l’œuvre reste, si elle doit rester ; rien de grand ne se perd dans la mémoire des hommes. » On m’a souvent opposé ce genre de raisons sévères, et ce que je viens de dire y répond en partie.
Aucune pensée, aucun sentiment ne perd pour cela de son énergie ; l’élévation du langage conserve seulement cette dignité de l’homme en présence des hommes, à laquelle ne doit jamais renoncer celui qui s’expose à leurs jugements ; car cette foule d’inconnus qu’on admet, en écrivant, à la connaissance de soi-même, ne s’attend point à la familiarité ; et la majesté du public s’étonnerait avec raison de la confiance de l’écrivain.
On doit être très économe de ces expressions de circonstance, destinées à vivre un jour ou un an, que Joubert appelait langue historique, qui cessent d’être entendues dès qu’elles ne sont plus employées et qui souvent ne perdent la vogue que pour tomber dans le ridicule.
Le rythme fait le décor ; l’intensité des formes populaires suffit à toute caractérisation sans que la profondeur du sentiment y perde de son étendue.
Au lieu d’y perdre, le vers y gagna en douceur et en musique.
Le poète se perd tout entier, flotte dans ces divins bruits.
Désireux de donner tous les renseignements utiles, de mettre dans tout leur jour les monuments immortels que je reproduisais, je ne pouvais pourtant dépasser le but ; il ne m’était pas permis de les perdre de vue, de m’éloigner trop ; je devais me borner à en explorer, pour ainsi dire, attentivement les alentours.
On peut du moins espérer que ces traits ne seront pas perdus pour d’autres.
L’idée d’avoir manqué sa fortune, d’avoir perdu l’estime de son prince & l’espoir de ses libéralités, faisoit son tourment.
Tels sont les deux ou trois points que j’ai tâché de ne pas perdre de vue dans l’espèce de Discours qui forme à peu près une moitié de ce Manuel : voici maintenant ceux auxquels je me suis attaché dans les Notes perpétuelles qui en sont l’autre moitié ; et qui doivent servir à la première d’illustrations ou de preuves.
Rien n’est plus admirable, disent-ils, que les découvertes de Spallanzani, de Lavoisier, de Lagrange ; mais ce qui perd tout, ce sont les conséquences que des esprits faux prétendent en tirer.
Qu’autrefois ce grand homme commença par son pere à triompher de Rome mais Titus Quintus Flaminius, celui à qui parle Nicomede, et qui avoit contraint Annibal d’avoir recours au poison, n’étoit pas le fils de celui qui perdit la bataille de Trasiméne contre Annibal.
Une partie des vers leur échapperoit, et ce qu’ils auroient perdu les empêcheroit souvent d’être touchez de ce qu’ils entendroient.
L’art du musicien ne sçauroit compenser le plaisir que leur fait perdre le défaut de vrai-semblance, défaut essentiel pour un poëme, et cependant inséparable de l’opera.
Le pinceau de ces froids artisans, fait perdre à toutes les têtes illustres leur caractere connu.
Elle gagnera ainsi en dignité et en autorité ce qu’elle perdra peut-être en popularité, Car tant qu’elle reste mêlée aux luttes des partis, tant qu’elle se contente d’élaborer, avec plus de logique que le vulgaire, les idées communes et que, par suite, elle ne suppose aucune compétence spéciale, elle n’est pas en droit de parler assez haut pour faire taire les passions et les préjugés.
Il y a de plus l’intérêt de la pensée qu’on met en lumière ou des connaissances qu’on possède et qu’on a pour devoir de propager ; or, c’est là précisément ce que Didot a perdu de vue.
De leur aveu, et c’est le nôtre aussi, l’esprit français n’est plus qu’une tradition perdue.
Mais ces enfants, perdus ou trouvés, d’un tel père n’en sont pas pour cela (qu’on nous passe le mot !)
Comment Thomas Carlyle, qui a été si cruellement rieur dans des sujets poignants, — qui, dans son Histoire de la Révolution française nous a raconté avec la méprisante gaîté d’un fossoyeur de Shakespeare les folies d’étiquette imbécile qui perdirent tout, lors de la fuite de Louis XVI et de Marie-Antoinette à Varennes, — nous aurait-il peint cette situation, exceptionnelle, même au théâtre, — et tout ce que cette situation engendre !
La Poésie, l’Histoire et la Philosophie n’ont point, certes, perdu le rang qu’elles ont toujours tenu dans l’imagination ou la raison des hommes, et il est évident qu’elles le garderont.
Taine, ne trouvant pas autour d’eux l’Anglo-Saxon individualiste, l’Oriental noble et rêveur, l’artiste débauché et génial qui contenteraient leur conception de la vie, déclarent que la France est perdue, que les temps modernes sont honteux.
Mais ce que ces auteurs perdent d’un côté à être traduits, il me semble qu’ils le regagnent d’un autre, et je vais essayer de vous dire pourquoi. […] Car Oswald le lui confesse dans une scène d’une bizarre beauté : il est perdu, bien perdu ; il ne peut plus travailler ; il a d’horribles troubles nerveux, un ramollissement de la moelle épinière, on ne sait quoi encore. […] La France du dix-septième siècle est encore tout entière chrétienne, et par la foi et par la pratique ; tout le monde prie, va à la messe, reçoit les sacrements ; ceux qui vivent mal ne perdent pas pour cela la foi, et ceux qui l’ont perdue (ils sont rares) la retrouvent régulièrement au lit du mort. […] Il s’en avise de lui-même, quand les autres croient tout perdu et quand Anna, contrainte de rester Mme Osip, commence à tenir des propos généreux. […] C’est que vous oubliez la scène où Mrs Clarkson lui a conseillé de devenir père pour ne pas perdre les millions du père Moriceau.
L’homme qui a perdu la raison, l’aliéné, ne s’instruit plus par l’expérience, il ne raisonne plus expérimentalement. […] Ce serait perdre complètement son temps à poursuivre un fantôme. […] Sans doute cela peut être intéressant pour connaître les erreurs par lesquelles passe l’esprit humain dans son évolution, mais cela est du temps perdu pour la science proprement dite. […] Sans doute le génie de l’homme dans les sciences a une suprématie qui ne perd jamais ses droits. […] De sorte que le globule du sang, comme minéralisé par la stabilité de cette combinaison, perd ses propriétés vitales.
On sait de reste que ni les Mérimée, par exemple, ni les Vitet ne couraient le risque de s’égarer et de se perdre dans les petitesses de l’érudition. […] La leçon cependant n’a pas été perdue. […] Mais aussitôt nous perdons une seconde fois sa trace, et l’obscurité s’épaissit de nouveau. […] Frédéric en perdit patience ; et peu s’en fallut que, dans les premiers jours de 1751, Voltaire ne fût chassé de Berlin comme un serviteur infidèle. […] Et ainsi, tandis que les prosateurs, maintenant leur attention fixée sur le détail, perdent le sentiment de la ligne, les poètes, qui ne regardent plus au-delà de l’horizon des salons, perdent le sentiment de la couleur.
Disons-le en passant, le mot a perdu la chose, la lettre a tué l’esprit. […] Notre intelligence perd là son bel équilibre, c’est à quoi nous reconnaissons que finit l’Occident et que s’ouvrent les portes du Soleil. […] Aussi bien, depuis ma folle entreprise de lire les pages consacrées par nos critiques patentés aux œuvres symbolistes, j’ai perdu l’habitude de m’étonner. […] D’où vient qu’avec et depuis ces deux grands poètes ils avaient, dans leur expression directe, perdu toute force d’art, toute vertu esthétique ? […] L’âme qui te mirait, je l’ai déjà perdue, et mes yeux refermés ne se rappellent rien.
On a perdu sa propre maîtrise. […] Ils ont peu de temps et n’en ont pas à perdre. […] Ils perdent le sens délicat de la valeur des mots. […] Le débit précipité se perd par instants dans un fâcheux bredouillement. […] Il ne se perd pas en regrets inutiles et en récriminations.
Leurs efforts risqueraient de se perdre en ne trouvant pas l’occasion de s’exercer. […] Toute la besogne serait bientôt à refaire et nous aurions perdu nos journées. […] Du moment où la foi s’explique, elle perd tout son merveilleux et cela à bas, il ne reste plus rien. […] Dans le grand ensemble, aucun effort ne sera perdu. […] Celle-ci ruinée, le didactisme perd de l’effroi qu’il inspire.
Quand mourut son triste mari, elle manqua perdre la raison, et on entendait ses cris dans la rue. […] … Je me rappelle tout ce que nous nous disions l’un à l’autre, nos caresses, ses traits ; je n’avais plus de repos, je ne pouvais dormir… Mon angoisse, mon amour étaient si violents, que parfois je me demande si j’ai eu depuis un autre attachement véritable… Quand plus tard j’appris son mariage, ce fut comme un coup de foudre, j’étouffais, je tombai presque en convulsions1240. » Pareillement lorsqu’à douze ans il aima sa cousine Marguerite Parker, il en perdit le sommeil, il ne mangeait plus. « J’avais sujet de croire qu’elle m’aimait, et pourtant la grande affaire de ma vie était de penser au temps qui s’écoulerait jusqu’à notre prochaine rencontre. […] Il s’est misérablement perdu par son mépris insensé de l’opinion. […] On le reconnaissait dans ce jeune noble voluptueux et dégoûté, prêt à pleurer au milieu de ses orgies, qui « seul errait perdu en de mornes rêveries, et, gorgé de plaisirs, aspirait presque à la douleur1266 », qui, fuyant sa terre natale, portait parmi les splendeurs et les gaîtés du Midi la persécutrice infatigable, « la pensée, comme un démon », acharné après lui. […] Ce qui lui reste de vie est pour ce pauvre page, seul être qui l’ait aimé, qui l’a suivi jusqu’au bout, qui maintenant essaye d’étancher le sang de sa blessure. « Lara peut à peine parler, mais fait signe que c’est en vain » ; — il lui prend la main, le remercie d’un sourire, et, lui parlant sa langue, une langue inconnue, lui montre du doigt le côté du ciel où en ce moment le soleil se lève, et la patrie perdue où il veut le renvoyer.
Car alors, nous avons l’exemple de l’Allemagne, qui perdit en Wagner son dernier génie. […] Je m’aperçois, monsieur, que cette Ode, tronquée de la sorte, perd, tout intérêt et je crains que, pour avoir voulu vous plaire, je ne fournisse de nouvelles armes à nos nombreux détracteurs : les symbolistes et autres soi-disant novateurs, les Parnassiens et la queue de cette École, louant Racine et La Fontaine, mais beaucoup plus de la bouche que du cœur. […] Aussi renouvellent-ils une certaine fable, bien connue, de La Fontaine, et, sans égaler en rien la désinvolture canine, ils perdent toutes les solides qualités de l’autre honnête animal, à qui vous me permettrez de les comparer, puisque le plus grand poète de l’antiquité n’a pas hésité de se servir d’une pareille comparaison à propos d’un de ses plus illustres héros. […] Si vous perdez la rime, il devient donc nécessaire de forger des rythmes plus « nombreux » et plus originaux. […] II Son de cloche un soir de novembre, Qui vient avec des parfums d’ambre Se perdre aux velours de ma chambre, Purifié par l’air des bois !
C’est un boulet perdu qui l’a tué à Dresde. » Il y a un grand sens dans cette anecdote. […] Sa sympathie s’émeut à songer combien ils sont près, et si distants, si perdus ! […] Neurasthénie, c’est l’excitabilité folle et qui a perdu tout contrôle d’elle-même. […] Leur mémoire serait perdue sans ce témoignage de leur reconnaissant ami. […] Le vieil adage : « Rien ne se perd, rien ne se crée » cesse d’avoir une valeur absolue.
Car il le fallait, ou tout était perdu. […] Il suffit que l’on conspire contre le roi, qu’on disgracie le ministre au moment où il fait une grande œuvre et que le général perde une bataille. […] Mais le romantisme était partie gagnée et très près déjà d’être perdue, quand La Maréchale a fait son apparition. […] Le jeune Casimir dut employer et un peu perdre ces dix-huit ou vingt mois à « faire une éducation » à Bruges. […] Je n’aime jouer que le drame. » Tout était perdu.
Il a perdu ses grands ressorts. Il a perdu ses chefs. » Est-il probable, est-il même possible qu’un observateur, capable de ce coup d’œil infailliblement divinateur, ait soudain perdu cette justesse d’esprit quand il s’est agi d’indiquer le remède aux dangers nationaux qu’il avait su discerner avec cette netteté ? […] Vous voyez les sillons des trois vallées, dont les cours se perdent dans le torrent du Gabou ? […] Taine, issu d’une famille pieuse, perdit la foi. […] C’est la que je m’enivrai d’elle jusqu’à en perdre la raison !
Une littérature « sociale » y devait tôt ou tard aboutir ; gagner ainsi d’abord en étendue ce qu’elle perdait en profondeur ; et sinon périr, du moins se déformer et se désorganiser par un effet de l’exagération de son principe. […] Une autre idée vers la même époque achève aussi de se déterminer : c’est cette idée de progrès que nous avons vue se dégager, il y a quelque cinquante ans, de la querelle des anciens et des modernes ; qui depuis s’est comme enrichie de tout ce que perdait l’esprit de tradition ; et qui pénètre maintenant jusque dans le sanctuaire de la routine : on veut dire en Sorbonne. […] On en saisit peut-être maintenant la raison, qui est que les encyclopédistes ne se sont point souciés d’étudier l’homme, ni les hommes, mais seulement les « rapports des hommes » ; et quand on n’étudie que les « rapports des hommes », ce que l’on perd le plus promptement de vue, c’est la diversité de nature qui distingue les hommes entre eux. […] Aussi bien, loin d’y rien perdre, l’Encyclopédie gagnait-elle à la suppression de son privilège, dont la seule conséquence était de la soustraire au visa de la censure. […] Dans le Discours de Dijon, dans le Discours sur l’inégalité, dans la Lettre sur les spectacles, les contemporains ont reconnu les accents de cette éloquence dont on pouvait craindre que depuis cinquante ans le secret ne se fût perdu.
Thiers, à son aurore, avait surtout et il n’a jamais perdu le culte de ces beaux noms, de ces jeunes gloires, de ces victimes à jamais couronnées : historien, il leur dressera un autel, et, dans des pages dont on se souvient, il s’inspirera éloquemment de leur mémoire. […] Plus loin, derrière eux, est la patrie avec des lauriers ou des cyprès ; et toutes ces images, il faut les chasser, il faut penser, penser vite, car une minute de plus, et la combinaison la plus belle a perdu son à-propos, et, au lieu de la gloire, c’est la honte qui vous attend. […] Parfois un simple mot jeté, un mouvement rapide trahit l’émotion de l’historien et fait naître une larme : ainsi, quand au moment le plus désastreux de la bataille de Marengo, et lorsqu’on la croit perdue, il montre Desaix de loin devinant le danger et accourant à temps en forces au bruit du canon, qui ne s’écrierait avec lui, dans un présage douloureux vers la journée fatale des derniers malheurs : « Heureuse inspiration d’un lieutenant aussi intelligent que dévoué ! […] … » Et lorsque, cette campagne terminée, après nous avoir fait partager l’ivresse de la victoire et avoir présenté les prémices de la paix, l’historien conclut par ces seuls mots : « La France, on peut le dire, n’avait jamais vu d’aussi beaux jours », qui ne sentirait ce que perdrait la vérité nue de ces paroles à un trait de plus ?
Un maître à danser n’est pas toujours celui (tant s’en faut) qui danse le mieux ; mais si quelque ancien maître fameux en ce genre a écrit quelque chose sur son art, et que cet art soit en partie perdu, on doit recourir au traité. […] Je vous avertis aussi que vous perdez par là un grand avantage dans le monde… » Et plus loin, sur la division à l’infini : « Ce que vous m’en écrivez me paroît encore plus éloigné du bon sens que tout ce que vous m’en dites dans notre dispute… » Il n’en faudrait pas plus qu’une pareille lettre pour perdre celui qui l’a pu écrire dans l’opinion de la postérité, et Leibniz a traité le chevalier avec bien du ménagement quand il a dit : « J’ai presque ri des airs que M. le chevalier de Méré s’est donnés dans sa lettre à M. […] Quant à cet autre mot : faire l’esprit, il était du maréchal de Clérembaut, et le chevalier le confirme aussitôt et l’explique de la sorte : « Je me souviens de quelques bons maîtres qui montroient les exercices dans une si grande justesse qu’il n’y avoit rien de défectueux ni de superflu ; pas un temps de perdu, ni le moindre mouvement qui ne servît à l’action.
Pourtant l’ambassadeur Mercy181, homme fort appliqué, semble trouver que cela est suffisant ; du moins il juge que Louis XVI « a beaucoup d’ordre, qu’il ne perd pas de temps aux choses inutiles » ; en effet son prédécesseur travaillait beaucoup moins, à peine une heure par jour Ainsi les trois quarts de son temps sont livrés à la parade Le même cortège est autour de lui, au botté, au débotté, quand il s’habille de nouveau pour monter à cheval, quand il rentre pour prendre l’habit de soirée, quand il revient dans sa chambre pour se mettre au lit […] Cependant, les jours ordinaires, le pharaon fait rage ; dans son salon, « le jeu n’a plus de bornes » ; en une soirée, le duc de Chartres y perd huit mille louis. […] Nulle privation plus intolérable ; on retrouve la trace de son chagrin jusque dans la protestation qu’il rédigera avant de partir pour Varennes : transporté dans Paris, sédentaire aux Tuileries, « où, loin de trouver les commodités auxquelles il était accoutumé, il n’a pas même rencontré les agréments que se procurent les personnes aisées », il lui semblera que sa couronne a perdu son plus beau fleuron. […] Sauf en quelques maisons princières, il n’est pas grand en meubles de campagne : on laisse cet étalage aux financiers. « Mais il est prodigieux en toutes les choses qui peuvent donner des jouissances à autrui, en chevaux, en voitures, en tables ouvertes, en logements donnés à des gens qui ne sont point attachés à la maison, en loges aux spectacles qu’on prête à ses amis, enfin en domestiques beaucoup plus nombreux qu’aujourd’hui. » — Par ce frottement mutuel et continu, les nobles les plus rustiques perdent la rouille qui encroûte encore leurs pareils d’Allemagne ou d’Angleterre.
Bien plus, si elle recherche ce secret, elle s’abdique et se perd en voulant se connaître. […] Ces vérités n’ont de valeur qu’autant qu’elles sont discutables ; elles ne s’imposent pas à nos raisons comme les axiomes de la géométrie ; elles ne peuvent sauver l’homme, ou le perdre, que parce qu’elles peuvent être toujours, ou librement admises, ou librement rejetées. […] Elle devient en outre tellement vaste que le génie même court risque de s’y perdre. […] En attribuer l’étude à la physiologie, c’est la perdre ; chercher à comprendre l’âme de l’homme en observant les plantes et les animaux, c’est s’exposer aux plus tristes mécomptes.
On prend à droite, on pille à gauche ; on découpe dans le tas des livraisons anciennes, ici une rubrique à effet, là quelque bout de scène ayant sa place marquée d’avance ; ou bien c’est un vieux cliché qu’on aurait tort de laisser se perdre ; ou c’est une situation maîtresse, qui n’appartient plus à personne, tant elle a passé de main en main… Et les phrases toutes faites, on n’a qu’à les cueillir. […] Car vous pensez bien qu’ils ne perdent pas le temps à corriger les épreuves du travail d’autrui, même quand ils ont jugé utile de se l’approprier, pour des raisons d’intérêt, financier supérieures aux raisons de la littérature. […] D’autre part, l’auteur, comprenant sa tâche qui est de se mettre à la portée de tous, de plaire, d’entraîner les imaginations, de cultiver la curiosité, s’ingéniera à retrouver les qualités que nous sommes en train de perdre et qui sont celles du conteur alerte, inventif, de parler clair et d’humeur facile. […] Pour ne rien laisser perdre de l’intérêt de ce drame réel, dans le supplément du dimanche, des images en couleurs exagèrent l’atrocité de la scène, les convulsions de la victime, le geste de l’égorgeur.
C’est une dégradation de teintes, une poussière de rais, un mica de sons, qui se meurent avec le dernier écho du cantique perdu au loin ; — et la nuit tombe sur cette immatérielle nature, créée par le génie d’un homme, maintenant repliée sur elle-même dans une inquiète attente. […] Fort de l’autorité des plus éminents critiques, par exemple des recherches d’un Lessing sur les limites de la peinture et de la poésie, je me crus en possession d’un résultat solide : c’est que chaque art tend à une extension indéfinie de sa puissance, que cette tendance le conduit finalement à sa limite, et que cette limite il ne saurait la franchir sans courir le risque de se perdre dans l’incompréhensible, le bizarre et l’absurde. […] « Le symphoniste se rattachait encore timidement à la forme dansante primitive, il ne se hasardait jamais à perdre de vue, fût-ce dans l’intérêt de l’expression, les routes qui le tenaient en relation avec cette forme ; et voici que maintenant le poète lui crie : « Lance-toi sans crainte dans les flots sans limites, dans la pleine mer de la musique ! […] Le Ménestrel (15 mars) : Deux critiques : 1° Arthur Pougin : J’affirme que Wagner, musicien admirable (« incomparable génie symphonique » « génie véritablement merveilleux ») n’avait le sens du théâtre ni comme musicien ni comme poète, que le livret des Maîtres Chanteurs qui m’occupent aujourd’hui est d’une niaiserie enfantine… [Le système wagnérien] Si c’est là de la logique, si c’est là de la vérité, c’est que j’ai perdu le sens de la valeur des mots… 2°Camille Benoit : Il s’agit d’un artiste extraordinaire, dont le nom est de ceux qui dominent un siècle, dont les œuvres sont exclusivement théâtrales, et qui déjà, entré dans le suprême repos, appartient à l’impartiale postérité… L’article de M.
Cette pitié qui l’a perdu tressaille encore dans son âme ; il s’enorgueillit de son sacrifice, il le déclare spontanément résolu, volontairement accompli. […] Pour secourir les mortels, je me suis perdu moi-même. » VI. — Le secret de Prométhée. — Vicissitudes et règnes précaires des dieux de la Grèce. — Zeus, menacé par Prométhée, lui envoie Hermès. […] Il lui répond amèrement : « Oui, si l’on applique à propos le remède à l’esprit malade, si l’on ne froisse point, en la touchant, la tumeur du cœur courroucé. » — Océanos s’aperçoit enfin qu’il perd sa sagesse ; il prend congé de l’incorrigible avec le dépit d’un donneur d’avis mal reçus. — « Tu me renvoies par cet accueil. […] » — « Non, pas avant que je sois délivré de ces chaînes. » Ce secret dont Eschyle donnait le mot dans le dernier drame de sa trilogie, nous est révélé par Pindare ; il provient sans doute d’une légende ancienne dont le sens reste à moitié perdu.
Avec Carnot, ce curieux mélange de puritanisme et de bucolique ; avec Pichegru, ce héros qui déshonore son casque en le tendant à l’argent de la trahison ; avec La Révellière-Lépeaux, ce Quasimodo de la cathédrale sans cloches de la théophilanthropie et dont Cassagnac nous a levé une empreinte si dédaigneusement burlesque ; avec madame de Staël, qui ne l’éblouit pas et qu’il sait regarder dans ses beaux yeux sans perdre la fermeté d’un homme qui juge une femme et sait la placer un peu au-dessous de sa gloire, Cassagnac nous a donné un Babeuf qu’on ne connaissait pas, et qu’il faudra désormais apprendre quand il s’agira d’en parler. […] Parmi tous ces portraits heureusement saisis, à l’exception peut-être de celui de Guizot, si grandi qu’il en perd toute proportion et toute réalité, nous en avons remarqué plusieurs que nous aurions voulu citer pour donner une idée des ressources variées du coup de pinceau de l’auteur. […] Enseignement perdu ! […] XIX Encore une fois, c’est cette beauté que je regrette, tombée qu’elle est où elle sera perdue !
Les faits observés et groupés par sa sagacité ne perdent rien de leur intérêt, même quand on les interprète autrement que lui. […] Je n’y ai oublié qu’une chose, c’est le fil, seconde tentative et pis encore que la première ; maintenant j’en suis à ma troisième : il est pourtant temps de réussir ou de se jeter par la fenêtre51. » Quand enfin il a réussi, avec Madame Bovary, il reprend triomphalement son image du collier de perles : « Les perles composent le collier, mais c’est le fil qui fait le collier, or enfiler les perles sans en perdre une seule et toujours tenir le fil de l’autre main, voilà la malice52. » Le fil, c’est la réalité épique ; les perles, ce sont les beautés lyriques. […] Or, comme on a supprimé le truc trop facile des confidents, il faut recourir, pour l’exposition, aux amies et amis indiscrets, aux serviteurs bavards ; tout cela potine et caquette dans une salle de bal, autour d’une table à thé ou d’un jeu de puzzle (qui tend à remplacer le whist), ou entre deux coups de balais ; et puisque tout se passe « comme dans la vie », c’est par de longs méandres qu’on arrive au but ; c’est du temps perdu pour l’action, et c’est un éparpillement de comparses qui nuit à la psychologie des personnages essentiels. […] La civilisation dont nous sommes aussi fiers que l’Égypte le fut de la sienne pourrait sombrer dans une nouvelle barbarie… Notre effort ne serait pas perdu ; d’autres peuples, recommençant l’ascension, retrouveraient nos traces et vivraient de notre indomptable espérance.
Quand il eut perdu son protecteur en 1586, il habita tantôt la Normandie, tantôt la Provence, et l’on sait peu de chose de lui durant ces années de troubles civils. Il tira sans doute l’épée quand il le fallut ; il vivait de la vie de société et de voisinage ; il s’occupait de ses affaires et de sa famille, il essayait péniblement d’établir sa maison : ayant perdu un fils aîné en bas âge et une fille déjà grandissante, il élevait un dernier fils auquel il devait encore survivre.
Accusé à l’instant même par les violents de la Commune, comme plus tard par ceux du parti opposé, il dut se livrer à une apologie qui a perdu de son intérêt avec les passions qui l’avaient rendue nécessaire. […] Puis récapitulant tous les pouvoirs affaiblis qui se flattaient alors de gouverner, et la Cour qui espérait toujours regagner par ruse et par achat des consciences ce qu’elle avait perdu, et les orateurs de l’Assemblée qui se croyaient forts de ce qu’ils avaient conquis en applaudissements, et la municipalité de Paris, le maire en tête, qui se croyait maître de la Commune, et les chefs même les plus populaires, Pétion, Marat, dont les noms retentissaient dans toutes les bouches : Pétion, Marat même, concluait-il, étaient gouvernés par la multitude.
si cette Madame pouvait nous bien représenter celle que nous avons perdue ! […] Elle aida plus que personne à le consoler ou à le distraire de la mort de la duchesse de Bourgogne ; elle allait près de lui le soir, aux heures permises, et marquait qu’elle se plaisait dans sa compagnie : « Il n’y a que Madame qui ne me quitte pas, disait Louis XIV, je vois qu’elle est bien aise d’être avec moi. » Madame a ingénument exprimé le genre d’affection ouverte et sincère qu’elle se sentait pour Louis XIV, lorsqu’elle a dit : « Quand le roi eût été mon père, je n’aurais pu l’aimer plus que je ne l’ai aimé, et j’avais du plaisir à être avec lui. » Quand la santé du roi décline et qu’il approche de la dernière heure, on voit Madame dans ses lettres laisser éclater sa douleur à nu ; elle, dont le fils sera Régent, elle craint, plus que tout, le changement de règne : « Le roi n’est pas bien (15 août 1715) ; cela me tracasse au point que j’en suis à moitié malade ; j’en perds l’appétit et le sommeil.
On ne saurait dire ce qui manque à sa prose : elle est pure, harmonieuse, exacte, mais elle n’invite point à continuer… Marié et veuf d’assez bonne heure, le président ne se remaria point ; il donne à sa femme, Mlle de Montargis, des regrets qui peignent assez bien le mélange de ses sentiments : « Et d’ailleurs, dit-il, où aurais-je jamais retrouvé une femme telle que celle que je venais de perdre ? […] Que lui a fait ce malheureux qui vient de perdre son bien, dont la femme vertueuse vient de mourir, suivie d’un fils unique qui donnait les plus grandes espérances ?
Ennuyé de perdre là mon temps à voir faire des grimaces, je profitai du moment qu’il regarda de mon côté, qui était celui de la porte : je m’avançai, lui mis le livre en main en lui faisant un court compliment ; à quoi, sans me dire un seul petit mot de M. de Meaux, il me répondit par cette dureté : « Vous m’avez bien pressé », o pour me reprocher mes paroles de ma précédente visite, où certainement je n’avais pas tort de lui avoir dit que les imprimeurs pressaient, parce que le livre était demandé et attendu avec impatience par le public… Je me retirai sans répliquer, bien résolu de ne paraître jamais, si je puis, à ce spectacle. […] Nous ne regrettons pas qu’il y perde ; le seul danger serait qu’en le lisant mal, et en s’emparant des circonstances triviales qui étaient la pâture naturelle de son esprit, on n’ôtât quelque chose au grand évêque, qui ne lui accorda jamais d’ailleurs, on ne saurait trop le redire, qu’une confiance très limitée.
Le moindre signe d’opposition ou seulement d’indifférence me trouble et m’abat, je perds toute présence d’esprit, tout sentiment et toute apparence de dignité. […] Dans le journal très intéressant, et qui ne va plus discontinuer depuis lors, de ses impressions et de ses pensées, on suit parfaitement, sans en rien perdre, les différents temps et presque les motifs de ses désirs, de ses troubles et de ses transformations de doctrine.
c’est un si bon homme… « Pour le reste, disait Chapelain, il a de la naissance et aurait les mœurs commodes, si l’amour excessif de la louange ne le perdait et ne l’étranglait. — Ce serait un bonhomme, disait-il encore, s’il n’était point si cupide de gloire et si jaloux de tous ceux qui en ont acquis par leurs ouvrages, surtout en fait de traduction. » Dans tous ces passages, et dans d’autres que je supprime, Chapelain n’a pas manqué de bien saisir et de noter cette faculté (dirai-je heureuse ?) […] Il y a des étourderies qu’on perd sa peine à vouloir expliquer.
Sur ce point délicat je me borne encore à dire, en écartant tout ce qui est indigne d’être entendu, que si, vers l’âge de trente ans, Marie-Antoinette en butte à toutes sortes d’intrigues et d’inimitiés, entourée d’amis qui la compromettaient fort et qui n’étaient pas tous désintéressés ni bien sincères, avait cherché et distingué dans son monde et dans son cercle intime un homme droit, sûr, dévoué, fidèle, un ami courageux, discret, incapable d’épouser d’autre intérêt que le sien, et si elle s’était appuyée sur son bras à certain jour, même avec abandon, il n’y aurait à cela rien de si étonnant ni de fait pour révolter ; et de ce qu’on admettrait, sur la foi des contemporains d’alors les mieux informés, cette sorte de tradition qui, à son égard, me paraît, si j’ose l’avouer, la plus probable, il ne s’ensuivrait pas qu’elle dût rien perdre dans l’estime de ceux qui connaissent le cœur humain et la vie, ni qu’elle fût moins digne de tout l’intérêt des honnêtes gens aux jours de l’épreuve et du malheur. […] Marie-Antoinette y perdit plus que Marie Leckzinska assurément ; car, sans compter que les circonstances étaient plus avancées et les temps plus mûrs, elle était plus femme à profiter des avis, et elle avait plus en elle l’étoffe d’une reine active.
Attache à ton cœur les ailes de la foi aussi bien que celles de l’amour, afin qu’il s’envole, non plus au désert comme la colombe, mais à ce lieu élevé où est bâtie la maison de notre Père… » Et dans le même temps il écrivait à l’abbé Jean, en retombant sur lui-même et en ayant tout à fait perdu de vue la sainte montagne : « … J’ai beaucoup souffert ces deux derniers jours. […] Toutes ces réflexions se mêlent, se croisent et se combattent dans mon pauvre esprit : je m’y perds, et je tâtonne dans des ténèbres profondes. » On ne saurait être mieux initié que nous ne le sommes maintenant aux fluctuations et aux perplexités qui précédèrent, — et plus tard (on le verra) aux regrets, aux sombres amertumes qui suivirent incontinent cette fatale détermination au sacerdoce ; car c’est ainsi qu’on a acquis le droit de qualifier une vocation qui parut au monde si ardente, qui fut de tout temps si inquiète et qui se trouva en définitive si fragile.
. — Il perd l’appui de Ney. — Démêlé avec Berthier. — Retraite en Suisse ; premières liaisons avec la Russie. — Raccommodement ; Jomini, général de brigade. — Retraite de Russie. […] On voit encore par la Correspondance de Napoléon, qu’il fut d’abord induit en erreur sur le vrai résultat de la bataille de Talavera ; on lui avait adressé des rapports complaisants et mensongers ; ce n’est que le 25 juin 1809 que l’Empereur écrivait de Schœnbrunn à Clarice, ministre de la guerre : « Le fait est que j’ai perdu la bataille de Talavera. » Ceci peut préciser la date de la conversation avec Jomini.
J’ai si rarement le plaisir de vous recevoir, que je ne veux pas le perdre encore cette fois. » « (18 février 1833.) […] Je crois qu’être moral, c’est espérer : moi, je n’espère pas ; j’ai blasphémé la nature et Dieu peut-être, dans Lélia ; Dieu qui n’est pas méchant, et qui n’a que faire de se venger de nous, m’a fermé la bouche en me rendant la jeunesse du cœur et en me forçant d’avouer qu’il a mis en nous des joies sublimes ; mais la société, c’est autre chose : je la crois perdue, je la trouve odieuse, et il ne me sera jamais possible de dire autrement.
Toutes les plaisanteries qui portent sur les institutions civiles et politiques contraires à la raison naturelle, perdent leur effet dès qu’elles atteignent leur but, la réformation de l’ordre social. […] La splendeur de la puissance, le respect qu’elle inspire, la pitié qu’on ressent pour ceux qui la perdent quand on leur suppose un droit à la posséder, tous ces sentiments agissent sur l’âme, indépendamment du talent de l’auteur, et leur force s’affaiblirait extrêmement dans l’ordre politique que je suppose.
Si la fable n’eût employé qu’un seul mètre, elle eût perdu la moitié de sa vérité et de son agrément : car l’alexandrin a beau s’humaniser, il garde toujours un air solennel ; douze syllabes sont un trop long vêtement pour une pensée légère et folâtre ; elle s’embarrasse dans les plis de ce manteau magnifique, et ne peut marcher que d’un air sérieux et compassé. […] Sous cette discipline des sons et de la mesure, elles perdent leur mouvement spontané et leur liberté native.
Le seigneur du Pradel, qui ne perdit jamais de vue l’intérêt national dans sa laborieuse activité de propriétaire rural, et dont le livre fut un bienfait public, a mérité des statues, plutôt qu’une place dans notre histoire littéraire. […] Les protestants, il faut bien le dire, s’effacent de la littérature, dès qu’ils désarment : ils se perdent dans la masse catholique, tandis que leur D’Aubigné, en qui revit tout le xvie siècle individualiste, anarchique et lyrique, lâche, retiré en son coin, ses chefs-d’œuvre grognons et surannés.
Si petit auprès de ces colosses écrasants, incapable de les attaquer ou de les dompter, l’homme fuyait à leur approche, perdu dans la foule des animaux inférieurs. […] Par des transitions dont toute trace s’est perdue, il s’est élevé, de l’état de fétiche, au rang de héros et de demi-dieu : mais il habite encore une Mythologie tout aryenne.
Le devoir qu’ils imposaient à leurs hôtes était si grave et si redoutable, qu’on l’avait soumis à des rites, faute desquels la supplication perdait sa vertu. […] » — Mais ce langage d’esclaves offense l’oreille de Pélasgos, « pasteur » et non « conculcateur des peuples », comme s’intitulaient les rois égyptiens, monarque patriarcal de l’ordre homérique, c’est-à-dire premier entre des égaux. — « Je te l’ai déjà dit : quand j’en aurais le pouvoir, je ne déciderais rien sans le peuple, de peur qu’il ne me dise un jour, si quelque revers arrivait : — Pour sauver des étrangères, tu as perdu la cité. » Même sous cette condition, Pélasgos temporise et hésite encore.
Je dis les défauts, mais il ne faut pas trop y insister d’abord, et il convient de ne pas perdre le fil du petit roman qui est noué à peine. […] Cette Lettre, qui a perdu aujourd’hui tout intérêt, atteste une plume ferme, capable d’une polémique virile, une lance d’amazone.
Plus loin encore, était le Bois-Chesnu, le bois des chênes, d’où, suivant la tradition, devait sortir une femme qui sauverait le royaume perdu par une femme (par Isabeau de Bavière). […] Quand cette enfant de seize ans sortit de son village, déterminée à faire sa conquête de France, elle était d’une vigueur et d’une audace tant de parole que d’action, qu’elle-même avait déjà un peu perdue et oubliée dans les longs mois de sa prison de Rouen.
Et tout d’abord, parlant de son propre père qu’il vient de perdre, et le dépeignant dans un sentiment filial plein d’élévation et de noblesse, que dira-t-il ? […] M. et Mme la duchesse de Bourgogne y tenaient ouvertement la cour, et cette cour ressemblait à la première pointe de l’aurore. » Pendant cinq jours on reste dans ces fluctuations et ces incertitudes dont il ne nous laisse rien perdre.
Il n’avait jamais interrompu personne ; il écoutait jusqu’au bout sans rien perdre ; il n’était point pressé de parler ; et, si vous l’aviez accusé, il aurait écouté tout le jour sans rien dire. […] On le vit pleurer de vraies larmes quand il le perdit.
Ils devaient se lancer à corps perdu dans l’exagération et le ridicule. […] Il perdit des amis dont il ne s’était jamais séparé un seul jour ; il était devenu vieillard, lui qu’on ne s’habituait guère à se figurer que sous la forme de la gentillesse et de la jeunesse de l’esprit.
Si c’est là l’ordinaire condition des femmes, même spirituelles, le mérite est d’autant plus grand chez celles qui savent s’affranchir des mobiles habituels à leur sexe, sans en rien perdre du côté de la grâce. […] Ils s’en aperçoivent eux-mêmes à leur tour, à l’heure où ils perdent leurs amis les plus chers.
Semblable à une eau qui se perd dans le sable si elle n’est arrêtée par une digue, l’homme n’est fort qu’autant qu’il est retenu. » Se croyant déjà revenu à Lycurgue ou à Moïse, il proposait sérieusement à l’administration de faire faire des éditions châtiées et exemplaires des auteurs célèbres : on extrairait de chaque auteur ce qui est grave, sérieux, élevé, noblement touchant, et on supprimerait le reste : « Tout ce qui serait de l’écrivain social serait conservé, tout ce qui serait de l’homme serait supprimé ; et si je ne pouvais faire le triage, dit-il, je n’hésiterais pas à tout sacrifier. » Telle est la pensée que M. de Bonald énonçait en 1796, qu’il continuera d’énoncer et d’exprimer pendant toute la Restauration, et qu’il voudra réaliser tant bien que mal en 1827, comme président du dernier Comité de censure : peut-on s’étonner de la suite d’après le début ? […] Avec Bonald, au contraire, on est comme si l’on s’embarquait d’abord sur un fleuve assez peu navigable ; puis le patron vous fait entrer dans un canal, et vous met à bord d’un bateau exactement fermé, où l’on descend et où l’on est sans plus voir la lumière ni le ciel, et l’on ne peut sortir la tête et regarder sur le pont que par intervalles, pour apercevoir en effet d’assez hautes et grandes perspectives, mais en regrettant de les perdre de vue si souvent.
Nous autres ignorants étions perdus, si ce livre ne nous eût relevés du bourbier. » Et il ajoute avec un vif sentiment de ce bienfait : « Grâce à lui, nous osons à cette heure et parler et écrire ; les dames en régentent les maîtres d’école : c’est notre bréviaire. » Rien ne saurait prévaloir contre un tel témoignage. […] Bon, facile, amateur de musique, un peu timide en public, un peu perdu dans les détails, vif d’humeur, mais revenant aisément, franc, ouvert et candide, tel on nous peint et tel aisément on se figure en effet le bon Amyot, que le malheur, vers la fin de son existence heureuse, vint tout à coup visiter.
J’étais persuadé que tout était perdu, et notre liberté, et les plus belles espérances du genre humain, si l’Assemblée nationale cessait d’être un moment, devant la nation, l’objet le plus digne de son respect, de son amour et de toutes ses attentes. […] Fidèle, en outre, au plan que nous nous sommes proposé dès l’origine, nous ne perdrons jamais de vue le précepte de Tacite : Praecipuum munus Annalium… « Mon dessein, disait Tacite en parlant des délibérations du Sénat sous Tibère, n’est pas de rapporter tous les avis des sénateurs ; je me borne à ceux qui offrent un caractère remarquable d’honneur ou d’opprobre, persuadé que le principal objet de l’histoire est de préserver les vertus de l’oubli, et de contenir par la crainte de l’infamie et de la postérité les discours et les actions vicieuses. » Ce fut le programme de Mallet, programme d’historien encore plus que de journaliste, a-t-on dit avec justesse.
Louis XIV a lui-même exposé la première idée qu’il se fit des choses, et cette première éducation intérieure qui s’opéra graduellement dans son esprit, ses premiers doutes en vue des difficultés, ses raisons d’attendre et de différer ; car « préférant, comme il faisait, à toutes choses et à la vie même une haute réputation, s’il pouvait l’acquérir », il comprenait en même temps « que ses premières démarches ou en jetteraient les fondements, ou lui en feraient perdre pour jamais jusqu’à l’espérance » ; de sorte que le seul et même désir de la gloire, qui le poussait, le retenait presque également : Je ne laissais pas cependant de m’exercer et de m’éprouver en secret et sans confident, dit-il, raisonnant seul et en moi-même sur tous les événements qui se présentaient ; plein d’espérance et de joie quand je découvrais quelquefois que mes premières pensées étaient les mêmes où s’arrêtaient à la fin les gens habiles et consommés, persuadé au fond que je n’avais point été mis et conservé sur le trône avec une aussi grande passion de bien faire sans en devoir trouver les moyensm. […] Ce sont les accidents extraordinaires qui lui font considérer ce qu’il en retire ordinairement d’utilité, et que, sans le commandement, il serait lui-même la proie du plus fort, il ne trouverait dans le monde ni justice, ni raison, ni assurance pour ce qu’il possède, ni ressource pour ce qu’il avait perdu ; et c’est par là qu’il vient à aimer l’obéissance, autant qu’il aime sa propre vie et sa propre tranquillité.
Les lettres de consolation qu’il adresse à certaines personnes qui ont perdu de leurs proches sont alambiquées, subtiles, et sentent encore moins le contemporain que le devancier prétentieux et un peu arriéré de Balzac. À la comtesse de Soissons, à l’occasion de la mort du comte son mari, il dira assez singulièrement et pour lui persuader qu’elle y a gagné plutôt que perdu : « Si vous désirez votre bien, il est meilleur que vous ayez un avocat au ciel qu’un mari en terre (sur la terre). » Une fois, il donne des conseils intérieurs et tout spirituels à une âme dévote qui éprouvait des peines et des découragements dans l’oraison ; il essaye avec elle d’un langage et d’une science mystique, où il est aisément vaincu par les saint François de Sales et les Fénelon.
Grimm, d’ailleurs, était hors de France pendant la très grande partie du séjour de Rousseau à l’Ermitage (1756-1757) ; il avait perdu son ami le comte de Friesen, enlevé dans la fleur de la jeunesse, et le duc d’Orléans s’était chargé de sa fortune. […] Rousseau, pour se dégager de toute reconnaissance envers Mme d’Épinay, affecte de la soupçonner de je ne sais quel procédé atroce et bas, de je ne sais quelle lettre anonyme qu’on a adressée à Saint-Lambert à son sujet, et il en prend occasion de lui écrire à elle une lettre injurieuse ; il y a de quoi se perdre dans ce labyrinthe de tracasseries et de noirceurs : Le mal est fait, dit Grimm ; vous l’avez voulu, ma pauvre amie, quoique je vous aie toujours dit que vous en auriez du chagrin… Il est certain que cela finira par quelque diable d’aventure qu’on ne peut prévoir ; je trouve que c’est déjà un très grand mal que vous soyez exposée à recevoir des lettres insultantes.
Si jamais cette indulgence pour les poètes, les peintres, les musiciens, devient générale dans le public, c’est une marque que le goût est absolument perdu… Les gens qui admirent si aisément les mauvaises choses ne sont pas en état de sentir les belles. […] Ces tristes idées qu’il avait de tout temps nourries, et où il faisait bon marché de la majorité de l’espèce, durent lui revenir plus habituelles et plus présentes dans les années de sa chagrine vieillesse, après qu’il eut perdu tous ses amis, et quand le monde, bouleversé en apparence, se renouvelait autour de lui d’une façon si étrange.
Arrivé à l’âge de vingt ou vingt-deux ans, le jeune Arnault, que Madame (femme du comte de Provence) n’avait point perdu de vue, lui fut présenté, obtint sa protection et devint secrétaire de son cabinet ; c’était un dédommagement, mais très insuffisant, puisque les finances de cette bonne princesse étaient elles-mêmes atteintes dans la réforme. […] Ma douleur n’est qu’une émotion passagère, dont j’ai presque perdu le souvenir à l’aspect du bonheur des deux amants.
Il est comme l’acteur de profession, chez qui tout geste et toute parole perd son caractère spontané pour devenir une mimique ; c’est Talma cherchant à tirer parti même du cri de douleur sincère qui lui est échappé à la mort de son fils, et s’écoutant sangloter. […] Des brouillards obscurs passent lentement, gravement, éternellement. » On croirait bien lire du Pierre Loti : c’est toujours ce même sentiment des vicissitudes à cycles réguliers et des transformations monotones de toute existence, qu’inspire l’océan et le ciel, la vie en plein infini, sans interposition d’êtres humains et de distractions mesquines, sans cloison opaque qui arrête l’œil perdu dans la transparence sans fond des flots et de l’éther.
Zola, notamment dans Nana, le Bonheur, Germinal, le romancier, tout en conservant une vue très nette des lieux où se passe son action, et d’excellentes aptitudes descriptives, a si bien simplifié le mécanisme de ses personnages, leur prête des conversations si banales et des caractères si généraux, qu’ils perdent toute individualité nette. […] Ce que nous y aimons, c’est cette Christine si bonne, si douce, sensée, aimante, d’une si belle noblesse d’âme et toute simple ; c’est même cette brute de Lantier, qui, s’il ne mettait une grossièreté de manœuvre à clamer des théories ridicules, serait en somme un être bon, simple et fort, qui eût pu être un brave homme faisant des heureux autour de lui, s’il n’était allé se perdre dans une carrière où il est, malgré son intransigeance, un médiocre et un raté ; c’est Sandoz, d’une si belle fermeté, têtu, paisible et solide, ayant une idée en tête et la réalisant patiemment sans se tourner aux clameurs sur ses talons.
A ce point de vue, qui n’est guère celui de la critique classique d’autrefois, les grands écrivains de la France perdent en quelque sorte leur individualité ; ils ne sont que les moments différents de l’évolution de l’idée : ils en expriment les diverses étapes. […] La Fronde, bien entendu, est un événement perdu auquel on ne fait que de vagues et lointaines allusions : à plus forte raison a-t-on oublié le xvie siècle.
Si, en y regardant avec soin, on découvre que les hommes qui pouvaient tant par la circonstance et sur la circonstance n’en ont jamais su tirer le grand parti, depuis Grégoire VII lui-même jusqu’à Innocent III, et depuis Innocent jusqu’à Pie V, il est clair que ce n’est pas seulement aux yeux de la malveillance et de la haine que de tels hommes doivent perdre de leur niveau. […] C’était, au contraire, un homme éminent, et qui ne perd de sa haute valeur que quand on songe aux facilités qu’offrait son époque pour être grand à bon marché.
nous ne voulons pas perdre nos rogatons ! […] Mais le brouillard, sans être plus saisissable pour cela, s’épaissit, et bientôt on s’y perd, notions et langue même !
C’était un chrétien et presque un chrétien mystique, dont le regard, souvent lucide, ne devait pas perdre sa lucidité quand il se retournait sur lui-même. […] Il a vu positivement, à l’œil nu, la main de Dieu, qui prit Habacuc par les cheveux, se perdre dans les cheveux embroussaillés de Hello, dont on peut dire peut-être ce que madame de Fontenay disait du doux platonicien Joubert : que son âme avait un jour rencontré son corps et qu’elle s’en tirait comme elle pouvait.
Ce titre poétique d’Abélard s’est perdu dans ses querelles, ses malheurs et sa pénitence. […] Le mal présent accroît la mémoire du bien a perdu.
Je commence à croire qu’on a tort ; il est de ces natures qui n’auraient jamais poussé très-loin en élévation et en art sérieux ; en se dissipant comme follement sur la plus large surface, il a l’air de perdre des facultés qu’il ne fait après tout qu’employer et produire dans tous les sens, et il y gagne encore de faire croire à un mieux possible qu’il ne lui eût été donné dans aucun cas de réaliser20.
Mais notre clergé n’était pas assez prompt pour se prêter aussitôt à une évolution aussi hardie ; il venait d’exercer et d’accaparer le pouvoir, il fut tout étourdi de le perdre, et ne s’avisa que lentement des moyens de le regagner.
Par malheur, il n’en est point absolument ainsi ; ce qu’on recueille dans de gros volumes n’est pas sauvé par là même, et ce qui reste dans des feuilles éparses n’est pas tellement perdu que cela ne pèse encore après vous pour surcharger au besoin votre démarche littéraire, et, plus tard, voire mémoire (si mémoire il y a), de mille réminiscences traînantes et confuses… Il convient donc de ne répondre littérairement que de ce qu’on a admis, et, sans avoir à désavouer le reste, de le rejeter au fond.
En général, madame de Maintenon ne s’élève pas au-dessus des détails, et même, dans ses plus grands chagrins, ne les perd pas de vue.
Malgré leur ténacité connue, leur règne sera court ; il touche à sa fin, et, une fois qu’ils l’auront perdu, ils ne le retrouveront pas.
Les coups qu’il a portés, non pas au talent éminent de ces hommes, mais à l’influence prolongée, à l’importance absolue de leurs doctrines, n’ont pas été perdus pour beaucoup d’esprits et ont hâté le désabusement de plusieurs, en même temps que la vieille admiration des autres s’en est émue.
Le cœur tend à l’égalité, et quand la reconnaissance se change en véritable tendresse, elle perd son caractère de soumission et de déférence : celui qui aime, ne croit plus rien devoir ; il place au-dessus des bienfaits leur inépuisable source, le sentiment, et si l’on veut toujours maintenir les différences, les supériorités, le cœur se blesse et se retire ; les parents cependant ne savent, ou ne veulent presque jamais adopter ce nouveau système, et la différence d’âge est, peut-être, cause qu’ils ne se rapprochent jamais de vous que par des sacrifices ; or il n’y a que l’égoïsme qui sache s’arranger du bonheur avec ce mot là.
Mais il menace toujours de détrôner Jupiter ou d’enflammer le monde aux éclairs de son épée, et, par ces hyperboles que son imagination enfante, il conserve son amour-propre dans la douce persuasion de son invincible vaillance : il ne peut être mis à l’épreuve sur de tels desseins ; s’il parlait terre à terre, il perdrait l’illusion de son héroïsme au premier choc de la réalité.
«… IL faut avoir de l’humanité, et laisser à un nègre au moins cinq pieds en longueur et deux en largeur pour s’ébattre, pendant une traversée de six semaines et plus, car enfin, disait Ledoux à son armateur pour justifier cette mesure libérale, les nègres, après tout, sont des hommes comme les blancs. » — « Cependant le pauvre Tamango perdait tout son sang.
Les pharisiens ont dit que ses premiers romans avaient perdu beaucoup de jeunes femmes, et — comédie exquise — les romanciers naturalistes ont parlé comme les pharisiens.
Savoir est de tous les actes de la vie le moins profane, car c’est le plus désintéressé, le plus indépendant de la jouissance… C’est perdre sa peine que de prouver sa sainteté ; car ceux-là seuls peuvent songer à la nier pour lesquels il n’y a rien de saint. » L’Avenir de la Science est un livre de foi, car je ne connais point de livre où le scepticisme et le dilettantisme mondains soient traités avec un mépris plus frémissant de colère.
Perdons l’habitude de considérer comme stupide et comme ennemi quiconque n’entend pas et ne ressent pas le beau tout à fait comme nous, ce beau que, depuis vingt-quatre siècles, les philosophes ne sont pas parvenus à définir proprement.
Il a trop cru aux mots, et les mots l’ont perdu.
On lisait sur le fronton de telle école antique : « Que nul n’entre ici s’il ne sait la géométrie. » L’école philosophique des modernes porterait pour devise : « Que nul n’entre ici s’il ne sait l’esprit humain, l’histoire, les littératures, etc. » La science perd toute sa dignité quand elle s’abaisse à ces cadres enfantins et à ce langage qui n’est pas le sien.
Elle n’attendait plus qu’une occasion pour le perdre.
Cela est sans contredit juste et parfaitement écrit ; mais à la suite, quand Agnès déclare à son tuteur qu’un jeune homme, malgré tous les obstacles, a trouvé le moyen de s’introduire près d’elle et de lui plaire, le tuteur se plaint d’avoir perdu tous les soins qu’il a pris pour lui plaire lui-même ; Agnès lui répond : Vraiment, il en sait donc là-dessus plus que vous, Car à se faire aimer il n’a pas eu de peine.
J’ai perdu l’estime de M.
Chaque individu perd de vue la valeur représentative de ses actes et de ses passions pour ne s’attacher qu’au bonheur ou à la douleur qu’il en retire.
C’est la tradition tombée à la secousse Des révolutions que Dieu déchaîne et pousse ; Ce qui demeure après que la terre a tremblé ; Décombre où l’avenir, vague aurore, est mêlé ; C’est la construction des hommes, la masure Des siècles, qu’emplit l’ombre et que l’idée azure, L’affreux charnier-palais en ruine, habité Par la mort et bâti par la fatalité, Où se posent pourtant parfois, quand elles l’osent, De la façon dont l’aile et le rayon se posent, La liberté, lumière, et l’espérance, oiseau ; C’est l’incommensurable et tragique monceau, Où glissent, dans la brèche horrible, les vipères Et les dragons, avant de rentrer aux repaires, Et la nuée avant de remonter au ciel ; Ce livre, c’est le reste effrayant de Babel ; C’est la lugubre Tour des Choses, l’édifice Du bien, du mal, des pleurs, du deuil, du sacrifice, Fier jadis, dominant les lointains horizons, Aujourd’hui n’ayant plus que de hideux tronçons, Épars, couchés, perdus dans l’obscure vallée ; C’est l’épopée humaine, âpre, immense, — écroulée.
Il faut considérer la caractéristique, la terminaison, l’augment et la pénultième de certaines personnes des temps des verbes ; choses d’autant plus difficiles à connaître, que la caractéristique se perd, se transpose ou se charge d’une lettre inconnue, selon la lettre même devant laquelle elle se trouve placée.
La raison d’une prédilection tellement opposée à ses interêts, c’est que les jeux qui laissent une grande part dans l’évenement à l’habileté du joüeur, exigent une contention d’esprit plus suivie : et qu’ils ne tiennent pas l’ame dans une émotion continuelle ainsi que le jeu des landsquenets, la bassette et les autres jeux où les évenemens dépendent entierement du hazard : à ces derniers tous les coups sont décisifs, et chaque évenement fait perdre ou gagner quelque chose.
La crainte de la mort intimide ceux qui ne s’animent point à la vûë de l’ennemi, et ceux qui s’animent trop, perdent cette présence d’esprit, si nécessaire pour voir distinctement ce qui se passe, et pour découvrir ce qu’il conviendroit de faire.
Il falloit pour aller herboriser qu’il se cachât comme les autres enfans se cachent pour perdre leur temps.
C’est ainsi que Scipion L’émilien avoit reconnu le génie de Marius, quand il répondit à ceux qui lui demandoient quel homme séroit capable de commander les armées de la republique, si l’on venoit à le perdre : que c’étoit Marius.
Après avoir cité des passages des Pensées pleins de belles antithèses, nous concluons formellement par ces mots : « On voit le profit qu’on peut tirer de ce magnifique style. » Voilà comment nous déconseillons la lecture de Pascal « comme du temps perdu ».
Même les ennemis religieux et politiques de l’auteur, qui n’auraient, pour perdre Michelet comme historien, qu’à citer les faits étrangement immondes dont son livre est plein, ne peuvent pas justement les citer !!!
Je n’ai aucun attachement aux richesses, mais je ne suis pas encore assez habile pour trouver que j’ai tout le nécessaire si je n’avais que le nécessaire, et je perdrais plus de la moitié de mon esprit si j’étais à l’étroit dans mon domestique. » Vivre à l’étroit, se contenter du nécessaire, c’est ce qu’un Renan, un Stendhal acceptent d’enthousiasme.
On retrouve une autre population grecque à Constantinople, puis elle est séparée du reste de l’Asie par six millions de Turcs et des millions de Tartares et de peuples caucasiens ; on la retrouve dans les îles et sur l’extrême littoral de l’Ionie et de l’Asie, puis elle est noyée dans des millions de Turcs et de Caramaniens jusqu’au Taurus et au-delà ; elle reparaît en Syrie, mais en extrême minorité, comparée aux Syriens, aux Maronites, aux peuples d’Alep, de Damas ; enfin elle se perd au-delà de la Mésopotamie, dans l’océan des races arabes, kurdes, persanes, égyptiennes, qui vont se perdre elles-mêmes dans les peuples noirs du Sennaar et de l’Éthiopie. […] À un tel partage la France a tout à perdre, et rien à gagner que la force doublée de ses ennemis naturels.
Les familles deviennent de petites dynasties qu’on ne peut déposséder du domaine patrimonial ; le désordre même du fils aîné ne peut ruiner la génération qui est après lui, puisque la terre principale, l’État, comme dit l’Angleterre ou l’Allemagne, n’est jamais saisissable ; le possesseur viager est dépossédé du revenu, le possesseur perpétuel (la famille) reste investi à jamais du capital ; une génération recouvre ce qu’une génération a momentanément perdu. […] Une famille ruinée par les fautes ou par les malheurs d’une seule génération est une famille perdue pour l’État ; en perdant sa fortune stable dans une contrée, elle perd ses influences, ses patronages, ses clientèles, ses exemples, son autorité morale et politique dans le pays.
Le Tasse écrivit à Alphonse des consolations où la tendresse s’unit au respect ; le poète perdait lui-même, dans le cardinal Hippolyte d’Este, un de ses protecteurs les plus déclarés et les plus puissants à Rome. […] La crainte de perdre le Tasse, et avec le Tasse l’honneur d’avoir produit le plus accompli des poèmes, était devenue une passion jalouse dans le cœur du duc de Ferrare. […] Dix-huit années s’étaient écoulées depuis ce mariage ; la jeune et belle Cornélia était devenue une grave et tendre mère de famille ; elle avait perdu son mari ; elle continuait à vivre seule et dans une médiocrité presque indigente dans sa maison à Sorrente, sans autre fortune que les orangers et les figuiers du petit domaine de ses pères.
Un individu est retombé en enfance, cela veut simplement dire qu’il a perdu tous ses moyens de contrôle, toutes ses possibilités d’organisation et de construction. Si l’on veut voir une analogie entre les vagissements du nouveau-né et les bredouillements des gâteux, si l’on peut se méprendre sur leurs similitudes, c’est qu’on a perdu toute notion des valeurs. […] Car on ne perd la raison que par la raison effrénée et non par la fantaisie effrénée.
Sully-Prudhomme sera la longue recherche d’une réponse à ce Cri perdu. […] Comment perdre son temps à chercher des lignes qui riment ensemble et qui aient le même nombre de syllabes, quand on peut s’exprimer en prose, et en prose nuancée, précise, harmonieuse ? […] Et ils peuvent aussi, en bien des parties, être déraisonnables, absurdes et fous (voyez le Paradis perdu). […] Tu te moqueras des hommes de l’univers et de Dieu, tu te moqueras de toi-même, et tu finiras par perdre le souci et le goût de la vérité. […] Je me garderai donc de lui souhaiter en finissant un peu d’indulgence, un peu de frivolité, un peu de dépravation : il n’aurait qu’à y perdre !
En enseignant, on apprend toujours soi-même ; et je ne veux point, en m’engageant dès à présent à conclure de telle ou telle manière, perdre le bénéfice de ce que mon enseignement m’apprendra. […] 4° La quatrième question est peut-être plus vaste encore, et si nous ne voulons pas nous y perdre, il faudra commencer par distinguer les uns des autres les Modificateurs des genres. […] Ce n’est qu’un nuage qui passe et une tache en un coin de l’air ; elle s’y perd plutôt qu’elle ne s’y arrête. […] D’après le sens littéral de cette explication, il semble que le Paradis perdu serait un poème classique, et la Henriade une œuvre romantique. […] Il se pourrait, depuis une cinquantaine d’années, que l’on eût un peu perdu de vue ces considérations.
Mais remarquez qu’à reculer ainsi et à faire reculer la conscience, nous la ruinons ; car nous la faisons reculer jusque dans l’inconscient où elle se perd. […] Il a maintenu la prière « parallèlement à la foi en une raison omnisciente et omniprévoyante de Dieu, par quoi, en somme, la prière perd sa portée et devient même blasphématoire ». […] Quand la pitié entre dans le cœur de l’espèce supérieure, celle-ci est perdue, et avec elle la nation, et avec elle une civilisation, et tout est à recommencer. […] Si avec tout cela elle se laisse gagner et séduire aux sophismes grossiers de la plèbe, elle est perdue et avec elle la civilisation qu’elle avait créée et dont elle porte encore, en vain, le drapeau. […] Le lecteur est perdu, lorsqu’il veut connaître exactement l’opinion de Sterne sur un sujet et savoir si l’auteur prend un air souriant ou attristé.
C’est à l’époque de l’inflammation du moignon et des troncs nerveux qu’elles sont les plus vives ; les malades accusent alors de très fortes douleurs dans tout le membre qu’ils ont perdu. […] Je me suis convaincu, par des recherches suivies, que le sentiment dont il s’agit ne se perd jamais entièrement. […] Pendant les accès, le bras qu’il avait perdu depuis si longtemps lui paraissait sensible à l’impression du moindre courant d’air. […] Nous annonçons que tout être sentant, qui touchera ou aura touché la bille, aura ou aura eu le groupe de sensations musculaires, tactiles, visuelles que nous avons nous-mêmes ; que tout corps qui viendra ou sera venu choquer la bille perdra ou aura perdu une portion de son mouvement.
Et là, est revenu avec nous le docteur Potain, le second témoin de Léon, qui malgré les sollicitations de tout le monde, se refuse à dîner et s’en va, ayant pour principe, que si une fois il dînait en ville, il serait obligé d’y dîner d’autres fois, et que son travail du soir serait complètement perdu. […] Ce soir, au dîner des Spartiates, on soutenait que l’homme de l’Occident, était une individualité plus entière, plus détachée, plus en relief sur la nature, moins mangée par l’ambiance des milieux, par cela même une individualité plus déteneuse d’une volonté propre que l’homme de l’Orient, dont l’individualité est comme perdue, fondue, noyée, dans le grand Tout, en son exubérance de végétalité et d’animalité, et faisant de l’homme de là-bas la proie du nirwanisme, de cette lâche et souriante veulerie d’une volonté, qui semble avoir donné sa démission, devant le rien qu’est l’humanité en ces contrées exotiques. […] Eh bien, cette demi-journée perdue, je ne la regrette pas, car ce tableau est un des dix tableaux qui ont donné à mes yeux la grande joie, car ce Turner, c’est de l’or en fusion, avec dans cet or une dissolution de pourpre. […] Samedi 5 décembre Un viveur du grand monde parisien déclarait devant moi, qu’il n’aimait que les filles, et il les exaltait en disant, que ces créatures sorties du trou aux vaches, arrivent à être les maîtresses du goût et de la mode de Paris, et cela par une admirable diplomatie et la plus savante conduite de la vie, sachant qu’elles perdent leur position, rencontrées un maquereau au bras, ou une robe canaille sur le dos. […] Du reste, le marchand oriental a toujours été un peu cachottier de ses choses à vendre, et peu désireux de les laisser voir, sachant que les choses vues par trop de monde, perdent une partie de leur valeur.
à être vu sous l’angle où je le présente ici, il ne perd rien de sa grandeur morale, de sa mâle beauté ; au contraire il y gagne en vérité humaine, et ses défauts même éveillent la sympathie, étant le conflit d’un génie épique avec une formule dramatique. […] Il serait injuste de n’en voir que ce côté ; elle fut aussi pour la généralité, et surtout dans certains cas, une haute discipline de l’esprit ; elle donna à toute la vie intellectuelle du xviie siècle une tenue qui est en fin de compte une qualité de fond ; ce serait une belle tâche que d’en dégager l’essentiel, ce qui nous en demeure acquis grâce au travail de plusieurs générations, et aussi ce que nous en avons perdu par le journalisme hâtif, par l’arrivisme démagogique et par l’esprit facilement ordurier des boulevards ; mais ce sujet, même si je ne faisais que l’esquisser, nous entraînerait trop loin ; il me suffit de l’avoir indiqué, comme un complément nécessaire à ma synthèse. […] Ainsi le christianisme aboutit à la théocratie, la féodalité à la constitution d’une caste privilégiée, l’idée de la raison universelle au rationalisme. — La royauté absolue a perdu la conscience de ses devoirs ; elle décline ; avec elle, tout le système, social, religieux, philosophique, littéraire. […] Dans le roman : Sapho, souffletée, roule avec son amant sur le lit où il se réveillera irrémédiablement perdu ; — Gaussin, à Marseille, attend sa maîtresse, la cause de sa ruine et la seule et amère consolation ; il reçoit la lettre d’adieu. […] Celui-ci commence par chercher sa voie, hésite, désespère ou prend courage, perd son but de vue ou pense le découvrir où il n’est pas, et, lorsque enfin il est “arrivé”, s’il se retourne pour considérer le passé, se rend compte avec étonnement que le résultat obtenu n’est point celui auquel il visait d’abord.
Ici, par exemple, rien n’est perdu pour la physiologie. […] Elle n’avait donc pas mangé depuis environ trente-neuf jours, et l’animal n’avait perdu que 3 onces de son poids. […] Lehmann a constaté que le sang de la veine porte, en traversant le foie, perd une certaine quantité de ses principes azotés, et que la fibrine y diminue notablement. […] Une fois arrivé vers 18 ou 20 degrés, l’animal est devenu insensible dans les extrémités, a perdu la faculté de se réchauffer spontanément, ainsi que l’a déjà vu M. […] Il ne faut jamais perdre ces faits de vue, car ils sont la clef d’un certain nombre de phénomènes qui se rattachent au diabète.
Ils ont perdu peu à peu, dirait-on, le sentiment du mystère qui les entoure. […] Aussi le rôle du poète symboliste consiste-t-il, en quelque sorte, à reconstituer dans l’esprit moderne une faculté perdue : le sens du mystère. […] Leurs pauvres corps rachitiques se perdent dans ces belles étoffes dont la disposition superbe ne s’accorde pas du tout avec un si malingre contenu. […] L’abominable cellule qu’il voulait peindre dans l’un de ces poèmes, — et nous perdrions notre temps à lui reprocher de l’avoir voulu peindre, — comme il en évoque, en quelque vers, toute l’horreur ! […] … L’écho des jours perdus est mort en ma mémoire.
Si cette étude vous procure le bénéfice que je compte en retirer pour moi, je n’aurai pas perdu mon temps ; si elle ne le procure qu’à moi, ce qui est assez probable, je ne l’aurai pas perdu non plus. […] Il faut donc sauver l’esprit religieux si l’on veut que la morale ne soit pas perdue. […] Et à tel jeu et au cours de ces alternances, c’est la vérité qui se perdrait et qui ne se retrouverait plus. […] Il est adorateur de la justice ; or ce qu’il a très bien vu, c’est que la justice absolue, c’est la fraternité absolue, que la justice poussée en quelque sorte à son idéal se confond avec la fraternité, s’y perd ou plutôt y perd sa forme et son nom, mais y vit avec plénitude et y triomphe avec délices. […] Et alors la justice perd son nom, mais retrouve sa source, perd son nom, mais retrouve sa vraie nature.
Bien des gens lèveront les bras au ciel, et diront que voilà beaucoup de temps perdu et de papier gâché. […] Il y a des gens qui croient que le temps consacré aux brouillons est du temps perdu, et qu’il vaut bien mieux écrire tout de suite la copie définitive. […] Ce n’est pas du tout perdre son temps que de parcourir le matin une douzaine de journaux français et étrangers. […] « Le beau ne perdrait rien de son prix quand il serait commun à tout le genre humain ; il en serait plus estimable. […] un autoritaire perdu par un amoureux.
Nous ne perdrons donc pas de vue, en les suivant les unes et les autres, qu’il s’agit surtout de déterminer le rapport de l’homme à l’ensemble du règne animal, et la place du règne animal lui-même dans l’ensemble du monde organisé. […] D’ordinaire, l’une des deux tendances recouvre ou écrase l’autre, mais, dans des circonstances exceptionnelles, celle-ci se dégage et reconquiert la place perdue. […] Nos habitudes individuelles et même sociales survivent assez longtemps aux circonstances pour lesquelles elles étaient faites, de sorte que les effets profonds d’une invention se font remarquer lorsque nous en avons déjà perdu de vue la nouveauté. […] Il semble que la vie, dès qu’elle s’est contractée en une espèce déterminée, perde contact avec le reste d’elle-même, sauf cependant sur un ou deux points qui intéressent l’espèce qui vient de naître. […] C’est seulement en regardant la conscience courir à travers la matière, s’y perdre et s’y retrouver, se diviser et se reconstituer, que nous formerons une idée de l’opposition des deux termes entre eux, comme aussi, peut-être, de leur origine commune.
La sortie de M. de Chauvelin affaiblit le ministère du cardinal de Fleury et laissa libre cours aux mauvaises influences : « Il avait ses défauts, écrivait d’Argenson après quelques années (1748), mais plus de grandeur et de droiture que tout le reste du ministère d’aujourd’hui15 », Il perdit en lui un bon guide et un conseiller utile, qui le tenait en garde contre ses défauts. […] Cependant voilà le malheur du Français : on prend pour médecins des gens d’imagination (Silva), et pour ministres les robins qui ont le plus fréquenté la Cour, c’est-à-dire ceux qui ont le plus perdu leur temps et qui ont le plus négligé les pauvres et la justice.
» La plupart de ceux qui ont mis ainsi leur pensée en tout son jour y perdent avec le temps et diminuent. […] Pour que Villon perdît à nos yeux quelque chose de son avantage, comme paraît le désirer M.
Il est ainsi arrivé à des jugements sur son auteur qui ne sont point d’une parfaite exactitude : il nous dira, par exemple, que ses écrits n’ont rien perdu aujourd’hui de leur fraîcheur, tandis que cette fraîcheur, ils ne l’eurent pas même en naissant. […] Chateaubriand en fait son livre le plus éclatant, qui va redorer de son rayon, pour plus d’un demi-siècle, la grille du sanctuaire et le balustre des autels ; Benjamin Constant, à ses moments perdus, entre la maison de jeu et la tribune, refait et retouche sans cesse un livre plus vrai peut-être, plus religieux et plus philosophique que celui de l’autre ; mais sa poudre est restée trop longtemps en magasin, elle est mouillée ; il n’y a pas, comme pour Le Génie du Christianisme, feu d’artifice et illumination soudaine.
et de longs soupirs ridicules, mais celle que les délicats, les voluptueux, les prince de Ligne, les Saint-Évremont de tous les temps, ceux qui y ont vécu ou qui étaient dignes d’y vivre ont goûtée, ont décrite, ont vainement essayé de retrouver après l’avoir perdue, j’aurais voulu, moi aussi, te traverser et te connaître, mais non pas me renfermer en toi et y mourir ! […] Non, pour être plus affranchie de ton et de manières, pour être de moins en moins initiée à ces mille et une nuances de tradition et de plus en plus élevée hors de serre, la femme décente, spirituelle et aimable n’est point perdue ; la femme intelligente a plutôt gagné et gagne chaque jour.
Il était déjà en vue de la ville quand un coup de vent repousse le vaisseau de la côte d’Afrique, l’emporte en quelques heures à bien des lieues, de l’autre côté de la Sardaigne, en face de Cagliari, et quelques jours se passent à attendre le vent et à regagner le chemin perdu. […] J’ai tous les renseignements imaginables sur ce fait. » Il ne perdit nullement de vue son idée bienfaisante : on fit venir la petite fille en France, et Mme Adélaïde la prit en effet sous sa protection.
Ce n’est pas impunément qu’on se trouve sur le théâtre de si grands événements ; ce qui doit élever l’âme ne perd pas à être vu de près, et ce petit village en ruines parle bien plus au cœur que ces grandes Pyramides, qui n’étonnent que les yeux. ». […] Cependant les choses politiques suivirent leur cours, et la mésintelligence diplomatique continuant de plus belle, Horace finit par se féliciter de n’avoir pas redit complètement des paroles d’amitié qui avaient perdu tout à-propos26.
La lettre autographe du roi au pape, qu’on croyait perdue, qui faisait lacune dans les Archives du Vatican, dont la minute manque également dans les papiers de Simancas, mais dont M. […] Évitons, dans l’art sérieux, de rendre trop sensible le divorce entre la poésie et la vérité ; la première ne peut qu’y perdre et se décréditer à vue d’œil.
Mais il n’y a pas un moment à perdre. » Prendre et garder, ou ne rendre que le moins possible : Maurice, on le voit, était de la race des gros mangeurs, et dans la politique de ce temps-là où la force était tout, et où le droit, de chaque côté, ne venait qu’en auxiliaire à la suite, ce n’était pas le plus sot rôle. […] » Elle ne courait point le danger sans doute d’être rayée du rang des nations ; mais Louis XIV, qui exigeait si impérieusement de Villars qu’il livrât une bataille, et qui avait prévu le cas désespéré où elle serait perdue, afin de risquer en personne le tout pour le tout dans un suprême et dernier effort, savait mieux apparemment à quoi s’en tenir sur ses affaires que MM.
Veuve à trente-quatre ans, elle ne pensa plus qu’à rejoindre celui qu’elle avait perdu. […] Il ne peut certes y avoir qu’un sentiment pour le blâmer d’avoir eu recours à de si odieux, à de si détestables moyens, et on plaint l’époque où ils étaient en usage, à la disposition et sous la main des puissants ; mais ce n’était point précisément pour séduire qu’il les employait : la séduction (si tant est qu’il en ait eu besoin) était fort antérieure ; la liaison datait au moins de deux ans : il y avait sans cesse des brouilles ; la petite fée était un démon que le caprice de l’amour conjugal ressaisissait jusque dans ses infidélités ; et la faiblesse, en ceci, du grand capitaine était simplement de vouloir fixer ce qui s’échappait et reconquérir ce qu’il avait perdu.
— La poésie, pour les esprits qui la savent goûter, a cela, entre autres choses, de séduisant, qu’à la fois c’est dans cette sphère qu’on a le très-grand, et aussi que le simplement distingué n’y est jamais perdu ni confondu. […] dis, en ces moments de suave pensée, Lorsqu’au pâle rayon dont elle est caressée L’âme s’épanouit, Comme ces tendres fleurs que le soleil dévore, Que le soir attiédit, et qui n’osent éclore Qu’aux rayons de la nuit ; Quand loin de moi, sans crainte et plus reconnaissante, Tu nourris de soupirs cette amitié naissante Et ce confus amour ; Quand sur un banc de mousse, attendrie et pâlie, Tu tiens encor le livre et que ton œil oublie Qu’il n’est déjà plus jour ; Quand tu vois le passé, tous ces plaisirs factices, Tous ces printemps perdus comparés aux délices Qui germent dans ton cœur ; Combien pour nous aimer nous avons de puissance, Mais que, même aux vrais biens, le mensonge ou l’absence Retranchent le meilleur ; Oh !
le Papillon s’envole… Le voilà perdu dans les airs43 ! […] Cette femme d’un esprit si rare augurait mal, il faut le dire, de la publication : elle trouvait, par exemple, que Prascovie arrivée à Pétersbourg perdait du temps, qu’elle n’entendait rien aux affaires ; elle avait horreur de cet homme (Ivan) qui tue une femme, etc., etc. ; son opinion était partagée par plusieurs personnes de sa société.
1843 Les critiques de nos jours, ceux qui, depuis une vingtaine d’années déjà, ont commencé de se produire et de battre le pays, songent tous plus ou moins à se recueillir, à ramasser ce qu’ils avaient lancé d’abord à l’aventure, à se refaire, pour le reste de la marche, un gros assez imposant de ces troupes légères qui n’avaient donné dès le matin qu’en éclaireurs et comme en enfants perdus. […] Laissons l’Hymette et son miel à ceux-là seuls qui en savent les sentiers, à ceux qui, même au sein des passions et des paroles acérées, ne perdent jamais une certaine légèreté de ton, et comme une certaine saveur du berceau : Musæo contingens cuncta lepore.
Quand la distance du matin au soir me paraissait trop longue, je prenais involontairement la plume et je lui écrivais ce que je n’aurais peut-être pas pu lui dire assez librement pendant la soirée suivante, afin que rien ne fût perdu de ce que la tendresse nous suggérait. […] La lettre était cruelle : « Mon ami, nous venons de perdre la meilleure des mères : je t’annonce à regret ce coup funeste… Quand tu cesseras d’être l’objet de nos sollicitudes, nous aurons cessé de vivre.
Rien ne livrera plus sans doute la poésie narrative aux inventions déréglées, aux romanesques absurdités, que l’existence d’œuvres historiques de plus en plus répandues et nombreuses : elle en perdit ce qui pouvait lui rester encore de sérieux et de gravité, et fut rejetée tout à fait vers la fantaisie folle, comme si elle était déchargée de tout autre soin que d’amuser. […] Très exactement informé, religieusement attaché à la vérité et aux documents qui la montrent, bon écrivain dont le style a de la solidité et du relief, ce clerc errant, de vie assez libre, est intraitable sur les privilèges et la mission du clergé ; c’est un de ces enfants perdus, de ces polémistes que rien n’effraie, qui, de leur autorité privée, se font défenseurs et régents de l’Église, aussi prompts à en invectiver la corruption qu’à réclamer pour elle toute la puissance : l’Eglise, de tout temps, a eu de ces serviteurs zélés, brutaux, indociles, qui la gênent, la compromettent autant qu’ils la servent, et, somme toute, lui font payer cher leurs services.
Mugnier ; mais ce jésuite était un brave homme qui calmait M. le Prince quand le petit duc avait trop perdu au jeu et qui avait pour son élève d’assez grandes tolérances, comme on le voit par ce passage impayable d’une de ses lettres : « Quelques scrupuleux de Dijon, même de nos Pères, m’ont reproché tels divertissements (les mascarades) à cause du masque. […] L’intérêt de son oeuvre y perdrait, et je ne vois pas ce qu’y gagnerait le grand Condé.
« Vous avez grand tort de vous plaindre, répond Lelio, car le fruit que vous verrez prochainement naître de moi vous montrera que je n’ai pas perdu le temps, ainsi que vous le dites. » ACTE QUATRIÈME. […] Peine perdue : Turlupin était inflexible.
Deux causes nous en dérobaient depuis longtemps la vue : l’ignorance qui avait perdu le sens de ses monuments, et la scolastique, qui obstruait de sa fausse science la source même de la vraie science, c’est-à-dire les livres où elle est consignée. […] Aussi, à l’exception de quelques vers d’un style élevé perdus dans des pièces bizarres, partout où il s’inspire de la Réforme, il est sec et prosaïque.
La morale du Discours sur la nature de l’homme, est qu’on n’y connaît rien, et qu’il ne faut pas perdre son temps à la chercher. […] Cependant, pour inventer, à la fin du dix-huitième siècle, parmi tous ces fades jeux d’esprit où achevait de s’énerver et de se perdre l’art des vers, une poésie jeune, fraîche, parfumée, qui nous transporte au milieu de vrais champs et nous ramène en nous-mêmes ; pour faire apparaître, parmi toutes ces fleurs de papier peint, un si charmant bouquet de fleurs naturelles, il fallait plus que les grands sentiments d’André Chénier, plus que sa raison supérieure ; il fallait ce qui peut s’appeler du même nom en religion et en poésie, il fallait la grâce.
S’abrutir à d’interminables parties de manille ou de billard est chose courante, admise et très excusable, mais faire œuvre d’artiste, c’est se perdre irrémédiablement. […] Nous avions même imaginé d’imprimer du faux Rimbaud, mais cela devait nous perdre.
C’est perdre sa peine que de prouver sa sainteté ; car ceux-là seuls peuvent songer à la nier pour lesquels il n’y a rien de saint. […] Ce serait bien plus difficile encore, car, lors même que le plan n’en serait pas perdu, les matériaux le seraient à jamais.
C’étaient des surprises galantes à chaque pas, des jeux innocents à chaque heure : on joue à la nymphe, à la bergère ; on prélude aux futures prodigalités en jouant même à l’économie : « M. le duc du Maine se plaignit en sortant du jeu, nous dit la relation, qu’il avait perdu deux écus ; les princesses louèrent leur fortune d’en avoir gagné environ autant. » Dans ces fêtes et dans celles qui se renouvelèrent au même lieu les années suivantes, on voit M. de Malezieu faire à ravir les honneurs de chez lui, remplir et animer en homme universel toute cette petite sphère. […] Vous verrez cette enfant gâtée de soixante ans et plus, à qui l’expérience n’a rien appris, car l’expérience suppose une réflexion et un retour sur soi-même ; vous la verrez jusqu’à la fin appeler la foule et la presse autour d’elle ; et à ceux qui s’en étonnent elle répondra : « J’ai le malheur de ne pouvoir me passer des choses dont je n’ai que faire. » Il faut que chaque chambre de ce palais d’Armide soit remplie, n’importe comment et par qui ; on y craint, avant tout, le vide : Le désir d’être entourée augmente de jour en jour, écrivait Mme de Staal (de Launay) à Mme Du Deffand, et je prévois que, si vous tenez un appartement sans l’occuper, on aura grand regret à ce que vous ferez perdre, quoi que ce puisse être.
Elle perdit son père de bonne heure ; sa mère, qui s’était remariée, à un homme qui avait une charge à la Cour, la plaça en qualité de fille d’honneur auprès de Madame lorsque cette sœur de Charles II épousa le frère de Louis XIV (1661). […] « Ils étaient convenus plusieurs fois, dit Mme de La Fayette, que, quelque brouillerie qu’ils eussent ensemble, ils ne s’endormiraient jamais sans se raccommoder et sans s’écrire. » La nuit se passa sans nouvelles et sans message ; le matin, Mme de La Vallière, croyant tout perdu, sortit des Tuileries au désespoir et s’en alla se cacher dans un couvent, non de Chaillot cette fois, mais de Saint-Cloud.
Ayant perdu sa mère à l’âge de quatre ans, le jeune Pierre Dupont fut recueilli par son parrain et cousin, un vieux prêtre qui avait son presbytère à La Roche-Taillée-sur-Saône. […] Pierre Dupont perdraient à se séparer des airs, qui sont, la plupart, de son invention ou de son arrangement, et que, sans savoir beaucoup de musique, il trouve et il combine avec une facilité naturelle et un goût qui est un signe évident de vocation.
Ayant perdu vers ce temps son père vénéré, et restant seule avec sa mère sans fortune, elle intéressa vivement toutes les personnes qui la connaissaient ; et comme, dans ce pays de la Suisse française, il règne un grand goût pour l’enseignement et l’éducation, on imagina de lui faire donner quelques leçons sur les langues et les choses savantes qu’elle avait apprises dans le presbytère paternel. […] Mlle Curchod perdit en ces années sa mère, qui avait assisté à tous ses triomphes et qui en avait joui.
En vain l’abbé Maury chercha-t-il à se faire interrompre, s’interrompit-il lui-même, se plaignit-il qu’on ne voulait pas l’entendre ; en vain, abandonnant et reprenant le sujet principal de son discours, se perdit-il dans les digressions les plus étrangères, interpella-t-il personnellement Mirabeau et lui jeta-t-il vingt fois le gant de la parole ; au moindre mouvement d’impatience qui s’élevait dans l’Assemblée : « Attendez, monsieur l’abbé, disait Alexandre Lameth avec un sang-froid désespérant, je vous ai promis la parole, je vous la maintiendrai. » Et, se tournant vers les interrupteurs : « Messieurs, écoutez M. l’abbé Maury : il a la parole ; je ne souffrirai pas qu’on l’interrompe. » Ayant ainsi expliqué au long tout ce jeu de scène et de coulisse, Ferrières termine en disant : « Après deux grandes heures de divagations, tantôt éloquentes, tantôt ennuyeuses, l’abbé Maury descendit de la tribune, furieux de ce qu’on ne l’en avait pas chassé, et si hors de lui, qu’il ne songea pas même à prendre de conclusions. » Or, quand on lit dans les Œuvres de l’abbé Maury, ou même dans l’Histoire parlementaire de MM. […] Ce que j’en veux seulement conclure, c’est que cette nature impétueuse et improvisatrice s’était gâtée alors en abondant sans mesure dans son propre sens, et qu’elle ne perdait en aucun sujet cette habitude de parler à tout propos et quand même, de prendre les choses grosso modo et de s’en tenir aux à-peu-près, sauf à revêtir le tout d’une draperie oratoire ; et il n’y avait plus même ombre de draperie quand il causait familièrement.
Parlant de la déclaration du roi dans la séance royale du 23 juin, il se demande pourquoi cette déclaration qui, un peu modifiée, pouvait devenir la Grande Charte du peuple français, eut un si mauvais succès ; et la première raison qu’il en trouve, c’est qu’elle vint trop tard : Les opérations des hommes ont leur saison, dit-il, comme celles de la nature ; six mois plus tôt, cette déclaration aurait été reçue et proclamée comme le plus grand bienfait qu’aucun roi eût jamais accordé à ses peuples ; elle eût fait perdre jusqu’à l’idée, jusqu’au désir d’avoir des États généraux. […] Mais aussi ce qui honore en Rivarol l’intelligence et l’homme, c’est qu’il s’élève du milieu de tout cela comme un cri de la civilisation perdue, l’angoisse d’un puissant et noble esprit qui croit sentir échapper toute la conquête sociale : « Malgré tous les efforts d’un siècle philosophique, dit-il, les empires les plus civilisés seront toujours aussi près de la barbarie que le fer le plus poli l’est de la rouille ; les nations comme les métaux n’ont de brillant que les surfaces. » Il y a des moments où, porté par le mouvement de son sujet et par l’impulsion de la pensée sociale, il va si haut, qu’on se demande si c’est bien Rivarol qui écrit, le Rivarol né voluptueux avant tout et délicat, et si ce n’est pas plutôt franchement un homme de l’école religieuse : Le vice radical de la philosophie, c’est de ne pouvoir parler au cœur.
Il ne voulait rien perdre de ses papiers. […] En ce cas, la prophétie même, si elle avait eu lieu, ne serait qu’un miracle de plus perdu pour vous comme pour les autres, et c’est là le plus grand mal.
Le jeune enfant perdit sa mère à deux ans, et fut abandonné aux mains d’une servante de campagne et d’une vieille parente, gâté par l’une, grondé par l’autre. […] Il a fallu que le sabre des tyrans chassât l’homme de la terre habitable pour que le chameau perdît sa liberté.
Réduit à des sensations toutes passives, s’il en pouvait exister de telles, je ne me distinguerais plus de rien et me perdrais tout entier dans l’univers. […] Quand je ne fais pas attention à la tache grise, la réaction n’est qu’une vibration faible qui se perd dans la masse, sans acquérir le relief d’un acte distinct.
Ailleurs c’est dans une chambre d’auberge d’une petite ville perdue du Harz, le fantôme du docteur « Saul Ascher qui apparaît la nuit au poète avec ses jambes héronnières, son habit étriqué, d’un gris tout philosophique, avec son visage droit, froid et comme congelé, éminemment apte à servir de frontispice à un manuel de géométrie ». […] Ne s’étant presque pas modifié pendant sa vie, — l’Intermezzo de sa première jeunesse est beau de la même façon que le Nouveau printemps et que Lazare, — Heine ne perdit rien à son déclin.
Il est remarquable que la France a perdu, sur la fin du dernier siècle, trois beaux talents à leur aurore : Malfilâtre, Gilbert et André Chénier ; les deux premiers sont morts de misère, le troisième a péri sur l’échafaud. […] Aspirons à ces joies célestes, qui seront d’autant plus touchantes qu’elles seront accompagnées d’un parfait repos, parce que nous ne les pourrons jamais perdre.
Parmi eux, il y a peut-être un époux que sa femme attend avec impatience et qu’elle ne reverra plus ; un fils unique que sa mère a perdu de vue depuis longtemps et dont elle soupire en vain le retour ; un père qui brûle du désir de rentrer dans sa famille, et le monstre terrible qui veille dans la contrée perfide dont le charme les a invités au repos, va peut-être tromper toutes ces espérances. […] Avec cela c’est un furieux garçon et qui n’en restera pas où il en est, surtout si en s’assujettissant un peu plus à l’étude du vrai, ses compositions viennent à perdre je ne sais quoi de romanesque et de faux qu’on y sent plus aisément qu’on ne le peut dire.
Ils perdent ainsi l’énergie que leur donnoit le rapport naturel de leur son avec la chose dont ils étoient les signes instituez. […] Ainsi ces vers reciproques et liez ensemble par une rime commune perdront toute la cadence qui pourroit naître de l’égalité de leur mesure.
Amédée Thierry a-t-il voulu, tout en réclamant pour son livre l’originalité de son sujet, faire penser à la gloire fraternelle et en bénéficier cette fois encore, en glissant ce reflet perdu d’un livre célèbre sur le sien ? […] L’histoire n’est qu’un échiquier, dont les pions sont les faits, mais le pion de Dieu, c’est le joueur, le joueur qui a cent manières de gagner et de perdre la partie, cent manières de la recommencer.
Mais il s’était présenté l’injure à la bouche, et ne fut pas écouté ; sa voix se perdit dans le chant des Messéniennes, que redisait en chœur la jeunesse.
Nous autres ignorants, étions perdus, si ce livre ne nous eût relevés du bourbier : sa merci, nous osons à cette heure et parler et écrire ; les dames en régentent les maîtres d’école ; c’est notre bréviaire. » Ne s’y reliât-il que par Montaigne, Amyot serait encore un des facteurs essentiels du xviie siècle classique : en lui se résume l’apport de l’humanisme dans la constitution de l’« honnête homme » et de la littérature morale.
» On était alors, comme on le sait, au milieu de la guerre de Trente Ans, et l’Électeur palatin venait, en effet, de perdre ses États.
C’est là surtout, je l’ai suffisamment montré plus haut, que les difficultés s’accumulent ; on a beau entasser les hypothèses, on ne peut satisfaire à tous les principes à la fois ; on n’a pu réussir jusqu’ici à sauvegarder les uns qu’à la condition de sacrifier les autres ; mais tout espoir d’obtenir de meilleurs résultats n’est pas encore perdu.
Allez, allez, ne perdez jamais le goût de la vie.
Si on prend pour base la division de l’esprit généralement reçue en sensibilité, intelligence et volonté, on peut se demander si ce qui est gagné par l’une de ces grandes subdivisions n’est pas perdu par les deux autres ou l’une des deux autres.
J’ai perdu l’habitude de travailler et pourtant ça m’embêtait de marcher toujours et avec tous.
Bien qu’il nous ait, parfois, conviés à assister aux pires situations du monde, nous n’en conçûmes aucun dégoût, et si passionné qu’il pût être, il ne le fut jamais au point de perdre le sens des solides proportions dont nous ont pourvus les Latins.
Au reste, il lui serait impossible de se livrer ici au plus léger badinage, ayant eu le malheur de perdre le calepin sur lequel il était dans l’usage de noter ses saillies et bons mots futurs, aux environs de la fontaine des Innocents.
Ils peuvent être brusquement interrompus par l’arrivée subite de la fin ; ils n’ont pas un jour à perdre ; de là une nécessité sévère d’absence et de solitude.
Ce qui perdit celui-ci, ce fut moins sa philosophie huée sur le théâtre, ce furent moins ses maximes tournées en ridicule, que sa façon libre de s’expliquer sur la religion & sur le gouvernement de son pays.
Le malheureux Bayle perdit sa place de professeur de philosophie & d’histoire à Rotterdam, seule ressource qu’il eût pour vivre.
Par cela même qu’elles propageaient le culte du pays natal, le goût de l’action, la recherche des méthodes naturelles d’évolution, elles éloignaient la jeunesse d’un art obscur, subtil où elle avait failli se perdre — (après y avoir d’ailleurs au début connu des beautés nouvelles). — Ici, nous n’avons qu’à constater cette floraison des provinces nouvelles.
C’est ce qui avoit donné lieu au proverbe grec, faire un solecisme avec la main. comme l’art de la saltation est perdu, il seroit témeraire d’entreprendre de deviner tous les détails d’une pratique perfectionnée par l’expérience et par les refléxions de vingt mille personnes.
Ce classement des styles fait décidément perdre la tête à nos adversaires.
Ce sentiment, universel et indestructible, qui est comme la conscience des peuples, se manifeste surtout aux grandes époques de crise ; il peut donner lieu à bien des erreurs, à bien des superstitions ; il peut même, et l’histoire nous en offre plus d’un exemple, il peut encourager des imposteurs, les investir d’un grand crédit sur la multitude, les élever à une mission usurpée ; mais il vient d’une confiance sans laquelle les nations seraient, durant ces époques de crise, semblables à un vaisseau battu de la tempête qui aurait perdu de vue l’étoile polaire.
Quand on l’a lu comme nous venons de le lire, il est bien évident que ce n’est pas la grande Fonction intime que nous soupçonnions qui a fait perdre à Capefigue une tête… regrettable, jusque-là sérieuse en histoire.
Mais ce qui va bien au paysage et à son peintre : la vapeur, les traits indistincts, les lointains fuyants, mal accusés, noyés, perdus, ne va plus au peintre de l’âme, au moraliste, à l’observateur de la nature humaine qui doit voir clair, tout discerner, tout accuser d’une ligne pure et inflexible.
Quoiqu’il fût né à Bâle, à quelques lieues de la frontière de France, nous ne connaissions pas plus Hebel que s’il avait été quelque poète norvégien ou danois, un de ces vaporeux génies des Fiords solitaires, comme il y en a, sans nul doute, de perdus, excepté pour Dieu seul, qui les écoute penser, dans ces pays silencieux où les neiges polaires semblent assourdir jusqu’aux pas de la Gloire, et où Byron mourrait sans écho comme Manfred !
Cette gloire essayée se perdit bientôt dans des phrases absurdes : « Leopardi chanta l’enfer avec les mélodies du paradis », ce qui devait, par parenthèse, donner de l’enfer une fameuse idée !
Attiré, entraîné par le besoin chaque jour plus vif des améliorations matérielles, l’esprit public, perdu de sensations, se détacherait-il des travaux purement intellectuels pour appliquer son effort aux choses de la science utile et de l’industrie ?
A-t-il, comme Montalembert, perdu son instrument et sa tribune, et son amour-propre d’orateur est-il réduit à la besace du silence et du désespoir ?
Ce poète d’une race finie et d’une cause perdue, ce Redgauntlet poétique des Stuarts de la France, qui fait vivre sa muse au poste où il eût été digne de mourir, mais où le combat n’est même plus, à côté de beaucoup de sonnets tels que le suivant, — qui ressemble à ces écussons de marbre noir que soutiennent parfois des anges tumulaires aux coins silencieux des mausolées : Ce fut un vaillant cœur, simple, correct, austère ; Un homme des vieux jours, taillé dans le plein bloc, Sincère comme l’or et droit comme un estoc, Dont rien ne détrempa le mâle caractère.
Quand l’invention est une outrance qui fait craquer le monde créé sous son absurdité puissante, et qui cherche l’émotion à tout prix, par toute voie, il faut la trouver, ou, soi-même, ou est perdu si on ne la trouve pas, cette émotion qui est le but, mais qu’il faut profonde et non pas vulgaire !
Ne l’attendez pas d’un peuple voluptueux ; ce peuple n’a que des sens, il ne sait renoncer à rien, il ne sait pas perdre un jour pour gagner des siècles.
Le bien et le mal alors perdent pour eux leur nom ; toutes les choses se renversent : « Combien tu rends chère et aimable la honte — qui, comme un ver dans la rose parfumée, — souille la beauté de ton nom florissant ! […] Démasqué, il ne perd pas sa bonne humeur, et rit tout le premier de ses forfanteries. « Camarades, braves gens, mes enfants, cœurs d’or, allons, soyons gais, jouons une farce245 ! […] Je parlerai à lui faire perdre patience ; son lit lui semblera une école, sa table un confessionnal ; j’entremêlerai dans tout ce qu’il fera la requête de Cassio246. » Elle demande sa grâce : « Non, pas maintenant, chère Desdémona ; une autre fois. — Mais sera-ce bientôt ? […] Le critique est perdu dans Shakspeare comme dans une ville immense ; il décrit deux monuments et prie le lecteur de conjecturer la cité. […] — Venez, faites-lui cortége, conduisez-le à mon berceau. — Il me semble que la lune regarde avec des yeux humides, et quand elle pleure, chaque fleurette pleure — sur quelque virginité perdue. — Arrêtez la langue de mon bien-aimé, amenez-le en silence312.
Séparer de l’ensemble un fragment, l’encadrer et l’offrir dans son vrai particulier, voilà l’écueil du réalisme, parce que personne ne veut admettre dans son aspect spécial ce qui était perdu dans la grande teinte. […] « S’il perd sa femme ou ses enfants ou sa maîtresse, il mettra quelques vers sur leur tombe, c’est un devoir, une messe. […] « On prend d’abord l’imagination que les bonnes choses sont inaccessibles en leur donnant le nom de grandes, hautes, élevées, sublimes, cela perd tout. […] Un jeune dandy parisien à qui le malheur donne quelques jours de sensibilité qui, forcé de lutter corps à corps contre la fortune et d’adopter des mœurs californiennes, s’y pétrifie, y devient un égoïste dur et basé, oublie Eugénie et perd à son insu les trésors de sa chaste tendresse et les dix-sept millions du père Grandet. […] Cucheval croit que Balzac a tout perdu, et trouve absurde qu’on peigne les détails de la vie réelle, qu’on parle des parents du héros d’un roman et qu’on s’occupe des faits de la vie de tous les jours, qui est ennuyeuse et monotone et qu’on sait par cœur.
Louis Blanc résume la chose en disant : « L’armée a perdu la France, elle ne veut pas qu’elle soit sauvée par les pékins ! […] si Versailles éprouve le plus petit échec, Versailles est perdu ! […] De l’Hôtel de Ville, nous allons, dans des quartiers perdus, voir Jonckind. […] Madeleine s’allonge près de son père, sur un canapé, son clair visage se détachant illuminé par la lampe, sur le blanc d’un oreiller, son petit corps perdu dans les plis et l’ombre d’un châle. […] Les personnes qui me sont le plus sympathiques, je ne suis plus sûr de les aimer ; quant aux choses, elles ont perdu pour moi leur attractivité.
« Il vit heureux de peu celui qui, sur sa table frugale, se contente de voir briller la salière de ses aïeux ; celui que ni la crainte de perdre, ni la cupidité de gagner, n’empêchent de jouir de sommeils légers ! […] Il faut s’en consoler : nous ne perdons que des égratignures de plume et des dialogues étincelants de verve en les passant sous silence ; allons vite aux épîtres, où l’âme d’Horace se retrouve, plus encore que dans les odes, avec son talent. […] Je vis, je me sens roi aussitôt que j’ai perdu de vue ces choses que vous appréciez d’un commun accord comme la suprême félicité ; comme l’esclave dégoûté du pontife, je détourne la lèvre des libations : je préfère le pain sec à tous les gâteaux de miel de l’offrande.
Ou bien, si je parle, par exemple, de l’art du Moyen-Âge et du Christianisme, et que l’on m’objecte la Renaissance, l’école de Ronsard, ou celle de Racine et de Boileau, il faudra bien que je montre comment ces écoles se détachent du Moyen-Âge, et perdent à la fois le sens moderne et l’originalité pour l’imitation. […] » Ta poésie, en s’élevant de plus en plus à la contemplation de l’Être universel, n’est pas pour cela devenue plus religieuse ; bien au contraire, en devenant plus divine, si l’on peut parler ainsi, elle a de plus en plus perdu la foi, l’espérance et la charité. […] Ce qu’il y a de réel pour moi, la poésie de Byron, poésie ironique et désolante, qui soulève des abîmes où notre esprit se perd, et qui, comme les harpies, salit, à l’instant même, tous les mets qui couvrent la table du festin.
Celle-ci est faite avec soin & bien écrite ; mais on désireroit qu’elle fût plus animée ; que l’auteur se fût rendu plus maître des tours de son original, & que sans perdre de vue son modèle, il l’eût dessiné plus librement. […] Il n’est pas question d’examiner si cet objet est rempli & s’il est vrai que ces Compagnies fassent perdre des hommes à l’Etat sans en acquérir aux Lettres, comme le dit M. d’Alembert. […] Son genre d’écrire lui appartient absolument, & ne peut passer, sans y perdre, par une autre plume ; c’est une liqueur qui ne doit jamais changer de vase.
Dans le second, aucun état psychologique ne disparaît, mais tous sont atteints, tous perdent de leur lest, c’est-à-dire de leur puissance d’insertion et de pénétration dans la réalité 54. […] Elle nous montre qu’on peut perdre ses souvenirs visuels sans cesser de voir et ses souvenirs auditifs sans cesser d’entendre, que la cécité et la surdité psychiques n’impliquent pas nécessairement la perte de la vue ou de l’ouïe : serait-ce possible, si la perception et la mémoire intéressaient ici les mêmes centres, mettaient en jeu les mêmes mécanismes ? […] À mesure que ces deux émotions se compénètrent, la réalité perd de sa solidité et notre perception du présent tend aussi à se doubler de quelque autre chose, qui serait derrière.
Ceux-là ont tout sauvé, comme Xerxès et ses généraux ont tout perdu. […] Tous les historiens latins, Salluste et Tacite comme Tite-Live, n’ont qu’un mot pour l’expliquer : la vertu républicaine perdue dans le luxe. […] Fatalité des passions ou fatalité des idées, l’histoire perd son véritable caractère du moment que la liberté en a disparu ; elle devient une sorte de physique sociale.
Mme du Deffand, on l’apprend aussi par là, eut beaucoup à faire pour réparer, pour regagner la considération qu’elle avait su perdre même dans ce monde si peu rebelle. […] Au moral on la connaît déjà : de ce qu’elle a des scrupules, de ce que des considérations de vertu et de devoir la tourmentent, ne pensez pas qu’elle soit difficile à vivre pour ceux qui l’aiment ; on sent, à des traits légèrement touchés, de quel enchantement devait être ce commerce habituel pour le mortel unique qu’elle s’était choisi ; ainsi dans cette lettre xvie (celle même où il était question de Mme du Deffand) : « J’ai lieu d’être très-contente du chevalier ; il a la même tendresse et les mêmes craintes de me perdre. […] Cette dame, à qui j’ai des obligations infinies, sait heureusement la vérité, et je n’ai rien perdu dans son estime. […] Je ne vous en aimerois peut-être pas moins (ma passion fait partie de mon âme et je ne puis la perdre qu’en cessant de vivre), mais vous seriez moins aimable aux yeux des autres, et ce seroit dommage.
Sais-tu ce qui me reste de tous mes essais de plaisirs, de mes rages, de mes colères, de tant de pleurs versés et de temps perdu ? […] Quand il parle de son œuvre, il a la modestie la plus charmante, une modestie qui n’est plus guère de ce temps-ci, où la vanité littéraire a perdu toute pudeur ; et quand il parle de sa personne, il a l’humilité la plus vraie. […] Et vous connaîtrez quelle forte vie intérieure eut ce grand homme d’action ; vous verrez comment il porta la douleur (il perdit en quelques années sa femme et trois filles, et une des deux autres se fit religieuse), et vous jugerez comme moi que les lettres qu’il écrit sur ses filles mortes et à sa fille cloîtrée sont de purs diamants de spiritualité, atteignent au sublime du sentiment religieux et sont assurément parmi les plus incontestables chefs-d’œuvre de la prose chrétienne, — et de la prose sans épithète. […] S’il doit à l’intransigeance même de sa foi des vues profondes sur l’histoire contemporaine et des clairvoyances terribles sur les personnes, il lui arrive aussi de se tromper fâcheusement sur elles, de nous surfaire leur perversité, et de perdre, pour ainsi parler, la notion du vrai humain.
Certes, la théorie atomique de la matière reste à l’état d’hypothèse, et les explications purement cinétiques des faits physiques perdent plus qu’elles ne gagnent à s’en rendre solidaires. […] Les sciences de la nature ne perdraient rien par là de leur précision ni de leur rigueur géométrique, comme on l’a prétendu dans ces derniers temps ; il demeurerait seulement entendu que les systèmes conservatifs ne sont pas les seuls systèmes possibles, ou même peut-être que ces systèmes jouent, dans l’ensemble de la réalité concrète, le même rôle que l’atome du chimiste dans les corps et leurs combinaisons. […] En vain nous ajoutons que, même sous cette forme « les mêmes causes produisent les mêmes effets », le principe de la détermination universelle perd toute espèce de signification dans le monde interne des faits de conscience. […] Mais ou ces mots perdent toute espèce de signification, ou l’on entend par là que les mêmes causes internes ne provoqueront pas toujours les mêmes effets.
On ne doute plus que Justin ne nous ait fait perdre le Trogue Pompée entier par l’abrege qu’il en a fait, & ainsi dans presque tous les autres genres de littérature. […] Justin abréviateur de Trogue Pompée nous a fait perdre l’Ouvrage de ce dernier. […] l’erreur est pire que l’ignorance : celle-ci nous laisse tels que nous sommes ; si elle ne nous donne rien, du moins elle ne nous fait rien perdre ; au lieu que l’erreur séduit l’esprit, éteint les lumieres naturelles, & influe sur la conduite. […] En effet, il est certain qu’on ne prononce les mots des langues mortes que selon les inflexions de la langue vivante ; nous ne faisons sentir la quantité du grec & du latin que sur la pénultieme syllabe, encore faut-il que le mot ait plus de deux syllabes : mais à l’égard du ton ou accent, nous avons perdu sur ce point l’ancienne prononciation ; cependant, pour ne pas tout perdre, & parce qu’il arrive souvent que deux mots ne different entr’eux que par l’accent, je crois avec l’Auteur de la Méthode greque de P. […] Per, pour, par rapport à, perd l’r, p’el giardino, pour le jardin.
Il aime à redonner à un mot son sens primitif, qui souvent s’est oublié et perdu de vue dans l’acception figurée, et à lui rendre tous les sens qu’il avait en passant de la langue latine dans la nôtre, et que nos vieux écrivains lui avaient conservés.
Ce que c’est pourtant que d’avoir depuis longtemps quitté Paris et d’avoir perdu de vue ce ruisseau de la rue du Bac, si regretté de Mme de Staël !
Le soin est partout, tellement que les riches descriptions se perdent au milieu de tant d’éclat.
Le christianisme, au contraire, doué d’une sainte ardeur d’expansion et de fraternité universelle, perdit certainement en cohésion, s’il gagna beaucoup en étendue ; dans son avidité de pêche miraculeuse, il dédoubla ses filets pour que, plus déliés et plus extensibles, ils prissent le côté immatériel de chaque vie et parvinssent à envelopper plus d’âmes.
Un homme véritablement criminel, ne peut donc point être ramené ; il possède encore moins de moyens en lui-même, pour recourir aux leçons de la philosophie et de la vertu ; l’ascendant de l’ordre et du beau moral perd tout son effet sur une imagination dépravée ; au milieu des égarements, qui n’ont pas atteint cet excès, il reste toujours une portion de soi qui peut servir à rappeler la raison : on a senti dans tous les moments une arrière-pensée, qu’on est sûr de retrouver quand on le voudra, mais le criminel s’est élancé tout entier ; s’il a du remord, ce n’est pas de celui qui retient, mais de celui qui excite de plus en plus à des actions violentes ; c’est une sorte de crainte qui précipite les pas : et, d’ailleurs, tous les sentiments, toutes les sources d’émotion, tout ce qui peut enfin produire une révolution dans le fond du cœur de l’homme, n’existant plus, il doit suivre éternellement la même route.
Il semble que notre propre destinée se perde au milieu du monde qui se découvre à nos yeux ; que des réflexions, qui tendent à tout généraliser, nous portent à nous considérer nous-mêmes comme l’une des millièmes combinaisons de l’univers, et qu’estimant plus en nous la faculté de penser que celle de souffrir, nous donnons à l’une le droit de classer l’autre.
C’est contre Desmarets que Boileau, par une malheureuse application de sa doctrine, prohiba au troisième chant de son Art Poétique l’emploi de la religion chrétienne en poésie, et, juste au moment où Milton venait d’écrire son Paradis perdu (ce que, du reste, il ignorait), nia assurément la valeur poétique de Satan.
Mais ces bouffonneries me paraissent d’une si excellente qualité et d’une invention si spéciale, que je ne croirais pas avoir entièrement perdu ma peine si je parvenais à les définir et à les caractériser avec quelque précision.
Mais, en ce temps où d’incessantes invasions de barbares ont fait perdre au parler de nos aïeux la lumière et la pureté qu’il devait jadis à ses origines helléno-romaines, j’estime que M.
Vos romans commencent comme Julie ou J’ai perdu ma rose, et s’achèvent comme Berquin ou l’ami de la vertu.
La vanité de tout, le déchirement de l’illusion, l’angoisse des temps, le renoncement, l’inutilité de l’univers, la misère et l’ordure de la terre perdue dans les vertiges d’apothéoses éternelles de soleils7. » Et Laforgue se met à l’œuvre et il accouche d’un chaos fulgurant d’éclairs.
Partout une langue ancienne a fait place à un idiome vulgaire, qui ne constitue pas à vrai dire une langue différente, mais plutôt un âge différent de celle qui l’a précédé ; celle-ci plus savante, plus synthétique, chargée de flexions qui expriment les rapports les plus délicats de la pensée, plus riche même dans son ordre d’idées, bien que cet ordre d’idées fût comparativement plus restreint ; image en un mot de la spontanéité primitive, où l’esprit confondait les éléments dans une obscure unité et perdait dans le tout la vue analytique des parties ; le dialecte moderne, au contraire, correspondant à un progrès d’analyse, plus clair, plus explicite, séparant ce que les anciens assemblaient, brisant les mécanismes de l’ancienne langue pour donner à chaque idée et à chaque relation son expression isolée.
Suit-on, durant quelques siècles le développement du vers français de douze syllabes ; on remarque facilement que chez les poètes de la Pléiade il est souple, libre, aisé, qu’il se permet beaucoup d’enjambements et de rejets en même temps qu’il est richement rime ; qu’à partir de Malherbe et de Boileau, surtout au xviiie siècle, une césure presque immuable le divise en deux parties égales, tandis que la rime devient souvent pauvre et banale ; que les romantiques, en disloquant, comme ils disaient, « ce grand niais d’alexandrin », rendent à la rime une plénitude de sonorité dont elle avait perdu l’habitude ; que Musset semble, il est vrai, faire exception en lançant aux partisans de la consonne d’appui cette moqueuse profession de foi : C’est un bon clou de plus qu’on met à la pensée ; mais qu’aussi ses vers, sauf dans ses poésies de jeunesse où il s’abandonne à sa fantaisie gamine, sont restés, bien plus que ceux de Victor Hugo ou de Sainte-Beuve, fidèles à la coupe classique.
On ne peut reprocher un anachronisme à un Roman historique ; cependant la transposition de certains faits en change tout-à-fait le caractère et leur fait perdre l’importance qu’ils tiennent souvent de leur enchaînement à d’autres qui suivent ou qui précèdent.
Du titre de Clément rendez-le ambititieux ; (Louis XIV) C’est par-là que les Rois sont semblables aux Dieux Du magnanime Henri qu’il contemple la vie ; Dès qu’il put se venger il en perdit l’envie ; Inspirez à Louis cette même douceur : La plus belle victoire est de vaincre son cœur.
L’attention est un état spécial de l’appétition, qui produit en effet l’entrée de l’objet au point de fixation ; mais c’est l’intelligence qui distingue ensuite et sépare les détails auparavant perdus ou confondus dans la masse grâce à leur insuffisante intensité.
Cette plante a perdu chez nous cette propriété.
Ses successeurs en ont fait un livre utile, sans lui faire perdre ses agrémens.
Un inconvénient des grandes facultés de médecine dans les capitales, et surtout pour les principaux personnages de la société, c’est l’assujettissement du médecin à une certaine pratique ou routine de faculté, sous peine de risquer sa réputation et sa fortune ; s’il s’en écarte et que le succès ne réponde pas à son attente, il est perdu ; s’il réussit, que lui en revientil ?
J’en croyais le technique perdu ; Casanove le retrouverait.
Mais cette distance paroît infinie aujourd’hui, parce que chaque jour l’erreur a perdu un partisan, et que la verité en a gagné un.
Tous deux avoient perdu la vie dans les guerres d’Espagne.
Cet usage, il est vrai, faisoit perdre quelques beautez à un rolle declamé par un comedien excellent.
Ils ont essayé d’enfler cette baudruche, d’animer ce fantôme, de donner un peu d’épaisseur à ce rien… Ç’a été peine perdue, recherche inutile.
du poète comique, semble avoir été écrit pour cette école, dont Labutte, obscur disciple, est le soldat zélé et un peu perdu.
Il aurait perdu son parfum… IV Telle est la plaisanterie de Rochefort… On conviendra que si elle manque de chaleur et trop souvent de variété, elle ne manque point de puissance.
Sans le mare clausum, sa défense régicide et ses fonctions de secrétaire chez Cromwell, Milton eût donné probablement un Paradis retrouvé aussi beau que son Paradis perdu.
Le baron Gérard fut dans les arts ce qu’il était dans son salon, l’amphitryon qui veut plaire à tout le monde, et c’est cet éclectisme courtisanesque qui l’a perdu.
une fête établie pour la révolution des siècles, l’idée de la divinité pour qui tous les siècles ensemble ne sont qu’un moment, la faiblesse de l’homme que le temps entraîne, ses travaux qui lui survivent un instant pour tomber ensuite, les générations qui se succèdent et qui se perdent, les malheurs et les crimes qui avaient marqué dans Rome le siècle qui venait de s’écouler, les vœux pour le bonheur du siècle qui allait naître ; il semble que toutes ces idées auraient dû fournir à un poète tel qu’Horace, une hymne pleine de chaleur et d’éloquence ; mais plus un peuple est civilisé, moins ses hymnes doivent avoir et ont en effet d’enthousiasme.
Il ne nous reste aucun des discours d’Auguste ; nous savons seulement que ce meurtrier avait un genre d’éloquence plein de simplicité et de grâce : il faisait des vers aisément16, et il avait composé les mémoires de sa vie : tout cela s’est perdu ; on se doute bien qu’il fut hué après sa mort ; on célébra son humanité et sa clémence sur la tribune où la tête sanglante de Cicéron avait été attachée.
Quant à la seconde partie de la science économique, l’éducation des corps, on peut conjecturer que, par l’effet des terreurs religieuses, de la dureté du gouvernement des pères de famille, et des ablutions sacrées, les fils perdirent peu à peu la taille des géants, et prirent la stature convenable à des hommes.
Un travail noble, élevé, conciliateur, se perdit dans un torrent de dérision, de légèreté et d’insulte. […] Quels hommes j’ai perdus ! […] Ne le perdez pas, ce talent ; c’est, après mon père, la dernière voix de la vertu sur la terre. […] « Dimanche soir. » Mme de Staël avait à peine attendu la réponse de Junot127 : elle considérait la partie comme perdue. […] Ô vous que le ciel doua d’une âme si expansive et si tendre, cette erreur est belle sans doute, elle fait honneur à vos cœurs ; mais c’est une erreur cependant, et la raison ne saurait perdre ses immuables droits.
S’il développe un raisonnement, il ne se perd jamais dans une digression ; il a toujours son but devant les yeux ; il y marche par le chemin le plus sûr et le plus droit. […] Si l’art et la beauté y perdent, la vérité et la certitude y gagnent ; et, par exemple, personne n’ose lui savoir mauvais gré d’avoir inséré la démonstration suivante dans la vie d’Addison : Pope voulait refondre son poëme sur la Boucle de cheveux enlevée. […] Entre les mains de Cicéron les dogmes des stoïciens et la dialectique des académiciens perdent leurs épines. […] Il rangea ses troupes d’après les méthodes prescrites par les meilleurs écrivains, et en peu d’heures perdit dix-huit mille hommes, cent vingt étendards, tout son bagage et toute son artillerie1377. […] J’aime mieux traduire encore un passage, dont la solennité et la magnificence donneront quelque idée des sérieux et riches ornements qu’il jette sur son récit, sorte de végétation puissante, fleurs de pourpre éclatante, pareilles à celles qui s’épanouissent à chaque page du Paradis perdu et de Childe Harold.
Les surfaces qui perdent leur chaleur le plus aisément par le rayonnement sont celles qui se mouillent le plus abondamment de rosée1503. On en conclut « que l’apparition de la rosée est liée à la capacité de perdre la chaleur par voie de rayonnement. » « À présent l’influence que nous venons de reconnaître à la substance et à la surface nous conduit à considérer celle de la texture, et là nous rencontrons une troisième échelle d’intensité, qui nous montre les substances d’une texture ferme et serrée, par exemple les pierres et les métaux, comme défavorables à l’apparition de la rosée, et au contraire les substances d’une texture lâche, par exemple le drap, le velours, la laine, le duvet, comme éminemment favorables à la production de la rosée. […] « Ainsi les cas très-variés dans lesquels beaucoup de rosée se dépose s’accordent en ceci, et, autant que nous pouvons l’observer, en ceci seulement, qu’ils conduisent lentement la chaleur ou la rayonnent rapidement, — deux qualités qui ne s’accordent qu’en un seul point, qui est qu’en vertu de l’une et de l’autre le corps tend à perdre sa chaleur par sa surface plus rapidement qu’elle ne peut lui être restituée par le dedans. […] La première a dû prendre l’empire au temps de Bacon1508, et commence à le perdre ; la seconde a dû perdre l’empire au temps de Bacon, et commence à le prendre : en sorte que la science, après avoir passé de l’état déductif à l’état expérimental, passe de l’état expérimental à l’état déductif.
On appelle de ce nom d’humanistes les poètes, les beaux esprits, — et aussi les pédants, — qui ranimèrent ou plutôt qui retrouvèrent le sens perdu de l’antiquité. […] Imaginez que de nos jours on ne prétendît voir dans Rabelais ou dans Molière que les « précurseurs de la Révolution française », qu’ils sont bien dans une certaine mesure ou en un certain sens ; et comptez, de leurs traits les plus caractéristiques, essayez de compter combien il y en aurait de perdus pour nous. […] Mais leur exemple n’a pas été perdu. […] Il en résulte qu’au lieu que les Italiens s’égarent déjà, pour achever bientôt de s’y perdre, dans les subtilités de l’alexandrinisme, et, — selon l’expression de l’un des meilleurs historiens de leur littérature [Cf. […] Un but aussi est indiqué, que l’on ne touchera pas tout de suite, mais que l’on ne perdra plus de vue.
Les surfaces qui perdent leur chaleur le plus aisément par le rayonnement sont celles qui se mouillent le plus abondamment de rosée32. On en conclut “que l’apparition de la rosée est liée à la capacité de perdre la chaleur par voie de rayonnement.” […] Ainsi les cas très-variés dans lesquels beaucoup de rosée se dépose s’accordent en ceci, et, autant que nous pouvons l’observer, en ceci seulement, qu’ils conduisent lentement la chaleur ou la rayonnent rapidement, — deux qualités qui ne s’accordent qu’en un seul point, qui est qu’en vertu de l’une et de l’autre le corps tend à perdre sa chaleur par sa surface plus rapidement qu’elle ne peut lui être restituée par le dedans. […] La première a dû prendre l’empire au temps de Bacon37, et commence à le perdre ; la seconde a dû perdre l’empire au temps de Bacon, et commence à le prendre : en sorte que la science, après avoir passé de l’état déductif à l’état expérimental, passe de l’état expérimental à l’état déductif.
Etienne n’a donc pas toute l’exactitude qu’on a droit d’attendre d’un si grand homme ; c’est que les esprits les plus éclairés peuvent encore tomber dans l’erreur, mais ils ne doivent rien perdre pour cela de la considération qui est dûe aux talens. […] Les autres n’ont qu’une vérité hypothétique & dépendante de conventions libres & muables, & ne sont d’usage que chez les peuples qui les ont adoptés librement, sans perdre le droit de les changer ou de les abandonner, quand il plaira à l’usage de les modifier ou de les proscrire. […] III. artic. 7.) mais quand le sens subsiste indépendamment des jeux de mots, ils ne perdent rien de leur mérite ». […] C’est connoître bien peu le prix du tems, que d’en perdre la moindre portion à composer ou à deviner des choses si misérables ; & j’ai peine à pardonner au P. […] Mais il n’en demeure pas moins vrai que ces verbes, devenus auxiliaires, perdent réellement leur signification primitive & fondamentale, & qu’ils n’en retiennent que des idées accessoires & éloignées.
Il eut soin, parmi ses écrits, de nous le certifier lui-même : « Je suis un prophète. » Il pouvait ajouter, il n’y a pas manqué : ― et aussi un pamphlétaire : « Je suis incapable de concevoir le journalisme autrement que sous la forme du pamphlet. » Les deux mots sont des équivalents historiques : le pamphlétaire a remplacé le prophète, le jour où les hommes ont perdu la puissance de croire pour acquérir la puissance de jouir. […] Kahn laissant la Vogue, remplaça par un dogmatisme utile le plaisant scepticisme de M. de Wyzewa ; en janvier 1889, la Revue Indépendante passa en d’autres mains, perdit d’année en année son caractère aristocratique, mourut lentement. […] Mazel voulût un jour ou l’autre la systématiser, dans l’ordre sociologique, et nous montrer enfin clairement ce que nous avons gagné et ce que nous avons perdu par les transformations brusques de la fin du dernier siècle. […] Il y a toujours un oiseau bleu qui est parti et qui ne reviendra plus ; hier est toujours le paradis perdu, et dans vingt ans M. […] Le regard du croyant et sa lampe s’arrêtent à la porte ou à la surface : il n’ose ni enfoncer les portes, ni briser les surfaces ; il est prudent ; sa lumière s’appelle la Fon : il a peur de la diminuer, car il sait que la diminuer, c’est la perdre.
C’est du temps de perdu. […] Il se souvient, non au moyen d’idéo-émotions, mais au moyen d’images ; elles sont si vives qu’après de longues années elles n’ont rien perdu de leur netteté. […] Mais, trop blanche, la farine perdrait peut-être de sa saveur, quand, pétrie et cuite, elle serait devenue du pain ou des poèmes. […] Elle a gagné en liberté d’allures, en imprévu ; elle a perdu en pureté de forme, en clarté. […] Car, songez à tout le temps perdu par de pauvres enfants à se mettre dans la tête des règles et des exceptions qui ne leur seront jamais d’aucun usage !
Daudet avait plus de charité et s’il disait son Pater en entier, son style y perdrait sans doute. […] Elle ne commence à vivre littéralement que lorsque certains détours lui permettent de passer dans l’écriture sans y perdre sa sincérité et sa fraîcheur. […] C’est là une tradition classique que les romantiques se sont gardés de laisser perdre. […] Si son prestige littéraire demeure, sa pensée en perd toute valeur d’autorité intellectuelle. » Sera-ce renaniser que de tirer de l’essai de M. […] André Tudesq a rapporté du Japon, et qui aurait bien perdu à être fabulé en roman.
Il eut depuis bien d’autres vicissitudes ; il fit un séjour forcé à Londres pour échapper à une accusation de complot à Paris sous cette même Restauration, où, lui dit son père, « ton avenir, avec mon nom, est désormais perdu en France. » II apprit l’anglais (qu’il sait si bien) en Angleterre, mais il n’a pas oublié non plus cette première rencontre de sa jeunesse (presque de l’enfance) avec M. […] Sainte-Beuve m’a donné souvent cette leçon de goût à l’adresse de ceux à qui il voyait écrire d’un tel, tout court, sans le faire précéder du mot Monsieur : « On dit : M. de un tel, disait-il ; ou bien on ne met ni Monsieur ni la particule… Entendez donc quand ils parlent : mon ami de un tel ; on dirait qu’ils ont peur que ce de ne se perde… » 3. […] Votre enfant n’est pas un de ces élèves dont on puisse perdre le souvenir
Elle avait perdu son père à quinze ans. […] Elle en eut deux fils qu’elle aimait beaucoup, l’un militaire, dont l’établissement l’avait fort occupée, et qui mourut peu de temps après elle, et un autre, l’abbé de La Fayette, pourvu de bonnes abbayes, et dont on sait surtout qu’il prêtait négligemment les manuscrits de sa mère et les perdait. […] Elle s’entendait bien aux procès, et l’empêcha de perdre le plus beau de ses biens en lui fournissant les moyens de prouver qu’ils étaient substitués.
— Non, lui dis-je, il ne faut pas se familiariser avec les visions célestes pour ne rien perdre de leur éblouissement ; les yeux de tout un monde ont passé sur cette figure, cent hommes célèbres lui ont porté leur encens. […] Madame Récamier n’y perd pas, et M. de Chateaubriand y gagne ; on voit combien l’une était digne d’être aimée, indépendamment de sa beauté déjà pâlie ; on voit combien l’autre sut aimer, indépendamment de sa jeunesse morte et du désintéressement de toute espérance. […] Juliette effaçait tout, ne fût-ce que par la candeur, la fraîcheur et la pureté de son innocence ; l’innocence, ce charme qu’on ne peut se rendre par le fard quand on l’a perdu par le souffle des salons.
Malheureusement ce livre incomparable fut perdu dans le déménagement du monde et dans les cendres de Rome. […] ………………………… « Je contemplais toutes ces merveilles, perdu dans mon admiration. […] Tu les vois semés sur toutes les parties de cette sphère, perdus aux distances les plus lointaines, sur les plans les plus opposés.
Quarante ans après l’avoir perdue, il est mort dans les bras d’une seconde femme, mais le nom de la première dans la bouche et son image au fond du cœur. […] Homme qu’il faut plaindre, qu’il faut admirer, mais qu’il faut répudier comme législateur ; car il n’y a jamais eu un rayon de bon sens, d’expérience et de vérité dans ses théories politiques, et il a perdu la démocratie en l’enivrant d’elle-même. […] ) Voilà un romancier qui souffle sciemment dans le cœur des jeunes filles toutes les flammes de la plus tumultueuse des passions, qui attente à toutes les chastetés de l’imagination pour former une épouse chaste, et qui déclare à sa première page que celle qui lui livrera son cœur est perdue !
Il a passé les nuits à la belle étoile, au pied de l’arbre qui logeait dans ses rameaux le peuple dont il venait étudier les mœurs et que jamais il n’a perdu de vue. […] Nous nous trouvions près du ruisseau des Pigeons qui se perd dans l’Ohio, quand un bruit étrange vint nous surprendre. […] Une meule à repasser se trouvait dans un des coins ; elle la fit tourner lentement, aiguisa soigneusement son arme ; je vis l’eau tomber goutte à goutte sur la meule, et ne perdis pas un des mouvements de l’infernale créature ; le foyer à demi éteint éclairait ses traits décharnés, les jeunes gens ses complices chancelaient sur leurs jambes avinées ; le sauvage, toujours calme, restait debout ; sa main qui serrait le tomahawk fatal était prête à abattre le premier assaillant.
La barbarie, n’ayant pas la conscience d’elle-même, est obéissante et passive : l’individu, ne se possédant pas lui-même, se perd dans la masse et obéit au commandement comme à la fatalité. […] Est-ce trop de rationalisme qui a perdu cette malheureuse Italie, qui nous offre en ce moment le lamentable spectacle d’un membre de l’humanité atteint de paralysie ? […] Mais rien n’est supérieur à la science et à la grande civilisation purement humaine, et il n’y a qu’un esprit superficiel qui puisse comparer cette grande forme de la vie complète à ces siècles factices où l’on ne pouvait avoir un noble sentiment qu’avec une réminiscence de rhétorique, où l’on faisait venir un philosophe pour s’entendre lire une Consolation quand on avait perdu un être cher et où l’on tirait de sa poche en mourant un discours préparé pour la circonstance.
Il y a trop de musiciens là-bas ; la musique y est trop chose courante, commune, banale, de tout le monde ; elle a perdu la hautanité de l’exception. […] et parmi ces langueurs agonisantes, c’est déjà le très océaneux aperçu, le lent sublime immensément distant vers où l’on avait rêvé, le fuyant idéal, ah, par le désir de qui l’on est damné : et une force juvénile a brisé la force massive ; encore les gémissements, profonds, souterrains, décroissants et implorants, et des lamentations, les lentes plaintes des destinées évanouies : hélas, j’eus des jours victorieux, je fus puissant, je fus un regard levé au ciel, je fus heureux, je meurs, hélas, hélas ; plaintes, lamentations et gémissements, qui se traînent à terre et s’affaissent, en la vision de l’idéal et du désir qui l’a perdu ; car voilà qu’une commisération s’est élevée, large comme les sanglots mourants, comme l’éloignement des entrevus effacés, et qu’une intime commisération monte envers la brillant Siegfried des Victoires pour l’Or, et l’âme avec tant de regrets périe s’exalte en une charité, oh Fafner, âme simple, et tu dis en ta mort la pitié des quelconques chercheurs d’idéal. […] La lance perdue, le roi blessé maladivement, le Gral en désolation ; mais une prophétie annonça que viendrait un rédempteur, et voici de quelle façon elle fut accomplie.
Chez ceux qui sont atteints de strabisme, l’oeil non exercé et dont on fait abstraction finit par s’affaiblir et perd souvent la vision. […] 3° De très petits objets, comme des taches colorées sur un fond blanc, quoique vus encore distinctement, apparaissent comme sans couleur au-dessous d’une certaine dimension ; et la relation entre l’intensité et l’extension est telle que, dans de certaines limites, plus les taches sont brillantes, plus elles peuvent être petites sans perdre leur couleur ; ou, plus elles sont grandes, plus elles peuvent être faiblement éclairées sans perdre leur couleur17.
On se perd dans un abîme de conséquences absurdes, toutes les fois qu’on sort du réel et qu’on veut substituer au plan incompréhensible, mais visible, de Dieu les vanités et les imaginations de l’homme. […] Mais ceux-là mêmes qui, comme nous, ne se font point l’illusion des progrès indéfinis en intelligence et en bonheur sur la terre, sont convaincus que le moindre travail et le plus obscur dévouement à l’humanité, quoique limités par la nature des choses mortelles ici-bas, ne seront pas perdus pour l’être humain, et que, interrompu ici-bas par la condition périssable des choses humaines et par la mort, ce progrès profitera ailleurs, dans les régions de l’éternité, de l’absolu, de l’infini. […] Je conclus que le poète indien était le sage, et que j’étais l’ignorant et le barbare d’une civilisation qui avait perdu tant de chemin sur la route de l’amour, ou qui n’y était pas encore arrivée.
VII Mais vous approchez des Alpes ; les neiges violettes de leurs cimes dentelées se découpent le soir sur le firmament, profond comme une mer ; l’étoile s’y laisse entrevoir au crépuscule comme une voile émergeant sur l’océan de l’espace infini ; les grandes ombres glissent de pente en pente sur les flancs des rochers noircis de sapins ; des chaumières, isolées et suspendues à des promontoires comme des nids d’aigles, fument du foyer de famille du soir, et leur fumée bleue se fond en spirales légères dans l’éther ; le lac limpide, dont l’ombre ternit déjà la moitié, réfléchit dans l’autre moitié les neiges renversées et le soleil couchant dans son miroir ; quelques voiles glissent sur sa surface, les barques sont chargées de branchages coupés de châtaigniers, dont les feuilles trempent pour la dernière fois dans l’onde ; on n’entend que les coups cadencés des rames qui rapprochent le batelier du petit cap où la femme et les enfants du pêcheur l’attendent au seuil de sa maison ; ses filets y sèchent sur la grève ; un air de flûte, un mugissement de génisse dans les prés, interrompent par moments le silence de la vallée ; le crépuscule s’éteint, la barque touche au rivage, les feux brillent çà et là à travers les vitraux des chaumières ; on n’entend plus que le clapotement alternatif des flots endormis du lac, et de temps en temps le retentissement sourd d’une avalanche de neige dont la fumée blanche rejaillit au-dessus des sapins ; des milliers d’étoiles, maintenant visibles, flottent comme des fleurs aquatiques de nénuphars bleus sur les lames ; le firmament semble ouvrir tous ses yeux pour admirer ce bassin de montagnes ; l’âme quitte la terre, elle se sent à la hauteur et à la proportion de l’infini ; elle ose s’approcher de son Créateur, presque visible dans cette transparence du firmament nocturne ; elle pense à ceux qu’elle a connus, aimés, perdus ici-bas, et qu’elle espère, avec la certitude de l’amour, rejoindre bientôt dans la vallée éternelle : elle s’émeut, elle s’attriste, elle se console, elle se réjouit ; elle croit parce qu’elle voit ; elle prie, elle adore, elle se fond comme la fumée bleue des chalets, comme la poussière de la cascade, comme le bruissement du sable sous le flot, comme la lueur de ces étoiles dans l’éther ; elle participe à la divinité du spectacle. […] Nala perd au jeu jusqu’à son empire. L’adversaire implacable contre lequel il joue et perd même ses vêtements, lui propose à la fin de jouer sa femme, la belle et infortunée Damayanti.
Il nous avait fait une langue de héros, presque de matamores ; la langue qui montait avec lui jusqu’aux cieux allait se perdre dans les nuages. Si nous avions eu une série de Corneilles, nous aurions perdu le naturel, et nous nous serions enflés jusqu’à la déclamation. […] Nicole, après Pascal, le plus rude écrivain moraliste de cette école, avait écrit dans une de ses polémiques, « qu’un faiseur de romans ou un poète de théâtre était un empoisonneur public, non du corps, mais des âmes ; il avait ajouté qu’un tel poète devait s’accuser de la mort d’une multitude d’âmes qu’il avait perdues ou qu’il avait pu perdre par ses vers ».
La première, dont l’origine se perd dans la nuit des temps, ne finit guère qu’à Charlemagne. […] C’était un très gros volume, composé à la manière de l’école de Wolf, avec une grande régularité, mais avec un tel luxe de divisions et de subdivisions, que la pensée fondamentale se perdait dans le circuit de ses longs développemens. […] En voyant notre philosophe s’engager dans la critique de la raison pure, des principes qui s’y rapportent et qui ne doivent rien à l’expérience, on est tenté de craindre qu’il ne se perde dans la profondeur même de son analyse, et qu’à force d’habiter le monde des notions pures à priori il ne se laisse entraîner à des chimères.
En 1841, l’instituteur de la commune étant frappé d’une fièvre typhoïde qui menaçait de se prolonger longtemps, la maîtresse, non contente de lui donner ses soins, demanda et obtint l’autorisation de le remplacer auprès des petits garçons, afin qu’il ne perdît point sa place. […] Elle perdit son père de bonne heure : sa mère était infirme.
Les dix dernières années, qui ont été assez stériles pour moi sous beaucoup de rapports, m’ont cependant donné des lumières plus vraies sur les choses humaines et un sens plus pratique des détails, sans me faire perdre l’habitude qu’avait prise mon intelligence de regarder les affaires des hommes par masses. […] Il s’y définit et s’y peint lui-même admirablement dans une lettre à M. de Kergorlay : le portrait de son esprit y est fait par lui-même. — Je suis un curieux ; pourriez-vous me dire (s’il n’y a pas d’indiscrétion trop grande) quel est ce monsieur sans façon, un impérialiste évidemment, qui débarqué un matin au château de Tocqueville comme si de rien n’était, avec qui l’on se garde si fort de parler politique, et qui, huit heures durant, se jette à corps perdu dans la littérature, au point de citer quasi des vers de la Pucelle, devant Mme de Tocqueville ?
Il n’eut donc qu’à vérifier d’un coup d’œil la cité du jour, et s’il perdit, en y marchant, quelques préjugés de détail, si très-souvent il eut à rabattre en ce sens qu’il lui avait attribué d’abord plus qu’elle n’avait, sa direction prescrite n’en fut pas déviée ; il ne fit plutôt que s’affermir. […] « Des lieux inconnus où le fleuve se perd, deux voix s’élèvent incessamment.
mais j’oublie que Perse n’a pas écrit sa satire ou qu’elle s’est perdue. […] Nisard, je me hasarderai à donner, en la traduisant, une pièce entière des Sylves, que j’ai choisie comme étant la plus courte et peut-être la plus simple : AU SOMMEIL Par quel crime, si jeune, ô des Dieux le plus doux, Par quel sort, ai-je pu perdre tes dons jaloux ?
Othon et Sénécion, jeunes voluptueux qui perdent le prince, sont à peine nommés dans un endroit. […] Euripide lui-même laisse beaucoup sans doute à désirer pour la vérité ; il a déjà perdu le sens supérieur des traditions mythologiques que possédaient si profondément Eschyle et Sophocle ; mais du moins chez lui on embrasse tout un ordre de choses ; le paysage, la religion, les rites, les souvenirs de famille, constituent un fond de réalité qui fixe et repose l’esprit.
En réduisant la raison au respect de la nature, Boileau ne perd pas de vue, autant qu’il semble, le sens ordinaire et familier du mot. […] L’imitation n’est donc, en somme, pour Boileau, qu’un moyen de faire plus vrai ; et, quand il propose sans cesse les anciens pour modèles, il ne perd pas pour cela le droit d’écrire : Que la nature donc soit votre étude unique.
Ainsi vers 1170, un poète anglo-normand, du nom de Thomas, dans une œuvre dont une grande partie est perdue, contait la pathétique aventure de Tristan et d’Yseult, et ses petits vers fins et secs notaient pourtant avec une pénétrante justesse l’histoire intime de ces deux âmes pitoyables. […] De là à être fou, si elle est lâchée, il n’y a qu’un pas : et de fait, un amant courtois doit perdre le sens, quand la dame courroucée ne le veut plus souffrir.
Elle a soin de sa dignité aussi ; elle l’empêche de se perdre dans d’avilissantes polémiques contre les Desfontaines512 et autres folliculaires. […] Ce fut à Lunéville qu’il perdit Mme du Châtelet (septembre 1749).
Dès qu’il est individuel, il perd les raisons de mourir, et sa plainte dépasse son mérite ou sa misère : tant qu’il reste une abstraction philosophique, il n’est pas vivant, et qu’importe alors qu’il meure ? […] Depuis la fin du xviiie siècle, la comédie se traîne : la gaieté de Beaumarchais est perdue, la profondeur de Molière se retrouve encore moins.
Une objection, elle est fausse, le lecteur achetant plus cher, les maîtres y perdront, en popularité (non : sur le gain marchand qui ne fut strict jusqu’ici, doit, autant, peser le léger impôt). […] Ceux qui virent tout de mauvais œil estiment que du temps probablement vient d’être perdu.
— Les journaux ont perdu trop d’écrivains pour n’avoir point noyé aussi quelques critiques en modérant leur indépendance et en leur refusant le loisir nécessaire à la réflexion, à l’étude et aux jugements mûris. […] Jacques Morland Oui, depuis dix ans, on a perdu ce sentiment de sécurité qui ôte toute utilité à la critique.
C’est un long geste, sans surprise, élevant par guirlandes de riches, somnifères et troublantes corolles bientôt nouées à notre front ; ou bien un doigt haut levé en un signe conduit nos yeux jusqu’à les perdre parmi les fondantes magies de l’horizon qui se déroule. […] Griffin a donné à beaucoup de ses strophes l’équilibre et la mesure. — S’il était en mon pouvoir, je me garderais de les pousser l’un vers l’autre ; en se rapprochant, peut-être ne diraient-ils plus ce qu’ils doivent dire, car le talent et le génie se combattent implacablement : il faut une virile puissance pour accorder leurs voix en un seul hymne et souvent, à vouloir dominer l’un de ces deux ennemis qui lui échappait encore, le poète a perdu celui qu’il avait déjà maîtrisé.
Nous avons perdu le long espoir et les vastes pensées. […] Je me berce parfois de l’espoir que les machines et les progrès de la science appliquée compenseront un jour ce que l’humanité aura perdu d’aptitude au sacrifice par le progrès de la réflexion.
Mais si j’allais perdre par leur contact la pureté de mon cœur et ma conception de la vie ? […] J’avais perdu le besoin de savoir, de scruter, de critiquer ; il me semblait qu’il m’eût suffi d’aimer et de sentir ; mais je sentais bien qu’au premier jour où le cœur cesserait de battre si fort, la tête recommencerait à crier famine.
Nous ne perdrons plus le milieu et la fin de notre vie ; nous serons des hommes quand nous aurons cessé d’être jeunes gens. […] La Restauration tombée, M. de Chateaubriand, dans cet amour des beaux rôles, crut se devoir à lui-même de lui demeurer fidèle, tout en proclamant, dans l’oraison funèbre qu’il prononça sur elle à la Chambre des pairs, qu’elle s’était perdue par la conspiration de l’hypocrisie et de la bêtise.
Il montre ces efforts subversifs toujours renaissants et infatigables, et les oppose, pour la stimuler, à la tiédeur des honnêtes gens qui, ennemis de tout ce qui peut avoir l’air de violence, se reposant sur la bonté de leur cause, espérant trop des hommes, parce qu’ils savent que, tôt ou tard, ils reviennent à la raison ; espérant trop du temps, parce qu’ils savent que, tôt ou tard, il leur fait justice ; perdent les moments favorables, laissent dégénérer leur prudence en timidité, se découragent, composent avec l’avenir, et, enveloppés de leur conscience, finissent par s’endormir dans une bonne volonté immobile et dans une sorte d’innocence léthargique. […] Il lui prête un rôle impossible après le 20 juin et quand la partie est déjà perdue : ce jour, en effet, qui est déjà celui de la chute du trône, lui paraît pouvoir être le point de départ d’une restauration idéale dont il trace un tableau chimérique et embelli.
Ayant perdu son père de bonne heure, il fut confié par sa mère aux Oratoriens du collège Saint-Nicolas de Soissons, chez qui il fit ses études. […] Ce premier acte d’iniquité et de cruauté, il en fait audacieusement la pierre fondamentale de toute l’œuvre nouvelle : Je ne perdrai jamais de vue que l’esprit avec lequel on jugera le roi sera le même que celui avec lequel on établira la République.
Mercredi 4 juin Aujourd’hui, dans mon jardin en fleurs, son petit corps maigre perdu dans sa robe à queue, Mme de Nittis parlait, tout au fond d’un grand fauteuil, où elle ne tenait guère plus de place qu’un enfant, parlait, avec des interruptions, des silences, de pâles sourires ; parlait des premiers temps de son bonheur avec son mari, dans un certain carré de roses trémières, aux environs de la Malmaison, et qu’il avait fallu vendre, un jour de mauvaises affaires. […] On ne les voit, ces demoiselles, que de profil, et encore de profil perdu, et dans le plongeon que fait le torse de la première, pour une conversation, à voix basse, avec un sommelier, aux favoris diplomatiques, on aperçoit la plume de fer de la seconde courir sur les additions, avec le sautillement de doigts qui broderaient au tambour.
Le goût n’aura pas moins à perdre que la morale. […] Je sais que l’homme de lettres ne doit pas vivre éloigné du monde, il perdrait dans une solitude absolue les occasions d’observer et la puissance d’agir.
Les calomnies des co-épouses pour perdre l’épouse préférée, par exemple, en représentant celle-ci comme étant accouchée d’un monstre ; cf. […] Le bijoux perdu (ou rejeté) retrouvé dans un poisson 63. — Cf.
Aussi Tite-Live, tout ignorant qu’il est de ce qui regarde la constitution ancienne de Rome, nous raconte que les nobles se plaignaient d’avoir plus perdu par la loi Publilia, que gagné par toutes les victoires qu’ils avaient remportées la même année71. […] De telles guerres entraînent dans toute leur dureté les servitudes héroïques ; les vaincus sont regardés comme des hommes sans dieux, et perdent non-seulement la liberté civile, mais la liberté naturelle. — D’après toutes ces considérations, les républiques doivent être alors des aristocraties naturelles, c’est-à-dire composées d’hommes qui soient naturellement les plus courageux ; le gouvernement doit être de nature à réserver tous les honneurs civils à un petit nombre de nobles, de pères de famille, qui fassent consister le bien public dans la conservation de ce pouvoir absolu qu’ils avaient originairement sur leurs familles, et qu’ils ont maintenant dans l’état, de sorte qu’ils entendent le mot patrie dans le sens étymologique qu’on peut lui donner, l’intérêt des pères (patria, sous-entendu res).
Il a été remarqué que l’auteur, en se proposant et en professant hautement un but moral des plus honorables, jette quelquefois bien durement le défi à la société ; qu’il la maltraite en masse et de parti pris plus qu’il ne conviendrait dans une vue plus impartiale et plus étendue ; qu’il n’est pas très juste de croire, par exemple, qu’un jeune homme tel qu’il nous a montré le sien, Georges, le personnage principal de la pièce, riche, aimé, considéré à bon droit, puis ruiné un matin à vingt-cinq ans par un si beau motif, doive perdre en un instant du même coup tous ses amis, moins un seul ; il a été dit que l’honneur et la jeunesse rencontrent plus de faveur et excitent plus d’intérêt, même dans le monde d’aujourd’hui.
Cet homme s’appelle La Fayette, et il est le dernier des anciens hommes de l’Europe en qui vit encore l’esprit de sacrifice ; débris de l’esprit chrétien. » Dans le livre de M. de Carné, bien que le fond et le tissu en soient véritablement historiques et politiques, l’idée religieuse domine et rabat souvent les autres considérations à un ordre tout secondaire. « Plus les événements marcheront, dit-il, et mieux on comprendra que la question purement politique perd chaque jour de son importance, qu’elle s’amoindrit à vue d’œil, à mesure que se dessine et grandit la question de la régénération morale. » L’auteur s’est attaché surtout à démontrer que la réforme de 89 fut chrétienne dans son principe, bien qu’elle ne dût malheureusement s’accomplir qu’à travers une apostasie, au moins temporaire, du dogme religieux.
Ce qui me fait dire que la vie en commençant ressemble à un labyrinthe, à un dédale de verdure où ceux qui marchent, perdus dans une foule de petits sentiers, se croient à cent lieues les uns des autres, tandis qu’ils ne sont séparés en effet que par une charmille ; au bout du labyrinthe, et quand les erreurs en sont épuisées, les promeneurs surpris se trouvent tous s’être comme donné rendez-vous sur un espace de terrain assez borné, aride et nu.
Cette copie provient de celle que possède la Bibliothèque de l’Arsenal, et qui, perdue dans la masse des papiers de M.
Les efforts de pareils individus se perdaient alors dans le tourbillon universel ; les passions déchaînées suivaient leur développement fatal ; elles étaient l’âme de la Révolution, le moteur aveugle, irrésistible de cette machine vaste et puissante.
Quand il l’a perdue et qu’on lui impute les torts des autres, et ceux mêmes de la fortune, il n’a plus la faculté de gouverner, et cette impuissance doit le condamner à se retirer : que de gouvernements ne s’étaient pas usés depuis le commencement de la Révolution !
C’est en vain qu’elle tendra les mains au ciel et qu’elle appellera sa mère ; le ciel ni sa mère ne l’entendront plus ; ses cris seront perdus dans la forêt ; personne ne viendra qui la délivre du satyre ; et quand le satyre l’aura surprise une fois aux environs de sa demeure, elle y retournera pour être surprise encore.
Le soin qu’il prend en sa préface de vouloir identifier le népenthès avec l’opium est peine perdue ; je m’en tiens, en le lisant, au népenthès d’Homère ; et ce titre, assez dans le goût allemand, et qui fait appel à l’érudition grecque, résume à merveille pour moi la variété multiple, curieuse, amusante, l’instruction étendue, agréablement bigarrée, légèrement moqueuse, le bon sens raffiné et salutaire, la saveur en un mot d’un livre écrit par l’un des plus distingués littérateurs en une époque comme celle de Lucien, où l’on se rappelle encore de bien loin son Homère, et où l’on extrait avec recherche le suc de toutes choses.
Et d’ailleurs les circonstances politiques devenant de jour en jour plus pressantes, le principe, qui n’aurait dû servir que d’instrument à prendre ou à laisser, devenait lui-même une arme de plus en plus chère, un glaive de plus en plus indispensable et infaillible ; le but lointain d’association et d’unité s’obscurcissait derrière le nuage de poussière que soulevaient les luttes quotidiennes ; car le Globe s’y lança sans hésiter dès que les besoins du pays lui parurent réclamer une pratique plus active ; mais ses tentatives de science générale y perdirent d’autant ; ce sentiment inspirateur, cette tendance générale et ce but d’avenir que nous signalons plus particulièrement ici s’éclipsèrent devant une application directe à la situation politique du moment, et, dans la préoccupation naturelle des rédacteurs comme du public, notre journal parut se réduira au travail du principe de liberté jouant et frappant dans toutes les directions.
Si vous dites, pour citer une théorie qui jouit aujourd’hui d’une faveur incroyable, non seulement parmi les pauvres sols tout éplorés qu’Alfred de Musset traîne à ses talons, mais auprès des esprits les plus graves de notre époque, si vous dites que le vrai poète doit être une espèce de don Juan fatal, victime prédestinée de cet insatiable besoin d’aimer qu’on appelle le génie, et semblable au pélican qui donne à ses petits son propre cœur en pâture, s’il vous plaît de répéter cette déclamation, nous vous laisserons faire, et, quand vous aurez fini, nous vous rappellerons simplement l’admirable possession de soi d’un Cervantes et surtout d’un Shakespeare, qui dans la force de l’âge et du talent, cesse tout à coup d’écrire et se met à cultiver son jardin, comme Candide, après avoir eu la tête traversée par un effroyable torrent d’idées et d’images, dont quelques flots auraient suffi pour faire perdre l’équilibre à la plus ferme de nos cervelles.
Je ne sais que deux écrivains qui aient pu se passer d’être méthodiques sans y perdre.
Il y perdit, s’il l’eut jamais, la capacité des grandes affaires ; il y devint incapable de jugement et de justice.
Dans ces livrets d’une bouffonnerie énorme et pourtant fine898, dont la fantaisiste irréalité semble se rapprocher parfois de la comédie de Musset, dans cette « blague » enragée qui démolit tous les objets de respect traditionnel, en politique, en morale, en art, et qui ne reconnaît rien de sérieux que la chasse au plaisir, revit ce monde du second empire que les romans et les comédies, plus brutalement ou plus sévèrement, s’efforceront de représenter : monde effrénément matérialiste, si vide de conviction qu’il ne croyait même pas à lui-même, se moquant du pouvoir et de l’argent qu’il détenait, et se hâtant, avant de les perdre, d’en acheter le plus possible de plaisir.
Déjà, dans Bel-Ami, M. de Maupassant nous avait dit le supplice de la femme qui n’est plus jeune et qui perd son dernier amant.
Il en était resté tellement ébloui qu’il risquait de s’y perdre.
Elle s’en souciera comme d’une guigne, cela est dans l’ordre des choses, mais de tels exemples ne sont jamais complètement perdus, car il y a, en bas, toute une poussée d’esprits neufs et réfléchis — les générations de demain — qui comparent et qui jugent. » J’aurais, aujourd’hui, bien des choses à reprendre à cet article.
La foi se perd.
Assurément des faits de cette espèce ont plus de portée dans la vie d’un peuple que la mort d’un prince, voire même qu’une bataille gagnée ou perdue ; mais ils sont cachés, et l’historien n’a pas trop de toute sa perspicacité pour les découvrir ni de tout son talent pour les mettre en lumière.
Patience et longueur de temps, comme disait le fabuliste, ouvrent des éclaircies, frayent des sentiers, et peu à peu les actions multiples du milieu cosmique cesseront de former la masse confuse où se perdent encore les pionniers de l’histoire scientifique.
L’on a presque retrouvé le nombre que Malherbe et Balzac avaient les premiers rencontré, et que tant d’auteurs depuis eux ont laissé perdre.
Y a-t-on vu renaître la franchise, la droiture, la générosité, le bonheur, & la paix ; ou plutôt, malgré ces cris hypocrites d’humanité, de bienfaisance, les cœurs ne paroissent-ils pas s’être rétrécis, desséchés, & avoir perdu leur énergie ?
L’homme atome noyé dans un rayon perdu de soleil, et qui se confondait par son imperceptibilité avec le néant, se confond tout à coup par sa grandeur avec la Divinité !
Ciceron dit aussi dans le cinquiéme livre des tusculanes, en parlant des plaisirs qui restent encore à ceux qui ont eu le malheur de perdre l’ouïe : que s’ils aiment les beaux chants, ils auront peut-être plus de plaisir à les lire qu’ils n’en auroient eu à les entendre executer.
La critique, la critique qui dise d’où elle vient et où elle va, la critique qui se réclame d’un principe moral plus haut qu’elle, il n’y a pas plus de cette critique-là à la Revue des Deux Mondes, veuve de Gustave Planche, qu’à la Revue Contemporaine, qui n’a plus besoin de se chercher un Gustave Planche puisque la Revue des Deux Mondes a perdu le sien.
Voltaire n’est rien de plus que le maréchal de Richelieu de la littérature, et ceux qui l’admirent le jugent comme les femmes, à qui il avait fait perdre la tête, jugeaient le maréchal de Richelieu.
Encore une fois, l’auteur connu, dans Madame Sand, mais l’auteur sans nouveauté d’idées, de verve et d’accent, et la femme peu connue, l’épistolière, donnant à l’auteur un dessous de langage abominablement commun et des métaphores de domestique indiquant l’habitude d’une âme évidemment moins haute, moins désintéressée et moins poétique que celle-là qu’elle affecte d’avoir quand elle parle d’elle, voilà, résumé en quelques mots, ce qu’on trouve en cette Correspondance, qui fera perdre à Madame Sand ses derniers amis et ses derniers admirateurs.
Une telle évidence est cependant perdue pour M.
Enfantin pour cacher et faire accepter à la pudeur publique, qu’elle outrage, une doctrine qui se trouvait plus religieuse d’aller toute nue, quand elle était plus jeune, il ne faut pas perdre de vue qu’il s’agit ici, comme au temps où le saint-simonisme cherchait la femme, de la réhabilitation de la chair.
Cet air, cet accent, il ne les a jamais perdus, même quand il est redevenu le plus Français, le plus spirituel, et même le plus poète de canapé chez les précieuses du xixe siècle ; car il y a de cela aussi chez Lefèvre-Deumier.
… Des poésies nous arrivant précisément ce jour-là devaient-elles, par le contraste, nous rappeler ce que nous avions perdu ou nous en consoler un peu par quelque vague ressemblance ?
Bouilhet, toute personnalité, pour être imperceptible, n’était ni perdue ni désespérée.
Nous qui perdons le monde et nous voyons mourir, Pleurons sur notre chute et n’en ayons pas honte.
Nous suivons Socrate de l’œil ; nous ne perdons pas un de ses mouvements, pas un de ses discours ; nous le voyons quand on lui amène ses deux enfants, quand il donne ses derniers ordres pour sa maison, quand il fait éloigner les femmes ; quand ses amis mesurent avec effroi la course du soleil, qui bientôt va se cacher derrière les montagnes, et quand la coupe fatale arrive, et lorsqu’avant de la prendre, il fait sa prière au ciel pour demander un heureux voyage, et l’instant où il boit, et les cris de ses amis dans ce moment, et la douceur tranquille avec laquelle il leur reproche leur faiblesse, et sa promenade en attendant la mort, et le moment où il se couche sur son lit dès qu’il sent ses jambes s’appesantir, et la mort qui monte et le glace par degrés, et l’esclave qui lui touche les pieds que déjà il ne sent plus, et sa dernière parole, et son dernier, et son éternel silence au milieu de ses amis qui restent seuls.
L’étiquette de la cour de Byzance, qui tint toujours un peu de la pompe asiatique, autorisa longtemps et consacra cet usage ; mais, ou ces éloges sont perdus, ou ils sont restés manuscrits dans les bibliothèques.
les axiomes) cette idée effrayante d’une divinité qui borna et contint les passions bestiales de ces hommes perdus, et en fit des passions humaines.
Des jugements divins resta ce qu’on appelait la religion des paroles, religio verborum ; généralement les choses divines sont exprimées par des formules consacrées dans lesquelles on ne peut changer une lettre ; aussi dans les anciennes formules de la jurisprudence romaine, imitée des formules sacrées, on disait : une virgule de moins, la cause est perdue ; qui cadit virgulâ, caussâ cadit.
» S’agit-il des meilleurs sentiments de l’homme, de la fidélité des souvenirs, le poëte n’attend pour l’ami qu’il a perdu qu’un perpétuel sommeil219.
Supposez un homme qui, les yeux fermés, voit distinctement le visage adoré de sa maîtresse, qui l’a présent tout le jour, qui se trouble et tressaille en imaginant tour à tour son front, ses yeux, ses lèvres, qui ne peut pas et ne veut pas se détacher de sa vision, qui chaque jour s’enfonce davantage dans cette contemplation véhémente, qui à chaque instant est brisé par des anxiétés mortelles ou jeté hors de lui par des ravissements de bonheur ; il perdra la notion exacte des choses. […] Je vois que ma course m’entraîne à ma perte ; je le vois, et pourtant mon plus grand chagrin est de ne point perdre davantage pour l’amour de Stella300. » À la fin, comme Socrate dans le Banquet, il tourne les yeux vers la Beauté immortelle301, clarté céleste « qui perce les nuages et tout à la fois brille et nous donne la vue. » « Oh ! […] Qu’importe que Vénus ou Cupidon aient perdu leurs autels ? […] Par exemple, les poëtes passionnés ont dit à leur maîtresse que s’ils la perdaient, ils prendraient en aversion toutes les femmes. […] Érostrate vit pour avoir détruit le temple de Delphes, et celui-là qui l’a bâti est presque perdu.
Et plus loin : Tu revêts la forme sanglante D’un héros, d’un peuple, d’un roi… Et encore (car, tandis que j’y suis, je m’en voudrai de ne point vous citer cette strophe admirable) : Il se fait un vaste silence : L’esprit dans ses ombres se perd, Le doute étouffe l’espérance Et croit que le ciel est désert. […] dans l’espace, et si éphémère dans le temps, perdu dans l’humanité totale comme l’est une goutte d’eau dans la mer, et comme l’humanité l’est elle-même dans l’infini des mondes, le poète…. […] Mon nom brûlant de se répandre Dans le nom commun se perdra. […] Jocelyn devient prêtre afin de pouvoir donner l’absolution… Personne n’oserait dire qu’un homme pieux perd son titre à l’héritage céleste parce que, contre sa volonté et son vœu, il serait mort loin des consolations de l’Église… Le fanatisme est beau en poésie, mais le poète ne doit pas laisser lieu de penser qu’il épouse les emportements du zèle aveugle et amer. […] L’évêque ne dit pas à Jocelyn : « Sauvez mon âme, qui serait perdue sans vous », mais : « Accordez à mon âme une dernière consolation. » Nous sommes ici avec des croyants.
Ainsi, pour aller de A en B dans notre atmosphère, un pendule, par exemple, devra surmonter une résistance ; pour vaincre cette résistance, il devra produire un travail ; et, en travaillant, il perd une partie de son énergie. Si donc on change le sens du mouvement, ce mobile ne reviendra pas au point de départ, puisqu’il a déjà perdu de l’énergie à l’aller, et qu’il va encore en perdre au retour. […] Les concepts scientifiques, intelligibles comme mesure de la réalité, perdront toute signification, si l’on veut que la mesure ne mesure finalement qu’elle-même. […] Mais, aussitôt qu’ils sont en société, ils perdent le sentiment de faiblesse qu’ils avaient primitivement ; l’égalité qui était entre eux cesse, et l’état de guerre commence. […] En revanche, cette nécessité a perdu le caractère esthétique qu’elle avait pour les pythagoriciens et les platoniciens.
Mardi 22 janvier Aujourd’hui, Gibert le chanteur de salon, racontait qu’il y avait un médecin à Paris, dont la spécialité était le massage des figures de femmes, et qu’il obtenait des résultats étonnants, refaçonnant un visage déformé par la bouffissure ou la graisse, et lui redonnant l’ovale perdu. […] » Puis cette foule de voyous, magnifiquement effrayants sous leurs blouses, dans le moderne de leurs vêtements, en leurs travestissements de pêcheurs de Masaniello, ayant perdu tout caractère, ayant l’air d’une mascarade historique de chienlits de la Révolution. […] C’est l’Empereur en contact avec une famille de gens gras à lard, d’une famille Durham, et qui n’a jamais entendu parler de lui, et ne s’intéresse qu’au héros et à l’héroïne d’un roman de Mme Cottin, arrivé par hasard dans cette île perdue, et à propos duquel, jeunes et vieux assassinent de questions l’Empereur, qui exaspéré, à une question du gros oncle demandant ce qu’est devenue l’héroïne, lui jette durement : « Elle est morte ! […] Lundi 20 mai À l’Exposition, les allants et les venants, tout un monde bêtement affairé, éreinté, affolé, la tête perdue ; c’est de l’humanité qui ressemble aux bestiaux fous, que j’ai vus, en leur course éperdue dans le Bois de Boulogne, au mois d’août 1870. […] Dans cette biographie, tout émaillée d’expressions provençales, que le raconteur de lui-même, jetait en marchant dans les allées du parc, il était question de deux mariages ; d’un mariage avec une Mistral, lui apportant des millions, et qu’il avait rompu avec une grande tristesse d’âme, en rentrant dans son domaine, sur le sentiment qu’il éprouvait de la disproportion de son avoir et de celui de sa femme, et dans la crainte que cette grande fortune ne lui fît perdre les éléments inspirateurs de sa poésie.
le grand Frédéric se promène déjà sur la place… il n’y a plus une minute à perdre ! […] — Ne parie pas, Kobus, tu perdrais. […] Ainsi débuta Iôsef, ayant bien des fois, dans sa vie errante, pris des leçons du chantre de la nuit, le coude dans la mousse, l’oreille dans la main, et les yeux fermés, perdu dans les ravissements célestes. […] C’est déjà beaucoup d’avoir perdu deux jours dans cette saison ; mais je ne m’en fais pas de reproche, car il est dit : « Honore ton père et ta mère !
aurait sans doute répondu Pascal ; et, à la vérité, nous ne saurions dire ce qu’il en sera dans cent ans, dans mille ans ou deux mille ans d’ici ; mais, pour le moment, et pour longtemps encore, il semble que la raison soit impuissante à se délivrer seulement de ses doutes, bien loin de pouvoir faire elle-même son salut ; et s’il est vrai que depuis cent ans la science ait prétendu remplacer « la religion », la science, pour le moment et pour longtemps encore, a perdu la partie. […] Deux mots suffisent à les résumer : la Science a perdu son prestige ; et la Religion a reconquis une partie du sien. […] Placez Joanna Southcote à Rome, elle y fonde un ordre de Carmélites aux pieds nus, prêtes à souffrir le martyre pour l’Église26. » Ou en d’autres termes, faute d’être un gouvernement, le protestantisme, dont on est convenu d’admirer la souplesse, perd à jamais ses moindres hérétiques, tandis que le catholicisme, dont on a si souvent méconnu la « plasticité », absorbe d’ordinaire, annule, et parfois réussit à utiliser les siens, parce qu’il est un gouvernement. […] « Le mystique, dit-il, qui prétendrait diriger sa vie et ses affaires privées d’après les seules notions du merveilleux serait bien vite perdu.
Et si l’on songe non seulement à la tourbillonnante réalité sociale qui s’agite autour de nous, mais à la réalité encore plus poignante qu’est l’homme perdu sur un astre errant dans l’immensité, s’interrogeant sur son existence même entre deux infinis, comment pourra-t-on sérieusement affirmer qu’une forme fixe s’offrira à ses pensées ? […] Les dieux sont morts, c’est de l’encens perdu. […] * * * S’il est définitivement établi, comme tout paraît le démontrer, qu’il ne peut pas y avoir une science, mais des sciences, et que ces sciences, loin de conduire l’homme à une vision d’ensemble de l’univers, lui fournissent au contraire continuellement des points de vue nouveaux sur le Réel dans des ordres de connaissance différents, les hommes risquent de perdre toute vue synthétique sur l’ensemble des choses, les sciences allant vers la diversité et non vers l’unité. […] Débarrassons-nous de ces obstacles, ne perdons plus nos jours dans la vaine attente de fantômes littéraires.
Au lieu de ce lion du Sahara qui m’éblouit, je suis content si je vois l’homme dans le héros et si je ne le perds pas de vue un seul instant.
À ses moments perdus, il cultive la muse, et la muse le lui rend.
S’il possédait un château dans la campagne, il ordonnerait son parc avec un grand goût, je n’en doute pas, mais il en limiterait les contours ; il ne laisserait pas la verdure de ses gazons se continuer insensiblement et se perdre dans les prairies ou les cultures environnantes, de telle sorte que tout le paysage ne fît qu’un et que ce qui est cultivé, peigné, embelli, ne se distinguât que par une nuance de ce qui est tout à fait champêtre et agreste : il tracerait autour du domaine, comme pour le pourtour des temples antiques, un sillon sacré.
Il y a cependant quelque ironie peu fidèle à nous montrer vers la fin Raymon, si frais, si beau, si calme, au centre des pauvres destinées égarées dont il est le fléau, et n’ayant pas gagné une ride, pas perdu un cheveu.
Mais il nous semble que de tout cela on devrait conclure, au contraire, ou qu’il est trop tard pour chercher, et que l’humanité est perdue, ou bien que la solution dont dépend le bonheur de l’humanité est trouvée, et existe quelque part.
Le gouvernement monarchique et l’étendue des empires modernes ont détaché la plupart des hommes de l’intérêt des affaires publiques : ils se sont concentrés dans leurs familles, et le bonheur n’y a pas perdu ; mais tout excitait les anciens à suivre la carrière politique, et leur morale avait pour premier objet de les y encourager.
Éviter le souvenir de ces impressions, ce serait perdre le plus grand des avantages, celui de peindre ce qu’on a soi-même éprouvé.
Mais cet avantage que Goethe perd un moment, il le retrouve le moment d’après, quand, par exemple, la lecture d’un chœur de Sophocle ou d’une ode de Pindare fait couler à longs traits dans tous ses sens et dans son âme une émotion, une félicité, que jamais ne goûta madame de Staël.
Vous ne devez pas perdre de vue que la nature et l’intensité des causes étant altérées, les effets ne devront pas rester les mêmes en nature et en intensité : c’est affaire d’observation, de tact et de temps, pour apprendre à y maintenir une exacte correspondance.
Savoisy lui remontre avec éloquence que la France est perdue ; le petit roi répond d’un ton dégagé qu’il est venu pour chasser au faucon.
Vielé-Griffin s’éclaire à la haute flamme de la Joie, mais M. de Régnier s’appuie à la stature de la Douleur que la résignation rend encore plus humaine et si la Fatalité n’est plus, dans ses écrits, le geste pétrifiant qui se tendait soudain sur les héros de la tragédie grecque, sa forme lointaine a gagné en mystère ce qu’elle perdait en majesté.
Qu’elle improvise ou qu’elle récite, elle ne perd rien de son babil ni de son effronterie.
L’apparition d’un ouvrage comme le Cosmos de M. de Humboldt, où un seul savant, renouvelant au XIXe siècle la tentative de Timée ou de Lucrèce, tient sous son regard le Cosmos dans sa totalité, prouve qu’il est encore possible de ressaisir l’unité cosmique perdue sous la multitude infinie des détails.
Jésus répétait souvent que celui qui a trouvé le royaume de Dieu doit l’acheter au prix de tous ses biens, et qu’en cela il fait encore un marché avantageux. « L’homme qui a découvert l’existence d’un trésor dans un champ, disait-il, sans perdre un instant, vend ce qu’il possède et achète le champ.
À cette époque le bel esprit avait perdu de son importance, la mode avait amené le goût de l’étude et des sciences.
D’après le sens littéral de cette explication, il semble que le Paradis perdu serait un poème classique, et la Henriade une œuvre romantique.
Crainte de trahir les intérêts du ciel, ou, selon ses ennemis, crainte de compromettre sa réputation, Bernard refusa d’abord le défi, & ne l’accepta que sur les instances réitérées de ses amis, qui le crurent perdu d’honneur, s’il manquoit de courage en cette occasion.
Deux auteurs de cette réputation, d’admirateurs réciproques & d’amis intimes, devenus rivaux & grands ennemis, étoient sur le point de perdre, par leur division, l’estime qu’on leur portoit.
Je ne puis me dissimuler qu’un mauvais livre, une estampe malhonnête que le hasard offrirait à ma fille suffirait pour la faire rêver et la perdre.
Rousseau a beau dire que ce n’est point là l’homme de la nature, que c’est l’homme corrompu et gâté, et que ce n’est pas sa faute si l’homme a perdu, par le commerce de ses semblables, sa perfection originelle et primitive, qu’il veut tâcher de lui rendre.
Le sang versé n’est jamais perdu.
Nous y perdrions trop.
Ce grand caractère religieux qu’a senti Saliat jusqu’à l’outrance, et qui plaisait dans Hérodote à Joseph de Maistre, ce caractère que n’aurait pas pu traduire Courier s’il avait continué sa traduction d’Hérodote, vibre au contraire dans toute sa portée en la traduction de Pierre Saliat, et ce n’est pas là une des moins fortes originalités de cette traduction, qui semblait perdue pour nous et que M.
pour que Guizot, l’historien de la civilisation en Europe, au lieu de se préoccuper des larges perspectives et d’élargir ses horizons, se mette à écrire la vie de quelques hommes, à les prendre à part et à les tirer du cadre de la Révolution d’Angleterre, où ils sont à peu près perdus, il faut quelque raison, sans doute.
Il avait extrait — comme il l’avait dit — « le dernier pépin de cette « Grenade », le plus beau fruit des Huertas de l’Espagne, quand Isabelle, ayant mis son confesseur Fernando de Talavera sur le siège de sa conquête, vit Ximénès, et, devinant le grand homme futur caché sous le froc, le choisit pour remplacer l’homme de conseil qu’elle avait perdu.
Elle perd, à l’instant même, son caractère de point d’or dans le clair-obscur.
Il a essayé de cacher le secret de son âme, le rayonnement de son opinion intime, sous une forme impartiale et dégagée, et à l’instant même le livre qu’il a écrit a perdu tout caractère, et l’ancien talent de Ranke, on se demande… où il a passé ?
Pour se l’attacher et lui faire porter éternellement sa marque, elle l’avait taché d’une goutte de sang qui n’était pas, celle-là, une éclaboussure de bataille… Mais ce crime tremblé de la mort du duc d’Enghien fut un crime perdu.
Hatin n’a rien déduit de faits pareils, et ces grands exemples ont été perdus.
tout n’est pas perdu !
il le conservera, s’il ne faut pas pour cela dévier de sa ligne droite, et il le perdra, sans souci, pour ne pas en dévier.
Si Romulus tète la maigre louve dont le lait sauvage devint le sang de la plus féroce nation qui ait jamais planté des millions d’épées dans la poitrine, trop petite, du genre humain, Mahomet, qui avait goûté au lait savoureux et sacré de la Bible et de l’Évangile, n’en perdit jamais la douceur première, même lorsque l’heure de la guerre vint, de la guerre fanatique, prosélyte et terrible !
Eh bien, c’est cette même voix qui circule et qu’on entend dans les poésies de Bouchor, de ce poète athée qui pleure son dieu, comme Hécube pleurait ses enfants perdus, et que son athéisme rend tour à tour morne ou effaré… Seulement, le tableau effrayant de Jean-Paul ne dure que l’instant d’une page, zigzag de feu terrible qui tombe dans le gouffre sans fond du néant et nous éclaire ce trou vide !
Des concetti de l’Italie de la Renaissance, elle est tombée sous une plume éperdue et perdue de souplesse, dans l’abjection de la farce grossière, des quolibets et des calembourgs du xixe siècle..
………………………………………… Et encore : Notre jeunesse est enterrée Au fond du vieux calendrier, Ce n’est plus qu’en fouillant la cendre Des beaux jours qu’il a contenus Qu’un souvenir pourra noua rendre La clef des paradis perdus.
Que le réalisme s’applaudisse de ce dénoûment, s’il lui plaît ; nous nous en affligeons, nous, pour un livre qui pouvait se sauver par là de l’immense et universelle vulgarité de fond dans laquelle il se perd, malgré les qualités et les efforts de son auteur.
Admirons la sagesse et la gravité romaines, en voyant au milieu de ces révolutions politiques les préteurs et les jurisconsultes employer tous leurs efforts pour que les termes de la loi des douze tables, ne perdent que lentement et le moins possible le sens qui leur était propre.
Si l’on ajoute à ces noms celui de Domitius Afer, l’heureux et habile avocat des mauvaises causes, éloquent jusqu’à faire ombrage à Caligula (comme Lucain poète faisait ombrage à Néron), trop perdu de mœurs, trop aisément accusateur, démentant le vir probus dicendi peritus, mais qui garde auprès de la postérité le mérite d’avoir eu pour disciple Quintilien ; — Marcus Aper, célèbre à meilleur titre, l’honneur du barreau sous Vespasien, qui joue un grand rôle et le principal dans le Dialogue sur la corruption de l’éloquence, dont quelques personnes même l’ont cru auteur, tant il y plaidé bien la cause des modernes ; — le sophiste Favorinus, né à Arles, célèbre dès le règne de Trajan, en haut crédit et en faveur sous Adrien, et le maître d’Aulu-Gelle ; qui parlait disertement sur tous sujets, qui fit en plaisantant l’éloge de la fièvre quarte (il écrivait en grec), mais qui ne portait pas seulement de l’esprit, qui avait quelquefois de la raison dans les thèses paradoxales qu’il soutenait ; — Fronton, le maître de Marc-Aurèle, dont les lettres retrouvées par M. […] Ils sont perdus dans leur sillon ; ils ne portent pas leur regard au-delà. […] Ils publièrent textes sur textes, chansons de Geste, chansons proprement dites, lais, fabliaux, miracles et mystères, tout un fonds de littérature longtemps perdu et ignoré, souvent agréable pour le lecteur instruit, et qui appelle surtout l’attention du critique et du philosophe.
Chaque soir je me couche en désirant que ce jour honteux soit le dernier ; chaque matin je me réveille en me disant à moi-même : Reprends cœur, bois ton amertume ; lutte encore, car, si tu faiblis un moment ou si tu quittes ta patrie en abandonnant à tes créanciers des terres que nul n’ose acheter, ta lâcheté perdra ceux que tu dois sauver ; tu es leur otage, ne t’enfuis pas ; sois le Régulus de leur salut. […] Plus de paroles, plus de repos (brebis qui bêle perd sa dentée d’herbe) ; le mûrier qui les porte est à l’instant dépouillé tout nu ! […] « Toi qui gazouilles dans ton lit, va lentement, va lentement, petit ruisseau parmi tes galets sonores ; ne fais pas tant de bruit, car leurs deux âmes sont dans le même rayon de feu, parties comme une ruche qui essaime… Laissez-les se perdre dans les airs pleins d’étoiles !
toi, génie flamboyant qui es au-dessus de moi, j’ai pleuré, non pas sur celle que j’ai perdue, non, j’ai pleuré sur moi avec moi-même. […] XXI La mort de Schiller, de Goethe, du grand Frédéric, de Klopstock, de Herder, de Wieland, de Kant et de leurs contemporains les plus rapprochés par l’âge, tels que les Stolberg, les Guillaume de Humboldt, les Schlegel, les Jacob, etc., etc., laissa l’Allemagne littéraire et philosophique vide, froide et inanimée comme une terre épuisée qui a perdu sa vigueur et qui a besoin de renouveler sa sève par le temps avant de produire de nouvelles moissons de grands hommes. […] L’Angleterre a oublié sa grande parole, l’Italie a perdu sa grande poésie, l’Espagne sa grande gaieté comique ; la France elle-même se sent, malgré les jactances de sa jeunesse littéraire, dans une sorte de décadence orgueilleuse qui l’attriste elle-même.
Je ne gagnai ni ne perdis beaucoup ; mais le jeu aussi m’ennuya vite, comme tous mes passe-temps de Paris ; ce qui me détermina à partir pour Londres au mois de janvier. […] Plus tard, auprès d’un des rois de la poésie, la princesse Louise retrouvera sa royauté perdue ; elle aura une cour d’écrivains et d’artistes, elle distribuera des grâces, et le chantre des Méditations, jeune, inconnu, d’une voix timide, ira lire et faire consacrer ses premiers vers dans le royal salon de la comtesse d’Albany. […] Rien ne peut être plus sage ni plus édifiant que la pétition que vous faites de venir à Rome dans un couvent, avec les circonstances que vous m’indiquez : aussi je n’ai pas perdu un moment de temps pour aller à Rome expressément pour vous servir et régler le tout avec notre très saint père, les bontés duquel envers vous et envers moi je ne saurais vous exprimer.
Le premier consul, nous voyant causer ensemble, s’approcha, et, s’adressant au comte, il lui dit qu’il perdait son temps, s’il espérait vaincre l’obstination du ministre du Pape, et il répéta en partie ce qu’il avait annoncé précédemment, en y mettant la même vivacité et la même force. […] « Toujours s’enflammant de plus en plus dans l’irritation de sa parole et dans la violence des expressions, il accumula tant de reproches contre moi que mes amis en furent consternés et me crurent tôt ou tard perdu sans rémission, tant étaient noires et terribles les couleurs sous lesquelles l’Empereur dépeignait l’acte que j’avais commis, ainsi que les autres, pour accomplir mes devoirs. […] Là gisait l’insurmontable difficulté, car nous avions perdu le droit de leur confesser que nous ne nous souvenions pas très bien de leurs paroles, puisque l’un de nous avait commis la faute d’en prendre copie.
Quant à établir un concours posthume entre les siècles littéraires pour les classer selon leur mérite, c’est du pédantisme, c’est du temps perdu. […] Nous avons eu beaucoup de grands hommes, promis au plus hautes destinées, qui ont été devant nous jetés sur le tapis du monde, disputés entre la vie et la mort, et plus d’une fois la vie a perdu la partie. […] N’avons-nous pas tout simplement perdu le sens du comique ?
Ou, s’il faut croire que quelques parties de l’orateur lui ont manqué, nous, pour qui tout le mérite de l’action oratoire est perdu, et qui, les yeux sur un livre inanimé, ne pouvons plus sentir que la muette éloquence des paroles écrites, nous n’en donnerons pas moins la première place au prédicateur qui a écrit le plus fortement. […] Combien ne s’est-il pas perdu de cet accent et de cette couleur sous les voûtes des églises qui entendirent Bourdaloue ? […] Les sermons de Bourdaloue, sans l’action de l’orateur, sans la méthode, perdent encore, pour nous qui les lisons, l’effet des hardiesses fameuses de sa morale et de la généreuse audace de ses allusions.
c’est perdre son temps que de se tourmenter sur ces problèmes. […] Les habiles alors perdent la tête, la prudence humaine est aux abois. […] C’est peine perdue de calculer et de ménager savamment les moyens ; car la brutalité s’en mêlera, et on ne calcule pas avec la brutalité.
Si cela n’est point, la musique perd tout sens. […] De tout ce que j’ai dit sur le drame wagnérien, il ressort avec tant d’évidence que la musique de ce drame doit perdre tout sens, toute valeur, alliée à un texte pareil, qu’une nouvelle démonstration est inutile. […] Si cela n’est pas, ce point culminant du drame perd toute signification poétique et musicale.
On y verrait aussi peu d’obéissance que l’orgueil et la présomption y seroient ordinaires. » 5 juillet Été voir ce pauvre Gavarni qui a perdu son fils Jean, pendant notre absence. […] L’oncle que nous venons de perdre était le frère aîné de notre père. […] 23 août Murger nous dit l’oraison funèbre de Planche par Buloz : « J’aimerais autant avoir perdu 20 000 francs. » La vérité est que le vieux Buloz versa de vraies larmes sur son ami, qui a pu avoir l’horreur de l’eau, mais qui a été un caractère noble et désintéressé.
Un de ces escaliers qui font peur aux collégiens allant perdre leur pucelage avec une fille, et une antichambre toute grande ouverte, où il n’y a comme mobilier que des patères à chapeaux ; et dans un coin, sur le carreau, un pain de quatre livres, posé debout. […] 26 juillet Le ciel, cette nuit, est d’un bleu sourd, qui se perd à l’horizon dans une bande orangée, se dégradant en une pâleur verdissante. […] Il nous apparaît, pour la première fois, comme quelqu’un vers lequel nous voyons s’approcher la mort, et nos yeux s’attachent involontairement à lui, comme à une personne aimée qu’on va perdre et dont on veut garder le souvenir.
En entrant, nous avons devant nous le profil perdu de l’accusé, à la pommette saillante qui fait une ombre sur sa joue. […] * * * — Il y a au bout de la table d’hôte, une mère qui vient de perdre un fils de vingt ans. […] À la Flèche, en huit ans, il ne sort que huit fois, chez un de ses professeurs qui l’avait pris en amitié, et pendant ces huit ans, il n’a pour tout argent que, le sou par jour, donné aux élèves sur la cassette du roi Charles X ; — et encore, ce sou, le perd-il, en 1830 ?
Ceux de Tolstoï le déterminèrent à abandonner l’observation d’un monde qui le froissait sans cesse et perdirent ainsi, artistiquement, un des plus puissants génie de ce temps. […] Que l’on en juge par ces trois strophes : J’ai perdu la forêt, la plaine, Et les frais avrils d’autrefois… Donne tes lèvres ; leur haleine Sera le souffle des bois. J’ai perdu l’Océan morose, Son deuil, ses vagues, ses échos ; Dis-moi n’importe quelle chose, Ce sera la rumeur des flots.
Retiré à Rome dans l’oisiveté d’une vie désormais sans but, l’infortuné prince avait cherché, dit-on, dans l’ivresse l’oubli de son héroïsme inutile, de son rang perdu et de son âge avancé. […] C’était une petite femme dont la taille, un peu affaissée sous son poids, avait perdu toute légèreté et toute élégance. […] En peu de minutes d’entretien, encourageant de son côté, timide du mien, je me sentis aussi à l’aise devant elle que si je l’avais vue tous les jours. « M. de Santilly me mande que vous écrivez des vers », me dit-elle en souriant de ma jeunesse et de ma confusion. « Vous êtes sans doute curieux de visiter la chambre et la bibliothèque du grand homme que l’Italie a perdu.
Il a imprégné le génie littéraire saxon anglais d’une sève septentrionale, sauvage, puissante, qu’elle ne peut plus perdre. […] — On n’en peut trop avoir, et pour en amasser Il ne faut épargner ni crime ni parjure, Il faut souffrir la faim et coucher sur la dure, Avoir plus de trésors que n’en perdit Galet, N’avoir dans sa maison ni meubles ni valet, Parmi des tas de blé vivre de seigle et d’orge, De peur de perdre un liard souffrir qu’on vous égorge.
Ils ont un charme de vieillesse mélancolique, la grâce fanée des anciennes étoffes, l’attrait d’une masure perdue et dont les toiles brillent à la rosée, dans un massif lointain de platanes et de cèdres… Leur lyrisme hésitant et vif tout ensemble, leur mélange d’ingénuité et de réalisme, leur manque absolu de mesure et de goût leur ont valu une vogue éphémère. […] La jeune littérature perd une force. » J. […] Lucie, fille perdue et criminelle, est le meilleur.
Par un inestimable bonheur, il possédait le don précieux de l’ironie qui devait le tirer des désordres où il avait failli se perdre. […] Il s’y perdit. […] Vaincus par ces grandes magies, nous avions perdu toute notion du réel, quand des taches graves apparurent, grandirent sur l’eau, puis nous prirent dans leur ombre. […] Il ne le dit pas dans son livre, mais il a dû constamment penser que, sous l’ancien régime, l’intelligence d’un Monneron n’eût pas été perdue et que, pas plus que de nos jours, il ne fût resté attaché à la glèbe. […] Me du Foudray a si bien fait et si chaudement harangué le tribunal qu’il a perdu la cause de Francine.
L’émigré qui perd son pays, qui n’a plus de société, qui n’a plus de jeunesse, représente au bilan le passif, la négation, la déficience. […] Ce n’est pas de la force motrice perdue. […] Je n’y ai pourtant pas perdu tout mon temps. […] La littérature d’idées en 1830, la poésie après 1840 perdent donc ceux qu’on était habitué à tenir pour les chefs de file. […] En 1820, ramenant la poésie perdue, il l’a fait régner sur un cœur, sur des cœurs, et ensuite sur tout le reste, sur la politique, sur l’histoire, sur la critique.
Lorsque Lamartine la revit pendant l’hiver, dans le salon de son mari, il s’aperçut que, dans ce milieu scientifique, où se continuait la tradition de l’incrédulité du xviiie siècle, Julie avait perdu la foi. […] Et plus tard, quand Victor Hugo aura perdu sa fille, noyée dans cet accident de Villequier, sa douleur paternelle lui arrachera des accents dont l’éloquence vient justement de leur simplicité. […] Ou encore, ces vers d’Alfred de Musset à cette époque, ce sont les vers qui commencent ainsi : J’ai perdu ma force et ma vie, Et mes amis et ma gaieté, J’ai perdu jusqu’à la fierté Qui faisait croire à mon génie. […] Elle voulut le voir, le connaître, descendit jusque dans l’empire de l’ange déchu et se perdit avec lui. […] Mais ces quelques vers, perdus dans l’ensemble d’une œuvre déplaisante et que je ne veux pas analyser davantage, ne suffisent pas à imposer son nom à l’attention et, si je vous ai parlé de Verlaine, c’est pour vous dire que nous ne l’acceptons pas comme représentant de la poésie française de ces dernières années, et que nous protestons énergiquement contre les tentatives qui ont été faites, hors de chez nous, pour représenter en lui l’art de chez nous.
Sans avoir rien perdu de ce feu intellectuel qu’ils tenaient de leur sang et de deux cents ans de lettres, on les vit se mouvoir dans le monde des idées avec une naïveté d’enfants, une intempérance de sauvages. […] Fille un peu bien facile et pourtant romaine, maîtresse ensorcelante et prêcheuse calviniste, il y a, en effet, de quoi s’y perdre. […] Mais que l’après-midi est lourd et le passé nous rejoint, semé de tant de jours perdus et de déclins pareils. […] Ce tourbillon d’érotisme métaphysique décharné autour du pauvre Benjamin le perdit. […] L’âme d’un Chateaubriand, audacieuse, livrée à tous les charmes, sans illusions à perdre, capable d’amertume, mais non de désolation, est la moins exposée à la conversion chrétienne.
Toutes les fois que nous en sommes sortis, nous avons perdu notre temps sans rien ajouter à notre considération. » « J’oublie en écrivant que je parle à un homme qui en sait autant que moi sur tous les points, et auquel, par conséquent, je n’ai rien à apprendre. […] Je viens de louer un atelier dans mon quartier, je tâcherai d’y faire un grand tableau, qui procurera à mes jambes l’occasion de s’exercer… En me remettant au travail, j’espère qu’on ne me taxera pas d’être ‘orgueilleux, car je n’ai plus qu’à perdre.
Je suis tout anéantie devant ces charmantes célébrités, et quand j’entends mon nom sonner après les leurs, Dieu seul sait ce que je deviens dans le tremblement de mon cœur… » Et dans une lettre de Paris du 23 décembre 1837 : « Je ne perds à la solitude que je quitte qu’une sorte de voisinage avec Mme Tastu. […] Buvons l’heure qui coule ; Ne perdons pas de temps à nous laver les mains ; Hâtons-nous d’admirer le pigeon qui roucoule, Car nous le mangerons demain.
Sitôt que tel membre prenait la parole, tel autre membre la demandait immanquablement pour lui répondre et le contrecarrer, quel que fût le cas, souvent même avant de bien savoir de quoi il s’agissait et uniquement pour n’en pas perdre l’habitude. […] Un article de sa réorganisation en 1803, et qu’elle ne devrait jamais perdre de vue, assigne une fonction particulière à la Compagnie des Quarante : « Elle est particulièrement chargée, nous dit cet arrêté fondamental plus précis qu’élégant, de la confection du Dictionnaire de la langue française ; elle fera, sous le rapport de la langue, l’examen des ouvrages importants de littérature, d’histoire et de sciences.
Avocat, médecin, littérateur, l’homme du Tiers, avec lequel un duc s’entretient familièrement, qui voyage en diligence côte à côte avec un comte colonel de hussards577, peut apprécier son interlocuteur ou son voisin, compter ses idées, vérifier son mérite, l’estimer à sa valeur ; et je suis sûr qu’il ne le surfera pas Depuis que la noblesse, ayant perdu la capacité spéciale, et que le Tiers, ayant acquis la capacité générale, se trouvent de niveau par l’éducation et par les aptitudes, l’inégalité qui les sépare est devenue blessante en devenant inutile. […] Jamais les hommes n’ont perdu à ce point le sens des choses réelles.
» Pic de la Mirandole, le prodige lettré d’Italie, dans ses Mémoires, disait que le génie de Laurent était à la fois si énergique et si souple, qu’il paraissait avoir été formé pour triompher dans tous les genres. « Ce qui m’étonne surtout, ajoutait ce juge si compétent, c’est qu’au moment où il est le plus engagé dans les affaires de la république, il peut ramener l’entretien sur des sujets de littérature et de philosophie avec autant de liberté et de facilité que s’il était le maître de son temps comme de ses pensées. » Il écrivait des sonnets, restés classiques, et s’excusait en ces termes de se livrer à la poésie, crime illustre dont on l’accusait : « Il y a quelques personnes, dit-il, qui m’accuseront peut-être d’avoir perdu mon temps à écrire des vers et des commentaires sur des sujets amoureux, précisément lorsque j’étais plongé dans des occupations très-graves et très-multipliées. […] Vous devez comprendre vous-même que l’envie ne vous a pas vu avec indifférence parvenir si jeune à une si éminente dignité, et ceux qui n’ont pu réussir à vous exclure de cet honneur feront jouer toutes sortes d’intrigues pour le flétrir entre vos mains, en vous faisant perdre l’estime publique, et tâchant de vous entraîner dans le gouffre de turpitudes où ils sont eux-mêmes tombés ; et sur ce point la considération de votre jeunesse redouble leur confiance.
N’oublions point surtout que Boileau n’a pas vu dans le vers un ingénieux mécanisme, où l’on assemble les difficultés pour les vaincre, ni l’agréable instrument d’un jeu d’esprit littéraire ; jamais il n’en a perdu de vue la valeur artistique, et toutes les lois auxquelles il l’a soumis ne sont pas à elles-mêmes leur fin, mais sont les moyens de produire la cadence expressive, qui procure à l’oreille un plaisir conforme au sentiment dont les mots saisissent l’âme. […] De même que l’alexandrin s’est assoupli, diversifié, enrichi de toute sorte d’effets, depuis le xviie siècle, sans perdre pour cela sa structure intime, de même les genres peuvent subsister dans leur essence, et la voiler d’apparences multiples pour répondre à des besoins nouveaux de l’esprit moderne.
Ce sont des enfilades d’incidentes dont la série ne se perd et des abréviations d’une saveur aiguë. […] Et que tu dises Eleutho, Ou quelque belle de Watteau, Ou Jeanne, du dernier bateau ; Que ton marteau d’or pur concasse Du sucre sur quelque cocasse Ou que, dans une dédicace, Tu divinises la Sarah Que Paris perdit, mais qu’il l’a, La Seule qui toujours sera ; (Car Elle fut, en sa cathèdre, Gismonde, Izëyl sous son cèdre, Et, sous son laurier-rose, Phèdre !)
Ainsi le romantisme, après avoir sonné tous les tumultueux tocsins de la révolte, après avoir eu ses jours de gloire et de bataille, perdit de sa force et de sa grâce, abdiqua ses audaces héroïques, se fit rangé, sceptique et plein de bon sens ; dans l’honorable et mesquine tentative des Parnassiens, il espéra de fallacieux renouveaux, puis finalement, tel un monarque tombé en enfance, il se laissa déposer par le naturalisme auquel on ne peut accorder sérieusement qu’une valeur de protestation légitime, mais mal avisée, contre les fadeurs de quelques romanciers alors à la mode. […] L’orgueil perdit les anges, cher monsieur.
Le Tasse a su mieux modérer son essor, sans lui rien faire perdre sous le joug de l'Art qui le conduit. […] Ils conviennent que parmi les Ouvrages de M. de Voltaire, il y en a quelques-uns d’excellens ; mais ils soutiennent [on commence à les croire, & on les croira de plus en plus] qu’il y en a beaucoup de médiocres & un grand nombre de mauvais : que le talent de saisir les rapports éloignés des idées, de les faire contraster, semble lui être particulier ; mais qu'il y met trop d'affectation, & que les productions de l'art sont sujettes à périr : qu'il n'a que l'éloquence qui consiste dans l'arrangement des mots, dans leur propriété, & non celle qui tire sa force des pensées & des sentimens, qui est la véritable : qu'il n'a aucun systême suivi, & n'a écrit que selon les circonstances, & presque jamais d'après lui-même : que le plus grand nombre de ses Ouvrages ne sont faits que pour son Siecle, & que par conséquent la Postérité n'en admettra que très-peu : que si la gloire du génie n'appartient qu'à ceux qui ont porté un genre à sa perfection, il est déjà décidé qu'il ne l'obtiendra jamais, parce qu'il ressemble à ce fameux Athlete, dont parle Xénophon, habile dans tous les exercices, & inférieur à chacun de ceux qui n'excelloient que dans un seul : que son esprit est étendu, mais peu solide ; sa lecture très-variée, mais peu réfléchie ; son imagination brillante, mais plus propre à peindre qu'à créer : qu'il a trop souvent traité sur le même ton le Sacré & le Profane, la Fable & l'Histoire, le Sérieux & le Burlesque, le Morale & le Polémique ; ce qui prouve la stérilité de sa maniere, & plus encore le défaut de ce jugement qui sait proportionner les couleurs au sujet : qu'il néglige trop dans ses Vers, ainsi que dans sa Prose, l'analogie des idées & le fil imperceptible qui doit les unir : que ses grands Vers tomdent un à un, ou deux à deux, & qu'il n'est pas difficile d'en composer de brillans & de sonores, quand on les fait isolés : enfin, que la révolution qu'il a tentée d'opérer dans les Lettres, dans les idées & dans les mœurs, n'aura jamais son entier accomplissement, parce que les Littérateurs qu'il égare, & les Disciples qu'il abuse, en les amusant, peuvent bien ressembler à Charles VII, à qui Lahire disoit, On ne peut perdre plus gaiement un Royaume ; mais qu'il s'en trouvera parmi eux, qui, comme ce Prince, ouvriront les yeux, chasseront l'Usurpateur, & rétabliront l'ordre.
Eschyle, comme Sophocle, avait traité l‘histoire d’Oedipe dans une trilogie aux deux tiers perdue : Laios, Œdipe, les Sept Chefs devant Thèbes ; plus un drame satyrique qui avait pour titre le Sphinx. […] Il y a sans doute une tradition effacée ou un sens perdu dans cette impiété militante attribuée par Eschyle aux assaillants de Thèbes.
Cette habitude de la création, cet amour infatigable de la maternité qui fait la mère, enfin cette maternité cérébrale, si difficile à conquérir, se perd avec une facilité étonnante23. » Quel est donc le sentiment dominateur et animateur du génie ? […] Le génie, à force de faire sortir l’homme de lui-même pour le faire entrer dans autrui, peut faire que l’artiste se perde un jour lui-même, voie s’effacer la marque distinctive de son moi, se troubler l’équilibre qui constituait sa personnalité saine.
Il ne perd pas pourtant de vue les grandes difficultés, mais il les éclaircit en peu de mots ; & ceux qui demandent des explications plus étendues peuvent consulter les dissertations du même auteur imprimées séparément de son Commentaire en trois vol. […] Il parle de la résurrection d’un nommé Lisan, qui s’étoit pendu parce qu’il avoit perdu un procès qu’il avoit avec son frere.
La Parque à filets d’or n’ourdira point ma vie ; Je ne dormirai point sous de riches lambris ; Mais voit-on que le somme en perde de son prix ? […] Il s’écarte de son auberge parce qu’il lisait Tite-Live ; il perd complètement d’abord la notion de l’heure, puis son chemin, et il s’adresse, en croyant parfaitement revenir au gîte, à une autre auberge que celle où il était descendu, etc.
Supposez que le point d’histoire aperçu eût été plus vaste, son cadre moins déterminé et moins circonscrit, Sainte-Beuve l’eût manqué ; il se serait perdu dans un grand horizon. […] … Quand madame Lenormand publia le premier volume : Souvenirs et Correspondances tirés des papiers de Madame Récamier, il y a déjà quelques années, elle pouvait encore rêver à ces lettres une valeur qu’elles n’avaient pas… Elle pouvait encore être fascinée par la femme récemment perdue, qui avait étendu si longtemps surtout le voile enchanté de son charme.
L’usine tombe en ruine ou se transforme ; les procédés du travail industriel se renouvellent incessamment ; les professions perdent leur physionomie ; l’aspect d’une ville, après vingt ans, est à peine reconnaissable, tandis que les champs, les bois, les fleuves, le ciel, tout ce que la vie paysanne remplit et pénètre est fait d’une beauté qui demeure et qui survit à une multitude de générations. […] Mais n’aperçoit-on pas qu’elles pouvaient servir d’indication, et comment le rôle des cahiers et des carnets ne consiste pas simplement à rappeler des termes, des détails, des fragments d’histoire que la mémoire aurait pu perdre, mais surtout à renseigner l’écrivain sur la manière de traiter l’œuvre, sur ce qu’on nomme en peinture les valeurs ?
Là où la lésion cérébrale est grave, et où la mémoire des mots est atteinte profondément, il arrive qu’une excitation plus ou moins forte, une émotion par exemple, ramène tout à coup le souvenir qui paraissait à jamais perdu. […] À vrai dire, quand j’articule le mot « causerie », j’ai présents à l’esprit non seulement le commencement, le milieu et la fin du mot, mais encore les mots qui ont précédé, mais encore tout ce que j’ai déjà prononcé de la phrase ; sinon, j’aurais perdu le fil de mon discours.
En conséquence, une société ne peut grandir sans perdre de son homogénéité. […] La communauté y perd, l’individu y gagne110. » Il semble que, par cela même que nous voyons se multiplier les différences individuelles, nous considérions chaque individu comme un être original, nous respections en lui « ce que jamais on ne verra deux fois », nous lui reconnaissions enfin une valeur incomparable et en ce sens égale à celle des autres.
Les titres seuls de certains ouvrages perdus justifieraient cette conjecture ; et on peut l’appliquer également aux débris qui nous restent. […] L’Orient avait eu bien des essais de ce genre, perdus dans l’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie.
Sous l’amas des épithètes et la barbarie d’un néologisme tout grec et tout latin, le poëte perd cette veine française et ces tours nerveux et naïfs que Malherbe plus tard recueillait dans le parler vivant de la foule, en les ennoblissant par le nombre et l’harmonie. […] Mignonne, allons voir si la rose Qui, ce matin, avoit desclose Sa robe de pourpre au soleil, A point perdu, ceste vesprée, Les plis de sa robe pourprée, Et son teint au vostre pareil.
C’est un honneur de ce pays-ci et de cette France, on l’a remarqué, que l’esprit, à lui seul, y tienne tant de place, que, dès qu’il y a eu sur un talent ce rayon du ciel, la grâce et le charme, il soit finalement compris, apprécié, aimé, et qu’on sente si vite ce qu’on va perdre en le perdant.
Plus de divagations alors, plus d’exagération ; il ne perd point de vue, il n’altère point ce qu’il sent ; le tableau se compose sans efforts, et chaque idée apporte avec elle sa couleur.
Le personnage sympathique perd notre sympathie, et le personnage odieux la gagne.
Crébillon Elle était bien malade, dès le jour où elle perdit Racine : par un effort de génie qui ne sera pas renouvelé, il avait su pousser son observation bien au-dessous de la surface polie des mœurs actuelles jusqu’aux explosions immorales, douloureuses, brutales, des passions naturelles.
Coppée a fait représenter hier à l’Odéon plus de talent que dans cette comédie en cinq actes que je pourrais vous citer, si je ne craignais pas de chagriner l’auteur… Le Passant n’est pas une de ces pièces que l’on raconte ; c’est un poème auquel l’analyse ferait perdre la saveur et la grâce, une pure œuvre d’art que je vous engage à aller voir et que vous applaudirez certainement ; cela dure vingt minutes, vingt-cinq minutes au plus, et tout, depuis le premier vers jusqu’au dernier, vous charmera, je vous le jure… Enfin, voilà un début heureux au théâtre ; si M.
Il faut se rappeler, d’ailleurs, que toute idée perd quelque chose de sa pureté dès qu’elle aspire à se réaliser.
Dès la Galilée, les pharisiens cherchèrent à le perdre et employèrent contre lui la manœuvre qui devait leur réussir plus tard à Jérusalem.
Les Grecs avaient eu un âge héroïque, mais lointain déjà, presque immémorial, perdu dans l’horizon de la Fable.
A cet état de décomposition, pour ceux qui l’ont ainsi disséquée ou auxquels elle est présentée en ce morcellement, l’œuvre perd toute vertu d’opérer, toute influence émotionnelle ; elle est un mécanisme inefficace, une machine démontée, qui, examinée dans ses rouages, est nécessairement au repos, et par là même inconnue dans ce qui est sa raison d’être.
Racine & l’auteur de la Henriade ont-ils perdu le leur ?
Que le meilleur de leur style soit perdu pour nous, il est très possible, et nous l’avons dit ; mais que leur émotion, leurs images, leur vie descriptive, leurs fortes qualités intérieures ne se puissent plus sentir, c’est, je crois, ce que personne ne soutiendra.
Je pourrais en citer des douzaines, si j’en voulais citer… C’est qu’au xviiie siècle, les femmes n’aspiraient pas à changer de sexe ; c’est qu’alors le bas-bleu était rare… D’ailleurs, nous avons tous un peu perdu de notre légèreté héréditaire et de cette grâce de France, exécrée des pédants, issus de la Révolution française, la grave coquine, avec qui nos pères ont couché.
; supposez enfin que toute cette gourme d’esprits faussés, mais non pas faux, qui est en eux, tombe un jour comme elle doit tomber sous peine de perdre le talent dont ils ont le germe, et vous aurez deux écrivains, — ou un écrivain à deux têtes, comme l’aigle d’Autriche — d’une expression étincelante, et chez qui la race mettra son feu !
(car on se perd dans le quatrième dessous de ces sortes d’âmes), voulant peut-être expier cette communion dans laquelle elle avait enseveli son premier crime sous un crime plus grand, elle refusa le trône et le pardon avec une rigidité d’orgueil et de ressentiment inexorables, et elle acheva lentement sa vie dans la farouche grandeur de sa prison.
« Il y a peut-être moins de génie — dit-il — dans Macaulay que dans Carlyle, mais quand on s’est nourri pendant quelque temps de ce style exagéré et démoniaque, de cette philosophie extraordinaire et maladive, de cette histoire grimaçante et prophétique, de cette politique sinistre et forcenée, on revient volontiers à l’éloquence continue, à la raison vigoureuse, aux prévisions modérées, aux théories prouvées du généreux et solide esprit que l’Europe vient de perdre, qui honorait l’Angleterre et que personne ne remplacera. » Certes, je n’accepte nullement, pour mon compte, ce jugement sur Macaulay, qui tient probablement à une idée préconçue que M.
Grand poète, malgré le calus qu’il a à l’esprit et qui l’empêche de sentir la nature que le génie gaulois sent dans tous ses poètes, lui seul excepté, — étonnant de n’avoir pas galvaudé et perdu des facultés qu’il a traînées dans tous les désordres de la vie, Villon n’a pas besoin qu’on l’exagère pour qu’on reconnaisse sa réelle supériorité.
Cet Henri III des cours du Nord, qui eut peut-être tout du Henri III de France, excepté la dévotion, attendu qu’il était du xviiie siècle et ne faisait pas avec son temps un anachronisme, cet Henri III des cours du Nord ne perdit pas comme l’autre, en se dépravant, son héroïsme.
Une âme plus ardente que celle de Fersen l’aurait écrite d’un style de plus d’indignation et de plus de flamme, et pour les esprits pensifs elle eût perdu de son éloquence.
Elle en avait tout perdu : la beauté, la jeunesse ; elle n’en avait jamais eu l’abandon ; mais elle en avait gardé le génie.
Mais, au lieu d’être madame d’Alonville et d’avoir le sens des petites choses, elle aurait pu être une madame de Créqui, par exemple, et avoir le sens des plus grandes, s’il l’avait voulu et s’était moins perdu dans les vagues aspirations de son temps.
Il y aurait perdu une originalité de cœur plus belle à nos yeux que l’originalité du génie.
Je n’avais, moi, à propos du livre de M. de L’Épinois sur le gouvernement temporel de la Papauté, qu’à rappeler à ceux qui l’incitent perfidement à renier son passé et son origine en donnant d’une seule fois sa démission de toutes ses couronnes, le principe de son existence historique, et, ce qu’il ne faut jamais perdre de vue, la grandeur morale — quand elle fut la plus politique — de son action.
Héloïse, elle, qui n’a pas besoin qu’on la mutile pour cesser d’être femme, Héloïse qui ne le fut jamais, tant elle est, de tempérament et d’âme, philosophe, Héloïse brave le mépris du monde parce que l’homme qui l’a perdue est un de ces fascinateurs de passage qui traversent de temps en temps l’Histoire et qui voient pendant quelques minutes le monde idolâtre et imbécile à leurs pieds.
Voilà donc son bilan : elle fut incrédule, mais elle se moqua des philosophes et resta grande dame, ayant l’esprit de son état, quand toutes les grandes dames de son époque le perdaient, pour ne le retrouver que dix ans plus tard, — sur l’échafaud !
Ce Doudan, qui s’appelait Ximénès et qui n’était pas cardinal, — l’aurait-il été que ce n’eût pas été comme Ximénès, mais comme Bembo, — ce Ximénès Doudan sortait de terre, comme une taupe, ou de Douai, cette taupinière, et serait resté un petit professeur perdu quelque part sans les de Broglie, qui le prirent chez eux comme précepteur, et qui tombèrent bientôt sous le charme de cet esprit à qui les bégueules de la politique ne résistaient pas et qui, plus fort que Don Juan qui ne séduisait que les femmes, accomplissait ce tour de force et de souplesse de séduire des doctrinaires… Joubert avait été l’ami de Chateaubriand.
Le cri d’une femme qui aimait, comme elle, dans la splendeur d’une pureté et d’une sécurité terribles, et qui subitement cria à elle, se sentant entraînée, perdue, fut le coup de tonnerre qui tira Mademoiselle de Condé de l’abîme de son bonheur et qui fit cabrer cette âme de race.
Il faudrait s’indianiser par l’étude, perdre de la netteté de sa pensée, s’émousser et s’abaisser au niveau de l’engourdissement d’un peuple qui s’est peint tout entier dans le cadre de cet axiome : « Il vaut mieux être assis que debout, couché qu’assis, mort que vivant !
de vocation, cette reine des miracles, un érudit sans bibliothèques, sans livres, ou avec peu de livres, au fond du plus modeste presbytère, dans une campagne perdue, et tout en remplissant les devoirs du pasteur qui a charge d’âmes, et qui sait porter son fardeau.
Il y aurait perdu une originalité de cœur plus belle à nos yeux que l’originalité du génie.
Héloïse brave le mépris du monde, parce que l’homme qui l’a perdue est uni de ces fascinateurs de passage qui traversent de temps en temps l’histoire et qui voient pendant quelques minutes le monde idolâtre et imbécile à leurs pieds.
Ni poème inédit de Goethe ou de Byron, ni drame perdu et retrouvé de Calderon ou de Shakespeare, ni roman, ni histoire, ciselés par les maîtres de l’observation et de l’analyse, ni chefs-d’œuvre quelconques, ne sauraient, selon nous, lutter en intérêt et en importance avec ce modeste livre écrit par un moine, traduit par un prêtre, et dans lequel se joue un souffle qui n’est ni le talent ni le génie de l’homme, et qu’il faut bien appeler la force de Dieu pour y comprendre quelque chose !
Il a l’allusion, mais si fine, qu’il la perd et qu’on ne la voit pas assez pour la ramasser.
Sur elles seules, sur les Harmonies seules, quand il n’eût pas fait d’autres œuvres, on pourrait le juger sans qu’il perdît rien de sa toute-puissance poétique, montrée pourtant avec tant de profusion et de munificence ailleurs.
Tout reste perdu et englouti dans cette mêlée tapageuse et confuse où la ligne de tout dessin se rompt, — où la composition se noie, — et où tout caractère, posé d’abord, éclate bientôt, sous l’effort qui le tend et qui finit par le briser !
ne craignons pas de l’affirmer, si la Critique, oubliant ses devoirs, n’intervient pas avec une cruauté salutaire et ne donne pas son coup de balai vengeur à cette dépravante littérature, non-seulement l’instinct littéraire, mais aussi l’instinct moral dans l’appréciation des œuvres de l’esprit, seront avant peu, tous les deux, entièrement perdus.
Au milieu des intérêts haletants de ce pays de la matière, Poe, ce Robinson de la poésie, perdu, naufragé dans ce vaste désert d’hommes, rêvait éveillé, tout en délibérant sur la dose d’opium à prendre pour avoir au moins de vrais rêves, d’honnêtes mensonges, une supportable irréalité ; et toute l’énergie de son talent, comme sa vie, s’absorba dans une analyse enragée, et qu’il recommençait toujours, des tortures de sa solitude.
La plupart sont perdus ; ceux de Xénophon sont restés.
C’était prolonger sa vie que de lui donner lieu de la perdre pour l’État ; mais acceptant l’honneur de partager le péril, il refusa celui de partager le commandement.
À mesure que s’étendait l’horizon de l’empire grec, et que le génie de la liberté se perdait dans l’unité de la puissance, la grande poésie, l’audace de l’imagination et l’ardeur de la passion durent insensiblement diminuer et disparaître.
Hugo n’y perd pas grand’chose. […] Il y parviendra sûrement, puisqu’il a pu, à regarder vivre Balzac, ne pas se laisser étourdir et ne rien perdre de sa faculté critique. […] Telle qu’elle nous vient, et même ayant perdu quelque peu de beauté rythmique et verbale, elle est encore admirable. […] Non seulement le pittoresque de Paris y perd, mais son hygiène risque d’en souffrir également. […] Oui, j’aime votre Venise et la façon dont vous l’avez aimée, et j’admire comme vous n’y avez pas perdu votre temps.
On a perdu le sens des principes et on ne s’y occupe guère que des personnalités. […] L’écrivain perd de sa dignité en de telles controverses, dont je désire me retirer, ayant dit tout ce que j’avais à dire. […] Berthelot y a perdu des années précieuses ; M. […] Moréas n’ait rien perdu de son doigté poétique, je préfère le Pèlerin passionné à Œnone, il est d’une inspiration plus directe. […] Elle aura soin de sa parure, elle se dépouillera de sa gaucherie, perdra sa timidité, vous verrez ses yeux rayonner et ses traits prendre de la fierté.
La forme du supplice diffère selon les pays, mais la douleur humaine n’en perd pas, croyez-moi, un seul cri, ni une seule goutte de sang. […] Mais, je dois le dire, qu’il perdît ou qu’il gagnât, il se montrait toujours vis-à-vis de moi et, d’ailleurs, vis-à-vis de tout le monde, d’une inaltérable, empressée et charmante amabilité. […] … souhaitai-je… Car la littérature ne perdra rien en vous perdant… et la politique a rudement besoin de vous, mon cher Reinach… — Je le sais ! […] Et j’ai perdu le repos ! […] nous les avons perdus, tous les deux !
Ce sont pourtant des valeurs, et que l’intérêt vital du pays est de ne pas les laisser se perdre, inutilisées. […] Cette mystique, les officiers allemands l’avaient perdue. […] Il a perdu cet élément de radicale transformation en mieux qui seul peut le justifier. […] Le génie de Napoléon n’a fait que continuer une entreprise dans laquelle notre pays a, pour un temps, perdu le sens de sa mission héréditaire. […] La quantité des personnes ainsi mises hors la loi l’atteste, le Terroriste a déjà perdu le sens du fait social.
Je perdis une demi-heure à essayer de me frayer un chemin.
Aucun de leurs efforts n’était perdu ; ils étaient dans la véritable route.
. — Par cette méconnaissance mutuelle et par cet isolement séculaire, les Français ont perdu l’habitude, l’art et la faculté d’agir ensemble.
Il doit y prendre un appui et ne les jamais perdre de vue dans la disposition des faits : mais il les soumettra à son intelligence et fera dominer sur eux l’ordre logique, qui se tire de la nature essentielle des choses et de leur rapport au but suprême de l’œuvre.
Il s’est perdu par la négligence et par la fantaisie ; il n’a su atteindre, avec sa libre humeur, ni l’impérissable beauté de la forme, ni l’universelle vérité des choses.
Je vis bien dès l’abord tout ce qu’ils y perdraient, et combien il resterait peu, au discours, de la documentation et de la technique qui ne conviennent qu’à la rédaction lente et à la lecture reposée.
À mesure que la vie du corps s’éteignait, son âme se rassérénait et revenait peu à peu à sa céleste origine. 11 retrouva le sentiment de sa mission ; il vit dans sa mort le salut du monde ; il perdit de vue le spectacle hideux qui se déroulait à ses pieds, et, profondément uni à son Père, il commença sur le gibet la vie divine qu’il allait mener dans le cœur de l’humanité pour des siècles infinis.
Je sens vos détails et je perds l’ensemble, qu’un seul trait tel que le vera incessu de Virgile m’aurait montré.
Premierement, le mouvement a été acceleré, et l’on se sert pour le regler de mesures dont on ne se servoit pas autrefois, ce qui a fait perdre à la récitation son ancienne gravité.
Le plaisir d’écrire est perdu.
Aimable surtout pour elle… Comme les femmes révèlent ce qu’elles sont par leurs admirations, de même qu’elles se perdent par leurs amitiés, nous pouvons juger l’auteur de Robert Emmet par les siennes.
En grâce, Mesdames, ne vous mêlez pas de convertir. » Mais femme qui fait des livres n’entend à rien, et tous les curés du monde y perdraient leur latin et la sagesse de leurs conseils.
N’est-ce pas l’occasion perdue d’un beau livre ?
« Il avait découvert — dit Mirabeau avec cette cruelle ironie qu’ont parfois entre eux tous ces voluptueux sans pitié — une maladie pour laquelle les médecins lui devaient des remerciements, car on la croyait tout à fait perdue. » Mais il avait sur le cœur une bien autre lèpre, et ce fût celle-là qui le poussa à cet horrible suicide de dix-huit coups de rasoir, dont sa main enragée se hacha le cou… Quant à sa gloire, elle est légère.
Assurément tout cela mérite d’être compté et apprécié par le critique, mais ne constitue pas néanmoins au livre d’Ernest Semichon l’immobile place que les livres vrais en histoire prennent de force dans les travaux d’une époque et ne perdent plus.
Lui, qui a essayé d’écrire l’histoire de la Révolution française, l’histoire prise dans son esprit et dans son idée, a bientôt perdu la tête à cette hauteur d’abstraction, et il est retombé dans les habitudes de l’idolâtrie personnelle.
Effectivement, le chevau-léger, à la tête de la troupe, battit encore les ennemis. » Certes, c’est charmant d’héroïsme ; c’était perdu, et puisque cela est retrouvé, c’est nouveau.
Il l’a perdue… malheureusement, pour polissonner dans l’Histoire ; mais, alors, il l’avait.
Ceux-là tous qui, pour une raison ou pour une autre, ont mis le bout de leur plume dans ce périlleux sujet d’histoire, en ont reçu à la tête un tel coup qu’ils en ont perdu l’équilibre, qu’ils en ont été plus ou moins terrassés.
L’historien que voilà, placé entre Tocqueville et Guizot, nous l’a racontée dans un pathos constitutionnel dont les échos lassés ne voudraient plus, s’ils s’entendaient, et un embarras qui l’honore, mais qu’il cherche à perdre dans un attendrissement excessivement travaillé.
Il y perd, à cela, lui, sa personnalité littéraire et surtout son autorité.
I Voici une charmante perle retrouvée de tout un baguier perdu.
Toute sa vie, cet homme, qui n’avait que des opinions et qui eut très peu de métaphores pour les exprimer (dans cette correspondance de deux volumes je n’en ai compté qu’une seule, c’est quand, après l’insurrection Indienne, il compare l’Angleterre à un gros homard qui a perdu son écaille), toute sa vie, cet écrivain, qui trouva hardie l’expression, pour dire la république, « d’une servitude agitée », eut la prétention d’être la passion en personne, — un dévorant, un dévoré par elle, et peut-être crut-il en être un.
Guy Livingstone, ce Samson, victime de sa force comme l’autre Samson ; Guy Livingstone, ce dandy héroïque, qui efface d’un trait tous les dandys connus dans l’histoire des mœurs de l’Angleterre, finit par la douceur de l’humilité sous la plus mortelle injure, parce qu’il a promis à la femme qu’il a aimée et perdue d’être doux, et qu’il veut la revoir dans le ciel !
C’est un érudit des plus français, qui n’a pas perdu, comme tant d’autres, en cultivant la science, sa qualité de Français.
Mais il y a perdu son latin, car il écrivait en latin.
elles ne perdront plus.
Il a enfin dans la pensée tous les parfums d’aubépine blanche des puretés chrétiennes, mais il s’est abstenu de ce charme, qui eût été perdu, d’une histoire naïve, et il s’est fait profondément et savamment historien.
C’est bien Guizot, l’ancien Guizot, mais tellement passé à la pierre ponce des années, tellement usé par la main de velours du temps qu’il s’en est velouté comme elle, tellement dulcifié qu’il en est devenu douceâtre, et ayant perdu si complètement tous ses angles, toutes ses âpretés et toutes ses sécheresses, qu’on se dit, sous le coup de cette étonnante métamorphose : Va-t-il lui pousser des contours ?
Cette forme du conte, plus dure à manier dans sa brièveté que celle du roman dans sa longueur, cette forme concentrée, dans laquelle il faut se ramasser sans rien perdre de sa sveltesse, pouvait, par le seul fait de sa concentration, éclater sous sa main et le frapper dans sa prétention de conteur, qu’il n’en serait pas moins pour cela resté lui-même, avec sa valeur d’idées prouvée par les livres que j’ai énumérés : l’Homme, — Physionomies de saints, — la Parole de Dieu, ce dernier livre de Hello, qui échappe à la compétence de la critique profane, mais que des prêtres n’ont pas craint de lire dans leurs chaires, comme si c’était là de la littérature sacrée !
Àce mot de démons, tout fut perdu.
Mais quoi qu’il en ait été, du reste, ce qui est certain c’est que plus il chanta, plus Alfred de Musset perdit l’accent byronien, et plus il fut lui-même, dans une genuiness incomparable.
Eh bien, je ne peux m’empêcher d’admirer cette fin de poète, d’un poète qui a perdu sa Muse, — la Muse humaine qui ne doit plus le faire chanter !
La fille, heureuse par toutes les fortunes du mariage, sent son bonheur perdu, parce qu’elle ne voit plus sa mère et qu’elle a le remords de lui avoir désobéi.
Ce sont deux réalistes, de talent, tous deux, mais qui se perdront immanquablement tous les deux, s’ils restent dans ce bourbier du réalisme.
Guy Livingstone, ce Samson, victime de sa force comme l’autre Samson, Guy Livingstone, ce dandy héroïque, qui efface d’un trait tous les dandys connus dans l’histoire des mœurs de l’Angleterre, finit par la douceur de l’humilité sous la plus mortelle injure, parce qu’il a promis à la femme qu’il a aimée et perdue d’être doux, et qu’il veut la revoir dans le ciel !
Aux robustes seuls à y toucher, et encore que de robustes elle a perdus !
— Justement parce qu’ils sont pressants, et parce qu’on ne peut les résoudre sans mêler des « jugements d’ordre pratique avec des jugements d’ordre théorique, des préférences morales avec des constatations, nous risquons, en nous y attaquant aussitôt de perdre de vue la distinction du réel et du désirable.
Le Barbare qui avait vaincu, c’est-à-dire, qui avait égorgé et brûlé, dédaignait des arts inutiles pour les combats ; il les regardait comme un instrument de servitude, et la vaine occupation de la mollesse ; le vaincu, esclave et avili par ses malheurs, avait perdu tout ce qui élève l’âme ; ainsi, l’éloquence et les lettres furent éclipsées.
Il y a des mots qui disent plus que vingt pages, et des faits qui sont au-dessus de l’art de tous les orateurs ; par exemple, le mot de Saint-Hilaire à son fils : Ce n’est pas moi qu’il faut pleurer, c’est ce grand homme ; et ce trait du fermier de Champagne qui vint demander la résiliation de son bail, parce que, Turenne mort, il croyait qu’on ne pouvait plus ni semer, ni moissonner en sûreté ; et cette réponse, si grande et si simple, à un homme qui lui demandait comment il avait perdu la bataille de Rhétel, par ma faute ; et cette lettre qu’il écrivit au sortir d’une victoire : « Les ennemis sont venus nous attaquer, nous les avons battus ; Dieu en soit loué.
Toute la fin respire le charme de l’amitié, et porte l’impression de cette mélancolie douce et tendre, qui quelquefois accompagne le génie, et qu’on retrouve en soi-même avec plaisir, soit dans ces moments, qui ne sont que trop communs, où l’on a à se plaindre de l’injustice des hommes ; soit lorsque blessée dans l’intérêt le plus cher, celui de l’amitié ou de l’amour, l’âme fuit dans la solitude pour aller vivre et converser avec elle-même ; soit quand la maladie et la langueur attaquant des organes faibles et délicats, mettent une espèce de voile entre nous et la nature ; ou lorsqu’après avoir perdu des personnes que l’on aimait, plein de la tendre émotion de sa douleur, on jette un regard languissant sur le monde, qui nous paraît alors désert, parce que, pour l’âme sensible, il n’y a d’êtres vivants que ceux qui lui répondent.
D’un autre côté, ses plus beaux vers, épars de son vivant et un peu perdus dans les Recueils du temps, n’ayant été réunis pour la première fois qu’en 1630, deux ans après sa mort, on ne voit pas bien comment se serait exercée son influence. […] En premier lieu parce que les protestants, qu’encourageaient à ce moment même les succès de la grande guerre de la Ligue d’Augsbourg, ont cru qu’ils profiteraient de tout ce que perdrait le catholicisme, ce qui s’est trouvé politiquement vrai, mais moralement faux. […] Et finalement, à l’ombre de la controverse, le libertinage grandissait de tout ce que la religion perdait de prestige et d’autorité. […] Quelques vieux mots se perdent, et l’effigie s’en démonétise : ils n’ont plus cours, et on les voit d’eux-mêmes se retirer de la circulation. […] Bertrand, dans la Revue des Deux Mondes, 1891]. — Il fait paraître ses Méditations métaphysiques, 1641 ; — ses Principes de philosophie, 1644. — « Il tombe dans des dégoûts pour la qualité d’auteur qui lui font perdre toute envie de rien imprimer » [Cf.
S’il est vrai d’ailleurs qu’un genre ou une doctrine littéraire ne sauraient disparaître qu’une autre doctrine ou un autre genre ne les aient remplacés, on vient de voir avec Balzac le roman s’enrichir de tout ce que perdait le drame, le réalisme de tout ce qu’abandonnait le romantisme. […] Mais l’art a perdu cette spontanéité primitive ; c’est à la science de lui rappeler ses traditions oubliées qu’il fera revivre dans les formes qui lui sont propres » [Cf. […] Mais les auteurs dramatiques l’ont mieux compris encore, eux, dont nous avons vu que l’art s’évanouissait tout entier s’ils perdaient le contact du public. […] Mais, sous l’action et dans le conflit apparent de tant d’influences du dehors, ceux qui ont craint que le génie français n’y perdît quelques-unes de ses qualités et la conscience même de son pouvoir, comment les ont-ils combattues ? […] Les Mélanges politiques, opinions et discours remplissent les tomes XXVI à XXXII de ladite édition, dont les quatre derniers volumes contiennent l’Essai sur la littérature anglaise [XXXIII et XXXIV] et la traduction du Paradis perdu [XXXV et XXXVI].
« Alors ces actions commenceront à perdre le caractère automatique qui les distingue, et ce que nous appelons instinct se perdra graduellement dans quelque chose de plus élevé. » De là résulte la mémoire. […] Il ne faut pas perdre de vue d’abord, que nous allons suivre une marche totalement opposée à celle de la synthèse.
L’animal qui perd ce qu’il tenait à un sentiment de perle très distinct du sentiment de jouissance, et qui n’est pas non plus le sentiment de désir, orienté vers le futur. […] Bergson, après avoir exagéré, plus que ne l’avait fait Guyau, le rôle de l’idée d’espace homogène, s’est perdu à la fin dans une sorte d’abîme d’hétérogénéité insaisissable à la pensée. […] Bergson compare le sentiment de la durée pure : se laisser vivre sans rien penser, sans rien distinguer, sans discerner le plaisir de tout à l’heure d’avec la peine présente, c’est être dans la « durée pure » ; disons plutôt : c’est perdre tout sentiment de la durée, toute mémoire du passé comme distinct du présent, toute anticipation de l’avenir ; cette sorte de vie, en apparence mystique et « libre », ne serait qu’un complet abêtissement ou, plus encore, un retour à la vie purement végétative.
C’est un jour ouvrable ; le salaire d’un jour manquant est un vide sur la table frugale de la famille de l’ouvrier : n’importe encore ; elle sacrifiera volontairement le salaire d’un jour au devoir pieux qu’elle s’impose pour chômer en l’honneur de ce cercueil d’un inconnu ; elle fera plus, elle portera son deuil comme si elle avait perdu un des siens. […] Comment se fait-il qu’un peuple souvent ingrat, toujours oublieux, se fasse de soi-même l’exécuteur testamentaire d’un de ses plus pauvres citoyens perdus dans la foule ? […] XXX Après son retour à Paris, à l’âge de dix-huit ans, en 1796, on perdait même dans sa conversation le fil de sa vie et de ses études.
voilà comment Homère, qui apparemment sentait tout cela, parce qu’il avait été si souvent lui-même errant loin du foyer perdu de son enfance ; voilà pourquoi, dis-je, il éveille toutes ces délices et tous ces regrets dans une seule image ! […] ˮ Jurez-moi, nourrice, de ne rien dire à ma mère bien-aimée avant le onzième ou douzième jour après mon départ ; je craindrais trop qu’en pleurant elle perdît sa beauté ! […] Celui d’Alcinoüs ressemble exactement à celui où nous en lisons aujourd’hui la description. » « Au-delà de la cour, disait le livre, est un jardin de quatre arpents ; de toutes parts il est fermé par une enceinte ; là croissent les arbres élevés et verdoyants, les poiriers, les grenadiers, les pommiers aux fruits éclatants, les figuiers sacrés, les oliviers qui ne perdent jamais leurs feuilles.
Durant la honteuse régence de Marie de Médicis, le clergé, Rome, l’épiscopat reprirent le terrain perdu sous Henri IV ; les jésuites et le « parti dévot » dirigèrent la politique de la cour. […] Leur cause, toute bonne qu’elle fut, était perdue d’avance et la mort de vingt mille protestants à La Rochelle, qu’affama le despote Richelieu, mit fin à leur résistance. […] Le premier chapitre de l’ouvrage remarquable de Weiss70 nous renseigne à cet égard. « La bourgeoisie protestante des villes, écrit-il, se livra à l’industrie et au commerce, et déploya une activité, une intelligence, et, en même temps, une intégrité qui n’ont peut être jamais été surpassées dans aucun pays… Perdus, pour ainsi dire, au milieu d’un peuple qui les observait avec défiance, sans cesse en but à la calomnie, soumis à des lois sévères qui leur commandaient impérieusement une perpétuelle attention sur eux-mêmes, ils forçaient l’estime publique par l’austérité de leurs mœurs et par leur irréprochable loyauté. » Énergiques et obstinés, robustes et endurants, nos Réformés de France, depuis la paix d’Alais jusqu’aux premières années du règne de Louis XIV, firent preuve de la plus extraordinaire, de la plus féconde activité.
Aucun mot n’en était perdu. […] Lorsqu’il perdit sa vieille amie, la princesse de Vaudemont (janvier 1833), il se montra fort affecté.
Enfant unique, il avait quinze mois lorsqu’il perdit son père et sa mère ; sa grand’mère le recueillit et le fit élever. […] Et pour moi même, tout prend dans mes rapports avec les autres un caractère plus positif ; sans entrer dans les affaires, je ne me défie plus de mes idées ou de mes sentiments, je ne les renferme plus en moi ; je dis aux uns que je les désapprouve, aux autres que je les aime ; toutes mes questions demandent une réponse ; mes actions, au lieu de se perdre dans le vague, ont un but ; je veux influer sur les autres, etc. » En même temps que cette défiance excessive de lui-même faisait place à une noble aisance, l’âpreté tranchante dans les jugements et les opinions, qui s’accorde si bien avec l’isolement et la timidité, cédait chez lui à une vue des choses plus calme, plus étendue et plus bienveillante.
Contre eux, depuis un siècle, un long murmure s’élève et va s’enflant jusqu’à devenir une clameur où l’esprit ancien et l’esprit nouveau, les idées philosophiques grondent à l’unisson. « Je vois, disait le bailli de Mirabeau119, que la noblesse s’avilit et se perd. […] Je vois en eux des sergents qui, comme leurs pareils dans l’armée, ont perdu l’espoir de jamais devenir officiers. — C’est pourquoi il y en a chez qui la colère déborde : « Nous, malheureux curés à portions congrues ; nous, chargés communément des plus fortes paroisses, telles que la mienne qui a, jusqu’à deux lieues dans les bois, des hameaux qui en feraient une autre ; nous dont le sort fait crier jusqu’aux pierres et aux chevrons de nos misérables presbytères », nous subissons des prélats « qui feraient encore quelquefois faire par leurs gardes un procès au pauvre curé qui couperait dans leurs bois un bâton, son seul soutien dans ses longues courses par tous chemins ».
Puis les Misérables, dont nous allons vous parler, critique excessive, radicale et quelquefois injuste d’une société qui porte l’homme à haïr ce qui le sauve, l’ordre social, et à délirer pour ce qui le perd : le rêve antisocial de l’idéal indéfini ! […] Qu’on se peigne ces quatre misères : l’amante dont on va faire mourir le sauveur dans l’ignominie ; la tante qui va perdre sa fille unique ; le père qui va voir tuer son fils et son gagne-pain par la mort du coupable involontaire ; le fils, enfin, couché sur la paille de son cachot, qui pense à sa cousine expirant de douleur, à sa tante, à son père expirant de misère, de faim et de honte dans leur masure réprouvée des honnêtes gens, à sa propre mort, à lui, et à sa propre mémoire entachée d’un meurtre innocent.
Ma voix n’irait pas jusqu’à ces profondeurs ; la sienne ne monterait pas jusqu’à ces hauteurs ; et puis, si nous parvenions à nous parler, tout le monde entendrait ce que nous nous serions dit, et le bargello et sa femme, si bons pour moi parce qu’ils ne me connaissent pas, ne manqueraient pas d’éventer qui je suis et de me jeter dehors comme une fille perdue et mal déguisée, qui cherche à se rejoindre à son amant ou à son complice. […] — Est-ce que tu n’aimerais pas mieux, mon pauvre garçon, continua-t-elle, entrer en service chez des braves gens que de courir ainsi les chemins, au risque d’y perdre ton âme à vendre du vent aux oisifs des carrefours ?
Rien n’a de substance ni de réalité ; toute chose est le rêve d’un rêve ; et la Vision de Brahma est un obscur poème qu’il faut lire sous le poids d’un grand soleil, quand la tête se vide, quand la mémoire fuit, quand la volonté se dissout, quand on reçoit des objets voisins des impressions si intenses qu’elles tuent la pensée, quand on sent sur soi de tous côtés la molle pesée de la vie universelle et que le moi y résiste à peine et voudrait s’y perdre tout entier, quand la vie arrive à n’être plus qu’une succession d’images sur lesquelles ne s’exerce plus le jugement et que l’on conserve juste assez de conscience pour souhaiter qu’elle s’évanouisse tout à fait, parce qu’alors il n’y aurait plus rien, plus même d’images, et que cela vaudrait mieux. […] Plus tard, quand ils eurent perdu la liberté, à Alexandrie, en Sicile, ils se consolaient encore par leur belle mythologie, par les symboles sensuels de leur religion naturaliste et par des rêves de vie pastorale dans la campagne divinisée.
En somme, nous n’y perdons pas. […] … Tu sais comment me fut rendu Ce repos que j’avais, en t’oubliant, perdu.
Ou plutôt c’est toute la marche progressive de l’esprit humain qu’il nous faudrait condamner comme une chimère monstrueuse et funeste, si nous ne voulions pas voir dans cet homme perdu au sommet des précipices de la route, et que saisit le vertige, un de nous, un de nos frères, qui, lorsque la caravane humaine s’arrêtait interceptée dans sa voie, s’est élancé plus hardi jusqu’à la région des nuages, et qui meurt pour nous, en nous faisant signe qu’il n’y a point de route, parce qu’il n’en a pas trouvé. […] Ce qu’il y a de réel pour moi, c’est la poésie de Byron, poésie ironique et désolante, qui soulève des abîmes où notre esprit se perd, et qui, comme les harpies, salit, à l’instant même, tous les mets qui couvrent la table du festin..
C’est une destinée bien humble ; aussi ne suis-je pas surpris qu’à l’époque même de la faveur de cette poésie, il se préparât sourdement une réaction qui, au prix de quelques excès, devait protester contre cet affadissement du viril esprit français, ayant perdu sa naïveté dans son commerce avec les raffinements de l’Italie, toujours attaché au présent, et songeant bien plus à acquérir de l’adresse sur un instrument borné et qui manquait d’âme, qu’à en inventer un nouveau. […] On lui constitua un marquisat dans le pays de Thrace, vulgairement appelé Bulgarie ; on estima que la bataille de Pavie, qui fut perdue le jour même où Ronsard vint au monde, avait été compensée par la naissance d’un si grand poëte.
C’est de cette sagesse. que la langue d’Amyot nous mit en possession au xvie siècle, et le sentiment de cette acquisition fut si vif, que Montaigne parlant du Plutarque d’Amyot, put dire, au nom de tous ses contemporains : « Nous aultres ignorants estions perdus, si ce livre ne nous eust relevés du bourbier : sa mercy, nous osons à cett’heure et parler et escrire ; les dames en régentent les maistres d’eschole ; c’est nostre bréviaire133. » § III. […] Du reste, le changement qui, au temps de Montaigne, fit perdre au grec la faveur publique, tenait à des causes générales.
Brangœne avertit vainement les amoureux, ils sont perdus en eux-mêmes. […] Le même sujet, traité par un Français, eût pris une allure plus tranchante et plus vive ; seulement, il eût perdu en intimité ce qu’il eût gagné en mouvement et en surface.
Flourens soutenait que l’animal privé de cerveau perdait toute sensation, toute perception, tout instinct et toute volition. […] Puisque les centres nerveux sont constamment excités par des stimulus internes ou externes, et que cette activité donne naissance à des suites d’idées, l’induction nous amène à conclure que nous pensons toujours, bien que nous en puissions perdre le souvenir.
Et il récapitule tous ces morts de mérite, auxquels le xixe siècle n’a donné que l’hôpital ou la Morgue : son ami Gérard de Nerval qui s’est pendu, Tony Johannot qui, après avoir perdu dans le Paul et Virginie de Curmer, les 20 000 francs qu’il avait gagnés pendant toute sa vie, a été un peu enterré avec l’aide de ses amis, etc., « Oui, je sais bien, dit-il, si j’avais été raisonnable, j’aurais vécu dans une petite chambre, j’aurais dépensé quinze sous par jour, et maintenant, j’aurais quelque chose devant moi, c’est ma faute ! […] En revoyant ces endroits aimés, je me ressouviens des uns et des autres, et de mes petits compagnons et des petites demoiselles qui étaient alors mes camarades : les deux Bocquenet, dont l’aîné courait si fort, mais ignorait l’art des détours ; Antonin qui semblait un petit lion ; Bazin qui se plaignait toujours du sort et ne décolérait pas de perdre ; Eugène Petit, le frère de lait de Louis, qui nous jouait de la flûte dans le dortoir où nous couchions sous la même clef.
Que l’on relise pour constater jusqu’où va cette contention et cette lutte, les ressources infinies de ce style jamais las, la magnifique série de chapitres où se trouve décrite la tempête funeste à l’ourgue des Compachicos : Les grands balancements du large commencèrent ; la mer dans les écartements de l’écume était d’apparence visqueuse ; les vagues vues dans la clarté crépusculaire à profil perdu, avaient des aspects de flaques de fiel. […] La subite volte-face d’Hernani récompensé et gracié, Torquemada entrant en scène sur les dernières suppliques de Ben-Habib, l’incendie de la Tourgue égayant les enfants qu’il va tuer, Marie Tudor et Jane ne sachant si c’est l’amant de l’une ou de l’autre que l’on exécute, Marius défaillant entre le désir de sauver Valjean et la terreur de perdre Thénardier, la tempête sous un crâne, la Sachette reconnaissant sa fille en celle qu’elle a maudite, Ceubin saisi par la pieuvre et Triboulet tenant l’échelle à l’enlèvement de sa fille, quelle liste de contrastes, d’hésitations, d’alternatives et de déchirements d’âmes, d’antithèses fragmentaires qui amplifiées et soutenues deviennent la contexture même de toute œuvre.
Je vous accuse donc, Monsieur, d’avoir, par des doctrines perverses et des moyens que vous seul savez employer, perdu l’art dramatique et ruiné le théâtre français. […] Je crois maintenant, Monsieur, avoir rempli les devoirs que je m’étais imposés, en vous éclairant sur les dangers de votre faux système, en vous offrant les moyens de reprendre parmi les gens de lettres de tous les temps cette considération que doivent vous mériter vos talents et qu’on doit toujours craindre de perdre par intérêt pour soi-même.
Impossible à nier, cette particularité dans le génie de Pindare peut seule expliquer ce que j’ose appeler la mort de ses œuvres, que les traductions les mieux faites et la connaissance plus profonde et plus répandue de la langue grecque ne parviendront pas à ranimer, Il faut en prendre son parti : Pindare, malgré des qualités nettement supérieures, est un poète dont le sens intime est perdu. […] Mlle Geneviève est l’Antigone de ce livre attardé de son père et qui soutient ses pas tremblants devant la postérité : car ils y vont trembler un peu… Elle n’a pas voulu que ce livre fût perdu, et elle l’a publié en y ajoutant deux mots d’avertissement d’une simplicité que je me plais à reconnaître, d’autant plus qu’elle était pour moi très inattendue.
Je viens de perdre ma compagnie presque en entier et tous mes gradés, sauf deux. […] Le corps a tenu en échec pendant vingt jours trois cent cinquante mille Boches sans perdre un pouce de terrain.
Ces noms patronymiques se perdirent ensuite dans la Grèce, lorsqu’elle eut partout des gouvernements démocratiques ; mais à Sparte, république aristocratique, ils furent conservés par les Héraclides. — Dans la langue de la jurisprudence romaine, nomen signifie droit ; et en grec, νόμος, qui en est à peu près l’homonyme, a le sens de loi. […] Ils portaient avec eux leur signification ; ainsi trois épis, ou le geste de couper trois fois des épis, signifiait naturellement trois années ; d’où il vint que caractère et nom s’employèrent indifféremment l’un pour l’autre, et que les mots nom et nature eurent la même signification, comme nous l’avons dit plus haut.Ces armoiries, ces armes et emblèmes des familles, furent employés au moyen âge, lorsque les nations, redevenues muettes, perdirent l’usage du langage vulgaire.
. — Maintenir en belle humeur une troupe de braves au moment où on les force de rester en ligne immobiles sous les boulets, leur rendre de cet entrain qu’on perd aisément à demeurer au feu l’arme au bras, n’est point un talent à mépriser.
le coquin a du talent » ; après Catherine, on pourra dire : « mais il a de l’esprit. » — Les défauts, quoique moindres, sont encore ceux des précédentes études, et je donnerai derechef pour conseil général à l’auteur : éteindre des tons trop bruyants, détendre çà et là des roideurs, assouplir, alléger sa langue dans les intervalles où le pittoresque continu n’est aucunement nécessaire ni même naturel ; se pacifier par places sans se refroidir au cœur ; garder tout son art en écrivant et s’affranchir de tout système ; — ne jamais perdre de vue que, parmi les lecteurs prévenus et à convertir, il y a aussi des malins et des délicats, et ne pas aller donner comme par un fait exprès sur les écueils qu’ils ont notés de l’œil à l’avance et où ils vous attendent.
« Nous avions ce matin quatre-vingt-dix chances pour nous », dit à ce moment Napoléon au maréchal Soult ; « l’arrivée de Bülow nous en a fait perdre trente ; mais nous en avons encore soixante contre quarante. » Se hâter d’autant plus et donner en toute vigueur contre la gauche et le centre des Anglais était le mouvement indiqué, et Napoléon l’ordonna.
Les Contrebandiers ne sont pas seulement, comme les Bohémiens, un délirant caprice de vie aventurière, de liberté sans frein et de migration sans but ; les Contrebandiers ne sont pas les enfants perdus et incorrigibles des races dispersées ; ce sont, comme Béranger le conçoit, les sentinelles avancées, les éclaireurs hasardeux d’une civilisation qui s’approche : Nos gouvernants, pris de vertige, Des biens du ciel triplant le taux, Font mourir le fruit sur sa tige, Du travail brisent les marteaux, Pour qu’au loin il abreuve Le sol et l’habitant, Le bon Dieu crée un fleuve ; Ils en font un étang.
Lors même que la critique, douée de l’enthousiasme vigilant, n’aurait d’autre effet que d’adoucir, de parer quelques-unes de ces cruelles blessures que porte au génie encore méconnu l’envie malicieuse ou la gauche pédanterie ; lorsqu’elle ne ferait qu’opposer son antidote au venin des Zoïles, ou détourner sur elle une portion de la lourde artillerie des respectables reviewers, c’en serait assez pour qu’elle n’eût pas perdu sa peine, et qu’elle eût hâté efficacement, selon son rôle auxiliaire, l’enfantement et la production de l’œuvre.
Je trouve encore l’escarre du chagrin, l’anévrisme des larmes, un culte qu’on galvaude, égruger le reste de mes jours ; la ration de fiel dont vous gorges mes jours ; un nom perdu, trahi, trimballé dans la boue ; toutes les limites de la langue, du goût, de l’art, et de la douleur exprimable, sont franchies.
Certainement si la France, en perdant au printemps de 1831 le très-estimable écrivain Victorin Fabre, avait perdu le tome cinquième en personne de Montesquieu, de Voltaire, de Jean-Jacques et de Buffon, on n’en parlerait pas autrement que M.
Après tout, l’essentiel et durable entretien des poëtes, celui qui ne leur manque ni ne leur pèse jamais, qui ne perd rien, en se renouvelant, de sa sérénité idéale ni de sa suave autorité, ils ne doivent pas le chercher trop au dehors ; il leur appartient à eux-mêmes de se le donner.
Ils y perdraient peut-être un peu en éloges généraux, en hommages traditionnels, mais ils gagneraient en originalité ; ils se graveraient dans la mémoire de manière à ne s’y plus confondre avec personne, et quand ils sont surtout de la nature de M.
La réfutation, pour être indirecte, ne perdra rien de sa force.
Mais ces commémorations en l’honneur de la force, à mesure que le passé recula, perdaient de jour en jour leur prix et leur vertu.
tu n’es plus solitaire et sans joie ; Dans la nue, au désert, perdue à tous les yeux, Quand tu veux te guider, tu regardes la voie Où marche en grossissant le groupe harmonieux.
Mais l’on renoncerait à posséder désormais en France de grands hommes dans la carrière de la littérature, si l’on blâmait d’avance tout ce qui peut conduire à un nouveau genre, ouvrir une route nouvelle à l’esprit humain, offrir enfin un avenir à la pensée ; elle perdrait bientôt toute émulation, si on lui présentait toujours le siècle de Louis XIV comme un modèle de perfection, au-delà duquel aucun écrivain éloquent ni penseur ne pourra jamais s’élever.
Peut-on élever l’âme et l’imagination à une plus grande hauteur que dans le Paradis perdu ?
Essayez d’écarter pour un moment le voile jeté par l’habitude, sur des actions qui ont lieu si vite, que vous en avez presque perdu le pouvoir de les suivre de l’œil et de les voir se passer.
Toujours l’histoire de l’esprit gaulois est la même ; s’il reste gaulois, il n’aboutit pas ; s’il aboutit, il perd sa physionomie vraie.
En même temps la science aide le dogme ; les forces naturelles disparaissent ; entre les mains des philosophes, les êtres perdent leur énergie efficace ; les dieux intérieurs qui vivent dans les choses sont anéantis ; toutes les puissances particulières se concentrent dans le Dieu unique.
L’inconvénient est grave : car quand la pensée se coule dans des phrases toutes prêtes, elle perd sa marque originale.
Et Charité froidit, et Foi se perd et manque.
Le Paradis Perdu de .Milton est traduit en 1729 (Dupré de Saint-Maur), et 1755 (L.
Le plat Tertius lui-même, « organe d’un bon sens superficiel », est irrité « parce qu’il ne déteste rien tant que l’imagination ». « Je vous le dis, conclut Voltinius, une cité est perdue quand elle s’occupe d’autre chose que de la question patriotique.
Je revenais de l’albergo… J’étais inondé d’une joie céleste que votre vue m’a fait perdre.
Le gourmand, qui ne veut pas perdre un seul coup de dent, répond par monosyllabes, comme le frère Fredon de Rabelais.
Mallarmé, ce très pur poète, disent des mots si hautement simples que cette époque ne les saurait entendre, perdue qu’elle est de petites complications.
Jamais l’homme, en possession d’une idée claire, ne s’est amusé à la revêtir de symboles : c’est le plus souvent à la suite de longues réflexions, et par l’impossibilité où est l’esprit humain de se résigner à l’absurde, qu’on cherche des idées sous les vieilles images mystiques dont le sens est perdu.
Jésus accueillait leurs emportements avec sa fine ironie, et les arrêtait par ce mot : « Je ne suis pas venu perdre les âmes, mais les sauver. » Il cherchait de toute manière à établir en principe que ses apôtres c’était lui-même 833.
De même que plusieurs de ses grands côtés sont perdus pour nous par la faute de ses disciples, il est probable aussi que beaucoup de ses fautes ont été dissimulées.
Je l’ai perdue, à la vouloir trop grande.
Du refuse où il s’est caché, il lance sur son frère, pour l’assassiner, un fils perdu par lui et qui ignore aussi sa naissance.
Chez les sujets atteints de strabisme, l’œil le plus faible s’affaiblit progressivement par le manque d’exercice, jusqu’à perdre parfois la vision.
Là, seul comme le matin, plus seul encore, car aucun chevrier n’oserait se hasarder dans des lieux pareils à ces heures que toutes les superstitions font redoutables, perdu dans l’obscurité, il se laissait aller à cette tristesse profonde qui vient au cœur quand on se trouve, à la tombée du soir, placé sur quelque sommet désert, entre les étoiles de Dieu qui s’allument splendidement au-dessus de notre tête et les pauvres étoiles de l’homme qui s’allument aussi, elles, derrière la vitre misérable des cabanes, dans l’ombre, sous nos pieds.
Sa majesté daigna même le nommer d’un voyage de Postzdam : elle lui rendit la clef de chambellan, & le cordon de l’ordre du mérite que ce grand poëte lui avoit remis, & qu’il ne perdit réellement que quelque temps après.
Consultons l’une des plus grandes autorités de notre époque dans ce genre de recherches, Esquirol ; il nous apprendra : 1° qu’il faut bien distinguer la folie de toutes les affections nerveuses qui la compliquent et qui la masquent (paralysie, convulsions, épilepsie) ; — 2° que les lésions organiques de l’encéphale et de ses enveloppes ne sont en général observées que dans les cas de complication ; — 3° que toutes les lésions observées chez les aliénés se retrouvent souvent dans les cadavres d’individus qui n’avaient point perdu l’usage de la raison ; — 4° que dans un grand nombre de cas, le cerveau des aliénés ne présente aucune altération appréciable, quoique la folie ait duré un grand nombre d’années.
Ses Romans firent perdre le goût des ouvrages de galanterie volumineux ; mais ils n’inspirerent pas celui de la vertu.
Cet Hercule sous la figure d’un Adonis, perdit la beauté de l’un, sans conserver la force de l’autre ; ses traits restèrent affectés ; des humeurs âcres se jetèrent sur ses yeux.
Malheureusement beaucoup de ces lettres sont adressées à la duchesse de Saxe-Weymar, et comme toutes les lettres qu’on écrit à des princesses ou à des princes et qu’il faut colleter d’étiquettes ou embarrasser de révérences, elles ont perdu du naturel et de la profondeur que leur auteur pouvait y mettre.
C’est enfin le catholicisme féminisé qui affirme « que l’humanité perdue par la femme se surlèvera par la femme », le dernier mot d’un catholicisme bas-bleu, qui sera peut-être une formelle hérésie demain ; car le bas-bleuisme, en définitive, n’est que la vanité de la femme en révolte contre l’homme et l’ordre religieux et hiérarchique du monde !
Et son éducation n’est pas plus cosaque que sa personne, à cette Cosaque, qui, du moins, dans son livre, a perdu, à mon grand regret, sa nationalité !
Mme Raoul de Navery, un bas-bleu qui se trempe dans l’eau bénite pour y perdre, en s’y lavant, son diable de bleu, mais sans y parvenir, Mme Raoul de Navery, l’homme des Jésuites, a bien fini par envahir le feuilleton catholique, à force d’écrire et de filtrer chez les libraires pieux.
Il y a même de très grands écrivains, de très grands artistes, qui emploient leur talent et leur art à fausser l’histoire et à faire d’elle la servante ou d’un système ou d’un parti ; par cela seul se déshonorant de ce qu’ils l’ont déshonorée… Michelet est de ceux-là, par exemple, et la critique peut pleurer sur lui, parce qu’elle sait tout ce qu’en le perdant la vérité y a perdu.
Ni Aubrey, le premier historien de Shakespeare, qui écrivait cinquante ans après la mort de ce grand homme, compris par le public de son temps avec la finesse et la sûreté d’appréciation ordinaires à toutes les foules et à tous les publics ; ni Nathan Drake, qui a fait un livre énorme sur Shakespeare qu’il appelle Shakespeare et son temps (Shakespeare and His Time), un titre, je crois, de la connaissance de Guizot ; ni Guizot enfin, lequel pourtant, je m’imagine, ne doit pas être l’ennemi complet du représentatif dans l’humanité, n’ont pensé comme Emerson et, comme lui, fait également bon marché de la prodigieuse originalité du génie de Shakespeare et de la vie privée de cet homme phénoménal, — à lui seul tout un monde perdu, qui attend encore son Cuvier !
Ronsard y perdit son génie.
L’économiste semble si sûr de son résultat scientifique que son émotion y perd, et qu’avec de l’émotion il aurait fait, peut-être, un livre éloquent, ce qui vaut toujours mieux qu’un livre didactique.
C’est une mort de grand seigneur d’une espèce perdue, qu’il faut apprécier avec l’esprit des anciens jours.
Elle sauva sa réputation quand madame de Maintenon, une bien autre âme et une bien autre vertu qu’elle, perdait la sienne !
Ces élégants ou fastueux traîneurs de robes et de toges, ces dandys à la ceinture lâche, qui comprenaient probablement l’histoire comme Blaze de Bury, étaient trop artistes, trop préoccupés de l’effet esthétique dans leurs œuvres, pour se perdre en ces chicanes minutieuses où s’usent des milliers d’yeux et d’esprits modernes… La Critique historique, telle que l’esprit moderne la conçoit et l’exige, était inconnue au temps de Tacite et de Suétone, qui se tirent de toute chose douteuse avec un mot ou deux : Rumor ou ut referunt, dits de très haut, et passent… Esprits superbes, qui n’insistent pas, qui ne s’attachent pas à un texte.
Il a cette vieille goguenardise impie qui se vante d’être tombée du bonnet de Rabelais, dont le génie n’a pas mérité l’outrage d’être rappelé à propos des gargouillades de Rhoïdis, et qui, tombée de ce sublime bonnet, a glissé jusque dans les culottes cyniques de Diderot, pour aller se perdre dans les culottes, plus ordes encore, de l’auteur du Compère Mathieu.
Wallon, « plaident les circonstances atténuantes en faveur du Saint », n’ont pas seulement l’air de se douter de ce qu’eût perdu la Royauté, du temps de Saint Louis, s’il n’avait pas été le Saint qu’il fut, l’enfant sans péché mortel de la Reine Blanche, l’homme qui, sur la terre, a été certainement le plus près, par la ressemblance, de Notre Seigneur Jésus-Christ, et qui fit autant que le peut une créature humaine régner avec lui Jésus-Christ, à une époque qui avait l’amour de Jésus-Christ !
… V Eh bien, c’est ce presque impossible, c’est ce difficile de leur tâche que M. de Goncourt a réalisé, et cette fois avec une gravité, une autorité et une raison que les incestueuses sorcières de beauté, d’esprit et de manèges qui commencèrent les affolements adultères de Louis XV, n’ont pu lui faire perdre ou troubler.
… » Et la grimace se perd dans les cieux !!!
Mais descendre dans la nomenclature, ouvrir le ventre à chaque volume, se perdre, je ne dirai pas dans les feux de file, mais dans les glaçons de file des analyses et des citations, — les citations interminables !!
La psychologie d’un tel homme eût été bonne à étudier et à connaître dans le détail des circonstances suprêmes où, selon nous, il naufragea et se perdit… S’il fut un apostat, — car nous ne pouvons changer, parce que sa cendre est chaude encore, ni la nature des choses ni le sens des mots, — nous voulons cependant bien convenir qu’il ne fut pas, du moins, un apostat vulgaire, et que ses motifs pour le devenir n’étaient pas ceux qu’on lui a prêtés.
Alors le vent dispersera toute ma personne du haut de ma terrasse, et la vieille Marguerite — (sa servante) — pourra dire aux personnes qui viendront visiter la maison : Un matin, nous l’avons perdu, Sur la colline accoutumée !
Mais à une époque où le Rationalisme souffre tant des blessures qu’il se fait à lui-même et où l’enseignement de l’Église commence de reprendre dans les esprits éminents l’empire qu’il avait perdu au dix-huitième siècle, ils se sont dit probablement qu’il ne fallait mépriser le secours de personne.
» Riche par le fait de son énergie, il employa sa fortune à former des relations nécessaires à son ambition sans turbulence, et il avait dès lors, nous dit son biographe, « l’aplomb de la richesse et de la beauté », ces deux choses qui font d’ordinaire perdre leur équilibre aux hommes !
Lacordaire en ses curiosités psychiques, et l’empêcher d’aller perdre son regard en cette mystérieuse splendeur que l’Évangile a pu seul révéler dans la mesure où il fallait qu’elle fût révélée !
Mais encore une fois, aujourd’hui qu’il est mort, et bien mort, voilà qu’on l’en tire, et qu’après l’avoir bien lavé, épongé et essuyé de cette religion qui pourrait bien tout perdre, on le donne pour un immense philosophe, dont la philosophie doit être la seule religion des temps futurs.
Eh bien, qu’un tel fait ne soit pas perdu et me soit une raison pour reprendre en sous-œuvre la parole sans alliage du prédicateur, la parole froidie, corrigée, écrite, hors les lèvres qui l’animèrent, hors le corps qui parle au corps, dit Buffon, en parlant de l’éloquence, et pour rechercher ce que cette parole réduite à elle seule, avec la force muette de son verbe, contient d’essentiel, de grand et de vrai.
Elles perdent de leur froideur saisissante et de leur rigueur de ton, parce qu’ici, au lieu d’idées, nous avons affaire à des personnes, et à des personnes qui sont sorties comme l’auteur de l’Université.
L’Histoire n’a pas perdu une seule des paroles du soldat devenu prophète, et elles ont une beauté grandiose : « Dieu — dit-il — vous a frappé à la bouche, Sire (le couteau avait glissé, en remontant, jusqu’à la lèvre), parce que vous ne l’avez encore renié que débouché.
Le comique, cette force perdue !
Le livre de l’Amour, — ce chef-d’œuvre de pointillé dans l’observation et de grâce inattendue dans le bien dire, que Sterne aurait admiré, et où les nuances, qui ondoient, chatoient, se fondent et s’évanouissent comme des lueurs d’opale dans le merveilleux observateur du Sentimental Journey, sont nettement fixées sous le regard par un procédé supérieur d’analyse sans rien perdre de leur ténuité et de leurs qualités presque immatérielles, — ce livre d’un agrafeur de nuances (ces mots-là sont faits pour lui seul), ce livre qui a tout dit et fait le tour du cœur, de ce muscle qui renferme l’infini, comme on fait le tour de la terre, de cette misérable petite chose que Voltaire appelait « un globule terraqué », nous ne croyons pas que Paulin Limayrac l’admire et l’aime mieux que nous.
… Selon nous, ce qui range à part le génie de Balzac parmi les autres génies contemporains et européens, c’est l’esprit, cette faculté perdue que je nommerais volontiers anti-dix-neuvième siècle, tant elle est rare à cette époque, même dans les talents réputés les plus grands !
C’est surtout à propos de ces esprits imitateurs qu’il faut rappeler l’incorrecte mais énergique expression proverbiale : « un de perdu, deux de retrouvés !
Et entre ces deux blâmes, les monuments de génie d’Archiloque, suspects et peu reproduits, se perdirent dans le passage de l’ancien monde à la renaissance.
Brieux perdît la superstition de la « pièce à thèse ». […] Bourget si les élégances mondaines d’Idylle tragique, où il s’est si longuement complu, et qui, dans le livre, gardent leur mystérieux prestige, perdent quelque peu à être sommairement « réalisées » sur les planches. […] Capus avait donné trois romans : Qui perd gagne (presque un chef-d’œuvre), Faux départ et Années d’aventures, et une comédie : Brignol et sa fille. […] Hoche vient de lui dire : « Que d’héroïsme perdu ! — « Rien ne se perd, monsieur », répond-il.
Il me semble pourtant, — et la chose ne date pas de si loin pour que j’en aie perdu la mémoire, — que Berlioz chantait une autre gamme, le soir de la réouverture de l’Opéra. […] Il faut oser lui dire la vérité au moment où on la flatte et où on la perd. » Il y a du vrai là-dedans ; mais ceci s’applique mot pour mot, avec plus de force, de justesse et d’évidence encore, à une cantatrice que M. Fiorentino a si prodigieusement flattée, qu’il l’a à peu près perdue. […] À la vérité, la Ristori n’est ici qu’un prétexte dont s’est servi l’écrivain pour écrire, à la suite des moralistes du dernier ordre, sur « la décadence du goût et la décadence des mœurs, le sens du beau qui se perd avec le sens du bien, etc. ». […] Il y a, au contraire, dans le trio final de la Nuit blanche, une phrase admirablement dite par Darcier ; cette phrase, empreinte d’une ineffable tendresse, circule, sans rien perdre de son caractère, à travers le ton joyeux du morceau.
Nulle grandeur fausse ou vraie ne se soutient devant lui ; les choses sondées et maniées perdent à l’instant leur prestige et leur valeur. […] Il a gardé un souvenir confus des termes depuis qu’il a quitté l’université, mais il a perdu la moitié de leur sens, et les met ensemble sans autre motif que leur cadence, comme ce domestique qui clouait des cartes de géographie dans le cabinet d’un gentleman, quelques-unes en travers, d’autres la tête en bas, pour mieux les ajuster aux panneaux974. » Quand il juge, il est pire que quand il prouve ; témoin son court portrait de lord Wharton. […] De quelles merveilleuses productions d’esprit serions-nous privés, si nous perdions celles des hommes dont le génie, par une pratique continuelle, s’est entièrement tourné en railleries et en invectives contre la religion, et qui seraient incapables de briller ou de se distinguer sur tout autre sujet ! […] Ce peu qu’a perdu ta beauté est largement compensé par ton esprit992. » Et il insiste avec un goût exquis : « Oh !
Quand nous ne connaissons pas le nom d’un auteur, nous commençons par nous méfier ; et par nous affoler ; nous nous inquiétons ; nous courons aux renseignements ; nous nous trouvons ignorants ; nous sommes inquiets ; nous demandons à droite et à gauche ; nous perdons notre temps ; nous courons aux dictionnaires, aux manuels, ou à ces hommes qui sont eux-mêmes des dictionnaires et des manuels, ambulants ; et nous ne retrouvons la paix de l’âme qu’après que nous avons établi de l’auteur, dans le plus grand détail, une bonne biographie cataloguée analytique sommaire. […] En face des dieux de l’Olympe, en face d’un Dieu Tout, en face du Dieu chrétien, l’historien était un homme, demeurait un homme ; en face de rien, en face de zéro Dieu, le vieil orgueil a fait son office ; l’esprit humain a perdu son assiette ; la boussole s’est affolée ; l’historien moderne est devenu un Dieu ; il s’est fait, demi-inconsciemment, demi-complaisamment, lui-même un Dieu ; je ne dis pas un dieu comme nos dieux frivoles, insensibles et sourds, impuissants, mutilés ; il s’est fait Dieu, tout simplement, Dieu éternel, Dieu absolu, Dieu tout puissant, tout juste et omniscient. […] « Quelle opposition entre notre littérature du douzième siècle et celle des nations voisines. » J’arrête ici pour aujourd’hui la citation ; la méthode est bien ce que nous avons dit ; elle est doublement ce que nous avons dit ; quand par malheur l’historien parvient enfin aux frontières de son sujet, à peine réchappé de l’indéfinité, de l’infinité du circuit antérieur, il se hâte, pour parer ce coup du sort, de se jeter dans une autre indéfinité, dans une autre infinité, celle du sujet même ; à peine réchappé d’avoir absorbé une première indéfinité, une première infinité, celle du circuit, celle du parcours, et de tous ces travaux d’approche, qui avaient pour principal objet de n’approcher point, il invente, il imagine, il trouve, il feint une indéfinité nouvelle, une infinité nouvelle, celle du sujet même ; il analyse, il découpe son sujet même en autant de tranches, en autant de parcelles que faire se pourra ; il y aura des coupes, des tranches longitudinales, des tranches latérales, des tranches verticales, des tranches horizontales, des tranches obliques ; il y en aurait davantage ; mais notre espace n’a malheureusement que trois dimensions ; et comme nos images de littérature sont calquées sur nos figures de géométrie, le nombre des combinaisons est assez restreint ; tout restreint qu’il soit, nous obtenons déjà d’assez beaux résultats ; nous étudierons séparément l’homme, l’artiste, le penseur, le rêveur, le géomètre, l’écrivain, le styliste, et j’en passe, dans la même personne, dans le même auteur ; cela fera autant de chapitres ; nous nous garderons surtout de nous occuper dans le même chapitre de l’art et de l’artiste ; cela ferait un chapitre de perdu ; et si d’aventure, de male aventure nous parvenons à parcourir toutes les indéfinités, toutes les infinités de détail de tous ces chapitres, de toutes ces sections, il nous reste une ressource suprême, un dernier moyen de nous rattraper ; ayant étudié séparément l’homme, l’écrivain, l’artiste, et ainsi de suite, nous étudierons les relations de l’homme et de l’écrivain, puis de l’artiste et de l’art, et du styliste, et ainsi de suite, d’abord deux par deux, puis trois par trois, et ainsi de suite ; étant données un certain nombre de sections, formant unités, les mêmes mathématiques nous apportent les formules, et nous savons combien de combinaisons de relation peuvent s’établir ; cela fera autant de chapitres nouveaux ; et quand nous aurons fini, si jamais nous finissons, le diable soit du bonhomme s’il peut seulement ramasser ses morceaux ; que de les rassembler, il ne faut point qu’il y songe ; l’auteur a fait un jeu de patience où nulle patience ne se retrouverait. […] Tous perdirent leur temps ; le faisceau résista : De ces dards joints ensemble un seul ne s’éclata.
Il y a un excès de catholicisme qui habitue tellement la femme à la souffrance qu’elle s’y endurcit pour elle et les autres : elle perd le tendre. […] C’est un état délicieux de pensée figée, de regard perdu, de rêve sans horizon, de jours à la dérive, d’idées qui suivent des vols de papillons blancs dans les choux. […] Quand il recommandait quelqu’un pour les prix, il le perdait… » Du poète décédé, Sainte-Beuve passe aux salons de Paris, et nous décrit celui de Mme de Circourt : salon très éclectique, très plein, très mêlé, très vivant, un peu trop bruyant, et où l’on tombait sur n’importe qui, et où l’on parlait beaucoup trop, tous à la fois. « C’était un étourdissemeht, dit-il, plutôt qu’une conversation. » Puis Sainte-Beuve parle des deux uniques salons que fréquentent maintenant les hommes de lettres : le salon de la princesse Mathilde, le salon de Mme de Païva. […] Comme repos, c’est coupé de pipettes, que Flaubert brûle vite, et de dissertations littéraires, et de thèses tout à fait en opposition avec la nature de son talent, et d’opinions de parade et de chic, et de théories assez compliquées et assez obscures, sur un beau, non local, non spécial, un beau pur, un beau de toute éternité, un beau, dans la définition duquel il se perd et s’embrouille, mais dont il s’esquive assez spirituellement par cette phrase : « Le beau, le beau… c’est ce par quoi je suis vaguement exalté !
Λευκακανθα donnait-il une image comme blanche épine ou une idée neutre comme aubépine, qui a perdu sa valeur représentative ? […] Antoine de Padoue fait retrouver les objets perdus Hippona, ou Epona Maladies des cheveux S. […] Un roman où tout, jusqu’aux noms des personnages, jusqu’à la nuance des tentures, jusqu’à la forme des fauteuils, où tout, dialogues, paysages, gestes, sourires, cheveux, accidents, scènes d’amour, jalousies, souliers, jupes et consciences, où tout, dis-je, donnerait la sensation de retrouver un chien perdu ou une amante égarée ! […] Les considérations historiques qui expliquaient dans une large mesure cette situation privilégiée — création de nombreuses églises wallonnes et d’écoles françaises — ont forcément perdu, par suite des circonstances, beaucoup de leur valeur. […] « En réalité, le français ne semble pas avoir perdu de terrain, comme on avait pu le craindre un instant.
Tous les biens se perdent et s’évanouissent : ce but seul est immuable. […] Il nous rend tout ce que nous avons cru volé ou perdu.
N’as-tu jamais, à pareil âge, Toi-même, si plein d’avenir, Pour quelque brune ou blonde image Perdu tout autre souvenir ? […] Un prix d’académie commença de le mettre en lumière, car Ulysse s’était comme perdu dans le bruit des circonstances politiques.
Le besoin d’aimer, qui fut toujours le premier chez elle, la conduisit à faire succéder à des amis qu’elle avait perdus d’autres amis plus jeunes qu’elle choisit avec goût, et dont la nouvelle affection la trompait sur ses pertes. […] Mme du Deffand et Mme du Châtelet se plaignent déjà des manières des hommes, et Mme de Lambert déclare qu’ils ont perdu le vrai ton.
Il les regardait avec un grand plaisir, puis les perdait de vue, puis les cherchait, les découvrait et criait : Bête ! […] « Aussitôt que des mots comme y perdent leur sens étymologique et deviennent les signes d’une dérivation ou d’un cas, la langue entre dans la seconde époque. — Cette seconde époque, qu’on peut appeler l’étape des terminaisons, est celle où, deux ou plus de deux racines se réunissant pour former un mot, la première racine garde son indépendance primitive, tandis que la seconde se réduit à n’être plus qu’une terminaison.
Il crut que son acte, en se justifiant par l’intention et par le lointain, perdrait de son caractère ; que son nom grandirait quand il serait en perspective, et qu’il serait le colosse de la Révolution. […] Cela est faux, de la fausseté du crime qui ne sauve jamais rien et qui perd toujours tout, même celui qui le commet, même la nation au profit de laquelle on le commet.
Qui sait s’ils sont, autant qu’ils en ont l’air, en dehors de la littérature, et si j’ai le droit de les ignorer Puis par un scrupule d’amour-propre, je veux faire comme Paul Bourget, qui se croirait perdu d’honneur si une seule manifestation d’art lui était restée incomprise Enfin, par un scrupule de curiosité. […] Vous perdez subitement le pouvoir de l’« objectiver », de le tenir en dehors de vous.
Autour d’elle, les dieux se pervertissent et les déesses se dépravent ; Artémis elle-même perd sa farouche innocence. […] L’intégrité de l’Aréopage était renommée ; on avait foi dans ses arrêts comme dans les décrets d’un oracle : « Jamais, dit Démosthènes, un accusateur qui succomba, un accusé qui fut condamné ne put convaincre l’Aréopage d’injustice. » — Eschine lui rend le même témoignage : — « Devant l’Aréopage, j’ai souvent vu des gens qui avaient bien plaidé et qui avaient produit des témoins perdre leur procès, tandis que d’autres qui avaient mal parlé, et qui ne fournissaient aucun témoignage, sortaient victorieux des débats. » C’était l’esprit et non la lettre de l’équité qui inspirait ces grands juges.
Nous avons perdu ce qu’il avait écrit sur l’histoire, mais il a prouvé dans un discours académique qu’il aurait pu exceller dans la prose. […] Les ouvrages de l’un ont dû perdre beaucoup avec le temps, sans que sa gloire personnelle doive en souffrir ; le mérite des ouvrages du second doit croître et s’agrandir dans les siècles avec sa renommée et nos lumières.
Taylor, (si elle sait y reconnaître sa providence) la Comédie Française reprendrait bientôt cet éclat et cette popularité qui s’effacent et se perdent de jour en jour dans les pâleurs de l’imitation et dans les déviations de la routine. […] Les personnes peu familiarisées avec la versification d’André Chénier et de nos jeunes poètes, se perdent dans les déplacements de césure et dans les enjambements, et crient à la barbarie et à la prose ; ce sont elles qui sont prosaïques et barbares.
Ce qui montre bien la dualité de ces deux ordres de recherches, c’est qu’un fait peut exister sans servir à rien, soit qu’il n’ait jamais été ajusté à aucune fin vitale, soit que, après avoir été utile, il ait perdu toute utilité en continuant à exister par la seule force de l’habitude. […] Si, au contraire, les principales causes des événements sociaux étaient toutes dans le passé, chaque peuple ne serait plus que le prolongement de celui qui l’a précédé et les différentes sociétés perdraient leur individualité pour ne plus devenir que des moments divers d’un seul et même développement.
Journaliste, fou des journaux qui l’ont perdu, en ne le rendant propre à rien qu’à faire des journaux, il les ramasse partout sans y voir, les sent, trouve qu’ils sentent bon, lèche leur encre et maudit sa femme qui ne veut pas les lui lire, — une catin bégueule, — parce qu’elle y trouve des inconvenances. […] Gœthe et Gautier, puissants par la langue, je le veux bien, n’avaient pas d’âme à perdre.
On l’avait cru perdu dans le Tyrol, et l’on s’en réjouissait.
Mme Pierson, durant toute cette première situation attachante, est une personne à part, à la fois campagnarde et dame, qui a été rosière et qui sait le piano, un peu sœur de charité et dévote, un peu sensible et tendre autant que Mlle de Liron ou que Caliste : « Elle était allée l’hiver à Paris ; de temps en temps elle effleurait le monde ; ce qu’elle en voyait servait de thème, et le reste était deviné. » Ou encore : « Je ne sais quoi vous disait que la douce sérénité de son front n’était pas venue de ce monde, mais qu’elle l’avait reçue de Dieu et qu’elle la lui rapporterait fidèlement, malgré les hommes, sans en rien perdre ; et il y avait des moments où l’on se rappelait la ménagère qui, lorsque le vent souffle, met la main devant son flambeau76. » Pour bien apprécier et connaître cette charmante Mme Pierson, il faudrait, après avoir lu la veille les deux premières parties de la Confession, s’arrêter là exactement, et le lendemain matin, au réveil, commencer à la troisième partie, et s’y arrêter juste sans entamer la quatrième : on aurait ainsi une image bien nuancée et distincte dans sa fraîche légèreté.
La république des lettres ne s’étend point dans des lieux où elle sait qu’elle n’a que des ennemis, occupés sans cesse à désapprendre ou à oublier ce que la curiosité leur avoit fait rechercher, pour renfermer toute leur application et leur étude dans le seul livre de Jésus-Christ. » Chaque fois que l’incorrigible Nicaise recommence, Rancé réitère cette profession d’oubli : « Tous les livres dont vous me parlez ne viennent point jusqu’à nous, parce qu’on les regarde comme perdus et comme jetés dans un puits d’où il ne doit rien revenir. » Le bon abbé Nicaise ne se décourage point pourtant ; à défaut des ouvrages d’autrui, il enverra les siens propres, et il espère apprendre du moins ce qu’on en pense.
N’y voit-on pas du seuil luire entre les rochers La plaine aux bleus sillons que fendent les nochers, Où la vague à la vague, en jetant son écume, Passe dans la lumière et se perd dans la brume ?
Au reste, les ennemis de Boileau ne perdirent rien à sa modération : sans leur répliquer directement, il ne manqua jamais, quand une épître ou une épigramme ou n’importe quel ouvrage en vers ou en prose semblaient appeler leurs noms ou se prêter à les recevoir, de leur régler leur compte en deux mots, et de façon qu’ils lui en redevaient encore.
Quand elle eut perdu M. de Mora, quand elle eut mesuré M. de Guibert, l’univers, l’art, pas même la musique n’offrirent rien à son âme qui la contentât ; elle ne sentit plus de raison de vivre, et elle aima la mort.
L’humanisme de Chénier l’a conduit aux mêmes excès qui avaient perdu Ronsard.
S’il se fût concentré, peut-être ne l’aurions-nous pas perdu ; et même si son heure était marquée, du moins, il eût fait pour nous, dans notre domaine, une œuvre plus considérable.
Je ne saurais mieux faire ici, Messieurs, que de vous lire la belle page par laquelle un maître admirable de libre pensée et d’action libre, que l’Université de Paris a eu la douleur de perdre l’an passé, Frédéric Rauh, commençait ses originales études sur la Méthode dans la psychologie des sentiments.
Nous ne devons pas, sans doute, renoncer pour cela à la conservation de l’énergie, mais nous voyons sous nos yeux tantôt le mouvement se transformer en chaleur par le frottement, tantôt la chaleur se changer inversement en mouvement, et cela sans que rien ne se perde, puisque le mouvement dure toujours.
Alphonse Daudet répète avec mélancolie13 : « Tant de choses se perdent en ce voyage de la tête à la main !
« Herbart, dit-il, eut le mérite, durant la longue période où l’Allemagne était perdue dans les rêves de l’idéalisme, de maintenir toutes ses spéculations sur une base réelle, et de ne jamais noyer les faits de conscience dans les phrases et formes purement dialectiques.
Les énormes linéaments des vérités semblent parfois apparaître un instant, puis rentrent et se perdent dans l’absolu.
Les deux derniers vers de la pièce sont agréables et ont presque passé en proverbe ; mais la vraie moralité de cette prétendue fable est que la confiance mutuelle une fois perdue, elle ne se recouvre pas.
Mais le verset de Ruth, ainsi délayé, n’a-t-il pas perdu ce charme original qu’il a dans l’Écriture ?
Cet ouvrage que nous n’avons point, soit qu’il n’ait jamais été composé, soit qu’il se soit perdu, nous auroit enseigné apparemment l’usage qu’en faisoient les compositeurs de déclamation.
Sans doute, il peut y avoir intérêt à réserver le nom de morphologiques aux faits sociaux qui concernent le substrat social, mais à condition de ne pas perdre de vue qu’ils sont de même nature que les autres.
Sa valeur ne perd rien à n’être pas dans le style.
Comme le genre humain ne doit rien perdre de ce qu’il a successivement acquis, il faut tâcher de retenir ce que nous pourrons des deux âges qui ont précédé ; et surtout il faut admettre que l’âge actuel ne pourrait pas exister, tel qu’il est, ou tel qu’il sera par la suite, s’il n’eût pas été préparé par tous les développements des deux autres âges.
Ne pas perdre de vue l’époque où ceci a été écrit.
L’histrionisme, cette passion dernière des peuples futiles, qui ne vivent plus que par les yeux et veulent des distractions pour combler l’abîme de leur ennui et de leur vieillesse, l’histrionisme l’amour dépravé des bateleurs, règne, en Chine, comme il a régné à Rome et à Constantinople et comme il règne chez tous les perdus des civilisations excessives.
pas plus que le livre de la Monarchie du Dante et le Mare Clausum de Milton, n’ont fait celles du poète de la Divine Comédie et de l’auteur du Paradis perdu.
Cette prétention de dieu, qui perdit Napoléon, est une de ces fatuités qu’un peuple aussi politique que le peuple romain n’avait pas.
Doué d’une âme qui fut son génie, on aurait pu dire de lui le mot charmant du vieux Mirabeau : « Qu’il était fait de la rognure des anges. » Mais, puisque des anges sont tombés, une telle rognure ne garantit pas les hommes ; et Saint-Martin, si chrétiennement né, se perdit.
Il nous citerait beaucoup de vers charmants et perdus, qui n’ont pu parvenir à faire des poètes de ceux qui les avaient écrits.
Il leur faut perdre la faculté féminine, — ce quelque chose qu’on ne remplace pas.
De son temps on avait encore plusieurs de ces discours ; les familles les conservaient comme des titres de noblesse, et la vanité vigilante transmettait souvent à la paresse ce dépôt de l’orgueil : tous ces monuments sont aujourd’hui perdus.
Il prétend que le droit des enfants de Dieu s’étendit à toutes les nations, sans faire attention au caractère inhospitalier des premiers peuples, ni à la division établie entre les Hébreux et les Gentils ; sans observer que les Hébreux ayant perdu de vue leur droit naturel dans la servitude d’Égypte, il fallut que Dieu lui-même le leur rappelât en leur donnant sa loi sur le mont Sinaï.
J’espère néanmoins qu’ils se rallieront à mes visées : je pense qu’ils n’y perdront pas. […] Éloigné du bruit de la lutte, s’il a perdu un peu de passion, il a conservé toute sa mémoire et toute sa finesse. […] Mirbeau, je n’ai rien d’intéressant à vous dire, mais j’espère que vous n’aurez pas perdu votre temps, regardez cela. […] Mais ce mouvement s’est tant divisé et subdivisé qu’il a perdu tout intérêt. […] qu’importe si l’œil et l’oreille s’y perdent !
Il en voit tant, il les voit si nettement, ils se pressent et se serrent, et se recouvrent si fort les uns les autres dans son cerveau, qu’ils remplissent et qu’ils obstruent, il y a tant d’idées géographiques et nautiques étalées sous les vitrines, pendues au plafond, attachées au mur, elles débordent sur lui par tant de côtés et en telle abondance, qu’il en perd le jugement. […] Il se perdra, comme les peintres de son pays, dans l’observation minutieuse et passionnée des petites choses ; il n’aura point l’amour des belles formes et des belles couleurs. […] Nous ne voulons pas qu’il se sépare de sa conscience et perde de vue la pratique.
L’artiste véritable se prolonge en esthéticien, quitte à perdre, sitôt que la fièvre de l’intuition inconsciente le crispe, son beau calme théorique. […] D’abord les deux troupes s’avancèrent parallèles sans se perdre de vue. […] Voir plutôt les Pouranas indous et les Psaumes hébraïques ; le Prométhée d’Eschyle et le De natura de Lucrèce ; la Divine Comédie de Dante et le Paradis perdu de Milton ; quoi encore ?
En ce temps-là un navire de guerre n’est qu’un bateau de cabotage, contient tout au plus deux cents hommes et ne perd guère de vue les côtes. […] Tachons de nous représenter ce monde si éloigné et dont les débris] sont presque tous perdus ; il n’y en a pas de plus différent du nôtre, ni qui exige un si grand effort d’imagination pour être compris ; mais il est le moule primitif et persistant d’où le monde grec est sorti. […] Cette pantomime musicale, que nous le rencontrons plus que par fragments isolés et dans des recoins perdus, se développera, se multipliera en cent rameaux et fournira matière à une littérature complète ; il n’y aura pas de sentiment qu’elle n’exprime, pas de scène de la vie privée ou publique qu’elle ne vienne décorer, pas d’intention ou de situation auxquelles elle ne puisse suffire. […] Au sentiment profond de la perfection corporelle et athlétique s’ajoutait chez le public et chez les maîtres un sentiment religieux original, une idée du monde aujourd’hui perdue, une façon propre de concevoir, de vénérer et d’adorer les puissances naturelles et divines. […] » Les spectateurs n’ont qu’à se laisser conduire par l’émotion lyrique pour retrouver les métaphores primitives qui, sans qu’ils le sachent, ont été le germe de leur religion. « Le Ciel pur, dit Aphrodite dans une pièce perdue d’Eschyle, aime à pénétrer la Terre, et l’Amour la prend pour épouse ; la pluie, qui tombe du Ciel générateur, féconde la Terre, alors elle enfante pour les mortels la pâture des bestiaux et le grain de Déméter58.
Je continue à marcher en ce gris, qui se fonce et se bleuit de la nuit qui vient, et dans lequel s’allume tout à coup la lanterne rouge d’un bateau-mouche, je continue à marcher, perdu dans les rêves bêtes que fait l’imagination, aux mots vagues des passants, quand j’entends un homme arrêté sur le quai dire, à un autre : « Alors, ceux-ci vont encore nous tomber sur le dos ! […] Et l’on rencontre des rouleuses qui balayent les sentiers perdus, d’une jupe lâche, qu’en remontant, à tout moment, leur main montre attachée, sous le casaquin, par une ceinture rouge. […] … Vous pensez comme ça a réussi… nous avons tout perdu : quinze mille livres de rente… J’étais destiné à entrer dans la vie en homme heureux, en homme de loisir ; il a fallu gagner sa vie… Enfin, après des années, j’avais assez bien arrangé mon affaire, j’avais une petite maison, j’avais une petite voiture, j’avais même deux petits chevaux… Février met tout à bas… À la suite de beaucoup d’autres années, je retrouve l’équilibre, j’allais être nommé à l’Académie… au Sénat. […] Puis, au milieu du rabâchage à nouveau sur les causes de notre ruine, Nefftzer crie : — « Ce qui a perdu la France, c’est la routine et la rhétorique ! […] Puis on se sent perdu !
Du Flamand, il ne connut jamais la truculence et perdit vite toute religiosité. […] La trace blonde de ses pas Se perd parmi les grilles closes… Je ne sais pas, je ne sais pas ! […] Rien n’est perdu. […] C’est un long geste, sans surprise, élevant par guirlandes de riches, somnifères et troublantes corolles bientôt nouées à notre front ; ou bien un doigt haut levé en un signe conduit nos yeux jusqu’à les perdre parmi les fondantes magies de l’horizon qui se déroule175. […] L’Histoire des œuvres d’H. de Balzac, La Genèse d’un roman de Balzac, Une page perdue d’H. de Balzac, Autour de H. de Balzac, L’Histoire des œuvres de Th.
Ford cite de lui cette phrase, d’ailleurs admirable : « N’est-il pas affligeant de penser que des yeux devenus trop vieux pour voir n’ont point perdu la possibilité des pleurs ? […] Mais ce titre même de L’Empreinte dénonce les tendances auxquelles l’esprit méditatif, presque mystique d’Estaunié restera fidèle. « Une fois prêtre, toujours prêtre. » Son élève des Jésuites qui a perdu la foi se fera prêtre quand même : il a reçu « l’empreinte », et celle-ci lui impose une mission. […] François Mauriac ne sait peindre que des adolescents qui séduisent, mais qui sont « perdus » et des dames plus ou moins pieuses qu’il admire, mais qui sentent irrémédiablement mauvais… M. de Lacretelle aussi… M. […] Drieu la Rochelle, qui devient, en restant conteur et romancier, après avoir été poète, un philosophe politique distingué — “corps perdu”, dans M. […] Patriotes pourtant, et obtenant, après tout, un meilleur résultat que les gouvernements antérieurs puisque le régime qu’ils servent et dont ils se servent, a pu durer, et que la préparation diplomatique et militaire en a été suffisante pour que ce régime gagnât une guerre que le régime précédent avait perdue.
Quand la paupière fut pleine, la larme coula le long de sa joue livide, et il dit presque en bégayant, bas, et se parlant à lui-même, l’œil perdu dans les profondeurs : « Ô toi ! […] Misères du cœur, de l’esprit, de l’âme et du corps, misères surtout qui frappent ce que vous aimez à cause de vous, et qui font un devoir de vivre pour d’autres encore après avoir perdu toute raison de vivre pour vous-même !
Bientôt la reine épousera Bothwell ; elle a bu toute honte : « Peu m’importe, disait-elle hier, que je perde pour lui, France, Écosse, Angleterre ! […] Ils furent défaits ; Bothwell, couvert de sang, rapprocha son cheval de celui de la reine, au moment où tout espoir de fuite était déjà perdu pour eux
La tragédie de Mahomet, ainsi conçue, n’aurait rien perdu en intérêt, elle aurait gagné en vérité, en héroïsme et en enthousiasme. […] Voltaire y perdit en dignité, Frédéric en considération.
Les vraies précieuses — que Molière a visées et atteintes à travers les autres, — c’étaient Mme de Rambouillet, Mme de Sablé, Mme de Longueville, Mme de Maure, et le monde précieux a été l’école où se sont formés les Bussy et les La Rochefoucauld, les Sévigné et les La Fayette, les Maintenon et les Ninon, c’est-à-dire les plus exquis exemplaires de la société française dans la seconde moitié du siècle : voilà ce qu’il ne faut pas perdre de vue pour bien juger la préciosité. […] Notre littérature y perdit sans doute en hauteur et profondeur ; et les plus grandes questions, les plus vitales en furent exclues ou furent réduites à s’y glisser par occasion : de là ce que nos chefs-d’œuvre classiques paraissent avoir quelquefois d’un peu court, quand on les compare à certaines œuvres des autres littératures.
Le moins que perde l’écrivain qui néglige l’antiquité classique, ce sont des lumières sur le cœur humain. Le moins que perde celui qui dédaigne l’antiquité chrétienne, ce sont des lumières sur son propre cœur.
C’est un cas de la loi d’évanescence que j’ai brièvement exposée ailleurs6 et qui indique l’aboutissant normal de toute évolution qui parvient à son terme et ne se perd pas dans les déviations. […] Nous tâtonnons dans une forêt obscure, perdus dans le brouillard, essayant des chemins sans savoir où ils nous conduisent.
Quoiqu’elle ait tout récemment été mise sur le théâtre sans amour, quoique la pièce annonçât des talens, & qu’elle ait eu un grand succès, Euripide a perdu. […] On a comparé la muse du premier à une honnête femme, & celle de l’autre à une femme perdue.
Il faut l’entendre, au sortir de ce beau fleuve romain et cicéronien où il vient de s’abreuver pour la centième fois, célébrer cette ampleur et cette finesse de parole, cette transparence lumineuse, cette riche abondance de mots, et cet art savant qui les épand si nombreux, si faciles sans qu’il y en ait jamais un d’inutile ou de perdu : Quand on se laisse simplement entraîner, dit-il, par la lecture, c’est une musique délicieuse qui vous flatte : l’esprit sent la justesse des accords sans se rendre un compte exact de son plaisir, et ne fait qu’apercevoir instinctivement une nuance délicate de la pensée sous chacune des expressions dont la phrase s’embellit.
Né le dernier de la famille, douze ans après les autres, après une sœur qui l’assista dans sa jeunesse, qui lui fut comme une seconde mère, qui ne voulut jamais le quitter, et qu’il a eu tout récemment le malheur de perdre pendant ce pèlerinage scientifique en Orient où elle l’accompagnait encore, il reçut et il a nourri en lui, sans les dissiper, les affections et les vertus domestiques.
Alors l’homme élu. dans les entrailles duquel toutes les souffrances de l’humanité doivent retentir ; qui doit sentir en son sein s’amasser douloureusement un amour immense ; qui doit concevoir en sa tête féconde la forme nouvelle, plus large et plus heureuse, de l’association humaine ; cet homme vraiment divin, ce poëte, cet artiste, ce révélateur fils de Dieu, est déjà né ; que ce soit Moïse, Orphée, Jésus, Confucius ou Mahomet, il grandit, se développe miraculeusement, se perfectionne avant tous ses contemporains ; véritable fruit providentiel, il mûrit et se dore sous un soleil encore voilé pour d’autres, mais dont la chaleur lui arrive déjà, à lui, parce qu’il est au foyer de l’univers, et qu’il ne perd pas un seul des rayons de Dieu.
69 » Et voilà comment (et je n’ai indiqué qu’une seule branche, — qu’aurait-ce été si je les avais suivies et examinées toutes une à une), voilà comment de dédain en dédain, de négligence en négligence, quand on avait le plus beau jeu qu’ait jamais tenu en main Pouvoir public, on a fini par perdre la partie au premier tour, car on est au second ; voilà comment du mépris de toutes ces fractions de l’opinion, d’abord isolées entre elles, et de leur addition ensuite, de leur union subite qui s’est trouvée faite un jour contre vous, voilà comment il est sorti un total inattendu ; voilà comment l’opinion s’est réveillée, comment, à travers toutes les difficultés et les obstacles d’élections si tiraillées, si travaillées administrativement, elle s’est fait jour jusqu’à pouvoir vous atteindre et s’imposer à vous.
Il se crut perdu, puis dans l’accablement qui l’écrasa, une énergie d’homme acculé le mit sur son séant, lui donna la force d’écrire à son médecin. » Traitement par les lavements nutritifs à la peptone d’abord, puis préparés suivant la formule : Huile de foie de morue 20 grammes Thé de bœuf 200 grammes Vin de Boulogne 200 grammes Jaune d’œuf N°1 « Puis l’estomac se décida à fonctionner », les nausées et les vomissements sont domptés par la bière de gingembre et la potion antiémétique de Rivière et on parvient à lui faire avaler, par les voies ordinaires, un sirop de punch à la poudre de viande.
En ce temps de guerre permanente, un seul régime est bon, celui d’une compagnie devant l’ennemi, et tel est le régime féodal ; par ce seul trait, jugez des périls auxquels il pare et du service auquel il astreint. « En ce temps-là, dit la chronique générale d’Espagne, les rois, comtes, nobles et tous les chevaliers, afin d’être prêts à toute heure, tenaient leurs chevaux dans la salle où ils couchaient avec leurs femmes. » Le vicomte dans la tour qui défend l’entrée de la vallée ou le passage du gué, le marquis jeté en enfant perdu sur la frontière brûlée, sommeille la main sur son arme, comme le lieutenant américain dans un blockhaus du Far-West, au milieu des Sioux.
Un raisonnement reposera tout entier sur un fait reconnu ou sur une proposition admise, qu’il ne faut jamais laisser perdre de vue : là encore on ne craindra pas de se répéter.
Il ne paraît pas, après quarante ans passés, que les choses aillent mieux, ni que le livre de Michelet ait rien perdu de son à-propos.
La bête humaine, si la prévoyance des législations s’appliquait de plus en plus à la sevrer de sang, finirait peut-être par en perdre un peu le goût.
Si le poète est incapable d’éteindre le Réel, il est aussi affranchi de sa servitude, et le monde du Rêve infini s’ouvre devant son essor… Aujourd’hui que ces poèmes ont perdu, avec leur magie de nouveauté, le prestige que leur assurait une harmonie profonde entre les aspirations du public et les inspirations de l’auteur, il est malaisé de ranger cette œuvre, tour à tour trop admirée et trop négligée, à sa place définitive.
J’ai fait l’expérience une fois déjà, et j’y ai perdu un autre ami ; mais du même coup j’ai constaté sa sottise.
Un fait très important à opposer à ces deux philosophes, c’est que l’égoïsme et l’individualisme ne semblent pas perdre du terrain dans l’humanité, bien au contraire.
IV Les philosophes font encore une autre objection : « Ce que vous gagnez en rigueur, disent-ils, vous le perdez en objectivité.
Jésus rentra en Galilée ayant complètement perdu sa foi juive, et en pleine ardeur révolutionnaire.
Quelques pauvres attardés qui gardent encore, en pleine époque réfléchie, les espérances des premiers disciples deviennent des hérétiques (Ébionites, Millénaires), perdus dans les bas-fonds du christianisme.
Toujours en quête d’expériences, préoccupé avant tout d’être complet, il éclaire de ses remarques fines et ingénieuses un grand nombre de faits curieux ou vulgaires que la métaphysique, perdue dans ses hauteurs, ne semblait pas même voir.
L’unité qu’on s’imagine exister dans le pouvoir volontaire et qui est suggérée par l’apparence qu’elle présente à l’âge mûr, alors que nous semblons capables sur le plus petit souhait de produire un acte, est le résumé et le comble d’un vaste ensemble d’associations de détail, dent l’histoire a été perdue de vue ou oubliée183. » Examinons comment se bâtit pièce à pièce l’édifice de notre volonté, en passant en revue les sensations et sentiments de diverses sortes184.
Une telle passion ne perd jamais de vue le but qu’elle veut atteindre, elle marche toujours ; sans se presser, mais sans se détourner ; elle sait attendre, mais ne néglige rien ; elle n’avance pas toujours d’un pas égal, mais ne recule jamais.
Mais, par un retour presque forcé des lois de la famille, et que l’auteur l’ait voulu ou non, le fils qui s’institue accusateur de son père plaide si mal sa cause, qu’il la perd, comme dans la pièce précédente.
Le poète des Harmonies et de Jocelyn procède manifestement de lui ; il ne perd aussi aucune occasion de l’avouer pour maître et de le célébrer.
Shakespeare, fidèle à l’esprit de son temps, devait ajouter Laërtes vengeant son père à Hamlet vengeant son père, et faire poursuivre Hamlet par Laërtes en même temps que Claudius par Hamlet ; il devait faire commenter la piété filiale de Cordelia par la piété filiale d’Edgar, et, sous le poids de l’ingratitude des enfants dénaturés, mettre en regard deux pères misérables, ayant perdu chacun une des deux espèces de la lumière, Lear fou et Glocester aveugle.
L’intrigue, en un mot, est un dédale, un labyrinthe qui va et revient toujours sur lui-même, où l’on aime à se perdre, d’où l’on cherche pourtant à sortir, mais où l’on rentre avec plaisir quand une fausse issue nous y rejette.
Ce n’étoit pas assez d’avoir des Dictionnaires portatifs sur la Géographie, on nous a donné de petits livres sur cette science qui se perdent presque entre les mains.
Si vous perdez le sentiment de la différence de l’homme qui se présente en compagnie, et de l’homme intéressé qui agit, de l’homme qui est seul, et de l’homme qu’on regarde, jetez vos pinceaux dans le feu.
Cette conception du lien causal, en lui enlevant toute détermination, le rend à peu près inaccessible à l’analyse scientifique ; car il introduit une telle complication dans l’enchevêtrement des causes et des effets que l’esprit s’y perd sans retour.
Cet homme, qui avait tant de provinces à gouverner et tant de biens à régir, n’avait pas sans doute assez à faire, car il était heureux qu’on lui fit des procès ; il en eut jusqu’à trois cents, dit l’abbé de Choisy, et qu’il a presque tous perdus… “Je suis bien aise, disait-il, qu’on me fasse des procès sur tous les biens que j’ai eus de M. le cardinal.
Le système s’incorpore à la pensée, le parti pris vous a pris à son tour et ne vous lâche plus, et la spontanéité est perdue !
Le système s’incorpore à la pensée ; le parti pris vous a pris à son tour et ne vous lâche plus, et la spontanéité est perdue !
Plusieurs ouvrages de Libanius se sont perdus, mais il nous en reste encore une partie.
Mais cette gloire poétique n’est plus qu’un symbole ; il ne reste de ce génie que quelques lettres éparses de l’inscription brisée sur son tombeau perdu.
Parfois il se montre à eux comme un banni du ciel, obligé de regagner par ses épreuves ici-bas le séjour divin qu’il a perdu, et leur frayant lui-même la route qu’il leur conseille.
Je n’ai, pour mon compte, aucun chagrin à reconnaître que, poètes ou prosateurs, nous perdons tout à imiter l’étranger, et que nous avons toujours payé du plus pur de notre naturel le tort de copier le tour d’esprit de nos voisins. […] Il se mêla d’une affaire qui déplaisait à son maître, et il perdit les bonnes grâces du prince, qui le frappa, dit-on, avec des pincettes. […] Ni la subtilité d’Aristote, ni cette philosophie de l’art, où ce grand homme semble vouloir donner la raison de la raison, n’eussent été de mise là où il suffisait de quelques principes simples, éternels, ou plutôt de quelques-uns de ces mots qui contiennent en eux tout un ordre de vérités, raison, vrai, langue, perfection ; mots de ralliement pour l’esprit humain, aux époques où il oublie ses propres lois et perd l’idée de sa grandeur. […] Ce dialogue paraît faible aujourd’hui ; il a perdu le sel de la critique personnelle et de l’à-propos.
Que nous sommes loin, ici, de cette critique myope qui se perd dans les commérages, ou de cette autre qui, en voulant régenter de trop haut les contrées et les époques, perd de vue les individus ! […] Avant d’être appelé, par sa destinée bizarre, au soin de rédiger le contrat de mariage d’un empereur et de cette petite fille qu’il avait promenée, grondée, amusée dans les jardins de Carabanchel, Mérimée perdit beaucoup de temps à tâcher très sincèrement de devenir un bon fonctionnaire. […] C’est probablement au ministère qu’il acquit, à force d’étude, ces façons irréprochables, cette mise correcte, cette physionomie sérieuse, cette respectability, dont la tradition se perd, semble-t-il, dans les bureaux et même dans les antichambres. […] Guizot l’a pervertie et il l’a perdue, comme il a perdu et perverti la monarchie. » Quoi qu’il en soit, malgré la fureur des uns, l’encouragement des autres, et l’amitié de tous ceux qui ont lu ses vers, le poète Édouard Grenier, après cinquante ans d’un labeur si probe et d’un dévouement si désintéressé aux lettres, n’est pas encore académicien. […] Déjà, il avait illustré le village d’Hernani, troupeau de huttes, perdu sur la frontière d’Espagne.
Aussi est-il bien juste que ces petites bêtes, qui ne sont, à proprement parler, qu’animaux imparfaits, recouvrent ainsi facilement la vie qu’ils peuvent perdre avec si peu d’efforts. […] Seulement le déraciné ou le citadin, qui a naturellement perdu un instinct qui lui était inutile. […] Elles hésitent ; beaucoup s’égarent ; quelques-unes se perdent. […] Dastre, dans son livre la Vie et la Mort, ne tranche pas la question ; mais il l’expose avec assez de détails pour que les esprits inquiets de ces nouveaux mystères puissent y réfléchir sans se perdre dans le vague. […] Il y eut l’homme qui avait perdu son ombre ; M.
C’était au théâtre des Bouffes du Nord, dans une grande salle faubourienne et triste, perdue en plein quartier ouvrier, où s’entassait l’élite de tout un peuple. […] Et je sais des jeunes gens, en sortant, qui, ayant perdu la pensée du sommeil, embrasés par des flammes inconnues, chantèrent, toute la nuit, d’espoir sous les étoiles. […] De pâles lueurs déjà frissonnent à l’horizon, des souffles plus frais passent sur le vieux monde étonné, religions et morales éclatent au vent, la Science marche, à pas prudents et majestueux ; le terrain conquis ne sera plus perdu, et bientôt y seront jetées les fondations du futur édifice social.
D’autre part, comme une multitude énorme de voies motrices peuvent s’ouvrir dans cette substance, toutes ensemble, à un même ébranlement venu de la périphérie, cet ébranlement a la faculté de s’y diviser à l’infini, et par conséquent, de se perdre en réactions motrices innombrables, simplement naissantes. […] La représentation est bien là, mais toujours virtuelle, neutralisée, au moment où elle passerait à l’acte, par l’obligation de se continuer et de se perdre en autre chose. […] Je perds brusquement la vue.
Bien moins connu, bien moins en vue, vous avez dès les premières pages le vieux Montal, « ce grand vieillard de quatre-vingts ans qui avait perdu un œil à la guerre, où il avait été couvert de coups », et qui se vit injustement mis de côté dans une promotion nombreuse de maréchaux : « Tout cria pour lui hors lui-même ; sa modestie et sa sagesse le firent admirer. » Il continua de servir avec dévouement et de commander avec honneur jusqu’à sa mort. […] Saint-Simon, libre et vacant, et, sauf la faveur avec le roi perdue sans remède, nageant d’ailleurs en pleine cour, sur bien des récifs cachés, mais sans rien d’une disgrâce apparente, intimement lié avec plusieurs des ministres d’État, était plus que personne en position et à l’affût pour tout savoir et pour tout écrire.
C’est une comédie où on n’oublie pas l’heure du dîner, où un amant éconduit, sans se tuer ni perdre l’esprit, s’en va faire un tour de six mois en Italie. […] Dancourt (1661-1725), entra à la Comédie-Française en 1685 ; le Notaire obligeant ou les Fonds perdus, 1685 ; la Désolation des joueuses, 1687 ; le Chevalier à la mode, 1687 ; la Loterie, 1697 ; les Bourgeoises de qualité, 1700 ; le Galant Jardinier, 1704, etc. — Édition : 1760, 12 vol. in-12. — À consulter : J.
Et, comme Hændel dont la perruque Perdait sa farine en tremblant, Il fait envoler de sa nuque La neige qui la poudre à blanc788. […] Une bonne fortune, Après une lecture, Soirée perdue, la Mi-Carême, etc.
Il leur est arrivé aussi d’affaiblir à l’excès, ou de subordonner trop complètement les désirs individuels sans lesquels la société ne peut vivre, ou même des sentiments affectueux sans lesquels elle perd son agrément. […] D’autre part, j’aurais trop à perdre à vous blesser ouvertement, et je supporterai, pour me préserver, les sacrifices nécessaires.
Nous ne nous faisons pas d’illusions ; si l’on peut espérer qu’un jour les autres ouvrages de Richard Wagner deviendront populaires en France, il ne faut pas, à l’égard de celui-ci, former le même rêve ; l’Anneau du Niebelung est une composition d’un ordre particulier ; la légende interprétée ou, pour mieux dire, renouvelée par Richard Wagner est tellement imprégnée de l’esprit de la race à qui elle s’adresse, que, certainement, transportée devant d’autres spectateurs, elle perdrait la plus grande partie de son intérêt. […] Il soulève mille objections : la dignité de l’art est en péril ; c’en est fait de la maîtrise, la corporation est perdue ; bref, il convient d’écarter le jeune homme.
Le désespoir d’avoir perdu l’être que nous avons le plus aimé est un état d’âme absolument hétérogène aux autres dans sa partie affective et sensitive, non pas seulement dans sa partie active. […] Le moi étant, avant tout, une unité consciente, si les deux termes dont l’un détermine l’autre sont également enveloppés dans cette unité, la détermination commence à perdre son caractère mécanique, et l’être est déjà déterminé par quelque chose de soi, sinon par soi.
Le travail et l’émotion d’écrire Germinie Lacerteux nous faisaient complètement oublier notre pièce, quand, un soir du printemps de 1865, un de nos amis ayant une soirée à passer avec nous, et ne sachant comment la perdre, nous demanda de lui lire notre Henriette. […] Nous vîmes notre pièce perdue, au moins pour le moment, et nous partîmes, assez désespérés, nous enterrer à la campagne dans le travail et la consolation d’un grand roman.
Rousseau ne le perdit pas de vue. […] L’Abbé Regnier des Marais, Pavillon, la Monnoye, méritoient peut-être une petite place dans cette nomenclature ; mais il faut nécessairement que dans une multitude immense, il y ait quelqu’un qui se perde dans la foule.
Ainsi l’ablation des lobes cérébraux fait perdre à l’instant la vue, tandis que l’iris n’en reste pas moins mobile, le nerf optique excitable, la rétine sensible. […] Malgré l’expérience de la poule qui a perdu l’instinct de manger, il n’est pas sûr que l’ablation des lobes cérébraux supprime toute espèce de mouvements instinctifs proprement dits.
Lorsque d’Alembert fut reçu à l’Académie française en 1754, son élection fut très combattue et traversée de beaucoup d’obstacles, « et même il passe pour constant, rapporte La Harpe, qu’il y avait un nombre de boules noires plus que suffisant pour l’exclure, si Duclos, qui ne perdait pas la tête et qui était en tout hardi et décidé, n’eût pris sur lui de les brouiller dans le scrutin, en disant très haut qu’il y avait autant de boules blanches qu’il en fallait ».
À la requête des états de Bourgogne, Jeannin fut pourvu d’un office de conseiller au parlement de Dijon, office créé tout exprès en juin 1579, « et il y fut reçu à condition de ne pouvoir résigner son office qu’après cinq aimées d’exercice, tant la Cour de parlement appréhendait de perdre un si rare esprit ».
Celui dont elles ont jugé la sensibilité et les connaissances proportionnées à leur tempérament et à leur caractère ; celui auquel elles ont révélé les secrets d’une constitution faible et délicate ; celui qu’elles ont en même temps chargé de la conservation de leurs enfants, et des mains duquel elles les ont reçus, est devenu pour ainsi dire nécessaire à leur existence ; le perdre est un malheur qu’elles ressentent vivement : que l’on juge d’après cette réflexion des regrets que la mort de M.
Quand il s’agit de transférer l’établissement de Rueil à Noisy, elle ne veut pas qu’on se jette dans les superfluités ni qu’on renouvelle toutes choses : Conservez bien tout ce que vous avez pour l’autel, car j’ai dit que nous ne voulions point qu’on en fît, et que nous arrangerions les dedans à notre fantaisie ; je connais MM. les architectes du roi, ils nous accommoderaient de la façon du monde la plus régulière pour la symétrie et la plus incommode ; ne perdons pas le moindre banc et la plus petite chaise de paille ; tout nous servira, et nous en demanderons moins, qui est pour moi le souverain bonheur.
Ma marche est si rapide, que j’ai perdu aides de camp, domestiques, chevaux.
il est poète, quoiqu’il n’ait pas la sainte fureur, ni cet aiguillon de désir et d’ennui, qui a été notre fureur à nous, le besoin inassouvi de sentir ; bienqu’il n’ait pas eu la rage de courir tout d’abord à toutesles fleurs et de mordre à tous les fruits ; — il l’est, bien qu’il ne fouille pas avec acharnement dans son propre cœur pour y aiguiser la vie, et qu’il ne s’ouvre pas les flancs (comme on l’a dit du pélican), pour y nourrir de son sang ses petits, les enfants de ses rêves ; — il l’est, bien qu’il n’ait jamais été emporté à corps perdu sur le cheval de Mazeppa, et qu’il n’ait jamais crié, au moment où le coursier sans frein changeait de route : « J’irai peut-être trop loin dans ce sens-là comme dans l’autre, mais n’importe, j’irai toujours. » — Il l’est, poète, bien qu’il n’ait jamais su passer comme vous, en un instant, ô Chantre aimable de Rolla et de Namouna, de la passion délirante à l’ironie moqueuse et légère ; il est, dis-je, poète à sa manière, parce qu’il est élevé, recueilli, ami de la solitude et de la nature, parce qu’il écoute l’écho des bois, la voix des monts agitateurs de feuilles, et qu’il l’interprète avec dignité, avec largeur et harmonie, bien qu’à la façon des oracles.
On y assiste ; dans un tête-à-tête avec son fils, elle lui adresse successivement quatre requêtes, et lui demande au moins de quatre choses l’une : 1° de ne point mourir, lui son fils, de ne point souffrir mort, s’il est possible ; 2° cette première requête refusée, et puisque cette mort est jugée nécessaire, de ne point la souffrir si amère, si honteuse et si cruelle ; 3° cette requête rejetée encore par Jésus au nom des Écritures et des Prophéties, de permettre au moins que sa mère meure la première et n’ait point à voir de ses yeux une mort si terrible ; 4° puisque cette troisième pétition n’est pas plus accueillie que les deux autres, de vouloir bien qu’elle perde au moins connaissance pendant la durée de la Passion, qu’elle soit ravie en esprit et demeure comme une chose insensible, privée d’intelligence et de sentiment.
M. de Senfft qui n’était séparé ce jour-là de M. de Metternich que par l’amiral Verhuel et M. de Dreyer, ministre de Danemark, ne perdit pas une parole de l’Empereur et très peu des réponses de son interlocuteur « qui eut le mérite peu commun, dit-il, de conserver dans cette importante et brusque occasion tout le sang-froid, l’aplomb et la mesure de l’homme d’État consommé. » Tous les ministres étrangers présents à cette scène s’empressèrent naturellement d’en rendre compte à leurs Cours.
Mille écluses maîtriseraient et distribueraient l’inondation sur toutes les parties du territoire ; les huit ou dix milliards de toises cubes d’eau qui se perdent chaque année dans la mer, seraient réparties dans toutes les parties basses du désert, dans le lac Mœris, le lac Maréotis et le Fleuve sans eau, jusqu’aux Oasis et beaucoup plus loin du côté de l’ouest, — du côté de l’est, dans les Lacs Amers et toutes les parties basses de l’Isthme de Suez et des déserts entre la mer Rouge et le Nil ; un grand nombre de pompes à feu, de moulins à vent, élèveraient les eaux dans des châteaux d’eau, d’où elles seraient tirées pour l’arrosage ; de nombreuses émigrations, arrivées du fond de l’Afrique, de l’Arabie, de la Syrie, de la Grèce, de la France, de l’Italie, de la Pologne, de l’Allemagne, quadrupleraient sa population ; le commerce des Indes aurait repris son ancienne route par la force irrésistible du niveau… » Le mot de civilisation ne s’est pas rencontré encore ; il n’échappe qu’à la fin et aux dernières lignes, comme le résumé de tout le tableau ; il introduit avec lui et implique l’idée morale, qui a pu paraître jusque-là assez absente : « Après cinquante ans de possession, la civilisation se serait répandue dans l’intérieur de l’Afrique par le Sennaar, l’Abyssinie, le Darfour, le Fezzan ; plusieurs grandes nations seraient appelées à jouir des bienfaits des arts, des sciences, de la religion du vrai Dieu ; car c’est par l’Égypte que les peuples du centre de l’Afrique doivent recevoir la lumière et le bonheur !
On se perd dans ces infiniment petits de la flatterie courtisanesque, et c’est bien le cas de dire avec un annotateur du temps, dont j’ai le manuscrit sous les yeux : « Fadeur et impertinence de tout côté !
Une fois même, par un travail assez considérable, je me suis emparé d’une eau qui se perdait à plus de cinq cents toises d’élévation et qui, en formant un marécage, aurait causé un jour quelque dangereux éboulement.
Marie, je le dirai pour le petit nombre de ceux qui l’ignorent, est une jeune paysanne bretonne, que le poëte a aimée autrefois, dans son enfance, de cet amour de douze ans, le plus vrai, le seul vrai peut-être, puis qu’il a perdue de vue et qui s’est mariée dans le pays.
A la manière dont le corps de bataille m’apparaît rangé et comme en si bel ordre après la lutte, il est évident que je ne considère point la bataille elle-même comme perdue.
Tendresse, délicatesse et sacrifice, on n’en perdait rien, on saisissait tout, on pressentait vite, en ce monde et sous ce règne de La Vallière.
Cependant, après un siècle de vogue à peu près, le lyrisme savant décline ; nos barons se refroidissent et le délaissent ; mais, comme il était arrivé pour l’épopée, les bourgeois avaient recueilli l’art qui perdait la faveur des nobles, et lui assurent une prolongation de vie : dans les communes picardes, à Arras, Bodel, Moniot, Adam de la Halle l’ont durer la poésie courtoise jusqu’aux dernières années du xiiie siècle.
Le classique s’inquiète de sa destinée à l’église, ou bien en lisant ou faisant un sermon ; le romantique mêle cette inquiétude dans tous ses actes (d’où il perd vite la faculté d’agir), et ne peut exprimer aucune pensée qui ne la contienne (d’où la pente rapide vers le lyrisme).
Là seulement est son rôle moral, là elle perd tous les inconvénients de la pédanterie scolastique, là elle se révèle noble, opportune, incarnant une des prérogatives admirables du génie de la France devant le monde : l’illumination logique et bienfaisante, la transmutation des idées-forces, l’alchimie changeant en or vierge les minerais de la pensée brute élaborée dans les méditations obscures et malaisées de l’humanité.
Ce poète eût beaucoup perdu sans doute à ce changement de vision si, — comme le font les sculpteurs, — en rendant plus flottantes les lignes de ses figures, il n’avait préservé sous la vague étoffe la fermeté pure des contours, et s’il n’avait acquis pour elles un lointain favorable au songe qui les fait aimer par-dessus tout.
Il était seulement plus sensible dans le poète que nous venons de perdre, par le recul, l’antique et l’exotisme systématique de ses sujets.
Pour soi d’abord. « J’ai assez de quelques lecteurs, dit à peu près Montaigne, j’en ai assez de trois ou de deux, j’en ai assez d’un, j’en ai assez de pas un. » Il y a des natures sensibles et communicatives qui ne se résoudront pas à perdre le plaisir, même pris seul, de l’épanchement littéraire.
Mais la grande équivoque qui avait fait sa force, et qui après sa mort devait constituer sa royauté, le perdit cette fois.
Si l’on ne perd point de vue que les diverses facultés ne sont aussi que des causes inconnues de phénomènes connus, qu’elles ne sont qu’un moyen commode de classer les faits et d’en parler ; si l’on ne tombe pas dans le défaut si commun d’en faire des entités substantielles, des sortes de personnages qui tantôt s’accordent, tantôt se querellent, et forment dans l’intelligence une petite république ; on ne voit point ce qu’il y aurait de répréhensible dans cette distribution en facultés, très conforme aux règles d’une saine méthode et d’une bonne classification naturelle.
En vain les peines fuient dans l’infini, tentent de se perdre au néant.
J’en distingue une intitulée Soirée perdue, où il a entrecroisé assez gracieusement un motif d’André Chénier avec une pensée de Molière, une satire Sur la paresse, où le poète s’est excité d’une lecture de Régnier ; un joli conte, Simone, où il s’est souvenu de Boccace et de La Fontaine ; mais surtout un Souvenir plein de charme et de passion encore, où il ne s’est inspiré que de lui-même.
Je ferai toutefois remarquer qu’il n’était nullement probable que Lauzun agît pour le compte de la cabale Choiseul, avec qui il était assez mal de tout temps ; mais les alentours de la reine avaient eu intérêt à le présenter sous ce jour pour le perdre définitivement.
Ce n’est, monseigneur, ni votre pourpre, ni la splendeur ou les couronnes de votre maison, c’est quelque chose de plus grand, c’est vous-même, c’est votre vertu qui m’a lâché, et ces liens ne peuvent se rompre, qu’on ne perde ou la vie ou la raison.
Lorsqu’il l’eut perdue, il dirigea plus habituellement sa pensée vers ce lieu du rendez-vous suprême que se donnent les âmes aimantes.
Broca discute ces différents faits avec beaucoup de sagacité et d’adresse, et il essaye de leur faire perdre une partie de leur valeur.
On perd trop de temps avec ces fadaises, et c’est souvent avoir appris à déraisonner méthodiquement.
Comme les pantomimes emploïoient plusieurs gestes d’institution dont la signification étoit arbitraire, il falloit du moins être habitué à les entendre pour ne rien perdre de tout ce qu’ils vouloient dire.
En passant des mains des apôtres juifs en celles de Grecs et de Latins, possédant une plus profonde culture et soumis à de meilleures habitudes de discipline intellectuelle, le christianisme perdit pour un temps cette tendance qu’il tenait de ses origines orientales.
Elle n’est encore ici que la toute petite Révoil d’avant le mariage, la petite pensionnaire au corsage plat, aux bras plats, à l’esprit plat, au style plat, à toutes les platitudes, et on ne devinerait jamais que de ce vibrion — de cet insignifiant infusoire sortirait un jour cette organisation turbulente, imprécatoire et spumeuse qui a fait sur tout ce qui fut longtemps sacré parmi les hommes, la Religion, l’Église, la Papauté, les Rois, les anciennes Mœurs, ce qu’elle fit un soir sur la figure du capitaine d’Arpentigny… Tous les ouvrages de cette perdue d’esprit sont là pour l’attester.
Là même où l’induction perd pied, la déduction garde ses droits.
Cette littérature est donc moins riche en œuvres et moins nettement significative ; elle présente en outre ce phénomène particulièrement intéressant pour nous : les trois ères que j’ai distinguées en France ne sont qu’ébauchées en Italie ; elles débutent, normalement, par le lyrisme, elles atteignent à peine leur point culminant avec l’épopée, et manquent d’achèvement dramatique ; on dirait d’un fleuve qui par trois fois se perd dans le sable… L’explication est à chercher dans l’absence de vie nationale.
Camille Mauclair a écrit la transposition mystique : « Si chacun de ces frêles personnages errant dans un paysage d’or rose figurait un état du rêve, où allaient-ils tous, et qu’est-ce qui les incitait à tourner ainsi le dos, avec une obstination douce, à l’existence réelle d’où je les contemplais, pour s’aller perdre de mirage en mirage dans les zones successives de cette vaporeuse bleuité ?
Sa gloire (et c’est ce qu’il ne faut pas perdre de vue en le jugeant) fut d’avoir élevé sa nation.
L’autre lance un oiseau vivant qu’il avait dans sa poche, qui monte aussi loin, se perd et ne retombe pas. […] Tels silences d’Hermione ou de Roxane marquent chez Racine les moments les plus tendus et les plus pleins de l’action tragique, et l’on sait quel gouffre enflammé de passion charnelle creuse le seul « ou perdue » qui termine la déclaration de Phèdre. […] Elle perdit l’aptitude à construire musicalement un symbole, selon le type du Satyre ou de la Maison du Berger. […] A plus vouloir, on perd sa force qui gît dans l’obscur de considérants tus sitôt que divulgués à demi, où la pensée se réfugie »88. […] On dirait que son regard étrange, son œil fin de diamant méditatif et mobile, pénètre dans le papier jusqu’aux racines du mot, qu’en elles il s’ingénie et se perd.
Les héroïsmes de Mme Roland et de Charlotte Corday la trouvent prête et sont à l’aise dans son cœur ; ses délicatesses pour les autres nobles amitiés n’y perdent rien. […] L’état d’oppression et d’angoisse où Mme de Staël resta durant ces mois funestes ne lui permettait, dans les intervalles de son actif dévouement pour les autres, que de désirer la mort pour elle, d’aspirer à la fin du monde et de cette race humaine si perdue : « Je me serais reproché, dit-elle, jusques à la pensée comme trop indépendante de la douleur. » Le 9 thermidor lui rendit cette faculté de pensée, plus énergique après l’accablement ; et le prompt usage qu’elle en fit fut d’écrire ses Réflexions sur la paix extérieure et intérieure, dont la première partie s’adresse à M. […] L’idée que Mme de Staël ne perd jamais de vue dans cet écrit, c’est celle du génie moderne lui-même, toutes les fois qu’il marche, qu’il réussit, qu’il espère ; c’est la perfectibilité indéfinie de l’espèce humaine. […] Les défenseurs d’un goût exclusif et d’une langue fixe jouent exactement en littérature un rôle de tories ; ils sont pour une cause qui se perd journellement.
Des mouvements passifs imprimés à des membres paralysés ont pu, dans certains cas, en ravivant les images motrices, restituer l’activité perdue. […] D’ailleurs, même chez les animaux les plus élevés, elle perd son caractère borné et matériel. […] Les sens et les facultés restent en dehors… Quoique d’ordinaire on ne perde pas le sentiment [la conscience] , il m’est arrivé d’en être entièrement privée : ceci a été rare et a duré fort peu de temps. […] D’abord s’altèrent les mouvements les plus délicats, ceux de la parole qui s’embarrasse, des doigts qui perdent leur précision ; plus tard, les mouvements semi-automatiques qui composent la marche, le corps titube ; plus tard encore, l’ivrogne n’est pas même capable de se tenir assis, il tombe à terre ; enfin, perte des réflexes, il est ivre mort ; à l’extrême, perte des mouvements respiratoires.
La pure imagination perd alors irrévocablement son antique suprématie mentale, et se subordonne nécessairement à l’observation, de manière à constituer un état logique pleinement normal, sans cesser néanmoins d’exercer, dans les spéculations positives, un office aussi capital qu’inépuisable, pour créer ou perfectionner les moyens de liaison, soit définitive, soit provisoire. […] L’esprit métaphysique, qui a souvent tendu à dissoudre activement la morale et l’esprit théologique, qui, dès longtemps, a perdu la force de la préserver, persistent néanmoins à s’en faire une sorte d’apanage éternel et exclusif, sans que la raison publique ait encore convenablement jugé ces empiriques prétentions. […] Jusque chez ceux qui conservaient la foi dogmatique, cette funeste influence se faisait indirectement sentir, parce que l’autorité sacerdotale, après avoir perdu son indépendance politique, voyait aussi décroître de plus en plus l’ascendant social indispensable à son efficacité morale. […] Sans revenir ici sur une critique malheureusement trop facile, assez accomplie depuis longtemps, et que l’expérience journalière confirme de plus en plus aux yeux de la plupart des hommes sensés, il serait difficile de concevoir maintenant une préparation plus irrationnelle, et au fond, plus dangereuse, à la conduite ordinaire de la vie réelle, soit active, soit même spéculative, que celle qui résulte de cette vaine instruction, d’abord de mots, puis d’entités, où se perdent encore tant de précieuses années de jeunesse.
Molière prit dans ces conférences de Gassendi l’idée de traduire Lucrèce ; il le fit partie en vers et partie en prose, selon la nature des endroits ; mais le manuscrit s’en est perdu. […] il est bien monsieur pour toi. » — Molière, observateur clairvoyant et inexorable comme il était, devait ne rien perdre de mille chétives circonstances qu’il dévorait avec mépris. […] Tout ce qui n’entre point dans le corps, dit-il, je l’éprouve volontiers ; mais les remèdes qu’il faut prendre me font peur ; il ne faut rien pour me faire perdre ce qui me reste de vie.
De ses deux sœurs, il perdit l’aînée, qui avait eu beaucoup d’action sur son enfance ; il parle d’elle avec sensibilité dans des vers composés longtemps après. […] Le nouveau mémoire que nous venons de mentionner, et qui eut aussi toutes ses vicissitudes (particulièrement une certaine aventure de charrette sur le grand chemin de Bourg à Lyon, et dans laquelle il faillit être perdu), copié enfin au net, fut porté à Paris par M. de Jussieu, et remis aux mains de M.
La maison pleine de mélancolie où se sont accomplis les événements de cette histoire était précisément un de ces logis, restes vénérables d’un siècle où les choses et les hommes avaient ce caractère de simplicité que les mœurs françaises perdent de jour en jour. […] ” Sa cuisine, dont les fenêtres grillées donnaient dans la cour, était toujours propre, nette, froide, véritable cuisine d’avare, où rien ne devait se perdre.
On dit qu’il abandonne Elsa parce qu’il tient à sa divinité et ne veut pas la perdre. […] Emerich Kastner en a publié la bibliographie ; comme la plupart d’entre elles ont été imprimées en des journaux ou en des revues, il est facile, maintenant, avec l’aide de cette bibliographie, de les retrouver : c’était, d’ailleurs, un indispensable travail qu’il ne fallait point reculer, sous peine de perdre avec le temps quelques-uns des renseignements que nous avons encore aujourd’hui.
Dans une des plus belles pages de l’écrivain, quand les Micawber, Peggotty et la malheureuse Émilie s’embarquent à Gravescend, sur un navire d’émigrants, le soir, au couchant, tous les minces agrès profilés sur le ciel éclatant, c’est non ce grand spectacle que décrit Dickens, mais la tristesse du départ, l’espoir de nouvelles destinées ; une antre de ses meilleures scènes, le récit du sinistre où Steerforth perdit si bravement la vie, agitant son bonnet rouge au-dessus des grandes lames vertes, paraîtra à tout lecteur moderne bien peu pittoresque et trop rempli des sensations d’effroi et de compassion du narrateur. […] À l’autre bout au contraire de la hiérarchie sociale, les riches, les hommes de professions libérales, la classe gouvernante, les gens de négoce, tous ceux qui, animés d’un égoïsme vivace, de quelque avidité d’argent ou de pouvoir, ou en vertu de leur situation acquise, se sont placés au sommet de la nation et pèsent de leurs poids sur la masse des misérables, les offensent de leur insolence et les oppriment de leur dureté, — paraissent à Dickens, haïssables, pervers et dignes de blâme ; leurs institutions sont condamnables ; on torture les enfants dans les écoles ; on a tort d’enfermer les criminels dans les prisons ; les tribunaux sont faits pour pressurer les plaideurs, les parlements pour pérorer d’inutiles bavardages, les ministères pour perdre l’argent et compromettre les intérêts de la nation, les hospices pour maltraiter les malheureux, les banques pour voler, les salons pour échanger de niais propos avec de ridicules cérémonies.
. — Si nous avons perdu beaucoup de fabliaux ; — et si l’on ne doit pas regretter au contraire qu’il nous en soit parvenu plus d’une centaine. — De l’origine des fabliaux ; — et s’il y a lieu de l’aller chercher jusqu’au fond de l’Orient [Cf. […] 2º Le Poète ; — et qu’en saluant en lui le seul ou le « premier » de nos « vieux romanciers » ; Boileau ne s’est pas trompé. — L’écolier parisien du xve siècle ; — ses aventures ; — et comment elles ont failli le conduire au gibet ; — il était peut-être à la veille d’être pendu quand il a composé sa Ballade des pendus et ses deux Testaments ; — quoique d’ailleurs dans la littérature de son temps le Testament soit une forme consacrée. — S’il a fait partie d’une bande de voleurs, — et qu’en tout cas il était « ès prisons » de La Charité-sur-Loire lors de l’avènement de Louis XI. — Il en sortit à cette occasion, et, de ce moment, on perd sa trace. — Mais on en sait assez pour affirmer que la grande supériorité de son œuvre tient à ce qu’il a « vécu » sa poésie.
Tous ceux de la nation dont on a connaissance et qui ont laissé quelque monument de littérature, y trouveront place, tant ceux dont les écrits sont perdus, que ceux dont les ouvrages nous restent, en quelque langue et sur quelque sujet qu’ils aient écrit.
Et ce n’est qu’ainsi qu’on s’explique aussitôt et pleinement, dit-il, pourquoi « l’on voit si souvent le paysagiste, qui est donc au fond un chercheur de choses à exprimer bien plus qu’il n’est un chercheur de choses à copier, dépasser tantôt une roche magnifique, tantôt un majestueux bouquet de chênes sains, touffus, splendides, pour aller se planter devant un bout de sentier que bordent quelques arbustes étriqués ; devant une trace d’ornières qui vont se perdre dans les fanges d’un marécage ; devant une flaque d’eau noire où s’inclinent les gaulis d’un saule tronqué, percé, vermoulu… C’est que ces vermoulures, ces fanges, ces roseaux, ce sentier, qui, envisagés comme objets à regarder, sont ou laids ou dépourvus de beauté, envisagés au contraire comme signes de pensées, comme emblème des choses de la nature ou de l’homme, comme expression d’un sens plus étendu et plus élevé qu’eux-mêmes, ont réellement ou peuvent avoir en effet tout l’avantage sur des chênes qui ne seraient que beaux, que touffus, que splendides ».
Tantôt nous pensions que les miroirs avaient été mal dirigés, ou que quelque coup de vent avait emporté la cabane et l’avait jetée dans la mer ; car nous avions déjà perdu plusieurs tentes par de semblables accidents, et nous n’avions pu en préserver notre pauvre cabane qu’en passant par-dessus des câbles et la liant au rocher.
Le remède, à ses yeux, est donc de sortir de soi pour trouver la paix, et de s’élever par le cœur et par la prière, de se plonger et de se perdre autant qu’on le peut dans la pensée de l’Être infini, de l’Être paternel, aimant et bon, et toujours présent ; d’obtenir, s’il est possible, que sa volonté se substitue en nous à la nôtre : Alors on goûte la vraie paix réservée aux hommes de bonne volonté… ; alors les hommes ne peuvent plus rien sur nous, car ils ne peuvent plus nous prendre par nos désirs ni par nos craintes ; alors nous voulons tout et nous ne voulons rien.
La crainte de Henri IV, en apprenant ces ouvertures faites sans lui et sans son conseil, c’était que les Hollandais ne se laissassent leurrer par l’Espagne, qu’une fois amorcés à cette idée de paix, ils ne la voulussent à tout prix et ne s’y précipitassent sans conditions suffisantes ; il y aurait perdu un allié utile qui occupait puissamment les forces de l’Espagne, en même temps que sa réputation politique en Europe eût grandement souffert d’un traité d’où il aurait été exclu.
Son imagination se perd, je dirai, dans ce travail matériel, et il n’est plus capable de rien produire d’original.
Qu’aurait-il fallu faire en telle occasion pour gagner la bataille, au lieu de la perdre ou de ne la gagner qu’à demi ?
Malheureusement tout cela n’est pas condensé, n’est pas composé ; l’auteur, trop patient à la recherche, ne s’inquiète de rien au-delà. « J’ignore, dit-il en un endroit, quels furent les lieux habités par Marius Philelphe pendant la plus grande partie de l’année 1453 ; il revint peut-être dans la rivière de Gênes. » Mais qu’est-ce que cela nous fait que Marius ait fait un pas de plus ou de moins, qu’il ait perdu quelques mois de plus ici ou là ?
Je sais qu’il faut faire la part de ce qui a été perdu, de ce qui ne s’est point transmis ; mais des hommes célèbres du siècle avec lesquels on le compare d’ordinaire, il en est peu avec qui Buffon paraisse avoir été en commerce habituel de lettres.
Nous perdons par notre faute une partie, et la plus grande, des bienfaits du Créateur ; il nous environne de ses dons, et nous refusons d’en jouir par je ne sais quelle triste obstination à nous tourmenter nous-mêmes.
Tout a changé dans Genève, tout s’est transformé ; après un âge brillant, qui a recommencé et même surpassé en mouvements d’idées les beaux jours du xviiie siècle, une autre révolution s’est produite ; la face des choses a été renouvelée ; là comme ailleurs, le flot du grand nombre débordant, ce qui était relativement l’aristocratie a perdu son petit empire.
Cette grâce fut le prix de son sincère amour pour la vérité et de la bonne foi avec laquelle, sans songer à se parer de ses vaines recherches, il consentait à perdre la peine qu’il avait prise et à convenir de son ignorance plutôt que de consacrer ses erreurs aux yeux des autres sous le beau nom de philosophie.
Elle lui répond que « pour plaire à l’Impératrice, elle se coifferait de toutes façons possibles » ; et La Chétardie, qui est des opposants et d’une intrigue qui va le perdre, fait une pirouette à gauche et ne s’y frotte plus.
Quatremère de Quincy regagne à la lecture tout ce qu’il perdait à l’audition.
gémit, se désespère : Que lui font les enfants qu’elle n’a point perdus ?
. — Tiens, dessine et ne peins pas, tu y perdrais ton latin. » Voilà ce que David aurait pu dire, voilà le pronostic du maître ; et de tout ce qu’a fait ou tenté Étienne en ce genre, que reste-t-il en effet ?
Pour lui, il répondait, par un coup de collier valeureux, de réparer les mois perdus et de faire acte de présence à Londres en y paraissant, et non des derniers, avec une production digne de l’établissement unique en Europe, à la tête duquel la confiance de l’Empereur venait de le placer.
Il n’y en a pas, — ou plutôt je ne vois que deux vainqueurs ; chacun des deux, vu à son heure, a sa couronne, et celui qu’on appelle Longus ne perdra jamais la sienne.
Despréaux l’a été encore beaucoup mieux : car il m’a raconté (ceci est pure anecdote) que le roi avait eu la bonté de lui dire : « Nous avons bien perdu tous deux en perdant le pauvre Racine.
— Un moi mystérieux Nous pousse ; alors on prend la vie au sérieux : Plus de jeux dans les prés, plus de frais sous le saule, Le soir plus de moments perdus en doux propos ; Il faut douze combats, et puis, pour le repos, La peau de lion sur l’épaule !
M. de Sainte-Aulaire, en homme d’esprit et de ressource, ne manqua pas de le lui dire : « Pouvaient-elles mieux s’acquitter (les Lettres) de ce qu’elles devaient elles-mêmes à cette femme incomparable, dont le nom, qui s’est perdu dans votre maison, fut encore moins fameux par les grands hommes qui l’ont porté…, que par les deux chefs-d’œuvre immortels ?
Pour avoir connu la popularité, pour s’y être livré, et pour lui avoir ensuite résisté un seul jour, Édouard a perdu sa situation politique, sa maîtresse, son ami : il lui reste sa conscience et la bénédiction de son père.
N’eût-il pas trouvé plus simple et plus conforme à sa nature de retirer tout d’abord la passion du milieu de ces embarras étrangers dans lesquels elle aurait pu se perdre comme dans le sable, en s’y versant ; de la faire rentrer en son lit pour n’en plus sortir, et de suivre solitaire le cours harmonieux de cette grande et belle élégie, dont Esther et Bérénice sont les plus limpides, les plus transparents réservoirs ?
5° Droit d’épave, sur les bestiaux, meubles, effets, essaims de mouches à miel perdus, trésors trouvés (depuis vingt ans profits nuls sur cet article).
À mesure que nous descendons dans le règne animal, nous la voyons perdre, de sa domination et de sa complexité et se réduire au niveau des autres, pendant que celles-ci, relâchant elles-mêmes leurs attaches mutuelles, se dégradent insensiblement. — Au point de vue de la perception extérieure, elles ont toutes pour condition l’intégrité et le renouvellement du système nerveux dont elles sont l’action propre, et les êtres plus ou moins étroitement associés qu’elles constituent, quels qu’ils soient au point de vue de la conscience, de quelque nom que l’illusion métaphysique ou littéraire les habille, sont assujettis à la même condition.
Le duc, pour ne pas perdre l’habitude féodale de ses ancêtres, s’y fit apporter un sac de monnaie par le concierge, et jeta une poignée de pièces d’argent à quelques mendiants qui nous avaient suivis, et qui étaient entrés avec la voiture dans la cour ; puis nous passâmes dans les appartements : c’était une suite de pièces décousues, composées de salle des gardes, de salle à manger, de salons, de chambres de lit ouvrant sur le penchant de la montagne récemment plantée en jardins pittoresques.
Descartes ne perd jamais de vue que les passions de l’âme sont accompagnées de modifications physiologiques, qui se traduisent par certaines contractions ou au contraire certaines détentes de certains muscles, en d’autres termes par une sorte de mobilisation partielle ou générale des organes en vue de certains effets.
On s’étonne de ne trouver ni dans le portrait qu’il a tracé de lui, ni dans ses Mémoires, aucun aveu sur cette fatalité qui le condamna pendant près de vingt ans à s’imposer toutes les fatigues de l’ambition et de l’intrigue, au profit de volontés qui se perdaient dans leurs propres vues, et ne s’inquiétaient guère des siennes ; à n’agir qu’à la suite ; à ne se déterminer qu’au moment même où, sans le consulter, son parti venait de changer d’avis ; à haïr ses propres lumières comme des empêchements de sa volonté, et sa volonté comme la dupe de ses passions.
Si Jésus fût mort au moment où nous sommes arrivés de sa carrière, il n’y aurait pas dans sa vie telle page qui nous blesse ; mais, plus grand aux yeux de Dieu, il fût resté ignoré des hommes ; il serait perdu dans la foule des grandes âmes inconnues, les meilleures de toutes ; la vérité n’eût pas été promulguée, et le monde n’eût pas profité de l’immense supériorité morale que son Père lui avait départie.
Cependant Mme de Mondonville perdit son mari après quelques années de mariage, et ce fut l’abbé de Ciron qui, comme prêtre, assista cet ancien rival dans sa maladie et jusqu’à sa mort.
Les hostilités s’allument, le sang a coulé ; il perd sa dernière étincelle d’affection pour l’antique patrie de ses pères : on ne voit plus dans tous ses actes et toutes ses pensées que l’homme et le citoyen du continent nouveau, de cet empire jeune, émancipé, immense, dont il est l’un des premiers à signer l’acte d’indépendance et à présager les grandeurs, sans plus vouloir regarder en arrière, ni reculer jamais.
III Vers la fin de sa vie, il perdit tout talent et peut-être sa fin prématurée, encore qu’elle nous ait douloureusement chagrinés, lui rendit-elle service.
C’est dans cet intervalle qu’il trébuche et donne le spectacle plaisant de qui perd l’équilibre.
À demeurer durant un long intervalle sous le joug de coutumes immuables, ils ont perdu le pouvoir de se modifier.
Celui qui sacrifie sa fille peut être ambitieux, faible ou féroce ; celui qui a perdu son argent peut être riche ou pauvre ; celui qui craint ; pour sa maîtresse, bourgeois ou héros, tendre ou jaloux, prince ou valet : c’est au poète à se décider pour l’un ou pour l’autre.
Mais ces mêmes divinitez ne doivent pas avoir part à l’action dans les compositions historiques qui répresentent des évenemens arrivez depuis l’extinction du paganisme, et dans des tems où elles avoient déja perdu l’espece d’ être que l’opinion vulgaire leur avoit donné en d’autres siecles.
L’intelligence, dans l’homme, continue de se perfectionner lorsque son être physique commence à perdre de ses forces et de ses facultés : il en est de même du genre humain.
Dieu a donc tout prévu pour la société : sans la société l’instinct perfectible de ces animaux ne se serait jamais développé, et aurait, par conséquent, été une force perdue.
II Ce qu’il a donné en volume, je l’avais lu en partie dans La Vie parisienne, et j’avais été, je l’avoue, intéressé par le ton de tout cela, par ce ton retrouvé et que nous allions perdre, et qui est le ton de notre race.
Le peintre établira son chevalet dans une clairière de forêt, je suppose ; il dessinera les troncs et les branches des arbres, les buissons, les places d’ombre et de lumière ; il s’ingéniera à peindre ces dégradations de teintes des frondaisons qui s’éloignent et qui, vertes d’abord, se perdent bientôt dans le bleu.
Peu à peu, on perdit cette habitude dans les finales des vers et des mots.
Le travail des pères serait perdu pour les enfants : il n’y aurait plus de famille humaine : il y aurait solution de continuité entre les générations et les siècles.
Le poète glissa, sans s’en apercevoir, de l’admiration et de la reconnaissance dans la passion ; il n’y perdit pas la vie comme Léopold Robert, mais il y perdit sa fortune, sa liberté et sa raison.
Ainsi voilà un homme qui, contre le train ordinaire des choses, se soustrait à la tyrannie du fait, de l’habitude, que la vie a poussé dans l’immoralité et qui aboutit à la moralité, qui devrait être perdu sans ressource, s’engager à fond dans le mal, et qui se sauve au contraire, et s’améliore. […] Son homme de la nature se perd dans un lointain plus obscur : c’est le pur animal, tout à l’instinct, qui n’est pas féroce quand il est repu.
Toutes ces pensées, allant chacune leur petit chemin, se soucièrent plus d’elles-mêmes que de leur objet : elles poursuivirent leur vie à elles, et la perdirent — la perdirent en stériles discussions, en vanités prétentieuses.
Nous sommes convaincu (sans pouvoir le démontrer ni l’expliquer) qu’au lieu du progrès indéfini et continu il y a eu une déchéance, une éclipse de Dieu sur l’homme, un Éden perdu, comme disent ces livres sacrés partout. Nous sommes convaincu que les progrès épars, souvent interrompus par des rechutes, mais très réels et très méritoires, qui ont eu lieu depuis cette mystérieuse dégradation de la première humanité, ne sont que des efforts généreux et saints pour reconquérir ce qui a été perdu, pour rentrer dans notre innocence, dans notre science et dans notre félicité primitive.
Pour ma part, d’après une expression poétique de Lyell, je regarde les archives naturelles de la géologie comme des mémoires tenus avec négligence pour servir à l’histoire du monde et rédigés dans un idiome altéré et presque perdu. […] Mais quand le sol s’abaisse ainsi et plonge de plus en plus sous la mer, la formation gagne en puissance et en étendue, autant qu’elle perd en richesse.
Comme le moi ainsi réfracté, et par là même subdivisé, se prête infiniment mieux aux exigences de la vie sociale en général et du langage en particulier, elle le préfère, et perd peu à peu de vue le moi fondamental. […] Mais il vit parce que la durée où il se développe est une durée dont les moments se pénètrent : en séparant ces moments les uns des autres, en déroulant le temps dans l’espace, nous avons fait perdre à ce sentiment son animation et sa couleur.
Parlant de je ne sais quelles superstitions publiques et à grand fracas, venues d’Italie ou d’Avignon, il dira tout courant : « Ces spectacles inconnus aux âmes françaises… » Parlant des amours de la dame de Sauve, un des premiers aides de camp du brillant escadron de Catherine de Médicis, il la montrera « n’employant pas moins ses attraits pour les intentions de la reine que pour sa propre satisfaction ; se jouant de tous ses mourants avec un empire si absolu qu’elle n’en perdait pas un, quoiqu’elle en acquît toujours de nouveaux ».
Au duc Albert de Saxe-Teschen, qui venait de perdre la bataille de Jemmapes et d’être gravement malade, et qui lui demandait, en le revoyant à Vienne, comment il le trouvait : « Ma foi, monseigneur, répondit le prince de Ligne, je vous trouve passablement défait. » Il disait encore très joliment du prince royal de Prusse qui s’était trouvé indisposé et pris d’un étourdissement à une séance de l’Académie des sciences à Pétersbourg : « Le prince, au milieu de l’Académie, s’est trouvé sans connaissance. » Tout ceci est du meilleur : mais après une visite qu’il avait faite au cardinal de Luynes, archevêque de Sens, au sujet d’un procès, il outrepassait le mot, il le cherchait et le tirait de bien loin quand il répondait à M. de Maurepas, qui lui demandait comment il avait trouvé le cardinal : « Je l’ai trouvé hors de son diocèse », voulant dire hors de sens.
Pourtant il s’en consolait tout bas et prenait assez crûment son parti à la manière des vieux Gaulois, en se disant ou à peu près, comme dans le fabliau (je rends le sens, sinon les paroles) : « Après tout, ce n’est qu’une femme perdue, et il s’en retrouvera assez. » Je ne donne pas cette manière de sentir pour très délicate ni pour chevaleresque, mais elle est de Sully.
Le Régent n’a jamais été mieux peint que par sa mère ; elle nous le montre avec toutes ses facilités, ses curiosités en tous sens, ses talents, son génie propre, ses grâces, son indulgence pour tous, même pour ses ennemis ; elle dénonce ce seul défaut capital qui l’a perdu, cette débauche ardente et à heure fixe, où il s’abîmait et disparaissait tous les soirs jusqu’au matin : Tout conseil, toute remontrance à cet égard sont inutiles, disait-elle ; quand on lui parle, il répond : « Depuis six heures du matin jusqu’à la nuit, je suis assujetti à un travail prolongé et fatigant ; si je ne m’amusais pas un peu ensuite, je ne pourrais y tenir, je mourrais de mélancolie. » — Je prie Dieu bien sincèrement pour sa conversion, ajoute-t-elle ; il n’a pas d’autres défauts que ceux-là, mais ils sont grands.
Quoi qu’il en soit, il ne perd aucune occasion de critiquer Réaumur, et pour le fond des idées et pour la forme ; il lui reproche de se noyer dans une immensité de paroles : et en effet Réaumur, lu à côté de Buffon, a le style bien diffus et bien prolixe ; il l’a cependant clair et naturel, et, quand il parle des abeilles, il devient agréable.
Je viens encore de perdre une sœur16 que j’aimais tendrement et qui est morte de chagrin dans le lieu d’indigence où l’avait reléguée Celui qui frappe souvent ses serviteurs pour les éprouver et les récompenser dans une autre vie.
C’est là qu’il recevait Boileau et Racine lorsque ceux-ci faisaient quelque voyage de ce côté à la suite du roi ; et, à l’époque de la mort de La Fontaine, Boileau rappelait à Maucroix le souvenir de ces visites dans une lettre touchante et plus sensible qu’on ne l’attendrait du sévère critique : … Le loisir que je me suis trouvé aujourd’hui à Auteuil m’a comme transporté à Reims, où je me suis imaginé que je vous entretenais dans votre jardin, et que je vous revoyais encore, comme autrefois, avec tous ces chers amis que nous avons perdus, et qui ont disparu velut somnium surgentis.
Pascal n’a rien de ces arrière-fonds de pensée ; il sait bien qu’il se noie, s’il n’embrasse cette voie unique de salut ; et c’est pourquoi il se jette à corps perdu dans la recherche, y associant tous les hommes ses frères.
Au reste, sans être Santeul, on comprend la joie, l’enivrement presque légitime qui devait inonder son cœur lorsque lui, fragile, mais croyant et fidèle, perdu dans la foule, il entendait le chœur entier des lévites et de l’assistance entonner quelqu’une de ces hymnes aux nobles accents, dont l’une au moins, le Stupete gentes, a été comme touchée du souffle sacré et mérite, ce me semble, de vivre. — Dans ce vent soudain sorti du sanctuaire, et qui tend aujourd’hui à tout balayer de Santeul et à n’y rien laisser de sa mémoire, s’il était permis de faire entendre un humble vœu littéraire, je demanderais grâce pour une seule hymne de lui, et pour celle-là.
Mais il est pourtant de certaines notions qui, une fois établies et remises en circulation, ne se perdent plus, et qui entrent, bon gré mal gré, dans les jugements mêmes qui aimeraient à n’en pas tenir compte.
Je pleure sa personne, je regrette l’occasion perdue, et soupire du profond de mon coeur la façon de sa mort.
Mme des Ursins n’a pas à se plaindre ; de même qu’à Mme de Maintenon, les années lui sont favorables : dans ce grand procès de révision qui remet tour à tour en scène et en lumière tous les personnages de son temps, sa réputation n’a point perdu ; elle a plutôt gagné en s’éclairant, et l’on peut dire qu’elle est aujourd’hui dans son plein.
Les sentiments de regret de tout ce qu’ils avaient perdu renforçaient tellement leurs souvenirs qu’ils devenaient incapables de voir autre chose que ce qu’ils avaient quitté dans leur patrie.
Dans le récit domestique où il raconte, sans prétendre la surfaire, cette vie si honorable d’un homme de médiocre condition, son fils André avait bien raison de dire au début : Ceux qui liront ce discours souhaiteront peut-être sa bonne fortune et tâcheront d’imiter ses vertus et perfections ; car étant aîné d’une famille médiocre en extraction et en biens, ayant perdu son père à cinq ans, sa mère s’étant remariée deux ans après, avoir par tous moyens amassé des biens suffisamment et être parvenu à des charges très honorables, n’est-ce pas un bonheur très grand et très rare ?
Il rappelle, à bien des égards, ce Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII, cet autre prince si lâche de volonté, si misérable de conduite, avec cette différence que Gaston, poussé de même par ceux qui le gouvernaient, compromettait ses amis et ensuite les plantait là, au péril de leur tête, et que Philippe se laissa compromettre par eux au point d’y tout perdre, tête et cœur, honneur et vie.
Je crains quel’embarras des richesses ne vous fasse perdre la tête… Ah çà !
Mais Mme Swetchine est d’avis que la philosophie perd son latin à faire ces beaux traités, et en même temps elle n’a jamais consenti à lire couramment dans ces autres traités si engageants et si doux que lui offrait, à ses heures, la nature.
Un seul des juges crut devoir faire une objection et une réserve assez marquée sur un point, pour que l’habitude ne s’en perdît pas.
» don Juan sentant que la partie était perdue et que tout lui échappait, fut pris de désespoir et d’une mélancolie profonde, qui devint une maladie pleine d’incidents inconnus : « Les médecins, qui traitaient son corps d’un mal qui était dans son esprit, lui firent souffrir durant trois semaines assez de tourments pour achever sa vie ; il mourut le 17 septembre 1679, âgé de cinquante ans.
Perdu sur la montagne, entre deux parois hautes, Il est un lieu sauvage au rêve hospitalier, Qui, dès le premier jour, n’a connu que peu d’hôtes ; Le bruit n’y monte pas de la mer sur les côtes, Ni la rumeur de l’homme : on y peut oublier.
Que le Prince-Régent fasse cause commune avec la Russie, et il est perdu !
Considérez notre littérature depuis le Moyen-Age, rappelez-vous l’esprit et la licence des fabliaux, l’audace satirique et cynique du Roman de Renart, du Roman de la Rose dans sa seconde partie, la poésie si mêlée de cet enfant des ruisseaux de Paris, Villon, la farce friponne de Patelin, les gausseries de Louis XI, les saletés splendides de Rabelais, les aveux effrontément naïfs de Régnier ; écoutez dans le déshabillé Henri IV, ce roi si français (et vous aurez bientôt un Journal de médecin domestique, qui vous le rendra tout entier, ce diable à quatre, dans son libertinage habituel) ; lisez La Fontaine dans une moitié de son œuvre ; à tout cela je dis qu’il a fallu pour pendant et contrepoids, pour former au complet la langue, le génie et la littérature que nous savons, l’héroïsme trop tôt perdu de certains grands poëmes chevaleresques, Villehardouin, le premier historien épique, la veine et l’orgueil du sang français qui court et se transmet en vaillants récits de Roland à Du Guesclin, la grandeur de cœur qui a inspiré le Combat des Trente ; il a fallu bien plus tard que Malherbe contrebalançât par la noblesse et la fierté de ses odes sa propre gaudriole à lui-même et le grivois de ses propos journaliers, que Corneille nous apprît la magnanimité romaine et l’emphase espagnole et les naturalisât dans son siècle, que Bossuet nous donnât dans son œuvre épiscopale majestueuse, et pourtant si française, la contrepartie de La Fontaine ; et si nous descendons le fleuve au siècle suivant, le même parallélisme, le même antagonisme nécessaire s’y dessine dans toute la longueur de son cours : nous opposons, nous avons besoin d’opposer à Chaulieu Montesquieu, à Piron Buffon, à Voltaire Jean-Jacques ; si nous osions fouiller jusque dans la Terreur, nous aurions en face de Camille Desmoulins, qui badine et gambade jusque sous la lanterne et sous le couteau, Saint-Just, lui, qui ne rit jamais ; nous avons contre Béranger Lamartine et Royer-Collard, deux contre un ; et croyez que ce n’est pas trop, à tout instant, de tous ces contrepoids pour corriger en France et pour tempérer l’esprit gaulois dont tout le monde est si aisément complice ; sans quoi nous verserions, nous abonderions dans un seul sens, nous nous abandonnerions à cœur-joie, nous nous gaudirions ; nous serions, selon les temps et les moments, selon les degrés et les qualités des esprits (car il y a des degrés), nous serions tour à tour — et ne l’avons-nous pas été en effet ?
Il eut le mérite cependant de suivre un des mouvements de l’époque, et d’introduire pour sa part des commencements de littérature étrangère et comparée ; il apprécia et traduisit le Paradis perdu de Milton : quant à comprendre l’œuvre de Dante, il y échoua ; le contraire eût été trop fort pour son siècle et pour son esprit.
Dans les traductions faites en Allemagne pour la scène, on fait du fils un parent ; tout est affaibli et perd son sens.
Je vais dire mes raisons, et je ne demande pas mieux, en vérité, que de perdre ma cause. » Il semble, en vérité, que la tendresse des deux frères, soit aux prises parce que l’on croit que le Jean Michel du mystère était le médecin, et que l’autre penche pour l’évêque.
Il ne devrait pas la laisser perdre.
Rome n’est pas une cité fermée, une cité étroite comme cette infinité de petits États rivaux et jaloux, indépendants et vivants d’eux-mêmes, qui animaient la Grèce et qui la perdirent.
la politique, dont c’est plus que jamais le cas de déplorer les soubresauts déconcertants et les perpétuelles coupures, ne les absorbe pas tellement aujourd’hui, qu’il n’y ait de leur part bien des idées qui se perdent en chemin vers les nôtres.
Mille ennuis, mille dégoûts l’y assaillirent ; seul, à vingt ans, sans amis, perdu au milieu d’une société aristocratique, il regrettait la France et les cœurs qu’il y avait laissés, et sa pauvreté honnête et indépendante47.
Molé a fait remarquer qu’heureusement, d’après M. de Vigny lui-même, il n’en perdit aucune , et que lorsqu’on 1814 il refusa de livrer sa pièce à ceux qui voulaient s’en faire une arme contre le prisonnier de l’île d’Elbe, il crut rester fidèle et non pas se montrer généreux.
De même que, dans le fœtus, on voit tour à tour la tête disproportionnée se réduire à sa juste mesure, les fontanelles du crâne se boucher, les cartilages se changer en os, les vaisseaux rudimentaires se clore et se ramifier, la communication de la mère et de l’enfant se fermer, de même, dans le langage enfantin, on voit tour à tour les deux ou trois noms dominants perdre leur prépondérance absolue, les mots généraux limiter leur sens trop vaste, préciser leur sens trop vague, s’aboucher entre eux, acquérir des attaches et des sutures, se compléter par l’incorporation d’autres tendances, ordonner sous eux des noms de classes plus étroites, former un système correspondant à l’ordre des choses, et enfin agir par eux seuls et d’eux-mêmes sans l’aide des nomenclateurs environnants. — Un enfant a vu sa mère mettre pour une soirée une robe blanche ; il a retenu ce mot, et désormais, sitôt qu’une femme est en toilette, que sa robe soit rose ou bleue, il lui dit de sa voix chantante, étonnée, heureuse : « Tu as mis ta robe blanche ?
Mais surtout sa gloire acquise par des œuvres critiques et dogmatiques, ses vers passés en proverbes ou reconnus pour les lois de l’art d’écrire, persuadent à des gens de lettres par toute l’Europe que les théoriciens peuvent créer une littérature ou lui imposer une direction : on perd de vue tout ce que l’œuvre de Despréaux continue et achève ; au lieu d’un terme et d’un couronnement, on y voit un commencement, une création de mouvement ; et l’on agit en conséquence.
Non pas ce méticuleux réalisme, cette petite doctrine d’art qui prend les mesures de toutes choses, et croirait tout perdu si elle avait allongé ou raccourci d’une ligne les dimensions des choses.
Il reste déconcerté par cette disparition subite de la douleur dans un îlot perdu, à trois mille lieues de Paris et de Londres.
» A ces étranges paroles, raconte Mathieu Paris28, il perdit tout à coup la voix et devint non-seulement muet, mais idiot.
Elle le paraît surtout dans les cas limites, où les individus, encore plus étroitement unis ou complètement soudés les uns aux autres, voient diminuer ou se perdre leur existence distincte, dans des cas comme celui du tænia par exemple.
Une nourrice mercenaire s’en charge, qui l’emporte au fond d’un village perdu, heureux si on le regarde partir, sans invoquer, tout bas, la chance qu’il n’en revienne jamais.
Sa vue, au lieu de s’étendre, perce et plonge ; au lieu de se diriger horizontalement, elle se dirige verticalement ; au lieu de se perdre dans un horizon sans bornes, elle se fixe à terre et sur elle-même.
Il était convenu alors que le voyage était ce qu’il y avait de plus poétique, surtout s’il était agrémenté de quelque accident, comme diligence versée, rencontre de brigands, route perdue dans la nuit, etc.
La phrase maigre et monotone tisse interminablement de l’ennui et, parmi les bâillements longs et répétés, le lecteur songe nostalgique à Barbey d’Aurevilly, comme, perdu dans un feuilleton morne de Jules Mary, il songerait au père Dumas.
Rien n’est plus rare que le bon goût, à le prendre en son sens exquis, et je crois que, dans le cas actuel, il ne faudrait viser qu’au suffisant, mais aussi ne jamais perdre une occasion de favoriser l’amour du simple, du sensé, de l’élevé, de ce qui est grand sans phrase.
Tandis que Fontenelle donnait l’explication naturelle de bien des choses insensiblement et sans en avoir l’air, Condorcet ne perd pas une occasion de poser, en passant, ses principes, ses solutions, et il en a sur tout sujet.
La Fare, dans ses mémoires écrits vers 1699, a très bien remarqué que depuis la mort de Madame Henriette, duchesse d’Orléans (1670), le goût des choses de l’esprit avait fort baissé dans cette cour brillante de Louis XIV : « Il est certain, dit-il, qu’en perdant cette princesse, la Cour perdait la seule personne de son rang qui était capable d’aimer et de distinguer le mérite ; et ce n’a été, depuis sa mort, que jeu, confusion et impolitesse. » Voltaire, qui voit le siècle de Louis XIV à travers le prisme de son enfance, se récrie contre une telle assertion.
Ces hommes qui ont le génie d’écrivain ont toujours, sans bien s’en rendre compte, une arrière-pensée secrète et une ressource dernière, qui est d’écrire leur histoire et de se dédommager par là de tout ce qu’ils ont perdu du côté du réel.
En même temps, par son sang-froid habile, il sut assez l’irriter pour l’amener à produire imprudemment et à lire en pleine audience les pièces décisives qui lui firent perdre sa cause.