements de l’épouse plus simple et plus humaine. » En d’autres termes, Nietzsche exprime ici l’aspiration assez générale en ce moment, parmi les artistes et les dilettantes, vers un art plus simple, moins compliqué, plus direct, plus naturel.
Et Mistral, à travers sa finesse d’humaniste rural, de même que Jaurès à travers son puissant acquis de rhéteur romain, ce ne sont pas seulement des Latins qui conquièrent la Gaule, comme Numa Roumestan, c’est le Midi albigeois qui remonte, qui remonte au triple sens, des profondeurs, où la conquête l’a refoulé, vers la lumière du soleil — de l’inconscient vers le conscient — et du Sud au Nord. […] La géographie des idées se trouve ici devant un phénomène de relief rajeuni, de vallées qui, à travers des mouvements tectoniques successifs, et de sens différents, maintiennent une ligne stable à une figure de la terre.
Après les trois premiers petits bassins qu’on rencontre à l’entrée de la colline, si l’on persiste et qu’on pénètre à travers les plis de plus en plus étroits de la montagne, on arrive à un bassin parfaitement circulaire, bien plus vaste, d’une eau claire et profonde, réservoir alimenté sans doute par des sources cachées et de toutes parts entouré de rochers escarpés et nus, du haut desquels tombe la cascade dite du Bernica.
Ils s’avancèrent le long du sentier, à travers la prairie, et passèrent près de moi.
Elles y préparent leur enchantement et s’envolent à travers l’air impur.
Il avait aussi rencontré lord Chesterfield, écrivain élégant, mais d’une morale un peu relâchée, même dans les conseils qu’il donne à son fils, enfant naturel qu’il promenait à travers le monde.
Il y a réellement de la chaleur dans Bourdaloue : une sincérité profonde, le désir et le plaisir de rendre la vérité sensible, la charité aspirant à l’utilité des âmes, dégagent insensiblement, à travers le tissu serré des raisonnements, une émotion de qualité très pure et très fine, qui va au cœur : émotion d’autant plus puissante qu’elle ne fait rien pour s’étaler.
Là est son âme tout entière, et pour ainsi dire toute nue ; là se fait sentir le trouble de la chair et du sang ; là est ce long combat où, à travers les espérances d’une autre vie, jusque dans l’ardeur pour la mort qui doit les réaliser percent tant de fois la révolte de la nature et les inquiétudes de la raison.
Souvent on isole, sans que personne sache pourquoi, un des devoirs de l’individu, on le considère seul, on le tient pour absolument sacré, et on l’impose de son mieux, à tort et à travers, au nom de la morale éternelle.
J’eus devant les yeux un cinquième évangile, lacéré, mais lisible encore, et désormais, à travers les récits de Matthieu et de Marc, au lieu d’un être abstrait, qu’on dirait n’avoir jamais existé, je vis une admirable figure humaine vivre, se mouvoir.
Le scherzo, si prestement ébauché au premier acte, s’anime à travers cette scène jusqu’à l’arrivée de Sachs, qui vient s’asseoir, très méditatif, à son ouvrage.
Le dégoût physique et le dédain moral se marquent par la bouche ouverte comme pour rejeter un aliment qui déplaît, par l’expiration à travers le nez comme pour repousser une mauvaise odeur, par les yeux demi-fermés comme pour ne pas voir, enfin par les mains levées comme pour écarter l’objet.
* * * — Nous faisons aujourd’hui aux jeunes le reproche, et le juste reproche de voir la nature non directement, mais à travers les livres de leurs devanciers.
Les romantiques, qui sont les domestiques chargés de satisfaire les goûts intellectuels de la classe régnante et payante, prétendirent ne peindre dans leurs chefs-d’œuvre que « l’homme de tous les temps », « que les passions de l’être humain invariable à travers les siècles ».
Le Paris de l’Empire et des premières années de la République fut remué de fond en comble, de larges brèches y apparurent, à travers lesquelles l’envahissement commença.
Elle est là tout entière et sous toutes les formes : vive et familière, quand elle descend au détail particulier de notre conduite, de nos mœurs, de nos intérêts mondains ; subtile et pressante, lorsqu’elle va nous chercher jusqu’au fond de nous, à travers les faux-fuyants de notre amour-propre ; grande et solennelle, quand elle parle en termes généraux de Dieu, de l’homme, des vices et de la vertu, de la vie et de la mort. […] Là il trouvait abondamment matière à ces peintures de la vie qui remplissent tous ses écrits ; mais, écrivant pour des filles séparées du monde, il les adoucit et les atténue, afin de les approprier à la chasteté de la vie cloîtrée, où l’on ne voit le monde qu’à travers les efforts de détachement pour l’oublier.
Il ne saurait exister aucune astronomie chez une espèce aveugle, quelque intelligente qu’on la supposât, ni envers des astres obscurs, qui sont peut-être les plus nombreux, ni même si seulement l’atmosphère à travers laquelle nous observons les corps célestes restait toujours et partout nébuleuse. […] Les sentiments bienveillants et désintéressés, qui sont propres à la nature humaine, ont dû, sans doute, se manifester à travers un tel régime, et même, à certains égards, sous son impulsion indirecte ; mais, quoique leur essor n’ait pu être ainsi comprimé, leur caractère en a dû recevoir une grave altération, qui probablement ne nous permet pas encore de connaître pleinement leur nature et leur intensité, faute d’un exercice propre et direct.
Si nous ne donnons jamais la nature tout entière, nous vous donnerons au moins la nature vraie, vue à travers notre humanité tandis que les autres compliquent les déviations de leur optique personnelle par les erreurs d’une nature imaginaire, qu’ils acceptent empiriquement comme étant la nature vraie. […] Il est certain qu’une œuvre ne sera jamais qu’un coin de la nature vu à travers un tempérament. […] Si l’on conçoit l’humanité comme une armée en marche à travers les âges, lancée à la conquête du vrai au milieu de toutes les misères et de toutes les infirmités, on doit mettre au premier rang les savants et les écrivains. […] Que de romanciers croient voir la nature et ne l’aperçoivent qu’à travers toutes sortes de déformations. […] Ainsi, le premier chapitre de la Dévouée est simplement le récit d’une promenade de Michelle et de son parrain Barbelet, à travers les champs qui entourent les Moulineaux.
C’est au bord d’un des grands fiords de la Norvège septentrionale, dans un décor singulièrement paisible, un grand salon nu et, au fond, un jardin d’hiver vitré qui laisse apercevoir le fiord mélancolique à travers un voile de pluie. […] Mais il est bon comme le pain, et, à travers toutes les situations bizarres où sa destinée le promène, il reste un parfait gentleman.
Plus tard, on personnifia prophètes et sacrificateurs : Moïse, Aaron, Isaïe, Jérémie, Habacuc, « vieux et boiteux, ayant dans une besace des racines et de longues palmes dont il faisait semblant de manger » ; Balaam, « bien vêtu, monté sur son âne, et portant des éperons à ses souliers » ; d’autres acteurs encore, Élisabeth, habillée tout de blanc et « paraissant enceinte », quasi prægnans , s’avançaient à travers la nef, dans un bel ordre, en longue procession, traduisant aux yeux des fidèles l’Ancien et le Nouveau Testament. […] Il s’est fait comme un triage, comme une sélection à travers le temps, de ces imaginations tantôt heureuses, plus souvent burlesques ou honteuses, de la satire française au moyen âge ; les imitations étrangères, l’italienne surtout, ont passé pour ainsi dire au crible cette première moisson du génie national ; la paille s’est envolée, le grain est resté : pauca frumenti grana in tam multo numero palearum . […] Il n’est pas moins curieux, et il est plus intéressant encore pour l’histoire nationale, pour l’histoire des mœurs particulièrement, de suivre, par exemple, à travers le temps, les variations d’un même mot. […] Et, en effet, pour lui, bien différent d’un tel rustre, nulle part il ne se sentait plus à l’aise, ni mieux inspiré qu’au milieu du mouvement, de l’agitation, du tourbillon des élégances mondaines et des plaisirs aristocratiques ; à Saint-Ange, chez les Caumartin, à Vaux-Villars, chez la plus séduisante et la plus coquette des maréchales ; à la table des grands seigneurs et des rois philosophes ; dans la libre et nombreuse intimité des actrices à la mode ou des grandes favorites, roulant avec le torrent des courtisans dans les galeries de Versailles ou de Fontainebleau « comme un petit pois vert, nous dit Piron, dans son style haut en couleur comme un cru de Bourgogne, comme un petit pois vert à travers des flots de Jean Fesse149 » ; ou bien encore, aux jours de première représentation, quand il allait, comme le Gabriel Triaquero du roman de Lesage, « de loge en loge, présenter modestement sa tête aux lauriers dont les seigneurs et les dames s’apprêtaient à la couronner150 ». […] Ce fut pourtant cette canaille qui lui fit, en 1778, quand il revint à Paris, pour y mourir, cette ovation triomphale et qui se pressait à travers les rues sous les roues de son carrosse, en criant de ses milliers de voix : « Vive le défenseur des Calas !
Je me contenterai de reconnaître, comme tout le monde, qu’il est une promenade agréable à travers Chateaubriand, et, sans doute avec M. […] Il est à remarquer que les trois quarts des faiblesses et des incorrections que l’on peut relever, à titre de taches négligeables, à travers l’œuvre de Flaubert se trouvent dans Madame Bovary, — les Œuvres de Jeunesse étant laissées de côté. […] Ce n’est pas à travers ces légendes qu’il nous faut regarder ce que nous avons appelé la critique méridionale. […] Le Poème du Rhône est un itinéraire dramatique à travers les âges et le long du fleuve de la civilisation. » Le « fleuve de la civilisation » manque peut-être un peu de mesure. […] Ils devinent, ils écoutent, ils choisissent et ils s’orientent à travers ce qu’ils entendent dire dans la conversation.
Cette vie de marche, jour et nuit, par monts et par vaux, à travers les ronces et les épines, l’atteint aux entrailles, lui donne la fièvre et l’abat : « Si l’on se battait, si l’on se tirait des coups de fusil, passe au moins, cela reposerait.
Il sent que l’imagination de l’homme est toute corporelle ; que, pour comprendre le déploiement des sentiments, il faut suivre la diversité des gestes et des attitudes ; que nous ne voyons l’esprit qu’à travers le corps.
Il descend ; il tend sa main souillée de sang, et la justice y jette de loin quelques pièces d’or qu’il emporte à travers une double haie d’hommes écartés par l’horreur.
Rousseau en vers délicieux comme les murmures du vent doux de la vie à travers les fibres de l’âme.
Cette femme est une relique qu’on ne voit qu’à travers le cristal du reliquaire.
Et que lui faisait cet éloge, à travers les milliers de phrases que la crainte et l’espérance sont empressées à lui offrir ?
Il perce pourtant à travers tout ce factice de l’imitation espagnole plus d’un trait de naturel, et la grande beauté que la comédie devait tirer de la peinture des mœurs du temps s’annonce de loin par des allusions piquantes aux ridicules du jour.
C’est que cette symphonie en Ut mineur nous retient comme l’une des rares conceptions du maître où une émotion, vive et cruelle, de souffrance, est le point de départ, et se développe, graduellement, à travers la consolation, l’élévation de l’âme, jusque le plein éclat de la joie dans la conscience du triomphe.
Posez sur la peau un corps mauvais conducteur, comme un papier percé d’un trou de 2 à 5 millimètres de diamètre ; à travers ce trou touchez la peau, tantôt avec un excitant mécanique, comme une pointe de bois, un pinceau ou un flocon de laine, tantôt avec un excitant calorifique, comme le rayonnement d’un morceau de métal échauffé : les deux sensations, ainsi limitées à ce minimum d’éléments nerveux, sont si semblables, que souvent on prend une sensation de contact pour une sensation de température, et réciproquement10.
Une chauve-souris à qui on a enlevé la vue se dirige avec la plus grande sûreté à travers les dédales enchevêtrés des grottes et des cavernes, sans se heurter aux parois qu’elle perçoit de loin.
» Vendredi 7 Berlin… En sortant de Kroll, la voiture m’emporte à travers des rues de palais, sur le petit pavé bruyant, je ne sais où, à une porte éclairée où il y a une affiche.
Dans Daumier, Robert-Macaire conserve la même physionomie insolemment louche à travers la série ; ses bourgeois et ses Mme Coquardeau restent perpétuellement aigres, stupides et plats, et Gavarni n’en use pas autrement pour son Thomas Vireloque, ni Grévin pour son Taupin.
Ce sont les lettres et les monuments qui marquent les intervalles des siècles qui se projetteraient les uns sur les autres, et ne formeraient qu’une nuit épaisse à travers laquelle l’avenir n’apercevrait plus que des fantômes exagérés, sans les écrits des savants qui distinguent les années par le récit des actions qui s’y sont faites.
. — Ce sont deux jeunes femmes, l’une appuyée sur l’épaule de l’autre, qui regardent à travers une fenêtre ouverte. — Le vert et le rose, ou plutôt le verdâtre et le rosâtre y sont doucement combinés.
Il serait un peu long d’en poursuivre les preuves à travers le Commentaire ; mais nous y pouvons heureusement suppléer par quelques citations de Racan : Il avait aversion contre les fictions poétiques, et en lisant une élégie de Regnier à Henry le Grand qui commence. […] — Parce qu’il n’est pas naturel, qu’en trois ou quatre heures de temps, on enferme une action dont la durée réelle aurait rempli des mois, des années, ou des siècles ; et parce que, d’autre part, il n’est pas raisonnable qu’on disperse à travers l’espace ou le temps un sujet dont l’effet même dépend, par hypothèse ou par définition, du degré de sa concentration. — Pourquoi la condamnation du Burlesque ? […] L’esprit français a passé maintenant ses frontières ; il a en quelque sorte émigré, lui aussi ; et, de ses excursions à travers les littératures étrangères, il a rapporté ce que l’on rapporte aussi bien de toute espèce de voyages : un peu moins de confiance en lui-même ; une curiosité sympathique pour ce qui ne lui ressemble pas ; et la conviction plus ou moins raisonnée, mais certaine, qu’entre le goût français et le goût anglais, en tant qu’ils diffèrent, ce n’est pas un passage d’Aristote ou un vers de Boileau qui tranchera désormais le débat. […] Mais, en outre, et depuis, en 1826, dans son Histoire de la Conquête de l’Angleterre par les Normans, allant déjà plus loin et poussant plus avant que Cousin, que Guizot, que Villemain qui s’étaient bornés, qui devaient se borner, pour mieux dire, à mettre la littérature en rapport avec les institutions sociales et l’esprit général des temps, il s’était efforcé de fonder l’explication dernière de l’histoire sur les considérations ethnographiques, et de faire ainsi de la persistance de la race à travers les âges l’élément fondamental, et, comme vous le voudrez, la pierre angulaire ou la clé de voûte de son système historique.
Ces choses peuvent avoir coexisté et s’être créées l’une l’autre réciproquement, la morale créant la religion pour ses besoins et la religion en même temps créant la morale par son seul développement ; la religion n’ayant pas besoin de la morale mais la suggérant, comme on a vu plus haut, et la morale sentant le besoin de la religion pour s’assurer, mais, du reste, la supposant presque nécessairement, comme je l’ai montré ; et toutes les deux s’enfantant l’une l’autre dès le commencement et se complétant l’une l’autre à travers les siècles ; et ces deux suites d’événements que je décrivais séparément pour la clarté de l’analyse, on peut les considérer comme jointes et s’entrelaçant, et, de tout temps, non seulement parallèles, mais comme engrenées. […] Je ne sais pas quel était son dessein, à travers cette incohérence, ni s’il en avait un ; mais les effets furent ceci : à l’extérieur, l’unité de l’Italie, qui ne « contenait » point du tout, comme on a trop dit, l’unité de l’Allemagne, et les deux « grandes fautes » sont indépendantes l’une de l’autre ; mais qui était en elle-même un échec pour la France, celle-ci n’ayant aucun intérêt à créer sur ses flancs une grande puissance susceptible de devenir l’alliée d’un de nos ennemis ; — à l’intérieur, le parti bonapartiste coupé en deux et par là sensiblement affaibli et n’offrant plus un appui, une base aussi solide qu’auparavant. […] Mais, précisément, remarquez aussi qu’une révolution qui avait été faite pour obtenir des réformes administratives, a roulé tout entière sur des idées générales, n’a poursuivi clairement, à travers ses convulsions sanglantes, que deux desseins : l’égalité et la souveraineté du peuple ; et a été aussi « abstraite » et aussi « idéaliste » que possible en son esprit. Et, précisément, remarquez aussi que le 18 Brumaire, agréable à la nation française parce qu’il satisfaisait ses désirs de 1789 et répondait à son état d’âme de 1789, a inauguré un régime tout inspiré encore d’idées générales : grandeur et gloire de la France, diffusion par les armes, à travers le monde, des principes révolutionnaires, égalité, souveraineté du peuple, antiaristocratisme, anticléricalisme, etc. […] Les hommes politiques exploiteront-ils les idées de grandeur et gloire de la France, de diffusion des principes révolutionnaires à travers le monde, ou la théorie des nationalités ?
Par les sentiers de ses illusions et à travers quelques déceptions, la France allait à la victoire : Polybe avait raison de lui montrer la victoire, de loin et au-delà des chemins de traverse. […] Le principal est que l’auteur ne nous montre point un squelette mort, pour ainsi dire, mais à travers les muscles et dans leur jeu le squelette en activité. […] Il l’a prouvé, depuis le début de la guerre, par une série d’articles qui ont paru dans la Gazette de Lausanne, maintenant réunis en un volume, À travers la France en guerre, bons articles, d’une loyauté manifeste : l’auteur ne se contente pas d’affirmer ses goûts français, de formuler sa foi en notre cause ; il possède les arguments de sa sympathie et de sa confiance, arguments que lui a fournis une enquête menée chez nous, parmi nous, au front et à l’intérieur de notre pays, arguments qui sont des faits. […] Potterat, dans ses courses professionnelles à travers la ville, a distingué une modiste, Mme veuve Bolomey : il la trouve jolie encore ; il sait qu’elle est sage. […] La vérité, cette vérité-là, c’est, pour l’homme, « son bâton de voyage à travers la vie » ; c’est encore « le pain de sa besace et le vin de sa gourde ».
Ils devinent, ils écoutent, ils choisissent et ils s’orientent à travers ce qu’ils entendent dire dans la conversation. […] Brunetière est incapable, ce semble, de considérer une œuvre, quelle qu’elle soit, grande ou petite, sinon dans ses rapports avec un groupe d’autres œuvres, dont la relation avec d’autres groupes, à travers le temps et l’espace, lui apparaît immédiatement, et ainsi de suite… Tandis qu’il lit un livre, il pense, pourrait-on dire, à tous les livres qui ont été écrits depuis le commencement du monde. […] Eschyle c’est le mouvement d’Eschyle, et le mouvement d’Eschyle c’est celui de ses tragédies, qu’il ne faut pas arrêter à leur retentissement sur le public athénien, mais voir arriver jusqu’à nous, à travers les mutilations, les accidents, l’imprimerie.
On peut comparer le génie et le talent de David à un miroir ; c’est avec la même fidélité, c’est avec la même impassibilité qu’ils ont reproduit, sans choix et involontairement, toutes les nuances des révolutions politiques et intellectuelles à travers lesquelles l’artiste a passé sa vie.
Cela me rappelle une caverne dont l’entrée est noire et étroite où l’on me dit qu’il y a des merveilles : j’aime mieux le croire que de m’en assurer en me donnant la peine de ramper sur mes genoux à travers des broussailles et des pierres. […] Marchez sans craindre le contact des broussailles à travers lesquelles vous avez à vous frayer passage : plus d’égratignures vous compterez en arrivant au but, et plus glorieux il vous sera d’y être parvenus. […] C’était un petit homme sec, aux joues pendantes, à l’air goguenard dans toute la physionomie ; il roulait dans sa carriole une partie de l’année à travers ses domaines, en traitant les jolies paysannes un peu à la façon des anciens seigneurs. […] Vous ne vous êtes point douté de l’importance de ces filiations à travers les âges.
Dans l’hypothèse du mythe platonicien une seule et même idée suffit pour toute la lignée des génies à travers l’espace et le temps.
. — À Chantilly, « la jeune et charmante duchesse de Bourbon, parée en voluptueuse Naïade, conduit le comte du Nord, dans une gondole dorée, à travers le grand canal, jusqu’à l’île d’Amour » ; de son côté, le prince de Conti sert de pilote a la grande-duchesse ; les autres seigneurs et les dames, « chacun sous des vêtements allégoriques », font l’équipage287, et, sur ces belles eaux, dans ce nouveau jardin d’Alcine, le riant et galant cortège semble une féerie du Tasse Au Vaudreuil, les dames, averties qu’on veut les enlever pour le sérail, s’habillent en vestales, et le grand prêtre, avec de jolis couplets, les reçoit dans son temple au milieu du parc ; cependant plus de trois cents Turcs arrivent, forcent l’enceinte au son de la musique, et emportent les dames sur des palanquins le long des jardins illuminés Au Petit Trianon, le parc représente une foire, les dames de la cour y sont les marchandes, « la reine tient un café comme limonadière », çà et là sont des parades et des théâtres ; la fête coûte, dit-on, quatre cent mille livres, et l’on va recommencer à Choisy sur plus grands frais.
Évidemment, de retour chez lui, à sa table, Mozart avait retrouvé en lui-même, comme dans un écho minutieusement exact, ces lamentations composées de tant de parties et promenées à travers une série d’accords si étranges et si délicats.
. — Dans le premier cas, la sensation est celle de mouvement à travers l’espace vide.
« Le 12 mai suivant, Alfieri était auprès d’elle, et à force de sollicitations, de servilités, de petites ruses courtisanesques (c’est lui-même qui parle ainsi), à force de saluer les Éminences jusqu’à terre, comme un candidat qui veut se pousser dans la prélature, à force de flatter et de se plier à tout, lui qui jusque-là n’avait jamais su baisser la tête, toléré enfin par les cardinaux, soutenu même par ces prestolets qui se mêlaient à tort et à travers des affaires de la comtesse, il finit par obtenir la grâce d’habiter la même ville que la gentilissima signora , celle qu’il appelle sans cesse la donna mia , l’amata donna. » Cependant, bien que l’amant vécût toute la matinée très retiré dans le palais Strozzi, auprès des Thermes de Dioclétien, faubourg isolé de Rome, il passait toutes ses soirées au palais de la Cancellaria, chez son amie.
Mais le moteur étant immobile, comment peut-il produire en lui-même le mouvement qui se communique au dehors, et qui, se transmettant de proche en proche, atteint jusqu’au mobile le plus éloigné, à travers une foule d’intermédiaires ?
Son maître a faim, a soif ; il n’a quelquefois ni pain ni eau à lui offrir ; il ne sait pas même le garantir contre le vent qui souffle à travers sa porte et sa fenêtre, comme Tulou dans sa flûte, mais moins agréablement. » « Suivent les réprimandes du maître au serviteur : « — Moi-même ?
Il faisait bien bon dans cette grande cuisine, et le chat gris, un peu sauvage, nous regardait de loin à travers la balustrade de l’escalier au fond, sans oser descendre.
Rien de plus efficace que ces leçons de morale semées à travers tous les exercices, d’autant plus goûtées qu’elles arrivent comme par hasard, quoique à propos, qu’elles ne s’imposent pas sous la forme de règles, et qu’aucune prétention ne les rend suspectes.
« L’amitié, disait Socrate, se glissant à travers tous les obstacles, va trouver les gens de bien et les unit. » De même l’amour véritable nous mène sur le chemin de la femme que nous devons aimer.
Il a toujours la mémoire tellement pleine d’œuvres d’art anciennes ou modernes qu’il voit la nature même à travers.
Sous les notes courtes nous trouvons les syllabes appuyées… sous le temps fort de la phrase musicale se glisse le temps faible de la phrase poétique… Le vaste développement de l’organisation musicale à travers le drame entier ne servira plus qu’à nous dérouter complètement… cette musique ne saurait nous faire d’autre impression que celle d’un chaos, d’une masse incohérente, déchirée, et qu’on ne pourra expliquer qu’en l’attribuant au caprice d’un musicien fantasque, embrouillé, incapable, et qui ne sait pas lui-même ce qu’il veut. » (IV, 265 et 370).
* * * — Cette maison, — notre maison pendant une semaine — nous a donné le goût, presque le besoin de nous réveiller, le matin, en du jour jouant dans un jardin à travers des feuilles.
Fin d’avril À l’heure qu’il est, en littérature, le tout n’est pas de créer des personnages, que le public ne salue pas comme de vieilles connaissances, le tout n’est pas de découvrir une forme originale de style, le tout est d’inventer une lorgnette avec laquelle vous faites voir les êtres et les choses à travers des verres qui n’ont point encore servi, vous montrez des tableaux sous un angle de jour inconnu jusqu’alors, vous créez une optique nouvelle.
Et, semblable à une naïade, le muguet, Que la jeunesse rend si beau et sa passion tellement pâle que l’on voit la lueur De ses clochettes tremblantes à travers leurs tentes d’un vert tendre324.
« Il ouvre un passage aux fleuves à travers la pierre et découvre leurs trésors les plus cachés.
Pour démasquer entièrement l’illusion, il faudrait aller chercher à son origine et suivre à travers tous ses détours le double mouvement par lequel nous arrivons à poser des réalités objectives sans rapport à la conscience et des états de conscience sans réalité objective, l’espace paraissant alors conserver indéfiniment des choses qui s’y juxtaposent, tandis que le temps détruirait, au fur et à mesure, des états qui se succèdent en lui.
Je ne m’interrompais que pour suivre, un instant, des yeux, le vol des papillons ou le panache sinueux des trains qui couraient en sifflant en bas, à travers les futaies… C’est pendant une ascension sur le Ventoux, que Pétrarque conçut en projet l’écrit qui nous occupe. […] Dans ce monde romain, à travers la foule des prélats, des courtisans, des ambassadeurs, des hommes d’affaires, au milieu de l’ambition effrénée et de la finesse sournoise, la sensibilité de notre poète se heurtait sans cesse, et le dégoût, qu’il avait prompt, l’envahissait sans plus attendre. […] Colletet aimait à se promener à travers les doubles allées, en y cherchant les vestiges de Ronsard.
. — Depuis ce jour-là, mesdames, nous ne nous sommes guère vus qu’à travers le nuage de poussière que soulevaient vos attelages dans l’avenue des Champs-Élysées, où j’allais me promener le dimanche en fumant des cigares de dix centimes. — Vous m’avez cru mort, sans doute. […] Douillettement couché dans un lit moelleux, au fond d’une alcôve entourée de rideaux épais et lourds, c’était chose douce d’entendre le matin monter à travers l’humidité du brouillard le monotone refrain de ces pauvres cigales de la neige, marchant deux à deux, le père toujours suivi de l’enfant. — Mal vêtus et frissonnant de tout leur corps, mordus par les bises affamées, en suivant chacun un trottoir ; — ils alternaient leur appel, guettant aux fenêtres l’apparition d’une ménagère qui leur fît signe de monter. […] Cette première course à travers les rues de Londres est quelque chose d’assez inquiétant, quand on en a peu l’habitude, car le cab est un véhicule enragé, auprès desquels nos coupés parisiens ne sont que des coches.
il me semble encor que je les vois, Ces tristes paysans décharnés et livides, Errant loin des chemins, à travers les champs vides, Leurs faibles corps couverts à peine de haillons, Glanant furtivement dans le creux des sillons Les gerbes que la dîme à regret a laissées…, Tout de même « glaner des gerbes » ! […] À peine dans Dumas père, à travers le drame historique, le drame simplement humain par endroits, mais distinctement, se fait jour. […] Il s’adressa d’abord à l’étoile de la maison, « Mademoiselle Mars », la perle du ciel dramatique, celle qui (très probablement) a inspiré à Victor Hugo le vers charmant : On croyait voir une âme à travers une perle. […] Il doit figurer avec honneur dans cette suite du dix-huitième siècle qui s’est allongée à travers le dix-neuvième jusque vers 1850 et dont les personnages les plus éclatants sont Béranger, Delavigne et Scribe.
Que serait-ce si Auguste eût eu l’inestimable avantage de terminer la guerre civile sans prendre part à ses horreurs ; s’il n’avait pas été forcé de s’ouvrir un chemin au rang suprême à travers les cadavres de ses ennemis, et même de ses amis ; s’il fût arrivé pur à la place qui lui était marquée par les destins ? […] Les critiques d’Homère étaient vraiment de pauvres diables, qui n’étaient rien moins que Grecs ; ils ne savaient pas la langue de l’auteur qu’ils osaient critiquer ; ils ne connaissaient ni l’esprit ni les mœurs du siècle où il avait écrit ; ils le jugeaient d’après l’esprit, les mœurs et le goût de la cour de Louis XIV et de Louis XV : c’étaient des ignorants, des aveugles et des fous, qui raisonnaient à tort et à travers sur ce qu’ils n’entendaient pas.
Voltaire était riche : en dédiant sa pièce à un négociant anglais, il n’eut égard qu’à la singularité, cela lui donna occasion de s’élever contre l’usage qui interdisait le commerce à la noblesse française : il commençait dès lors à fronder à tort et à travers ce qu’il appelait les préjugés de son pays, et jetait les fondements de cette anglomanie qui nous a été si funeste. […] En 1734, le public, nourri des chefs-d’œuvre des fondateurs de notre scène, exigeait encore que l’exacte vraisemblance y fût gardée ; il n’était point accoutumé aux intrigues romanesques, aux caractères forcés, aux situations outrées ; il démêlait aisément les absurdités à travers la guipure tragique ; mais en 1765, le public, dont le goût s’était formé par tant de rapsodies dramatiques, était mûr pour les beautés d’Adélaïde du Guesclin. […] Mahomet est donc un mauvais charlatan, un cafard imprudent et téméraire : à travers son costume éblouissant, on reconnaît toujours le capuchon du révérend père Bourgoing ; et, pour comble de ridicule, ce Mahomet est amoureux d’une Agnès, et joue près d’elle le rôle d’Arnolphe. […] Tancrède est errant, persécuté, proscrit ; ses malheurs donnent à sa passion une teinte tragique : il vient à travers mille dangers revoir sa patrie et sa maîtresse ; mais sa patrie est ingrate et barbare, sa maîtresse le trahit pour un étranger, pour un ennemi ; elle est sur le point d’expier ce crime infâme sur un échafaud, et cependant il expose sa vie pour sa défense, par un sentiment de générosité et de grandeur d’âme digne d’un véritable chevalier. […] Tout ce qu’on entrevoit à travers d’éternels discours, c’est que Tancrède, chassé de Syracuse dès son enfance par une faction, est proscrit de nouveau par un décret ; que ses biens sont confisqués au profit de son ennemi Orbassan, lequel se dispose encore à hériter de sa maîtresse Aménaïde, et tout cela pour l’intérêt de la patrie et le bien de la paix.
(une heure après) On a porté les restes de Guilford sous les fenêtres de la tour, un linceul couvrait son corps mutilé, à travers ce linceul une image horrible s’est offerte… Si le même coup ne m’était pas réservé, quelle est la terre qui pourrait porter le poids de ma douleur !
Étant sortis de là, nous nous en allâmes à travers le Campo Santo, et l’église de Saint-Pierre ; et, par le derrière de celle de Saint-Ange, nous arrivâmes, non sans beaucoup de peine, à la porte du château.