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797. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXV. Le Père Ventura »

Ils sont bien, comme tous les sermons des prêtres chrétiens, depuis saint Paul jusqu’à saint Ambroise, et depuis saint Ambroise jusqu’à Bourdaloue et Bossuet, la vérité de Jésus-Christ dans toutes ses portées pour le cœur et pour l’esprit, la vérité avec son caractère absolu et universel ; mais ils ont cependant quelque chose de différent aussi et qui n’est pas seulement une question de talent, d’originalité et de forme.

798. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Chastel, Doisy, Mézières »

C’était le temps — on s’en souvient avec confusion — où l’Économie politique, cette grande fille niaise d’une mère madrée, la Philosophie, apportait, comme une fiancée, au monde charmé, dans un pli de ses théories, et l’abolition de la misère, et le droit au travail, et la richesse universelle, et toutes ces magnifiques inepties ouvragées si péniblement par la science, faux bijoux d’un écrin que nous avons enfin vidé !

799. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Armand Hayem »

Après Hegel, voici du Renan, ce lâche hégélien que Hegel aurait méprisé : « Nous nous consolons de passer à travers le souvenir de la pensée universelle, comme passent les êtres à travers la vie, dans l’immensité de l’inconnu. » « La dispute philosophique, — dit encore, par la plume d’Armand Hayem, le vaniteux mandarin des mandarins qui veut constituer à son profit l’aristocratie de l’écritoire, — la dispute philosophique est le privilège de quelques esprits, jusqu’aux temps où ils pourront ouvrir à l’humanité des vues et des destinées nouvelles.

800. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Vigny. Œuvres complètes. — Les Poèmes. »

Mais le poète devait passer d’abord, parce qu’en toute matière il est le premier par l’invention, et aussi parce qu’il est universel, car, au fond de toute invention, il faut qu’il y ait plus ou moins de poète.

801. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Banville. Les Odes funambulesques. »

Le La Bruyère qui écrira cette page d’observation terrible n’est peut-être pas né, mais tous ceux qui sentent en eux la conscience forte et tressaillante de la société où ils vivent savent si l’histrionisme nous dévore, et peuvent se demander, en lisant des œuvres poétiques comme ce dernier volume, si la fin de notre monde littéraire doit avoir lieu dans un cabotinage universel.

802. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pécontal. Volberg, poème. — Légendes et Ballades. »

Seulement notre critique, à nous, n’aurait-elle que deux minutes à vivre, elle ferait, pendant ces deux minutes, sa pauvre justice éphémère et rendrait hommage à un homme de talent méconnu, parce que dans le débordement de paganisme et de matérialisme universel, il est resté purement et incorruptiblement un spiritualiste et un chrétien.

803. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Duranty » pp. 228-238

Que le réalisme s’applaudisse de ce dénoûment, s’il lui plaît ; nous nous en affligeons, nous, pour un livre qui pouvait se sauver par là de l’immense et universelle vulgarité de fond dans laquelle il se perd, malgré les qualités et les efforts de son auteur.

804. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

Hachette, conduisant le convoi sanglant, chapeau bas, à travers le respect universel, était arrivé à la maison de M.  […] Il n’a cessé d’y adhérer depuis, nonobstant toutes les objections des choses et des hommes, au milieu de toutes les épreuves intellectuelles et autres ; il n’a cessé d’y voir une méthode applicable à tout et comme une clef ou un outil qui, bien manié, est universel. […] On me dira qu’il l’a trop organisée, que les choses ne se sont point passées en fait avec une telle régularité ; que, par exemple, cette distinction de deux cas conservés dans la langue des xiie et xiiie  siècles n’était pas aussi universelle et aussi sensible qu’il le dit ; que c’était plutôt une intention et un soupçon qu’une règle adoptée et régnante ; que rattacher le progrès ou le déclin de cette langue intermédiaire du siècle de Philippe-Anguste et de saint Louis à l’observance ou à l’oubli d’un pareil détail, c’est mettre trop d’importance à une curiosité, etc, etc.

805. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Delille »

Les autres rares morceaux de prose qu’on a de l’abbé Delille, depuis son éloge de la Condamine, lors de sa réception à l’Académie, jusqu’à son article La Bruyère dans la Biographie universelle, ne démentent pas cette observation ; agréables de tour et de récits anecdotiques, ils sont très-clair-semés d’idées. […] Dans les châteaux, dans les familles, en province, partout, abondaient les poèmes de Delille ; on y trouvait, sous une forme facile et jolie, toutes choses qu’on aimait à apprendre ou à se rappeler, des souvenirs classiques, des allusions de collège à la portée de chacun, des épisodes d’un romanesque touchant, des noms historiques, des infortunes ou des gloires aisément populaires, des descriptions de jeux de société ou d’expériences de physique, des notes anecdotiques ou savantes, qui formaient comme une petite encyclopédie autour du poëme, et vous donnaient un vernis d’instruction universelle. […] Tissot le remplaçait, il revenait parfois faire une apparition annoncée à l’avance, et débiter quelque épisode harmonieux, les larmes et l’enthousiasme n’avaient plus de mesure : on le remportait dans son fauteuil, au milieu des trépignements universels : c’était Voltaire à la solennité d’Irène  ; les adieux d’un chanteur idolâtré reçoivent moins de couronnes.

806. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

Ce n’est pas l’impiété de cette doctrine qui a révolté Aristote ; mais c’est sa fausseté grossière en présence de l’admirable spectacle que l’ordre universel étale sans cesse sous nos regards, pour peu que nous voulions l’observer. […] C’est la loi de la pesanteur universelle poursuivie sous toutes ses faces dans les corps innombrables qui peuplent l’espace, et dont les principaux sont accessibles à notre observation et soumis à nos calculs. […] Athénée raconte que les dépenses occasionnées à Alexandre par cette enquête universelle ne s’élevèrent pas à moins de 800 talents.

807. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre onzième. La littérature des décadents et des déséquilibrés ; son caractère généralement insociable. Rôle moral et social de l’art. »

Mais, où l’analyse psychologique se transforme en la plus stérile des études, parce qu’elle se fonde alors sur une erreur, c’est lorsqu’elle en vient à considérer le moi en soi et pour soi, à en faire un tout borné et mesquin, alors qu’il n’est qu’un des courants particuliers de la vie universelle. […] Le vice porte atteinte au juste et au vrai, révolte l’intellect et la conscience ; mais, comme outrage à l’harmonie, comme dissonance, il blessera plus particulièrement certains esprits poétiques, et je ne crois pas qu’il soit scandalisant de considérer toute infraction à la morale, au beau moral, comme une espèce de faute contre le rythme et la prosodie universels. » — Alors pourquoi écrire soi-même les Fleurs du mal et chanter le vice ? […] Joie sans gaieté, qui était faite surtout d’insouciance et de défi ; de vigueur physique et d’alcool ; sur laquelle pesait, moins déguisée qu’ailleurs, l’universelle menace de mourir.

808. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

Mais, depuis qu’une étude plus approfondie nous a permis de mesurer, au moins par des fragments, les grandeurs de l’intelligence de saint Thomas d’Aquin, nous sommes resté convaincu que, si ce génie universel avait pu s’émanciper de la théologie scolastique et de la mauvaise latinité, il aurait donné, longtemps avant le Dante, un Dante, supérieur encore, à l’Italie. […] Je pris deux âmes émanées le même jour, comme deux lueurs, du même rayon de Dieu : l’une mâle, l’autre femelle, comme si la loi universelle de la génération par l’amour, cette tendance passionnée de la dualité à l’unité, était une loi des essences immatérielles de même qu’elle est la loi des êtres matériels animés (et qui est-ce qui n’est pas animé dans ce qui vit pour se reproduire ?). […] « Là il se trouvait au rendez-vous des générations, jouissant du même horizon qui sera celui du jugement universel, et qui embrassera toutes les familles du genre humain.

809. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre IV. De la délimitation, et de la fixation des images. Perception et matière. Âme et corps. »

Bien plus, en démontrant de mieux en mieux l’action réciproque de tous les points matériels les uns sur les autres, la science revient, en dépit des apparences, comme nous allons le voir, à l’idée de la continuité universelle. […] On parlera encore d’atomes ; l’atome conservera même son individualité pour notre esprit qui l’isole ; mais la solidité et l’inertie de l’atome se dissoudront soit en mouvements, soit en lignes de force, dont la solidarité réciproque rétablira la continuité universelle. […] Le changement est partout, mais en profondeur ; nous le localisons çà et là, mais en Surface ; et nous constituons ainsi des corps à la fois stables quant à leurs qualités et mobiles quant à leurs positions, un simple changement de lieu contractant en lui, à nos yeux, la transformation universelle.

810. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

Le roman comme la poésie a de grandes exigences ; si l’une doit exprimer des pensées éternelles, l’autre doit peindre des sentiments universels. […] C’était l’œuvre d’un habile médecin du cœur, mais l’auteur a oublié que c’est le fait d’un charlatan que de proposer une panacée universelle. […] Un couronnement comme celui du roi de Prusse eût excité, il y a trois siècles, une admiration universelle ; l’Exposition de Florence, dans trois ans d’ici, eût pu être complète. […] quelle rage universelle de se faire imprimer ! […] La charité chrétienne, l’amour universel qui embrasse tous les êtres, est la base de son caractère.

811. (1906) L’anticléricalisme pp. 2-381

Non ; mais cela leur fait dire : « Rome n’est donc pas inébranlable et universelle ; et il y a donc deux religions qui se contrebalancent et dont il n’est pas certain que l’une soit la vraie ? […] Il est l’homme des « Expositions universelles » bâclées en deux ans, étalées six mois, démolies en trois semaines. […] Mais la religion catholique, maintenue comme religion d’État, était encore l’idée dominante et presque universelle. […] Et tel me semble bien être depuis une dizaine d’années l’esprit général et presque universel du parti républicain. […] Le suffrage universel n’est vraiment démocratique qu’à la condition d’être brutal.

812. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

Jamais romancier n’a provoqué un tel succès de larmes, un intérêt si ardent, tant de sympathie universelle. […] Cet éternel lieu commun de l’humanité, cet universel penchant, base de la perpétuité de notre espèce, suffirait seul à justifier la vogue du roman à notre époque. […] Don Juan, c’est l’insatiabilité humaine, l’universelle concupiscence, loi fatale du monde, base de la société et du mariage. […] C’est ainsi qu’une réaction sérieuse, universelle et très significative, s’est produite en faveur du roman honnête. […] C’est l’unanimité d’admiration et l’impuissance universelle à concevoir autrement un style qui sont pour ainsi dire la consécration de ce style.

813. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite et fin.) »

La salle qu’il occupa et qu’il remplit tout entière à l’Exposition universelle soutint, à sa manière, la concurrence avec la salle d’Ingres et avec les pans de muraille couverts par d’éclatants rivaux. […] La sympathie universelle pour un talent cher à la patrie s’était réveillée de toutes parts : le souverain se chargea d’en promulguer les marques et les témoignages.

814. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. (Suite et fin.) »

une année à peine écoulée, et le nom de Fronde, avec la chose, allait éclater et se décider par un véritable suffrage universel. C’est le suffrage universel qui fait les langues, même du temps où la Cour paraît être tout.

815. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Diderot »

Diderot féconda l’idée première et conçut hardiment un répertoire universel de la connaissance humaine à son époque. […] A la manière dont Diderot sentait la nature extérieure, la nature pour ainsi dire naturelle, celle que les expériences des savants n’ont pas encore torturée et falsifiée, les bois, les eaux, la douceur des champs, l’harmonie du ciel et les impressions qui en arrivent au cœur, il devait être profondément religieux par organisation, car nul n’était plus sympathique et plus ouvert à la vie universelle.

816. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

La presse n’est point si ingrate qu’on se le figure : les générations nouvelles nées et grandies depuis ces vingt dernières années sont amies du suffrage universel et ne sont point ennemies du Gouvernement qui en est issu. […] L’heureux moyen de s’aguerrir aux luttes de la démocratie, aux épreuves du suffrage universel !

817. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre III »

Par cet accroissement de son action et par cet emprunt de capitaux, il devient le débiteur universel ; dès lors les affaires publiques ne sont plus seulement les affaires du roi. […] Dans ce délire universel, Morris ne peut citer à Washington qu’une seule tête saine, Marmontel, et Marmontel ne parle pas autrement que Morris.

818. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (3e partie) » pp. 5-56

Ce serait un pauvre spectacle, aux yeux de cette adorable Divinité, de qui tout émane et à qui tout aboutit, de cette âme universelle qui n’est qu’âme, c’est-à-dire intelligence, volonté, force et perfection, que le spectacle de populations plus ou moins nombreuses broutant la terre dans un ordre plus ou moins régulier, comme celui du troupeau devant le chien, sans autre fin que de se partager plus ou moins équitablement l’herbe qui nourrit leur race, jusqu’au jour où leurs cadavres iront engraisser à leur tour le fumier vivant tiré du fumier mort, et destiné à devenir à son tour un autre fumier ! […] Un de leurs descendants, héritier de leur naturalisation universelle, le colonel Huber, à la fois homme de guerre, homme de lettres volontaire, diplomate dans l’occasion, poète quand il se souvient de ses Alpes, romancier quand il se rappelle madame de Montolieu ou madame de Staël, habite encore aujourd’hui tantôt Paris, tantôt une délicieuse retraite philosophique au bord de ce lac Léman, site préféré de cette famille.

819. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (4e partie) » pp. 81-143

XV « En floréal, cet énorme buisson, libre derrière sa grille et dans ses quatre murs, entrait en rut dans le sourd travail de la germination universelle, tressaillait au soleil levant presque comme une bête qui aspire les effluves de l’amour cosmique et qui sent la sève d’avril monter et bouillir dans ses veines, et, secouant au vent sa prodigieuse chevelure verte, semait sur la terre humide, sur les statues frustes, sur le perron croulant du pavillon et jusque sur le pavé de la rue déserte, les fleurs en étoiles, la rosée en perles, la fécondité, la beauté, la vie, la joie, les parfums. […] Dans les vastes échanges cosmiques, la vie universelle va et vient en quantités inconnues, roulant tout dans l’invisible mystère des effluves, employant tout, ne perdant pas un rêve de pas un sommeil, semant un animalcule ici, émiettant un astre là, oscillant et serpentant, faisant de la lumière une force et de la pensée un élément, disséminée et indivisible, dissolvant tout, excepté ce point géométrique, le moi ; ramenant tout à l’âme atome ; épanouissant tout en Dieu ; enchevêtrant, depuis la plus haute jusqu’à la plus basse, toutes les activités dans l’obscurité d’un mécanisme vertigineux, rattachant le vol d’un insecte au mouvement de la terre, subordonnant, qui sait ?

820. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Aussi, voyez comme ce nom remplace tous les autres, même celui de Voltaire, le dictateur de l’intelligence universelle ; à peine s’en souvient-on encore, et il vient seulement de mourir au seuil des temps qu’il a créés. […] Voilà l’effet universel et inspiré d’en haut de Chateaubriand.

821. (1892) Boileau « Chapitre V. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » (Fin) » pp. 121-155

Boileau respecte le public, qui peut bien pour un temps être aveugle ou injuste, mais dont, en somme, la voix finit par être celle de la souveraine raison ; et nous avons vu quelle importance il attribuait au consentement universel, pour marquer les chefs-d’œuvre. […] Plus l’action sera extraordinaire, et plus il devra en réduire les causes et les ressorts au jeu régulier de passions universelles, selon le train ordinaire des choses, à la nature enfin que tout le inonde porte en soi et dans son expérience.

822. (1911) Enquête sur la question du latin (Les Marges)

À l’heure actuelle, dans toutes les branches des connaissances humaines, étant donné les progrès de l’activité scientifique dans tous les pays, l’impossibilité pour les travailleurs de se documenter entièrement, faute de connaître toutes les langues étrangères, rend éminemment désirable l’adoption d’une langue scientifique universelle. […] — Serait-ce que le latin fut longtemps la langue universelle et qu’il est resté le langage de l’Église ?

823. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre troisième. La reconnaissance des souvenirs. Son rapport à l’appétit et au mouvement. »

D’autre part, l’habitude est une adaptation au milieu, selon la grande loi de sélection universelle ; c’est l’adaptation de la puissance à la résistance, de l’activité à son objet. […] Les explications mécanistes, nous les avons étendues aussi loin qu’il est possible, et même partout ; mais nous ne croyons pas pour cela que ce qui se retrouve partout soit le tout : c’est seulement un aspect universel de la réalité.

824. (1899) Esthétique de la langue française « La métaphore  »

On a souvent noté que les noms des instruments de force ou des bois de charpente sont empruntés aux animaux ; cette habitude est universelle. […] L’explication des folkloristes est que la belette, étant un animal dont on a peur, on ne prononce jamais son nom, car, croyance universelle, quand on parle du loup, on en voit la queue, quand on invoque le diable, le diable paraît ; prononcer le vrai nom de la belette, c’est attirer la méchante bête et c’est aussi, par cela même, la contrarier, puisqu’on la dérangée, l’exciter à la dévastation.

825. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre III. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire sacrée & ecclésiastique. » pp. 32-86

le premier volume de sa Bibliothèque universelle des Auteurs Ecclésiastiques, contenant l’histoire de leur vie, le catalogue, la critique & la chronologie de leurs ouvrages, un abrégé de ce qu’ils renferment, un jugement sur leur style & sur leur doctrine, & le dénombrement des différentes éditions de leurs œuvres. […] Cette comparaison est fort imparfaite, & elle ne rend qu’en partie l’idée qu’on doit avoir des Synodes universels & particuliers.

826. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « II. M. Capefigue » pp. 9-45

Cet aimable goût scélérat est universel. […] Ce panégyrique universel qui va de Louis XV à Mme de Pompadour, de Mme de Pompadour à Mme Du Barry, et qui glisserait jusqu’à M. 

827. (1898) Les personnages de roman pp. 39-76

Pour n’en prendre qu’un exemple, n’est-il pas d’un usage presque universel, dans le roman, le drame, la poésie, de conduire au couvent les héroïnes désespérées ? […] Enfin, comme l’héroïne principale, entourée de compagnes moins élégantes et moins affinées, n’en serait que plus exceptionnelle, comme il fallait rappeler constamment et cruellement son origine, sa parenté, son monde d’où sans cesse elle s’évade en esprit, elle a un frère, l’ouvrier dont l’exemplaire vit sous nos yeux, l’homme que les mots corrompent autant que les passions, et qui se venge, par la haine universelle, de l’offense qu’il a reçue d’un seul.

828. (1879) L’esthétique naturaliste. Article de la Revue des deux mondes pp. 415-432

Le souverain actuel a nom : sa majesté le suffrage universel, et le suffrage universel est peuple surtout ; c’est donc du peuple surtout que doit s’occuper une littérature démocratique.

829. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite et fin.) »

Mais il y eut quelque chose de plus efficace et de plus puissant à produire cette révolution, que toutes les intrigues particulières ; ce fut, à un moment donné, le concert universel et la conspiration véritable de tous, le mépris profond dans lequel était tombé Pierre III, l’intérêt qu’inspirait Catherine, et la faveur populaire qui n’avait cessé de la suivre pendant des années jusque dans sa disgrâce.

830. (1875) Premiers lundis. Tome III « Instructions sur les recherches littéraires concernant le Moyen Âge »

Des passages intéressants sur l’état des sciences mathématiques, physiques, cosmographiques et naturelles se rencontrent dans des ouvrages en vers, qui étaient des espèces de répertoires et de compilations universelles.

831. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre II. Le Rire » pp. 28-42

Un éclat de rire universel sort des voitures qui suivaient la sienne ; le Suisse sur sa porte se tient les côtés, la foule des laquais rit aux larmes et fait cercle autour du malheureux.

832. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre III. Du récit des faits. — Antécédents et conséquents. — Causes et effets »

L’orgueil de la raison s’arrogeant un droit de décision universelle, et prétendant réduire l’univers à sa mesure, est un dangereux tentateur.

833. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Édouard Rod »

Je crois aussi qu’on est bon et juste (quand on l’est) naturellement, par un sentiment qui commande et rend le plus souvent facile le sacrifice à autre chose que soi et, comme on l’a dit, par une « duperie » profitable à l’ordre universel et qui dès lors n’est plus duperie : mais pour croire que ce n’en est pas une, il faut faire effort, et sans doute la morale doit commencer par un acte de foi, formulé ou non.

834. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVIII. Gentils conteurs » pp. 218-231

D’abord, prenant le mot absurde dans son sens lexicographique, mais déplaçant d’un demi-tour la théorie du consentement universelle, de M. 

835. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVI. Miracles. »

C’était une opinion universelle, non-seulement en Judée, mais dans le monde entier, que les démons s’emparent du corps de certaines personnes et les font agir contrairement à leur volonté.

836. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre II. Le Bovarysme comme fait de conscience son moyen : la notion »

En tant qu’elle s’adresse à la connaissance, la notion a une valeur quasi universelle, mais en tant qu’elle vise à reconstituer en un cerveau étranger l’image précise qui se forma en un premier cerveau, elle ne réussit que si elle est secondée par la rencontre de sensibilités et d’aptitudes sinon identiques, du moins voisines et parentes.

837. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VIII. Mme Edgar Quinet »

Tendant à l’émancipation universelle de leurs personnes ; de libre conduite comme de libre pensée, hardis comme des enfants qui jouent à l’homme, ils ont, ces aimables bas-bleus, en général, l’esprit fortement célibataire et les mœurs légèrement mormones.

838. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXIII. Henry Gréville »

que l’auteur qui aurait pu être, avec cet optimisme et cette tendance à la perfection universelle et imperturbable, formidablement pédant et niais, comme certains bas-bleus à la manière anglaise, ne l’est jamais ; et c’est ainsi que celle que j’ai appelée le Bas-lilas, évite le bas-bleu !

839. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La Société française pendant la Révolution »

Du reste, même avec leurs défauts actuels, leurs affectations et leurs faiblesses, Edmond et Jules de Goncourt ont moins échoué dans leur histoire par l’indigence de leurs facultés que par le fait du préjugé universel sous l’empire duquel ils l’ont écrite.

840. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Royalistes et Républicains »

, mourir éventré par cette brute de suffrage universel, et vous verrez ce qu’il a fondé, ce qu’il a sauvé, ce qu’il a défendu !

841. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La diplomatie au xviie  siècle »

En elle-même, et sans les diplomates qui la brassent, l’histoire de la diplomatie, cette spécialité historique d’un temps de spécialités et de pulvérisation universelle, où chacun travaille son atome, — son dix-huitième d’épingle, selon la méthode d’Adam Smith, — l’histoire de la diplomatie, ce démembrement de l’histoire telle qu’elle doit être dans la plénitude de son ensemble, puissant et complet, n’est plus qu’un travail préparatoire à la grande Histoire, fait par des ouvriers de dixième main.

842. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Quitard »

Quitard est un antiquaire à sa façon, — un antiquaire non plastique, mais verbal, — qui fait des fouilles, non dans la vile argile, mais dans l’histoire et la langue, — et encore non dans l’histoire écrite, mais dans l’histoire orale, dans la tradition par toute voie, — pour nous déterrer ces apophtegmes, ces aphorismes, ces axiomes de morale universelle qui valent mieux, à coup sûr, que des médailles de bronze, des vases étrusques, des torses de Vénus cassés ; car la plastique ne vient qu’après l’histoire, si vous voulez bien le permettre, et la forme n’emporte le fond que pour… Brid’oison !

843. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « César Daly »

Moi aussi, je pense comme Daly que l’art est un symbole, — l’expression symbolique des hautes convenances d’ordre et de vérité souveraine, la prescience universelle des choses qu’il faut nommer et connaître, l’inventaire innocent du bien et du mal, de ce qu’il faut imiter et de ce qu’il faut écarter.

844. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Jules Girard » pp. 327-340

Girard l’archaïste, qui se croit un Athénien en voyage à Paris, parce qu’il est allé à Athènes et en est revenu faire des conférences à l’École normale, les us et coutumes littéraires des Grecs doivent être la vérité catholique dans le sens d’universel.

845. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ch. de Barthélémy » pp. 359-372

Journaliste qui défendit pendant toute une vie, qui fut longue, la Religion, la Royauté, la Morale dont on ne voulait plus, dans la démence universelle, on lui coupa, on lui hacha son journal avec les ciseaux d’une censure qui a déshonoré Malesherbes, lequel tenait, pour le compte des encyclopédistes, et faisait aller ces ciseaux, tombés depuis et lavés dans son sang, heureusement pour sa gloire !

846. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La révocation de l’Édit de Nantes »

Erreur universelle et profonde !

847. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Gustave III »

Dans ce temps du xviiie  siècle, dans ce temps d’anarchie si universelle que le désordre semblait passer jusque dans la physiologie humaine, et où des Chevalières d’Éon intéressaient toute l’Europe, la monstruosité s’arrêtait à cette limite, chez Gustave III et Catherine II, que l’homme qui gagne les batailles, l’homme toujours l’épée au vent, quand le danger souffle, était perpétuellement debout en Gustave l’efféminé, dans le Sardanapale au miroir qui ne demandait pas mieux, ma foi !

848. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVI. M. E. Forgues. Correspondance de Nelson, chez Charpentier » pp. 341-353

C’est la bibliothèque universelle, et M. 

849. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Nelson »

Il n’y a pas que Hachette qui fasse une bibliothèque des Chemins de fer : c’est la bibliothèque universelle !

850. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Collé »

Tantôt (à la page 149 du volume) Collé est un folâtre, le folâtre Collé, qui continue ses petites farces, et cela à propos de l’opinion la plus fondée touchant l’Essai sur l’histoire universelle !

851. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Valmiki »

Esprits d’une civilisation si complètement différente avec des habitudes et des mœurs qui pénètrent jusque dans ce que l’intelligence a de plus impersonnel et de plus intime, nous ne pouvons chercher dans les livres comme celui-ci que ce qui est universel par le sentiment humain et par la beauté.

852. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Caro. Le Pessimisme au XIXe siècle » pp. 297-311

Fin, lucide, fluide, élégant, d’un spiritualisme resté pur, je le reconnais, au milieu de toutes les souillures d’un matérialisme à peu près maintenant universel, mais sans une idée supérieure dont il se réclame et sur laquelle il s’appuie, M. 

853. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Brispot »

Il fallait que le sens public fût aussi profondément perdu qu’il l’est pour qu’on laissât passer de si honteuses extravagances sans les couvrir d’une flétrissure universelle ; il fallait qu’on pût désespérer de la raison même pour les voir accueillies et soutenues, à tous les étages de la société, dans des livres, dans des journaux, dans des discours.

854. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Gustave D’Alaux »

Les races qui servent sont aussi nécessaires dans l’ordre universel que celles qui commandent ; et, d’ailleurs, servitude n’a jamais voulu dire oppression.

855. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Charles De Rémusat »

Si Rémusat ne voulait pas faire les petites malices dont il a les chatouillantes velléités, il y aurait eu mieux à prendre dans l’Histoire d’Angleterre au xviiie  siècle, pour l’honneur d’une histoire à écrire, que Bolingbroke, l’intrigant déshonoré, Walpole, l’homme du bric-à-brac universel, Junius, une question encore de moralité, un grand suspect qui porte un masque !

856. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Docteur Favrot »

Eux comme lui, lui comme eux, n’ont résolu complètement, péremptoirement, une fois pour toutes, cette question des inhumations précipitées qui pend comme un poids étouffant sur nos têtes et sur nos poitrines, et qui devrait être l’anxiété, la transe universelle, puisqu’elle embrasse également et notre avenir, à nous vivants, et le passé des êtres aimés que nous avons perdus !

857. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Henri Cantel »

Le poète des Impressions, dans les rares pièces où il a touché, en passant, et d’un doigt beaucoup trop léger, cette corde chrétienne qui est la fibre universelle maintenant et désormais éternelle, n’est pas encore le poète qui tire une note à lui, une note bien à lui, neuve et inexprimée, de cette corde tendue d’un bout du monde à l’autre bout, au doigt multiple du genre humain, et dans laquelle l’infini dort !

858. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Charles Baudelaire. Les Fleurs du mal. »

Son livre actuel est un drame anonyme dont il est l’auteur universel, et voilà pourquoi il ne chicane ni avec l’horreur, ni avec le dégoût, ni avec rien de ce que peut produire de hideux la nature humaine corrompue.

859. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Lamartine »

Mais dans ce mouvement furieux et universel de littérature, Lamartine, en plein génie, s’isola dans son génie même.

860. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

Il connaît la signification des choses, et leur fatalisme dans la nature terrible et belle, la destinée des êtres, en proie au mal de l’universel massacre. […] J’attends que cette affaire-là soit liquidée et, en attendant, je me confine dans la littérature, dans l’histoire, et dans le charme de la tolérance universelle ! […] Les lois religieuses, dans une volonté de discipline et d’universelle domination, ont fait de l’amour, c’est-à-dire de l’éclosion éternelle de la vie, un épouvantail et un péché. […] dit le juge d’instruction… Vous êtes très heureux que nous soyons à l’apaisement… à l’éponge… à la joie universelle… Allez… mais… vous savez… n’y revenez pas ! […] … Avant qu’il ne fonctionnât, le suffrage universel était, lui aussi, une utopie… Et comme les Cornély du temps devaient pouffer de rire, à l’idée de cette chose ridicule et inapplicable !

861. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre premier. Aperçu descriptif. — Histoire de la question »

Sans s’arrêter au simple fait de la simultanéité ordinaire, sans se demander si le fait est vraiment universel et ne souffre pas des exceptions, il se hâte d’affirmer que le mot intérieur et la pensée qui lui correspond sont toujours rigoureusement simultanés, et en même temps il proclame que cette concomitance est une nécessité de notre nature44. […] — Toute idée supposant le langage, et l’invention du langage supposant l’intention, c’est-à-dire l’idée de l’inventer, l’idée d’inventer le langage suppose la possession du langage ; donc le langage n’a pu être inventé ; puisqu’il est, il a dû nous être révélé, donné par Dieu57. — Diverses circonstances ont accru et varié le langage des différents peuples58 ; l’élément primitif et nécessairement révélé du langage universel est le verbe59. […] Ces chapitres sont loin d’épuiser le sujet dont les discussions qui précèdent viennent de montrer l’étendue : leur objet propre est la définition de la parole intérieure comme fait psychique ; or la parole intérieure n’est pas seulement un fait intéressant par ses caractères distinctifs : ce fait est à peu près universel dans l’humanité, à peu près constant en chacun de nous ; on ne saurait pourtant dire qu’il est nécessaire, et en tout cas, il ne saurait être primitif ; son extension, son histoire, ses causes, mériteraient d’être étudiées à part ; de même aussi les perturbations qu’il éprouve dans certains états de l’âme qui ne sont pas l’état normal. […] Tant d’éléments différents concourent à produire et à varier la parole intérieure, surtout à la rendre universelle et constante, que la plupart des questions psychologiques seraient engagées dans l’étude complète dont nous venons de tracer le programme.

862. (1891) Essais sur l’histoire de la littérature française pp. -384

Il tend à l’universel et y atteint. […] La qualité éminente, universelle et caractéristique du siècle de Louis XIV, la connaissance de l’homme, est celle qui déchoit le plus. […] Qu’y a-t-il de plus universel, et en apparence, de plus uniforme que l’amour maternel, puisque les êtres les plus violents en ressentent toutes les tendresses, et que les êtres les plus doux peuvent en connaître toutes les violences ? […] Elle se soutient par des pas qui paraissent fort déréglés, et qui ne laissent pas d’être mesurés et justes, et par des figures qui sont très hardies et qui font une agitation universelle de tout le corps. […] Au lendemain de Louis XIV, sous la Régence, quand le gouvernement qui vient de finir a porté tous ses fruits, ce n’est plus une passion, c’est une folie universelle et foudroyante ; un grand homme de jeu est l’idole du jour.

863. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — [Introduction] » pp. 132-142

Oui, il y eut et il dut y avoir de ces commencements de querelle — et chez les Grecs au moment de leur maturité déjà déclinante et la plus fleurie, au lendemain d’Alexandre, lorsque, regardant en arrière, ils se jugeaient à la fois riches par héritage et pouvant encore ajouter à la gloire des ancêtres — ; et chez les Romains surtout, à cette époque dominante de l’empire, au sein de cette unité puissante qui avait engendré des esprits universels comme elle-même, au temps des Sénèque, des Pline, et je dirais des Tacite si ce dernier n’était si pessimiste et morose : mais les plus belles paroles qui aient été prononcées sur cette question des anciens et des modernes, c’est peut-être encore ce grand et si ingénieux écrivain Sénèque qui les a dites, et on ne peut rien faire de mieux aujourd’hui que de les répéter : J’honore donc, disait-il à son jeune ami Lucilius, j’honore les découvertes de la sagesse et leurs auteurs ; j’aime à y entrer comme dans un héritage laissé à tous.

864. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Raspail, qui avait continué de vivre en Belgique, à la nouvelle de cette mort, ait écrit cinq jours après au fils de la chère défunte cette lettre pathétique et grave, qui mérite de rester attachée à sa mémoire comme la suprême oraison funèbre : « Monsieur, j’ai lu et relu, les yeux remplis de larmes, votre pieuse lettre ; c’est le dernier adieu que votre illustre mère vous a chargé de me transmettre, vous, le légataire universel de ses souvenirs, de ses affections et de ses grandes qualités.

865. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « quelque temps après avoir parlé de casanova, et en abordant le livre des « pèlerins polonais » de mickiewicz. » pp. 512-524

Le style dans ce procédé constant, si par bonheur on n’y dérogeait pas quelquefois, n’aurait plus rien de la souplesse naturelle et du libre mouvement de la vie ; il ne serait plus qu’un vernis, qu’un émail, qu’une écaille universelle.

866. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XX. Du dix-huitième siècle, jusqu’en 1789 » pp. 389-405

Les pensées qui rappellent, de quelque manière, aux hommes ce qui leur est commun à tous, cause toujours une émotion profonde ; et c’est encore sous ce point de vue que les réflexions philosophiques introduites par Voltaire dans ses tragédies, lorsque ces réflexions ne sont pas trop prodiguées, rallient l’intérêt universel aux diverses situations qu’il met en scène.

867. (1890) L’avenir de la science « VI »

Et s’y l’on m’y force, je suis contraint, assez ineptement, d’en tirer quelque matière de propos universels, sur quoy j’examine son jugement naturel : leçon qui leur est autant incognue, comme à moi la leur. » Il a bien soin pourtant de montrer qu’il s’y entend aussi bien qu’un autre, et de relever les traits d’érudition qui peuvent faire honneur à son savoir ; pourvu qu’il soit bien entendu qu’il n’en fait aucun cas, et qu’il est au-dessus de ces pédanteries.

868. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Préface »

Ce qui est une qualité dans l’histoire eût été ici un défaut ; tout est vrai dans ce petit volume, mais non de ce genre de vérité qui est requis pour une Biographie universelle.

869. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 272-292

Le sujet de Télémaque est d’un ressort universel ; il prend sa source dans la nature de l’homme : rien de plus touchant que la tendresse filiale ; rien de plus digne des vœux de tous les hommes, qu’un sage & heureux Gouvernement.

870. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre III : Le problème religieux »

L’erreur des philosophes modernes, théophilanthropes, saint-simoniens, positivistes, qui ont tous voulu soit organiser la religion naturelle, soit organiser des religions panthéistes et humanitaires sur le type du catholicisme, est tout à fait semblable à l’illusion des utopistes qui voudraient créer a priori une société absolument nouvelle, ou à l’illusion des savants qui veulent inventer une langue universelle.

871. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Mathilde de Toscane »

La « grande Italienne » lui a appris le grand Italien, ou plutôt celui qui n’est plus Italien, mais pontife, représentant de Dieu sur la terre, impersonnel et universel comme le vicaire de Jésus-Christ, le chef de la catholicité.

872. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Chamfort »

Alors les théories fourmillent, l’esprit se fausse, et la Babel des Dix décrets s’élève tout à coup dans les Politiques universelles !

873. (1880) Goethe et Diderot « Introduction »

Insupportable, si elle l’est, en effet, cette ubiquité, elle n’est plus divine, et Gœthe, réputé l’Olympien, Gœthe divinisé par l’admiration universelle, n’est plus le Dieu, comme on l’a fait, de la philosophie et de la poésie de ces derniers temps.

874. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Charles d’Héricault » pp. 291-304

En action historique, les idées générales, les influences sociales ont besoin d’un homme… Quoique la France fût éperdue d’égalité, à cette heure maudite, et qu’elle eût commencé déjà le nivellement par l’échafaud, elle n’en reconnut pas moins la supériorité et la souveraineté de l’homme qui, à un jour donné, avait créé cette chose inouïe, universelle et compacte, qui s’étendit tout à coup sur la France entière comme une voûte qui ne permettait plus de respirer, et qu’on appela du même nom que le sentiment dont elle transissait les âmes : la Terreur !

875. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Eugène Pelletan » pp. 203-217

Il n’a pas faibli, il n’a pas trébuché, il n’a pas tremblé dans le chancellement universel de l’Europe de son temps.

876. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VII. Vera »

— qui crut un jour pouvoir forcer la porte du pénitentiaire de Dieu, en mariant les langues, dans lesquelles nous sommes déportés, pour en faire une communauté et une langue universelle, Leibnitz aussi laissa surprendre sa religion et son génie à cette bêtise impie d’un optimisme, interdit nécessairement à un monde en chute, — mais c’est Hegel qui devait élever à l’état de principe le pressentiment de Leibnitz !

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