Son genre d’existence, exceptionnelle pour les autres, est pour lui son milieu naturel. […] Les tableaux de Montenard m’apparaissent comme la cadre naturel de la poésie de M. […] Les femmes trouvent le naturel chaque fois qu’elles ne le cherchent pas. […] La Fontaine n’a atteint le naturel qu’en refaisant près de dix fois chaque fable. […] George Sand n’a conservé de la tradition classique que la simplicité calme et la fluidité naturelle.
Mme de Bregy, une nièce du savant Saumaise, une précieuse des plus qualifiées, auteur d’un petit volume de pièces galantes, félicitant un jour Mme de Sablé sur son esprit à la fois et sur son potage qui était en renom, trouvait moyen de lui dire qu’elle quitterait volontiers tous les mets du plus magnifique repas de la Cour pour une assiettée de ce potage, à la condition de l’écouter tout en en mangeant ; cela est flatteur et spirituel, mais elle le lui écrivait en ces termes impossibles, dont je ne veux rien dérober : … Aujourduy la Rayne et Mme de Toscane vont à Saint-Clou don la naturelle bauté sera reausé de toute les musique possible et d’un repas manifique don je quiterois tous les gous pour une ecuele non pas de nantille, mes pour une de vostre potage ; rien n’étan si delisieus que d’an manger an vous ecoulan parler.
L’auteur, pour peu qu’il s’apaise un jour et qu’il rencontre les conditions d’existence et de développement dont il est digne, me paraît des plus capables de cultiver avec succès la poésie domestique et de peindre avec une douce émotion les scènes de la vie intime : car si Mme Blanchecotte (ce qui est, je crois, son nom) a de la Sapho par quelques-uns de ses cris, elle aurait encore plus volontiers dans sa richesse d’affections quelque chose de mistriss Felicia Hemans, et tout annonce chez elle l’abondance des sentiments naturels qui ne demandent qu’à s’épancher avec suite et mélodie.
Telle est à peu près la clôture de la saison, car Paris s’en va aux champs : les provinciaux abondent pour l’Exposition, mais les naturels prennent la poste 38.
Son naturel aimant, sa simplicité d’esprit, sa défiance naïve de lui-même, son dévouement sublime pour Henri, et surtout cette amitié plus familière, mais pourtant respectueuse encore, qui l’unit à Richard, tout en lui attache et plaît ; il est presque entre les nègres ce que la Rébecca d’Ivanhoë est parmi les Juives.
Provost, dans le rôle de Conrad, s’est montré comique et naturel.
La toilette actuelle des femmes est l’irréconciliable ennemie de leurs devoirs naturels : voilà la vérité.
Il était tout naturel que nous fussions de cœur avec les Grecs.
Mais celle que je vous recommande est tout autre chose : elle est formée d’un sens très-vif du réel, qui n’est pas simple, et du possible, qui est limité, et de l’habitude de considérer les aspects divers et contraires des questions ; elle est le produit naturel de l’esprit critique.
Sa conception d’un poème dont chaque vers n’est pas seulement intéressant par lui-même, mais concourt à une harmonie d’ensemble, il l’a réalisée dans son admirable Pèlerin passionné, fort et gracieux tour à tour comme le savent être les maîtres, plein d’une inspiration noble et naturelle.
Et tandis que les mauvaises mœurs et le langage grossier constataient leur impuissance contre la société polie, celle-ci prenait sur elles un invincible ascendant ; elle le prenait sans discussion, sans dispute, uniquement par la force de son exemple, par la séduction propre à son langage spirituel, élégant et gracieux ; peut-être aussi par un effet naturel du progrès des lumières, et de l’affinage des esprits dans l’exercice continu de la conversation, dont la société de Rambouillet avait eu le mérite de fournir le premier modèle.
Il y a des larmes, des chagrins naturels, des gaîtés affectées, des bouderies ; enfin, ma chère, tout finit.
L’invention en eût été plus riche, la diction plus naturelle, & l’intérêt plus sensible ; l’Auteur auroit employé des expressions plus correctes, & évité les tournures Gasconnes ; ses images auroient été mieux choisies, ses comparaisons plus justes & moins ridicules ; il n’eût point appelé le Soleil le Duc des Chandelles les Vents les Postillons d’Eole, le Tonnerre le Tambour des Dieux ; le total de l’Ouvrage eût été dans le goût de ces vers du quatrieme Chant, qu’on peut citer avec estime, dès qu’il ne s’agit pas de l’Astronomie : Il se trouve entre nous des esprits frénétiques Qui se perdent toujours dans des sentiers obliques, Qui, sans cesse créant des systêmes nouveaux, Prouvent que la raison gît loin de leurs cerveaux.
Ce désir est divinateur, comme tous les instincts naturels, parce qu’il est, en définitive, la force accumulée par les succès antérieurs de l’intelligence, soit dans l’individu, soit dans la race.
Exprimer l’humanité dans une espèce d’œuvre cyclique ; la peindre successivement et simultanément sous tous ses aspects, histoire, fable, philosophie, religion, science, lesquels se résument en un seul et immense mouvement d’ascension vers la lumière ; faire apparaître, dans une sorte de miroir sombre et clair ― que l’interruption naturelle des travaux terrestres brisera probablement avant qu’il ait la dimension rêvée par l’auteur ― cette grande figure une et multiple, lugubre et rayonnante, fatale et sacrée, l’Homme ; voilà de quelle pensée, de quelle ambition, si l’on veut, est sortie la Légende des Siècles.
Celui d’un voyageur ordinaire l’est aussi, mais d’un possible si commun que l’emploi n’en a rien que de naturel.
Cette émotion artificielle n’en est que l’occasion ; elle fomente dans le coeur d’une jeune personne qui lit les romans avec trop de goût, les principes des passions naturelles qui sont déja en elle, et la dispose ainsi à concevoir plus aisément des sentimens passionnez et serieux pour ceux qui sont à portée de lui en inspirer : ce n’est point Cyrus ou Mandane qui sont le sujet de ses agitations.
La sensibilité vient à s’user dans un artisan sans génie, et ce qu’il apprend dans la pratique de son art, ne sert le plus souvent qu’à dépraver son goût naturel et à lui faire prendre à gauche dans ses décisions.
Ses libertez dans l’expression paroissent les saillies d’une verve naturelle, et ses vers composez d’après ceux de Virgile et d’Homere ont ainsi l’air original.
… Il faut que nous soyons bien indignes de nos spirituels aïeux pour que le public du théâtre de Corneille, de Racine, de Molière, de Regnard et de Beaumarchais, ait, pu prendre un moment Émile Augier pour le successeur naturel de ces auteurs charmants et superbes !
Et de là il résulte, entre autres conséquences fort graves, que la notion du devoir où il nous invite ne nous paraît nullement nécessitée par la conception de l’univers qu’il nous propose d’après les sciences naturelles.
Ne résultent-ils pas d’un apprentissage par imitation, plutôt que d’une parenté naturelle ? […] Car au fond, tenons-nous tant que cela à ce fameux naturel ? […] Il est naturel que Saadi n’ait pas fait exception et qu’il ait chanté les roses comme tous ses confrères. […] Il pousse très loin le respect de la bonne loi naturelle. […] Ce sentiment, assez naturel, n’exige peut-être pas le lyrisme d’un Byron pour être dignement célébré.
La justesse de Molière est non moins étonnante dans le choix des circonstances destinées à exprimer un sentiment vif, et cela d’une façon tout à la fois simple et naturelle ; à le faire sauter, pour ainsi dire, aux yeux du spectateur, de la façon la plus prompte et la plus facile. […] Comme cela est naturel, comme cela est charmant ; quelle femme achevée, quelle vraie femme, et en même temps quelle femme ayant le degré d’innocence que comporte la situation ! […] Pour mettre de son côté les modérés et les sages, il s’est fait doux et modéré, lui, dont le tempérament était violent, et en qui l’irritation, quand il était choqué, était si naturelle. […] Il a dégagé, si je puis ainsi dire, et mis hors d’entraves la vie de société ; d’abord en rappelant au naturel la langue des salons, en délivrant la conversation du clinquant des précieuses ; il a surtout rendu un grand service à la vie de société par sa guerre contre tous les genres de pédantisme. […] Il y a une bonté naturelle qu’il faut recevoir du ciel en naissant, comme un don de la grâce divine, ou de la première éducation, comme un précieux héritage de famille, parce que tous les efforts les plus vifs et les plus soutenus ne sauraient ensuite nous y porter.
Quelques nobles mouvements naturels et simples viennent par endroits donner jour aux émotions que fait naître un tel spectacle : l’historien, sans intervenir trop fréquemment, est loin d’être impassible.
Qu’il y ait eu de l’arrangement et de la symétrie jusque dans le désordonné des peintures ; que les paysages soient tout composites, et ne se retrouvent nulle part, avec tout cet assemblage imaginatif, dans la nature même et dans la réalité ; qu’à côté de ces impossibilités d’histoire naturelle, il y ait des anachronismes non moins visibles dans les sentiments ; qu’il y ait des effets forcés et voulus ; que, sous prétexte d’innovation, l’auteur moderne ait sans cesse des réminiscences de l’Antiquité ; qu’il parodie souvent Homère et Théocrite en les déguisant à la sauvage, tout cela est vrai ; et il est vrai encore que les caractères de ses deux personnages principaux ne sont pas consistants et qu’ils assemblent des qualités contraires, inconciliables, tenant à des âges de civilisation très différents.
« Cet analyste minutieux, dit le vicomte de Vogüe (Le roman russe, 1888, p. 93), ignore ou dédaigne la première opération de l’analyse, si naturelle au génie français ; nous voulons que le romancier choisisse, qu’il sépare un personnage, un fait, du chaos des êtres et des choses, afin d’étudier isolément l’objet de son choix.
quelle irrécusable preuve de malheur, que ce besoin d’éviter le cours naturel de la vie, d’enivrer les facultés qui servent à la juger !
Cela se voit aussi dans les ouvrages des femmes, parce qu’elles ont plutôt la justesse naturelle des expressions, le courant aisé et limpide de la phrase, que l’unité et la précision des idées.
Cet esprit français dont j’ai essayé de marquer les principaux traits, est né comme la patrie, comme la langue, entre Loire et Meuse, dans ce que Michelet appelle les « plaines décolorées du centre6 » : presque aucune particularité n’en modifie la définition générale dans cet ancien duché de France, qui en donne comme l’exacte moyenne, dans ce Paris surtout, qui, comme la première des bonnes villes, doit à ses marchands, ses étudiants, et, bientôt ses gens de palais, de paraître la propre et naturelle patrie de l’esprit bourgeois.
Et tout à coup il ajoute : « Cependant, quelque féroce que soit le caractère des naturels, rétive leur disposition et bestiale leur façon de vivre, il n’en est pas qui ne décèlent des germes de progrès (vous n’aviez pas prévu cette conclusion !)
de première classe), vous aurez maintes occasions d’être secourables aux pauvres gens, de faire payer pour eux les riches, de réparer ainsi, dans une petite mesure, l’inégalité des conditions et d’appliquer pour votre compte l’impôt progressif sur le revenu Notaires (car il y en a ici qui seront notaires), vous pourrez être, un peu, les directeurs de conscience de vos clients et insinuer quelque souci du juste dans les contrats dont vous aurez le dépôt Avocats ou avoués, vous pourrez souvent par des interprétations d’une généreuse habileté, substituer les commandements de l’équité naturelle, ou même de la pitié, aux prescriptions littérales de la loi, qui est impersonnelle, et qui ne prévoit pas les exceptions Professeurs, vous formerez les cœurs autant que les esprits ; vous… enfin vous ferez comme vous avez vu faire dans cette maison Artistes ou écrivains, vous vous rappellerez le mot de La Bruyère, que « l’homme de lettres est trivial (vous savez dans quel sens il l’entend) comme la borne au coin des places » ; vous ne fermerez pas sur vous la porte de votre « tour d’ivoire », et vous songerez aussi que tout ce que vous exprimez, soit par des moyens plastiques, soit par le discours, a son retentissement, bon ou mauvais, chez d’autres hommes et que vous en êtes responsables Hommes de négoce ou de finance, vous serez exactement probes ; vous ne penserez pas qu’il y ait deux morales, ni qu’il vous soit permis de subordonner votre probité à des hasards, de jouer avec ce que vous n’avez pas, d’être honnête à pile ou face Industriels, vous pardonnerez beaucoup à l’aveuglement, aux illusions brutales des souffrants ; vous ne fuirez pas leur contact, vous les contraindrez de croire à votre bonne volonté, tant vos actes la feront éclater à leurs yeux ; vous vous résignerez à mettre trente ou quarante ans à faire fortune et à ne pas la faire si grosse : car c’est là qu’il en faudra venir Hommes politiques, j’allais dire que vous ferez à peu près le contraire de presque tous vos prédécesseurs, mais ce serait une épigramme trop aisée.
Et c’est pourquoi, non seulement certains hommes ne sont éloquents que parce qu’ils sont révolutionnaires ; mais on en cite qui, peut-être à leur insu, ne sont devenus révolutionnaires que parce qu’ils étaient nés éloquents ; qui, partis du criticisme un peu timide du centre gauche, ne se sont arrêtés que là où ils trouvaient l’emploi total de leur éloquence magnifique, violente et vague, et qui, menés par leur langue, dupes de leur propre séduction, ont sans doute fini par croire qu’ils remplissaient une mission, quand ils ne faisaient qu’accomplir une fonction naturelle et fatale.
Delavigne, l’essor de la grande ambition littéraire, en ce qu’il peut avoir parfois de téméraire et de suprême, était arrêté en lui et comme limité par une sorte de réserve naturelle, qu’on peut louer ou blâmer, selon qu’on préfère dans les productions de l’esprit le goût qui circonscrit ou le génie qui entreprend, mais qui était une qualité aimable et gracieuse, et qui se traduisait en modestie dans son caractère et en prudence dans ses ouvrages.
Sans s’embarrasser d’une barrière inutile, il donna au vers ternaire le droit de cité : Il a vaincu — la Femme belle — au cœur subtil… Néoptolème — âme charmante — et chaste tête… Et sur mon cœur — qu’il pénétrait — plein de pitié… Ces braves gens — que le Journal — rend un peu sots… Quoi que j’en aie — et que je rie — ou que je pleure… Rien de meilleur — à respirer — que votre odeur… Pour supporter — tant de douleur — démesurée… Pour, disais-tu, — les encadrer — bien gentiment… Cette coupe nouvelle de vers, d’où l’on allait tirer des effets si imprévus, offrait toutes les garanties d’une réforme née viable, puisqu’elle était l’épanouissement naturel d’une idée lentement mûrie et qu’elle avait subi le contrôle à la fois du Génie et du Temps.
Soit inconstance naturelle et besoin de nouveauté, soit réaction du présent, toujours en révolte contre un passé dominateur, les contraires se succèdent sans cesse dans les sentiments et dans les opinions de la partie désœuvrée de la nation française.
Son compatriote, & son admirateur Ségrais, fit exécuter, en pierre, sa statue plus grande que le naturel, & graver sous un marbre noir ces quatre vers : Malherbe, de la France éternel ornement, Pour rendre hommage à ta mémoire, Ségrais, enchanté de ta gloire, Te consacre ce monument.
N’est-il pas plaisant de supposer que ce soit un effet nécessaire et une suite naturelle de la royauté, de n’avoir d’égard ni pour les choses ni pour les personnages ?
Quand le peuple croit entendre la voix des morts dans les vents, quand il parle des fantômes de la nuit, quand il va en pèlerinage pour le soulagement de ses maux, il est évident que ces opinions ne sont que des relations touchantes entre quelques scènes naturelles, quelques dogmes sacrés, et la misère de nos cœurs.
Puis, les moins perspicaces avaient fini par s’apercevoir du ridicule de cette soi-disant « Histoire Naturelle et Sociale d’une famille sous le Second Empire », de la fragilité du fil héréditaire, de l’enfantillage du fameux arbre généalogique, de l’ignorance médicale et scientifique profonde du Maître.
Ce qui est de certain, c’est que tous les connoisseurs admirent la beauté de la preface et de plusieurs autres chants de l’office gregorien, quoique comme nous l’avons remarqué dès le commencement de cette troisiéme partie, il s’éloigne beaucoup moins de la déclamation naturelle, que ne s’en éloignent nos chants musicaux.
de vrais miracles qui semblent à tout le monde très simples et très naturels ! […] Dans ses rapports avec l’école classique, Soumet avait conservé non pas l’horreur du mot propre absolument, mais une pente naturelle à la périphrase. […] Ces fantaisies de costume sembleraient étranges maintenant, mais alors on les trouvait naturelles : — le mot artiste excusait tout, et chacun, poète, peintre ou sculpteur, suivait à peu près son caprice. […] Elle avait des cris d’une vérité poignante, des sanglots à briser la poitrine, des intonations si naturelles, des larmes si sincères, que le théâtre était oublié et qu’on ne pouvait croire à une douleur de convention. […] Malgré le mérite de la pièce, le talent qu’il y déploya, le succès qu’il y obtint, l’acteur romantique par excellence était sorti de son élément naturel.
Il était tout naturel que M. […] Il s’est attaché, de préférence, aux sciences naturelles. […] Il semblait pauvre, et, avec tant de naturelle modestie, si fier ! […] Somme toute, ce naturel nous laisse, malgré nous, comme une sensation de nudité : la nudité, qui ne s’étale pas superbement, court le risque de paraître pauvre. […] Lamartine est le plus heureux de ces poètes du moindre effort dont les dons naturels et par moments presque surnaturels se soient manifestés sous cette forme.
En même temps l’homme, par habitude, s’est mis en défense ; l’attitude militante lui est naturelle, et il se tient debout, affermi dans l’orgueil de son courage et dans l’ancienneté de sa réflexion. […] Rien ne plaît moins aux femmes que le naturel austère et renfermé. […] Il se formait ainsi un style composite et éclatant, moins naturel que celui de ses précurseurs, moins propre aux effusions, moins voisin de là vive sensation prime-sautière, mais plus solide, plus régulier, plus capable de concentrer en une large nappe de clarté tous leurs scintillements et toutes leurs lueurs. […] Dans son œuvre, on reconnaît deux Angleterres : l’une passionnée pour le beau, livrée aux émotions de la sensibilité effrénée et aux fantasmagories de l’imagination pure, sans autre règle que les sentiments naturels, sans autre religion que les croyances naturelles ; volontiers païenne, souvent immorale ; telle que la montrent Ben Jonson, Beaumont, Fletcher, Shakspeare, Spenser, et toute la superbe moisson de poëtes qui couvrit le sol pendant cinquante ans ; l’autre munie d’une religion pratique, dépourvue d’invention métaphysique, toute politique, ayant le culte de la règle, attachée aux opinions mesurées, sensées, utiles, étroites, louant les vertus de famille, armée et roidie par une moralité rigide, précipitée dans la prose, élevée jusqu’au plus haut degré de puissance, de richesse et de liberté. […] « Quand même je n’aurais eu qu’une faible teinture du christianisme, une certaine réserve naturelle d’humeur et la discipline morale enseignée par la plus noble philosophie eussent suffi pour m’inspirer le dédain des incontinences. » (Apologie pour Smectymnus.)
Enseigner, raconter, peindre, donner le frisson ou tirer des larmes, à tout cela suffirait largement la prose, dont c’est aussi bien l’objet naturel. […] Non que nous entendions rompre, ce qu’à Dieu ne plaise, avec les théoriciens de la poésie-musique, nos alliés naturels et invincibles contre les théoriciens de la poésie-raison. […] Et la question n’est pas nouvelle. qu’elle ne soit point encore résolue, cela marque la pente naturelle de certains esprits à prendre le signe pour l’objet, et à se mettre paresseusement d’accord sur les apparences… etc : et mon fervent correspondant ne croit pas comme Fagus que, pour résoudre la question de la poésie pure, le poète pourrait se faire le spectateur de lui-même, analyser, « émietter » sa création comme n’importe quel travail. […] Mais il est naturel qu’ils restent dans leur rôle, qui est de diminuer de tout leur pouvoir les diverses zônes mystérieuses où nous poursuivons notre aventure. […] puis, au sujet des efforts convergents de son époque : les écoles… adoptent, comme rencontre, le point d’un idéalisme qui… refuse les matériaux naturels et, « comme brutale une pensée exacte », les ordonnant pour ne garder de rien que la suggestion (p. 245).
Le roi, homme expéditif, veut qu’à l’instant même on aille enfumer renard dans sa demeure, bref, « qu’on le fasse venir. » Les moyens violents lui sont naturels ; le premier geste d’un prince est toujours l’appel aux baïonnettes. […] Le voilà enfin dans son naturel, c’est-à-dire railleur. […] Il ressemble à Panurge, « qui avait soixante trois manières pour trouver toujours de l’argent à son besoin, dont la plus honorable et la plus commune était par façon de larcin furtivement fait, malfaisant, pipeur, buveur, batteur de pavé, ribleur s’il en était à Paris, au demeurant le meilleur fils du monde ; et toujours machinait quelque chose contre les sergents et contre le guet. » Il n’est pas donneur de son naturel. […] La Fontaine raillait un vice naturel et officiel. […] Le rôle accepté détruit l’homme naturel.
VIII L’amour filial qu’il portait à sa mère, les premiers vers qu’il avait composés dans ses loisirs militaires et qui lui faisaient justement espérer une autre grandeur, le consolèrent de cette interruption de sa carrière naturelle. […] ……………………………………………………… ……………………………………………………… « Souvent parmi les monts qui dominent la terre S’ouvre un puits naturel, profond et solitaire ; L’eau qui tombe du ciel s’y garde, obscur miroir Où, dans le jour, on voit les étoiles du soir. […] Il y avait à Londres, peu d’années avant la révolution, un jeune homme d’une méchante nature, d’une profonde immoralité, et d’une immoralité naturelle qui s’appelle ingratitude ; il annonçait de plus un certain talent d’écrivain et de poète. […] Ce sophisme chattertonien admis, quelle admirable et naturelle exposition en action de la pièce et des caractères ! […] Et il est certain que ce qui me soutient, c’est cette fierté naturelle.
Leur naturel est pliant et souple, leur esprit facile et intrigant. […] Leur pente est grande et naturelle à la volupté, au luxe, à la dépense, à la prodigalité, et c’est ce qui fait qu’ils n’entendent ni l’économie, ni le commerce ; en un mot, ils apportent au monde des talents naturels aussi bons qu’aucun autre peuple ; mais il n’y en a guère qui pervertissent ces talents autant qu’ils le font. […] Sa religion est coupable, plus que son naturel, des duretés qu’il a pour les chrétiens. […] Ceux qui suivirent étaient plus divertissants et plus naturels.
La poésie née du christianisme, la poésie de notre temps est donc le drame ; le caractère du drame est le réel ; le réel résulte de la combinaison toute naturelle de deux types, le sublime et le grotesque, qui se croisent dans le drame, comme ils se croisent dans la vie et dans la création. […] Il n’est pas naturel de parler en vers. — Comment voulez-vous donc qu’il parle ? […] L’art feuillette les siècles, feuillette la nature, interroge les chroniques, s’étudie à reproduire la réalité des faits, surtout celle des mœurs et des caractères, bien moins léguée au doute et à la contradiction que les faits, restaure ce que les annalistes ont tronqué, harmonise ce qu’ils ont dépouillé, devine leurs omissions et les répare, comble leurs lacunes par des imaginations qui aient la couleur du temps, groupe ce qu’ils ont laissé épars, rétablit le jeu des fils de la providence sous les marionnettes humaines, revêt le tout d’une forme poétique et naturelle à la fois, et lui donne cette vie de vérité et de saillie qui enfante l’illusion, ce prestige de réalité qui passionne le spectateur, et le poëte le premier, car le poëte est de bonne foi. […] Choqués de la roideur, de l’apparat, du pomposo de cette prétendue poésie dramatique, ils ont cru que les éléments de notre langage poétique étaient incompatibles avec le naturel et le vrai. […] Que si nous avions le droit de dire quel pourrait être, à notre gré, le style du drame, nous voudrions un vers libre, franc, loyal, osant tout dire sans pruderie, tout exprimer sans recherche ; passant d’une naturelle allure de la comédie à la tragédie, du sublime au grotesque ; tour à tour positif et poétique, tout ensemble artiste et inspiré, profond et soudain, large et vrai ; sachant briser à propos et déplacer la césure pour déguiser sa monotonie d’alexandrin ; plus ami de l’enjambement qui l’allonge que de l’inversion qui l’embrouille ; fidèle à la rime, cette esclave reine, cette suprême grâce de notre poésie, ce générateur de notre mètre ; inépuisable dans la variété de ses tours, insaisissable dans ses secrets d’élégance et de facture ; prenant, comme Protée, mille formes sans changer de type et de caractère, fuyant la tirade ; se jouant dans le dialogue ; se cachant toujours derrière le personnage ; s’occupant avant tout d’être à sa place, et lorsqu’il lui adviendrait d’être beau, n’étant beau en quelque sorte que par hasard, malgré lui et sans le savoir ; lyrique, épique, dramatique, selon le besoin ; pouvant parcourir toute la gamme poétique, aller de haut en bas, des idées les plus élevées aux plus vulgaires, des plus bouffonnes aux plus graves, des plus extérieures aux plus abstraites, sans jamais sortir des limites d’une scène parlée ; en un mot, tel que le ferait l’homme qu’une fée aurait doué de l’âme de Corneille et de la tête de Molière.
Elle y revient, non plus comme faculté heureuse et naturelle, mais comme une maladie pénétrante, subtile, une affliction plutôt qu’un don, une rosée amère à des tempes douloureuses. […] Le point de départ de M. de Vigny en poésie a été le contraire du convenu, du commun, au prix quelquefois d’un certain naturel et d’une certaine simplicité, au prix de la verve de prime-saut et droicturière, comme dirait Montaigne. […] En 1826, j’avais écrit sur Cinq-Mars un article inséré dans le Globe du 8 juillet (Voir l’Appendice à la fin du présent volume) ; mais ce fut Victor Hugo qui le premier me fit distinguer et sentir les parties élevées du poëte, négligées par moi jusqu’alors : à ne consulter que mon goût naturel, il m’avait toujours paru trop superfin et trop séraphique.
Si quelqu’un a été soi dès le début, c’est bien elle : elle a chanté comme l’oiseau chante, comme la tourterelle gémit, sans autre science que l’émotion du cœur, sans autre moyen que la note naturelle. […] J’ai d’elle, en ce moment, sous les yeux, de véritables trésors épistolaires, des lettres intimes adressées à son frère, à sa sœur, à sa nièce, à d’autres personnes amies, et dans lesquelles se révèlent à chaque ligne la délicatesse morale, la piété, la charité naturelle de cette belle âme condamnée à un travail incessant et à des inquiétudes sans fin pour la subsistance des siens et pour la nourriture de sa chère couvée. […] » Et qui a connu Mme Valmore en ces longues années d’épreuves, qui l’a visitée dans ces humbles et étroits logements où elle avait tant de peine à rassembler ses débris, qui l’y a vue polie, aisée, accueillante, hospitalière même, donnant à tout un air de propreté et d’art, cachant ses pleurs sous une grâce naturelle et y mêlant des éclairs de gaîté, brave et vaillante nature entre les plus délicates et les plus sensitives, qui l’a vue ainsi et qui lira ce qui précède se prendra encore plus à l’admirer.
Parler d’elle dignement et en toute nuance semblerait sans doute à bien des égards la tâche toute naturelle et facile d’une autre plume aussi délicate que sérieuse, si la pudeur filiale n’était pas la première des délicatesses. […] De là, de ce commerce vague et porté par des sons, entretenu par des lettres, et où divers incidents assez naturels retardent la rencontre, naît un amour tel qu’on le peut supposer entre deux êtres très-jeunes, très-purs et très-malheureux. […] Assez ordinairement les femmes sérieuses et sensibles sont très-frappées, dans leur jeunesse, de l’obstacle que le monde oppose aux sentiments vrais, aux affections naturelles, et plus tard des entraves qu’il met, pour leur sexe encore, aux études et aux pensées suivies, aux applications sérieuses et profondes.
Cependant, ajoute Manso, il ne parlait pas en public, devant les princes ou devant les académies avec autant de force, d’assurance et de grâce dans l’accent, qu’il y avait de perfection dans le style et dans les pensées, peut-être parce que son esprit, trop recueilli dans ses pensées, portait toutes ses forces au cerveau, et n’en laissait pas assez pour animer le reste de son corps ; néanmoins, dans toutes ses actions, quelque chose qu’il eût à dire ou à faire, il découvrait à l’observateur le moins attentif une grâce virile et une mâle beauté, principalement dans sa contenance, qui resplendissait d’une si naturelle majesté qu’elle imposait, même à ceux qui ne savaient pas son nom et son génie, l’admiration, l’étonnement et le respect. » Manso dit que Torquato avait la vue courte et faible par la continuelle lecture à laquelle il se livrait sans repos, et même par celle de sa propre écriture prodigieusement fine et souvent illisible. […] Sa conversation, sans vivacité et sans saillies, coulait de ses lèvres avec naturel, lenteur et mélancolie ; il ne causait point pour éblouir, mais pour se répandre dans le sein de l’amitié, soit par retour de sa pensée sur les adversités de son berceau, soit par pressentiment de ses malheurs futurs. […] « Vous me faites sentir plus que jamais combien la Fontaine est charmant dans ses bonnes fables ; je dis dans les bonnes, car les mauvaises sont bien mauvaises ; mais que l’Arioste est supérieur à lui et à tout ce qui m’a jamais charmé, par la fécondité de son génie inventif, par la profusion de ses images, par la profonde connaissance du cœur humain, sans faire jamais le docteur ; par ces railleries si naturelles dont il assaisonne les choses les plus terribles !
Ses yeux étaient noirs et bien ouverts, mais ils supportaient le regard avec trop de fermeté pour une jeune fille ; ses cheveux, noirs comme ses yeux, étaient naturellement bouclés, mais ils n’avaient pas cette finesse de tissu qui fait suivre mollement à la chevelure les contours du front, des joues, des épaules, et qui déplie un voile naturel sur la femme ; son front était large, carré, un peu trop haut comme celui de son père ; son nez régulier, mais large comme celui des fils de l’Helvétie, où la grasse fécondité du sol donne à la charpente du visage humain, comme à celle du bœuf de ces pâturages, un peu plus de matière et de solidité qu’il ne convient à la délicatesse des traits. […] L’on voyait, dans sa manière de saluer et de remercier pour les applaudissements qu’elle recevait, une sorte de naturel qui relevait l’éclat de la situation extraordinaire dans laquelle elle se trouvait ; elle donnait à la fois l’idée d’une prêtresse d’Apollon qui s’avançait vers le temple du Soleil et d’une femme parfaitement simple dans les rapports habituels de la vie ; enfin, tous ses mouvements avaient un charme qui excitait l’intérêt et la curiosité, l’étonnement et l’affection. » XVIII La célébrité de mademoiselle Necker, qui aurait effrayé les hommes supérieurs qui cherchent dans une femme une épouse et non une émule de gloire, éblouissait les hommes médiocres ; ils se flattaient de donner leur nom à une femme qui ajouterait à ce nom le lustre du génie ; ils s’imaginaient qu’un reflet futur de cette gloire rejaillirait sur leur propre médiocrité ; ils oubliaient qu’un homme ordinaire n’est jamais que l’ombre de cet éclat emprunté, que le mari d’une femme célèbre n’a plus même pour abriter sa vie intérieure l’obscurité de son foyer domestique. […] Les grandes voix de 89 et les grandes voix de la Gironde, Mirabeau, Barnave, madame Rolland, Vergniaud, André Chénier, s’étaient éteintes dans la mort naturelle ou dans la mort violente.
Il y combattait avec une âpre éloquence, à grands coups de logique et d’imagination, l’athéisme politique, celui qui fait de la religion un instrument de despotisme pour lier le peuple, le déisme, qui croit fonder une religion dite naturelle sur la seule raison, le protestantisme et toutes les doctrines latitudinaires, qui, reconnaissant une révélation, croient avoir le droit de choisir parmi les dogmes, de rejeter ceux-ci et de prendre ceux-là. […] Moins éclatant et moins tapageur fut renseignement de Jouffroy704 disciple de Cousin, et tout le contraire de Cousin : grave, sobre, précis, intérieur, contenant son émotion, détaché du christianisme avec angoisse, et reconquérant douloureusement les grandes vérités chrétiennes par la philosophie, il recherchait, avec une sincérité profonde et une réelle force de pensée, le problème de la destinée humaine, ou posait les principes du droit naturel et de l’esthétique. […] Jouffroy (1796-1842), suppléant de Royer-Collard à la Sorbonne en 1830, professeur au Collège de France, député de 1831 à 1838. — Éditions : Mélanges philosophiques, 1833, in-8 ; Nouveaux Mélanges, 1842, Cours de droit naturel, 3 vol. in-8, 1835-42.
« Parmi les habitués du théâtre Feydeau, que charmait sa tenue décente autant que son jeu naturel, ne s’est-il pas trouvé un homme du monde, un lettré, un rimeur versé dans l’art d’Ovide, lequel, frappé et peut-être ému des rares aptitudes poétiques de la jeune artiste, sut tout de suite les apprécier et offrir des conseils accueillis avec une gratitude ingénue ? […] Au bout de treize ans, il s’aperçut que certains vers de ces élégies étaient tout de même diablement brûlants, que ça n’était pas naturel, qu’il devait y avoir quelque chose là-dessous. […] Un troisième correspondant a eu une autre idée : « … Les vers que vous citez : Ton nom… Tu sais que dans le mien le ciel daigna l’écrire, me semblent s’appliquer parfaitement à Saint-Marcellin, fils naturel de Fontanes, auteur dramatique et journaliste, et qui fut tué en duel en 1819 ou 1820. » Eh bien !
Il s’en apercevait et trouvait cela tout naturel. […] Tout à fait étranger à la philosophie naturelle et à l’esprit scientifique, dont la première condition est de n’avoir aucune foi préalable et de rejeter ce qui n’arrive pas, il resta dans cet équilibre où une conviction moins ardente eût trébuché. […] La méthode des sciences physiques et naturelles, qui, à Issy, m’était apparue comme la loi du vrai, faisait que je me défiais de tout système.
L’opinion qu’on a de moi à cet égard vient de ce que, dans la conversation, j’ai un tour et un style à moi, qui n’ayant rien de peiné, d’affecté ni de recherché, est à la fois singulier et naturel. […] À la longue les défauts prirent le dessus ; cet homme qui dîna en ville jusqu’à la fin, et qui pérorait du matin au soir, avait enroué sa voix et donné comme un effort à son esprit ; il lui fallait à tout prix du montant naturel ou factice : Duclos aimait le vin, dit Sénac de Meilhan, et rarement sortait de table sans être échauffé : alors sa conversation n’en était que plus brillante, mais aussi il se permettait les propos les plus imprudents contre les ministres et les gens en place.
Sérieux au fond, ayant des goûts à lui et qui parurent bientôt très prononcés, aimant les lectures de toutes sortes, l’histoire, les estampes et l’instruction qu’elles procurent sur les mœurs du temps passé, jugeant sainement des choses et des hommes qu’il avait sous les yeux, et soucieux de l’amélioration de l’espèce dans l’avenir, il fut de tout temps très naturel, au risque même de ne point paraître essentiellement élégant ni très élevé, il avait en lui un principe de droiture et le sentiment de la justice qu’il cultiva et fortifia sans cesse, loin de travailler à l’étouffer. […] Parlant quelque part d’un homme d’un esprit étroit et faux qui mettait son orgueil à déplaire, et qui méprisait par principe la bonté et la douceur des gens véritablement grands : « Il n’admire du fer, dit-il, que la rouille. » Parlant du caractère des Français qu’il a si bien connus, qui sont portés à entreprendre et à se décourager, à passer de l’extrême désir et du trop d’entrainement au dégoût, il dit : « La lassitude du soir se ressent de l’ardeur du matin. » Enfin, voulant appeler et fixer l’attention sur les misères du peuple des campagnes dont on est touché quand on vit dans les provinces, et qu’on oublie trop à Paris et à Versailles, il a dit cette parole admirable et qui mériterait d’être écrite en lettres d’or : « Il nous faut des âmes fermes et des cœurs tendres pour persévérer dans une pitié dont l’objet est absent. » Si ce n’est pas un écrivain, ce n’est donc pas non plus le contraire que d’Argenson : sa parole, livrée à elle-même et allant au courant de la plume, a des hasards naturels et des richesses de sens qui valent la peine qu’on s’y arrête et qu’on les recueille.
Mais d’autre part, depuis qu’on a pu lire les lettres nombreuses écrites en ce même temps par les personnes de l’entourage de Charles-Quint, les consultations à lui adressées sur toutes les affaires politiques de l’Europe et les réponses, on a un double jour ouvert sur la pensée du grand solitaire ; il n’a plus été possible de dire avec Robertson : « Les pensées et les vues ambitieuses qui l’avaient si longtemps occupé et agité étaient entièrement effacées de son esprit ; loin de reprendre aucune part aux événements politiques de l’Europe, il n’avait pas même la curiosité de s’en informer. » Et sans faire de lui le moins du monde un ambitieux qui se repent, ni sans accuser les bons moines d’avoir falsifié la vérité parce qu’ils en ont ignoré la moitié, on est arrivé à voir le Charles-Quint réel, naturel, non légendaire, partagé entre les soins qu’il devait encore au monde et à sa famille, traité et considéré par elle comme une sorte d’empereur consultant, et en même temps catholique fervent, Espagnol dévot et sombre, tourné d’imagination et en esprit de pénitence aux visions de purgatoire ou d’enfer, et aux perspectives funèbres. […] Charles-Quint avait eu en 1545, d’une jeune et belle fille de Ratisbonne, un fils naturel, celui qui devint si célèbre sous le nom de Don Juan ; il l’avait ôté de bonne heure à sa mère et l’avait fait adopter en dernier lieu par la femme de son majordome Quivada.
Ducis, avec qui il avait quelque parenté de talent et d’origine, a dit dans un portrait qu’il a donné de lui : « Il aimait passionnément Molière, Montaigne et Shakespeare ; il y trouvait ce fonds immense de naturel, de raison, de force, de grâce, de variété, de profondeur et de naïveté qui caractérise ces grands hommes ; aussi, était-il né avec un sens exquis et une âme excellente : c’était tout naturellement qu’il voyait juste, comme c’était tout bonnement qu’il était bon. » On est sous Louis XVI, aux premières et belles années, sous un jeune roi plein de mœurs et de bon sens. […] Rousseau, le reconduisant et prenant congé de lui sur le palier, lui dit : « Nous venons de passer ensemble des moments bien agréables ; il serait tout naturel que je vous retinsse à dîner ; mais, si vous étiez malade ce soir, on dirait que je vous ai empoisonné. » — Ducis avait raconté l’anecdote à M.
Liautard nous mènerait par une transition presque naturelle à la seconde époque religieuse, à l’invasion assez longtemps retardée et au triomphe absolu du parti en politique, vers l’année 1821. […] Elle s’en séparait, sans avoir d’ailleurs l’intention de la maudire, car il n’y a que le fanatisme qui maudit : la France du XIXe siècle, dans ce qu’elle avait d’inspiration directe et naturelle, et si on ne la faisait, pas dévier, entendait bien profiter du XVIIIe siècle, en hériter sous bénéfice d’inventaire, lui laissant, à sa charge, les impiétés grossières, les énormités elles témérités antisociales, déjà senties et jugées sur la fin par ses hommes d’esprit les plus éclairés.
Gautier a appliqué ici aux tableaux peints le même procédé qu’il a suivi à l’égard des tableaux naturels et des climats : la soumission absolue à l’objet. […] Il paraît assez clairement que le romancier n’est pas pressé, qu’il ne tend pas au but. qu’il tourne le dos à cette forme de récit courante et naturelle qui n’intéresse que par le fond et qui se fait oublier.
Selon Vaugelas, il y a donc usage et usage ; il exclut le trivial, et il définit le bon de cette sorte : « C’est la façon de parler de la plus saine partie de la Cour, conformément à la façon d’écrire de la plus saine partie des auteurs du temps. » Sous le terme général de Cour, il comprend les femmes comme les hommes et « plusieurs personnes de la ville où le Prince réside », et à qui l’air de la Cour arrive par une communication prochaine et naturelle. […] On aurait là, si l’on en pouvait douter encore, une preuve de plus que le règne et le siècle de Louis XIV a été, non pas un accident (comme je sais quelqu’un de ma connaissance qui l’a dit autrefois), mais bien le résultat et le fruit naturel d’une culture et d’un développement continu.
Mes fonctions se bornent à quelques lectures ; il est plus naturel qu’elles soient faites par une femme de chambre comme chez la reine ou par une lectrice comme chez Mesdames. […] Il est au fond assez naturel que cette princesse qui, étant arrivée si jeune en France, a pris tout à fait le ton et les goûts de la nation, cherche et trouve du plaisir à la fréquentation de ce qu’on appelle dans ce pays-là bonne compagnie.
Il y en a cinq ou six dans cette contrariété. » Ces réminiscences un peu fades de pastorales et de romans sont naturelles sous son pinceau, et font agréablement ressortir tant de descriptions fraîches et neuves qui n’appartiennent qu’à elle : « Je suis venue ici (à Livry) achever les beaux jours, et dire adieu aux feuilles : elles sont encore toutes aux arbres, elles n’ont fait que changer de couleur ; au lieu d’être vertes, elles sont aurore, et de tant de sortes d’aurore que cela compose un brocard d’or riche et magnifique, que nous voulons trouver plus beau que du vert, quand ce ne seroit que pour changer. » Et quand elle est aux Rochers : « Je serois fort heureuse dans ces bois, si j’avois une feuille qui chantât : ah ! […] Quel naturel plein de légèreté gracieuse, quelles pages éblouissantes de pur esprit dans Mme de Staël, quand le sentiment ne vient pas à la traverse, et qu’elle laisse sommeiller sa philosophie et sa politique !
Dans un temps où le peuple ne lisait pas, où le latin lui était devenu inintelligible, il était naturel que les clercs songeassent à dégager le sens du service divin par une figuration plus expressive, à instruire les esprits des fidèles, en saisissant leurs imaginations : ils réalisèrent par des interpolations de plus en plus considérables et dramatiques les actes dont l’office du jour était la commémoration. […] Et il se fait un curieux mélange de paysannerie convenue et de naturelle rusticité.
Ainsi Jeanne d’Arc expliquée sera toujours Jeanne d’Arc, et plus admirable que jamais : « le sublime n’est point hors nature, c’est au contraire le point où la nature est le plus elle-même, en sa hauteur, profondeur naturelles ». […] Les descriptions qu’ils renferment, paysages, ou phénomènes naturels, ou bien actes des êtres vivants, nous aident aussi à reconnaître la singulière acuité de sa vision : son œil reçoit l’impression des plus fines modifications de la nature sensible, et sa mémoire les rend en leur fraîcheur première.
Aussi, dès qu’il est maître du moins de son talent, la métaphore n’est-elle jamais banale chez lui : toujours rafraîchie à sa source, renouvelée par une sensation directe, elle peut être bizarre, ridicule, elle est toujours vraie et naturelle. […] Et la philosophie qu’il présente, tout imprégnée de science, attentive aux découvertes, aux hypothèses de l’histoire naturelle, de la physique, est bien une philosophie d’aujourd’hui.
Ils n’y viennent pas, ou, s’ils y viennent d’aventure, comme ce sont évidemment des simples et des résignés, ils ne s’irritent point d’être exclus des chaises réservées ; ils acceptent avec la douceur de l’habitude les plus mauvaises places à l’église comme dans la vie : cela leur semble naturel. […] La confession nous est si naturelle, continue le Père Monsabré, qu’avant de passer à l’état d’institution chrétienne « elle était partout connue, prêchée, pratiquée. » Et là-dessus il nous cite « un législateur chinois », Socrate, Sénèque, saint Jean-Baptiste et un missionnaire qui a trouvé la confession établie chez les sauvages Fort bien ; mais alors comment l’orateur a-t-il pu nous dire, dans la première partie de son discours, que la confession, si elle avait été inventée par d’autres que Jésus-Christ, eût paru « une nouveauté énorme, une obligation oppressive, la plus répugnante des humiliations ?
Voici la première : « En cette parfaite association, sans joie… une seule note humaine et naturelle, l’enfant ; et cette note troubla l’harmonie. » Et voici l’autre : « … L’évolution toute naturelle de la douleur débordante à ce complet apaisement s’accentuait ici de l’appareil du veuvage inconsolable, etc…).
Plus tard, les progrès des arts et les découvertes des sciences naturelles amenèrent le style technique ; Thomas et d’autres imaginèrent de transporter les termes abstraits de la science dans la littérature et dans la poésie. […] Delécluze, mais par une force intérieure de développement, et par une sorte de croissance naturelle.
Si Israël avait eu la doctrine, dite spiritualiste, qui coupe l’homme en deux parts, le corps et l’âme, et trouve tout naturel que, pendant que le corps pourrit, l’âme survive, cet accès de rage et d’énergique protestation n’aurait pas eu sa raison d’être. […] Tandis que l’idée de la solidarité de la tribu exista, il était naturel qu’on ne songeât pas à une stricte rétribution selon les mérites de chacun.
Vraiment oui, dès qu’il condescend à quelque simplicité, sa sottise est amusante de naturel. […] Mais souvent le naturel premier, malgré le poids des lourdes habitudes, remonte et éclate.
Dès l’avènement de la Restauration, il sentit que, sous un gouvernement non militaire, qui admettait le droit de discussion et la parole, il était de ceux que leur vocation naturelle et leur mérite appelaient à compter dans les affaires et dans les délibérations du pays. […] Sorti de race calviniste, il en a conservé un certain tour austère, l’affinité pour comprendre et rendre ces naturels tenaces, ces inspirations énergiques et sombres.
On refuse à la pauvre victime, non seulement le naturel de ses qualités, mais même celui de ses défauts. Le trait final est aussi le plus perfide et le plus humiliant ; on l’y montre comme s’attachant à tout prix à la célébrité de M. de Voltaire : « C’est lui qui la rend l’objet de l’attention du public et le sujet des conversations particulières ; c’est à lui qu’elle devra de vivre dans les siècles à venir, et, en attendant, elle lui doit ce qui fait vivre dans le siècle présent. » Pour compléter la satire, il faut joindre à ce portrait de Mme du Châtelet, par Mme Du Deffand, les lettres de Mme de Staal (de Launay) à la même Mme Du Deffand, où nous est représentée si au naturel, mais si en laid, l’arrivée de Mme du Châtelet et de Voltaire, un soir chez la duchesse du Maine, au château d’Anet : « Ils apparaissent sur le minuit comme deux spectres, avec une odeur de corps embaumés. » Ils défraient la société par leurs airs et leurs ridicules, ils l’irritent par leurs singularités ; travaillant tout le jour, lui à l’histoire, elle à Newton, ils ne veulent ni jouer, ni se promener : « Ce sont bien des non-valeurs dans une société où leurs doctes écrits ne sont d’aucun rapport. » Mme du Châtelet surtout ne peut trouver un lieu assez recueilli, une chambre assez silencieuse pour ses méditations : Mme du Châtelet est d’hier à son troisième logement, écrit Mme de Staal ; elle ne pouvait plus supporter celui qu’elle avait choisi ; il y avait du bruit, de la fumée sans feu, il me semble que c’est son emblème.
Il suffit, pour être informé des vrais goûts intellectuels de Frédéric, de l’entendre lui-même au naturel dans ses diverses correspondances. […] Ce n’était pas seulement un goût naturel qui portait Frédéric vers d’Alembert : « Nous autres princes, nous avons tous l’âme intéressée, disait Frédéric, et nous ne faisons jamais de connaissances que nous n’ayons quelques vues particulières, et qui regardent directement notre profit. » Frédéric avait songé de bonne heure à attirer d’Alembert à Berlin pour le faire président de son Académie.
Il applique à ce travail mixte la comparaison si naturelle de la digestion ; il insiste trop cependant sur certains détails de cette digestion laborieuse. […] Chaque profession, en effet, nourrit à sa manière de bons esprits qui trouvent, dans le sujet habituel qu’ils ont en main, des expressions heureuses, des termes hardis et naturels, dont un bon écrivain peut faire ensuite son profit, mais dont seul il ne se serait pas avisé.
Il est naturel d’ailleurs que Monsieur ait eu de la prédilection pour Rulhière, qui aiguisait si bien l’épigramme salée et même au besoin le conte libertin, les deux genres littéraires favoris du futur monarque. […] Obéissant en ceci encore aux dispositions naturelles de son esprit, autant qu’à l’intérêt de la cause qu’il prenait en main, il s’appliqua, à l’aide de rapprochements fins et peut-être forcés, à rapporter ce grand acte, qui fut l’erreur de tout un siècle, à des causes secondaires accidentelles, et à en diminuer le dessein primitif ; c’était une manière d’en rendre plus facile, plus acceptable à tous, la réparation.
Il est curieux de comparer cette différence qui tient à celle des humeurs et comme au tempérament des deux esprits : Tout ce que vous me représentez, madame (écrit la princesse des Ursins), depuis que l’officier des gardes vint annoncer la venue de M. de Chamillart qui conduisait M. de Silly dans votre petite chambre de Marly, pendant que vous soupiez dans votre cabinet, jusqu’à ce que Sa Majesté vînt dire elle-même à la porte cette grande nouvelle, me paraît si naturel, que je crois vous avoir vue jeter votre serviette par terre, courant pour entendre ce que l’on disait ; Mme de Dangeau voler pour aller écrire à monsieur son mari ; Mme d’Heudicourt marcher comme si elle avait eu de bonnes jambes, sans savoir presque ce qu’elle faisait ; M. de Marsan sauter sur un siège pour se faire voir, malgré sa goutte, avec la même facilité que l’eût pu faire un danseur de corde. […] Mme de Maintenon aspirait à en sortir comme une femme et comme beaucoup trop d’hommes alors, comme une femme de sens qui voit de près le mal, qui en souffre en elle et pour ceux auxquels elle est attachée, qui n’a rien d’une héroïne, qui est toute résignée et chrétienne, qui voit la main de Dieu non seulement dans les revers redoublés et les défaites, mais encore plus directement dans les fléaux naturels, dans les hivers tels que celui de 1709 (dont on n’avait point eu d’exemples depuis plus d’un siècle), et dans la famine qui s’ensuivit.
En rabattant de l’exaltation bien naturelle à un vieillard, plein d’imagination, qui se souvient de son plus beau moment de gloire, on sent en plus d’un passage l’accent de la conviction et d’une sincérité persuasive Beaumarchais, dans ses souvenirs, oubliait sans doute bien des détails qui eussent apporté de l’ombre au tableau, mais il avait raison en parlant de cet intérêt public, de cet aspect patriotique et général sous lequel avait toujours eu soin de placer et de voir même son intérêt particulier. […] Au milieu de tout ce que j’ai dû omettre sur Beaumarchais, je serais heureux si j’étais parvenu à laisser se dessiner d’elle-même, dans l’esprit de mes lecteurs, sa figure si libre et si naturelle, telle que je la conçois, sans la forcer en rien, sans trop la presser, et en y respectant même les inconséquences.
Nous fîmes alors ce qu’il était naturel de faire ; nous prîmes les œuvres de Boileau en elles-mêmes : quoique peu nombreuses, elles sont de force inégale ; il en est qui sentent la jeunesse et la vieillesse de l’auteur. […] Savez-vous ce qui, de nos jours, a manqué à nos poètes, si pleins à leur début de facultés naturelles, de promesses et d’inspirations heureuses ?
Avenel croit avoir remarqué (ce qui serait bien naturel) que la simplicité gagne chez lui avec les années. […] Sans la modestie, les grands esprits sont si amateurs de leurs opinions, qu’ils condamnent toutes les autres, bien qu’elles soient meilleures ; et l’orgueil de leur constitution naturelle, joint à leur autorité les rend tout à fait insupportables.
Brantôme nous la représente comme « une princesse de très grand esprit et fort habile tant de son naturel que de son acquisitif ». […] Le beau moment est celui où, par une inclinaison soudaine de la saison, les lumières et l’esprit se répandant tout d’un coup d’une manière plus riche et plus égale sur toute une génération d’esprits vigoureux, l’on revient vivement au naturel et où l’on peut s’y abandonner sans contrainte.
Jordan, qui a de la dignité et qui veut être respecté, lui répond : Je n’ai quitté le camp que lorsque Votre Majesté m’a ordonné de le quitter ; si j’ai fait connaître quelque sentiment de crainte, c’est une preuve que j’ai été plus naturel que prudent… L’histoire du médecin de Breslau, débitée à Votre Majesté, serait fort jolie, si elle ne regardait pas un homme qui n’a de maladie que celle d’aimer trop le genre humain et de penser tristement. […] Fouqué, à chaque présent dont il sent l’intention, est attendri ; il ne sait comment reconnaître cette amitié qui, depuis plus de trente ans, le cherche et l’honore, mais qui se multiplie surtout depuis que lui n’est plus bon à rien et n’est plus propre à y répondre que par ses sentiments : « Ce qui vous distingue, Sire, des autres princes, c’est que vous faites tant de bien à un homme qui ne peut, par le moindre service, vous en témoigner sa reconnaissance. » Quand il le voit étonné d’être l’objet de tant de soins, Frédéric le rassure simplement et par des mots naturels, puisés dans la meilleure et commune humanité : « Vous vous étonnez que je vous aime : vous devriez plutôt vous étonner si je n’aimais pas un officier de réputation, honnête homme, et de plus mon ancien ami. » Quoique Frédéric n’ait que cinquante-quatre ans lorsque Fouqué en a soixante-huit, il se fait exprès vieillard comme lui ; très brisé lui-même par les fatigues, il se suppose du même âge que son vieux compagnon : J’attends ici tranquillement dans mon trou le retour du printemps (9 février 1766) ; cette saison-ci n’est pas faite pour notre âge.
En nous, l’irréfragable preuve de l’antériorité des tendances sur les sentiments particuliers, c’est qu’elles sont le produit de l’hérédité et de la sélection naturelle. […] Cette loi, c’est que la propagation du plaisir et de la peine jusqu’aux centres sensori-moteurs ne s’est établie, ou n’a subsisté par sélection naturelle, que quand elle produisait une réaction utile des muscles volontaires, qui partent du cerveau et sont dirigés par le moi.
En effet, des représentations de même qualité pour l’esprit, comme la couleur rouge, la couleur rose, la couleur pourpre, sont des représentations de même siège dans le cerveau : les représentations visuelles ont pour siège commun les centres visuels du cerveau ; les représentations de l’ouïe ont pour siège commun le centre auditif ; notre cerveau a des casiers tout faits à l’avance, tout préparés par la sélection naturelle, et ces casiers sont ses diverses régions. […] La conscience n’est donc ni si haut ni si bas que la placent ses admirateurs ou ses détracteurs : elle n’est pas une puissance indépendante du mécanisme naturel, mais elle n’est pas non plus un simple effet accidentel et superficiel de ce mécanisme ; elle est l’intérieur dont le mécanisme est l’extérieur.
Il dut y avoir, dès l’origine, de bons et de méchants guinné comme il est des forces naturelles favorables et de néfastes. […] Lorsqu’ils se sont dépouillés de leur peau pour aller rôder dans la nuit sous une autre forme que leur forme naturelle, il faut saupoudrer la face interne de cette peau soit avec du sel soit avec du piment.
Goethe, ce naturaliste en critique, avant d’être en sciences naturelles ce qu’il avait été en critique littéraire, Goethe, ce dieu des arides et des impuissants, a été invoqué en France par des critiques qui ont pourtant le tempérament esthétique, voluptueux et sanguin, mais qui n’ont pas plus de critérium que n’en avait Goethe : sceptiques comme lui avec tout excepté avec eux-mêmes, qu’ils croient organisés pour retentir au contact le plus frêle du beau, comme les harpes éoliennes aux plus légers, aux plus immatériels souffles qui passent. […] Il l’est, mais, pour moi, la préciosité, à laquelle pourtant je préférerai toujours la simplicité forte et l’intensité naturelle, n’est pourtant pas le monstre que les rhéteurs vulgaires en ont fait.
De tendance naturelle et de facultés, il semblait certainement destiné à être un esprit d’exception autant que le poète lui-même, c’est-à-dire le critique qui, lorsqu’on a senti le poète, le fait comprendre mieux en analysant sa puissance. […] avec ces furieuses maladies anglaises dont je parlais au commencement de ce chapitre, et que n’aurait jamais eues le lumineux bon sens de Macaulay s’il était demeuré fidèle à ses naturelles facultés.
… Le poète bucolique de Marie, devenant le poète lyrique de La Fleur d’or, de cette fleur qui veut être encore le genêt des landes abandonnées, mais qui ne l’est plus, Brizeux perdit le naturel de sa manière, et en le perdant il perdit tout, car il n’avait que cela. […] Wordsworth qui, moins local que Brizeux, a peint comme lui des paysans, des colporteurs, des charretiers, des mendiants, des fileuses, des femmes qui vont au lavoir, tous ces êtres de réalité naturelle, pittoresque et charmante, plus près que nous de la poésie des choses, Wordsworth a des manières de les regarder très-nouvelles, et nous nous permettrons de dire : très-inventées, car on invente pour arriver au vrai.
Elle fut nulle sur M. de Lamartine, chantre tout d’abord de sensibilité et d’âme, qui méconnut longtemps le naturel d’André sous la science des formes, mais qui lui rend justice aujourd’hui, de même qu’il apprécie la tournure exquise de Pétrarque, après l’avoir, dans le principe, peu goûté.
Après quoi, coupant court à une tâche sans cesse recommençante et qui n’a aucune raison naturelle de finir, nous prendrons, s’il se peut, congé du présent pour quelque Étude moins mobile, pour quelque œuvre plus recueillie.
Je l’ai jeté, exprès dans un commandement isolé et en chef, car je ne crois pas au proverbe que pour savoir commander il faut savoir obéir. » La campagne de Prusse donna au prince Jérôme une occasion de prouver la bonté naturelle de son cœur.
Il n’y a plus de démocratie absolue ; il n’y a plus d’aristocratie retranchée : nous tous, enfants d’un même pays, nous nous divisons inégalement et à l’infini en deux classes qui se modifient, se pénètrent et travaillent à se refondre chaque jour en vertu d’un va-et-vient aussi naturel que l’est dans le corps la circulation du sang ; parents riches et parents pauvres, voilà toute la différence.
Il ne peut être question de bonheur positif obtenu par elle, puisqu’elle ne doit sa naissance qu’à une grande douleur, qu’on croit adoucir en la faisant partager à celui qui l’a causée ; mais il n’est personne qui, dans diverses circonstances de sa vie, n’ait ressenti l’impulsion de la vengeance ; elle dérive immédiatement de la justice, quoique ses effets y soient souvent si contraires : faire aux autres le mal qu’ils vous ont fait, se présente d’abord comme une maxime équitable ; mais ce qu’il y a de naturel dans cette passion ne rend ses conséquences ni plus heureuses, ni moins coupables ; c’est à combattre les mouvements involontaires qui entraînent vers un but condamnable, que la raison est particulièrement destinée ; car la réflexion est autant dans la nature que l’impulsion.
À leur tête, le roi, qui a fait la France en se dévouant à elle comme à sa chose propre, finit par user d’elle comme de sa chose propre ; l’argent public est son argent de poche, et des passions, des vanités, des faiblesses personnelles, des habitudes de luxe, des préoccupations de famille, des intrigues de maîtresse, des caprices d’épouse gouvernent un État de vingt-six millions d’hommes avec un arbitraire, une incurie, une prodigalité, une maladresse, un manque de suite qu’on excuserait à peine dans la conduite d’un domaine privé Roi et privilégiés, ils n’excellent qu’en un point, le savoir-vivre, le bon goût, le bon ton, le talent de représenter et de recevoir, le don de causer avec grâce, finesse et gaieté, l’art de transformer la vie en une fête ingénieuse et brillante, comme si le monde était un salon d’oisifs délicats où il suffit d’être spirituel et aimable, tandis qu’il est un cirque où il faut être fort pour combattre, et un laboratoire où il faut travailler pour être utile Par cette habitude, cette perfection et cet ascendant de la conversation polie, ils ont imprimé à l’esprit français la forme classique, qui, combinée avec le nouvel acquis scientifique, produit la philosophie du dix-huitième siècle, le discrédit de la tradition, la prétention de refondre toutes les institutions humaines d’après la raison seule, l’application des méthodes mathématiques à la politique et à la morale, le catéchisme des droits de l’homme, et tous les dogmes anarchiques et despotiques du Contrat social Une fois que la chimère est née, ils la recueillent chez eux comme un passe-temps de salon ; ils jouent avec le monstre tout petit, encore innocent, enrubanné comme un mouton d’églogue ; ils n’imaginent pas qu’il puisse jamais devenir une bête enragée et formidable ; ils le nourrissent, ils le flattent, puis, de leur hôtel, ils le laissent descendre dans la rue Là, chez une bourgeoisie que le gouvernement indispose en compromettant sa fortune, que les privilèges heurtent en comprimant ses ambitions, que l’inégalité blesse en froissant son amour-propre, la théorie révolutionnaire prend des accroissements rapides, une âpreté soudaine, et, au bout de quelques années, se trouve la maîtresse incontestée de l’opinion À ce moment et sur son appel, surgit un autre colosse, un monstre aux millions de têtes, une brute effarouchée et aveugle, tout un peuple pressuré, exaspéré et subitement déchaîné contre le gouvernement dont les exactions le dépouillent, contre les privilégiés dont les droits l’affament, sans que, dans ces campagnes désertées par leurs patrons naturels, il se rencontre une autorité survivante, sans que, dans ces provinces pliées à la centralisation mécanique, il reste un groupe indépendant, sans que, dans cette société désagrégée par le despotisme, il puisse se former des centres d’initiative et de résistance, sans que, dans cette haute classe désarmée par son humanité même, il se trouve un politique exempt d’illusion et capable d’action, sans que tant de bonnes volontés et de belles intelligences puissent se défendre contre les deux ennemis de toute liberté et de tout ordre, contre la contagion du rêve démocratique qui trouble les meilleures têtes et contre les irruptions de la brutalité populacière qui pervertit les meilleures lois.
Nous avons fixé les moments et les œuvres où il faut appeler l’intelligence ; le reste du temps, dans nos autres occupations, nous n’en usons point ; il nous semble naturel de ne rien lui demander : c’est comme un outil que l’on serre après le travail pour lequel il a été fait.
Il y a, pour le moins, deux choses que les bonnes âmes de tous les pays et aussi, j’en suis sûr, du pays d’Allemagne trouveraient toutes naturelles et toutes simples, mais dont les politiques, je ne l’ignore pas, déclareraient l’entreprise impossible et absurde, bien que ces fortes têtes n’en apportent d’autres preuves que leurs affirmations et leur chétive expérience.
Je crois vraiment que quelques-uns des événements les plus heureux de notre littérature, et par exemple l’épuration et l’affinement de la langue dans la première moitié du dix-septième siècle, l’entrée des sciences politiques et naturelles dans le domaine littéraire au dix-huitième, le mouvement sentimental et naturiste provoqué par Jean-Jacques, et l’évolution romantique suivie de l’évolution réaliste qu’a suivie la réaction idéaliste, un peu trouble, à laquelle nous assistons, ne se seraient point accomplis aussi vite sans les snobs.
et s’il fut plus coupable que nous ne souhaiterions, dans quelle mesure fut-il excusé par l’agacement si naturel que donne un homme de génie à un homme extrêmement intelligent, et par l’impossibilité où étaient les deux amis de se comprendre et de se pénétrer, impossibilité que leur intimité même devait rendre plus irritante ?
Silvestre est le plus naturel des humoristes ; il n’a pas son pareil pour nous faire rire avec la moindre des choses, un rectum, un sphincter, un intestin gicle, des légumes, des déjections, moins encore, un nombril et ses dépendances : avec ça, il vous trousse un petit conte gaillard.
En notre temps notoirement pratique, où, si peu de chose se créent, du moins aucune ne se perd, le jeune homme qui sait tourner avec une égale aisance, et au gré du jury, une « lettre de Varius à Virgile pour lui faire compliment des Géorgiques », ou un « billet de Maucroix à La Fontaine pour le féliciter de ses Fables », le jeune bachelier songe à ne pas laisser inexploité l’heureux produit d’un naturel de choix et d’une éducation de luxe.
Il était donc tout naturel que la Mécanique Céleste fût le premier modèle de la Physique Mathématique ; mais depuis cette Science, a évolué ; elle évolue encore, elle évolue même rapidement.
Laissez la pensée venir à vous, avec son vêtement naturel, qui est la parole ; ne l’appelez pas, ne la pressez pas.
La division de l’Europe est trop grande pour qu’une tentative de domination universelle ne provoque pas très vite une coalition qui fasse rentrer la nation ambitieuse dans ses bornes naturelles.
Les Philosophes eux-mêmes ont si bien reconnu sa puissance à cet égard, qu’ils n’ont pas dédaigné d’en emprunter la parure, toutes les fois que leurs talens naturels leur ont permis d’en faire usage.
On voulut jetter du ridicule sur toutes ses beautés ; prouver qu’il n’avoit réussi dans aucun genre : Qu’il avoit manqué le pastoral dans ses bucoliques, ouvrage admirable par les graces simples & naturelles, par l’élégance & la délicatesse, par cette pureté de langage qui le caractérisent ; le didactique dans ses géorgiques, poëme le plus travaillé de tous ceux qu’il nous a laissés, & qu’on peut appeller le triomphe de la poësie Latine ; l’épique dans son énéide, chef-d’œuvre de l’esprit humain, qu’Auguste ne pouvoit se lasser de lire, & la tendre Octavie de récompenser, jusqu’à faire compter à l’auteur dix grands sesterces pour chaque vers, ce qui montoit à la somme de 325 000 livres.
Les Romains, excédés du fréquent récit des poësies de leur prince, le reconnoissoient aisément à ces vers, de même qu’à cet autre, cité par Sénéque, dans le premier livre de ses questions naturelles** : On voit briller le cou de l’oiseau de Cythère.
Des antithèses, des pointes, quelques pensées brillantes, des applications & des allusions plus forcées qu’heureuses, un ton continuel de fadeur & de galanterie, le stile le plus enjoué, le plus fleuri, le plus ingénieux, mais le moins naturel ; un stile propre à mettre en réputation un auteur de son vivant, & qui bientôt après le fait oublier.
Il est bien supérieur au poëme de Gai sur l’évantail, poëme cependant dicté par les graces, le naturel & la fine plaisanterie.
qu’il faut battre ceux qui sont d’un naturel stupide.
Ainsi l’amour que les bons poëtes de la Grece avoient mis dans leurs ouvrages touchoit infiniment les romains, parce que les grecs avoient dépeint cette passion avec ses couleurs naturelles.
Des titres, des actes brûlés en 93 ; — cet homme qui pue l’absinthe… Tout ça n’est pas naturel.
Taine ressent ces impressions de deux ordres si tranchés : le plus grand plaisir devant les choses naturelles, devant les champs, les montagnes, la mer, les heures diverses du soleil, et un dégoût passionné des individus qu’il rencontre ou, plus exactement, des conditions de vie où ils se meuvent.
Mais, si elle ne s’était pas dégagée plus tôt, c’est justement parce qu’elle était naturelle à l’esprit français, esprit souple et vivant, qui n’a rien de mécanique ou d’artificiel, esprit éminemment sociable aussi, qui répugne aux constructions individuelles et va d’instinct à ce qui est humain.
Après avoir remarqué, dans sa description de Tanagre, que les habitants de cette ville ont su le mieux, parmi les Grecs, régler ce qui concerne le culte divin, toujours attentifs à placer les temples à part, dans un lieu pur, loin de l’habitation des hommes, il ajoute, apparemment par cette liaison d’idées naturelle entre le culte et la poésie : « Le tombeau de Corinne28, qui seule, à Tanagre, a fait des hymnes, est placé dans le lieu le plus découvert de la ville.
Elle s’y est montrée intéressante, originale par endroits, zélée chercheuse de naturel et de vérité. […] Regnard est un esprit fort court, mais un bon vaudevilliste en vers et un excellent écrivain, très naturel et très franc, encore qu’un peu négligent et lâché pour mon goût. […] Je savais qu’il avait été fort admiré de son temps, que l’on opposait son naturel à l’affectation de Dorat, et que Voltaire l’appelait son cher Tibulle. […] Sarcey conte comme un ange, — un ange dru d’encolure et bien entripaillé, — avec un naturel, une verve, une bonhomie, un copieux qui sont une joie pour le lecteur. […] Les personnages ont l’air assez souvent de se moquer d’eux-mêmes ; et pourtant ils sont très sincères, très naturels et très vrais.
Et nous trouvons presque un plus grand plaisir à entendre exprimer d’une manière si juste des sentiments qui ne sont pas les nôtres, qu’à entendre même les nôtres, quelquefois, contrefaits par des expressions où l’on ne sent point le naturel, et qui les faussent en les exagérant ou en les simulant. A plus forte raison est-ce une joie vive pour le lecteur lorsqu’avec le style le plus naturel l’écrivain exprime les pensées les plus justes et les sentiments les plus vrais. […] De là vint, par une réaction excessive mais naturelle après ce décousu immense, la triple tyrannie des trois unités, qui sans doute fut accueillie d’abord avec joie, comme l’est quelquefois, dans l’ordre politique, le despotisme après l’anarchie. […] Chacun connaît son jaloux naturel, Le montre au doigt, comme un fou solennel, Et ne croit pas, en sa bonne écriture Qu’il fasse mieux. […] Elle est, au contraire, tout ce qu’il y a de moins naturel et de plus invraisemblable.
Quant aux Italiens, ce sont ses créanciers naturels. […] Ses rivaux devaient être plus ronflants ; il était, lui, plus naturel. […] Toujours est-il que, pour Shakespeare comme pour Molière, l’idéal rêvé était le naturel. […] Il joua la Flèche dans L’Avare, Oronte dans Monsieur de Pourceaugnac, et, chose plus singulière pour nous, mais toute naturelle alors, Madame Pernelle dans Tartuffe. […] Et cette dernière découverte, qui date d’un mois à peine (avril 1873), servira de conclusion naturelle au présent volume.
Manque d’expérience de coulisses, jeunesse trop littéraire des organisateurs, maladresses bien naturelles de personnes trop délicates, pour être habiles, etc. ! […] D’où de naturelles péripéties qu’une manière de fatalité, qu’autrefois il appelait être « saturnien » et qu’à présent il nomme moins baudelairement le train-train de l’existence, commande. […] Ici l’auteur déploie la même étonnante facilité pleine d’une savoureuse maîtrise, il n’y a pas moyen d’en disconvenir dès le premier charme éprouvé pour goûter les plus littéraires vertus de ces vers infiniment plus complexes, tout en restant exquisement naturels et mieux que naturels, qu’un lecteur superficiel n’en conviendrait. […] Othello, sa décision enfin prise, ne succombe-t-il pas à une fureur parfaitement naturelle et directe ? […] Mais le Gothique de Barnards’ Inn est sincère, naturel et merveilleux en sa simplicité.
La doctrine des frontières naturelles et celle du droit des populations ne peuvent être invoquées par la même bouche, sous peine d’une évidente contradiction. […] Une société n’est forte qu’à la condition de reconnaître le fait des supériorités naturelles, lesquelles au fond se réduisent à une seule, celle de la naissance, puisque la supériorité intellectuelle et morale n’est elle-même que la supériorité d’un germe de vie éclos dans des conditions particulièrement favorisées. […] La monarchie est si naturelle à la France, que tout général qui aurait donné à son pays une éclatante victoire serait capable de renverser les institutions républicaines. […] Il y aurait trop d’inconvénients à ce qu’elle pût choisir la personne à laquelle elle donnerait sa procuration politique ; mais la femme qui a son mari, son père, ou bien un frère, un fils majeurs a des procureurs naturels, dont elle doit pouvoir, si j’ose le dire, doubler la personnalité le jour du scrutin. […] Leurs auditeurs naturels sont à l’École normale, à l’École polytechnique, où ils reçoivent le même enseignement, mais sans rien sentir du mouvement salutaire, de la communauté d’esprit que crée l’université.
Cet article lui a paru former une introduction toute naturelle à ces Nouvelles Pages. […] Les impressions parmi lesquelles grandit Mérimée devaient accentuer cette naturelle tendance au pessimisme. […] Il s’agit de rendre cette mélodramatique aventure naturelle, j’allais dire quotidienne. […] Mais, tout jeune, ne trouvait-il pas naturel d’envoyer comme cadeau, à sa sœur Pauline, la Logique de Condillac ? […] Quand il s’impose ainsi à l’écrivain, avec cette force d’obsession, il devient aussi naturel que le roman contemporain le plus personnel.
N’ont-ils pas, en revanche, d’autres vertus : plus de spontanéité, plus de liberté, plus de naturel ? […] Faisons la part du pessimisme naturel à l’imagination douloureuse de M. […] Le regard n’est-il pas la voie naturelle pour sortir de nous-mêmes ? […] Aucun artiste n’a excellé plus que vous à se servir du naturel pour faire accepter la nuance. […] Elles leurs sont naturelles.
Ce teint olivâtre, cette barbe noire, ce crâne nu, ces yeux arabes énormes, brillants, tout cela s’enflamme du feu le plus naturel à la vue de mes cheveux blonds et de ma peau blanche. […] J’avais une robe chastement révélatrice, d’une étoffe collante et élastique, et j’étais coiffée comme Psyché, les cheveux relevés sur la tête par un nœud de boucles naturelles. […] J’admets que vous n’avez eu pour vous en aller aucune raison de force majeure et que tout en ayant le cœur sensible vous songiez aux affaires, rien de plus naturel. […] Vous vous défiez, c’est très naturel. […] Cette lettre s’adresse à un grand écrivain, à un artiste, à un savant, elle est donc toute naturelle à mon avis.
Un buste de jeune fille, de grandeur naturelle, est l’objet d’art colossal de cette galerie : c’est un véritable chef-d’œuvre. […] Méphistophélès. — C’était bien naturel. […] Il le savait si bien qu’il livrait en lui-même, à toute heure, un combat acharné à cette ivresse naturelle. […] Mais c’était sa manière ordinaire, sa façon de dire naturelle. […] La gaieté était l’exception, l’effort ; le chagrin était l’habitude, le naturel.
Maupassant, dans ses derniers romans, s’y adonne de tout son cœur ; Hennique avait dès longtemps lâché ; Huysmans n’avait, lui, jamais pris pied dans la vulgarité naturelle. […] N’est-ce pas bien naturel, bien humain ? […] Ce n’est pas une pose, ce n’est pas une maladie, c’est un état naturel. […] Maintenant, dans chaque école il y a quelques poètes qui ont du talent, ce qui est bien, et beaucoup qui n’en ont pas, ce qui est très naturel. […] On se croit en droit d’exiger de ceux-ci des déductions où la morale induit le moraliste, alors que la poésie n’a pas d’autre essentiel et naturel objet que la Beauté.
Son domaine s’est agrandi de mille excursions heureuses à travers les littératures étrangères, où se sont développées deux facultés naturelles à l’esprit français : l’expansion et l’assimilation. […] Il était tout naturel qu’avant de les entretenir de poëtes grecs et d’historiens romains il les entretînt d’un sujet plus agréable à tous ; et quoi de plus agréable pour eux et même pour lui que de leur parler de M. de Lamartine ? […] Ce qu’ils roulaient, ce que leur prêchaient leurs philosophes, ce qui alléchait à la fois leur passion et leur génie, c’était l’égalité ; l’égalité des droits, ce premier élément de la loi naturelle retrouvée par Rousseau et ses émules, sous le détritus d’une civilisation pourrie. […] On dirait — et la comparaison serait juste de tous points — un gentilhomme reçu dans une compagnie de princes, de grands seigneurs et de belles dames, s’y trouvant à l’aise comme dans sa sphère naturelle, et, sans leur manquer de respect, leur montrant qu’il sait ce qu’il vaut et ce qu’ils valent. […] Mais ceci n’est pas seulement le fait d’une préférence bien naturelle et d’une galanterie bien rétrospective ; c’est aussi clairvoyance et justice.
Rien de plus naturel, pourtant : entre la vie haïssable et la mort désirée, il y a la maladie, avec son cortège d’épouvantements plus horribles encore quand une épidémie sème autour d’elle la crainte, l’égoïsme et la cruauté. […] Je crois que la plupart des peintures dont vous parlez sont plutôt des peintures d’histoire naturelle de la partie animale de l’homme. […] Lui est-elle naturelle, ou l’a-t-il apprise par un effort d’intelligence et de cœur, à force de vivre avec Dante et les quattrocentistes ? […] « Le caractère exceptionnel est celui dans lequel toutes ou presque toutes les forces naturelles qu’il a en germe ont pu se développer avec une ampleur et une richesse que les mille circonstances sociales tolèrent rarement. » Les moyens artistiques de M. […] Ou, plus exactement, on croit qu’un causeur habile vous a conduit dans un panorama et vous a montré de petits tableaux à travers un verre grossissant, en vous racontant ses petites impressions particulières, que sa sensibilité facile et sa faconde naturelle exagèrent et multiplient.
On le disoit fils naturel de Vincent Galiléi, noble Florentin ; mais sa naissance, loin de diminuer son mérite, ne fit que le relever davantage. […] Ses chants sont naturels, mélodieux, insinuans & faciles ; tout le monde les retient(*). […] En effet, on rapporte que, pour donner de l’éclat & l’air naturel à une statue, on y faisoit anciennement appliquer, par une main habile, le vernis & la couleur. […] Il établit ses principes, en distinguant l’ordre naturel & l’ordre surnaturel, la prédestination à la grace & la prédestination à la gloire, la grace prévenante & la coopérante. […] Outre la passion naturelles, aux Allemands, pour les voyages, il en avoit une toute particulière, & qui pensa même lui être funeste.
Aussi les commentateurs n’ont pas manqué de mettre le Traité de l’âme en tête de ces admirables et nombreux ouvrages qui composent l’histoire naturelle dans l’encyclopédie d’Aristote. […] Suivant lui, l’étude de l’âme n’est qu’une partie de l’histoire naturelle ; elle n’appartient en rien à la métaphysique, à la philosophie première. […] Cette science, l’histoire naturelle, il la possède comme personne ne l’a possédée avant lui, comme depuis lors personne peut-être ne l’a possédée. […] Ce sont évidemment des matériaux préparés pour son Histoire naturelle ou Histoire des animaux.
Quelque grandes que puissent paraître les oppositions entre ces diverses formes de l’intelligence, elles ne peuvent être rien autre chose que des modes particuliers de l’ajustement des rapports internes aux rapports externes, ou des portions particulières de ce processus d’ajustement… » III Après avoir esquissé à grands traits la genèse de la vie psychique, après l’avoir vue sortir peu à peu de la vie organique et animale et constituer un ordre de faits assez vaste pour devenir l’objet d’une étude spéciale, il nous reste à aborder cette étude, à montrer comment les phénomènes psychologiques les plus complexes sortent des plus simples en vertu d’un processus naturel. […] « Il est assez naturel que le sujet de tels changements psychiques dise qu’il veut l’action ; car, considéré au point de vue psychique, il n’est en ce moment rien de plus que l’état de conscience composé par lequel l’action est excitée. […] Il ne réclame en sa faveur qu’une seule concession : c’est que de toutes les théories, elle est la plus simple, la plus naturelle, et surtout celle qui s’appuie sur le plus grand nombre de faits positifs. […] Percevoir un objet spécial, déterminé, concret, c’est le ranger dans la même catégorie que ceux qui lui ressemblent ; et comme cette classification s’opère spontanément, coordonne les attributs par un procédé naturel, on peut appeler la perception une classification organique.
C’était naturel, mais était-ce juste ? […] C’était certainement celle de Béranger, comme ce fut la nôtre, comme ce sera celle de tout homme sensé et patient qui ne voudra pas substituer son impatience au progrès naturel et spontané des peuples. […] Avec cette flexibilité de caractère qui est la faiblesse et la grâce de la jeunesse, il est naturel qu’il y ait admiré ces maîtres ; on comprend qu’il ait été possédé, au début, d’une certaine émulation pour rivaliser de jovialité et de gaudriole avec eux. […] Il est donc très naturel qu’à mon entrée dans la vie et dans les lettres, j’aie porté et signé le nom qui était légitimement celui de notre famille.
Une hiérarchie naturelle et ascendante faisait, année par année, passer le berger d’agneaux au rang de berger de génisses, de berger de génisses au rang de toucheur de bœufs, du rang de toucheur de bœufs à celui de valet de charrue, du rang de valet de charrue à celui de conducteur de chevaux, chargé d’aller toutes les semaines conduire aux marchés les chars de grains et d’en rapporter le prix au maître. […] L’Odyssée est l’histoire de toutes les fidélités du cœur aux devoirs naturels : fidélité du père, dans Ulysse, à sa patrie et à sa famille ; fidélité de l’épouse, dans Pénélope, à son mari ; fidélité du fils, dans Télémaque, à son père ; fidélité des serviteurs, dans Eumée, à son roi ; fidélité de l’esclave, dans Euryclée, à sa maîtresse ; fidélité du chien lui-même, dans Argus, à son maître ; et tout cela dans un cadre immense de paysages, de scènes champêtres, de scènes maritimes, de mœurs diverses, mais toutes fraîches et primitives, qui rendent la bordure aussi intéressante que le sujet. […] Entre les racines gonflées de siècles de ce hêtre, un puits naturel, dont on pouvait toucher l’eau avec la main, paraissait dormir sous un nuage de feuilles mortes, tombées du hêtre sur son orifice. […] Les étrangers et les pauvres nous sont envoyés par les dieux. » Notre mère s’interrompit ici pour nous faire remarquer combien l’hospitalité, cette sœur aînée de la charité, était antique, et combien la divine Providence avait mis de tout temps, dans la conscience des hommes, les vertus naturelles nécessaires à la société humaine. « Ne voyez-vous pas tous les jours cette scène de respect pour l’âge et pour la misère à la porte de la cour de votre oncle ?
Car il est incontestable qu’un nombre en surpasse un autre quand il figure après lui dans la série naturelle des nombres : mais si l’on a pu disposer les nombres en ordre croissant, c’est justement parce qu’il existe entre eux des rapports de contenant à contenu, et qu’on se sent capable d’expliquer avec précision en quel sens l’un est plus grand que l’autre. […] Mais les mouvements automatiques qui tendent à suivre l’excitation subie, et qui en constitueraient le prolongement naturel, sont vraisemblablement conscients en tant que mouvements : ou bien alors la sensation elle-même, dont le rôle est de nous inviter à un choix entre cette réaction automatique et d’autres mouvements possibles, n’aurait aucune raison d’être. […] Si l’on admet, en effet, qu’une sensation puisse être plus forte qu’une autre sensation, et que cette inégalité réside dans les sensations mêmes, indépendamment de toute association d’idées, de toute considération plus ou moins consciente de nombre et d’espace, il est naturel de chercher de combien la première sensation surpasse la seconde, et d’établir un rapport quantitatif entre leurs intensités. […] Car, dès qu’une chose est reconnue susceptible de grandir et de diminuer, il semble naturel de chercher de combien elle diminue, de combien elle grandit.
L’honneur de Richelieu est de l’avoir senti avec une énergie ardente et un indomptable génie d’exécution : le malheur de Rohan, celui de sa position, est de n’avoir pu le sentir, d’avoir été l’allié naturel et comme nécessaire de l’étranger, de quiconque était alors l’ennemi de la patrie, d’avoir continué de penser là-dessus comme un seigneur féodal en retard, devenu républicain par rencontre, et qui, en vue d’une conviction religieuse particulière, usait de tous les moyens de défense, sans se douter de ce qu’il allait choquer au sein de cet autre sentiment moral et religieux aussi, de ce sentiment patriotique, tout à l’heure universel. […] Richelieu et son ardeur en cette périlleuse entreprise, l’affection qu’il met aux choses et qui le consume, éclatent en mille traits de feu dans son récit : Cependant, dit-il en un endroit, tandis que le cardinal employait tout l’esprit que Dieu lui avait donné à faire réussir le siège de La Rochelle à la gloire divine et au bien de l’État, et y travaillait plus que les forces de corps que Dieu lui avait départies ne lui semblaient permettre, on eût dit que la mer et les vents, amis des Anglais et des îles, s’efforçaient à l’encontre et s’opposaient à ses desseins… Prendre La Rochelle avant toute chose, promptement et sans rémission cette fois, c’est là son idée fixe ; c’est, selon lui, le premier remède à tout, et il y faut employer tous les moyens, toutes les inventions imaginables sans en omettre aucune ; car « de la prise de La Rochelle dépend le salut de l’État, le repos de la France, le bonheur et l’autorité du roi pour jamais. » Y aura-t-il un État dans l’État, un allié naturel et permanent de l’étranger parmi nous, un port et une porte ouverte aux flancs du royaume ?
L’aîné des fils du prince Guillaume était l’héritier présomptif du trône, et celui qui succédera en effet à Frédéric ; mais ce cadet aimable et charmant avait séduit le héros par les plus heureuses qualités naturelles, et faisait sa secrète joie… Tu Marcellus eris ! […] Frédéric vit le bon côté, le côté sérieux de ce succès de son frère dans l’opinion : Le public en France, lui écrivait-il (13 septembre 1784), suit ce droit bon sens naturel qui voit les objets sans déguisement ; mais les ministres ont bien d’autres réflexions à faire, dont la principale roule sur leur conservation… Mais j’ose me flatter que votre séjour disposera les esprits en notre faveur, et que si la France voit enfin qu’elle est obligée de revirer de système, elle nous choisira comme son pis-aller.
Voilà comme je raisonne : dites-moi présentement votre avis… Ces paroles de Louis XIV ont été citées un peu diversement ; il les redit au duc d’Harcourt pendant le siège de Landrecies, et il dut les répéter à peu près dans les mêmes termes : mais c’est à Viliars qu’il est naturel qu’il les ait dites d’abord ; et il est mieux qu’on les lise de la sorte dans le langage grave et simple, familier au roi, avec leur tour de longueur, et sans aucune ostentation, sans aucune posture à la Corneille. Car notez bien une distinction, très essentielle selon moi : si Louis XIV nous paraît avec raison un peu auguste et solennel, il était naturel aussi, il n’était jamais emphatique, il ne visait pas à l’effet.
Il est partagé entre la crainte de la maladie et sa gourmandise naturelle. […] Nous ne regrettons pas qu’il y perde ; le seul danger serait qu’en le lisant mal, et en s’emparant des circonstances triviales qui étaient la pâture naturelle de son esprit, on n’ôtât quelque chose au grand évêque, qui ne lui accorda jamais d’ailleurs, on ne saurait trop le redire, qu’une confiance très limitée.
J’aimerais la santé, la force, un enjouement naturel, les richesses, l’indépendance, et une société douce ; mais comme tous ces biens sont loin de moi, et que les autres me touchent fort peu, tous mes désirs se concentrent, et forment une humeur sombre que j’essaye d’adoucir par toute sorte de moyens. […] Cet aveu-là est bien naturel, mais ne vous met-il pas en colère ?
Jean Rou avait pour aïeul maternel Jean Toutin, célèbre orfèvre-joaillier : celui-ci, étant allé à une de ses métairies pour une réparation, y vit deux scieurs de long à l’œuvre et, prenant plaisir à leur naturel d’attitude et de mouvement, il en fit un petit dessin qu’il s’amusa ensuite à graver à l’eau-forte. […] Au point de vue de la description des caractères et de l’observation naturelle des talents, l’étude de Marolles a sa moralité particulière : il nous apprend à ne mépriser personne.
Ce récit, fort imprévu de la part d’un tel homme, est simple, naturel, exempt (ce qu’on aura peine à croire) de toute déclamation, et empreint d’un cachet de vérité que j’aime avant tout dans les écrits de ce genre. […] J’en viens au récit qu’il a donné lui-même de ses premières années, récit très simple, très naturel, je l’ai dit, philosophique d’impression et de résultat, mais nullement révolutionnaire de forme et de langage.
Murray, frère de lord Elibank : « Je n’eus, dit-il, des yeux et des oreilles que pour regarder Mme de Boufflers et l’écouter ; tout ce qu’elle me disait me paraissait tourné différemment de ce que disaient les autres : je n’ai vu qu’elle qui ne perdît rien de son naturel, en ayant toujours de l’esprit. » Elle projetait d’aller à Londres aussitôt la paix faite, et elle mit ce projet à exécution. […] Outre le droit qu’elle a sur mon admiration et ma reconnaissance, elle en a un tout particulier sur cet agréable travail33, entrepris sous ses auspices : je lui en fais l’hommage avec mystère, parce que je ne puis le faire à découvert ; ceux qui ont éprouvé le doux transport qu’excite dans l’occasion le souvenir d’un bienfait signalé, ne désapprouveront pas que mon cœur cherche à se soulager lorsqu’il ne peut se satisfaire ; ils ne seront pas surpris de me voir ajouter que dans mes regrets d’être obligé de taire l’illustre Objet de sentiments si légitimes, si naturels, et qui ne demandent qu’à se produire, je me console quelquefois par l’espérance qu’on le devinera, sans que j’aie couru le risque de tomber dans le malheur de lui déplaire. » On me dira que c’est là une Épître dédicatoire ; mais cette Épître ne portant aucun nom, elle n’est évidemment pas pour la montre ; c’est la reconnaissance toute pure qui s’épanche, et tout ce que nous savons, c’est que l’humble auteur anonyme, du temps qu’il était moine, ayant été rencontré par Mme de Boufflers dans le jardin d’un couvent où elle était entrée par hasard, avait profité de l’occasion pour l’intéresser au récit de ses malheurs ; il lui avait dit tous les dégoûts qu’il avait à essuyer dans sa profession ; et elle, touchée de son sort, l’avait fait relever de ses vœux, avait pris soin de sa fortune et, avec la liberté, lui avait rendu le bonheur.
Ses jugements, qu’elle n’écrivait que pour elle seule, sont trop naturels et trop en déshabillé peut-être pour pourvoir être donnés au public sans quelque préparation ; des gens d’esprit qui les ont cités s’y sont mépris tout les premiers : ils ont cru voir de l’agitation et une ardeur inquiète là où il n’y avait qu’un emploi tranquille et animé des heures. […] On ne savait si elle descendait au vôtre ou si elle vous élevait au sien, tant il y avait de naturel dans sa personne. » Vous avez lu Chateaubriand, vous venez de lire Lamartine sur le même sujet, en face du même modèle : vous voyez maintenant ce qu’une bienveillance sympathique peut ajouter de perspicacité de coup d’œil et de vérité de couleur, même au génie.
Dans l’auteur espagnol, c’est mieux : le père a indiqué un rendez-vous exact à son fils dans un lieu écarté : ce qui est tout naturel. […] Dans la pièce espagnole, c’est don Arias qui suggère l’idée de tenter cette épreuve sur le cœur de Chimène et de faire annoncer par un domestique la mort de Rodrigue ; et il y a cela de bien et de naturel que le vieux don Diègue, en entendant ce faux rapport, se dit à part soi dans son cœur de père : « Ces nouvelles, quoique je les sache fausses, m’arrachent des larmes. » A la brusque nouvelle de la mort de Rodrigue, Chimène s’est trahie ; elle a changé de couleur et va se pâmer : le roi se hâte de la détromper pour la faire revenir ; mais il s’est trop pressé, le bon roi, et Chimène se dédit par ce vers : « Sire, on pâme de joie ainsi que de tristesse. » Ceci est pris dans l’espagnol.
D’un autre côté, un désir constant, qui semble résister à tous les obstacles et triompher des répugnances naturelles les plus vives, n’offre-t-il pas un caractère de vocation digne au moins d’être examiné ? […] Quant aux passions naturelles à la jeunesse, il se les interdit de bonne heure et les supprima ; si l’on essaie de regarder de ce côté, on entrevoit qu’il en a senti seulement la violence et l’âpreté, non la tendresse.
, au moment de la mort de Casimir Perier, nous le montre au naturel et ne se surfaisant pas les choses : « 4 mai (1832). […] Talleyrand libre de toute crainte donna cours à son despotisme naturel.
Note C’est ici le lieu tout naturel de parler de mes premières relations avec George Sand. […] Elle a su être naturelle sous les systèmes, comme elle s’est trouvée passionnée sous ses magnificences de talent. — Je dis encore bien des choses que j’ai besoin qu’on aille chercher en moi en m’interrogeant ; car, seul et abandonné à moi-même, j’aime mieux laisser dormir, sans en remuer les abîmes, tous ces beaux lacs profonds du passé. »
Non, il n’est pas indispensable, pour provoquer en nous cette vive et profonde intelligence des choses naturelles, de s’en aller bien loin, au-delà des mers, parcourant les contrées aimées du soleil et la patrie des citronniers, se balançant tout le soir dans une gondole, à Venise ou à Baïa, aux pieds d’une Elvire ou d’une Guiccioli. […] Rien ne saurait mieux donner idée du degré de défaveur que la réputation de Boileau encourait à un certain moment, que de voir dans l’excellent recueil intitulé l’Esprit des Journaux (mars 1785, page 243) le passage suivant d’un article sur l’Épître en vers, adressé de Montpellier aux rédacteurs du journal ; ce passage, à mon sens, par son incidence même et son hasard tout naturel, exprime mieux l’état de l’opinion courante que ne le ferait un jugement formel : « Boileau, est-il dit, qui vint ensuite (après Regnier), mit dans ce qu’il écrivit en ce genre la raison en vers harmonieux et pleins d’images : c’est du plus célèbre poëte de ce siècle que nous avons emprunté ce jugement sur les Épîtres de Boileau, parce qu’une infinité de personnes dont l’autorité n’est point à mépriser, affectant aujourd’hui d’en juger plus défavorablement, nous avons craint, en nous élevant contre leur opinion, de mettre nos erreurs à la place des leurs. » Que de précautions pour oser louer !
La femme qui se déshabille pour se donner à un homme dépouille avec ses vêtements toute sa personne sociale ; elle redevient pour celui qu’elle aime ce qu’il redevient, lui aussi, pour elle : la créature naturelle et solitaire dont aucune protection ne garantit le bonheur, dont aucun édit ne saurait écarter le malheur. » Je suis ravi de cette beauté de pensée et de forme ; mais je tourne la page et j’y trouve une « floraison » ou un « avortement » qui « dérive » d’une certaine qualité d’amour. […] Sainte-Beuve mêle avec beaucoup de grâce les deux méthodes, apprécie quelquefois, mais plus souvent décrit, juge encore les œuvres d’après la tradition, du goût classique, mais élargit cette tradition, s’applique plus volontiers, se promenant à travers toute la littérature, à faire des portraits et des biographies morales, et fournit je ne sais combien de pièces, éparses, mais exquises, à ce qu’il appelait si bien l’histoire naturelle des esprits.
Il se dit encore que l’accession possible de tous au pouvoir avait pour naturel corollaire l’accession possible de tous à la science, et à tous les degrés de la science. […] Il écrivait encore à l’empereur : « Assurons à ceux qui, par leurs qualités naturelles, leur naissance ou leur fortune, sont appelés à marcher au premier rang de la société… la culture de l’esprit la plus large… afin de fortifier l’aristocratie de l’intelligence au milieu d’un peuple qui n’en veut pas d’autre… » — Et c’est pourquoi il supprima la bifurcation en études scientifiques et littéraires, « qui sépare, disait-il, ce qu’on doit unir lorsqu’on veut arriver à la plus haute culture de l’intelligence » ; introduisit dans les lycées l’histoire contemporaine et quelques notions économiques ; restaura la classe de philosophie, si prospère aujourd’hui et suivie avec tant de passion par les mieux doués de nos enfants.
J’aime Leibniz réunissant sous le nom commun de philosophie les mathématiques, les sciences naturelles, l’histoire, la linguistique. […] Ainsi, je suis persuadé que les naturalistes tireraient de grandes lumières, pour le problème si philosophique de la classification et de la réalité des espèces, de l’étude de la méthode des linguistes et des caractères naturels qui leur servent à former les familles et les groupes, d’après la dégradation insensible des procédés grammaticaux.
« Mon cher enfant, vous dit-il, en serrant votre bras, j’ai tant aimé les sciences dans ma vie que cela me fait battre le cœur. » Toutes vos découvertes ultérieures sont sorties de celle-là par une sorte de développement naturel. […] Il ne se faisait à cet égard aucune illusion ; un an avant sa mort, il appelle encore le catholicisme « l’adversaire naturel de toutes les libertés » ; mais, tolérant pour les intolérants, il réclamait l’application abstraite des principes.
Veut-on, dans chacun de ces ordres naturels, établir d’une façon aussi rigoureuse que possible la supériorité d’une œuvre ? […] De même, sans compter les dons naturels dont ne peut se passer l’historien, il faut qu’il ait aiguisé sa pénétration, sa sagacité, qu’il ait développé en lui le sens esthétique : On peut dire, à ce propos, qu’il faut encore de l’art pour faire de la science.
On concevait si peu la loi naturelle et nécessaire du développement, que le mot si vrai de Mackintosh : « on ne fait pas les constitutions, elles se font », n’a causé d’abord que de la surprise. […] Par un progrès naturel, la classification va des ressemblances grossières à d’autres plus cachées ; dans les classes se forment les sous-classes suivant les degrés de dissemblance ; et l’esprit éliminant toujours le dissemblable, cherchant des ressemblances de plus en plus rigoureuses, tend finalement vers la notion de ressemblance complète qui suppose la non-différence.
Comme tous les mythes naturels, celui-ci prit corps. […] On sent l’esclave plier le front sous cet ascendant naturel.
Avant son mariage, il avait eu vers 1732, d’une dame française (Mme du Bouchet) qu’il avait rencontrée en Hollande, un fils naturel auquel il s’était attaché avec une extrême tendresse. […] Tout ce petit cours d’éducation par lettres offre une sorte d’intérêt dramatique continu : on y suit l’effort d’une nature fine, distinguée, énergique, telle que l’était celle de lord Chesterfield, aux prises avec un naturel honnête, mais indolent, avec une pâte molle et lente, dont elle veut à tout prix tirer un chef-d’œuvre accompli, aimable, original, et avec laquelle elle ne réussit à faire, en définitive, qu’une manière de copie suffisante et estimable.
L’esprit que Mme Geoffrin apportait dans le ménagement et l’économie de ce petit empire qu’elle avait si largement conçu, était un esprit de naturel, de justesse et de finesse, qui descendait aux moindres détails, un esprit adroit, actif et doux. […] Respectons, honorons donc la libéralité naturelle et raisonnée de Mme Geoffrin ; mais reconnaissons toutefois qu’il manque à toute cette bonté et à cette bienfaisance une certaine flamme céleste, comme il manque à tout cet esprit et à cet art social du xviiie siècle une fleur d’imagination et de poésie, un fond de lumière également céleste.
Mais il n’est pas douteux que l’importance excessive qu’il attacha à l’irrégularité que le Bulletin des lois laisse entrevoir et que nous n’avons pas ici à démêler, n’ait influé beaucoup sur son naturel et ne donne la clef de plus d’une singularité, inexplicable autrement, dans son caractère. […] Bazin, plus large et plus naturelle, très curieuse de recherches, et laissant dans l’esprit du lecteur une idée plus nette des choses et des personnages.
Il a trop de ressort, trop de fierté naturelle d’intelligence, pour se prêter, même avec d’autres que Brune, à ces rôles à la fois intimes et secondaires. […] Dès le mois de mars précédent, il avait été élevé à la dignité de duc de Raguse pour récompense de son administration vigilante et créatrice dans cette province inculte de Dalmatie : « Quatre-vingts lieues de belles routes, dit-il, construites dans les localités les plus sauvages, au milieu des plus grandes difficultés naturelles, ont laissé aux habitants des souvenirs honorables et qui ne périront jamais. » Ces travaux étaient exécutés par les troupes, qui, noblement inspirées de la pensée civilisatrice du chef, y mettaient leur orgueil comme à une victoire.
Je ne sais s’il vous plairait, je crois qu’oui à beaucoup d’égards ; dans la société, il est fort naturel et fort gai ; beaucoup de franchise ; il parle peu, est souvent distrait… Il y a des jours où M. […] … » De vouloir former cette chaîne ; comme cela est peu naturel de mouvement et de tour !
De là une intolérance naturelle qui fait que chaque nouvelle école, se croyant en possession de la vérité absolue, chasse et extermine autant qu’il est en elle les écoles antérieures, excommunie même les écoles rivales : chacune recommence éternellement la philosophie, comme si rien n’existait avant elle, comme si rien ne devait la suivre. […] Plus scientifique quant à la forme, la philosophie moderne est moins vraie que la philosophie antique : car la vérité ne se mesure pas à la rigueur apparente de la méthode, mais au don naturel qui nous la fait sentir et goûter.
Louis XII, qui n’eut qu’un enfant naturel avant d’être roi, l’enterra dans la prêtrise et l’ensevelit dans un archevêché. […] Mais il eut trois sœurs naturelles qu’il maria richement, mais sans leur donner de rang dans l’État.
Mais quoi qu’il fût d’ailleurs, il avait l’esprit, l’élégance, la tournure, la distinction, la beauté, toutes les aristocraties naturelles qui vengent de la seule qu’on n’ait pas ! Ce furent ces aristocraties naturelles qui le portèrent, d’emblée, au cœur d’une société qui avait perdu son ancienne fierté et qui ne demandait plus son blason à personne, sinon pour monter — étiquette stupide !
Il s’appliquera aussi bien à un processus naturel. […] Étant donné deux dispositifs quelconques, naturels ou artificiels, servant à la mesure du temps, étant donné par conséquent deux mouvements, on pourra appeler zéro n’importe quel point, arbitrairement choisi comme origine, de la trajectoire du premier mobile.
Et pourtant… ce qu’il y a de plus naturel chez lui dans tout cela, c’est son esprit, c’est la beauté de sa parole.
Il est en effet sorti de chaire sans aucune fatigue, et néanmoins, par précaution, il s’est mis au lit jusqu’au soir pour se reposer, et chacun l’est venu voir dans son lit. » Voilà Bossuet au naturel deux ans avant sa mort et à l’âge de soixante-quinze ans, édifiant encore ses diocésains et visité d’eux sans façon dans son lit après sa journée dominicale et pastorale.
La France entière regretta Cinq-Mars ; sa jeunesse, sa bonne mine, son ambition si naturelle à cet âge et dans cette position, l’amour caché qu’on lui supposait pour une grande princesse (Marie de Gonzague), et qui conviait son cœur à de vastes desseins, tout répandait sur lui un charme que relevait encore l’atrocité du vieux prêtre moribond.
Par principe de prudence, comme par principe d’humilité, elle affecta de se rapetisser et de s’effacer au milieu de tant de grandeurs ; les calamités de toutes sortes, qui affligeaient la France et la famille de Louis XIV, lui inspirèrent un découragement trop naturel pour ne pas être vrai, qu’il entrait dans ses vues et ses manières d’exagérer encore.
Lebrun sur la Grèce ; il faut y louer le sentiment, la grâce et l’éclat naturels à ce poète.
Lerminier porte dans son enseignement un don trop invincible et trop naturel pour qu’on en puisse faire abstraction quand on parle de lui : c’est une faculté de parole, une puissance d’enthousiasme et d’images, un génie d’improvisation, entraînant, éblouissant, exubérant, qui me fait croire, en certains endroits, à ce qu’on nous rapporte des merveilles un peu vagabondes de l’éloquence irlandaise ; de la gravité toutefois, un grand art, des illustrations de pensée empruntées à propos à d’augustes poètes ; et puis un geste assuré, rhythmique, un front brillant où le travail intérieur se reflète, et, comme on le disait excellemment sous Louis XIV, une physionomie solaire et une heureuse représentation.
Quant aux figures dépensées, ou figures de passion, d’imagination, de raisonnement, elles ont été en général constituées par des grammairiens et des rhéteurs, qui, regardant le discours par le dehors, ont pris pour adresse de langage ce qui était le mouvement naturel de l’intelligence et de l’âme.
Cela n’a point d’inconvénient toutes les fois que la fin dernière du discours est la représentation d’un état de l’imagination ou de l’âme : toutes les métaphores alors, toutes les hyperboles, toutes les figures naturelles sont bonnes, du moment qu’elles font connaître cet état d’âme ou d’imagination au lecteur ou le suscitent en lui.
Le choix des détails significatifs, le naturel et la propriété de l’expression y sont admirables.
Elle est le plus naturel, le moins laborieux, le moins concerté des paysagistes.
Outre que la toilette d’aujourd’hui respecte mieux les naturels contours de leur enveloppe mortelle (les artifices que vous savez n’en exagèrent, après tout, que les détails les plus significatifs), nos comédiennes savent mieux se composer un minois qui soit bien à elles, se coiffer et s’habiller à l’air de leur visage, la mode actuelle laissant aux femmes intelligentes une liberté presque absolue.
Son goût naturel lui a permis de traverser l’emphase des orateurs populaires et des énergumènes de réunions publiques, sans s’y noyer.
À vrai dire, la forme la plus naturelle de patronner ainsi la science est celle des siné-cures.
Histoire, Morale, Métaphysique, Eloquence, Poésie, Mathématiques, Histoire Naturelle, tout a été du ressort de son esprit pénétrant & actif, & dans les différentes matieres qu’il a traitées il ne s’est jamais montré au dessous de son sujet.
Voilant à dessein les exceptions honteuses, il inspirerait la vénération pour la vieillesse, en montrant la vieillesse toujours grande ; la compassion pour la femme, en montrant la femme toujours faible ; le culte des affections naturelles, en montrant qu’il y a toujours, et dans tous les cas, quelque chose de sacré, de divin et de vertueux dans ces deux grands sentiments sur lesquels le monde repose depuis Adam et Ève, la paternité, la maternité.
On a comparé les talens de nos bons écrivains à celui de nos femmes, qui, sans être plus belles que les autres femmes de l’Europe, le paroissent davantage ; parce qu’elles se mettent mieux, qu’elles ont porté plus loin l’art de la parure & saisi plus surement les graces nobles, simples & naturelles.
« Si enfin un artiste obéit au mobile qu’on peut appeler le besoin naturel du travail, peut-être mérite-t-il plus que jamais l’indulgence : il n’obéit alors ni à l’ambition ni à la misère, mais il obéit à son cœur ; on pourrait croire qu’il obéit à Dieu… « Bien que j’aie médit de la critique, je suis loin de lui contester ses droits, qu’elle a raison de maintenir, et qu’elle a même solidement établis.
Elle a je ne sais quoi d’original qui séduit les enfants, qui frappe la multitude, et qui corrompt quelquefois toute une nation ; mais elle est plus insupportable à l’homme de goût que la laideur ; car la laideur est naturelle, et n’annonce par elle-même aucune prétention, aucun ridicule, aucun travers d’esprit.
On n’y trouve presque point de sentimens naturels capables d’interesser.
Ils ne sçauroient juger du mérite d’un ouvrage de physique ou d’astronomie qu’en vertu de leurs connoissances acquises, au lieu qu’ils peuvent juger des vers et des tableaux en vertu de leur discernement naturel.
Jusques-là, pour ainsi dire, on n’avoit pas encore diverti le public avec des visages naturels.
Uzanne, un style de commande… D’autres ne l’acquièrent qu’au prix d’un labeur effroyable, Buffon a mis cinquante ans à écrire l’Histoire naturelle ; Pascal refait treize fois sa 18e Provinciale ; et Balzac autant de fois sa Pierrette.
Il est très naturel, au contraire.
Taine, j’éprouve plus de plaisir devant les choses naturelles que devant les œuvres d’art ; rien ne me semble égal aux montagnes, à la mer, aux forêts et aux fleuves. » A mon goût, il n’a écrit sur rien avec un sentiment plus profond et plus passionné que sur les arbres.
Nous verrons que l’intelligence humaine se sent chez elle tant qu’on la laisse parmi les objets inertes, plus spécialement parmi les solides, où notre action trouve son point d’appui et notre industrie ses instruments de travail, que nos concepts ont été formés à l’image des solides, que notre logique est surtout la logique des solides, que, par là même, notre intelligence triomphe dans la géométrie, où se révèle la parenté de la pensée logique avec la matière inerte, et où l’intelligence n’a qu’à suivre son mouvement naturel, après le plus léger contact possible avec l’expérience, pour aller de découverte en découverte avec la certitude que l’expérience marche derrière elle et lui donnera invariablement raison.
On sent assez quel doit être le caractère des ouvrages d’un pareil peuple ; mais ce qui étonne, c’est que déjà on y trouve l’art d’opposer les idées douces aux idées terribles, et de placer presque partout l’image de l’amour à côté de celle de la guerre ; peut-être ce qui nous paraît un art, n’était que l’expression naturelle des mœurs de ces peuples.
Il est aussi un grand diocèse, messieurs, celui-là sans circonscription fixe, qui s’étend par toute la France, par tout le monde, qui a ses ramifications et ses enclaves jusque dans les diocèses de messeigneurs les prélats ; qui gagne et s’augmente sans cesse, insensiblement et peu à peu, plutôt encore que par violence et avec éclat ; qui comprend dans sa largeur et sa latitude des esprits émancipés à divers degrés, mais tous d’accord sur ce point qu’il est besoin avant tout d’être affranchi d’une autorité absolue et d’une soumission aveugle ; un diocèse immense (ou, si vous aimez mieux, une province indéterminée, illimitée) ; qui compte par milliers des déistes, des spiritualistes et disciples de la religion dite naturelle, des panthéistes, des positivistes, des réalistes, … des sceptiques et chercheurs de toute sorte, des adeptes du sens commun et des sectateurs de la science pure : ce diocèse (ce lieu que vous nommerez comme vous le voulez), il est partout, il vient de se déclarer assez manifestement au cœur de l’Autriche elle-même par des actes d’émancipation et de justice, et je conseillerais à tous ceux qui aiment les comparaisons et qui ne fuient pas la lumière, de lire le discours prononcé par le savant médecin et professeur Rokitansky dans la Chambre des seigneurs de Vienne, le 30 mars dernier, sur le sujet même qui nous occupe, la séparation de la science et de l’Église. […] Or, comme la chaleur est la source du mouvement, il est naturel que le cœur et les artères battent avec plus de force que dans l’état normal. […] Il y a longtemps que je l’ai pensé : la seule garantie de l’avenir, d’un avenir de progrès, de vigueur et d’honneur pour notre nation, est dans l’étude, — et surtout dans l’étude des sciences naturelles, physiques, chimiques et de la physiologie.
Rousseau, dans son Contrat social et dans ses Plans de constitution pour la Pologne ; L’abbé de Saint-Pierre, dans sa Paix universelle ; Robespierre et Saint-Just, dans leur système d’égalité et de nivellement démocratique à tout prix, qui auraient décapité la société jusqu’à la dernière unité vivante, pour que l’un ne dépassât pas l’autre d’une faculté, d’une obole ou d’un cheveu ; Babeuf, dans sa communauté des biens ; Saint-Simon, de nos jours, dans sa proportion algébrique entre les aptitudes et les fonctions ; Fourrier, dans son cauchemar d’industrie, réduisant toute la société physique et morale à une association en commandite dont Dieu est le commanditaire, et promettant à l’homme jusqu’à des organes naturels de plus, pour jouir de félicites plus matérielles ; Cabet, dans son Icarie indéfinissable, chaos d’une tête vague, qui ne savait pas même rêver beau ; Tel autre, dans son égalité des salaires, charité idéale inspirée de l’Évangile sans doute, mais qui deviendrait la souveraine injustice envers le travail et le talent, et la prime réservée à l’oisiveté et aux vices, système des frelons qui pillent la ruche ; Tel autre, enfin, dans ses sentences de philosophie suicide, expropriant la famille, cette unité triple, qui enfante, nourrit, moralise et perpétue seule l’humanité, pour assouvir l’individu qui la tue : maximes folles, mais comminatoires, qui firent écrouler d’effroi toute démocratie progressive devant la démagogie des idées ; sophiste néfaste, mille fois plus funeste à la République que tous les poètes chassés de la République par Platon : Voilà ce qu’on entend par utopiste : ce sont les sophistes de la politique. […] XXVII Enfin, à supposer qu’une société pût subsister de ce renversement de toutes les lois naturelles, de ce retournement de tous les instincts sociaux, vous le voyez encore : Une première loi établissant un minimum de population au-dessous duquel il serait permis aux sexes de s’unir sous le choix et sous l’inspection des magistrats ! […] Au lieu de prendre le contrepied de l’homme naturel et de l’homme historique, ce second Montesquieu suivrait pas à pas la nature humaine, pour lui faire des institutions à la mesure de ses organes, et non à la mesure de ses rêves.
Cette déplorable définition est le résultat le plus naturel de la métaphysique qui attribue à nos sensations l’origine de toutes nos idées. […] Après avoir animé par un reflux fatal mais naturel l’invasion étrangère dans les murs de Paris, après avoir traité libre encore de sa personne à Fontainebleau, après avoir abdiqué et résigné le trône aux Bourbons, se servir dès armes d’honneur qu’on lui avait laissées dans son asile pour violer la foi jurée, les traités, la paix du monde, descendre avec des troupes et du canon sur le rivage de la patrie, embaucher l’armée, corrompre les généraux, déchirer la constitution, chasser du trône le roi nécessaire et réconciliateur, pour ramener par un nouveau défi l’Europe entière au cœur de la France, et pour lui faire perdre à Waterloo les dernières gouttes de son sang, certes il n’y avait d’excuse à un pareil acte que l’ennui personnel de l’empire perdu, et l’impatience d’une ambition qui comptait le monde pour rien devant un caprice de domination ou de gloire. […] Pour comble de félicité domestique, le vide que l’échafaud, la mort naturelle, les années, les affections trompées avaient creusé dans le cœur de madame de Staël venait d’être, à l’insu du monde, comblé par un mariage secret et heureux.
Le jour où elle cessait de faire partie du grand système catholique constitué sur le continent, elle tombait à la mer, elle n’avait plus pour alliée que son ennemie mortelle et naturelle, l’Angleterre. […] Mais l’amour et la poésie même, selon Brantôme, étaient impuissants à reproduire à cette période encore croissante de sa vie une beauté qui était dans la forme moins encore que dans le charme ; la jeunesse, le cœur, le génie, la passion qui couvait encore sous la sereine mélancolie des adieux ; la taille élevée et svelte, les mouvements harmonieux de la démarche, le cou arrondi et flexible, l’ovale du visage, le feu du regard, la grâce des lèvres, la blancheur germanique du teint, le blond cendré de la chevelure, la lumière qu’elle répandait partout où elle apparaissait, la nuit, le vide, le désert qu’elle laissait où elle n’était plus, l’attrait semblable au sortilége qui émanait d’elle à son insu et qui créait vers elle comme un courant des yeux, des désirs, des âmes, enfin le timbre de sa voix qui résonnait à jamais dans l’oreille une fois qu’on l’avait entendu, et ce génie naturel d’éloquence douce et de poésie rêveuse qui accomplissait avant le temps cette Cléopâtre de l’Écosse sous les traits épars des portraits que la poésie, la peinture, la sculpture, la prose sévère elle-même nous ont laissés d’elle ; tous ces portraits respirent l’amour autant que l’art ; on sent que le copiste tremble d’émotion, comme Ronsard en peignant ; un des contemporains achève tous ces portraits par un mot naïf qui exprime ce rajeunissement par l’enthousiasme qu’elle produisait sur tous ceux qui la voyaient : « Il n’y avoit point de vieillards devant elle, écrit-il : elle vivifioit jusqu’à la mort. » VI Un cortége de regrets plus que d’honneur la conduisit jusqu’au vaisseau qui allait l’emporter en Écosse. […] On lui vint dire que la reine finissait de souper de son côté, dans son cabinet de repos, avec la comtesse d’Argile, sa sœur naturelle, et Rizzio.
Je n’ai chose au monde que ma personne, telle que je me suis sauvée, faisant soixante milles à travers champs le premier jour, et n’ayant depuis jamais osé aller que la nuit… Faites-moi connaître aujourd’hui la sincérité de votre naturelle affection vers votre bonne sœur, cousine et jurée amie. […] Marie demanda pour toute grâce de n’être point suppliciée dans quelque lieu caché ; mais devant ses domestiques et devant le peuple, afin qu’on ne lui attribuât pas une lâcheté indigne de son rang, et que tout le monde pût rendre témoignage de sa constance à souffrir le martyre ; c’est ainsi qu’elle appelait déjà elle-même son supplice, consolation bien naturelle dans une reine qui voulait imputer sa mort à sa foi plutôt qu’à ses fautes. […] Elle adressa ses adieux à chacun avec ce tact délicat qui lui était si naturel, avec bonté, avec émotion.
Et il n’y a peut-être rien qui soit aussi contrarié aux « sciences » mathématiques que les « sciences » naturelles. […] De même que les révolutions de l’anatomie et de la physiologie dans les sciences naturelles n’ont point consisté à opposer le règne animal au règne végétal ou réciproquement mais à poursuivre parallèlement dans les deux règnes une certaine resituation de la pensée en face de deux réalités parallèles, ainsi la révolution de la philosophie bergsonienne n’a point consisté à opposer ni à déplacer les royaumes de la pensée ni de l’être. […] Il faut faire attention d’ailleurs que cette expression le tout fait, si elle revient constamment, comme il était naturel, et comme il fallait s’y attendre, dans la philosophie de Bergson, est conduite à y revenir en deux sens assez sensiblement différents.
Quelques leçons qu’il nous fit sur l’histoire naturelle ont été une des bases de ma pensée philosophique. […] Pinault m’apprit d’histoire naturelle générale et de physiologie m’initia aux lois de la vie. […] La physiologie et les sciences naturelles m’auraient entraîné ; or, je peux bien le dire, l’ardeur extrême que ces sciences vitales excitaient dans mon esprit me fait croire que, si je les avais cultivées d’une façon suivie, je fusse arrivé à plusieurs des résultats de Darwin que j’entrevoyais.
Oui, dit-il, M. de Voltaire vir est omnimodè doctus ; la Poésie, l'Histoire, la Physique, les Mathématiques, la Médecine, l'Histoire Naturelle, la Critique, tout est de son ressort. […] Je vous abandonne, mon cher Ami, aux réflexions si naturelles, après un tel fait dont je vous garantis la vérité, aux expressions près. […] Ajoutez qu’en frondant les opinions générales, qu’en parlant sans cesse d’égalité, de liberté de superstition, de loi naturelle, il n’a pas été difficile aux Philosophes d’intéresser à leur gloire l’indocilité, la misanthropie, le libertinage, & de grossir, par d’autres manéges, le nombre de leurs Admirateurs.
Il est vrai que la moitié seule de cette dette est réelle ; l’autre moitié rentre dans l’histoire naturelle : elle se compose de ces lézards empaillés qui pondent depuis si longtemps des œufs d’or dans les basses-cours de l’usure. […] Elle se révèle à ce trait charmant, et vous reconnaissez en elle une de ces grandes dames naturelles, qui peuvent naître sans déroger dans une cabane ou dans une boutique ; car c’est au cœur qu’elles portent leur blason. […] Il aime l’argent, je le veux bien ; il est banal, intéressé, bellâtre, tiré à quatre épingles dans sa médiocrité financière, d’accord ; mais, du moins, il est vivant, facile, naturel, il ne se plaint pas que la mariée est trop riche.
Mais ici la forme, incomparable d’élégance sobre et de nette limpidité, atténue la violence cachée des idées, et c’est pourquoi ce romancier, — qui se révéla artiste si voluptueux dans le Lys rouge, — trouverait sa place naturelle parmi les conteurs auxquels nous attribuons la présente renaissance du classicisme. […] Atmosphère de libertinage et d’épicurisme, de satire et de tendresse, de tristesse désabusée et d’enjouement, action originale, mise en valeur par une langue alerte, claire et naturelle, voilà, en résumé, le roman de M. de Régnier. […] Jadis, le roman féminin, composé presque toujours par des femmes du monde en vue d’offrir aux jeunes filles un divertissement intellectuel sans danger, manquait au premier chef de franchise et de naturel et péchait par un optimisme vertueux conventionnel à l’excès.
Hugo redevient le bucculent sonneur de mots, la trompe littéraire qui vomit le vent par sa conque, nous avons en ces premières Contemplations un effort d’affectation et un naturel de niaiserie tout ensemble, qu’on avait déjà entrevus dans les pièces amoureuses des autres recueils de l’auteur, mais jamais dans cet achèvement prodigieux. […] L’exil a fasciné leur générosité naturelle, et leur esprit, le calme de leur esprit, a été perturbé par la chevalerie de leur cœur. […] Malhabile à mâcher les langues déliées et molles des époques subtiles et énervées, il n’a de naturel, de sonorité, de mordant dans l’étendue de sa voix, que quand il recule de son temps en ces temps que l’insolence des Civilisations appelle barbares.
Sa faveur et sa disgrâce, son éducation et son naturel, ses qualités et ses défauts l’y avaient porté. […] Un jour, impatienté, il dit de deux évêques : « Ces deux animaux mitrés. » Quand la Choin entra en faveur, « M. de Luxembourg, qui avait le nez fin, l’écuma », et pour Clermont, son amant, « il se fit honneur de le ramasser. » Ailleurs, il « s’espace » sur Dangeau, « singe du roi, chamarré de ridicules, avec une fadeur naturelle, entée sur la bassesse du courtisan, et recrépie de l’orgueil du seigneur postiche. » Un peu plus haut, il s’agit de Monaco, « souveraineté d’une roche, de laquelle on peut pour ainsi dire cracher hors de ses étroites limites. » Ces familiarités annoncent l’artiste qui se moque de tout quand il faut peindre, et fait litière des bienséances sous son talent. […] Ces étrangetés et ces abandons sont naturels, presque nécessaires ; seuls ils peignent l’état d’esprit qui les produit.
Le champ de ruines, qui fut le sanctuaire d’Apollon, s’étage au flanc de la montagne, dans une sorte de cirque naturel, formé par les contreforts du Parnasse. […] On sait qu’il eut une fille naturelle, Francine, qu’il perdit âgée de cinq ans, et que ce fut le plus grand chagrin de sa vie. […] La plaisanterie était le langage naturel de Voltaire, qui ne lui servait pas seulement à exprimer la gaieté, mais aussi la colère et l’indignation. […] Puisque toutes les églises se valaient, il était plus naturel qu’il ralliât celle de son enfance ; mais au point de vue théologique, d’après son système, cela ne l’engageait à rien. […] Si Byron mit sa fille naturelle Allegra dans un couvent, c’était pour embêter les Anglais et notamment la mère, l’insupportable Jane Clairmont.
répliqua-t-il, rendu soudain à l’orgueil naturel de son caractère par la férocité de ma réponse, ose-le donc ! […] Remarquez d’abord que ce mot, qui vous choque et qui ne représente qu’un acte naturel, n’est écrit qu’une seule fois dans le livre. […] Une mélodie, un parfum, un mets savoureux vous attirent et vous retiennent ; mais si naturelles qu’elles soient, si le hasard nous mène à une cacophonie, à une puanteur, nous nous éloignons d’instinct. […] Bien petite tache dans cet ensemble impressionnant et où, je le répète, la délicatesse de touche et le respect du naturel feraient tout passer. […] dit Jacques, puisque tu es déguisée quand tu es autrement, garde donc le vêtement qui t’est naturel !
Et qu’il est naturel que les hommes contre inattendue entre des pensées parties de points aussi éloignés, que celle de ces deux adversaires de l’amour. Et qu’il est naturel que les hommes de ce temps-ci aient reconnu leur goût de la vie à cette amertume de litharge que M. […] Ç’a été là un passage beaucoup plus facile et plus naturel que la première impression ne le ferait supposer. […] A côté d’eux il y a place pour ceux dont l’intelligence a, comme pôle naturel, non pas l’analyse, mais le rêve. […] Il faut en conclure que l’une et l’autre méthode a sa puissance et sa légitimité naturelle, comme elle a d’ailleurs sa sincérité.
Nature, humanité, astronomie, sciences naturelles, mathématiques, religion, beaux-arts, histoire, psychologie, tout doit rentrer dans la philosophie comme je la conçois. […] On n’est libre que dans la mesure où l’on n’est pas dupe de soi, de ses prétextes, de ses instincts, de son naturel. […] Adert allait sans doute oublier cette boutade belliqueuse, naturelle en 1848 : Amiel devait même être plus tard un des collaborateurs du journal, où il fit longtemps sous un pseudonyme la critique musicale, et qui le défendit quand la presse radicale l’attaqua à son tour. […] Sans la Réforme, Amiel, chanoine régulier, eût trouvé ici son alvéole naturel et le lit normal de son célibat d’intellectuel… Je songe aux dialogues de Cherbuliez dans le Prince Vitale. […] La justice suppose la noblesse de l’âme et le désintéressement. — Une fédération de petits peuples libres, qui ne demandent que l’indépendance, semble la patrie naturelle des idées historiques plus humaines, le sol des théories épurées de civilisation.
Ni Valmont, ni Mme de Merteuil ne croient au spontané, ne cueillent les fleurs naturelles. […] Mais ceux-ci, à de très rares exceptions près, chantèrent toujours les harmonies naturelles. […] Le style le plus net, le plus naturel et le plus sobre est celui qui convient le mieux. […] Son véhément amour de l’individu, sa ténacité pour les droits naturels, sa frénésie contre les oppresseurs. […] Périodes naturelles et spontanée cadence, voilà les magies de notre vates.
Il y devina, « derrière la légende humaine, la majesté des choses naturelles ». […] Ce jeune homme est trop érudit, trop embarrassé d’histoire naturelle, de philosophie, de géologie et de botanique. […] Vous vous figurerez à grand-peine l’état d’abrutissement, d’ignorance et de stupidité naturelle de cette malheureuse Bretagne. […] C’est pourquoi les naturels des îles Fidji tuent leurs parents quand ils sont vieux. […] Et cela est très naturel.
La Motte de terre explique cela avec lucidité et avec force, travail d’un écrivain tout à fait maître de ses dons naturels et qui les manie avec aisance et cet air de domination qui dompte facilement les idées. […] Un caractère, puis la vie pèse et le caractère fléchit ; une nouvelle pesée le redresse et le dresse selon sa vérité originelle : c’est l’essence même du drame psychologique, et si le décor participe aux modifications humaines, l’œuvre prend un air d’achèvement, de plénitude, donne une impression d’art inattendu par la logique acceptée des simplicités naturelles. […] Par haine de l’humanité, M. de Grandville donne un billet de mille francs à un chiffonnier afin d’en faire un ivrogne, un paresseux, un voleur ; quand il rentre chez lui, il apprend que son fils naturel vient d’être arrêté pour vol : ce n’est que romanesque. […] Son génie naturel fait de sensibilité, d’ironie, d’imagination et de clairvoyance, il avait voulu le nourrir de connaissances positives, de toutes les philosophies, de toutes les littératures, de toutes les images de nature et d’art ; et même les dernières vues de la science semblent lui avoir été familières. […] — enfant naturel Quenouille vivante……………… — mouton La nageoire des charrues……
On y parvient par deux moyens ; en mettant les idées chacune à sa place dans l’ordre naturel, et en exprimant nettement chacune de ces idées. […] La manière la plus naturelle et la plus sûre d’arriver à un objet, c’est d’y aller par le plus court chemin, pourvu qu’on y aille en marchant, et non pas en sautant d’un lieu à un autre. […] Mais ce verbiage, prétendu nécessaire, deviendra évidemment inutile, si on a soin de ranger les idées dans l’ordre convenable ; il résultera de leur disposition naturelle, une lumière qui frappera infailliblement et également tous les esprits, parce que l’art de raisonner est un, et qu’il n’y a pas plus deux logiques que deux géométries. […] Le style naturel, dit Pascal, nous enchante avec raison ; car on s’attendait à trouver un auteur, et on trouve un homme. […] Ce style académique ou prétendu tel est encore celui de la plupart de nos prédicateurs, du moins de plusieurs de ceux qui ont quelque réputation ; n’ayant pas assez de génie pour présenter d’une manière frappante, et cependant naturelle, les vérités connues qu’ils doivent annoncer, ils croient les orner par un style affecté et ridicule, qui fait ressembler leurs sermons, non à l’épanchement d’un cœur pénétré de ce qu’il doit inspirer aux autres, mais à une espèce de représentation ennuyeuse et monotone, où l’acteur s’applaudit sans être écouté.
Il faut pourtant convenir que ces tragédies, tout extravagantes ou grossières qu’elles sont, n’ennuient point, et je vous dirai, à ma honte, que ces vieilles rapsodies, où il y a de temps en temps des traits de génie et des sentiments fort naturels, me sont moins odieuses que les froides élégies de nos tragiques médiocres. […] Aussi, quand il voit le pape retarder et opposer sans cesse des délais aux instances des puissances et à celles de l’Espagne en particulier, Bernis, qui trouve quelquefois ces délais excessifs, fait comprendre pourtant à son gouvernement qu’ils sont naturels, et, jusqu’à un certain point, nécessaires.
Je ne sais trop si M. de Meilhan est exact en ce point et si l’on peut dire que l’Antiquité grecque et romaine ressemble à un génie mort jeune et intercepté avant le temps : il me semble au contraire que les Grecs, et les Romains qu’en ont hérité, ont eu leur cours naturel d’existence et leur âge tout rempli ; qu’ils ont eu, eux aussi, leur épuisement et leur décadence sous des formes monstrueuses ou subtiles, et que, si la civilisation avait à être utilement continuée et renouvelée, ce ne pouvait plus être à la fin par eux. […] Il montre à quoi se réduisent pour l’homme naturel et grossier, commandé par le besoin, par la faim de chaque jour, tous ces sentiments compliqués et souvent enchanteurs que l’homme civilisé prolonge et orne à plaisir de rêveries, de souvenirs ou d’espérances.
Comme ils expriment du moins, même dans les données mythologiques, des sentiments humains et naturels de tous les temps ! […] Cette façon d’agir annonçait un naturel aimant et reconnaissant.
Ce petit volume, dans sa première forme, dans son ordre naturel où les pièces se présentent selon l’heure et l’instant où elles sont nées, a pour moi du charme ; il nous offre un Gautier jeune, enfant, « sous une blonde auréole d’adolescence » qu’il ne garda pas longtemps. […] Le monde de Murger est plus naturel et à l’abandon, il est aussi plus sensible : le Manchon de Francine n’aurait jamais pu naître au milieu des dagues de Tolède et des yatagans damasquinés de 1833.
Le mot de Philibert Delorme, qui s’en plaignait amèrement en son temps, est juste encore : « Le naturel du Français, disait-il, est de priser beaucoup plus les artisans et artifices des nations étranges que ceux de sa patrie, bien qu’ils soient très ingénieux et excellents. » M. […] Viollet-Le-Duc, un des plus curieux pour l’étude et l’intelligence entière du Moyen-Âge, le Dictionnaire raisonné du Mobilier français durant cette époque ; c’est le complément naturel et tout agréable de son grand Dictionnaire de l’Architecture française dans les mêmes siècles.
Le ton du récit est naturel et conforme aux divers moments de la situation ; le narrateur, comme ne prévoyant pas l’avenir, se permet d’abord une sorte d’enjouement au début, à la sortie de Smyrne : « Il était cinq heures du soir, le 25 fructidor (11 septembre 1798), lorsque nous montâmes à cheval. […] non ; la misère est toujours la misère ; l’homme, même celui qui fut violent ou impérieux un jour, s’il a du bon et du naturel, redevient homme aisément, c’est-à-dire faible et sensible dès qu’il souffre.
. — Catinat ressentit en effet, avec un esprit d’humilité et un vrai trouble, ce « comble d’élévation » que le roi mettait dans sa famille ; sa correspondance avec son frère, à ce moment, est touchante et d’un naturel charmant. […] Mais, ce qui était pis, Vauban, l’autorité même, Vauban semblait croire que Catinat aurait pu agir autrement et tenir le poste de La Pérouse ; il le disait à qui voulait l’entendre : « Je t’assure, écrivait Catinat à son frère, qu’il n’y a ombre de raison à ce dire, et qu’il aurait de la confusion de l’avoir avancé s’il était sur les lieux et qu’on lui dît de disposer ce poste pour être soutenu contre une armée qui a du canon… Je suis assurément rempli d’un grand fonds d’estime et d’affection pour M. de Vauban ; mais je voudrais bien voir jusqu’où iraient ses lumières et la tranquillité de son esprit, s’il était chargé en chef des affaires de ce pays-ci : je crois qu’il y serait pour le moins aussi fécond en inquiétudes qu’il l’était à Namur, où il était demeuré après la prise. » Catinat d’ailleurs n’en veut point à Vauban, et il trouve, pour l’excuser de ce léger tort à son égard, une belle explication amicale : « M. de Vauban est de mes amis ; sa franchise naturelle l’a surpris et l’a fait parler d’une chose qu’il a pensée et qu’il ne sait point, et avec peu de ménagement pour un homme qu’il aime ou qui est en droit de le croire. » Bien qu’endurci par l’expérience à tous les propos, Catinat était donc en ce moment fort fécond en soucis et des plus travaillés d’esprit ; toutes ses lettres adressées du camp de Fénestrelles à son frère nous ouvrent le fond de son âme : « Personne n’est à l’abri du discours, c’est un mal commun à tous ceux qui sont honorés du commandement : il faudrait que je fusse bien abîmé dans un esprit de présomption pour que je pusse imaginer que cela fût autrement à mon égard.
Je ne crois rien m’exagérer, mais ce récit naturel, qui d’une part nous montre des populations exaspérées, fanatisées, sauvages, des chefs et des gouverneurs timides et obligés de hurler avec la populace, de peur de la voir se déchaîner ; qui, d’autre part, nous fait entrevoir des âmes humaines comme il s’en rencontre partout, des cœurs pétris d’un meilleur limon et qui s’attendrissent au spectacle des peines et des souffrances de leurs semblables ; ce récit, sans y viser, a quelque chose de pathétique et de tout à fait virgilien : « Au coucher de la lune, l’obscurité devint profonde ; les guérillas perdirent toute trace de chemin et nous surveillèrent de plus près. […] Avant tout, le hasard et la bizarrerie des destinées ; cette fatalité « qui préside aux événements de notre vie, qui paraît dormir dans les temps calmes, mais qui, dès que le vent s’élève, emporte l’homme à travers l’air comme une paille légère » ; les premiers succès, l’entrain du début, les heures brillantes de la vie, les espérances déjà couronnées ; puis les revers, les lenteurs, les mécomptes, les difficultés tournant à la ruine ; la prison, la souffrance, une épreuve sans terme ; une longue agonie dans l’âge de la force ; une nature d’élite écrasée, victime et martyre des persécutions ; les haines aveugles des foules, les sauvages préjugés des races ; l’horreur des guerres injustes ; toujours et partout, çà et là, quelques âmes bienfaisantes et compatissantes ; notre pauvre humanité au naturel et à nu, en bien et en mal ; une belle mort enfin, délicate et magnanime.
Voltaire, Montesquieu, Rousseau, Mably sont morts avant d’avoir vu fructifier les germes qu’ils avaient semés dans les esprits : vous vivez, vous qui avez avec eux préparé les voies de la liberté ; et, comme dans ces associations ingénieuses où les vieillards qui survivent héritent de toute la fortune de leurs confrères morts, on se plaisait à voir accumuler sur votre tête le tribut de reconnaissance et d’hommages que l’on ne peut plus offrir qu’à leur cendre… » L’abbé Raynal, devenu homme de génie à l’ancienneté, en héritant successivement des morts, et par le mouvement naturel de la tontine des réputations, un homme de génie par survivance, c’était bien cela ! […] Jay sur Raynal, qui est en tête de la dernière édition de l’Histoire philosophique des deux Indes, Notice vague et générale comme on les faisait en ce temps-là, ne contient qu’une seule anecdote neuve tirée d’une lettre de M. de Lally au comte Portalis : on y voit l’abbé Raynal et M. de Lally au naturel, tous deux gens à démonstrations, à grands sentiments et à embrassades.
» Et qui a connu Mme Valmore en ces longues années d’épreuves, qui l’a visitée dans ces humbles et étroits logements où elle avait tant de peine à rassembler ses débris, qui l’y a vue polie, aisée, accueillante, hospitalière même, donnant à tout un air de propreté et d’art, cachant ses pleurs sous une grâce naturelle et y mêlant des éclairs de gaieté, brave et vaillante nature entre les plus délicates et les plus sensitives, qui l’a vue ainsi et qui lira ce qui précède se prendra encore plus à l’admirer et à l’aimer. On serait trop tenté vraiment, à voir le détail d’une telle vie, et quel mal infini eut de tout temps à se soutenir et à subsister cette famille d’élite et d’honneur, ce groupe rare d’êtres distingués et charmants, comptant des amitiés et, ce semble, des protections sans nombre, chéris et estimés de tous, on serait tenté de s’en prendre à notre civilisation si vantée, à notre société même, à rougir pour elle ; et surtout si l’on y joint par la pensée le cortège naturel de Mme Valmore, cette quantité prodigieuse de femmes dans la même situation et « ne sachant où poser leur existence », courageuses, intelligentes et sans pain, « toutes ces chères infortunées » qui, par instinct et comme par un avertissement secret, accouraient à elle, qu’elle ne savait comment secourir, et avec qui elle était toujours prête à partager le peu qui ne lui suffisait pas à elle-même !
Tout y est, excepté le naturel. […] Il était naturel et nécessaire que, tôt ou tard, ce changement eût lieu.
» Mais, comme critique littéraire, il en faut tirer encore certains mots qui s’ajouteraient bien au chapitre des Ouvrages de l’Esprit de La Bruyère, et dont quelques-uns vont droit à nos travers d’aujourd’hui : « Pour bien écrire, il faut une facilité naturelle et une difficulté acquise. » « Il est des mots amis de la mémoire ; ce sont ceux-là qu’il faut employer. […] « L’ordre littéraire et poétique tient à la succession naturelle et libre des mouvements ; il faut qu’il y ait entre les parties d’un ouvrage de l’harmonie et des rapports, que tout s’y tienne et que rien ne soit cloué. » Maintenant, dans la plupart des ouvrages, les parties ne se tiennent guère ; en revanche (je parle des meilleurs), ce ne sont que clous martelés et rivés, à tête d’or.
Il n’a pas le sens du respect, il voit trop au naturel les hommes en qui se réalisent les idées respectables. […] Au fond, on ne s’étonne pas des méchants tours de Renart : il est naturel qu’il se serve de l’esprit que la nature lui a fait.
En attendant, il lâche son Essai sur les mœurs complété, renforcé, définitif (1756), et ses discours sur la Religion naturelle (1756) ; deux autres coups droits atteignaient la Providence chrétienne, à travers l’optimisme de Leibniz : le poème du Désastre de Lisbonne (1756), et le roman de Candide (1758). […] Ses petits mots perfides n’amoindrirent pas l’Histoire naturelle, et il ne parut pas à son avantage quand il entreprit une lutte ouverte : il essaya de contredire une des plus belles hypothèses de Buffon, qui voyait dans les coquillages et les poissons trouvés au haut des Alpes une preuve du séjour des eaux de la mer en des temps reculés ; Voltaire soutenait que les coquillages étaient tombés des chapeaux des pèlerins qui revenaient de la Terre Sainte, et que les arêtes de poissons étaient les restes de leur déjeuner.
Octave Feuillet résume comme il suit : Développer à toute leur puissance les dons physiques et intellectuels qu’il tenait du hasard, faire de lui-même le type accompli d’un civilisé de son temps, charmer les femmes et dominer les hommes, se donner toutes les joies de l’esprit, des sens et du pouvoir, dompter tous les sentiments naturels comme des instincts de servage, dédaigner toutes les croyances vulgaires comme des chimères ou des hypocrisies, ne rien aimer, ne rien craindre et ne rien respecter que l’honneur : tels furent, en résumé, les devoirs qu’il se reconnut et les droits qu’il s’arrogea. […] Il y a, tout au moins, des affections naturelles, des mouvements de tendresse, une pitié humaine indépendante des religions.
Par exemple si A et B sont deux corps solides naturels qui se déplacent en se déformant légèrement, nous envisagerons deux figures invariables mobiles A′ et B′. […] Puisque l’énoncé de nos lois peut varier avec les conventions que nous adoptons, que ces conventions peuvent modifier même les relations naturelles de ces lois, y a-t-il dans l’ensemble de ces lois quelque chose qui soit indépendant de ces conventions et qui puisse pour ainsi dire jouer le rôle d’invariant universel ?
Le public préfère s’en rapporter à sa bêtise naturelle, qui vaut encore mieux que leurs lumières. […] Ainsi, ce n’est pas mon amitié pour Wagner que vous blâmez mais ce que vous appelez l’excès de cette amitié et mon penchant naturel à revêtir des hommes faits de boue de qualités divines.
Il n’est pas de ceux qui aiment à se singulariser ni à rien outrer ; il se disait dans les petites choses, et peut-être dans les grandes, ce qu’il écrivait un jour à Ménage : « Vous voyez que tout le monde le fait ; il fait bon suivre le torrent, et ne se faire remarquer ni dans un sens ni dans l’autre. » Quand il était à l’état profane et naturel, il se trouvait par inclination sceptique et pyrrhonien. […] Et pourtant cela fait un ensemble naturel et même élégant.
Condorcet, je l’ai noté d’après tous ses amis, avait un fonds de bonté naturelle ; il avait de la sensibilité, et même une sensibilité toute physique. […] Partant de là et pour mieux conserver ce sentiment naturel dans toute son énergie et sa délicatesse : « J’ai renoncé, disait-il, à la chasse pour laquelle j’avais eu du goût, et je ne me suis pas même permis de tuer les insectes, à moins qu’ils ne fassent beaucoup de mal. » Turgot, avec qui il entre dans cet ordre de confidence, lui répond admirablement sur le chapitre de la morale, et il marque les points sur lesquels il diffère avec lui.
Dans ce portrait de Sapho, qui est en si grande partie le sien, elle insiste beaucoup sur ce que Sapho ne sait pas seulement à fond tout ce qui dépend de l’amour, mais sur ce qu’aussi elle ne connaît pas moins tout ce qui est de la générosité ; et toute cette merveille de science et de nature, selon elle, se couronne encore de modestie : En effet, sa conversation est si naturelle, si aisée et si galante, qu’on ne lui entend jamais dire en une conversation générale que des choses qu’on peut croire qu’une personne de grand esprit pourrait dire sans avoir appris tout ce qu’elle sait. […] Mme de La Fayette acheva de la réduire au rang des antiques vénérables en publiant ses deux petits romans de Zaïde et surtout de La Princesse de Clèves, où elle fit voir comment on pouvait être court, naturel et délicat.
Mais, dans un article sur les obsèques de Sautelet (16 mai), Carrel lui-même ne disait-il pas, en voulant expliquer l’âme douloureuse de son ami : La génération à laquelle appartenait notre malheureux ami n’a point connu les douleurs ni l’éclat des grandes convulsions politiques… Mais, à la suite de ces orages qui ne peuvent se rencontrer que de loin à loin, notre génération a été, plus qu’une autre, en butte aux difficultés de la vie individuelle, aux troubles et aux catastrophes domestiques… Et pourquoi, s’il en était ainsi de cette génération, pourquoi interdire à la sensibilité particulière et sincère son expression la plus naturelle et la plus innocente qui est la poésie lyrique, consolation et charme de celui qui souffre et qui chante, et qui ne se tue pas ? […] Tel qu’il était, il appelait aussitôt l’attention sans effort et la déférence naturelle autour de lui.
nous autres, pauvres petits hommes (homunculi), nous nous révoltons si quelqu’un des nôtres nous est enlevé de mort naturelle ou violente, nous dont la vie doit être si courte, tandis que les cadavres de tant de villes gisent à terre dans un si petit espace ! […] Ce livre, commencé par le spectacle des ruines de Palmyre, aboutit à un Catéchisme de la loi naturelle annoncé dans le dernier chapitre, et publié ou promulgué deux ans plus tard, en 1793 : « Maintenant que le genre humain grandit, observe l’auteur, il est temps de lui parler raison. » La morale y est présentée comme « une science physique et géométrique, soumise aux règles et au calcul des autres sciences exactes ».
Elle la gronde « d’avoir de la curiosité et de ne s’entretenir qu’avec de jeunes dames, de se laisser aller à des propos inconséquents, de manquer de goût pour les occupations solides »… Je le demande en conscience aux lecteurs sans passion politique, s’il existait pour la jolie femme la plus humainement parfaite du monde, de seize à vingt-cinq ans, un procès-verbal, jour par jour, de toutes les grogneries des vieux parents à propos de sa toilette, de son amour de la danse, de sa naturelle envie de s’amuser et de plaire, le dossier accusateur de cette jolie femme ne serait-il point aussi volumineux que celui de Marie-Antoinette ? […] Indépendamment de corrections et d’additions, des notices qui ont pris ou doivent prendre leur place naturelle dans d’autres livres, telles que les notices de Watteau, de la du Barry, de la Camargo, ont été remplacées par des études sur Lagrenée l’aîné, sur Collin d’Harleville, sur la comtesse d’Albany.
Il est donc tout naturel que ce soit cette faculté que les écolâtres aient le plus volontiers labourée avec la charrue de leur méthode. […] Il faut une grande force de réaction personnelle, une grande énergie cellulaire pour résister à la douce facilité d’ouvrir la main sous le fruit qui tombe : il est si agréable et si naturel à l’homme de se nourrir du jardin qu’il n’a bêché, ni semé, ni planté.
Que l’on ajoute à cette beauté des poèmes les nobles mélodies dont les ont ornés Schumann et d’autres, ces récitatifs lyriques qui font retentir et vivre les mots, les accentuent et les cadencent sur des lèvres humaines, et l’on pourra sentir par quel charme la chanson allemande demeure un genre populaire et exquis, comment elle est la poésie lyrique la plus vivace de toutes les littératures, la seule qui ait renoué avec la musique son ancienne alliance naturelle et profitable. […] III Nous sommes au terme de notre analyse ; que l’on prenne les influences successives, nationales et esthétiques auxquelles Heine s’est soumis, que l’on considère la diversité de ses inspirations, des genres qu’il a cultivés, des facultés qu’il a exercées, le trait marquant de son organisation mentale s’accuse en une sorte d’instabilité naturelle qui fit passer le poète par toute la succession des humeurs ; de la gaieté à l’ironie, de l’ironie au désespoir, et cela sans cesse, avec une singulière rapidité.
Ils errent et prédisent ; ils campent dans les forêts où l’on va acheter d’eux la connaissance de l’avenir, curiosité qui marque fortement le mécontentement du présent, aussi fortement que l’éloge du sommeil le mécontentement de la vie ; préjugé des russes qui n’est ni moins naturel, ni moins absurde qu’une infinité d’autres presque universellement établis chez des nations qui se glorifient d’être policées, et où des charlatans d’une autre espèce sont plus charlatans, plus honorés, plus crus et mieux payés que les sorciers russes. […] Qu’elle est naturelle et vraie de position !
La poésie est la parole traditionnelle ; la prose est la parole écrite : les limites de la poésie et de la prose, chez toutes les nations, dans toutes les langues, reposent sur la ligne naturelle qui fut posée, à l’origine, par la force même des choses ; ou, pour parler plus exactement, par celui qui enferma les mers dans leurs bassins, et l’intelligence humaine dans la parole. […] Je dis de force, car, puisque déjà nous avions le sceptre de la langue universelle, la pente naturelle des choses ne comportait pas une telle introduction.
Si un talent pareil, sans grand ressort naturel, comme on vient de le voir, s’anime donc quelque part, et se met à vivre, comme dans cette histoire littéraire de la Restauration, par exemple, avec une intensité qui étonne, il faut chercher, dans la loyauté des convictions et la profondeur des croyances, le secret de cette vie soudaine et de cette inspiration sur laquelle, avec le talent, un peu cotonneux de l’auteur, on n’était pas en droit de compter. […] Nettement et sa puissance d’admiration naturelle, il y a autre chose que ces dons heureux dans les caresses qu’il prodigue aujourd’hui aux adversaires de toute sa vie.
Dans le sommeil naturel, nos sens ne sont nullement fermés aux impressions extérieures. […] Je ne doute pas que de belles découvertes ne l’y attendent, aussi importantes peut-être que l’ont été, dans les siècles précédents, celles des sciences physiques et naturelles.
Entre les murs de la cité romaine se forgeait la première idée du Droit naturel — Rome est la « ville du monde » où, des quatre coins de l’horizon, les masses des peuples divers concourent pour se pénétrer. […] En ce sens l’idée d’humanité est assurément plus naturelle à l’esprit du citoyen moderne qu’à l’esprit du citoyen antique.
Ce grand poëte était d’abord un poëte naturel, prodiguant les images et l’harmonie avec cette facilité qui ajoute la grâce à la puissance, d’une pureté admirable quand il était inspiré, et alors, fidèle à la perfection, même dans les hasards du caprice et de la rêverie. […] La belle ode de Napoléon à Sainte-Hélène, ce mélange d’apothéose et d’anathème, cette juste sentence portée par la poésie contre l’abus de la force et du génie, revit presque entière dans la traduction en strophes de forme inégale qu’en avait faite à vingt-deux ans la jeune Gomez ; et un des beaux chants de Victor Hugo, traduit de plus près encore et dans un mètre plus sévère, le chant intitulé le Poëte, rend à la langue espagnole avec naturel et passion ce que notre illustre compatriote lui avait pris de pompe et de splendeur.
En littérature, ce qu’Heredia appréciait avant tout, c’était la sensibilité, la facilité, le naturel. […] Cette double influence adoucit l’inspiration de Moréas, en achevant de donner à son vers ce qui lui manquait encore de pureté et de naturel. […] Il fut à la fois bourgeois dans l’âme et bohème à l’état naturel, bohème naïf, perpétuel étudiant de quinzième année. […] Je fus très impressionné par l’expression fuyante de ses yeux bleus, qui semblaient regarder plus loin que leur regard naturel. […] Aux dons naturels de délicatesse et de sensibilité qui brillent dans ses écrits, Mme Adam joint la raison et la solidité d’un esprit mâle.
. — Histoire naturelle de la santé et de la maladie, par F.
Il est fâcheux toutefois que des conditions qui se rapportent à des détails matériels, et qui touchent un peu à l’idolâtrie, l’aient emporté sur l’ordre véritable, sur les convenances naturelles ; on aurait peut-être dû (s’il est permis de blâmer l’excès du scrupule en telle matière) ne pas sacrifier l’esprit du livre à la lettre de l’exécution.
Il y a un Pascal dans chaque chrétien, de même qu’il y a un Montaigne dans chaque homme purement naturel.
Victor Hugo, et elle est doublement à remarquer, comme admirable d’abord, et en ce qu’elle prouve une certaine confusion de limites dans les talents naturels des deux poètes.
Il y a des vertus toutes composées de craintes et de sacrifices, dont l’accomplissement peut donner une satisfaction d’un ordre très relevé à l’âme forte qui les pratique ; mais, peut-être, avec le temps découvrira-t-on que tout ce qui n’est pas naturel, n’est pas nécessaire, et que la morale, dans divers pays, est aussi chargée de superstition que la religion.
Il est vrai que le style d’Amyot est un des plus charmants styles du xvie siècle, dans sa grâce un peu surabondante et son naturel aisé.
Alors que Verhaeren s’enthousiasme devant l’action, lui se livre, sans plus, à la naturelle extase devant les sites.
Ainsi au lieu de supposer que les corps en mouvement subissent une contraction dans le sens du mouvement et que cette contraction est la même quelle que soit la nature de ces corps et les forces auxquelles ils sont d’ailleurs soumis, ne pourrait-on pas faire une hypothèse plus simple et plus naturelle ?
La note patriotique y vibre, comme il était naturel après nos désastres.
L’homme fait, depuis des siècles de siècles, des efforts de cauchemar pour secouer le servage naturel qui plie vers la terre la moitié de sa vie.
Le cœur humain est comme la terre ; on peut semer, on peut planter, on peut bâtir ce qu’on veut à sa surface ; mais il n’en continuera pas moins à produire ses verdures, ses fleurs, ses fruits naturels ; mais jamais pioches ni sondes ne le troubleront à de certaines profondeurs ; mais, de même qu’elle sera toujours la terre, il sera toujours le cœur humain ; la base de l’art, comme elle de la nature.
Ce serait l’heure, pour celui à qui Dieu en aurait donné le génie, de créer tout un théâtre, un théâtre vaste et simple, un et varié, national par l’histoire, populaire par la vérité, humain, naturel, universel par la passion.
Les Espagnols manquent de naturel & de régularité : ils ont un Gracioso, manière d’Arlequin, qui ne les fait jamais tant rire que lorsqu’il jure par des saints d’un nom inconnu & bisarre.
Par cela même qu’elles propageaient le culte du pays natal, le goût de l’action, la recherche des méthodes naturelles d’évolution, elles éloignaient la jeunesse d’un art obscur, subtil où elle avait failli se perdre — (après y avoir d’ailleurs au début connu des beautés nouvelles). — Ici, nous n’avons qu’à constater cette floraison des provinces nouvelles.
Voilà deux traits de naturel qu’on ne trouve guère que dans La Fontaine, et qui charment par leur simplicité.
Mais laissant de côté les difformités naturelles, pour ne s’attacher qu’à celles qui sont nécessairement occasionnées par les fonctions habituelles, il me semble qu’il n’y a que les dieux et l’homme sauvage, dans la représentation desquels on puisse s’assujettir à la rigueur des proportions ; ensuite les héros, les prêtres, les magistrats, mais avec moins de sévérité.
Cet air quoique très-sain pour les naturels du païs, est un poison lent pour certains étrangers.
Dès que la musique embrassoit un sujet aussi vaste, il étoit naturel qu’elle renfermât plusieurs arts dont chacun eût son objet particulier.
Il a conscience de l’écart qu’il y a entre le simplisme naturel à l’entendement et l’énorme complexité des choses, et il en conclut que des opérations purement mentales ne sauraient suffire à nous en faire pénétrer la nature.
Cette révolution est inévitable, parce que dès que la dissidence ne peut plus être prolongée par des intérêts politiques, la tendance naturelle doit être le retour à l’unité : nous avons déjà expliqué notre pensée à cet égard.
Sans ce genre de talent exquis et naturel, et jusque-là parfaitement inconnu en Suisse, la vieille et rigide Momière n’aurait jamais eu, sur sa face ridée et orgueilleuse, un sourire ; mais Topffer lui a donné le sien !
Sans passion, comme Walter Scott, et comme lui de cette moralité naturelle qui parfume les écrits de tous les deux, il n’était point, assurément, par les facultés, l’égal de l’incomparable Écossais ; mais ils avaient tous deux la faculté de peindre avec des tableaux, des sujets et des procédés différents, et tous deux ils traduisirent la réalité avec une vigueur inouïe et un sentiment qui est à cette réalité qu’ils ont peinte, ce qu’aux objets est le soleil.
car ce n’étaient ni leurs opinions politiques ni leurs sympathies naturelles qui les entraînaient du côté où ils sont involontairement allés tous.
Les attitudes naturelles de son esprit faisaient illusion sur sa vie.
aujourd’hui, au terme de ma course, je prends la résolution de donner mon suprême témoignage à une religion, parce qu’elle donne satisfaction à ma conception poétique de la vie et parce qu’elle aide à refréner les tendances naturelles des hommes qui sont la brutalité et l’égoïsme.
On peut dire qu’il avait une collection de grands hommes, comme dans d’autres temps on a fait des collections d’histoire naturelle ; il fut aidé dans cette recherche par des particuliers et des souverains.
Ce sont les autorités sociales naturelles. […] Mais en appliquant, à cette formation, la méthode des sciences naturelles, c’est-à-dire l’observation exacte et vérifiée. […] Comment et pourquoi auraient-ils changé, alors qu’à leur naturel instinct de domination s’ajoute aujourd’hui, pour l’exalter encore, le plus furieux appétit de vengeance ? […] Mais ç’a été sous la Révolution et lorsqu’elle a prétendu, sous le prétexte d’affranchir les peuples, imposer son idéologie hors de ses frontières naturelles. […] Elle est un fait naturel.
C’est toute une comédie charmante, pleine de naturel et de vie. […] Mais tout ce pauvre exotisme transporté hors de son cadre naturel devient grossièrement forain ou, qui pis est, tout à fait insignifiant. […] Heureusement, tant que j’aurai une cousine en Touraine, avec des prairies « naturelles » autour de sa maison, je saurai où me réfugier. […] Ou bien, au contraire, ils finissent par s’y connaître un peu … et alors, ils redeviennent (telle est la force du naturel) commerçants et brocanteurs. […] Vous êtes un gamin très indocile, très mal élevé, pas toujours très naturel malgré votre sans-gêne et votre argot, enfin très vaniteux et très content de vous.
Il fait cela sans y toucher, avec un naturel, avec un tact, et une infaillibilité si extraordinaires qu’ils arrachent des cris d’admiration. […] Proust est vraiment le premier à avoir rendu à l’homme son hétérogénéité naturelle, à l’avoir montré non plus moralement, mais, en prenant le mot dans son sens le plus général, physiquement complexe. […] Il eût été plus naturel de commencer notre étude de Proust par la définition, que nous venons seulement de donner, de l’esprit qu’il a apporté dans ses recherches, qui lui a permis ses découvertes. […] Je pense à cette idée qu’il développe si ingénieusement que l’angoisse névrotique, c’est-à-dire, sans objet, et même l’angoisse avec objet absurde, c’est-à-dire la phobie, ne sont que des substituts de la libido, et naissent quand la libido ne trouve pas son emploi naturel. […] Elle est le produit naturel de sa considération, où qu’il la promène.
Il dit de Mlle de Beauvais, mariée au comte de Soissons, qu’elle était fille naturelle, et l’on a retrouvé et l’on produit le contrat de mariage des parents. […] À défaut de la fille du duc de Beauvilliers, il se maria à la fille aînée du maréchal de Lorges ; la bonté et la vérité du maréchal, de ce neveu et de cet élève favori de Turenne, l’attiraient, et l’air aimable et noble de sa fille, je ne sais quoi de majestueux, tempéré de douceur naturelle, le fixa. […] Mais il ne faut pas croire que cette production comme naturelle n’ait pas sa raison d’être, sa majesté et souvent sa grâce.
Mais tout à coup, le cœur de l’ami satisfait, le poète reparaît, et, par un retour bien naturel vers les dangers maudits de la navigation et vers les perfidies des flots, il s’élance, avec un apparent oubli de son sujet, dans une imprécation sublime contre le premier qui, en inventant cet art funeste, exposa la vie des hommes aux périls qui le font trembler pour son ami. […] il te reverra, si ton cœur t’y porte, quand les tièdes vents du printemps souffleront, au retour de la première hirondelle. » Par une transition glissante et naturelle il passe de là à la délicatesse de Mécène, qui n’importune pas son ami de dons et de faveurs difficiles à refuser ; puis il intercale, en vers laconiques et pittoresques, une moquerie douce contre ceux qui aspirent à une fortune disproportionnée à leurs désirs. […] « Si on désire vivre de la vie naturelle, si on veut choisir un site convenable pour bâtir sa demeure, en connaissez-vous un plus approprié que l’heureuse retraite que j’ai choisie ?
« Le prêt d’un million, qui semblait une chose si naturelle, fut durement refusé, et, le lundi matin, les bureaux de la maison de banque ne s’ouvrirent point aux payements. […] Ballanche n’avait rien reçu de la nature pour séduire ni pour attacher : d’une naissance honorable, mais modeste, d’extérieur disgracieux, d’un visage difforme, d’un langage embarrassé, d’une timidité enfantine, d’une simplicité d’esprit qui allait jusqu’à la naïveté, Ballanche ne se faisait aucune illusion sur cette absence de tous les dons naturels ; mais il sentait en lui le don des dons : celui d’admirer et d’aimer les supériorités physiques ou morales de la création. […] Madame Récamier, soit par le goût naturel de piété qu’elle avait contracté au couvent dans son enfance, soit sous l’influence de son ami Mathieu de Montmorency, était très assidue tous les jours et de très grand matin aux offices religieux dans l’église de Saint-Thomas d’Aquin.
Il lui est naturel d’être heureuse. […] On est le petit nombre, on a contre soi toute une armée ; mais on défend le droit, la loi naturelle, la souveraineté de chacun sur soi-même qui n’a pas d’abdication possible, la justice, la vérité, et au besoin on meurt comme les trois cents Spartiates. […] S’ils s’entraident, ils seront toujours misérables par la force des choses naturelles, mais ils apporteront à leurs misères tous les adoucissements que leur triste organisation comporte, et que l’assistance mutuelle nous commande au nom de la conscience et de Dieu.
Des circonstances extérieures auraient pu, comme il arrive souvent, dérouter ma vie et m’empêcher de suivre ma voie naturelle ; mais l’absolue incapacité où j’aurais été de réussir à ce qui n’était pas ma destinée eût été la protestation du devoir contrarié, et la prédestination eût triomphé à sa manière en montrant le sujet qu’elle avait choisi absolument impuissant en dehors du travail pour lequel elle l’avait choisi. […] Dès qu’il s’agit de prendre la meilleure portion sur le plat qui passe, notre politesse naturelle s’y oppose. […] L’œuvre se personnifie toujours pour elles en quelqu’un, et elles ont peine à trouver naturel qu’on ait combattu côte à côte sans se connaître ni s’aimer.
Quand même Papias ne nous apprendrait pas que Matthieu écrivit les sentences de Jésus dans leur langue originale, le naturel, l’ineffable vérité, le charme sans pareil des discours synoptiques, le tour profondément hébraïque de ces discours, les analogies qu’ils présentent avec les sentences des docteurs juifs du même temps, leur parfaite harmonie avec la nature de la Galilée, tous ces caractères, si on les rapproche de la gnose obscure, de la métaphysique contournée qui remplit les discours de Jean, parleraient assez haut. […] En prêtant ces nouvelles idées à Jésus, il ne fit que suivre un penchant bien naturel. […] Chaque trait qui sort des règles de la narration classique doit avertir de prendre garde ; car le fait qu’il s’agit de raconter a été vivant, naturel, harmonieux.
« En effet, excepté quelques scènes de Vasantaséna, remarquables par la sensibilité et le naturel dont elles brillent, et quelques situations remplies de charme dans le drame d’Ourvasi, composition bien inférieure pour l’invention à Sacountala, quoique fille, comme elle, du même père, les autres pièces de ce recueil n’ont rien à opposer aux beautés de premier ordre qui étincellent de toutes parts dans Sacountala, et qui, par la manière dont le génie de Calidasa a su les disposer, font de cet ouvrage un ensemble accompli. […] Cependant, en faveur de la pureté éminemment classique de son style et du naturel exquis avec lequel y sont tracés les divers caractères qui lui impriment la vie, nous le prierons au moins de vouloir bien mitiger son arrêt, et de comprendre ce chef-d’œuvre sous la dénomination de classico-romantique, en lui souhaitant pour sa propre gloire d’en produire un pareil. » VI Je reprends : Mon impression personnelle ne fut ni moins vive ni moins ravissante que celle du traducteur, la première fois que le poème dramatique de Sacountala tomba sous mes yeux. […] Le vénérable anachorète, supérieur de l’ermitage, chante en ses vers ces adieux et ses vœux à Sacountala, sa favorite : « Divinités de cette forêt sacrée, que dérobe à nos regards l’écorce de ces arbres majestueux que vous avez choisis pour asile ; « Celle qui jamais n’a approché la coupe de ses lèvres brûlantes avant d’avoir arrosé d’eau pure et vivifiante les racines altérées de vos arbres favoris ; celle qui, par pure affection pour eux, aurait craint de leur dérober la moindre fleur, malgré la passion bien naturelle d’une jeune fille pour cette innocente séduction ; celle qui n’était complètement heureuse qu’aux premiers jours du printemps, où elle se plaisait à les voir briller de tout leur éclat ; Sacountala vous quitte aujourd’hui pour se rendre au palais de son époux ; elle vous adresse ses adieux.
Très-bien reçu chez la marquise de Mimeure en qualité de Bourguignon, il y rencontra quelquefois Voltaire ; mais par une vocation et comme une pente naturelle, quand Voltaire faisait sa cour à la dame, Piron s’en prenait à la suivante : chacun son niveau. […] Francaleu, qui voit l’oncle Baliveau s’étonner si au naturel, ne peut s’empêcher de lui crier bravo ! […] Le monologue du jeune auteur dramatique pendant qu’on représente sa pièce pour la première fois est d’un charmant et toujours vrai naturel. […] Honoré Bonhomme, à qui l’on doit une publication utile sur Piron, s’est inscrit en faux, par pur zèle d’éditeur, contre ces renseignements si précis donnés par Collé, lequel était pourtant le mieux à même de bien savoir, et qui, sans compter sa véracité naturelle, n’avait nul intérêt à donner une entorse à des faits si simples.
Vous y aimerez tout : le naturel, la simplicité des mœurs, la bonhomie, l’esprit, le comique, — ce comique invincible qui secouait sur sa base mon bon maître Sarcey, un jour que j’étais chez lui et qu’il lisait le morceau sur les douches ascendantes, à moins que ce ne fût la conversation avec le dentiste ; — et les portraits et les paysages en trois coups de plume, et mille traits spontanés d’un pittoresque intense ; et toutes les vertus que trahissent ces libres expansions, la fierté, le désintéressement, l’indépendance, l’éloignement du monde, la douceur patriarcale envers les serviteurs, et la charité, et les larges aumônes, et la libéralité (« … N’oublie jamais qu’un chrétien doit être humble, mais magnifique. » À son Frère, I, page 284) ; et la grâce partout répandue, et, — comme il ne visite guère en voyage que des chrétiens comme lui et des gens d’église ou de couvent un sentiment difficile à comprendre pour les profanes, le sentiment d’une sorte de franc-maçonnerie spirituelle, d’une sécurité sereine et très douce dans la communauté des croyances. […] Vous entrevoyez ses naturelles origines littéraires. […] Veuillot procède des versificateurs du XVIIe et du XVIIIe siècle, avec, seulement, une rime plus nourrie, un vocabulaire plus riche, un peu plus d’images et, comme il était naturel, l’accent d’aujourd’hui. […] Si, pour les neuf dixièmes des « fidèles », la foi n’était chose d’habitude et de convenance, sans nulle action sur la vie morale, il devrait pourtant leur sembler naturel que, dans une histoire de passion combattue, la prière, le chapelet, la messe, la confession même tinssent une place notable.
C’est pourquoi il ne faut point voir dans la tentative d’André Chénier une renaissance gréco-latine ; c’est véritablement une renaissance française, conséquence des xvie et xviie siècles, avec cette différence que le xvie siècle avait vu la Grèce à travers l’afféterie italienne ; le xviie , à travers le faste de Louis xiv ; tandis qu’André Chénier a, dans l’âme de sa mère, respiré la Grèce tout entière ; il parle la même langue que Racine, mais trempée d’une grâce byzantine, attique même, naturelle et innée, et dans laquelle se fondent heureusement l’ingéniosité grecque et la franchise gauloise. » Certes, André Chénier n’a pas réussi partout ; plus d’une pièce de lui trahit des inexpériences sensibles ; il y a des différences d’âge entre ses poésies ; mais celles de sa dernière manière, les élégies lyriques à Fanny, à la Jeune Captive, l’ode à Charlotte Corday, les Iambes, ne laissent rien à désirer.
Effacez-vous plutôt du tableau que vous offrez ; jetez-y en votre place des personnages naturels qui parlent et agissent en leur propre et libre allure ; n’intervenez pas entre eux et nous ; faites comme Walter Scott et Cooper ; disparaissez pour mieux peindre.
Suétone qui a fait l’histoire du règne des empereurs, Ammien Marcellin, Velleius Paterculus, dans la dernière partie de son histoire, ne peuvent être comparés en rien à aucun de ceux qui ont écrit les siècles de la république ; et si Tacite a su les surpasser tous, c’est parce que l’indignation républicaine vivait dans son âme, et que ne regardant pas le gouvernement des empereurs comme légal, n’ayant besoin de l’autorisation d’aucun pouvoir pour publier ses livres, son esprit n’était point soumis aux préjugés naturels ou commandés qui ont asservi tous les historiens modernes jusqu’à ce siècle.
Plus ils étaient nés avec des facultés sensibles, plus l’irritation qu’ils éprouvent est horrible ; il vaut mieux, en fait de crimes, avoir à faire à ces êtres corrompus, pour qui la moralité n’a jamais été rien, qu’à ceux qui ont eu besoin de se dépraver, de vaincre quelques qualités naturelles ; ils sont plus offensés du mépris, ils sont plus inquiets d’eux-mêmes, ils s’élancent plus loin pour mieux se séparer des combinaisons ordinaires, qui leur rappelleraient les anciennes traces de ce qu’ils ont senti et pensé.
Dès qu’un homme et une femme ne sont point attachés ailleurs par l’amour, ils cherchent dans leur amitié tout le dévouement de ce sentiment, et il y a une sorte d’exigence naturelle, entre deux personnes d’un sexe différent, qui fait demander par degrés, et sans s’en apercevoir, ce que la passion seule peut donner, quelque éloigné que l’un et l’autre soit de la ressentir ; on se soumet d’avance et sans peine à la préférence que son ami accorde à sa maîtresse ; mais on ne s’accoutume pas à voir les bornes, que la nature même de son sentiment met aux preuves de son amitié ; on croit donner plus qu’on ne reçoit, par cela même qu’on est plus frappé de l’un que de l’autre, et l’égalité est aussi difficile à établir sous ce rapport que sous tous les autres ; cependant elle est le but où tendent ceux qui se livrent à ce lien.
Ici, nous sommes dépaysés ; et l’étrangeté de ce monde exotique a une force particulière pour exciter en nous le sentiment des beautés naturelles.
Cela, au moment même où les trônes s’écroulent, où l’opérette triomphe avec Hervé et Offenbach, où Renan ironise, où Taine coupe l’essor de l’âme en lui rognant les ailes et prétend que le crime et la vertu sont des produits naturels du cerveau comme le vitriol et le sucre ; mais tandis que la France s’étourdit de flonflons, Wagner y introduit le mysticisme et l’influence de Schopenhauer se marque par une explosion soudaine de pessimisme.
Il suit de là que l’histoire a plus d’un point de contact avec les sciences naturelles et que le développement de l’humanité, malgré sa complexité plus grande, peut être éclairci par ce que l’on sait déjà de l’évolution des plantes et des animaux.
Les étrangers y admiraient cette naïveté, cette aisance, cette délicatesse si naturelle aux Français, jointes à une modestie, à une candeur digne des premiers temps.
. — Accroissement du nombre des enfants naturels du roi. — Maison, rue de Vaugirard, où madame Scarron s’établit. — Le roi va la voir secrètement. — Faux bruits de sa grossesse. — Parole du roi qui indique un goût très vif pour madame de Scarron.
Il est bien plus naturel & plus juste de les considérer comme autant de préceptes mis en action, comme autant de préceptes mis en action, comme autant d’Apologues dont il est facile de tirer le sens moral ; & l’Apologue a toujours été regardé comme la tournure la plus propre à inculquer les leçons.
Sa touche n’est pas communément aussi mâle, aussi énergique, aussi hardie que celle de Corneille ; mais elle est continuement plus élégante, plus naturelle, plus correcte.
Et son évangile est naturel.
C’est que les instincts naturels, — sentiment de la famille, amour de la liberté individuelle, attachement aux biens immédiats et à la vie présente, — formes de l’égoïsme élémentaire, représentants d’une réalité antérieure à la genèse des sociétés humaines et contemporaine des premiers stades de la biologie, c’est que ces instincts réagissent maintenant contre la contrainte que leur imposa la croyance.
Les mouvemens que se donne le monde auteur, connoisseur, amateur, & conduit par la partialité pour ou contre, ressemblent aux vagues d’une mer en fureur, qui vont & reviennent continuellement jusqu’à ce que le temps & le calme remettent les choses dans leur situation naturelle.
Son style est vif, clair, naturel, & assaisonné du sel de la critique ; il avoit surtout une adresse cruelle & singuliére à donner le change aux auteurs mêmes qu’il critiquoit ; & tel écrivain a été le remercier d’une louange ingénieusement équivoque, qui s’est ensuite apperçu qu’il s’étoit laissé honteusement tromper par son style à deux faces.
Ne craignez pas qu’il s’avise de dire au pauvre diable gagé, Mon ami, pose-toi toi-même, fais ce que tu voudras ; il aime bien mieux lui donner quelque attitude singulière que de lui en laisser prendre une simple et naturelle.
Il faut un faire, un naturel bien surprenant pour arrêter, pour intéresser avec si peu de chose.
Son talent, s’il en avait eu, aurait bénéficié du malheur auguste et mystérieux de la Cause de Dieu, perdue par les hommes, au XVIe siècle ; car c’est presque une loi de l’histoire, avec la mélancolie naturelle à l’âme humaine, que les causes perdues nous prennent plus fortement le cœur que les causes triomphantes et soient plus belles à raconter !
comme si refuser l’hommage au xe siècle n’était rien aux yeux de ces tout-puissants raisonneurs qui trouvent naturel que la République prît nos têtes quand nous n’acceptions pas les assignats de Cambon !
Plus on veut être piquant, et moins on est naturel.
Un défaut naturel dans de pareils ouvrages, était le vide des idées ; on employait de grands mots pour dire de petites choses.
L’influence si naturelle des mœurs sur le culte devait, avec le progrès de la grandeur et de la politesse romaines, accréditer de préférence les autels de la déesse dont César prétendait descendre.
Soirées inoubliables de foi sincère et d’enthousiaste exaltation, et dont il m’a paru naturel d’évoquer le souvenir. […] Que le fils Dumas ait pour le père Dumas, une profonde et violente admiration, rien de plus naturel. […] Goût de la vengeance, plaisir naturel de la démolition. […] Aussi est-ce justement ce « parlé » qui donne aux livres de mémoires, leur ton si naturel et si vivant. […] Ils formaient le complément naturel de toute demeure bien ordonnée.
Rien ne lui paraît évidemment plus naturel que d’employer pour la technique du métier de l’écrivain des termes qui ne s’y approprient pas, ou qui ne s’y rapportent du moins que par analogie. […] Le commerce est naturel, donc il est infâme. » Et quelques pages plus haut : « La femme est naturelle, c’est-à-dire abominable109. » Partant de ces idées, Baudelaire écrit sa théorie du maquillage qu’il montre destiné, non pas à corriger les rides d’un visage flétri et à le faire rivaliser avec la jeunesse, mais à donner à la beauté le charme de l’extraordinaire, l’attrait des choses contre-nature. […] À force de s’exciter, de s’irriter, à force d’aviver sans cesse en eux leur sensibilité naturelle, les auteurs de Renée Mauperin avaient fini par ne plus pouvoir goûter une heure de calme relatif. […] ce cri qui serait naturel chez une vierge de notre époque, et que nous comprenons chez la victime de Calchas, semble peu conforme à ce que l’on se figure d’une fille des Brahmanes. […] On nous l’a montré plié sous l’influence des temps, des climats et des milieux, strictement conduit par les grandes lois naturelles qui le dominent, jouet de ses organes physiques, doué d’une conscience très vague et d’une liberté très douteuse.
Houssaye les sciences naturelles d’une part, — et la façon dont nos poètes conçoivent aujourd’hui la poésie. […] Bien loin qu’il fût l’évolution naturelle du romantisme, le parnasse a été une réaction violente, un retour accusé vers la poésie impersonnelle. […] En second lieu ce procédé est le seul qui tienne compte des élisions naturelles. […] Grâce à cette présentation extérieure choisie par l’auteur de Lucienne, les élisions naturelles nous apparaissent d’elles-mêmes et nous trouvons du premier coup les plus fines toniques voulues par l’auteur. […] Par sa perfection intime, elle certifiait l’accord des métiers et la droiture naturelle des artisans.
Il résulte enfin de tout cela que, si le naturel est, dans le style, une vertu bien aimable, les œuvres de M. […] Il lui semble que la guerre est « l’état naturel » de la France. […] Mais il invente ceci : le naturel… ce n’est pas tout : le naturel dans le romantisme. […] Les fatalités naturelles travaillent ; et les hasards sont de connivence avec les volontés. […] La logique, la conséquence, que j’exigeais de mes personnages, pour la mieux assurer je l’exigeais d’abord de moi-même ; et cela n’était pas naturel.
C’est une mort, un vol, une fuite, une dispute, une guerre, bref un événement complet, je veux dire un tout naturel. […] Quand Pilpay veut ouvrir son drame d’une façon naturelle, il se perd dans des récits sans fin, et souvent détruit d’avance sa morale. […] Les grandes oeuvres poétiques sont comme les grandes oeuvres naturelles : elles renferment un raisonnement intérieur dont elles n’ont pas conscience, et sont un syllogisme en action.
Ce besoin, cette faim de la science, qui agite l’homme, n’est que la tendance naturelle de son être qui le porte vers son état primitif et l’avertit de ce qu’il est. […] Partout l’homme a senti l’instinct d’expier je ne sais quoi : en se voyant si malheureux, il est naturel qu’il se soit cru puni. […] L’ambition naturelle, qui n’avait jamais cessé de lui faire sentir sa valeur comme homme politique, lui faisait sans cesse tourner ses regards vers Turin, pour voir si on ne l’appellerait pas au ministère.
À notre première entrevue je fus timide ; elle fut naturelle, gracieuse, adroite de simplicité ; mon impression fut un attrait doux, qui n’éblouit pas, mais qui attire : clair de lune qui rappelle un jour de splendide été. […] On a remarqué que les hommes de cette nature recherchent hardiment pour épouses les femmes les plus renommées par leur figure, soit qu’ils redoutent moins que d’autres la célébrité des attraits pour les compagnes de leur vie, soit qu’une très belle femme paraisse à leurs yeux un luxe naturel qui attire sur leur maison l’attention publique, soit que, ambitieux de jouissance autant que de fortune, ils se donnent, sans penser au lendemain, toutes les fleurs de la vie pour en embaumer leur existence. […] Juliette n’était pas insensible à ces vives déclamations du cœur d’un frère du maître des armées ; elle n’acceptait de ces sentiments que le seul sentiment qu’elle pouvait rendre, l’amitié ; mais, dès l’âge de dix-huit ans, on voyait poindre dans ses réponses et dans sa réserve cet art naturel qui fut celui de sa vie : rester pure en paraissant émue, tout promettre et ne rien tenir.
Si nous revoyons la vie de ces deux musiciens, une transition naturelle nous apparaîtra de Haydn à Beethoven par Mozart dans la direction de l’existence extérieure. […] La vie de Mozart fut, au contraire, une lutte incessante pour une existence paisible et assurée, qui, toujours, devait lui être refusée… Son maître, à lui, était le grand public, qu’il avait, chaque jour, à charmer par quelque œuvre nouvelle : et ses compositions reçurent, de cette vie cruelle, leur caractère spécial d’improvisation rapide… … Si Beethoven avait disposé sa vie, d’après une conception théorique froide et réfléchie, il n’aurait pu la diriger plus sûrement, par rapport à la vie de ses deux grands prédécesseurs, qu’il fit, en vérité, d’après la seule impulsion de son naïf instinct naturel. […] Les distractions d’une grande ville voluptueuse devaient, à peine, attirer Beethoven comme elles eussent amusé un enfant : trop violentes étaient ses impulsions naturelles, sa volonté trop énergique, pour se pouvoir rassasier dans ces occupations superficielles et changeantes.
redoutable question, dont la dialectique longuement doit remonter aux invraisemblables et nécessaires origines naturelles de cet art excellemment fictif. […] Ainsi, de son origine, la musique exprima les émotions issues des choses par la représentation des bruits naturels ; combien donc rapidement le conventionnel dut, par la force de l’association des idées, étendre les moyens de la musique ! […] L’artiste spécial, pensant et disant ses sensations en son mode spécial d’art, ce ne sera pourtant pas le littérateur dégénérescent s’efforçant à donner avec des mots des images, avec des mots des musiques : folies qu’admet ou le virtuose tombé à la suprême décadence des impossibilités essayées, ou l’artiste dévié de sa voie naturelle et malgré soi y retournant.
C’est avec la plus parfaite ingénuité que le poète tente de faire rentrer dans son art, outre l’esprit, la lettre aussi de toute chose, oubliant qu’il n’est pas plus naturel de tout dire en vers que de tout chanter. […] Une simplicité un peu affectée et un naturel un peu artificiel n’empêchent point le poète d’égrener partout sur son chemin, avec sa fantaisie, les plus jolis vers : Le sourire survit au bonheur. […] Nous voyons là, comme dans un brusque rayon, ce qu’il y a de folie et de hideur à être privé de la sagesse ; et nous y voyons aussi que, comme le Christ nous le donne à entendre, le royaume de Dieu n’est autre que la sagesse, qu’il n’est ni un lieu ni une chose visible, mais l’attribut du sage : — Le royaume de Dieu est au dedans de vous » (page 576). — Il y a des livres, selon Joubert, dont l’effet naturel est « de paraître pire qu’ils ne sont, comme l’effet inévitable de quelques autres est de paraître meilleurs qu’eux-mêmes ; » le livre des Blasphèmes réunit les deux effets : il ne mérite d’être placé ni si haut, ni si bas.
Dombey fasse un voyage en chemin de fer, qu’un poney témoigne dans Le Magasin d’antiquités de son naturel indiscipliné en faisant vaguer où il lui plaît la carriole qu’il traîne ; qu’un bedeau, dans Olivier Twist, se chauffe le gras des jambes devant un bon feu, dans le bureau de la garde de l’hospice des pauvres ; que le romancier ait simplement à expliquer que M. […] S’il s’attaque à des gens moyens, ni ridicules ni surprenants, mais simples, naturels et vertueux, le romancier anglais ne parvient à Créer que de pâles ombres sans vie, de paroles banales, d’actes insignifiants et qui restent ternes et nuls d’un bout à l’autre du livre. […] Si les caractères ont quelque peu varié de l’état sauvage au nôtre, c’est surtout grâce aux mobiles que les religions dédaignent : l’orgueil, l’amour de la vie, l’amour des jouissances, l’amour sensuel même, l’intérêt, l’égoïsme individuel, l’égoïsme patriotique ; et dans ce lent travail de formation de lui-même, auquel l’ont si peu aidé ses prêtres, l’homme, en paraissant et en croyant les écouter, ne s’est défait que de ce qui lui nuisait, et n’a recherché qu’une somme supérieure de bonheur, se pliant mieux à la vie naturelle et sociale et suivant ces commandements véritables, que personne ne lui formulait, mais que les climats, la chasse, la guerre, ses sens, toute sa chair, lui ont impérieusement imposés.
On peut admirer tout de lui, excepté le caractère naturel, vrai, proportionné et sobre de son pays. […] Énumérez seulement quelques-unes des conditions innombrables de ce qu’on nomme style, et jugez s’il est au pouvoir de la rhétorique de créer dans un homme ou dans une femme une telle réunion de qualités diverses : Il faut qu’il soit vrai, et que le mot se modèle sur l’impression, sans quoi il ment à l’esprit, et l’on sent le comédien de parade au lieu de l’homme qui dit ce qu’il éprouve ; Il faut qu’il soit clair, sans quoi la parole passe dans la forme des mots, et laisse l’esprit en suspens dans les ténèbres ; Il faut qu’il jaillisse, sans quoi l’effort de l’écrivain se fait sentir à l’esprit du lecteur, et la fatigue de l’un se communique à l’autre ; Il faut qu’il soit transparent, sans quoi on ne lit pas jusqu’au fond de l’âme ; Il faut qu’il soit simple, sans quoi l’esprit a trop d’étonnement et trop de peine à suivre les raffinements de l’expression, et, pendant qu’il admire la phrase, l’impression s’évapore ; Il faut qu’il soit coloré, sans quoi il reste terne, quoique juste, et l’objet n’a que des lignes et point de reliefs ; Il faut qu’il soit imagé, sans quoi l’objet, seulement décrit, ne se représente dans aucun miroir et ne devient palpable à aucun sens ; Il faut qu’il soit sobre, car l’abondance rassasie ; Il faut qu’il soit abondant, car l’indigence de l’expression atteste la pauvreté de l’intelligence ; Il faut qu’il soit modeste, car l’éclat éblouit ; Il faut qu’il soit riche, car le dénûment attriste ; Il faut qu’il soit naturel, car l’artifice défigure par ses contorsions la pensée ; Il faut qu’il coure, car le mouvement seul entraîne ; Il faut qu’il soit chaud, car une douce chaleur est la température de l’âme ; Il faut qu’il soit facile, car tout ce qui est peiné est pénible ; Il faut qu’il s’élève et qu’il s’abaisse, car tout ce qui est uniforme est fastidieux ; Il faut qu’il raisonne, car l’homme est raison ; Il faut qu’il se passionne, car le cœur est passion ; Il faut qu’il converse, car la lecture est un entretien avec les absents ou avec les morts ; Il faut qu’il soit personnel et qu’il ait l’empreinte de l’esprit, car un homme ne ressemble pas à un autre ; Il faut qu’il soit lyrique, car l’âme a des cris comme la voix ; Il faut qu’il pleure, car la nature humaine a des gémissements et des larmes ; Il faut… Mais des pages ne suffiraient pas à énumérer tous ces éléments dont se compose le style. […] dans un temple plein d’avance de la majesté des pensées qu’on va traiter devant lui ; s’abandonner à l’inspiration, tantôt polémique, tantôt lyrique, souvent même extatique, de ses plus sublimes pensées ; parler sans contrôle et sans contradiction des choses les plus augustes, les plus intellectuelles, les plus saintes, devant des foules recueillies qui ne voient plus l’homme dans l’orateur, mais la parole incarnée ; entraîner à son gré ces auditeurs du ciel à la terre, de la terre au ciel ; être soi-même, dans cette tribune élevée au-dessus de ces milliers de têtes inclinées, l’intermédiaire transfiguré entre le fini et l’infini ; formuler des dogmes, sonder des mystères, promulguer des lois aux consciences, tourner et retourner tout le cœur humain dans ses mains, pour lui imprimer les terreurs, les espérances, les angoisses, les ravissements d’un monde surnaturel ; descendre de là tout rayonnant des foudres ou des miséricordes divines avec lesquelles on vient d’exciter les frissons ou de faire couler les larmes de tout ce peuple : n’y a-t-il pas là de quoi transporter un orateur sacré au-dessus de ses facultés naturelles, et de lui donner ce mens divinior, cette divinité de la poésie et de l’éloquence, dernier échelon du génie humain ?
Tout ce mélange, ce composé naturel et sincère où domine et surnage partout la curiosité historique, nous est d’un grand charme en le lisant. […] Ces menues circonstances toutes naturelles ajoutent au tragique de la catastrophe et à la leçon que va donner la fortune.
Poète admirable et le plus naturel sans doute depuis Homère (quoique si diversement), de qui l’on a pu écrire avec raison qu’il a une imagination si créatrice et qu’il peint si bien, avec une si saillante énergie, tous les caractères, héros, rois, et jusqu’aux cabaretiers et aux paysans, « que si la nature humaine venait à être détruite et qu’il n’en restât plus aucun autre monument que ses seuls ouvrages, d’autres êtres pourraient savoir par ses écrits ce qu’était l’homme ! […] Si quelque écrivain nous apparaît, dans sa conduite et dans toute sa personne, violent, déraisonnable, choquant au bon sens, aux convenances les plus naturelles, il peut avoir du talent (car le talent, un grand talent, est compatible avec bien des travers), mais soyez sûrs qu’il n’est pas un écrivain de la première qualité et de la première marque dans l’humanité.
Les Lettres écrites de Lausanne, délicieux roman de Mme de Charrière, montrent combien le goût, le naturel choisi et l’imagination aimable étaient possibles, à la fin du dernier siècle, dans la bonne société de Lausanne, plus littéraire peut-être et moins scientifique que ne l’était alors celle de Genève. […] — Soit qu’il nous peigne ce grand style de Pascal, si caractérisé entre tous par sa vérité, austère et nu pour l’ordinaire, paré de sa nudité même, et qu’il ajoute pour le fond : « Bien des paragraphes de Pascal sont des strophes d’un Byron chrétien ; » soit qu’il admire, avec les penseurs, dans La Rochefoucauld, ce talent de présenter chaque idée sous l’angle le plus ouvert, et cette force d’irradiation qui fait épanouir le point central en une vaste circonférence ; soit qu’il trouve chez La Bruyère, et à l’inverse de ce qui a lieu chez La Rochefoucauld, des lointains un peu illusoires créés par le pinceau, moins d’étendue réelle de pensée que l’expression n’en fait d’abord pressentir, et qu’il se montre aussi presque sévère pour un style si finement élaboré, dont il a souvent un peu lui-même les qualités et l’effort ; soit que, se souvenant sans doute d’une pensée de Mme Necker sur le style de Mme de Sévigné, il oppose d’un mot la forme de prose encore gracieusement flottante du xviie siècle à cette élégance plus déterminée du suivant, qu’il appelle succincta vestis ; soit qu’en regard des lettres capricieuses et des mille dons de Mme de Sévigné, toute grâce, il dise des lettres de Mme de Maintenon en une phrase accomplie, assez pareille à la vie qu’elle exprime, et enveloppant tout ce qu’une critique infinie déduirait : « Le plus parfait naturel, une justesse admirable d’expression, une précision sévère, une grande connaissance du monde, donneront toujours beaucoup de valeur à cette correspondance, où l’on croit sentir la circonspection d’une position équivoque et la dignité d’une haute destinée ; » soit qu’il touche l’aimable figure de Vauvenargues d’un trait affectueux et reconnaissant, et qu’il dégage de sa philosophie généreuse et inconséquente les attraits qui le poussaient au christianisme ; soit qu’en style de Vauvenargues lui-même il recommande, dans les Éléments de Philosophie de d’Alembert, un style qui n’est orné que de sa clarté, mais d’une clarté si vive qu’elle est brillante ; — sur tous ces points et sur cent autres, je ne me lasse pas de repasser les jugements de l’auteur, qui sont comme autant de pierres précieuses, enchâssées, l’une après l’autre, dans la prise exacte de son ongle net et fin.
C’est là l’effet naturel d’une situation mieux établie. […] L’objet naturel, le devoir d’un tel ouvrage ne serait-il pas d’indiquer dans l’auteur négligé ce qui est à lire par échantillon, ce qui mérite d’en survivre, et ce qu’on en peut sauver d’agréable après des siècles ?
J’ai prié M. de Heeckeren, sénateur, et M. de Reinach, député, de s’entendre avec les deux personnes que vous désignerez pour les suites naturelles de cet incident. — M. de Heeckeren, qui veut bien se charger de ce billet, recevra aussi votre réponse, c’est-à-dire les noms des deux personnes de votre choix. […] Qu’on en gémisse ou non, la foi s’en est allée ; la science, quoi qu’on dise, la ruine ; il n’y a plus, pour les esprits vigoureux et sensés, nourris de l’histoire, armés de la critique, studieux des sciences naturelles, il n’y a plus moyen de croire aux vieilles histoires etaux vieilles Bibles.
Comme il avait toujours vécu sous l’autorité de son père, son nom ne se montre que rarement dans les pages de l’histoire : mais les mémoires littéraires attestent que, par ses talents naturels et par ses connaissances acquises, il ne dérogeait pas à cette ardeur pour les études, à cet attachement pour les hommes d’un savoir éminent qui avaient été l’apanage constant de sa famille. « Outre ses enfants légitimes, Côme laissa aussi un fils naturel, Charles de Médicis, qu’il fit élever avec soin, et qui, par les vertus dont il donna l’exemple, effaça la tache de sa naissance.
Ainsi s’étend la comédie fantaisiste de Musset, précieuse et naturelle, excentrique et solide, sentimentale et gouailleuse, plus poétique que la comédie de Marivaux, moins profonde que la comédie de Shakespeare, œuvre unique en somme dans notre littérature, et d’une grâce originale qui n’a pu être imitée. […] Dumas y vint, après que sa fièvre de 1830 fut calmée, lorsqu’il fut rendu à son naturel de bon enfant qui aimait à conter des histoires, et à son tempérament d’homme de théâtre, apte à faire jouer tous les trucs qui tirent le rire et les larmes.
Comme si l’écrivain avait antérieurement à sa vertu, ou d’une généralité, dérivé un bien, notre coutume, singulière et belle, pourvu que complétée, en coupe à court délai la transmission : avec cette vue, que l’héritage, passé le temps, se reporte de la filiation naturelle à la lignée par l’esprit. […] pour de la divination en sus, il aurait compris, sur un point, de pauvres et sacrés procédés naturels et n’eût pas fait son livre.
Joukovski a traduit le roman d’Ondine en hexamètres antiques ; d’autres ont employé le vers iambique ou notre alexandrin ; mais le vers qui paraît le plus naturel au génie slave est l’iambique de huit syllabes. […] Je ne connais pas d’ouvrage plus tendu, si l’on peut se servir de cette expression comme d’un éloge ; pas un vers, pas un mot ne s’en pourrait retrancher ; chacun a sa place, chacun a sa destination, et cependant en apparence tout cela est simple, naturel, et l’art ne se révèle que par l’absence complète de tout ornement inutile.
Une manière simple et naturelle de raisonner y remplace les formes captieuses et monotones de la scolastique. […] L’étude que Calvin avait faite des anciens et particulièrement de Cicéron, dont la méthode est si naturelle et si agréable, lui avait donné le secret de ce grand art d’approprier une matière à l’intelligence du lecteur, de la proportionner à son attention, de raisonner avec force, sans abuser de l’appareil du raisonnement.
« Qui sait, dit gravement Bernardin de Saint-Pierre, si ces carnassiers ne transgressent pas leurs lois naturelles, et ne sont pas comme les assassins dans une société réglée ? […] » En général les sentiments des deux amants sont plus naturels que leurs discours.
On peut en juger par ce passage horrible : Des milliers d’hommes dépouillés de tout par la dureté de leurs Maîtres, enhardis par le sentiment de la liberté, & encouragés par le vrai droit naturel, oseront enfin un jour réclamer hautement leurs droits. […] Ce sont des Philosophes qui ont substitué, dans le style, l’emphase au naturel, l’enflure au sentiment, l’entortillage à la clarté, la glace au pathétique [Voyez les articles Diderot, Thomas, &c.], qui ont les premiers introduit, dans les Ouvrages polémiques, les épithetes de Gredin, de Cuistre, de Pédéraste, de Fripon, d’Escroc, &c. qui ont employé contre leurs Adversaires les calomnies, les emprisonnemens, les persécutions de toute espece, &c.
Les premiers Apôtres de cette Foi si naturelle, n’exigeoient pas la croyance des peuples pour leurs propres discours : la Doctrine qu’ils prêchoient n’étoit pas d’eux ; ils le déclaroient avec candeur ; ils reconnoissoient hautement qu’ils n’étoient que les organes de l’Esprit divin qui les animoit. […] Nous savons qu'on rencontre parmi les vicieux & les criminels, des hommes persuadés de la vérité de la Religion : mais quelle différence entre l'homme qui manque aux devoirs de la Religion, en conservant dans son cœur le respect pour cette Religion même, & l'homme effréné, qui se livre par principe à ses passions, à sa perversité naturelle ou acquise, parce qu'il a déjà abjuré au dedans de lui-même la Religion qui combat ses mauvais penchans !
Ce docteur Rémonin, qui va jouer un si singulier rôle dans la pièce, vous représente un physicien de salon, qui traduit tout en phénomène d’histoire naturelle. […] Évadée d’abord, libérée ensuite par la Guerre de l’Abolition, elle est retournée dans la plantation où elle a rendu fous d’amour les deux fils de son ancien maître, à ce point que l’un a poignardé l’autre ; sur quoi sa sœur naturelle l’a dénoncé et fait pendre.
Il a exprimé en maint endroit ce sentiment impatient et si naturel aux fortes natures, qui leur fait désirer un vaste champ d’activité. […] C’est là le propre des poètes, et c’est aussi leur charme quand ils le font simplement, avec naturel, avec innocence ; mais quand ils affectent de le faire au milieu des graves devoirs qu’ils se sont imposés par ambition, je les arrête et je les trouve en ceci très petits et même coupables.
Quand quelque pièce se démanche, on peut l’étayer ; on peut s’opposer à ce que l’altération et corruption naturelle à toutes choses ne nous éloigne trop de nos commencements et principes ; mais d’entreprendre de refondre une si grande masse et de changer les fondements d’un si grand bâtiment, c’est à faire à ceux qui, pour décrasser, effacent, qui veulent amender les défauts particuliers par une confusion universelle, et guérir les maladies par la mort. […] Se séparant, pour le mieux flétrir, du faux bon ton qui n’avait jamais été le sien, et revendiquant le vrai bon ton éternel et naturel, celui qui est tel pour toute âme bien née, et qu’aucune révolution n’est en droit d’abolir : Tout homme qui a une âme bonne et franche, s’écriait-il, n’a-t-il pas en soi une justesse de sentiment et de pensées, une dignité d’expressions, une gaieté facile et décente, un respect pour les vraies bienséances, qui est en effet le bon ton, puisque l’honnêteté n’en aura jamais d’autre ?
Ce premier discours de Saint-Just dans le procès de Louis XVI fournit quantité de ces axiomes et aphorismes dont la parole de l’orateur est habituellement tissue, et qui vont devenir la théorie conventionnelle la plus pure : De peuple à roi je ne connais plus de rapport naturel… Pour moi je ne vois point de milieu : cet homme doit régner ou mourir. […] Barère, un faux frère, qui a échappé au supplice et qui s’est vengé par des révélations, nous a montré Saint-Just au naturel dans l’intimité des séances du Comité de salut public.
Le pauvre homme est tellement américanisé par ses philosophes zoocrates et industriels qu’il a perdu la notion des différences qui caractérisent les phénomènes du monde physique et du monde moral, du naturel et du surnaturel. […] Ingres me paraît souvent être à l’antiquité ce que le bon ton, dans ses caprices transitoires, est aux bonnes manières naturelles qui viennent de la dignité et de la charité de l’individu.
Dans tous les cas, et sans empiéter sur les droits et usurper la langue du poëte français, banni maintenant comme l’exilé de Crète, il nous semble qu’en prose du moins, l’essai le plus naturel serait de traduire à peu près ainsi, pour donner quelque faible idée de l’élévation et des contrastes du lyrique thébain : À Ergotèle, vainqueur a la double course. […] Ainsi tous les hommes commencent par les mêmes infirmités : dans le progrès de leur âge, leurs années se poussent les unes les autres, comme les flots ; leur vie roule et descend sans cesse à la mort par sa pesanteur naturelle ; et enfin, après avoir fait comme des fleuves un peu plus de bruit, et traversé un peu plus de pays les uns que les autres, ils vont tous se confondre dans ce gouffre infini du néant, où on ne trouve plus ni rois, ni princes, ni capitaines, ni tous ces noms qui nous séparent les uns des autres, mais la corruption et les vers, la cendre et la pourriture qui nous égalent. » C’est ainsi, c’est avec un semblable regard mélancolique et vaste, que souvent, à l’occasion d’une prouesse vulgaire et d’un nom sans souvenir, le poëte thébain suscite une émotion profonde par quelque leçon sévère sur la faiblesse de l’homme et les jeux accablants du sort.
Le commencement en est un peu recherché et fleuri ; le maréchal s’est mis en frais de littérature pour le poète ; mais la suite est toute naturelle, gaiement familière et d’une extrême bonhomie : À Villars, le 28 mai 1722.
Esprits immortels de Rome et surtout de la Grèce, Génies heureux qui avez prélevé comme en une première moisson toute heur humaine, toute grâce simple et toute naturelle grandeur, vous en qui la pensée fatiguée par la civilisation moderne et par notre vie compliquée retrouve jeunesse et force, santé et fraîcheur, et tous les trésors non falsifiés de maturité virile et d’héroïque adolescence, Grands Hommes pareils pour nous à des Dieux et que si peu abordent de près et contemplent, ne dédaignez pas ce cabinet où je vous reçois à mes heures de fête ; d’autres sans doute vous possèdent mieux et vous interprètent plus dignement ; vous êtes ailleurs mieux connus, mais vous ne serez nulle part plus aimés.
Il n’est pas jusqu’à ses disgrâces naturelles qui n’influent sur le ton de son récit, et comme le disait il y a peu de temps notre poète populaire, le portrait mis en tête du livre en devient la pièce justificative, le commentaire essentiel.
Il faut que toute une génération disparaisse, alors il ne reste des prétentions des partis que les intérêts légitimes, et le temps peut opérer entre ces intérêts une conciliation naturelle et raisonnable.
Mathieu lui expliqua cette doctrine, qui reposait sur la loi naturelle, et dont le but était purement moral et social.
La ville où l’on séjourne a beau être embrouillée, inégale, tortueuse, sans ordre et sans plan, pleine de carrefours, de tréteaux de charlatans, de passages et de ruelles, de monuments inachevés dont les pierres encombrent les places, d’arcs de triomphe sans chars ni statues de vainqueurs, de clochers et de coupoles sans croix : quand le soleil est couché, quand, du haut des collines prochaines, le voyageur qui n’est pas entré dans cette ville et qui n’y a pas vécu, l’aperçoit à l’horizon dessinant sa silhouette déjà sombre sur le ciel encore rougi du couchant, il la voit toute différente ; il y distingue des étages naturels, des accidents dominants, des masses imposantes et combinées ; les édifices que la distance et l’obscurité achèvent et idéalisent à ses yeux, lui apparaissent selon des hauteurs bien diverses.
Il arrive en effet que dans cet orage naturel qui s’agite au dedans de lui aux heures de paroles ou de composition, il se fait des éclats peu mesurés, qui vont au-delà de l’équitable pensée, qui dévient et frappent à faux, qui heurtent en face les scrupuleux et les superstitieux, qui pourraient en aveugler à tort quelques-uns sur un ensemble plein d’utilité et de puissance.
En outre, « les objets avaient perdu leur aspect naturel ; tout ce qu’il voyait avait changé de manière d’être ». — « L’étrangeté de ce que je voyais, dit-il, était celle que je me croyais transporté sur une autre planète. » — « Il était constamment étonné, il lui semblait qu’il se trouvait en ce monde pour la première fois.
Comédies : la Dame aux Camélias (1852) ; le Demi-Monde (1855) ; la Question d’argent (1857) ; le Fils naturel (1858) ; le Père prodigue (1859) : l’A mi des Femmes (1864) ; les Idées de Mme Aubray (1867) ; la Visite de Noces (1871) ; la Princesse Georges (1871) ; la Femme de.
France avait voulu écrire le roman de la jalousie, définitif, il aurait eu tort de poser Dechartre second amant, parce que la jalousie, en son cas, est trop évidente, trop naturelle, et pas assez fine.
Par jeu, je disais dans ma jeunesse : « Je n’admire que ce que je ne comprends pas, que ce que je me sens incapable de comprendre, et il me semble que c’est tout naturel.
Un grand ressort des temps anciens, qui fut nécessaire à l’organisation primitive de la société, et qui ne peut plus être pour nous qu’une grande erreur, le sentiment exclusif de la nationalité doit disparaître : il ne peut tenir devant les hauts sentiments de l’humanité ; il restera l’amour du sol natal et l’attachement aux institutions de la patrie, seuls sentiments vrais, naturels, indestructibles comme le cœur de l’homme.
Il y eut aussi du succès, et ce fut ce succès immobilisé, passé à l’état de pagode, qui donna à la Revue Contemporaine l’envie naturelle d’exister et de s’établir sur un plan qui avait si bien réussi.
Or, pour la transition, un seul rapport suffit ; mais pour l’agrégation, il en faut mille ; car il faut une convenance naturelle, profonde et complète. » Ainsi défendu, quoiqu’il n’eut pas besoin de défense, La Bruyère, accepté et magnifié à tous les titres de moraliste, de philosophe, d’observateur et d’écrivain, manquait de cette page de critique qui épure la gloire d’un homme en la passant au feu d’un ferme regard, car dans la gloire, dans ce lacryma-christi de la gloire, telle que les hommes la font et la versent, il y a encore des choses qu’il faut rejeter du verre, — pour que l’ivresse en soit divine !
Charrière le compare, que le naturel et le vrai sont éloignés du déclamatoire et du faux.
Ne comparons pas à l’imagination orientale de l’auteur de Nathan le Sage et d’Émilia Galotti, l’imagination un peu bourgeoise de l’auteur du Fils naturel et du Père de famille.
Bouilhet, comme on voit parfois briller une rose naturelle sous le luxueux voile de dentelle noire, moucheté d’or, des Espagnoles du Mexique.
C’est le spectateur et le juge de tout ce que conçoit l’âme humaine : personne ne trompe ce témoin. » L’hymne du soir, pour demander une nuit paisible, l’éloignement des songes et la pureté de l’âme, n’est pas d’un tour moins naturel.
Il semblerait tout naturel que le peuple qui se déclare le plus spirituel du globe commençât par l’être assez pour ne dire jamais que du bien des productions de son esprit. […] Il demande à sa femme, qui lui a pardonné, de vivre désormais avec lui comme une sœur, la meilleure de ses amies ; elle accepte simplement ; le sacrifice paraît tout naturel à l’égoïsme du mari. […] Ainsi réduite, la transition est dure et inadmissible ; mais l’enchaînement des faits qui l’amènent semble la rendre toute naturelle. […] J’ai bien souffert autrefois à cause de lui, puis j’ai pris mon parti de la séparation effective… Sa maladie l’a rendue toute naturelle. […] Une grâce aisée, une modestie naturelle cachait le sérieux de son esprit ; une tendresse presque féminine servait de voile à la fermeté de son caractère.
Dans le premier trouble où me jetait sa perte, je n’avais pas vu, à côté de moi, un de mes secours naturels, un petit-fils que me cachaient des travaux d’une autre sorte que ceux de Person. […] Mais il y a tant de dons naturels dans son talent, et tant d’industrie dans son travers, que je ne serais pas loin de l’admirer, si je pouvais seulement le supporter. […] Ce n’est pas lorsque de sa voix de tête il faisait écho au refrain banal « de l’autel et du trône » ; c’est lorsque de sa voix naturelle il chantait, dans des strophes passionnées et sincères, sa jeunesse envolée et les premiers mécomptes de son âge mûr. […] Par quelle rhétorique naturelle il développait et précipitait ces raisons, et comment l’avocat s’élevait jusqu’aux cimes de l’éloquence politique, il m’est plus aisé de ne pas l’oublier que de l’exprimer. […] Ils y tiennent d’abord comme à l’auxiliaire naturel de l’égalité ; puis, pour la satisfaction de se croire consultés et écoulés dans la conduite de leurs affaires.
Félix Reyssié, opposant au portrait romantique « vague, impalpable », que le Lamartine des Confidences nous trace du Lamartine enfant, certain dessin au crayon qui nous le représente au naturel, à l’âge de huit ans : « C’est un bon gros garçon joufflu, l’air étonné, la bouche bée, le nez en l’air, cheveux en broussailles, l’air éveillé pourtant ; en somme, un beau gars de Milly qui a bien employé son temps et se porte à merveille. » — Et, à ce propos, je vous recommande la description que M. […] Ne vous en plaignez pas : car, même ramenée au « naturel », il y reste encore assez de mystérieux Je viens de relire des vers de Chênedollé et de Fontanes, très purs, très harmonieux, très beaux enfin, je vous le jure, et que j’aimerais à vous citer. […] Le père trouva cela tout naturel : « Julia, ce fut le nom qu’un souvenir d’amour donna à notre fille. » Maria-Anna fut bonne au poète, fidèle à toutes ses fortunes, plus tendrement fidèle encore à sa chute, à ses revers et à sa pauvreté qu’à sa gloire… Mais il faut bien que j’arrive enfin aux poésies de Lamartine. […] Ces « psaumes modernes », comme Lamartine avait voulu les nommer, sont en effet un vaste cantique au Divin perçu et considéré successivement dans toutes ses manifestations et tous ses modes ; mais ils suivent, si je ne m’abuse, une espèce d’ordre logique, naturel et ascendant. […] C’est une des poésies de ma jeunesse qui me rappelle le plus à moi-même le modèle idéal du lyrisme dont j’aurais voulu approcher. » Ainsi l’auteur des Harmonies parcourt, d’un mouvement naturel, toutes les façons de concevoir et d’aimer Dieu.
Il a trouvé plus naturel d’adresser à son héros les louanges qui, pour avoir quelque valeur, ne doivent pas s’échapper des lèvres mêmes de l’homme qui les reçoit. […] Cette réaction, si naturelle chez les âmes généreuses, a trouvé dans M. de Lamartine un observateur studieux, un peintre fidèle. […] Qu’on nous permette une question très prosaïque, mais très naturelle. […] Malgré sa jeunesse, malgré le désir bien naturel de montrer son habileté dans le maniement des images, il a su se contenir dans de justes limites. […] Le personnage de Marie de Neubourg n’est donc pas conçu d’une façon plus naturelle que don Salluste et Ruy Blas.
Reconnaissons-y la jouissance naturelle d’une grande manière d’être, mais qui se sait grande, d’une âme très noble, mais qui se contemple trop pour ne pas se savoir noble. […] Et le rêve est si naturel à M. d’Aurevilly que le moindre événement l’y conduit par une invincible pente. […] Il ne savait pas l’orthographe ; il l’a apprise, ainsi que le latin, l’allemand, la métaphysique, un peu de sciences naturelles, l’histoire. […] Ils collaborent, en étudiant les littératures, à une histoire naturelle des esprits. […] Si cette hypothèse sur l’imagination des écrivains de théâtre se trouvait vérifiée, elle expliquerait du coup pourquoi le don naturel leur est nécessaire et d’une nécessité absolue.
Cela doit être naturel. — Oui, monsieur Kobus, dit le vieux fermier, c’est naturel : les uns naissent avec des qualités, et les autres n’en ont pas, malheureusement pour eux. […] comme c’est naturel ! […] C’est encore plein de rosée, et ça conserve tout son goût naturel, toute sa force et toute sa vie. » Christel le regardait d’un air joyeux.
Nous tous qui portons des fardeaux, n’est-il pas naturel que le poids (fût-il le même) nous semble plus léger, si ce sont des roses ?
Mais cette idée, qui, si elle avait été réalisée selon des conditions naturelles d’existence, dans un lieu, dans un encadrement déterminé, et à l’aide de personnages vivant de la vie commune, aurait été admise des lecteurs superficiels et probablement amnistiée, cette même idée venant à se transfigurer en peinture idéale, à se déployer en des régions purement poétiques, et à s’agiter au loin sur le trépied, a dû être l’objet de mille méprises sottes ou méchantes : on n’a jamais tant déraisonné ni calomnié qu’à ce sujet.
Mais dans un âge mûr, après tous les progrès de la civilisation, la raison n’a plus besoin de formes pour comprendre ; elle saisit la vérité dans toute sa nudité naturelle, et c’est la philosophie qui vient lui enseigner ses destinées.
Si l’article était resté là où il a paru, c’est-à-dire hors de France, nous l’y aurions laissé à l’usage des préjugés tories et des vanités littéraires nationales qu’il caresse ; mais, puisqu’on a jugé à propos de nous le reproduire en France comme une pièce qui a quelque intérêt et quelque gravité, il nous a été naturel d’en dire notre avis.
Quoi qu’il en soit, en fait l’ouvrier littéraire, dans son imprévoyance, se multiplie et pullule chaque jour ; son existence est devenue une nécessité, un produit naturel et croissant de vie échauffée qui se porte à la tête et qui constitue la civilisation parisienne.
Les autres œuvres françaises, d’un tour moins oratoire, représentent plus au naturel peut-être le vrai génie de Calvin.
Ce sont des hommes doux, bien meilleurs que moi, et qui ont coutume de découvrir, chaque saison, dans les pièces qui leur sont soumises, une bonne douzaine de « scènes supérieures » et de « scènes de premier ordre. » J’estime tout naturel que vous ayez plus de confiance en eux qu’en moi et que vous mettiez leur jugement fort au-dessus du mien ; mais enfin c’est le mien, et non le leur, que vous me demandiez, quand, avec l’espoir effréné que je vous trouverais du génie, vous m’avez convié à la représentation de votre drame et m’en avez même envoyé la brochure.
[Préface au Père naturel, de Préfaces (1877).]
De là son scepticisme, ses airs de pose et parfois son cynisme, qui jurait avec son élégance naturelle.
L’alliance y est naturelle et heureuse du comique et du lyrisme.
Pour le masque, il n’a rien d’extraordinaire : on portait la barbe dans ce temps-là, et c’est un vieux marchand dans son naturel. » Le Docteur est reproduit d’après la gravure nº 5 de l’Histoire du Théâtre italien de Riccoboni.
C’est sans doute une preuve de sagacité d’avoir reconnu le fond des intentions du poète ; mais n’avoir point remarque que la direction franche et naturelle est détournée dans l’exécution, que le trait primitif du dessin tracé dans la pensée de l’auteur s’est à peu près effacé et pour ainsi dire oblitéré dans l’ouvrage, et n’avoir point pénétré le motif de cette altération, c’est n’avoir pas porté la sagacité assez loin.
Ce sont des Philosophes qui déclament contre l’imagination & la Poésie, qui réduisent le mérite des Vers au seul mérite de la pensée, qui ont substitué, dans le style, l’emphase au naturel, l’enflure au sentiment, l’entortillage à la clarté, la glace au pathétique….
Tant d’exemples du sublime cité partout, remarquables principalement par ce naturel qui les caractérise, & cette facilité qu’on trouve à les traduire dans toutes les langues, sont une preuve que la sublimité des pensées peut aller sans celle de l’expression.
Le premier de ces maîtres établirait et développerait les principes de la loi naturelle, mais relativement à la conscience.
Il n’entend rien à la convenance, il ne sait pas qu’il faut que tout tienne ; il ignore ce que les autres savent sans l’avoir appris, et pratiquent de jugement naturel et d’instinct.
L’impatience naturelle à cet âge, fait qu’on voudroit moissonner un instant après avoir semé.
Quant au style je n’y vois rien ou presque rien à désirer ; il est plein de vérité, de naturel, de clarté, de chaleur et de force : cependant j’ai cru y remarquer, mais assez rarement, un peu de recherche ; il y a aussi des expressions hors d’usage ; il y a même de temps en temps quelques pages de mauvais goût, et quelques jugements où l’on voit trop l’auteur.
Leur affaire, à ces hommes sublimes, à ces promoteurs du Saint-Esprit dans les âmes, c’est d’agir toujours en dehors de toute prévision naturelle et humaine, c’est de montrer Dieu même aux aveugles, c’est de le parler même à des sourds !
Peut-être de cet homme raboté, vernissé par une éducation spéciale, sortira-t-il enfin quelque petite voix naturelle, quelque petite voix de génie, comme d’un étui de maroquin noir tout uni, centième exemplaire de la même boîte, peut très bien sortir une charmante mandoline dont les sons ne s’oublient jamais une fois qu’on les a entendus !
Y a-t-il rien de plus naturel et de plus vulgaire que la position de Laïs quand elle eut hérité des grands biens de son Eupatride, et quand, riche, belle et courtisane, elle conviait à ses repas les hommes les plus célèbres de son temps et faisait bavarder, après boire, toutes ces pauvres sagesses, doublement enivrées ?
… Francis Wey a le ferme bon sens qui devient, en toutes choses, très vite le grand sens, et il a aussi cette mâle finesse de la prudence qui n’est pas la prudence femelle, celle de la lâcheté… Son style, à la trame serrée, étoffée à pleine main, solide, et dont je me permettrai de dire qu’on en sent le grain comme celui d’un maroquin étincelant qui prend et retient la lumière, est bien le style qui convient à un esprit net, avisé (que les sots croiront retors parce qu’il est avisé), sagace enfin, et dont la sagacité naturelle a été aiguisée par l’étude première et continuée de toute sa vie, — l’étude de l’Histoire.
Chose naturelle, du reste !
Nous dirions, nous, que les papes surnaturels devaient refaire ce que les naturels avaient défait.
Quand une race finit par des hommes comme le Régent, Égalité et Louis-Philippe, il est presque naturel qu’on oublie que leurs prédécesseurs furent, comme eux, les Mauvais Génies de la France !
Découvrir l’âme de Sismondi, voilà, en effet, un fier tour de force d’acuité naturelle ou de lunettes… car qui ne sait ce qu’était Sismondi ?
… Il était, comme Galiani, de ceux-là qui portent une science énorme, qui leur semble naturelle tant ils se la sont assimilée vite !
Il est assez simple et assez naturel que le Catholicisme soit contre la Philosophie qui veut lui succéder.
Martin Doisy catholique, aussi à l’aise dans son sujet que les protestants le sont peu, par la raison naturelle que pour juger l’Église qui n’a jamais varié, il ne faut pas être devenu — si tard que cela ait été — l’ennemi de cette Église, Martin Doisy a montré par tous les développements de son ouvrage que la charité, qui a sauvé et nourri le monde, n’a pas concentré son action dans les premiers temps du christianisme.
Oui, telle est la corde vraiment humble trouvée par M. de Châtillon, et trouvée par le fait d’un naturel charmant, car M. de Châtillon n’est pas religieux, et c’est un reproche à lui faire, à ce sceptique des temps actuels qui a ajouté cette pauvreté à l’autre pauvreté, bien plus intéressante.
Son réalisme n’est rien autre chose que le mépris naturel de l’idéal, auquel la réflexion a ajouté le sien, dans l’impudence d’une théorie.
Mais voyez l’unité de naturel Feuillet est le même dans sa force relative que dans sa faiblesse.
La physique, l’histoire naturelle, les langues, les médailles, les monuments, l’histoire, les arts, il avait tout embrassé, et avait des connaissances sur tout.
Il est plus naturel de croire qu’il exista sur le rivage du Latium une cité grecque qui, vaincue par les Romains, fut détruite en vertu du droit héroïque des nations barbares, que les vaincus furent reçus à Rome dans la classe des plébéiens, et que, dans le langage poétique, on appela dans la suite Arcadiens ceux d’entre les vaincus qui avaient d’abord erré dans les forêts, Phrygiens ceux qui avaient erré sur mer.
Réaction naturelle des esprits, désir, chez ces esprits de trouver dans la fiction quelque chose qui les consolât des réalités, qui pût les « rafraîchir » ? […] Et alors, dans L’Aube, dans L’Adolescence, dans les deux ou même les trois premiers volumes de ce Jean-Christophe si long, si touffu, si mal composé, ou nullement composé, se découvraient des pages délicieuses de fraîcheur, de candeur, de naturel — le naturel, ce qui manque si souvent à notre littérature ! […] Dans son texte original, elle est trop condensée, écrite trop simplement, naturellement — le naturel absolu est encore une des qualités de l’auteur — pour que le commun des lecteurs pénétrât tout son mérite. […] Donc, au début de la vie intellectuelle et sensible, refoulement ou contrainte de ses instincts les plus naturels et les plus impérieux. […] Mais, pendant que les hommes banalisaient du Voltaire et chantaient du Béranger, ils considéraient comme tout naturel — et, sans se l’avouer, avantageux à leurs intérêts de pères et d’époux — que les femmes continuassent de recevoir une éducation religieuse.
La comparaison des formes, les vues d’ensemble et de suite, l’idée de lois grammaticales nécessaires, le fil et la clef des étymologies précises, le sens naturel des permutations et altérations dans les mots, les analogies cachées, en un mot l’ organisation de leur sujet d’étude, ils ne s’en doutent pas. […] Cette classification naturelle, qui répond à des diver-silés fondamentales, et que Génin a eu la légèreté de railler, a servi de base, quinze ans plus tard, aux travaux si précis et si solides de M. […] Il pense « que les langues romanes sont une évolution naturelle du latin, qui s’est opérée à peu près comme si les Barbares n’étaient pas intervenus, et par la marche simultanée, bien que contraire, d’un latin classique qui s’éteignait, et d’un latin vulgaire qui se perfectionnait.
En se relevant, il fut surpris d’apercevoir, à l’extrémité de l’appartement, une figure de femme, de grandeur naturelle, avec un enfant dans les bras. […] Ces fleurs ne sont pas naturelles, mais fantastiques, quoique symétriques comme des rosettes de sculpteur. […] Je n’avais pas encore ouvert les yeux ; la sensation des objets présents n’avait pas fait son office, du moins elle ne l’avait fait que pour ranimer les souvenirs ordinaires et les jugements généraux ; c’étaient ces jugements et ces souvenirs qui, par la fixité de leur ordre et par la cohérence de leur groupe, avaient opéré la réduction nécessaire et vaincu la tendance naturelle par laquelle l’image nous fait illusion.
Cet homme n’est le second de personne ; il est le premier des naïfs, et la naïveté dans le sublime est le plus naturel des génies, car c’est le génie qui s’ignore, l’innocence baptismale du talent. […] Quant à moi, j’admirai cette force du naturel qui place l’étiquette plus haut que le cœur. […] Et, de plus, comment le roi de Sardaigne, allié et protégé de la Russie, de l’Angleterre, de l’Espagne, de l’Autriche, de la Prusse, parent enfin de la maison de Bourbon, aurait-il justifié aux yeux de ces alliés naturels ses relations secrètes avec Napoléon, le jour où cette négociation ou cette intrigue viendrait à transpirer du cabinet de M. de Maistre dans le monde ?
C’est naturel. […] C’est dans l’ordre de l’Histoire, et c’est plus naturel encore au lendemain d’une brisure aussi violente que celle dont nous avons été les témoins. […] Par une naturelle réaction, et devant les excès du romantisme même, il a ramené la pensée française au culte de la Vérité.
A Dresde, non seulement ses fonctions de chef d’orchestre absorbaient le meilleur de ses forces, mais dans ses heures de loisir, il se trouvait renfermé dans un cercle d’hommes qui tous lui étaient très inférieurs à tous les points de vue, et pour qui l’atmosphère apathique et les mesquines préoccupations de la petite capitale étaient l’élément naturel. […] J’admettrais tout d’abord volontiers qu’une certaine souplesse dans la langue, une complète absence de tout effort visible, est peut-être due à une plus parfaite maîtrise chez l’auteur ; cela n’aurait rien que de naturel. […] Il est donc naturel que l’homme de notre époque ait ressenti le besoin insatiable, désespérant, de découvrir une « nouvelle révélation du monde » (VII, 270), ce qui, au fond, est la même chose que de découvrir un nouveau mode d’exprimer sa propre âme.
Jeudi 12 mars Hier, c’était funèbre, cette espèce de glace tombant peu à peu, à la représentation du Candidat, dans cette salle enfiévrée de sympathie, dans cette salle attendant des tirades sublimes, des traits d’esprit naturel, des mots engendreurs de batailles. […] C’est tout naturel… Ah ! […] Est-ce une sœur naturelle ?
La suite des chapitres qui décrivent avec quel sentiment de trouble, d’horreur, de descellement de tous les fondements sociaux, la prise, l’incendie de Moscou, l’affolement, la sinistre soif de sang et de souffrances de toute cette population confondue, et abolissant dans l’éperdument de tous la raison de chacun, se continue par un raid de cosaques embusqués sur les pas de l’armée française en retraite, sous une pluie battante, dans une forêt défeuillée, par cet étrange bivouac des Russes où apparaissent deux ombres hâves de soldats français bientôt réconfortés, égayés et égayant toute la ronde ; par les larges dîners de club à Moscou, par de minutieux aperçus des salons aristocratiques de Saint-Pétersbourg, par les scènes de famille des Rostow, par cette nuit blanche de lune que Natacha et Sonia contemplent de leur fenêtre avec de légères paroles, tout l’ensemble enfin de ces scènes fugitives, familières, graves, belles, tragiques, toujours humaines, qui, surprises et restituées avec une force d’irrésistible persuasion, avec une accumulation des détails, avec un saisi graphique des incidents, partagent le lecteur entre une adhésion apparemment toute naturelle et une admiration parfois stupéfaite, imposent l’intérêt et la sympathie, font de ces livres, d’invention pourtant, mais auxquels s’applique si mal la désignation de romans, un des plus vastes et des plus véridiques recueils d’observations sur les mœurs et les individus dans la série presque complète des circonstances ordinaires et extraordinaires de la vie. […] Que ce soit la princesse Kitty Cherbatzky dans le dernier de ces livres, simple jeune fille aimante et gaie, puis déçue, malade, affectée d’une crise de religiosité morbide, puis reprise par un autre amour, devenant une femme naturelle et affectueuse, puis une mère, et se cloîtrant peu à peu dans une étroite sphère de joies et soucis domestiques, — ou les périodes diverses par où marche la passion d’Anna Karénine à mesure que décline sa radieuse beauté ; — que l’on prenne Wronsky, Lévine, tous les personnages de ce populeux roman vivent au sens le plus exact et le plus redoutable de ce mot, passent, montent et déclinent, emportés en un cours lent de variations qui revêt le fond permanent de leur être d’aspects étrangement changeants. […] L’émotion de sympathie cordiale que suscite le spectacle de vies humaines bien conduites et heureuses, s’attache à l’union aimante de Lévine et de sa femme Kitty, à la noblesse naturelle de leur condition que tempèrent si véridiquement la médiocrité de leurs pensées, leurs inclinations simples comme leurs manières, tous les incidents ordinaires de leur ménage, des singuliers accès de jalousie du mari à la transformation graduelle de la femme en une ménagère sans grand génie.
[V] Que les légitimistes, qui avaient nourri, choyé, prôné, décoré Victor Hugo, conservent pieusement une amère rancune contre le jeune Éliacin, qui les lâche dès que la révolution de 1830 leur arrache des mains la clef de la cassette aux pensions, rien de plus naturel. […] Saint-Hilaire et de Lamarck, son maître ; il la fécondait de son vaste savoir et de ses découvertes géniales ; et, triomphante, il l’implantait dans la science naturelle et renouvelait la conception humaine de la création. […] Cependant les lettrés du xviie siècle annonçaient que l’Adone effacerait à jamais le Roland furieux, la Divine Comédie et l’Iliade d, et des foules en délire promenaient des bannières, où l’on proclamait que l’illustre Marin était « l’âme de la poésie, l’esprit des lyres, la règle des poètes… le miracle des génies… celui dont la plume glorieuse donne au poème sa vraie valeur, aux discours ses couleurs naturelles, au vers son harmonie véritable, à la prose son artifice parfait… admiré des docteurs, honoré des rois, objet des acclamations du monde, célébré par l’envie elle-même, etc., etc. ».
Emmanuel Delbousquet n’a pas suivi la coutume des jeunes provinciaux qui viennent gâcher à Paris leur talent naturel, en écrivant des études de grande ville pour lesquelles l’expérience fait défaut, M. […] Pourtant il ne semble pas que la philosophie spéculative de celui-ci ait détourné de sa voie naturelle l’esprit inquiet et combatif du jeune disciple. […] À de telles audaces naturelles correspond une grande aristocratie d’intelligence.
On comprendra la possibilité d’une perception de ce genre, si l’on songe que nous distinguons nous-mêmes notre droite de notre gauche par un sentiment naturel, et que ces deux déterminations de notre propre étendue, nous présentent bien alors une différence de qualité ; c’est même pourquoi nous échouons à les définir. […] Nos sensations simples, considérées à l’état naturel, offriraient moins de consistance encore. […] Nous éprouverions une surprise du même genre si, brisant les cadres du langage, nous nous efforcions de saisir nos idées elles-mêmes à l’état naturel, et telles que notre conscience, délivrée de l’obsession de l’espace, les apercevrait.
Si le poëte n’a pas fait assez, s’il a trop négligé d’élever ou d’achever son monument, cela s’explique encore et doit sembler tout naturel ; c’est qu’un instinct secret lui disait : « La grande place est remplie, l’aïeul la tient. […] Je ne parle pas de Dorat, singulier patron, qu’il se trouva tout d’abord connaître et cultiver plus qu’il ne semble naturel d’après le peu d’unisson de leurs esprits. […] Une affinité naturelle poussait Fontanes vers les poëtes anglais : on doit regretter qu’il n’ait pas suivi plus loin cette veine. […] L’établissement de l’Université, qui se faisait, en cette même année, sur de larges bases, lui avait déjà paru une occasion naturelle d’y porter Fontanes comme Grand-Maître, et il songea à l’y confiner ; car, si courroucé qu’il fût à certains moments, il ne se fâchait jamais avec les hommes que dans la mesure de son intérêt et de l’usage qu’il pouvait faire d’eux. […] l’explication, l’excuse naturelle naîtra.
Quant à nous, mon cher Delaroche, je ne vous offre pas notre secours… Depuis longtemps je déplore qu’un autre ordre de choses n’ait pu s’établir entre nous, et je vous jure que je n’éprouve aucun sentiment de jalousie pour ceux qui, plus heureux que nous, seront à même de vous donner des marques de dévouement ; tout en enviant leur sort, dites-leur que nous les bénissons, que nous les bénirons, s’ils aiment nos enfants comme les leurs… » Nous, public, qui ne nous trouvons introduit que par accident et par faveur dans ces discussions si particulières et qui, sous une forme ou sous une autre, se rencontrent dans presque toutes les familles, notre rôle n’est pas, on le pense bien, d’avoir le moindre avis sur le fond ; faisons la part de ce qu’il peut y avoir d’exagération naturelle dans l’expression d’Horace, dans cette émulation et cette rivalité de tendresse, et disons-nous que, si nous entendions Delaroche, il aurait sans doute, pour répondre, son éloquence à lui, et il en avait beaucoup. […] France, tant que tu resteras France, un pays distinct et une patrie, ne répudie jamais tes enfants sincères, les plus naturels, les plus légitimes ; ne te laisse pas aller à en décourager la race en la dédaignant.
» Elles n’ont, pas réussi dans cette prétention, d’ailleurs assez naturelle. — Quand on demandait à l’une d’elles qu’on voyait couchée et dolente : « Êtes-vous malade ? […] Mais on voit, par tout cet ensemble de conseils et de principes, combien il était peu grammairien au sens strict et étroit, et quelle part il faisait en tout genre au naturel et même aux aimables négligences.
J’ai hâte de retourner à la correspondance intime et de famille, qui me sera une occasion naturelle de placer, chemin faisant, quelques dernières remarques sur le caractère et l’âme de cette personne de douleur et de tendresse. […] Langlais, à Saint-Denis d’Anjou : Mme Valmore y passa quelque temps avec sa fille ; le sentiment de cette vie des champs grasse et nourricière, au milieu des fermiers et des colons , respire et rit au naturel dans ce passage d’une lettre d’Ondine à son frère : « (1851)… Ici on oublie tout ; on se plaint par genre, mais sans amertume ; on dort, on mange, on n’entend point de sonnette.
Quant à moi, si j’avais un article à écrire à propos d’une séance pareille, il me semble que les lois les plus simples et les plus naturelles de la rhétorique me diraient de commencer par mettre le lecteur au fait, de lui expliquer brièvement l’état de la question et le rôle des orateurs, de le faire par ordre et avec suite pour en venir après à discuter à fond l’objet du débat et à apprécier, à juger les différentes opinions en présence. […] On se plaint souvent que la littérature actuelle ne soit pas plus forte, plus élevée, plus semblable à celle des siècles précédents, des grandes époques précédentes : je ne sais ce que ces plaintes ont de fondé ; nous sommes trop juge et partie peur avoir voix au chapitre dans la question ; mais, en admettant le fondé du reproche, comment voulez-vous que la littérature, la véritable, celle qui a son inspiration propre, celle qui n’est animée ni du désir du gain ni de l’ambition des honneurs, mais qui a sa verve naturelle, originale, son goût de fantaisie ou de vérité, et d’une vérité piquante et parfois satirique (car ce ne sont pas les sujets qui manquent), comment voulez-vous que cette littérature qui sacrifie tout à elle-même, à sa propre satisfaction, au plaisir de rendre avec art, avec relief, et le plus excellemment possible ce qu’elle pense, ce qu’elle voit et dans le jour sous lequel elle le voit, comment voulez-vous qu’elle ait toute sa vigueur, sa joie, sa fierté et son indépendance, si, à tout moment, l’écrivain qui tient la plume a à se faire cette question : « Aurai-je affaire ou non à messieurs du parquet, à messieurs de la police correctionnelle ?
Il appuie sa rectification sur le témoignage de toutes les personnes présentes et sur l’accord de toutes les vraisemblances naturelles. […] Si, conformément à sa tendance naturelle, elle paraissait sensation, il y aurait contradiction entre elle et ce groupe.
Frédéric Mistral Je ne suis pas en situation de faire une réponse établie sur des faits, seulement je suis convaincu d’instinct que l’esprit français et la langue de France, fils et fille du latin, du latin littéraire autant que populaire, ne peuvent que s’anémier en se privant de boire, comme c’est leur tradition, à leur source naturelle. […] Espérez-vous les hausser à un point de vue supérieur à celui qui leur est naturel et que la logique même leur impose ?
Le goût, le naturel sont de belles choses assurément moins utiles qu’on ne le pense à la poésie. Le Roméo et Juliette de Shakespeare est écrit d’un bout à l’autre dans un style aussi affecté que celui du marquis de Mascarille ; celui de Ducis brille par la plus heureuse et la plus naturelle simplicité.
alors viennent expirer comme aux pieds de cette incarnation, non sans qu’un lien certain les apparente ainsi à son humanité, ces raréfactions et ces sommités naturelles que la Musique rend, arrière prolongement vibratoire de tout ainsi que la Vie. […] Or, il avait créé le Drame, complet et vrai : complet, par la cohésion des trois dernières et essentielles formes expressives, littéraire, plastique et musicale ; vrai, par la réaliste description d’une action idéale, par la description naturelle et exacte d’une humaine action, abstraite en un mythe ; aux Œuvres il avait donné un Théâtre de représentation ; ce Théâtre était lieu de création artistique, non d’amusement : le Théâtre est éloigné et isolé ; la salle est annulée ; la représentation scénique, seule, est considérable ; les Œuvres étaient des Révélations, et le Théâtre était un Temple : les Œuvres, —Tristan, la Tétralogie, et Parsifal, — tout réalistes en leur forme, — ont un sens idéal, une signifiance profonde, et, en leurs peintures simples, tenacement conformes, et crûment vraies, elles sont, aussi, des symboles de cette Religion de la Compassion, le Mittleîd de ce Néo-Christianisme ; — et le Théâtre est pour cette révélation : à de rares époques fériées, solennellement, le Théâtre est ouvert, et, dans un ordonnement implicite et absolu de piété, se dévoile la splendeur du rite.
Toujours fin, naturel & brillant, quelquefois Philosophe éclairé, une plaisanterie ingénieuse, des saillies piquantes, des traits de lumiere, un coloris riant & suave, donnent à toutes ses Productions un caractere qui n'appartient qu'à lui. […] Il est sans doute permis aux Poëtes de personnifier les Passions & même les Êtres abstraits ; mais pour conserver la vraisemblance & l'illusion, ils doivent leur donner un corps visible & naturel, dès qu'ils s'en servent comme d'agens destinés à influer essentiellement sur l'action.
Schiller chantait la liberté morale, l’effort de la vertu, et tendait au sublime ; Goethe, cherchant la beauté calme et fine, reproduisait plutôt, comme un miroir fidèle, les conditions naturelles de la vie. […] Flaubert pourquoi les qualités morales, par une transposition naturelle, peuvent convenir au silence, pourquoi on peut aussi le placer, comme dirait Kant, sous les catégories du temps et de l’espace, pourquoi l’on dit dans toutes les langues du monde un silence triste, doux, lugubre, effrayant, paisible, solennel, ou bien un long silence, un éternel silence, et pourquoi enfin, même dans le patois le plus barbare, un silence énorme est impossible ; rompu à tous les manèges du style, M.
Ces rapprochements paraîtront moins invraisemblables lorsqu’on saura que les idées de beau, de blanc, de doux sont, dans la tradition populaire, les antiphrases naturelles de l’idée de mauvais. […] Sans doute, quelle que soit la métaphore, son âge ou son habitat, elle a toujours été une création personnelle ; ni les mots ni les idées ne peuvent être sérieusement considérés comme le produit naturel de cet être mythique qu’on appelle le Peuple.
Il y a des problèmes naturels, indestructibles dans toute âme humaine. […] Il nie expressément la philosophie, ou du moins la métaphysique, la philosophie première, et par là même la théologie naturelle.
Il n’y a pas de conversion dans le critique, il y a de l’élargissement, de la franchise d’ailes, de l’élan par en haut, enfin tout le bénéfice des années, naturel dans un homme qui n’a pas la métaphysique de sa critique, mais qui s’en passe quelquefois, à force d’instinct sûr et de vive sensibilité. […] Certainement, on a du talent, mais ce n’est pas ce talent naturel qui fait écrire une jolie lettre et que les études les plus attentives et les plus profondes ne peuvent donner.
Renan, telle cette Arlequinade de centons arrachés à tous les systèmes mis ou remis en lumière depuis soixante ans, mais brouillés par les inconséquences naturelles à l’esprit de l’auteur. […] Renan, son historien, qui a cru surnaturellement à leur naturelle sincérité.
Et d’abord, si j’ouvre Un été dans le Sahara, Une année dans le Sahel, je reconnais en Fromentin une qualité éminente, nécessaire désormais à tout romancier, moderne au moins dans le degré où nous l’avons poussée, qualité à la fois physique et mentale, à moitié naturelle et à moitié acquise, et que, faute d’autre nom, j’appellerai l’œil. […] Son Dominique n’est que le récit d’une passion malheureuse, peu ou mal combattue par l’homme, et qui n’est, en somme, vaincue que par la droiture naturelle d’une femme, et, on pourrait dire, par une révolte déjà tardive.
Peut-être chez les hommes aussi n’y a-t-il le plus souvent, qu’ils aillent ici ou là, qu’obéissance à l’instinct naturel. […] Le misérable se dit qu’il serait bien long d’attendre pour en jouir l’arrivée de la mort naturelle.
On vit alors de simples Bergers prendre la place des Paladins, substituer au ton gigantesque le ton du sentiment, aux événements incroyables, des incidents naturels. […] J’espere, au moins, qu’on y découvrira une marche assez naturelle.
Entouré de la famille la plus aimable et la plus aimée, d’une famille que l’adoption dès longtemps n’avait pas craint de faire plus nombreuse, de ses quatre petits-enfants qui Jouaient la veille encore, ne pouvant rien comprendre à ces approches funèbres, de sa charmante fille, sa plus fidèle image, son œuvre gracieuse la plus accomplie, Nodier a traversé les heures solennelles au milieu de tout ce qui peut les soutenir et les relever ; si une pensée de prévoyance humaine est venue par moments tomber sur les siens, elle a été comprise, devinée et rassurée par la parole d’un ministre, son confrère, l’ami naturel des lettres193.
Je prie Dieu que nul de vous ne vive son âge naturel, et que vous soyez tous fauchés par quelque accident imprévu … » (À Glocester, plus tard Richard III).
Bossuet nous parle de l’ennui qui est naturel à toute âme bien née. « Quelle solitude que ces corps humains !
Du naturel et du surnaturel.
L’avénement du Messie avec ses gloires et ses terreurs, les nations s’écroulant les unes sur les autres, le cataclysme du ciel et de la terre furent l’aliment familier de son imagination, et comme ces révolutions étaient censées prochaines, qu’une foule de personnes cherchaient à en supputer les temps, l’ordre surnaturel où nous transportent de telles visions lui parut tout d’abord parfaitement naturel et simple.
Il faut se rappeler que toute l’antiquité, à l’exception des grandes écoles scientifiques de la Grèce et de leurs adeptes romains, admettait le miracle ; que Jésus, non-seulement y croyait, mais n’avait pas la moindre idée d’un ordre naturel réglé par des lois.
Sa douceur naturelle semblait l’avoir abandonné ; il était quelquefois rude et bizarre 901.
Les grâces parurent encore sous les empereurs, mais elles parurent seules, car la majesté des paroles se perdit avec la liberté. » L’auteur rapporte les paroles de Cassius à Brutus avant les ides de mars : « Ces paroles, madame, sont les dernières que prononça la république avant de rendre l’âme… C’était le caractère de l’esprit de Rome, citait la langue naturelle de la majesté. » L’auteur finit par des observations sur les monuments qui restent de la conversation et des mœurs privées des Romains ; il exprime ses regrets sur leur rareté.
Il convient d’en compléter l’explication par l’examen des procédés qui permettront, après analyse, de restaurer l’œuvre et les hommes dans leur unité totale, dans le jeu des forces naturelles et sociales qui les forment, les meuvent et les heurtent.
Cette fable a aussi le défaut de rentrer dans la morale de plusieurs autres Apologues, entre autres dans celle de la fable IX du douzième livre, qu’on ne change pas son naturel.
Voilà pourquoi des artisans éclairez consultent quelquefois des personnes qui ne sçavent point les regles de leurs arts, mais qui sont capables néanmoins de donner des décisions sur l’effet d’un ouvrage composé pour toucher les hommes, parce qu’elles sont doüées d’un naturel très-sensible.
… Ce que je trouve, moi, dans Mme de Staël, c’est le fond de la Corinne et de la Delphine qu’elle a peintes, en se regardant, et qui lui ressemblent toutes deux, mais trop posées, mais arrangées pour un effet qu’elle ne connaissait pas ; ce que j’adore, enfin, dans Mme de Staël, c’est le naturel inaliénable.
Rien de plus naturel.
Taine, que le critique ajoute à son âme naturelle et nationale cinq à six âmes artificielles ou acquises, et que sa sympathie flexible… (rappelez-vous le fameux vers d’Auguste Barbier, qui ne le disait pas de la Critique) : Ouvrant à tout venant et sa jambe et son cœur, l’introduise en des sentiments éteints ou étrangers… « Le meilleur fruit de la Critique — dit encore l’auteur du Carlyle — est de nous déprendre de nous-mêmes, de nous contraindre à faire la part du milieu où nous sommes plongés, de nous enseigner à démêler les objets eux-mêmes à travers les apparences passagères dont notre caractère et notre siècle ne manquent jamais de les revêtir… » Telles sont les propres paroles de M.
L’être humain existe, cependant, indépendamment de cette impulsion naturelle, fatale obstinée et sensible, que nous devons aider la famille et l’ordre à transformer en agissant avec une intrépide constance sur le ressort de notre liberté, comme le marin sur le gouvernail de son navire.
Il était enfin naturel de croire qu’elle percerait assez avant dans l’intimité cachée de l’Histoire pour toucher le point initial de l’influence subie, pour pénétrer jusqu’au germe où dormait la vie dans cet œuf terrible, qui, pour ce qu’il a donné au monde, a dû mettre plus de trois quarts de siècle à couver !
… Mademoiselle de Condé ne phrase jamais, et les plus éprises parmi les femmes, si naturelles qu’elles soient, phrasent toujours un peu ; c’est là une coquetterie dont l’amour a été quelquefois assez bête pour être fier, mais Mademoiselle de Condé n’a en amour ni coquetterie, ni vanité.
il nous en a assez coûté pour découronner cette Aimée au teint de topaze du poétique bandeau que l’imagination roule autour de sa tête avec les plis du cachemire… Les choses pittoresques et aimées du regard, les choses lointaines et naturelles ont tant de force et de prestige !
Caro, qui, en France, est attaqué de cette démence, et qu’il a ajouté — ridiculus mus — dans ses Dialogues philosophiques la carie des idées de Schopenhauer à sa propre carie naturelle !
Vous ne vous répondrez peut-être pas, mais vous aurez constaté le phénomène dans cette humanité qui doit mourir, mais qui, en attendant qu’elle meure, goûte un charme amer dans le spectacle de sa misère, et trouve dans la contemplation d’un vieux pauvre ou d’une vieille pauvresse la plus longue de ses rêveries… Cette fascination de la pauvreté qui agit sur nous tous, pas de doute que Benoît Labre ne l’ait ressentie ; mais si vous ajoutez à cette poésie naturelle la poésie de l’amour de Dieu, du Dieu né dans l’étable de Bethléem et qui a enseigné le renoncement aux joies matérielles de la vie, vous aurez une vie très particulière et très belle, et qui, même sans la foi chrétienne qui seule peut l’expliquer, doit couper le rire sur les lèvres superficielles et sottes des moqueurs.
Les annotations qu’il a choisies indiquent suffisamment cette tendance fixe de sa pensée : « Ce livre — est-il dit dans le prospectus très simple et très intelligent qui serait la préface naturelle de son ouvrage — n’est pas seulement le travail d’un auteur isolé, mais l’œuvre de tous les grands hommes qui ont brillé dans la société chrétienne depuis les temps apostoliques jusqu’à nos jours, qui semblent s’être levés de toutes les parties du monde et, malgré la distance des temps et des lieux, s’être réunis, comme dans un concile auguste, pour nous montrer comment nous devons concevoir Jésus-Christ et interpréter son Évangile.
La seule chose qu’il ait négligée, c’est la description de l’Australie considérée au point de vue des sciences naturelles et de la recherche de l’or ainsi qu’on l’y pratique maintenant.
Le génie est un postillon qui ne mène que trop bien ; mais le malheureux a trop de fleurs naturelles et de rubans à son chapeau, et trop de retentissement dans le coup de fouet !
Il y est avec sa même emphase ventrue, sa même gouaillerie espagnole, pittoresque, mais qui demande et prend trop d’espace pour être de l’esprit ; avec son même madrigalisme pédant, et ses mêmes élégies, et ses mêmes tendresses, et son même naturel à la force du poignet ; et c’est Victor Hugo non pas seulement par le tour de la strophe, par les attitudes de la phrase, par la tournure générale du livre, la particularité de chaque pièce, mais c’est Victor Hugo d’essence même, et de quintessence !
Et il y répondra, ce livre solide, très intéressant et qui n’est que vrai, non pas seulement par la simplicité de sa conception et ses développements naturels, mais par le fond même du sujet qu’il traite : car s’il fut jamais un homme d’une originalité assez profonde pour résister à toutes les influences extérieures que le Matérialisme, la Bête de ce temps, voudrait faire tout à l’heure si puissantes, ce fut Milton.
Le seul inconvénient de ces portraits est pour la modestie des auteurs, qui semblent avoir voulu intéresser l’amour-propre de leurs juges naturels à leur faire trouver leur livre une œuvre vraie et éclatante, — ce à quoi ils n’ont évidemment pas pensé.
Gautier dans un sujet comme Mademoiselle de Maupin, je demande ce qu’il devait en être dans un sujet de roman d’une réalité plus saine, et où il ne s’agirait que de sentiments naturels ?
Mlle de Launay, qui était à Mme la duchesse du Maine, nous a légué un chef-d’œuvre de grâce modeste et résignée, le livre peut-être le plus naturel qui ait jamais été écrit.
Un Croisé trouve tout naturel d’acheter par sa mort la liberté du Tombeau du Christ ; le vieux Corneille ravit tout le public par ses tirades sur l’honneur ; Vincent de Paul est sûr de trouver toujours qui le suive dans sa mission de charité.
On trouve dans tous les deux la même douceur de style, les mêmes grâces, des vues de politique profondes, l’amour des lois et des hommes, un goût de vertu sans effort, et ce naturel touchant qui gagne la confiance du lecteur et le persuade sans le fatiguer.
On sent bien qu’un tel caractère est peu favorable aux éloges ; mais les panégyristes poursuivent encore plus les rois, que souvent les rois ne sont empressés à les fuir ; il paraît même que Louis XIII en fut importuné ; peut-être même que son esprit naturel lui fit haïr de bonne heure un genre d’éloquence qui, le plus souvent, n’a rien de vrai, et qui au moins est vide d’idées ; peut-être aussi qu’un homme calme et sans passions doit mieux sentir le ridicule de ce qui est exagéré ; et c’est le vice nécessaire de tout ce qui est harangue ; peut-être enfin que tant d’éloges sur de grands événements auxquels il avait peu de part, lui rappelaient un peu trop sa faiblesse et une gloire étrangère.
La Rue a moins d’art, plus d’éloquence naturelle, mais aussi moins d’éclat, et surtout moins d’imagination dans le style, que Fléchier.
Et si on voulait rêver pour Aristote une émotion lyrique, en pourrait-on supposer une plus naturelle et meilleure ?
C’était un chant nouveau, d’une irrésistible allégresse lyrique, d’une abondance si aisée qu’on en écoutait avec ravissement l’harmonie naturelle et comme involontaire, un chant qui, en son divin désordre, restait toujours humain, mais qui, triomphal, était déjà douloureux et pathétique en sa juvénile ivresse, un chant d’aurore sur qui planait déjà, comme un encore lointain, mais inévitable présage, l’ombre des jours. […] Pendant les deux mois que nous passâmes en Méditerranée, il m’apparut quotidiennement au naturel, en ses curiosités, en sa bonhomie en ses petites susceptibilités, en ses inoffensives manies de vieux garçon douillet et retors, en ses menues ruses, en ses finesse naïves et ses gentillesses amicales, en tout ce qui faisait de lui un charmant personnage de comédie historique, en ses démêlés comiques avec son valet de chambre Néreo. […] Elle était maniée avec un tact merveilleux et mise au service d’un esprit dont l’étendue naturelle s’était accrue des ressources d’une curiosité infinie. […] Qu’il me préférât Jean Richepin, candidat au même fauteuil, où il fut d’ailleurs élu, rien de plus naturel, mais cette préférence ne nécessitait pas la campagne que Frédéric Masson fit contre moi et les arguments qu’il y employa. […] De retour de ces périples, il collaborait à l’Encyclopédie Larousse pour les articles concernant l’histoire naturelle.
… mais cet état d’esprit qui ne m’est pas naturel et spontané comme le sublime, me fatigue extrêmement… Je ne puis manœuvrer mon ironie ainsi que je le voudrais ! […] Nous l’avons, dès lors, au naturel, en robe de chambre et pantoufles, criant de vérité, avec sa figure, sa pensée, son âme de tous les jours. […] … Le moyen de satisfaire cette curiosité, bien naturelle, autrement que par les journaux ? […] … Ils s’en vont dans les convulsions et dans les hoquets, c’est tout naturel… Mais ils s’en vont ! […] — Moi, je ne vise pas à l’élégance… mais j’ai un chic naturel.
Elle lui servit de secrétaire intime ; elle prit, avec lui, le goût de la haute littérature et de la philosophie naturelle. […] Chaque bourgeois y croyait trouver son voisin peint au naturel ; et il ne se lassait point d’aller voir ce portrait : le spectacle d’ailleurs, quoique outré et hors du vraisemblable, mais parfaitement bien exécuté, attirait les spectateurs ; et on laissait gronder les critiques sans faire attention à ce qu’ils disaient contre cette pièce. […] Et si la Molière retouche parfois à ses cheveux, si elle raccommode ses nœuds et ses pierreries, ces petites façons cachent une satire judicieuse et naturelle. […] Il lui disait souvent: « Vous êtes tout aimable, mais vous prodiguez vos agréments à tout le monde, et vos amis ne vous ont plus d’obligation lorsque vous leur donnez ce que vous sacrifiez au premier venu. » La véhémente sortie d’Alceste nous représente donc ici au naturel une des discussions de Chapelle et de Molière.
Rigault, et nous ne nous plaindrons pas qu’il le fasse remonter jusqu’à ses précédents naturels et qu’il le rattache à ses véritables origines.
De même pour Lamartine : j’aurais aimé qu’en développant son talent poétique aussi grandement, aussi démesurément même, que sa nature de génie l’y portait, il fût demeuré en politique d’accord avec lui-même, fidèle à ses origines, à ses précédents, à l’ordre d’opinions, de doctrines et, pour tout dire, de bienséances où il avait passé toute sa jeunesse et qui lui étaient comme son cadre naturel, — un M.
Le style dans ce procédé constant, si par bonheur on n’y dérogeait pas quelquefois, n’aurait plus rien de la souplesse naturelle et du libre mouvement de la vie ; il ne serait plus qu’un vernis, qu’un émail, qu’une écaille universelle.
Émus de tant de scènes funèbres, Loirvet, Legendre, Fréron, demandèrent le renvoi à leurs juges naturels des députés traduits devant la commission ; mais Rovère, ancien terroriste devenu royaliste fongueux, Bourdon de l’Oise, implacable comme un homme qui avait eu peur, insistèrent pour le décret, et le firent maintenir.
Elle ne connaît pas l’homme en général, mais l’homme du monde161, et ne connaissant pas l’homme naturel, elle a beau dessiner des types abstraits, elle ne fait que des portraits d’individus162, et non l’image éternelle de l’homme, comme Shakespeare.
Or, il me semble, sauf erreur, que c’est l’habile rhétoricien, d’une netteté d’esprit toute aryenne, qui a écrit presque entièrement les deux premiers actes, et que le Touranien a mis la main au dernier plus qu’il n’aurait fallu… On voit ici en plein ce qu’il y a d’un peu puéril parmi le beau génie naturel de M.
Et s’y l’on m’y force, je suis contraint, assez ineptement, d’en tirer quelque matière de propos universels, sur quoy j’examine son jugement naturel : leçon qui leur est autant incognue, comme à moi la leur. » Il a bien soin pourtant de montrer qu’il s’y entend aussi bien qu’un autre, et de relever les traits d’érudition qui peuvent faire honneur à son savoir ; pourvu qu’il soit bien entendu qu’il n’en fait aucun cas, et qu’il est au-dessus de ces pédanteries.
L’ordre naturel de ce livre, qui n’est autre que l’ordre même des périodes diverses de ma vie, amène une sorte de, contraste entre les récits de Bretagne et ceux du séminaire, ces derniers étant tout entiers remplis par une lutte sombre, pleine de raisonnements et d’âpre scolastique, tandis que les souvenirs de mes premières années ne présentent guère que des impressions de sensibilité enfantine, de candeur, d’innocence et d’amour.
Quoi de plus naturel que certaines protestations aient été appréciées et célèbres à une certaine époque, et qu’elles nous paraissent aujourd’hui oubliées et insignifiantes ?
Je pense que Molière, indépendamment de ses autres qualités inestimables dont il est inutile de parler, en a une dont on ne parle pas assez, et dont on ne lui tient pas assez de compte ; c’est d’être celui de nos écrivains où l’on trouve le plus la vraie langue française, les tours et la manière qui lui sont propres ; que les ouvrages de Despréaux sont le code du bon goût ; que La Fontaine a donné à la langue un tour naïf et original ; et qu’enfin Quinault, méprisé par Despréaux si injustement, est non seulement le plus naturel et le plus tendre de nos poètes, mais le plus pur et le plus correct de tous, mérite dont on ne lui sait pas assez de gré, et qu’on n’a peut-être pas assez remarqué en lui.
L’hérédité, la sélection naturelle qui s’opère entre les artistes et les facultés de l’artiste, les lieux ou l’habitat, ces trois facteurs, juge-t-il, ne nous donnent pas grand-chose, même entre les mains de Taine ; leurs influences sont indécises, et les théories de ce puissant critique ne semblent ni justes dans leur rigueur, ni surtout vérifiables.
Louis XVI, en s’abandonnant avec cette insouciance à sa pente naturelle, manquait à ses intérêts d’époux autant qu’à sa position.
» Et aussitôt il commence, pour ne plus l’interrompre, cette magnifique histoire d’Hildebrand, qui fut pape même avant d’être pape, dit-il quelque part avec une merveilleuse étendue d’expression, tant les hommes virent de bonne heure sur le front prédestiné de ce moine, soit dans la paix du cloître, soit dans l’orage des affaires où il fut mêlé, la place naturelle de la tiare.
Alors la langue, pâle narcisse qui s’en allait mourant, reprit sur sa tige, et le naturel fut sauvé !
Une fausseté naturelle, une dissimulation acquise, un regard à volonté, une physionomie maîtrisée, un mensonge sans effort de tout l’être, une observation profonde, un coup d’œil pénétrant, la domination des sens, une curiosité, un désir de science, qui ne leur laissaient voir dans l’amour que des faits à méditer et à recueillir, c’étaient à des facultés et à des qualités si redoutables que ces femmes avaient dû, dès leur jeunesse, des talents et une politique capables de faire la réputation d’un ministre.
L’expression de Saint-Simon semble pétiller de plus de génie naturel, de plus de génie de naissance, à travers son incorrection, insoucieuse et hardie !
Tout de même qu’on est parfois métaphysicien malgré soi, en raison d’une conformation spéciale de la tête, et tout en sachant très bien que la métaphysique est l’agitation instinctive et réfléchie de problèmes qui n’ont pas toutes leurs solutions dans ce monde, tout de même il y a des esprits qui, de conformation naturelle, réfléchissent les métaphysiques qu’ils n’ont pas créées, et, pour nous servir d’une expression hégélienne, qui repensent la pensée des autres.
La croyance au surnaturel, qui était le seul naturel pour Pascal, a diminué dans les esprits, retournés vers l’en-bas des choses.
leur naturelle encadrure dans la simple vignette d’un missel, deux à trois figures, comme celles de saint Benoît, de saint Grégoire, de saint Colomban, lesquelles, de grandeur, répugnent à entrer dans le cercle étranglant d’un médaillon, et qui, si on ose les y mettre, le font éclater !
Famille, vocation, facultés, mouvement naturel à son âme, tout était d’accord et le poussait du même côté, — du côté de Dieu.
Chateaubriand est le Poussin du paysage ; pourquoi mêle-t-il des ambitions étrangères à son magnifique talent de peintre des choses naturelles ?
Or, ce n’est pas du tout un érudit de vocation naturelle et d’absence d’idées comme le vieux Walckenaer, que M.
Tant qu’il y aura, d’organisation naturelle, des esprits bâtis comme le sien, la race des livres ne sera pas éteinte.
C’est la moralité d’un sceptique bien élevé, qui prend les idées reçues et les sentiments naturels, et qui s’en sert dans l’intérêt de ses petites combinaisons romanesques.
Insupportable, nous l’avons dit déjà, par le sujet et la manière ; insupportable par la monotonie de son trait, qui est toujours le même ; insupportable par la vulgarité de son observation, qui ne s’élève jamais, quoiqu’il ait essayé, dans la seconde partie des Ames mortes, de peindre des gens qui ne sont pas simplement des radoteurs ou des imbéciles ; insupportable enfin par sa description de la nature, qui nous reposerait du moins de cette indigne société de crétins nuancés dans laquelle il nous fait vivre, et qu’il nous peint toujours à l’aide du même procédé : la comparaison de l’objet naturel avec le premier engin de civilisation venu.
tant qu’un prince est vivant, tous les regards sont fixés sur lui ; son rang, les hommages qu’il reçoit, les espérances et les craintes d’un peuple, la pompe et l’appareil qui l’entourent, en font une espèce de colosse qui remplit tout : mais à sa mort, il reprend sa grandeur naturelle ; ensuite il disparaît à mesure qu’il se recule et qu’il s’enfonce dans les siècles.
Il aura aisément des passions et des idées dans sa langue naturelle, qui, faite pour lui, correspond avec souplesse à tous ses mouvements : mais la langue étrangère résistera à tout, et dénaturera tout ce qu’il voudra lui confier.
À part les révolutions de palais qui interrompaient le cours régulier de cet ordre de choses et en changeaient les principaux personnages, en dehors de ces accidents naturels et de ces sinistres compensations du pouvoir absolu, il y avait, durant toute cette époque dont votre théorie préconise la salutaire immobilité, il y avait alors sans cesse la plus active rébellion du sentiment moral, le plus ardent foyer pour les intelligences et les cœurs.
Les lisant, on va du dehors au dedans, de l’image au sentiment ou à la sensation qui la motivèrent — comme il est naturel, comme l’exige le mécanisme de la pensée. […] Zola publia l’Histoire naturelle et sociale d’une famille. Histoire naturelle ! […] Ils subissent l’action d’autrui et au lieu de réagir, ainsi que le demande le jeu normal, naturel de nos facultés, ils répercutent cette action en l’affaiblissant. […] Coppée il n’y a là rien qui puisse étonner ; la platitude constitue l’état naturel de ce moraliste né des amours d’un concierge de Vaugirard avec une cantinière de la garde nationale.
Ainsi la grâce même, bien qu’elle puisse se rencontrer simplement dans l’aisance et le naturel, n’est pas incompatible avec le travail en général ; elle l’est seulement avec le travail perdu, avec l’effort inutile. […] Qui sait si, renaissant aujourd’hui, un Goethe n’aimerait pas mieux se consacrer tout entier aux sciences naturelles ? […] Elles étaient beaucoup plus rythmées que les nôtres, beaucoup plus chantantes ; or, selon les lois physiologiques, il est peu naturel, dans le langage courant, de rythmer ses syllabes et de chanter lorsqu’on n’est pas ému. […] Autant le rythme est l’expression naturelle de l’émotion, autant il semble étrange au premier moment de rimer sa joie ou ses douleurs. […] Grant Allen, qui parle en son propre compte, il faudrait plusieurs expériences accumulées et une série de comparaisons pour bien saisir certaines beautés naturelles, comme les chutes d’eau.
Il prétendait avoir perdu sa voix naturelle par un coup de vent. […] Il trouvait probablement l’un et l’autre très naturels. […] Il fut cruel sans raison, féroce sans excuse, et barbota dans le sang comme dans son élément naturel. […] Son naturel vaut mieux que ses principes. […] Ce rayon, qui ne tombait point dans son angle, mais plus près de moi, était pour elle une tentation naturelle de m’approcher.
Rien qu’à le voir, on sentait en lui le flegme naturel ou acquis, l’empire de soi, la volonté et l’habitude de ne pas donner prise. […] Il a craint de s’abandonner à son essor naturel. […] L’auteur des Essais de critique naturelle ne s’est-il pas calomnié lui-même en inscrivant sur la couverture de ses volumes des titres parfois solennels ? […] Elle a couru d’ouièzde en ouièzde, sur ces pistes incommodes que les ingénieurs de Pétersbourg appellent des « routes naturelles ». […] Le juif Elzéar se fit mettre à la porte de la Chambre, pour avoir imité trop au naturel les vociférations du prophète Michée.
C’est aux environs de l’année 1820, et probablement avant son premier voyage à Rome, que dut s’opérer un changement complet dans les croyances intimes de Leopardi : il passa de la première soumission de son enfance à une incrédulité raisonnée et invincible, qui s’étendait non-seulement aux dogmes de la révélation, mais encore aux doctrines dites de la religion naturelle. […] Mais, de quelque part que soit arrivée au jeune homme la première provocation au, doute et à l’examen, et quand il en aurait reçu l’initiative dans la conversation de quelqu’un de ses amis philosophes, comme Giordani ou tout autre, il faut reconnaître que l’esprit seul de Leopardi fit les frais de cette nouvelle opinion dans laquelle il s’engagea, et qui lui devint aussitôt comme un progrès naturel et nécessaire de sa pensée, un sombre et harmonieux développement de son talent et de sa nature. […] Il croyait que là seulement l’homme avait eu une vue simple des choses, un déploiement heureux et naturel de ses facultés.
La mort naturelle est adoucie presque toujours par l’affaiblissement des forces, et l’exaltation de la vertu nous soutient dans le sacrifice de la vie à ses devoirs. […] Leur respect pour toutes les lois, c’est-à-dire pour la loi morale, la loi politique et la loi des convenances réprime au-dehors leur ardeur naturelle : mais elle n’en existe pas moins, et quand les circonstances ne leur donnent pas d’aliment ; quand l’ennui s’empare de ces imaginations si vives ; il y produit des ravages incalculables. […] Peut-il exister une opposition entre deux qualités naturelles à l’âme et qui sont toutes deux les rayons d’un même foyer ?
Les parterres et le parc sont encore un salon en plain air ; la nature n’y a plus rien de naturel ; elle est tout entière disposée et rectifiée en vue de la société ; ce n’est point là un endroit pour être seul et se détendre, mais un lieu pour se promener en compagnie et saluer. […] C’est un art féodal que l’emploi du cheval ; il n’y a pas de luxe plus naturel à un homme de qualité ; pensez aux écuries de Chantilly, qui sont des palais. […] Étant la source de tout avancement et de toute grâce, il est naturel qu’il regorge ; dans notre société égalitaire, celui d’un mince député, d’un médiocre journaliste, d’une femme à la mode, est plein de courtisans sous le nom de visiteurs et d’amis. — D’ailleurs ici la présence est d’obligation ; on pourrait dire qu’elle est une continuation de l’ancien hommage féodal ; l’état-major des nobles est tenu de faire cortège à son général-né.
Aussi, naturelle paraît l’émotion que ressentit Wagner lorsque, vers 1857, il connut l’œuvre philosophique d’Arthur Schopenhauer. […] Elle ne doit pas reproduire les bruits naturels, ni les phénomènes de la matière, ni les actions, ce triple objet de la musique descriptive, parce que la machinerie théâtrale, et la peinture, et la littérature y peuvent parvenir aussi bien, et mieux qu’elle. […] Est-ce à dire que la musique doive donner, seulement, l’impression des faits naturels ?
Dans le même temps la reproduction de certains phénomènes naturels sous un ordre fixe détermine les âmes à concevoir cet ordre comme nécessaire, et forme ainsi à nouveau leur perception des choses. […] Le romantique Dickens n’est point plus soucieux que Hugo de l’analyse rationnelle : mais déjà ses romans recréent une vie plus naturelle, d’événements plus simples et plus réels. […] J’excepterais les magnifiques poèmes en vers et quelques poèmes en prose d’Edgar Poe, inventeur, dans ses nouvelles, d’une sorte « le mélodrame psychologique assez facile : présentant, par exemple, une obsession, sans l’analyse des motifs, qui la défantastiseraient, mais la rendraient naturelle et vivante.
Nulle part le génie grec n’a déployé un sens plus exquis des analogies naturelles que dans la création de ce cycle ondoyant de divinités. […] et un nuage gonflé de larmes a chargé mes yeux, quand j’ai vu ton corps se dessécher sur la pierre, sous ces nœuds d’acier. » — Filles naturelles de la Terre, elles protestent aussi, en le redoutant, contre le despote céleste qui veut l’asservir. — « Un nouveau maître tient le timon de l’Olympe, Zeus règne maintenant par des lois récentes. […] Hermès étant l’agent naturel de ces séductions innombrables, une idée de proxénétisme s’attacha à ses courses et à ses messages ; son rayon nocturne s’avilit au bas office du flambeau que portait l’esclave cubiculaire des lits impudiques.
les cruels, qui comptent les années de cette femme, et qui ne lui tiennent compte ni de sa grâce, ni de son esprit, ni de son élégance, ni de son tact exquis, ni de son bon goût naturel ! […] Le critique lui-même, un critique, un sans-cœur par métier, une bête féroce, remué par cette douleur si naturelle, si vive, si bien rendue, était sur le point de pleurer, lui aussi ! […] on ne résistait pas à cet entraînement contenu dans les plus correctes limites ; au contraire, on s’abandonnait volontiers à cette force sincère, à cette passion naturelle, à cet entraînement, qui obéissent à toutes les règles du goût, du bon sens, de la grâce, du sentiment.
Les peintres qui fleurirent en Angleterre sous Henri VIII et sous Charles I étoient des peintres étrangers qui apporterent dans cette isle un art que les naturels du païs ne sçurent point y fixer. […] Par tout où les europeans, ont porté leurs armes, ils ont assujetti les naturels du païs. […] Ils ne sçavoient pas même peindre avec les mineraux et les autres couleurs naturelles qui viennent de leur païs.
Ce lendemain échu et l’Empire sorti des causes qui l’ont si bien caché par leur profondeur même, Cassagnac éclaire rétrospectivement, mais vigoureusement, ces causes tardivement aperçues, et l’on sent, en lisant son livre, le bilan de ces Pouvoirs faillis, une — quasi-Royauté et une République également impossibles, — à quel point, heureusement pour l’avenir de la Monarchie dans le monde, le rétablissement de l’Empire fut à la fois naturel et logique, aussi avant dans la volonté humaine que dans les vues de la Providence. […] En se montrant peintre à ce degré, en prenant si particulièrement les hommes à partie dans le sujet qu’il abordait, Cassagnac n’obéit pas seulement à l’inspiration naturelle de son esprit, à cette projection intérieure qui est l’impulsion du talent. […] La force, et la force simple, spontanée, naturelle, belle et formidable dans sa nudité comme Hercule, est le trait saillant, habituel, consubstantiel et ineffaçable, du talent de Granier de Cassagnac.
La poésie est la langue naturelle du genre humain ; les premiers hommes furent, de par la nature, de sublimes poètes (Estetica, p. 31). […] Ce sont deux esprits diamétralement opposés ; l’un prétend appliquer à la littérature les méthodes des sciences naturelles, il est le législateur par excellence, et l’autre est le poète de la création individuelle. […] Le conflit lui-même étant trouvé, la difficulté est d’en dire, d’une façon brève et sûre, la genèse, afin qu’il apparaisse naturel et inévitable ; c’est l’art de l’exposition et de la psychologie dans le dialogue ; une fois la lutte expliquée et engagée, l’effet en sera d’autant plus saisissant que la marche en sera plus rapide, plus foudroyante.
Il était membre de l’Académie des sciences morales et politiques : M. de Talleyrand se dit que c’était pour lui l’occasion toute naturelle d’un dernier acte public, et, sous couleur de payer une dette d’amitié, il se disposa à faire ses adieux au monde. […] Il lui faut la faculté de se montrer ouvert en restant impénétrable ; d’être réservé avec les formes de l’abandon, d’être habile jusque dans le choix de ses distractions ; il faut que sa conversation soit simple, variée, inattendue, toujours naturelle et parfois naïve ; en un mot, il ne doit pas cesser un moment, dans les vingt-quatre heures, d’être ministre des affaires étrangères.
C’est là, sans doute, qu’il se proposait de peindre « toutes les espèces à qui la nature ou les plaisirs (per Veneris res) ont ouvert les portes de la vie. » « Traduire quelque part, se dit-il, le magnum crescendi immissis certamen habenis. » Il revient, en plus d’un endroit, sur ce système naturel des atomes, ou, comme il les appelle, des organes secrets vivants, dont l’infinité constitue L’Océan éternel où bouillonne la vie. […] Ici l’on a peu à regretter qu’André n’ait pas mené plus loin ses projets ; il n’aurait en rien échappé, malgré toute sa nouveauté de style, au lieu commun d’alentour, et il aurait reproduit, sans trop de variante, le fond de d’Holbach ou de l’Essai sur les Préjugés : « Tout accident naturel dont la cause était inconnue, un ouragan, une inondation, une éruption de volcan, étaient regardés comme une vengeance céleste… « L’homme égaré de la voie, effrayé de quelques phénomènes terribles, se jeta dans toutes les superstitions, le feu, les démons… Ainsi le voyageur, dans les terreurs de la nuit, regarde et voit dans les nuages des centaures, des lions, des dragons, et mille autres formes fantastiques.
Néron célébrait alors à Baïes les fêtes des vingt jours. » XXXIX « Il y attire sa mère, disant avec affectation qu’il fallait savoir supporter les mécontentements des auteurs de ses jours, et étouffer les griefs, afin d’ébruiter ainsi l’idée d’une réconciliation, et qu’Agrippine y crût avec cette crédulité facile aux choses qui les flatte, disposition naturelle aux femmes. […] On verra que je n’apostasie rien que l’erreur dans laquelle je suis une ou deux fois tombé, et quelques expressions mal sonnantes ou mal interprétées par mes nombreux lecteurs ; que j’ai mûri mes idées sur les conditions naturelles du pouvoir ; que j’ai profité de l’expérience et des temps, mais que je suis après ce que j’étais avant, l’homme qui se corrige des moyens sans se détourner du but : la liberté par l’honnêteté, le gouvernement spiritualiste.
Évidemment non ; le mode naturel est le mode logique. […] La dignité naturelle de son port n’enlevait rien à la grâce de ses mouvements ; son cou, bien détaché des épaules, avait ces magnifiques inflexions qui donnent tant d’expression aux attitudes.
Je craignis, si je laissais passer cette assertion sous silence, que cela ne donnât lieu au public de conclure qu’il en était vraiment ainsi et que j’aurais trahi mes devoirs, comme cela en paraissait la conséquence naturelle. […] Tout était naturel dans cette franche nature.
Georges Pioch Quand bien même tous ceux qui répondront à votre enquête seraient d’accord pour souhaiter la suppression des prix littéraires, ces prix n’en seraient pas moins offerts — ce qui est assez naturel puisqu’ils sont fondés — ni moins sollicités : — ce qui ne fait honneur à personne. […] Que ceux-ci enfin organisent, mon Dieu oui, syndicalement, corporativement, la défense de leurs intérêts, et j’entends par là aussi bien la mise en rapports avec leurs clients naturels, les éditeurs., directeurs de périodiques ou de théâtres, etc… (n’est-ce pas ce que tente l’Entr’aide littéraire ?)
Avant donc que la première représentation ait lieu, des déboursés considérables auront été faits, et il est tout naturel de se préoccuper de les couvrir. […] Puis, par la hantise des sensations chaudes, la musique fut menée à vouloir sortir de sa destination : elle tâchait maintenant à être une peinture, imitant les bruits naturels, les mouvements des corps, leurs couleurs.
Le mensonge lui est si naturel, il est tellement l’essence, le souffle, le tempérament invincible de sa nature ! […] Rien de contraint dans la façon dont elle joue la femme du monde ; elle en a le ton, le naturel, l’élégance, et marche sur la boue comme sur un tapis.
A d’autres égards, ils ont, d’abord un caractère plus décent, et ensuite ils ont un caractère plus « humain », comme nous aimons à dire de nos jours, c’est-à-dire qu’ils s’intéressent davantage à l’humanité proprement dite, qu’ils la représentent au naturel beaucoup mieux que les contes proprement dits, et qu’en même temps ils l’enseignent et la renseignent, et lui donnent des leçons qui sont souvent très considérables, très dignes d’attention. […] Dans de véritables lettres, écrites pour sa femme, cette répétition de la taquinerie n’a rien que de très naturel.
Il a montré Faust qui, après s’être élevé peu à peu dans l’échelle de l’humanité par sa conscience, par son goût du travail, par le goût de l’activité féconde et productrice qui lui est venu, il l’a montré ayant cependant une grave défaillance de conscience, toute naturelle, du reste, de la part du puissant et du victorieux. […] C’est tout naturel de la part d’une déesse immortelle !
On a dit son naïf travaillé comme un ouvrage de serrurier, et cette monstrueuse préciosité à faire revenir au naturel par l’épouvante les honnêtes filles de Gorgibus. […] Il n’est pas besoin d’être un observateur, ou un penseur, ou un esprit politique de premier ordre, pour savoir qu’en Franco il y a une sentimentalité niaise dans laquelle flotte la majorité des esprits comme dans leur atmosphère naturelle.
Et c’est tout naturel, puisqu’il s’agit de la même chose dans les deux cas. […] Dans les pages consacrées au « mécanisme cinématographique de la pensée », nous avons montré jadis que cette manière de raisonner est naturelle à l’esprit humain.
Il est naturel que cette réciprocité échappe à l’attention quand la théorie de la Relativité se présente sous sa forme mathématique. […] Peu importe que ces effets ne suivent pas la même loi que ceux de la gravitation naturelle, qu’ils croissent proportionnellement à l’éloignement du centre, etc. : tout l’essentiel de la gravitation est là, puisque nous avons une action qui, émanant du centre, s’exerce sur les objets découpés dans le disque sans tenir compte de la matière interposée et produit sur tous, quelle que soit leur nature ou leur structure, un effet qui ne dépend que de leur masse et de leur distance.
Ceux qui ont servi sous le général Friant, questionnés sur ses mérites et qualités, nous ont donné de lui une idée que le colonel Michel, un d’entre eux, a résumée heureusement dans ce vivant portrait : Le général Friant, par son bon naturel, son excellent cœur, ses sentiments généreux, l’humanité qui le dominait, aimait ses soldats, les soignait comme ses propres enfants, vivant de leur vie, se mêlant avec eux, tout en conservant sa dignité ; il en était chéri et estimé au point que pas un d’eux n’eût balancé à sacrifier sa vie pour sauver celui qu’ils appelaient : Notre bon, notre brave père. — (Tombant mortellement blessé près de lui à la Moskowa, un voltigeur lui disait : « Mon général, voilà quatorze ans que je suis sous vos ordres ; votre main, et je meurs content
Même naturel dans les deux ouvrages, avec plus d’éclat dans Cicéron, par le bonheur d’une langue plus colorée et plus sonore ; avec plus de finesse et de saillie dans Voltaire.
c’est cette méthode ou plutôt cette pratique qui m’a été de bonne heure comme naturelle et que j’ai instinctivement trouvée dès mes premiers essais de critique, que je n’ai cessé de suivre et de varier selon les sujets durant des années ; dont je n’ai jamais songé, d’ailleurs, à faire un secret ni une découverte ; qui se rapporte sans doute par quelques points à la méthode de M.
Ney tout bouillant, recevant cet ordre, ne le prit pas dans son sens le plus naturel et l’interpréta.
Lisez Homère, le plus grand, le plus héroïque, le plus magnifique et aussi le plus naturel des poètes : il n’y a pas un seul mot sale dans toute l’Iliade, le livre des guerriers.
Il ne s’empresse pas à acquérir l’estime et l’amitié des uns et des autres ; il choisit ceux qu’il veut connoître et qu’il veut aimer ; et, pour peu qu’il trouve de bonne volonté, il s’aide après cela de sa douceur naturelle et de certains airs de discrétion qui lui attirent la confiance… « Il a un caractère d’esprit net, aisé, capable de tout ce qu’il entreprend.
Lycée, Jeux Floraux, Académie, il brillait partout ; il cumulait, comme cet héroïque lutteur, le laurier de Delphes, le chêne de Pergame et le pin de Corinthe ; il aurait volontiers laissé écrire au-dessous de sa statue : « Ceci est la belle image du beau Milon, qui sept fois vainquit à Pise, sans avoir, une seule fois, touché la terre du genou. » Or, le jour où son genou fléchit en effet, le jour où la palme (style du genre) lui échappa et où il fut évincé par un plus heureux, il ne sut plus se consoler, il resta dépaysé longtemps, l’esprit tendu, avec tout un attirail oratoire qui ne sert que dans ces sortes de joûtes, et qui, en se prolongeant, doit nuire au libre développement des forces naturelles.
L’incertitude de nos mœurs publiques, notre mobilité oublieuse, les revirements fougueux de chaque jeunesse nouvelle qui survenait, ont dû en grande partie tenir à ce manque de guides naturels établis et imposants.
Il paraît, au premier coup d’œil, que les troubles civils, en renversant les rangs antiques, doivent donner aux facultés naturelles l’usage et le développement de toutes leurs forces : il en est ainsi, sans doute, dans les commencements ; mais au bout de très peu de temps, les factieux conçoivent pour les lumières une haine au moins égale à celle qu’éprouvaient les anciens défenseurs des préjugés.
La mythologie, ce sont les forces naturelles personnifiées, et c’est aussi, par conséquent, l’humanité déifiée.
Et le public a évidemment trouvé cela tout naturel.
La femme qui se déshabille pour se donner à un homme dépouille avec ses vêtements toute sa personne sociale ; elle redevient pour celui qu’elle aime ce qu’il redevient, lui aussi, pour elle : la créature naturelle et solitaire dont aucune protection ne garantit le bonheur, dont aucun édit ne saurait écarter le malheur. » Or, ni M.
Il nous suffit de montrer où elle en arriva sur le théâtre italien, par une conséquence toute naturelle du jeu comique propre à ce théâtre.
Il est naturel que des gens qui restent dans la théorie enseignent une morale austère, élevée, difficile et belle.
Le goût naturel de Deschamps et — pourquoi ne le dirai-je pas ?
L’amour du peuple, la pitié pour son impuissance, le sentiment du chef démocratique, qui sent vivre en lui l’esprit de la foule et se reconnaît pour son interprète naturel, éclatent à chaque instant dans ses actes et ses discours 518.
Montrer que la religion fondée par Jésus a été la conséquence naturelle de ce qui avait précédé, ce n’est pas en diminuer l’excellence ; c’est prouver qu’elle a eu sa raison d’être, qu’elle fut légitime, c’est-à-dire conforme aux instincts et aux besoins du cœur en un siècle donné.
Le contraste entre nos sensations actuelles et les possibilités de sensations est donc clair : et quand l’idée de cause est née en nous, rien de plus naturel que de l’étendre à ces possibilités permanentes, que de les considérer comme des existences de nos sensations, mais dont nos sensations sont les effets.
Dans le mois d’avril, madame Scarron, sous le nom de marquise de Suger, conduisit, comme son fils, le duc du Maine à Anvers, près d’un empirique qui devait rétablir la jambe de cet enfant dans l’état naturel.
Voilà un trait de ma sincérité naturelle. » Madame de Maintenon, non seulement parle moins de sa retraite, mais elle ne veut pas surtout qu’on en répande le bruit.
Sa légende, où tous les revirements de l’existence humaine étaient retracés, exaltait encore les impressions naturelles qui se dégageaient de leurs phénomènes.
Atrée et Thyeste commencent par tuer Chrysippe, fils naturel de Pélops.
Il entre dans son sujet de haute lice ; il a l’élévation de ton aisée, naturelle, l’ampleur du tour, la propriété lumineuse et simple de l’expression.
N’est-il donc pas naturel de croire avec Pflüger que, dans les lobes optiques, dans le cervelet et dans la moelle épinière de l’animal décapité, il y a encore des sensations, avec des réactions motrices appropriées ?
Tel d’entre nous qui se refuse encore à comprendre les bonnes pages de Zola, si admiré en Russie et relativement si classique dans les grandes lignes, goûtera sans résistance le naturalisme désordonnée sauvage des Tolstoï et des Dostoiewsky ; au contraire, ces crudités et ces violences lui apparaîtront comme le ragoût naturel de l’« exotisme ».
Ces trois sentiments donnaient à l’ouvrage sa division naturelle.
Il faut remonter d’abord au démêlé de Maupertuis avec le célèbre Kœnig, Suisse de nation, professeur de philosophie & de droit naturel en Hollande, bibliothécaire du prince Sthadhouder, & de madame la princesse d’Orange, membre de l’académie de Prusse, un des plus grands mathématiciens de l’Europe.
Jusque-là, rien que de très naturel.
La vivacité de son esprit, le sel de ses réparties, une certaine causticité naturelle, qui fait trop souvent suspecter la bonté du caractère, une invincible aversion pour la sottise confiante, et l’impossibilité absolue de déguiser ce sentiment, inspirèrent à beaucoup de gens une sorte de crainte qu’il prenait trop peu de soin de dissiper, et qui, pour l’ordinaire, se change facilement en haine.
Malheureusement beaucoup de ces lettres sont adressées à la duchesse de Saxe-Weymar, et comme toutes les lettres qu’on écrit à des princesses ou à des princes et qu’il faut colleter d’étiquettes ou embarrasser de révérences, elles ont perdu du naturel et de la profondeur que leur auteur pouvait y mettre.
, Buffon, Sur l’Homme, l’Histoire naturelle de Franklin, et certes tous ces gens-là ne sont pas des littérateurs cosaques.
Évidemment, c’est par ce côté de leur esprit et de leur style, inépuisablement aqueux et capables d’éternellement couler, qu’on peut les regarder comme étant les successeurs naturels de cet Alexandre !
Elle a le bon sens et le bon goût d’être chrétienne sans honte ; et parce qu’elle l’est, elle a la lucidité de cette lumière, et elle y ajoute le naturel, la simplicité, la loyauté du renseignement, l’étendue de l’érudition.
C’était une idée assez simple pour que la manière dont elle serait développée fît toute sa valeur, car on sait bien — et les esprits les plus vulgaires autant que les esprits les plus élevés — que les révolutions, comme les bâtardises, ont des parentés naturelles, et qu’elles ne viennent pas sans un germe dans le régime qu’elles détruisent plus tard.
Il piaffe dans les sciences naturelles, et il voudrait appliquer, haut la main, la paléontologie à l’histoire.
Certainement, à elle seule elle n’a pas créé cet amour fiévreux du théâtre, naturel à l’homme, et qui devient la plus malsaine manie des peuples vieux, civilisés et corrompus ; mais elle l’a exaltée outre mesure, et elle en a fait à cette heure quelque chose d’inouï, — sans exemple et sans nom.
Or, en supposant qu’il ne vint jamais, ce Cuvier de Shakespeare, ou qu’il fût simplement impossible, — par la raison que l’histoire humaine, faite avec des circonstances et du libre arbitre, déconcerte la logique de l’observateur et ne ressemble pas à l’histoire naturelle, faite avec de la pure organisation qui permet toujours de conclure, — il y aurait au moins les faits connus — si peu nombreux qu’ils soient et même si incertains qu’ils puissent être — pour intéresser l’imagination captive, cette imagination humaine qui n’est pas de l’avis d’Emerson non plus, et qui ne prendra jamais son parti de ne pas savoir l’histoire vraie et détaillée du tous les jours de Shakespeare, comme elle sait, par exemple, celle de Goethe et de lord Byron !
Encore un rapport avec Goethe, cet autre grand sec : il aimait la physique, la médecine, l’histoire naturelle.
Si, avec son observation large et fine et son dédain railleur de tout ce qui n’est pas la réalité, Champagny a, comme nous le pensons, l’esprit naturellement politique, quelle préoccupation ou quel emploi exclusif d’une de ses facultés a fait tort à son coup d’œil naturel, et diminué en lui et dans son œuvre ce que nous aimerions le plus à y rencontrer ?
On a souvent parlé de la pruderie des femmes anglaises, mais, en fait de bégueulisme, les whigs pourraient donner des leçons aux femmes les moins vraies et les moins naturelles de leur pays !
Blaze de Bury n’a pas l’air de croire, comme Boissier, par exemple, ou tout autre de ces païens posthumes, que le Christianisme n’est qu’une poussée naturelle du paganisme, et que si on l’avait laissé tranquillement faire, ce paganisme, gros du germe de toutes les vertus, il eût très aisément conduit le monde à ses fins de civilisation, de lumières et de moralité, sans Constantin et les Conciles, et même sans Notre-Seigneur Jésus-Christ, dont on aurait pu très bien se passer !
Divisant avec un art caché sous une distribution naturelle tout son sujet en trois parties, l’histoire de la fortune, des dépenses et des libéralités de Voltaire, il le prend tour à tour dans ces trois cadres et l’y fait mouvoir avec une grande puissance de reconstruction et de détails.
Wallon, et telle la première critique qu’on est tenté de faire de son livre ; mais cette critique va au fond et emporte tout l’ouvrage dans le seul cinglement de ce reproche, quels qu’en soient les mérites, d’ailleurs, naturels ou voulus.
… Côté très inférieur dans sa personne pour un dandy, c’est-à-dire pour un homme qui sent en soi quelque chose de plus grand que ce qui se voit et qui doit avoir le beau don naturel de l’indifférence !
Insupportable, nous l’avons dit déjà, par le sujet et la manière ; insupportable par la monotonie de son trait, qui est toujours le même ; insupportable par la vulgarité de son observation, qui ne s’élève jamais, quoiqu’il ait essayé, dans la seconde partie des Âmes mortes, de peindre des gens qui ne sont pas simplement des radoteurs ou des imbécilles ; insupportable enfin par sa description de la nature, qui nous reposerait du moins de cette indigne société de crétins nuancés dans laquelle il nous fait vivre, et qu’il nous peint toujours à l’aide du même procédé : la comparaison de l’objet naturel avec le premier engin de civilisation venu.
Cette vue exprimée et développée déjà par Donoso Cortès, et qu’il démontre, à savoir : le triomphe naturel du mal sur le bien, et le triomphe surnaturel de Dieu sur le mal, par le moyen d’une action directe, personnelle et souveraine, n’avait jamais été formulée avec cette plénitude et cette vigueur.
… Nulle réponse que le besoin qu’on a de faire admettre le principe de l’invariabilité des lois naturelles (page 81).
sur la question du feu, d’être au-dessous de Bory de Saint-Vincent, dans un dictionnaire des sciences naturelles ?
En se limitant dans l’ordre des choses naturelles, la science de Dieu n’existe pas, à proprement parler ; car, pour qu’une science soit, il faut en connaître tous les termes, et Dieu, c’est le terme infini ; mais la croyance en Dieu scientifiquement doit être, parce que, si cette croyance n’était pas, aucune explication ne serait possible, et que rien de ce qui ne serait pas Dieu ne s’entendrait.
Une fois demandé, il jaillit, comme tout jaillissait dans Brucker, cet homme-source, qui avait en lui tous les agissements et tous les bouillonnements de l’esprit humain… Mélange de tous les genres de livres dans un seul livre, tout à la fois roman et histoire, critique d’idées et de systèmes, invention de caractères et de personnages pour rendre plus vivantes et plus entraînantes ses théories ; dramatique, poétique, descriptif, mettant des tableaux de mœurs dans des paysages, naturel et intime, et, au milieu de tout cela, débordant de questions, d’explanations, d’argumentations, de démonstrations et de conversations qui roulent dans une verve de style semblable à un battement précipité d’artères, ce livre est peut-être un chaos de puissant ces trop alchimiquement entassées, mais c’est un chaos auquel il faut appliquer cet éternel mot de génie qu’on peut appliquer pour tout à Brucker, — à cet ébaucheur rapide et sublime !
Locke, sorti de Bacon, est le créateur de cette étroite philosophie de la sensation, qui a créé à son tour le sensualisme corrompu et corrupteur du xviiie siècle, et Bacon, lui, le créateur de l’expérimentalisme, a créé encore, par-dessus la tête de Locke, ce Darwin qui a remplacé la métaphysique par de l’histoire naturelle, Darwin qui, en philosophie, a le même mérite que de Luynes, l’éleveur de pies-grièches, en politique.
Cette méthode tient toute, il est vrai, dans le vieux procédé de l’induction, le vis-à-vis du syllogisme dans le raisonnement, et ceci menace d’être fâcheux pour les novateurs, qui s’imaginent que l’esprit humain doit procéder comme un joujou à surprise ; mais pour nous, qui savons quelle mince chose c’est, au regard de Dieu, que l’invention permise aux hommes, nous ne nous étonnerons pas de la reprise en sous-œuvre d’un procédé qu’une intelligence véritablement philosophique a su presque métamorphoser, en le grandissant… L’induction, telle que l’entend l’abbé Gratry, n’est plus le simple procédé de la raison décrit dans tous les livres de psychologie par les anatomistes de la pensée, c’est, sous sa plume, une méthode souveraine et d’un emploi sûr, dont on n’a pas jusqu’ici soupçonné la force parce que la rapidité foudroyante de ce procédé naturel a empêché de l’observer et de le fixer par l’analyse.
Rien de moins difficile que de faire pleurer ; Excepté les larmes que l’admiration fait couler, excepté celles de César devant la statue d’Alexandre, je méprise assez cette eau qui coule et je la laisse couler… Saint Maur, qui est d’un naturel trop franc et trop à pleine main pour jamais rien affecter, tempère, sous le dictame de son esprit, les tristesses qui sont le fonds commun de la misérable nature humaine.
Dans Aimée, où il essaya de faire autre chose que de l’aventure, dans Le Drame de la Jeunesse, plus réussi, et où il révéla ce qu’il pourrait être, s’il voulait énergiquement remonter vers les hautes et profondes régions du roman ; dans Le Drame de la Jeunesse, où il reprit l’idée d’Aimée — l’influence des livres et du théâtre sur la pensée et la moralité modernes, l’altération du naturel par les réminiscences littéraires, la pose, la comédie éternelle jouée entre nous et Dieu, et qui nous empêche d’avoir l’originalité même de nos vices et de nos douleurs, — il poussa au comble du suraigu cette ironie15 qui est le caractère de son esprit et le symptôme de sa force, et qui pourrait faire de M.
Mérimée était resté ce qu’il était quand il débuta, et même plus tard, et qu’il eût continué de se développer dans le sens de ses facultés naturelles, nous aurions peut-être un grand romancier de plus… Au lieu de cela, nous n’avons eu qu’un homme de beaucoup d’esprit et de ressources, qui a fait toutes sortes de livres, parmi lesquels il y a des romans qu’il est temps aujourd’hui de juger.
Il est alors plus ingénieux que vrai, plus fin que naturel.
Ce masque d’érudition, sous lequel étouffait un talent aimable, tombe ; le vrai, le naturel reparaissent, et avec eux l’homme d’esprit et l’homme de goût. […] « On souhaiterait d’être peintre pour fixer sur la toile ces traits si nobles, ces gestes si vrais, si touchants, ces attitudes si fières, si dramatiques et si naturelles… » « … Il est un point que personne n’ose plus révoquer en doute, pas même ceux qui en crèvent de dépit sans pouvoir le cacher (baissez la tête c’est une pierre jetée dans le jardin de l’Alboni), c’est que la Frezzolini est, en droit comme en fait, la véritable prima donna du théâtre Italien. » P. […] Les uns l’ont attribuée au déplaisir bien naturel qu’a dû éprouver le traducteur du Freischütz en se voyant distancer par la concurrence de Robin-des-Bois ; d’autres ont parlé de la mauvaise grâce qu’aurait mise madame Lauters dans son refus de chanter au concert de l’auteur de l’Enfance du Christ. […] Octave Feuillet, dit-il, ressemble à de la recherche, et son naturel à de la trivialité. » Suivant M. […] La vérité est que ce soir-là, soit émotion bien naturelle après une absence assez longue, soit fatigue ou enrouement qui avait saisi le chanteur à la gorge, jamais Roger ne fut moins le maître d’une voix momentanément altérée.
Lefèvre, licencié ès sciences naturelles, et M. le docteur A. […] Il en résulte aussi que nous pouvons faire des salives artificielles qui posséderont toutes les propriétés des salives naturelles. […] Le bichlorure de mercure ajouté à cette salive, de même que la salive sous-maxillaire naturelle, augmenta considérablement la viscosité de la salive. […] Toutefois, je n’avais pas obtenu ainsi la salive mixte naturelle, car le mélange de ces trois salives ne contenait évidemment pas le produit et la sécrétion des petites glandes buccales. […] Toutefois, il y a ceci de remarquable, c’est que la salive artificielle ou naturelle, qui est visqueuse, perd sa viscosité quand elle devient apte à transformer l’amidon en dextrine et en glucose.
Il y a de ces choses qui paraissent presque naturelles en gondole, entre poètes, et qui ne supportent pas le voyage. […] On « n’est pas habitué, dit-il, aux pièces naturelles, et à cette fantaisie si semblable à la vérité même, qui est le propre de M. […] C’est une langue franche et transparente, où l’expression est juste, le tour de phrase net et naturel. […] Après les débauches de clinquant et de panaches des vingt dernières années, on revenait à la vérité et au naturel. […] Nos jeunes gens n’aiment plus le naturel, ni dans la langue, ni dans la pensée, ni dans les sentiments, ni même dans les choses.
Il n’y a point de souverain, dis-je, avec une franchise qui m’est naturelle, qui ne doive s’occuper de retranchemens & de réformes, lorsqu’il commence à régner. […] Mais cela n’a rien de naturel, & il paroît qu’on pourroit s’en passer, c’est-à-dire, qu’ils ont des commodités superflues, & que celles qui seroient essentielles leur manquent totalement. […] On n’a jamais parlé d’une pareille réforme, quoique sans doute il seroit plus naturel de renvoyer des étrangers, que des nationaux. […] Il n’y a dans ce genre que le naturel qui plaît, & nous nous en sommes tellement éloignés, que par-tout nous mettons du bel-esprit, sans y joindre une once de raison…. […] Cependant, le calme est la situation naturelle du sage… sachez que mon indignation est un hommage rendu à la vertu, & que je ne souffre que parce que je vois tout le monde souffrir.
» On voit, par cette répétition de la même image du sommeil à si peu de distance, combien elle lui avait paru naturelle et expressive à la fois pour figurer sa sécurité en Dieu, et combien il se complaisait à la reproduire presque dans les mêmes termes. […] « Quand je vois le firmament, ouvrage de tes mains ; quand je contemple cette lune et ces étoiles que tu as semées… » L’humilité ici succède sans transition, ou plutôt par une transition tacite et naturelle, à l’extase.
” « L’Assemblée constituante fut donc aveugle et faible de ne pas donner la république pour instrument naturel à la Révolution. […] Si la Révolution qui se poursuit toujours avait eu son gouvernement propre et naturel, la république, cette république eût été moins tumultueuse et moins inquiète que nos cinq tentatives de monarchie.
« Soit inconstance naturelle, soit préjugé contre la vie monastique, je changeai mes desseins ; je me résolus à voyager. […] J’écoutais ses chants mélancoliques, qui me rappelaient que dans tout pays, le chant naturel de l’homme est triste, lors même qu’il exprime le bonheur.
J’imagine un temps, encore lointain, où, toutes les littératures ayant parcouru leur cycle naturel, le critique, accablé sous la masse énorme des choses écrites, serait obligé de ne retenir que les œuvres clairement caractéristiques des différents génies nationaux aux diverses époques : il me semble que l’œuvre de Racine aurait alors une autre importance et un autre intérêt que celle de son grand rival. […] Des situations communes pour point de départ, d’autres situations et des dénouements prévus, amenés par le développement naturel des passions et des caractères, sans aucune intrusion du hasard, voilà tout le théâtre de Racine.
l’artiste que la néfaste influence pousse hors son naturel chemin ! […] » C’est en effet devant le peuple et devant la femme que triomphera la poésie nouvelle, la jeunesse même de la poésie naturelle.
. — Ses origines naturelles. — Son type spiritualisé est l’idéal de la Grèce. — La Guerrière. — La Politique. — L’Artiste. — L’Ouvrière. — Pureté de sa légende. — Sa prédilection pour Athènes. — Athènes élève d’Athéné. […] Toutes ses filiations naturelles s’étaient effacées sous son magnifique développement moral.
» Mais le goût naturel et exquis de la jeune fille la défendait contre l’abus. […] Je la trouvai peu changée ; elle avait maigri pendant son séjour à Saint-Germain, mais une coloration plus vive de ses joues, un éclat plus vif de ses yeux, un repos plus visible de ses traits, un timbre plus naturel de sa voix, me remplissaient de l’illusion d’une convalescence.
Dans ces Contes, Balzac est donc supérieur, par la continuité du sentiment et le naturel de l’expression, à ce qu’il est dans La Comédie humaine. […] Eh bien, si naturel qu’il soit et d’une prime sauterie aussi jaillissante qu’il puisse être, le talent de Doré relève de Rabelais encore plus directement, si c’est possible, que la renommée qu’il lui doit !
À la mort du second prince de Condé (1588), il exprime en ces termes les regrets du parti : Longtemps après, le parti des réformés sentit cette perte comme d’un prince pieux, de bon naturel, libéral, d’un courage élevé, imployable partisan (inflexible chef de parti), et qui eût été excellent capitaine pour les armées réglées et florissantes ; car ce qui lui manquait aux guerres civiles était qu’estimant les probités de ses gens à la sienne, il pensait les choses faites quand elles étaient commandées, et n’avait pas cette rare partie, principale au roi de Navarre, d’être présent à tout.
Chaque régime qui a ses raisons d’être amène à sa suite et fait plus ou moins surgir son cortège naturel, les générations nées en même temps, éveillées au même signal, qui en ont l’esprit, le sentiment, l’intelligence, les espérances d’abord avec les ambitions, et plus tard, s’il tombe, les regrets.
Pourquoi, nature si riche, ne produit-il pas au dehors ses fruits naturels ?
L’entrain du triomphe et de la jeunesse, la familiarité militaire et républicaine, l’amabilité naturelle, la gaieté et même un peu d’étourderie française, respirent dans le récit, qu’on va lire, de l’accueil fait à Joubert et à Masséna dans la citadelle d’Alexandrie (6 mai 1796) : J’aurais voulu dater ma lettre d’Alexandrie ; mais j’ai passé si rapidement avec mon avant-garde, que j’ai à peine eu le loisir de profiter des honnêtetés de M. le gouverneur (Solaro), homme à crachats et à deux ou trois ordres au moins.
C’est en cette vieille maison de Sorbonne qu’il habitait depuis plus de trente ans, c’est là, dans ces vastes chambres à l’aspect sévère, toutes remplies d’admirables livres, qu’il était intéressant de l’aller voir, de l’écouter le matin, se promenant de long en large et parlant avec abondance et vivacité sur tout sujet, y mêlant une mimique et des formes dramatiques naturelles qui n’étaient qu’à lui.
Mes vieilles oreilles un peu dures ne perdent pas une syllabe de votre débit, dont le mouvement vif et naturel captive l’attention du public sans la fatiguer un seul instant… « Quant à votre coquin de Voltaire, vous l’avez très-joliment prêché ; je vous dirais, comme les Italiens, salvo il vero, — c’est-à-dire réserve faite de tous les contraires inhérents à l’exercice des grandes facultés, des ambitions et des activités prodigieuses.
La résistance de Mme Pierson, la tristesse résignée d’Octave, les sons de la voix aimée qui n’éveillent plus en lui ces transports de joie pareils à des sanglots pleins d’espérance, sa pâleur, qui réveille au contraire en elle cet instinct compatissant de sœur de charité ; puis, au premier baiser, l’évanouissement, suivi d’un si bel effroi, cette chère maîtresse éplorée, les mains irritées et tremblantes, les joues couvertes de rougeur et toutes brillantes de pourpre et de perles ; ce sont là des traits de naturelle peinture qui permettraient sans doute de trouver en cet épisode la matière d’une comparaison, souvent heureuse, avec Manon Lescaut ou Adolphe, si une idée simple et un goût harmonieux avaient ici ménagé l’ensemble, comme dans ces deux chefs-d’œuvre.
Voilà, Monsieur, la pensée la plus naturelle et la plus utile que puisse nous donner la vue du plus superbe de tous les tombeaux. » Sur quoi l’abbé Nicaise, en vrai littérateur qu’il est, s’empare des paroles mêmes de Rancé pour en faire un nouvel enrichissement à son tombeau et à sa dissertation ; il n’a garde de laisser tomber de si magnifiques pensées sans en profiter comme auteur, sinon comme homme.
Mais en fait, d’après la loi de l’infirmité et de la lâcheté humaine, dans le manque d’éducation forte et de croyance régnante, ce sont les instincts naturels qui décident en dernier ressort et qui font l’homme.
Ce lui fut l’occasion toute naturelle de revoir ses classiques anciens, et de ces études d’homme sortit une traduction de Théocrite et d’Anacréon, dont la savoureuse littéralité fut un régal pour les délicats et mit hors de l’ombre ce nom que d’incessants travaux allaient rendre glorieux.
Suggérées par leurs préjugés, leur impunité et leur ambition professionnelle, elles étaient entachées d’une indigne familiarité. » Il est quotidien de parler de la malveillance des tribunaux ; ce qui est rare, c’est d’en parler sans indignation, sans emphase, comme d’une chose connue et naturelle ; c’est surtout de joindre à l’observation de la servilité tyrannique des magistrats l’accusation purement artistique que leurs insolences sont gâchées par leurs familiarités.
. — Notre libération à l’égard des contraintes naturelles est trop souvent compensée par une aggravation des contraintes sociales.
Si les charges électriques doublent, il serait naturel d’imaginer que les vitesses des divers atomes d’éther doublent aussi, et, pour la compensation, il faut que la vitesse moyenne de l’éther quadruple.
Si des critiques soutiennent un jour que la Revue des Deux Mondes et Le journal des Débats me gâtèrent en m’apprenant à écrire, c’est-à-dire à me borner, à émousser sans cesse ma pensée, à surveiller mes défauts, ils aimeront peut-être ces pages, pour lesquelles on ne réclame qu’un mérite, celui de montrer, dans son naturel, atteint d’une forte encéphalite, un jeune homme vivant uniquement dans sa tête et croyant frénétiquement à la vérité.
Le propre de ces cultures scolastiques est de fermer l’esprit à tout ce qui est délicat, de ne laisser d’estime que pour les difficiles enfantillages où l’on a usé sa vie, et qu’on envisage comme l’occupation naturelle des personnes faisant profession de gravité 587.
Suivant l’esthéticien anglais, « nous appelons beaux ou sublimes les objets qui expriment une idée de ces idées : Infini, Unité, Repos, Symétrie, Pureté, Mesure, Adaptation à une fin. » N’est-ce pas dire que les choses qui excitent l’émotion du Beau et du Sublime sont celles qui ont une association naturelle avec certaines idées profondément gravées en nous ?
L’Opéra-Comique représente ce genre moyen cher à l’esprit français, dans lequel la musique se mêle au drame selon une mesure qui plaît à notre organisation et que l’on goûte sans étude et sans effort ; c’est un genre particulièrement agréable, qui refleurit à chaque saison et qu’il est naturel de maintenir.
Faute de cet effort naturel, les voici employés à une création inverse.
L’homme a établi des sciences partielles, physiques, naturelles, morales, sociales, etc., etc.
Ulysse se faisant reconnaître sous ses haillons à quelque marque naturelle, eût été plus touchant.
Dans le cours de la journée studieuse, chacun des élèves déployant son aptitude naturelle, il n’y en aura aucun qui garde constamment la supériorité, et ils auront tous un motif de s’estimer réciproquement.
On conçoit qu’il ne puisse pas y avoir de société plus simple ; c’est le protoplasme du règne social et, par conséquent, la base naturelle de toute classification.
Alors le budget allouera tant par an à M. un tel pour aller distribuer la manne littéraire aux habitants de Saint-Quentin, Tant à M. tel autre, pour entretenir — par des élégies quotidiennes — le feu poétique chez les naturels de Montauban.
J’appelle harmonieuse une phrase qui, de plus, par les sonorités ou les assourdissements des mots, par la langueur ou la vigueur des rythmes, par toutes sortes d’artifices, naturels, du reste, dans la disposition des mots et des membres de phrases, représente un sentiment, peint la pensée par les sons, et la mêle ainsi plus profondément à notre sensibilité.
Il est devenu comme le contemporain de ces textes sacrés qui se mêlent à ses paroles d’une manière à la fois si audacieuse et si naturelle.
À la première classe dont nous venons de parler appartiennent les hommes qui font dériver les lois sociales de l’existence même de la société, posée comme fait primitif, antérieur à toute convention ; ceux qui croient, par l’association naturelle de leurs idées, et par la forme intime de leur intelligence, que les lois ne peuvent être faites par l’homme, qu’elles sont données par Dieu même au moyen d’une révélation positive et primordiale, ou qu’elles viennent de Dieu encore, mais de Dieu se manifestant par des interprétations, des envoyés, ou seulement par le temps, les mœurs, les traditions.
Chose naturelle, du reste, qu’il en soit ainsi, car c’est une même loi qui gouverne tous les phénomènes.
… Reviendra-t-il à ses tendances naturelles, qui ont raison en lui et auxquelles il s’acharne en vain à donner tort ; car, dans la sphère du talent comme dans l’autre sphère, il n’y a jamais rien de dérangé que notre conscience et de renversé que notre esprit.
Tout y était encore à sa place naturelle.
Il est tellement pénétré, pour son propre compte, de tout ce que son devoir (qu’il nous permette d’écrire ce mot-là) serait de pousser vigoureusement dans l’esprit de ceux qui ne veulent pas comprendre, comme on pousse une épée dans le cœur de ceux contre qui on se bat et qui résistent, que, chose singulière et naturelle !
Et elle y alla d’une sympathie si naturelle, que ceux-là mêmes qui, les premiers, dans la Gaule encore gauloise, s’allièrent aux Romains, ne furent jamais dans le sentiment gaulois des traîtres à la patrie, des hommes qui passaient à l’ennemi.
Malgré plusieurs détails naturels et primesautiers de ce roman, qui sont comme les points pourpres de la rose future, la fleur d’un génie en bouton encore, Werther est un livre faux et platement bourgeois.
Portées toujours en haut comme lui par leur aspiration naturelle, il a voulu créer pour elles un christianisme supérieur et indépendant.
La loi que la critique, qui veut conclure, selon l’instinct naturel à l’homme, doit appliquer aux historiens, est la même que les historiens appliquent aux hommes historiques, et cette loi, c’est le résultat !
Il fait des tableaux de grandeur naturelle, au pointillé, dans lesquels rien ne se fond et où tout se détache.
La princesse Ariiléa, belle-fille de Pomaré, avec sa douce figure, rêveuse et naïve, fidèle à sa coiffure de roses du Bengale naturelles, piquées dans ses cheveux dénoués. […] Il le disait même en termes moins honnêtes, empruntant plus volontiers ses comparaisons à l’histoire naturelle qu’à la mythologie. Au fond M. de Maurescamp, qui était d’un naturel très jaloux, n’était pas autrement fâché d’une circonstance qui lui semblait être une forte garantie de sécurité domestique. […] Mais ce ne sont là que des taches, et personne ne songe plus à discuter le maître quand il reprend sa voix naturelle et dit dans un fragment du magnifique morceau intitulé : En marchant le matin. […] mon cher — c’est tout naturel, vous ne faites jamais d’exercice ; — comment ne voulez pas engraisser ?
» De cette ressemblance naturelle et voulue, réelle et travaillée, était née dans l’esprit et dans le cœur du peintre l’impression bizarre d’un être double, ancien et nouveau, très connu et presque ignoré, de deux corps faits l’un après l’autre avec la même chair, de la même femme continuée, rajeunie, redevenue ce qu’elle avait été. […] La personne physique du peintre lui apparaissait elle-même sous un jour nouveau ; elle était frappée de la dignité naturelle de sa démarche, qui la faisait penser à l’allure puissante et souple des grands fauves : elle était frappée de l’éclat lumineux de son front, du caractère énergique de ses traits calmes, auxquels ses cheveux légèrement blanchis et comme à demi poudrés prêtaient alors une douceur étrange. […] Quand je l’interrompais par une question au milieu d’une phrase, il me répondait de sa voix naturelle, puis reprenait sa phrase à l’endroit même où je l’avais coupée. […] Notre jeune viveur est étonné de trouver dans son domaine une suite de piquets peints en blanc, son étonnement s’accroît quand il voit un ouvrier accompagné d’un gendarme lui dire qu’il vient pour les poteaux : l’ouvrier s’explique : Il y a huit ans, le gouvernement a voulu se concilier les sympathies des naturels d’Arnay-le-Comte. […] Passant à la pratique, il écrit : Dites vrai, dites naturel — et alors ce sera bien ; — mais dites.
Par un avatar tout naturel dans les révélations d’Hermès, cette fille des rues n’est autre que la courtisane antique Callista qui expie ses fautes sous des formes terrestres jusqu’à purification complète de son âme ; elle doit tout souffrir, toutes les souillures, toutes les misères de la matière avant d’avoir le droit d’y échapper. […] Ce n’est pas, comme on peut le deviner sous ce compte rendu sommaire, un roman banal que le Masque ; outre les qualités de l’homme d’imagination, il nous montre celles de l’écrivain fidèle à notre langue, bien qu’on y rencontre parfois des tournures archaïques plus cherchées que naturelles. […] Il n’y a guère eu de vision aussi directe, aussi naturelle des choses. » On peut ne point partager les tendances artistiques de M. […] C’est par l’extrême facilité, l’élégance native, la recherche du naturel, que se recommande le vers de M. […] L’auteur visitait un musée d’histoire naturelle avec le géologue qui y était attaché : « Lorsque nous nous trouvâmes, dit-il, devant les premiers vestiges de l’homme, il détourna la tête et répondit à mes questions que ce n’était point sa vitrine.
Que ça devait être fatigant lorsque mademoiselle Clairon, apportait dans le sien, un peu d’abandon et de naturel ? […] Y a-t-il rien de plus naturel ? […] Il paraît qu’Araminte a remplacé, par un laquais ad hoc, sa femme de chambre, son messager naturel. […] » Cette proposition qu’on n’eut pas faite à Tartuffe, Moncade la trouve toute naturelle. […] Le mauvais sujet s’y montre, les jambes un peu avinées, la tête vacillante, le nez barbouillé de ta bac, la dentelle en désordre, en même temps il s’y montre bien vêtu, bien vrai, bien naturel, bien railleur.
Jules Renard ne veut pas que la phrase chante et il en donne pour raison qu’il faut être naturel. Il oublie de prouver qu’il est plus naturel de parler que de chanter, ce qui ne pourrait s’établir par l’exemple des oiseaux et des poètes lyriques. […] Habitude qui était devenue une seconde nature, sans être tout à fait naturelle pour cela. […] L’accueil de Barrès était empreint d’une simplicité parfaitement naturelle. […] Je ne puis constater que le développement régulier et naturel des idées.
Tant d’art, et avec tant de naturel ! […] Danton appelle la Prusse « notre alliée naturelle ». […] Il semble qu’il y ait là une spontanéité naturelle, et comme le premier effort de la velléité littéraire. […] Elle lui a été un affreux supplice, et qu’il a enduré avec plus de fierté morale que de patience naturelle. […] Là-dessus, les discussions iront leur train naturel.
Cette mère n’avait que vous pour passé, pour présent, pour avenir ; j’aime à me la retracer dans ce petit jardinet de la rue Notre-Dame des Champs, où je causais souvent avec elle en attendant que vous fussiez rentré quand j’allais vous voir ; sa modestie, sa grâce naturelle, sa bonté maternelle, son sourire fin et attendri, le timbre enchanteur de sa voix émue en causant de vous, me rappelaient cette Monique, mère d’Augustin, si bien peinte par Scheffer, quand, dans son geste double, elle presse ici-bas des deux mains les mains de son fils, tandis que ses deux beaux yeux levés au ciel et tournés à Dieu ont déjà oublié la terre et enlèvent l’âme de son enfant dans un regard. […] Il réprima toujours les attendrissements Qui naissent sans savoir, et les troubles charmants, Et les désirs obscurs, et ces vagues délices De l’amour dans les cœurs naturelles complices. […] Les prophéties sont naturelles, plus que surnaturelles.
On jette enfin dans ces entretiens, qu’on pourrait appeler les cours d’amour scientifiques du xixe siècle, les matériaux d’un livre sur l’amour, qu’on n’écrira peut-être jamais, et qui serait pourtant un beau livre : L’Histoire naturelle de l’amour. […] On est obligé de remplacer le tabac par des distractions trop naturelles… qui ne vous accompagnent pas jusqu’au bout. » Et c’est dit avec un sourire de regret et de mélancolie libertine. […] Une femme à l’amabilité comme son sourire, le plus doux sourire du monde, — le sourire gras des jolies bouches italiennes, — et une femme ayant ce charme : le naturel, et vous mettant à l’aise avec une langue familière, la vivacité de tout ce qui lui passe par la tête, une adorable bonne enfance.
Elle disait tranquillement roça et cela lui paraissait tout naturel. […] On peut fort bien gouverner ou présider un pays dont on connaît médiocrement les beautés naturelles. […] Le feuillage au théâtre Nous sommes habitués maintenant aux feuillages follement agités du cinéma et le feuillage rigide du théâtre nous semble encore moins naturel.
. — Logique et clarté naturelle, sobriété, grâce et délicatesse, finesse et moquerie. — L’ordre et l’agrément. — Quel genre de beauté et quelle sorte d’idées les Français ont apportés dans le monde. […] Il faut, pour qu’il comprenne, que la seconde idée soit contiguë à la première, sinon il est dérouté et s’arrête ; il ne sait pas bondir irrégulièrement ; il ne va que pas à pas, par un chemin droit ; l’ordre lui est inné ; sans étude et de prime abord, il désarticule et décompose l’objet ou l’événement tout compliqué, tout embrouillé, quel qu’il soit, et pose une à une les pièces à la suite des autres, en file, suivant leurs liaisons naturelles. […] Gabeurs, gausseurs, nos pères ont en abondance le mot et la chose, et la chose leur est si naturelle que, sans culture et parmi des mœurs brutales, ils sont aussi fins dans la raillerie que les plus déliés. […] XI Quand des hommes sont, comme ceux-ci, doués d’un naturel sérieux, munis d’un esprit décidé, et pourvus d’habitudes indépendantes, ils s’occupent de leur conscience comme de leurs affaires, et finissent par mettre la main dans l’Église comme dans l’État.
— Naturel et variété de son style. — Excès et fatigue de sa verve […] Si jamais il y eut une âme violente et follement sensible, mais incapable de se déprendre d’elle-même, toujours bouleversée, mais dans une enceinte fermée, prédestinée par sa fougue native à la poésie, mais limitée par ses barrières naturelles à une seule espèce de poésie, c’est celle-là. […] Le paganisme, au contact de la science, s’était réduit à la reconnaissance des forces naturelles ; le christianisme, au contact de la morale, se réduisait à l’adoration de l’idéal. […] La profonde source de l’amour, exclue de ses issues naturelles, déborde alors et dévaste le cœur qui n’a pas voulu s’épancher.
N’est-ce pas méconnaître au grand détriment de l’art, cette loi naturelle qui donne d’autant plus de force à l’homme pour supporter le chagrin qu’il a une plus longue route à faire jusqu’à la tombe, ne laissant pleurer l’enfant qu’une heure et l’adolescent qu’un mois ? […] Si un poète est épris de ces anciennes mœurs, au point de choisir pour sujet de ses chants, ce qui est fort naturel, que n’imite-t-il Goethe ? […] Comme il a pris dans ce livre la divagation pour le naturel, la digression fatigante pour la réflexion profonde et pour le caprice ! […] C’est un sentiment qui plaît à tout le monde, et ce mot si piquant dans la bouche des femmes : Comme cet auteur ressemble peu à ce qu’il écrit, montre combien il est naturel de supposer le livre confident de l’homme.
Je suis trop bavard de mon naturel. […] Il y a à la cour un grand et roide jeune homme, gentilhomme de la chambre comme moi, qui, selon l’humeur froide et inhospitalière des Brunswickois, m’avait fait une belle révérence et laissé dans mon coin, sans se soucier de moi, ce que je trouve assez naturel. […] Il ne veut jamais croire que je l’aime : j’ai eu beau, pendant deux grands mois, le lui dire de la manière la moins naturelle et la plus empruntée deux fois par jour, il n’en veut rien croire. […] Quand ils seront arrivés à grandeur naturelle, je les envoie dans le monde to shift for themselves. […] Vous êtes trop bonne, trop honnête, trop naturelle ; faites-vous un système qui vous rapproche des formes reçues, et vous serez au-dessus de tous les beaux esprits présents et passés.
Les loix de l’empire sont douces & sages, & sont sa tranquillité : nulle part on n’a mieux établi ce droit naturel & sacré, le respect des enfans pour les pères. […] Pour rendre à leur art son indépendance naturelle & la noblesse dont il est susceptible ; pour l’élever au niveau de la médecine, il falloit une loi souveraine qui le rappellât à son état primitif. […] Il étoit naturel qu’ils souhaitassent d’appartenir à l’université, mère commune des sciences, du moins comme maîtres-ès-arts, puisqu’elle croit avoir raison de les refuser comme faculté. […] A peine fut-il libre, qu’il reprit son train ordinaire de vie, joignant, à la réputation d’écrivain le plus ingénieux, le plus piquant, le plus naturel & le plus agréable de son siècle, celle d’épicurien parfait. […] Etoit-il possible que Marot, dont tout le mérite consiste dans la finesse, dans un tour épigrammatique, dans un naturel unique à la vérité, mais dont les grands défauts sont un stile le plus souvent comique, trivial & bas, rendît l’harmonie & la noble simplicité de l’Hébreu ?
Mais, enfin, la circonstance de la paix est une sorte d’amertume qui me blesse jusqu’au cœur, quand je me mets à sa place ; quand je me tiens à la mienne, j’en loue Dieu, puisqu’elle conserve mon pauvre Sévigné et tous nos amis. » On découvrit bientôt (un peu complaisamment peut-être) qu’avant de partir pour la guerre, M. de Longueville s’était converti en secret, qu’il avait fait une confession générale, que messieurs de Port-Royal avaient mené cela, qu’il répandait d’immenses aumônes ; enfin que, nonobstant ses maîtresses et un fils naturel qu’il avait, il était quasi un saint. […] On peut excéder en la louant, et il est si naturel de se chercher soi-même quand on loue les autres, parce qu’il est aisé que nous nous regardions là dedans, que le meilleur est de peu louer, et d’attendre ce grand jour auquel Dieu ne rend pas seulement à chacun selon ses œuvres, mais où il louera lui-même ses saints. » Cette lettre de M. de Pontchâteau, dans sa naïveté et sa discrétion, est la plus digne oraison funèbre.
Herman répond avec embarras « qu’il a songé longtemps, en effet, à la plus jeune de ces trois filles, mais que, sa timidité naturelle l’ayant fait railler dans cette maison sur son silence et sur la coupe trop rustique de ses habits, il a laissé échapper, par confusion, son chapeau de sa main, et il est sorti pour jamais de cette maison moqueuse ». […] Complétement incrédule à telle ou telle révélation historique par des miracles, Goethe admettait seulement cette révélation naturelle et progressive par la raison humaine, comme miroir de l’intelligence divine, successivement frappé de plus de clarté à mesure qu’il se dégage davantage des ignorances et des superstitions qui le ternissent.
De plus, l’âme sociale nous a pénétrés de respect pour la morale constituée, et cela aggrave encore notre maladresse et notre lourdeur naturelles. […] La loi morale est une loi naturelle en voie de formation, voilà bien longtemps que je l’ai dit, c’est une loi qui tend à être.
L’enfant en sort ainsi deux fois né, après le temps qui aurait été celui de la grossesse naturelle. […] On y voit les analogies et les harmonies naturelles composer les dieux, comme on voit les abeilles creuser leurs cellules et pétrir leur cire, à travers une ruche de cristal.
— Églé ou les Concerts Champêtres, Les Chants de la Vie ardente célèbrent avec l’héroïsme des hommes, la force des saisons, le tourbillonnement des énergies naturelles. […] Comme disait le vieux peintre David à ses élèves : « Mes amis, il faut être bien humbles devant la naturel » Nos jeunes gens n’ont point cette humilité !
Toujours est-il qu’ils ont fait parler ce mauvais langage à leur héroïne pour la rendre plus naturelle, plus réelle, comme on dit maintenant, et, qui sait ? […] Renée Mauperin, que je trouve ravissante, et que, sans vous, je trouverais détestable, est une création absolument imaginaire… Les filles qui parlent comme cette demoiselle, — qui plaisantent comme elle, — qui sont hardies comme elle, — qui nagent et montent à cheval et sont sans gêne et sans pudeur et garçons comme elle, n’ont pas les divines touches de naturel resté femme que vous lui avez données, à cette Renée qui est un monstre, mais qui finit par racheter et effacer sa monstruosité.
Roederer, poussé par son goût pour la vérité nue et la réalité, a mieux fait pourtant : il a copié aussi des scènes qu’il avait sous les yeux, de vraies conversations de son temps, toutes naturelles, toutes vives.
D’Alembert nous l’a peint au naturel et avec finesse dans un agréable éloge lu à l’Académie française en février 1775, et qui a fourni le premier fonds de toutes les biographies.
Et qu’ils sont utiles, en général, ces écrivains d’un bon sens prompt, vif, naturel, les Le Sage, les La Fontaine, les Cervantes, les Montaigne !
» Frochot ne fit jamais comme d’autres qui après coup s’en vantèrent, et qui, en manière de créanciers, vinrent revendiquer ensuite leur part de fourniture dans cette glorieuse éloquence : il ne parla jamais, pour son compte, de ces bons offices de secrétaire bénévole, de ces humbles prêts de copie à fonds perdu, qui lui semblaient une dette naturelle envers le génie, et son biographe qui les recherche avec soin a quelque peine aujourd’hui à en déterminer l’exacte mesure.
C’est emporté, c’est aveugle, c’est grossier, c’est subtil, c’est irréconciliable. « La férocité naturelle fait moins de cruels que l’amour-propre, » a dit La Rochefoucauld.
Cet adieu de Prevost à son supérieur le peint au naturel et plus au complet qu’on ne l’a vu nulle part encore ; on y sent percer, à travers les termes d’un respect fort dégagé, un accent d’ironie et une pointe de menace qui a son piquant, et qu’on n’est pas accoutumé de trouver sous sa plume.
un oubli complet de tout ce qui pouvait les rallier à temps, les concilier, surtout les nouveaux arrivants, leur offrir des cadres naturels d’activité, leur permettre de s’appliquer à d’honorables emplois, de donner cours et carrière à leurs facultés de production et de travail ; pas une Revue largement ouverte et solidement fondée ; pas un journal vaste, impartial, sans acception de personnes et libéralement hospitalier.
Ce naturel est gaulois, trop gaulois, dira-t-on, c’est-à-dire peu moral, médiocrement digne, exempt de grandes passions et enclin au plaisir.
« Le naturel », disait Condillac, « n’est que l’art tourné en habitude. » Peu importe la dureté de l’apprentissage.
Il est bien fils de cette race qui a vécu si noblement, de la vie la plus naturelle et la plus cultivée à la fois, de cette race qui n’a point maudit la chair et qui n’a répudié aucun des présents du ciel.
Pour parler dignement de l’outil qui sert si bien cette passion du Beau, je veux dire de son style, il ne faudrait jouir de ressources pareilles, de cette connaissance de la langue qui n’est jamais en défaut, de ce magnifique dictionnaire dont les feuillets, remués par un souffle divin, s’ouvrent toujours juste pour laisser jaillir le mot propre, le mot unique, enfin de ce sentiment de l’ordre qui met chaque trait et chaque touche à sa place naturelle et n’omet aucune nuance.
Cette aimable gayeté compagne de l’innocence & de la liberté animera ses discours, leur prêtera cette fleur naturelle qui annonce je ne sçais quoi d’ingénieux & de solide, & qui unit une clarté pure à une profondeur heureuse.
Il appartient sans doute à la raison de dissiper les prestiges de l’orgueil malheureusement si naturel à l’homme, & de faire voir qu’on ne s’éleve point en abaissant autrui.
La Magie naturelle, ou la Magie sans magie, en décembre 1678.
Après quelques velléités de résistance, l’individu ne peut manquer de se soumettre, « Pour amener l’individu à se soumettre de son plein gré, il n’est nécessaire de recourir à aucun artifice ; il suffit de lui faire prendre conscience de son état de dépendance et d’infériorité naturelles — qu’il s’en fasse par la religion une représentation sensible et symbolique ou qu’il arrive à s’en former par la science une notion adéquate et définie116. » La science sociologique assumera donc la même fonction qu’ont assumée jusqu’ici les religions ; elle courbera l’individu devant la société.
Cette seconde vérité n’est pas démontrée mathématiquement, mais elle ne peut pas l’être, pas plus que ne peuvent l’être les lois empiriques des Sciences physiques et naturelles.
Mais nous, qui avons commence à penser en 1830, nés sous les influences de Mercure, le monde nous est apparu comme une machine régulièrement organisée ; la paix nous a semblé le milieu naturel de l’esprit humain, la lutte ne s’est montrée à nous que sous les mesquines proportions d’une opposition toute personnelle.
Le rapprochement des versets 22 et 23 du chapitre ni de Jean, et des versets 3 et 4 du chapitre IV du même évangile, porterait d’ailleurs à croire que Salim était en Judée, et par conséquent dans l’oasis de Jéricho, près de l’embouchure du Jourdain, puisqu’on trouverait difficilement, dans le reste de la tribu de Juda, un seul bassin naturel qui puisse prêter à la totale immersion d’une personne.
Il est naturel, du reste, que la légende se soit emparée de cette circonstance.
Quelquefois, par une conséquence naturelle, sa grande importance religieuse était sur le point de se changer en importance sociale.
On comprend que le ton exalté de Jean et sa préoccupation exclusive du rôle divin de Jésus aient effacé du récit les circonstances de faiblesse naturelle racontées par les synoptiques.
De limites naturelles sur les crânes ou sur le cerveau lui-même, on ne se donne pas la peine d’en indiquer. » M.
Il a chassé, il a couru, il s’est battu contre l’animal féroce, il s’est exercé ; il s’est conservé, il a produit son semblable : les deux seules occupations naturelles.
Or, pour cela, il faut qu’il y ait entre elles la même suite qu’entre les moments divers d’une même évolution naturelle, et, en outre, que cette évolution qu’elles figurent soit assez prolongée pour que le sens n’en soit pas douteux.
Avant ce nouveau venu qui arrivait sans se débotter, Diderot était peut-être le seul écrivain qui eût porté dans la Critique autant d’imagination qu’on en pouvait montrer avec les habitudes didactiques du xviiie siècle ; mais il y avait, dans l’imagination de Diderot, quelque chose d’exagéré et de déclamatoire qui sentait son bourgeois et son pédant, tandis que l’imagination qu’y porta Janin était naturelle et légère.
C’est que la grandeur ne vient ni des facultés, ni de leur emploi, ni de leur réussite, mais d’une imposante manière d’être, soit dans la vertu, soit dans le talent, soit même dans le vice ; et Mazarin manqua toujours de ce naturel et mystérieux ascendant.
C’est un esprit sain, très naturel, sans utopie, admirant et comprenant très bien les arabes, qu’il nous a peints en larges traits, — et ce sont les meilleures pages, parce qu’elles sont morales, de ce récit, abusivement physique, où l’éternelle description dévore tout et en a le droit, car dans les livres de voyage elle est sur son terrain plus qu’ailleurs.
Il est donc bien naturel que la France s’ignore, de gaieté de cœur, puisqu’elle croît de sa dignité de se refuser à toute comparaison.
Jetant alors un coup d’œil rétrospectif sur le premier point de vue, on reconnaîtra qu’il fallait s’y placer d’abord, on jugera naturelle la tentation d’y revenir lors même qu’on a adopté le second ; mais on verra aussi comment les faux problèmes surgissent du seul fait que des images sont empruntées à l’un pour soutenir les abstractions correspondant à l’autre.
Cette disposition était l’effet naturel de la fermentation des esprits, des malheurs des peuples, des grands intérêts politiques et religieux ; enfin de ce système des génies, imaginé ou puisé chez les Chaldéens par Platon, et renouvelé alors avec le plus grand succès.
Sous ces deux titres on peut concevoir ce que, bien des siècles plus tard, et dans une science toute formée des traditions grecques, nous retrouvons sous la plume de Varron, divisant la théologie en mythologique, naturelle, et civile : « La première, ajoutait-il, faite pour le théâtre, la seconde pour l’univers, la troisième pour Rome. » Il paraît, d’après les courtes analyses de saint Augustin, que Varron touchait dans sa seconde théologie à cet antique panthéisme, à cette idée d’une nature éternellement vivante et par là divine, qui semble le fondement des cultes antiques de l’Inde.
Entendez-vous, par ce mot littérature facile, cette littérature d’un seul jet où vous ne sentez nul effort, où tout se tient, tout se lie, tout s’enchaîne ; où la transition arrive facile et souple comme la pensée ; où l’expression est naturelle, simple, abondante ? […] Paul de Kock, en effet, n’est pas de ces hommes qui se mouchent du pied ; il a le secret d’un certain naturel, d’une certaine trivialité bourgeoise qui ont bien leur mérite. […] » le suicide réduit à l’état d’une question de philosophie ou de droit naturel : voilà qui est insupportable ; voilà l’émotion qui est toujours la même. […] Grande pitié, en effet, et grand dommage de voir tant de belles et nobles qualités de l’esprit et du cœur, un talent si rare, une éloquence si naturelle, un si beau style, une intelligence si vaste, un historien qui eût été le maître de l’histoire contemporaine, tout cela détruit d’un seul coup ! […] Elle était naturelle et simple comme toute douleur qui vient du fond de l’âme ; elle était dégagée de toute vengeance et de tout remords.
Mais la Science ne se targuait-elle pas alors, il est vrai, d’un matérialisme sans grandeur, incompréhensive d’un sens nouvellement philosophique et comme religieux au sens de vérités naturelles, que ma Poétique précisément trouvait en elle et allait développer de principes et d’œuvre. […] Il est naturel alors que l’Idée Symboliste — de par son essence tout émotive — se soit nuancée, dissociée et scindée en autant de modes que lui imposaient de particuliers tempéraments, leurs « Moi » reliés pourtant ; moins par une pensée, générale que par une même manière de penser poétique. […] La première qui évoquerait l’Individu social, la seconde l’Humanité, la troisième, « saisissant et levant les leçons latentes au cours des volumes antérieurs, découvrirait que le Tout repose sur des propriétés géométriques philosophiquement considérées de l’Ellipse, et soumettrait à l’entendement et à l’émotion de naturelles religions. » Je réservais ainsi l’énonciation complète de partie philosophique, ne la voulant précisément émettre que serrée et complète et ne la tenant encore à mon gré : la troisième édition la donna l’année suivante. […] L’on peut dire cependant, que, soit acquis, soit naturel à l’esprit de Mallarmé, le soin de donner pour substratum aux plus pures et lointaines nuances analogiques de l’Idée, quelques traits de réalité nettement extériorisés, demeure en presque toute son œuvre là même où les quelques traits réels sont, hors de leur transposition illusoire, voulûment à deviner. […] Nous avons vu en Mallarmé une singulière aptitude d’esprit à l’art Baudelairien, encore que cette aptitude, naturelle ou acquise, s’exagère immédiatement par une prise de possession presque entière de son sentiment poétique à la lecture que l’on dirait exclusive, des Fleurs du mal.
Il sanglote, suffoque, trempe son mouchoir, et tout cela très sincèrement, car il est de naturel tendre, il a le cœur délicat, et les infidélités de sa maîtresse l’accablent de mélancolie. […] Soutenue par sa fierté blessée et la hauteur qui lui était naturelle, immobile comme un marbre, mais la mort dans le cœur, elle prononça avec fermeté le oui qui la liait à un inconnu qu’elle haïssait d’avance ; puis ses yeux se portèrent avec une expression indicible sur le Roi, qui pâlit quand ce regard se croisa avec le sien. […] » L’aménité de ses manières n’en diminuait pas la gravité, pas plus que l’enjouement naturel de son esprit n’en voilait le sérieux. […] Rodenbach a suivi cette pente naturelle et s’est modifiée ainsi, empruntant, elle aussi, une partie de son attrait aux voiles dont elle sait s’envelopper, et à l’effort qu’elle impose à l’esprit pour pénétrer jusqu’à elle. […] Au printemps de la vie C’est un mouvement instinctif, tout naturel au voyageur, que de se retourner pour voir l’étendue du chemin parcouru.
Quand il vit que la lutte était inutile, Paoli étant vaincu et banni, son bon sens naturel lui fit comprendre que la Corse ne perdait qu’à demi la partie, puisqu’elle était délivrée des Génois. […] N’est-il pas naturel qu’un enfant de dix ans, subitement transporté de Corse en Champagne, et passant de la maison paternelle dans une geôle de jeunesse captive, soit un peu abasourdi par cet exil et par cet internat ? […] La place d’empereur étant devenue vacante, il était naturel qu’un Corse la sollicitât et l’obtînt. […] Le seigneur Arnolphe était féru d’Agnès… Et puis, dans le cas particulier de Napoléon, un chatouillement d’orgueil se mêle à l’émoi d’une passion très naturelle. […] Henry Houssaye ne s’est pas laissé entraîner par le désir naturel de les imiter.
Mais au sentiment religieux qui le soutient et le guide dans sa pénible carrière le paysan russe joint un tour d’esprit gracieux et poétique ; les pages charmantes intitulées la Prairie semblent avoir pour objet principal de mettre en évidence cette disposition naturelle. […] Elle commence par les romans, elle finira par l’histoire ; elle apprend à écrire avant de penser, et parmi les écrivains actuels de toutes les langues il y en a bien peu (s’il y en a) qui égalent Tourgueneff en naturel, en simplicité et en originalité. […] Un peuple littéraire qui commence par le naturel et qui sait se rendre intéressant est bien sûr d’arriver au sublime ; il ne lui faut que du temps.
Il y alla, et se fit soldat, pensant ne pouvoir mieux se placer pour faire paraître l’excellence de ses talents naturels. […] Il apprit que cet épicier était des plus à l’aise ; il l’alla voir un jour à sa boutique, avec la familiarité qui était naturelle à ce grand prince, et il lui dit: « Il y a longtemps que je vous connais de réputation pour homme de bien et pour homme riche. […] Ce n’est pas ici le lieu d’expliquer ceci plus au long, non plus que quelques façons de parler persiennes, que nous avons exprimées en leur naturel, dans la croyance que nous avons eue que les savants y prendraient plaisir.
Il n’y a que les races, que les peuples, que les quartiers de ville ne malthusianisant pas, qui jettent dans le flot de la fécondité naturelle, de beaux enfants. […] Et on sent tomber sur cette table magnifique, éclairée de l’incendie des lustres, le froid spécial aux maisons de filles jouant la femme du monde, ce froid composé d’ennui et de malaise, qui glace, dans les palais de la prostitution et les Louvres de la putinerie, le naturel et l’esprit des gens qui passent. […] La salle blanchie à la chaux, sur laquelle s’enlève la couleur naturelle du bois des poutrelles et des planches des petites loges, en forme de box.
Que l’on réfléchisse sur n’importe lequel de ses grands poèmes philosophiques, sur la Justice plus que sur tout autre : c’est la conclusion naturelle à laquelle on aboutit, et tout en admirant la pensée de l’auteur, qui semble en poésie neuve, ingénieuse ou profonde, on s’attriste de ce que la forme qui enveloppe cette pensée soit si souvent timide et même embarrassée, comme si elle hésitait à être ce qu’elle voudrait être. […] D’autres mouvements de l’âme plus spontanés, moins réfléchis, garderont leur spontanéité et leur naturel en s’énonçant en vers libres. […] Du jour où on s’élève, par une méthode qui peut rappeler la dialectique hégélienne, à un point de vue supérieur, la conciliation des contraires semble toute naturelle.
L’erreur dont je parle, et que je suis désormais impuissant à redresser, moi seul progéniteur, pourtant, est devenue, par une loi naturelle de sélection, et beaucoup plus tôt que je l’eusse imaginé, un document certain, authentique, irrécusable. […] On peut même dire que l’attendrissement est chez lui une fonction permanente et naturelle. […] Ils déclarèrent, en de mémorables préfaces, où il était question de déterminisme, d’enquête sociale, de sciences naturelles, que non seulement ils continueraient à faire s’aimer menuisiers et blanchisseuses, mais que, si on leur cherchait noise, ils les feraient penser ! […] On a, dans un mouvement social, dans une équipée politique, joué un rôle tapageur et compromettant ; on n’y a point réussi ; il est naturel que le désenchantement s’ensuive. […] Sa droiture, sa franchise, sa naturelle habileté me sont des garanties certaines de la malveillante fausseté de ces propos.
N’est-il pas naturel de croire que Charles — qui, nous le savons, prit fort à cœur le désastre de Roncevaux — a voulu consacrer par une construction pieuse le lieu où étaient morts ses fidèles guerriers25 ? […] Il se met en route après son crime, « vagabond et fugitif sur la terre », et il porte sur le front un signe qui le préserve au moins de la mort violente, s’il ne le soustrait pas à la mort naturelle. […] Quand les faits eurent démenti le sens le plus naturel de ces paroles, la croyance populaire dut chercher à les justifier néanmoins : on supposa que certains témoins de la vie du Christ avaient été miraculeusement soustraits à la mort. […] Certaines indications ont été développées avec une exagération naturelle : ainsi Cartaphilus raconte les histoires antiques « sans risée » ; quant à Ahasvérus, « on ne l’a jamais vu rire ». […] Virgile, à vrai dire, les distingue ; mais il était très naturel de les confondre.
Rien de plus naturel que la haine des gens de métier contre les hommes d’art. […] Il eût été naturel que dès la première entrevue, ils éprouvassent l’un pour l’autre un éloignement sans retour. […] B… et A… a fussent apparus tous les soirs, en grandeur naturelle, juste sous l’étoile β de la Lyre ? […] La poésie est la fonction naturelle de son âme, et les vers sont la seule langue possible de sa pensée. […] Par une réaction naturelle et nécessaire, ils reculeront d’autant plus que, vous, vous avancerez.
Comme, au pistil ou à l’étamine, on range une fleur qu’on ne connaît point dans sa catégorie naturelle, il lui sera aisé de grouper, d’après le style ou le genre d’observation, tel roman nouveau sous un des chefs choisis. […] Enquête sociale chez l’un, histoire naturelle des familles chez l’autre, le titre variait ; chez l’un et chez l’autre, c’était, sans plus, le même positivisme de tête et la même crudité d’exécution. […] Le romancier à la mode, Pascal Géfosse, rencontre sur l’entrepont du paquebot d’Alger-Marseille la femme d’un de ses anciens camarades de collège, devenu député ; et quoiqu’il rit bien haut des amours « coup de foudre », il se sent brusquement et irraisonnablement pris au charme des yeux et à la grâce naturelle et douce de cette femme qu’une impulsion analogue fait sienne presque en même temps. […] La plaisanterie y naît d’elle-même, sans qu’on la pousse, et comme une jolie fleur au milieu d’un parterre naturel. […] Sans autre discipline que la naturelle, il s’est développé à côté des genres classés et tranchés.
Il était tout naturel qu’ils me gardassent rancune de leur désarroi. […] Les autres s’inspirent de l’observation, se réclament de la Révolution et considèrent que le jeu des lois naturelles suffit à déterminer l’homme et l’univers sans qu’il soit besoin d’invoquer un moteur divin pour les expliquer. […] Les économistes prétendent lui persuader que, s’il ne mange pas à sa faim, c’est une chose toute naturelle, et qu’il doit s’y résigner sous peine de lèse-Malthus. […] On sait de quels grognements ils poursuivirent, il y a peu, le juge, — vraiment exceptionnel, — qui acquitta, bien qu’elle eût pris un pain, une pauvre diablesse abandonnée et honnie pour avoir commis ce crime : un enfant naturel. […] Le meurtre étant en honneur, les instruments de meurtre tels que sabres, baïonnettes, obus étant l’objet de perfectionnements constants, il est naturel que des révoltés, décidés à faire le sacrifice de leur vie, usent des engins mis à leur portée par notre soi-disant civilisation.
Machiavel y est en philosophie politique égal à Newton en philosophie naturelle. […] Il n’y a là aucun miracle, c’est une chose toute logique et toute naturelle.
Une comédie merveilleuse de finesse, de verve, de fraîche et vive et naturelle gaité, les Maîtres Chanteurs de Nuremberg. […] La jeune fille s’approche de lui doucement, et, sous couleur de lui parler chaussure, s’informe, l’adorable rouée, du sort de celui qu’elle aime, je ne sais pas de plus piquant et poétique dialogue, plus naturel d’accent et soutenu par une instrumentation plus pénétrante et plus nocturne.
Que Wagner n’aimât pas Paris, c’était dans l’ordre naturel des choses ; il n’avait connu parmi nous que tristesses et amertumes, jeune, réfugié politique après les barricades de Dresde, il a été à ce point misérable parmi nous qu’il lui fallait, pour un morceau de pain, réduire pour piano les ouvrages des autres. […] Il est tout naturel, quand il se mêle d’insulter, qu’il le fasse comme un cuistre qu’il est.
James, que ce moi se résout dans notre tempérament, dans nos habitudes, dans les tendances naturelles et acquises de notre organisme, avec toutes les sensations et mouvements organiques. […] Aussi est-il impossible de séparer la psychologie de la philosophie, pour la mettre sur le même plan que la chimie ou l’histoire naturelle.
Afin de comprendre ces phénomènes sociaux qui frappaient et détruisaient comme la foudre, les explications ordinaires devenaient insuffisantes ; les esprits terrorisés ne les attribuaient pas à des causes naturelles, mais à des causes mystérieuses, à des conspirations, à des complots ténébreux, à l’or de Pitt, du duc d’Orléans, à des causes tenant du miracle. […] Chateaubriand, par une de ces inspirations du génie, transporta ses lecteurs par-delà l’Atlantique, sur les bords du Meschacébé ; — Mississipi aurait semblé trop connu et aurait rappelé les Mississippiens de Law, — dans une nature réellement naturelle puisqu’on ne l’avait jamais vue et qu’on ne s’en faisait aucune idée.
C’était le témoin naturel des membres du cercle lorsqu’ils avaient un duel, et c’est même pour cette unique raison qu’on l’appelait le commandant. […] Restera-t-il un homme de lettres à la suite de tout ce tapage ou bien un phénomène quelconque, proie naturelle de la photographie et du cinéma ?
Il ne lui a manqué peut-être que de venir un peu plus tard pour trouver tout son emploi ; et cet excès même de parole et de chaleur physique, qui détonnait dans la société et dans les salons, eût trouvé son milieu assez naturel et tout son espace dans la vie des assemblées.
Il pria le président Jeannin, comme sien ami et comme agréé de plus par le roi, de l’accompagner dans le voyage qu’il avait à faire à Paris où l’appelaient tous les siens : « Il s’y achemina dès lors, raconte le président, avec environ deux cents chevaux et mille ou douze cents hommes de pied, toujours en intention de se mettre en sûreté et à couvert par un traité ; mais ses troupes, qui étaient petites d’entrée, grossirent par les chemins. » Il apprenait en même temps que de tous côtés dans le royaume, au bruit de l’attentat de Blois, des levées et des mouvements se faisaient en sa faveur ; la pensée de soumission s’affaiblit alors et fit place, dès qu’il y eut jour, au désir naturel de la vengeance.
.), me plaisent moins que ceux qui seront retracés chemin faisant et avec des traits plus naturels, sans que l’auteur ait l’air de se mettre exprès à son chevalet.
» et où il y a bien de l’entrain, de naturels et engageants tableaux.
Il n’est pas ennemi, il n’est pas hostile, il balance les avantages, mais au fond il n’hésite pas et se prononce pour une philosophie naturelle.
Il y avait cependant, alors même, de singulières infractions à cette étiquette, et telles qu’on ne le croirait pas, si un narrateur aussi véridique que M. de Luynes ne nous les certifiait en nous citant ses garants et auteurs : Mme la duchesse mère (fille naturelle de Louis XIV) me contait à Marly, il y a quelques jours, que dans les soupers du feu roi avec les princesses et des dames à Marly, il arrivait quelquefois que le roi, qui était fort adroit, se divertissait à jeter des boules de pain aux dames et permettait qu’elles lui en jetassent toutes.
Il y vit une occasion toute naturelle et nécessaire de ressusciter Carthage et ses ruines si abattues depuis le temps de Marius.
Enfin il y parvient avec quelque effort, et il veut bien accorder qu’à moins de coups extraordinaires que Dieu s’est expressément réservés pour rappeler sa présence, les choses se passent en général dans l’histoire comme s’il n’y avait que des causes naturelles et des conséquences nécessaires qui en découlent.
Beugnot », était l’expression naturelle qui venait en parlant de lui.
« Avec une santé généralement bonne en un sens et constante, mais un corps fatigué de tant d’ennuis et de tant de manières de vivre diverses et le plus souvent contraires, je suis découragé par cette incurable faiblesse des membres qui, en m’ôtant les ressources qu’un autre homme trouverait dans le malheur, me prive de cette résignation, de cette heureuse sécurité que je trouverais dans mes dispositions naturelles, dans les résultats de ma pensée, dans l’habitude d’être ou de me maintenir exempt de passions, de prestiges.
Il a exprimé au naturel ces brusques revirements dans les deux couplets qu’il intitule les Dissonances : Un soleil si chaud brûla ma figure, J’ai dû tant changer à tant voyager, Que d’un franc Romain je me crois l’allure ; Mais un vigneron à brune encolure Me dit en passant : Bonjour, étranger !
Léonard, s’il ne vient que très-loin après eux pour l’originalité du cadre et de la pensée, pour la vigueur et la nouveauté du pinceau, a su du moins conserver du charme par le naturel.
Il est cependant vrai que la critique en est venue à un point de faiblesse incroyable, et il y a des causes naturelles, que ces pages tenteront d’exposer familièrement au lecteur.
. — Dites cela tout bas, lui répondit Arlequin, parce que, si le roi le savait, il me congédierait avec ma troupe. » Dominique joignait l’étude à ses dispositions naturelles.
Mais son instrument complexe lui est naturel et familier.
La thèse de l’éducationnisme entraîne un certain nombre de thèses secondaires : dépréciation de l’intelligence naturelle et d’une manière générale de tous les dons innés que l’éducation est impuissante à suppléer ; dépréciation des influences physiologiques ; en particulier dépréciation de l’hérédité physiologique au profit de l’hérédité sociale (éducation, transmission des connaissances d’une génération à l’autre), en résumé dépréciation de tous les facteurs humains irréductibles au déterminisme éthico-pédagogique.
Pourquoi, si quelque vrai talent essaie de ranimer en elle l’inspiration qui jadis y attirait les artistes comme dans leur cité naturelle et natale, toute la catholicité officielle le repousse-t-elle, bruyamment si c’est M.
Autrement dit : idées relatives à ce qui est du domaine des sciences physiques et naturelles ; idées morales ; idées politiques et sociales ; idées esthétiques ; idées philosophiques et religieuses ; tels sont les principaux cadres qu’il faudra remplir les uns après les autres.
R. de Egusquiza achève un buste de Richard Wagner de grandeur naturelle, qu’il compte faire reproduire, en plâtre, ainsi qu’une réduction à environ la moitié.
Si l’on ne perd point de vue que les diverses facultés ne sont aussi que des causes inconnues de phénomènes connus, qu’elles ne sont qu’un moyen commode de classer les faits et d’en parler ; si l’on ne tombe pas dans le défaut si commun d’en faire des entités substantielles, des sortes de personnages qui tantôt s’accordent, tantôt se querellent, et forment dans l’intelligence une petite république ; on ne voit point ce qu’il y aurait de répréhensible dans cette distribution en facultés, très conforme aux règles d’une saine méthode et d’une bonne classification naturelle.
Elles étaient très naturelles.
La muse de M. de Musset aura toujours de ces retours, même à ses moins bons moments, mais nulle part cette fraîcheur naturelle ne se marie heureusement comme ici avec la passion saignante et la douleur sincère.
Mais derrière ces premiers articles, qui sont d’affiche et de montre, arrivent les autres plus essentiels, à savoir qu’en la tendresse de l’âge du jeune roi, le parlement de Paris présentera pour le gouvernement de l’État des personnes illustres, tirées des ordres du clergé, de la noblesse et de la magistrature, qui seront, après les princes du sang, les conseillers naturels et les ministres de la régence.
Que l’on réfléchisse que cette méthode où le fait concret et caractéristique prime le général, que M. de Goncourt parmi les romanciers observe seul scrupuleusement, est celle des sciences morales modernes, qui l’ont prise aux sciences naturelles ; que M.
Cette persécution violente contre Quinault & la douceur naturelle de son caractère, qui ressembloit à celle de ses vers, furent cause qu’il abandonna la tragédie pour l’opéra.
Je suis d’avis que l’on ne doit pas mêler les questions morales et sociales aux questions zoologiques ; je voudrais cependant que l’histoire naturelle ne montrât pas une trop grande indifférence morale, et que par sa prétendue impartialité elle ne blessât pas trop l’humanité.
[Du patriotisme littéraire] À la fin du siècle dernier un jeune poète, à l’imagination enthousiaste, à la sensibilité frémissante, à l’âme vraiment lyrique, reportait son souvenir et sa pensée sur les beautés naturelles de notre pays qu’il avait parcouru en tous sens, depuis Marseille jusqu’à Paris, depuis Narbonne jusqu’à Strasbourg.
Jamais plus d’effort, plus de tension, plus d’enflement n’ont abouti à un fiasco plus complet… Cette fille naturelle de Diderot, comme Mme Sand l’est de Jean-Jacques, n’a point la pléthore sanguine de son père.
Il est donc naturel et nécessaire que la société ait construit, elle aussi, sa cristallisation.
Notre esprit naturel devint du génie ; notre activité inquiète, de la force ; notre impétuosité, un courage docile et terrible ; tout prit un caractère, et l’esprit national (car nous commençâmes alors à en avoir un), formé par de grands exemples et de grands objets, acquit un degré de hauteur inconnu jusqu’alors.
Et toutefois ce peuple, par son climat, par son origine, avait, on ne peut en douter, plus d’une affinité naturelle avec la Grèce.
Ainsi, sous ce règne d’Auguste, si favorable aux arts, dit-on, dans cette heureuse maturité de l’idiome et du génie romain secondée par la paix de l’empire, chez ce peuple où se réfléchit alors le génie de la Grèce, parmi des conditions tout à la fois d’affinité naturelle et d’imitation, la poésie lyrique, cette belle parure du théâtre d’Athènes et des fêtes d’Olympie, cette voix antique de la religion et de la patrie, n’eut qu’un seul interprète, plus ingénieux que grand, plus ami du plaisir que de la vertu, de la fortune que de la gloire.
Henri Lefèvre, licencié, ès sciences naturelles, qui était constamment parmi mes assistants, soit dans le laboratoire, quand j’instituais mes expériences, soit dans l’amphithéâtre, quand j’en exposais les résultats au public. […] Cette expérience suffirait à elle seule pour faire admettre, comme conclusion naturelle et nécessaire des faits, que le sucre se produit dans le foie. […] Il était naturel de penser que chez des fœtus, dont le foie ne sécrétait pas encore du sucre, il ne devait pas y en avoir non plus dans les urines. […] La conclusion toute naturelle, toute simple, est toujours celle-ci : que le sucre se forme dans le foie. […] Car des faits qu’il a vus, et qui, dans de telles dispositions, ne peuvent jamais le contrarier, il a tiré les conclusions les plus simples et donné les explications les plus naturelles.
Cette année 96 est celle où parurent, à Neufchâtel d’abord, les Considérations sur la France, par lesquelles M. de Maistre entrait décidément dans la publicité européenne et devenait l’oracle éloquent d’une doctrine ; mais les écrits que je viens d’énumérer, et très-différents des deux productions de jeunesse précédemment citées, restent la préface naturelle, l’introduction explicative et immédiate des Considérations. […] On y aurait gagné de le voir beaucoup plus au naturel et moins terrible. […] Il vint en effet ; et comme je lui disais qu’il n’aurait pas dû venir ce jour-là, car il paraissait très-fatigué d’avoir monté notre escalier, il me répondit, en baissant la voix pour que sa fille qui l’accompagnait ne l’entendît pas : J’ai voulu venir aujourd’hui, car je ne pourrai plus revenir, et cela avec un sourire si calme et si naturel que l’on aurait cru qu’il s’agissait d’un petit secret qui aurait pu causer quelque contrariété. […] Mais attendez que l’AFFINITÉ NATURELLE DE LA RELIGION ET DE LA SCIENCE les réunisse dans la tête d’un seul homme de génie.
« La conscience des pensées que l’on a, en tant que ce sont des pensées, est de reconnaître cette sorte d’égalité ou d’homogénéité, de sentir que toutes les combinaisons de la sorte sont légitimes, naturelles, et que la méthode consiste à les exciter, à les voir avec précision, à chercher ce qu’elles impliquent. » Valéry conçoit, dans ce lieu abstrait de la pensée qu’il nomme Vinci et qui serait aussi bien un Valéry à la nième puissance, un monde de la qualité, un monde des pensées, analogue, d’un certain point de vue, au monde de la quantité numérique : dans celui-ci, non seulement tout nombre, mais toute fraction de nombre existe, et le négatif comme le positif. […] C’est là se mettre, de la façon la plus naturelle, à la place même du divin. […] Le physiologiste, lui, reconstituera spontanément avec ce cœur un ensemble d’images dynamiques presque aussi naturelles, aussi claires, que l’ensemble d’images dynamiques reconstituées par un individu quelconque sur une main. […] Je suis d’ailleurs fort étonné que la musique n’ait jamais repris son bien au Satyre comme elle l’a repris à l’Après-midi d’un Faune, et comme il serait bien naturel qu’elle le reprît un jour à la Jeune Parque.
Ingrate, perfide, envieuse, son naturel est si extravagant, qu’il tourne à la haine ou à la bonté absurde. […] Quant à Suzanne, il est naturel que, l’ayant vue, j’aie voulu la peindre. […] Il est naturel qu’il en soit ainsi. […] À nous, maintenant, d’achever, par un coup de volonté, l’évolution naturelle. […] Elle semble portée par une prédilection naturelle vers les médiocres.
Mais la force de sa logique intérieure et même ses affinités cherchées avec les sciences naturelles ramenèrent à faire plus, à classer. […] Quel appui trouve-t-il dans l’ordre naturel si souvent invoqué par son auteur ? […] L’austère Nisard veut que nous le tenions « pour l’un des nôtres, même à son pire moment, par la certitude que son naturel finira par l’emporter sur ses mœurs ». […] Aussi ne vise-t-elle pas à réprimer ni à châtier, mais seulement à favoriser l’épanouissement naturel de l’être spirituel et physique. […] C’est un Louis-Aimé Martin qui enseigne « à Sophie » la physique, la chimie et l’histoire naturelle.
Quant au mouvement de ses figures, je ne le trouve jamais naturel, il est épileptique, toujours théâtral, pis que cela : caricatural ! […] Daudet, parlant, ce soir, du bien-être de la vie de son fils aîné, que celui-ci trouve tout naturel, raconte qu’il était passé avec lui dans la journée, devant la fontaine du Luxembourg, et que la fontaine lui avait rappelé, aujourd’hui, ce souvenir. […] À propos de ces funérailles — un détail curieux donné par la police — dans ces nuits de priapées, sur les pelouses des Champs-Élysées, toutes les Fantines des gros numéros, fonctionnaient, les parties naturelles, entourées d’une écharpe de crêpe noir.
La condition naturelle de l’armée d’Afrique, résultant des points de vue et des intérêts qui étaient propres à ses chefs, était donc de vivre dans une espèce d’opposition ministérielle permanente ; de se plaindre du peu d’égard qu’on avait à Paris pour les propositions des généraux en chef et gouverneurs, et de ne pas approuver la politique générale, avant tout conciliante et accommodante, qui présidait aux relations avec les autres puissances : « Quelle marche prend le ministère ! […] Sa langue est svelte, son bon sens fin, spirituel, sa gaieté excellente, son naturel saisissant ; son expression prompte est presque toujours celle que la réflexion eût choisie.
Jouissant à ma pension d’une grande liberté, parce que je n’en abusais pas, j’allais tous les soirs à l’Athénée rue de Valois au Palais-Royal, de 7 à 10 heures, suivre des cours de physiologie, de chimie, d’histoire naturelle de MM. […] Un portrait de son père, une miniature peinte en 1791 nous le représente avec des yeux bleus, le nez fort et fin qui, vu de profil, doit être recourbé, la narine bien ouverte ; la bouche, qui devait être grande, est fermée comme par une habitude naturelle : les deux lèvres, sans être serrées et plutôt souriantes, relevées dans les coins, forment une ligne fine et longue sur laquelle la lèvre supérieure seule a un peu de relief et de contour, marqués par une légère teinte rose.
Le nerf est donc lui-même capable d’actions uniformes ; c’est pourquoi il est naturel que les sensations excitées par son action se laissent elles-mêmes ramener à un type simple, comme il arrive pour celles de son, ou à des types peu nombreux, comme il arrive pour celles de couleur. — Tout au rebours pour les autres groupes de sensations. […] Le trait distinctif de leurs sensations, c’est que chacune d’elles, même la plus simple, lorsqu’elle arrive à la conscience, est constituée par une succession de sensations élémentaires très nombreuses et de très petite durée, dont le rhythme correspond au rhythme spécial d’un événement extérieur, à une ondulation aérienne ou éthérée, à un système de mouvements atomiques, qui est l’antécédent extérieur et naturel en vue duquel le sens a été construit, et par la présence duquel ordinairement il fonctionne. — Ce qui constitue un nerf spécial, c’est la capacité d’éveiller de telles sensations élémentaires.
Comme on reconnaît au naturel et à la simplicité cet homme qui n’a jamais tendu son style une seule fois dans sa vie, et qui n’a cherché, en écrivant, que le charme d’écrire ! […] Et si ces sensibilités profondes et délicates, comme celle de Pétrarque, ont été douées par la nature et par l’art du don d’exprimer avec force, grâce, naturel et harmonie leurs enthousiasmes, de chanter leurs soupirs, de moduler leurs larmes, de confondre leur passion profane pour une créature divinisée avec cette passion sainte pour l’éternelle beauté qui devient la sainteté de la passion, alors ces âmes s’emparent du monde par droit de consonance avec tout ce qui sent, souffre ou aime comme elles ont aimé ; car le cœur de l’homme a été fait, comme le bronze ou comme le cristal, sonore ; il vibre à l’unisson de tous les autres cœurs créés de la même argile et susceptibles des mêmes accords, dans le concert universel des sensations.
Un jour pur et le beau soleil des automnes naturels aux rives de la Loire commençaient à dissiper le glacis imprimé par la nuit aux pittoresques objets, aux murs, aux plantes qui meublaient ce jardin et la cour. […] Le seul aspect de son cousin avait éveillé chez elle les penchants naturels de la femme, et ils durent se déployer d’autant plus vivement qu’ayant atteint sa vingt-troisième année, elle se trouvait dans la plénitude de son intelligence et de ses désirs.
Le charme manquait à sa grandeur ; le charme de la petitesse ou de la grandeur, c’est le naturel. […] Le comte Gino Capponi, porté au ministère par les premiers flots de la révolution italienne, y agit dans ce sens patriotique et émancipateur de l’étranger, jusqu’au moment où la fausse idée d’une unité absorbante détruisit, sous le carbonarisme des radicaux, les vraies nationalités historiques dont l’Italie se compose, pour saper l’histoire sous la chimère et pour agir par la violence, à contresens de la nature, en détournant les peuples et les princes d’une puissante et naturelle confédération italienne.
Rollin écrit en langue vulgaire son Traité des études et on le félicite de savoir parler le français comme si c’était sa langue naturelle. […] L’Académie, qui a ainsi quelque action sur les écrivains désireux d’obtenir en passant ses faveurs, en a bien davantage, comme il est naturel, sur ceux qui aspirent à y conquérir un fauteuil.
S’efforçant sans cesse de rendre exactement du spectacle des choses ce que ses sens en ont perçu, il arrive, quand il s’efforce de démêler les mobiles des actes et les phases des passions, à une extraordinaire pénétration, qui est le résultat de sa connaissance des modèles qu’il a pris, et de son application à rester dans le domaine du naturel et de l’explicable. […] Sur la stupidité et la méchanceté de certains êtres, sur l’inconsciente grossièreté d’autres, sur l’injustice ironique de la destinée, sur l’inutilité de tout effort, la muette et formidable insouciance des lois naturelles, Flaubert ne tarit pas en dissimulés sarcasmes.
Si nous avions eu une série de Corneilles, nous aurions perdu le naturel, et nous nous serions enflés jusqu’à la déclamation. […] Quels plus riches matériaux de langue un grand poète éclectique comme Racine pouvait-il trouver sous la main pour construire à sa gloire et à la gloire de sa nation le chef-d’œuvre achevé et insurpassable de la langue poétique française, si ce poète surtout savait choisir avec la sûreté de bon sens, la délicatesse de goût et le tact infaillible du caractère français ce qui convenait le mieux dans ces matériaux étrangers au génie sensé, clair, simple et naturel de la nation ?
VI Rien n’est donc de plus légitime quand on est jeune, spirituel, oisif, amoureux, libre de soucis et de deuils, délicatement voluptueux, légèrement grisé de la sève du cœur ou de la sève du raisin ; rien n’est si naturel du moins que de chanter nonchalamment couché à l’ombre du pin qui chante sur votre tête, au bord du ruisseau qui court et qui chante à vos pieds, au coucher du soleil, au lever de la lune, heure où chante le rossignol, sur l’herbe où chante la cigale, tenant à la main la coupe où chante d’avance dans la mousse qui pétille la demi-ivresse du buveur insoucieux ; cette poésie du passe-temps et du plaisir, quelque futile qu’elle soit, a eu des échos tellement conformes à notre nature et tellement sympathiques aux légèretés de notre pauvre cœur humain, que ces échos se sont prolongés depuis Anacréon jusqu’à Béranger, et depuis Hafiz jusqu’à Alfred de Musset, cet Hafiz de nos jours. […] Une foule d’imitateurs grimaçant des grâces, naturelles chez ces grands artistes, affectées chez vous !
Ce fut bien pis après sa charge et ce mariage (avec Mlle de Loewenstein) : sa fadeur naturelle, entée sur la bassesse du courtisan et crépie de l’orgueil du seigneur postiche, fit un composé que combla la grande maîtrise de l’ordre de Saint-Lazare que le roi lui donna.
La pensée, chez lui, naît tout armée, les images éclatent d’elles-mêmes : il n’a qu’à choisir et à en sacrifier quelques-unes pour faire aux autres une belle place, la place qui paraisse la plus naturelle.
Chaque année l’élite du Nord y descend : c’est la station naturelle et presque obligée pour l’Italie ; on y est plus à portée qu’ailleurs de tout apprendre, de tout comparer, de tout élaborer.
On y voit se développer ce caractère ondoyant et complexe « avec toute la progression de ses sentiments, depuis les premiers mouvements d’une bonté naturelle jusqu’aux tristes jouissances d’un égoïsme raisonné. » Le sceptique y est combattu par de bonnes raisons, et les seules dignes d’un philosophe moderne.
Sibylle, je l’admets, est une imagination poétique, un génie naturel comme il s’en rencontre, hardi, élevé, plein d’essor : quand le curé veut lui apprendre son catéchisme, elle raisonne, elle veut savoir le pourquoi des choses ; elle force le bonhomme à se remettre à ses auteurs et à étudier.
En France, quoiqu’il y ait dans notre génie, dans notre tour naturel d’esprit et de langage, ainsi qu’Henri Estienne l’a dès longtemps observé, quelque chose qui nous rapproche davantage des Grecs, nous tenons des Romains par une filiation presque immédiate ; nous y tenons aussi par réflexion, par habitude et routine ; nous empruntons d’eux volontiers nos formules en tout ; dans nos jugements et dans nos raisonnements sur l’art, nous sommes latinistes.
Il suffit que « tout uniment et avec des paroles claires, honnêtes et bien disposées, dans une période sonore, et par le cours naturel d’un récit amusant, l’auteur peigne ce que son imagination conçoit et qu’il fasse comprendre ses pensées sans les embrouiller ni les obscurcir : « Tâchez aussi, se fait-il dire par un interlocuteur de ses amis, qu’en lisant votre histoire, le mélancolique s’excite à rire, que le rieur augmente sa gaieté, que le simple ne s’ennuie pas, que l’habile admire l’invention, que le grave ne la méprise point, et que le sage se croie tenu de la louer.
On n’a jamais établi entre des notions historiques un enchaînement plus étroit et plus naturel.
Une réaction tardive s’opérait en haut lieu : avec l’effet naturel du temps, il n’est pas défendu d’y deviner (me trompé-je ?)
La Bohémienne est une véritable ballade, comme nous en avons très-peu en notre langue, comme il n’en faudrait pas faire beaucoup, mais franche, naturelle, fortement composée de dessin, et sachant être noble, touchante et grandiose, sur le ton de la complainte.
Molé, qui avait retrouvé toutes les relations naturelles de sa famille, y joignit des amitiés littéraires illustres et toutes particulières.
Flaubert n’ignorait point les stigmates hystériques de Salambô ; ni de Goncourt que la crise dramatique où la « Faustin », ayant quitté son lit, en chemise, « au milieu de sa chambre, dans un rayon de lune, déclamait la tirade d’Hermione », avait nom somnambulisme naturel ; ni M.
Les hommes de la classe du peuple, au contraire, n’avaient encore qu’une civilisation grossière, et des mœurs que les lois contenaient, mais que la licence devait rendre à leur férocité naturelle.
Quelle que soit l’origine d’un jugement, toujours l’attribut est par rapport au sujet un fragment artificiel par rapport à un tout naturel.
Ce moment s’est marqué dans Madame Bovary, dans les Faux bonshommes, le Demi-Monde, le Fils naturel, les écrits philosophiques et historiques de M.
Le charme, c’est peut-être une certaine aisance heureuse, une fleur de naturel même dans le rare et le recherché ; c’est, en tout cas, quelque chose d’incompatible avec des qualités trop laborieuses et trop voulues : ainsi le charme ne se rencontre guère chez les chefs d’école.
Fils du célèbre chansonnier lillois, il lui arrivait, parfois, dans un accès de bonne humeur, d’entonner, au dessert, un couplet paternel, en savoureux patois du cru, mais, vite réintégré au bloc de sa gravité naturelle, il se rasseyait aux thèmes de savante, dialectique qu’il développait soit avec Paul Souday, en appétit de renouveler Sainte-Beuve, soit avec Maindron, l’un des gendres de Heredia, vivant répertoire des usages abolis, soit avec Moréas, alors féru d’archaïsme et de nos vieux fabliaux.
Elle a le premier défaut d’expliquer artificiellement les choses naturelles, de croire à trop de régularité dans la marche de l’esprit humain, de ne point faire une place assez large à sa spontanéité.
Son dialogue est souvent plein de vigueur et de naturel, et tous ses personnages sont fièrement dessinés.
Il écrira, il peindra, il composera, comme le lui permettront ses facultés acquises et naturelles, comme le lui commanderont ses désirs, son idéal ; c’est-à-dire que les caractères particuliers de son œuvre résulteront de certaines propriétés de son esprit.
A d’imparfaites sensations naturelles sont subtitués d’indirects et subtils artifices.
La vie future est l’objet de la foi et de l’espérance, non d’une vision directe : de grandes raisons morales, de solides inductions rationnelles, viennent à l’appui des pressentiments naturels de l’âme ; mais l’expérience intérieure est muette sur cet anxieux problème, et, si l’induction et l’analogie nous autorisent à affirmer la permanence de notre être, nulle induction, nulle analogie, ne nous permettent de nous représenter sous une forme quelconque cet état futur de notre être dans des conditions d’existence absolument différentes de celles que nous connaissons.
Le spectateur, au contraire, part de ce qu’il voit et de ce qu’il entend d’abord ; et il passe de là aux progrès et au dénouement de l’action, comme à des suites naturelles du premier état où on lui a exposé les choses.
Je suis une âme simple et sincère ; n’estimant rien que le naturel ; une bergère des Alpes en littérature, un pauvre poëte rêveur, une bonne petite femme artiste, aveugle-née de génie qui n’a jamais su ce qu’elle faisait, quand elle écrivait, et qui n’a jamais visé qu’à être aimable, dût-elle en mourir de chagrin.
Et que les Païens innocents 27 aient été écrits avant ou après l’Introduction aux Lettres du président de Brosses, ils disent éloquemment que si c’est après la tête et la poitrine de l’auteur se sont ouvertes et que, dans ces lèvres pincées, a éclos le naturel et bon sourire ; et si c’est avant l’Introduction que ces nouvelles ont été composées, elles disent non moins éloquemment encore que l’auteur a porté la peine de ses doctrines, — car, pour une minute, elles ont desséché et défiguré son talent.
— n’a rien de voulu : il est suggéré par les termes mêmes de la question posée ; et il est si naturel à notre esprit que nous le commettrons inévitablement ; si nous ne nous imposons pas de formuler la thèse du parallélisme, tour à tour, dans les deux systèmes de notation dont la philosophie dispose.
Toutes ces œuvres, pour n’être pas rimées, n’en ont pas moins une poésie charmante, si, par ce nom, l’on entend le don d’exprimer d’une manière rare des idées, ou de décrire des paysages au moyen d’images choisies ; et aussi, selon la belle expression de Diderot : tout ce qu’il y a d’élevé, de touchant dans une œuvre d’art, dans le caractère ou la beauté d’une personne ou même dans une production naturelle.
Car, de la philosophie athée qui y est prodiguée, je crois qu’il n’en faut pas tenir grand compte, ; je la sens plutôt voulue, forcée, cherchée, que naturelle et spontanée. […] Elle portait une robe de satin blanc tout semé de petits bouquets de violettes naturelles, très habilement attachés de tous côtés. […] — C’est bien naturel, Monsieur. » De petites taches brunes apparaissaient à mesure sur le satin blanc de la robe. […] Prise ainsi isolément, cette scène peut paraître un peu forcée, elle n’est que naturelle dans le roman, dans le milieu ou l’auteur l’a placée. […] L’idée de la Morte, c’est le spiritualisme triomphant du préjugé matérialiste qui envahit les consciences et en paralyse le jeu naturel.
Herschell, fils de l’illustre astronome, sur l’Étude de la philosophie naturelle, un très bel article tout animé du souffle newtonnien et où il s’inspirait du génie des sciences (14 février 1835), frappa pourtant et devait frapper Carrel ; arrivant ce jour-là au National, et voyant Littré qui traduisait ses journaux allemands, selon son habitude, au bout de la table de la rédaction dans le salon commun : « Mais vous ne pouvez rester dans cette position, lui dit-il, vous êtes notre collaborateur. […] Littré, dans la Revue des Deux Mondes du 1er avril 1838, à propos des Œuvres d’histoire naturelle de Goethe : « En commençant, j’ai rappelé, dit-il, la magnificence du spectacle du ciel, et combien les yeux se plaisent à considérer ces étoiles innombrables, ces globes semés dans l’espace, ces îles de lumière, comme dit Byron, dont se pare la nuit : je termine en rappelant que, pour les yeux de l’intelligence, le spectacle des lois mystérieuses et irrésistibles qui gouvernent les choses n’est ni moins splendide ni moins attrayant.
Elle raconte cela avec beaucoup de naturel et une certaine simplicité fine, qui est son cachet : « J’imagine que c’est une chose agréable à Dieu que la soumission de l’esprit ; elle est plus difficile qu’un acte d’humilité. […] Si un amant quitté pour la dévotion ne doit pas se croire oublié, l’indice est bien plus fort dans les hommes, et, comme cette ressource leur est moins naturelle, il faut qu’un besoin plus puissant les force d’y recourir.
Des circonstances particulières étaient venues accroître encore sa tristesse naturelle. […] Rousseau, mais plus candides, plus naturels, moins sophistiqués et moins déclamatoires, on s’aperçoit qu’après ses relations avec Mozart, le goût, ou du moins le regret de la vertu, respire dans cet homme d’aventures qui a respiré de près l’âme d’un homme de régularité et de piété.
Il n’y a rien de si paresseux que le bien-être ; le kef des Orientaux, cet état des sens où l’âme contemplative se détache du corps pour planer dans l’espace imaginaire, est l’état naturel de l’Allemagne. […] Il avait, au reste, une grande prédilection pour tout ce qui tenait à l’Italie, et il employait une partie de son temps à composer et à revoir la relation du voyage qu’il avait fait en ce pays, et d’où il avait rapporté une collection de marbres et de curiosités naturelles. » VII C’est par ces fenêtres que la mélancolie entrait dans les sens et dans l’âme du poète futur.
Doué de plus d’esprit naturel que son cousin le duc Mathieu de Montmorency, il avait moins d’ambition, ou plutôt il n’en avait aucune. […] La rhétorique tombait devant l’âge : on ne déclame plus devant Dieu ; il sentait l’approche de la vérité suprême, le néant de nos ambitions et de nos vanités ; il devenait plus sincère et plus naturel en cessant de poser et de phraser pour le monde.
Ce fut ainsi dans la famille poétique du Tasse, dont le père était déjà un poète de seconde inspiration ; ainsi, dans la famille de Mirabeau, dont le père, et surtout les oncles, étaient des orateurs naturels et sauvages, plus frustes, mais peut-être plus natifs que le neveu ; ainsi de Cicéron et de beaucoup d’autres. […] Les vents étésiens, qui soufflent du nord pendant la canicule, en rafraîchissant la température ; des jardins en terrasses descendaient d’étages en étages de la maison aérée à la plage humide ; des cavernes naturelles, achevées par l’art, pavées de mosaïques, entrecoupées de bassins où l’eau de la mer, en pénétrant par des canaux invisibles, renouvelait la fraîcheur, y servaient de bains.
Style, non, car qui dit style dit travail : ici ce n’est point travail, c’est éclosion naturelle de la pensée. […] C’est sa direction naturelle qu’elle reprend sitôt qu’elle est dégagée des objets terrestres.
Mes dix lustres sonnés et l’invasion menaçante de ces barbares antilyriques m’en offraient une occasion naturelle et opportune, s’il en fut. […] Bien qu’étranger, je devais craindre un traitement pareil ou plus cruel encore, car il était naturel que l’on m’eût signalé aux Français comme un contempteur et un ennemi de leur autorité.
Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (2e partie) I. […] Elle était, du moins je la trouvais alors, suffisamment grande pour mes études : mon papier, mes crayons et parfois un volume des contes si naturels et si charmants d’Edgeworth ou des fables de la Fontaine m’y procuraient d’amples jouissances.
Il est donc naturel que l’union soit plus intime entre ces deux branches de la culture humaine ; et en effet parfois elles exercent l’une sur l’autre une action directe, toujours elles présentent dans leur développement des analogies frappantes. […] Aussi est-il naturel que dans le développement de ces arts voisins qui font échange de vocabulaire se remarquent à chaque instant des coïncidences.
La route praticable entre ce rempart et ce fossé naturels, si étroite qu’un chariot l’aurait encombrée, était, en outre, barrée par un vieux mur pélasgique, ébréché par la ruine, disjoint par le temps, mais dont la masse valait une forteresse en un pareil milieu. […] Il lui fallut appeler à l’aide les Athéniens restés en dehors de l’attaque centrale, aux prises avec les Thébains Médisants. — Athènes contre la Béotie : duel naturel et prédestiné qui s’est poursuivi, sous toutes les formes, à travers les âges.
Mardi 27 août Un squelette de grandeur naturelle qui chevauche un lion, et frappe les heures sur sa tête, avec l’os d’un fémur : c’est une vieille horloge qui arrête et retient votre regard, au milieu de l’immense bric-à-brac du Musée national de Munich. L’élégante retraite en arrière de ce torse verdâtre, — et comme enduit de décomposition, — en la naissance presque visible, dans son immobilité, du mouvement qui va sonner l’heure ; la tension rigide de cette jambe droite précédant de son pied aux petits osselets décharnés, la marche trop lente du coursier ; l’inclinaison de la tête, semblant un salut ironique de cette tête de mort ; le naturel, la science de cette équitation macabre ; enfin le précieux, le fini, le réalisme même de ce cavalier-cadavre, contrastant avec la grossièreté barbare, l’érupement naïf, le fantastique de ce lion, sculpté d’après un bouquin héraldique, offrent un des échantillons les plus frappants, les plus caractéristiques, les plus réussis de cet art amoureux du néant, de cet art galantin de la mort, qui fut l’art du moyen âge.
Tout en disant : « Quand on n’est plus jeune, il faut se faire des occupations qui vous tiennent compagnie », elle se lève d’un petit bureau, qui est comme une jardinière de glaïeuls naturels, en dedans desquels se pressent et se tassent des sébiles et des soucoupes, pleines de couleurs, pleines de pétales artificiels non encore colorés ; elle se lève pour me montrer un imperceptible « Jugement de Pâris » ; un pastel de la Lecouvreur, qui a bien certainement la touche des pastels de Coypel, et pourrait bien être l’original ou une répétition de la peinture à l’huile ; un collier de perles, aux perles usées, qui viendrait de la femme du duc de La Rochefoucauld, l’auteur des Maximes. […] Antoine, dans le rôle de Barnier, est merveilleux de naturel.
« Et il a dit à l’homme : Craindre le Seigneur, voilà la sagesse ; fuir le mal, voilà l’intelligence. » Par une réminiscence naturelle, un retour sur lui-même le ramène à la contemplation de sa jeunesse et de son bonheur, dont il fait un tableau embelli par le lointain et par le regret. […] Pour nous en rendre bien compte, résumons-nous, en nous-même, notre propre philosophie naturelle, abstraction faite de ce que nos croyances, nos dogmes, nos cultes divers peuvent y ajouter de symboles de vérités ou de ténèbres.
Cette action de la Suzanne étoit si naturelle, qu’on ne s’apercevait que de réflexion, de l’intention du peintre, et de l’indécence de la figure ; si toutefois il y avoit indécence. […] Les peintres se jettent dans cette mitologie, ils perdent le goût des événements naturels de la vie ; et il ne sort plus de leurs pinceaux que des scènes indécentes, folles, extravagantes, idéales, ou tout au moins vuides d’intérêt.
… Quand le jeune Audin eut passé sa licence, il se détourna tout à coup du barreau, « obéissant, a dit un de ses biographes, à cette timidité naturelle, venant d’une modestie extrême, qu’il conserva jusqu’à sa mort, et qui, même après tous ses succès, paralysait cet esprit si vif, si pénétrant, devant des étrangers, étonnés qu’on pût ignorer ainsi sa propre valeur ». […] Il n’est pas dans son inspiration naturelle.
Mais dans un pays où la première ambition n’est pas celle d’être libre, où l’on veut d’abord être courtisan, fonctionnaire, riche, décoré de vains honneurs, et puis indépendant, les vanités sont un besoin, la liberté n’est qu’une fantaisie, et il est naturel qu’on éprouve l’incompatibilité de tant d’ambitions contradictoires.
… » À cette première époque de Londres et avant la gloire, Chateaubriand avait encore en lui une simplicité et une sensibilité qui le montrent comme l’un de nous tous, comme un homme de la vie commune et naturelle, plus égaré seulement, plus rêveur, plus facile à effaroucher et à rejeter dans les bois.
Avec l’activité qui nous a été donnée dès l’ouverture de ce siècle-ci et à laquelle l’impulsion napoléonienne a accoutumé le monde, nous sommes étonnés des lenteurs qui paraissaient toutes naturelles en ce siècle-là.
Pour nous, et au seul point de vue littéraire, qui est le nôtre, sans accorder à Santeul plus qu’il ne mérite, en reconnaissant à ses vers les qualités qui y paraissent, la pompe, le feu, la largeur, le naturel et la clarté, mais aussi en y voyant le vide trop souvent et la bagatelle du fond, en nous disant combien sa personne avait besoin d’intervenir à tout instant pour y jeter un peu de cette originalité qui n’était qu’en elle, nous voudrions que tout ce démêlé où il est encore engagé finît par une transaction, qu’il ne fût pas tout entier sacrifié, qu’on ne lui fût point plus sévère que ne l’a été l’abbé de la Trappe, et que les honorables censeurs qui de nos jours l’ont remis en question ne le renvoyassent point hors du temple sans lui laisser au moins un fragment de couronne ; car il est bien de ceux, malgré tout, qui, à travers l’anachronisme de la forme, sont véritablement poètes de race et par nature, il est de ceux qui, comme le disait Juvénal, ont mordu le laurier.
La profession de poète agréable n’existe donc plus, bien que l’étoffe dont était fait ce genre de poètes n’ait pas péri, et qu’il y ait par le monde bon nombre de ces demi-vocations errantes qui ne savent plus à quoi se prendre et qui sont réduites souvent à viser trop haut, à se forcer en pure perte, faute d’avoir trouvé à se loger dans la médiocrité animée et riante qui était leur milieu naturel.
Timoléon, on le sait, appelé de Corinthe en Sicile, délivra l’île des tyrans, et l’ayant trouvée tout effarouchée et sauvage, comme dit Amyot, et haïe par les naturels habitants même », il la rendit si douce et si désirée des étrangers, qu’ils y venaient de loin pour habiter et pour y vivre.
Sa perspicacité ne devance point les temps, et, ce qui devient une qualité chez un témoin, il ne se presse point sur les événements, il suit toutes les vicissitudes et les fluctuations des choses, il passe lui-même par les états successifs de l’opinion et nous traduit au naturel l’inconséquence de beaucoup d’honnêtes gens.
On n’a pas à craindre cet inconvénient avec Mme Elliott ; M. de Bâillon s’est borné à la traduire, et il l’a fait en homme d’esprit sans doute et en homme de goût, mais en la laissant d’autant plus elle-même, d’autant plus naturelle, tellement que ce livre a l’air d’avoir été écrit et raconté sous sa forme originale en français.
Des sublimités de Louis le Grand à l’homme vu au naturel, le saut est brusque : La Bruyère est bien capable de l’avoir fait exprès, et, pour mon compte, je ne doute pas de l’intention philosophique qu’il y a mise.
Cette part de sa vie était donc fort gaie, d’une gaîté naturelle et saine, sans orgie et sans débauche.
Ce serait la préparation naturelle à une lecture de Gil Blas, un avant-goût, dans le grand siècle, de ce qui nous plaît et nous étonne dans les saynètes et les nouvelles espagnoles de Mérimée7.
Mais c’est infâme, c’est révoltant, c’est le renversement de tous les sentiments naturels ; c’est du parricide pur !
Entre les croyants et les incrédules proprement dits, il y a une masse flottante considérable, indécise, qui n’ira jamais ni aux uns ni aux autres, et qui, livrée aux soins positifs de la vie, vouée aux idées moyennes, aux intérêts secondaires, aux sentiments naturels et honnêtement dirigés, à tout ce qui est du bon sens, est capable et digne d’instruction, et en est curieuse à certain degré.
Chez les modernes, il y a progrès : les oracles sont muets ; la voix des dieux et de ceux qui les faisaient parler n’est plus fatalement obéie ; les peuples pensent : et pourtant il y a toujours l’empire des mots, la puissance des déclamations de tout genre, des sophismes spécieux, ces autres formes d’idoles ; il y a la mobilité naturelle aux hommes, le jeu presque mécanique des actions et des réactions, mille causes combinées d’où résultent on ne sait comment, à certains jours, des souffles généraux qui deviendront plus tard des tempêtes ; et lorsqu’une fois il s’est établi parmi les peuples un mauvais courant de pensées et de sentiments, oracle ou non, il y a danger, si une main bien prudente et bien ferme n’est au gouvernail, qu’ils n’y obéissent en aveugles comme à un mauvais génie.
Il s’attache à y faire une distinction continuelle entre l’instruction et l’éducation, ajournant l’une et la dépréciant même, tandis qu’il insiste sur la nécessité absolue et la priorité naturelle de l’autre.
Marie-Thérèse, dans ses lettres à sa fille, a toujours soin de dissimuler le jeune parti autrichien ardent, et de présenter une Autriche à son image, ayant les mêmes intérêts que la France, les mêmes inclinations, les mêmes ennemis naturels, bien différente en cela de la Prusse et de la Russie, qu’elle confond volontiers dans une « réprobation commune » : « Qu’on ne se flatte pas sur cette dernière, dit-elle en parlant de la Russie et de l’impératrice Catherine ; elle suit les mêmes maximes que le roi (de Prusse), et le successeur (Paul Ier) est plus Prussien que ne l’était son soi-disant père (Pierre III), et que ne l’est sa mère qui en est un peu revenue, mais jamais assez pour rien espérer contre le roi de Prusse, pas même des démonstrations : très-généreuse en belles paroles qui ne disent rien, ou, selon la foi grecque : Græca fides.
» Je ne propose pas ce raisonnement comme modèle aux philosophes et politiques, aux gens du monde, aux littérateurs et artistes ; mais je le trouvais tout naturel et facile dans l’esprit d’un catholique croyant comme l’était l’abbé de La Mennais.
De plus, Regnier, qui avait vu dans ses voyages de grands spectacles naturels, ne paraît guère s’en être ému.
On sait les hautes qualités de M. de Vigny, son élévation naturelle d’essor, son élégance inévitable d’expression, ce culte de l’art qu’il porte en chacune de ses conceptions, qu’il garde jusque dans les moindres détails de ses pensées, et qui ne lui permet, pour ainsi dire, de se détacher d’aucune avant de l’avoir revêtue de ses plus beaux voiles et d’avoir arrangé au voile chaque pli.
Plus simple, plus naturelle, elle aurait été plus près du véritable art, elle eût plus facilement rencontré les formes qui ne passent pas.
Ce mouvement, créé par la patience des humanistes, quoiqu’il vînt du dehors et ne fût point un produit spontané, naturel de la société moderne, devait durer trois siècles, produire un nombre énorme de chefs-d’œuvre, et finir par s’épuiser en stériles imitations.
Il n’en aurait nul besoin, il ne faudrait ni fable, ni fiction, il suffirait d’un style droit, pur et naturel. » Quoiqu’elle n’ait rien dit de trop ici, il faut pourtant remarquer que homme à qui elle écrivait lui avait témoigné l’ambition d’être l’historien du roi.
Sa corruption est si naturelle qu’elle prend l’irresponsabilité d’un instinct.