/ 2731
1267. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Rulhière. » pp. 567-586

Voltaire, l’en félicitant, lui écrivait à cette occasion (août 1774) : « Il me semble qu’il se forme enfin un siècle, et, pour peu que Monsieur s’en mêle, le bon goût subsistera en France. » On voit combien Voltaire faisait volontiers tout dépendre des grands et des princes. […] Ce dernier, traducteur de Juvénal, homme enthousiaste, expansif, nourri de toute la sentimentalité du siècle, s’était fort jeté à la tête de Jean-Jacques, qui l’avait d’abord pris en gré et l’avait, par exception, admis dans son intimité. […] Obéissant en ceci encore aux dispositions naturelles de son esprit, autant qu’à l’intérêt de la cause qu’il prenait en main, il s’appliqua, à l’aide de rapprochements fins et peut-être forcés, à rapporter ce grand acte, qui fut l’erreur de tout un siècle, à des causes secondaires accidentelles, et à en diminuer le dessein primitif ; c’était une manière d’en rendre plus facile, plus acceptable à tous, la réparation.

1268. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — I. » pp. 322-340

Vers la fin, engagé dans le parti libéral, il a fait quelques politesses à ce qu’on appelait les jeunes talents ; mais, en réalité, il n’a jamais prisé les plus remarquables des littérateurs et des poètes de ce siècle, ni Chateaubriand, ni Lamartine, qu’il raille tous deux volontiers à la rencontre ; il leur était antipathique ; c’était un pur Grec, et qui n’admettait pas tous les dialectes, un Attique ou un Toscan, au sens particulier du mot : « Notre siècle manque non pas de lecteurs, mais d’auteurs ; ce qui se peut dire de tous les autres arts. » C’était le fond de sa pensée. […] Au vrai, je vois que la grande affaire de ce siècle-ci, c’est le débotté et le petit coucher.

1269. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — I. » pp. 186-205

Je choisirai d’habitude et de préférence quelques sujets dans la littérature française des deux derniers siècles (sans toutefois m’y enfermer, et sans exclure absolument les contemporains), et je parlerai aujourd’hui de l’auteur du Voyage d’Anacharsis, de l’abbé Barthélemy. […] Apportant à cette étude, comme en toutes celles qu’il abordait, un esprit philosophique, il avait su pourtant se préserver de ce qu’on appelait la philosophie du siècle, et, par sentiment de convenance autant que par réflexion, il avait de tout temps estimé ruineuses et funestes les attaques irréligieuses auxquelles se livraient les beaux esprits et les principaux écrivains d’alentour. […] Lui-même, il a l’honneur, je le crois, de ne pas être une seule fois nommé dans les œuvres de ce monarque et de ce despote littéraire du siècle.

1270. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Marguerite, reine de Navarre. Ses Nouvelles publiées par M. Le Roux de Lincy, 1853. » pp. 434-454

Ces rigueurs des âges suivants, ainsi adoucies et tempérées comme elles le sont par les mœurs générales, eussent été les bienfaits des siècles passés : il y a des points gagnés au civil qui ne se perdent plus. […] Il faudra près d’un siècle pour réformer complètement ce vice de goût ; il faudra que Mme de Rambouillet et sa fille viennent morigéner la Cour, que des professeurs de bon ton et de politesse, tels que Mlle de Scudéry ou le chevalier de Méré, s’appliquent pendant des années à prêcher le décorum : et encore trouverait-on bien des retours et des vestiges de grossièreté tout au travers de leur raffinement et de leur formalisme. […] On arrive ainsi, à travers le plus grand siècle, à Mme de Caylus, la nièce aisée et souriante de Mme de Maintenon, à cette perfection légère où, sans y songer, l’esprit ne se retranche rien et observe tout.

1271. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1873 » pp. 74-101

Mme Sand est momifiée de plus en plus, mais toute pleine de bonne enfance, et de la gaieté d’une vieille femme du siècle dernier. […] Dans ce pays, qu’est-ce qu’il arrive, lorsque les instincts du jeune homme sont par trop scientifiques, il se met dans une carrière satisfaisant à moitié ses goûts, à moitié son désir d’enrichissement, il devient ingénieur de chemin de fer, directeur d’usine, directeur de produits chimiques… Déjà cela commence à arriver en France, où l’École polytechnique ne fait plus de savants. » Et la conversation continuant, Berthelot ajoutait : « Que la science moderne, cette science qui n’a guère que cent ans de date, et qu’on dote d’un avenir de siècles, lui semblait presque limitée par les trente années du siècle dans lequel nous vivons.

1272. (1892) L’anarchie littéraire pp. 5-32

Comme il n’était pas accoutumé à ces témoignages d’admiration de la part de ses contemporains, il conclut à une contrefaçon et s’empressa de prévenir le public de la fumisterie dans Le XIXe Siècle. » Je n’ai rien à changer à ces lignes. […] Le banquet du « Pèlerin passionné » Ce banquet marque une date dans l’histoire littéraire de notre fin de siècle et surtout dans la vie de quelques poètes faméliques. […] Le Symbolisme est un anachronisme, quelque chose comme le bouddhisme que des esprits malins et aigris contre le siècle jettent à leurs contemporains en manière de raillerie et de dérision.

1273. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Saint-Bonnet » pp. 1-28

Dernièrement encore, un homme de génie dont les connaisseurs se sont fait longtemps entre eux la confidence, et dont le nom a mis trente ans à se placer dans toutes les bouches où le voici à présent, Joseph de Maistre, au commencement du siècle, trouva le moyen de faire un livre superbe intitulé : Du Pape, après cet autre livre superbe du cardinal Bellarmin intitulé : Du Souverain Pontife (De Summo Pontifice). […] V Son livre de la Douleur vient bien sous ma plume, dans un temps où les derniers philosophes de ce moment du siècle sont Schopenhauer et Hartmann ! […] Il n’aura ni Ribot, ni Caro, dans ce siècle sot.

1274. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « J. de Maistre » pp. 81-108

Après sa mort, qui limita ses œuvres, en les interrompant, et les fit complètes, on pensait tout tenir de cet esprit puissant, qui s’était concentré, dans une époque où presque personne ne se concentre, mais où tout le monde s’avachit ; et, de fait, ce qu’il avait publié suffisait à la plus grande gloire religieuse du xixe  siècle et à une des grandes de tous les siècles ! […] Il en élève les coutumes et jusqu’aux préjugés à la hauteur de lois immuables, et si le xviiie  siècle lui apparaît le plus profondément perdu de raison de tous les siècles, et, dans ce siècle, Jean-Jacques Rousseau le plus perdu des philosophes, c’est que le xviiie  siècle et Rousseau, l’auteur du Contrat social et de l’Inégalité des conditions, sont, de tous les temps et de tous les hommes, ceux qui ont le plus méconnu la voix infaillible et l’autorité souveraine de l’Histoire.

1275. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Ernest Renan »

Ce douceâtre diminutif de Rousseau (Rousseauculus) recommence, à sa manière, ces pauvres Lettres de la Montagne qu’il fallait toute l’inanité métaphysique du siècle des Philosophes pour admirer. […] — le sens réel des Livres Saints, que l’Église éclaire de la lumière fixe de son flambeau tout à l’heure depuis dix-neuf siècles ! […] Infaillible, permanente et universelle, prolongement de l’Incarnation et deux fois Rédemptrice, car elle sauve les âmes et dix fois elle a sauvé l’Humanité civilisée de la Barbarie, l’Église est encore plus étonnante pour le simple historien que pour le mystique, seul pouvoir qu’on ait jamais vu donner des résultats aussi fulgurants que celui-ci : sur dix-neuf siècles et deux cent cinquante-cinq papes, il n’y en a que dix qui furent accusés de mauvaises mœurs, et que trois sur les dix contre qui l’accusation est convaincante.

1276. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIII. »

Sous ce dernier exemple, l’enthousiasme et l’art se perdaient à la fois ; et c’était ailleurs, dans la prose éloquente, dans la prose pittoresque et passionnée, qu’on les retrouvait encore, pour l’honneur du siècle. […] À quinze siècles de distance, la tendresse chrétienne qui inspira l’hymne délicieux : Salvete, flores martyrum ! […] Tous les peuples du monde étaient présents à sa charité ; et ce pieux enthousiasme anticipait de quelques siècles, à ses yeux, le travail des peuples civilisés, ce travail de salut spirituel incessamment servi par les guerres, le commerce, les arts, l’ambition de puissance et de gain des nations de l’Europe.

1277. (1908) Promenades philosophiques. Deuxième série

Travail insensible qui, au cours des siècles, avait mué, par exemple, en homme, le plesiadapis de l’étage sparnacien. […] En somme, il semble qu’à travers les siècles l’homme se découvre lui-même en même temps qu’il découvre la nature. […] En somme, pour remonter au niveau originel, l’humanité a mis à peu près trente siècles. […] On sent vivre les siècles. […] Il n’y a pas beaucoup plus d’un siècle que Saussure inventa les Alpes et Ramond les Pyrénées.

1278. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Morhardt, Mathias (1863-1939) »

[Portraits du prochain siècle (1894).]

1279. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Plessis, Frédéric (1851-1942) »

Frédéric Plessis est un vrai poète, un des poètes de ce siècle qui ont l’intelligence la plus profonde, la plus subtile de l’âme antique.

1280. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface et note de « Notre-Dame de Paris » (1831-1832) — Préface (1831) »

L’homme qui a écrit ce mot sur ce mur s’est effacé, il y a plusieurs siècles, du milieu des générations, le mot s’est à son tour effacé du mur de l’église, l’église elle-même s’effacera bientôt peut-être de la terre.

1281. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

Le nom de Sapho a traversé vingt-cinq siècles ; qu’aurait pu faire de plus la renommée pour un homme ? […] Je vais vous conter une histoire qui vous fera rire, disait-elle ; et, malgré cet exorde, au bout d’un quart de siècle, on rit encore en la lisant. […] L’abîme de cinq siècles qui les sépare du texte qu’ils accompagnent sera moins visible pour les illettrés que pour les érudits. […] À propos de cette publication, on a rappelé les dessins que fit sur le même sujet, à la fin du siècle dernier, le sculpteur anglais Flaxman. […] En dehors des cinq ou six exceptions immenses qui font l’éclat d’un siècle, l’admiration contemporaine n’est guère que myopie.

1282. (1882) Autour de la table (nouv. éd.) pp. 1-376

À mesure que les siècles suivants se débarrassent de ces défauts, ils les pardonnent au passé. […] En deux ou trois siècles, les grands noms sont faits, défaits ou refaits. […] C’est que le siècle de nos vrais classiques avait été plus tolérant et plus naïf que le nôtre, et c’est pourquoi ce fut un grand siècle. […] Goethe ferma le siècle de Voltaire avec un éclat qui effaça Voltaire lui-même. […] C’était la maladie d’un grand caractère, et la nôtre prépare peut-être la santé d’un grand siècle.

1283. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Le Barillier, Berthe-Corinne (1868-1927) »

Gaston Boissier, il a vécu de la vie romaine et s’est promené avec savoir et curiosité à travers les cités mortes et les siècles révolus.

1284. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Claudel, Paul (1868-1955) »

[Portraits du prochain siècle (1894).]

1285. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Denne-Baron, Pierre-Jacques-René (1780-1854) »

Properce principalement, et en général dans sa coopération à ce grand travail de style et de recomposition qui, au commencement du siècle, a préparé la renaissance de la poésie lyrique en France.

1286. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dumur, Louis (1860-1933) »

[Portraits du prochain siècle (1894).]

1287. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hirsch, Charles-Henry (1870-1948) »

[Portraits du prochain siècle (1894).]

1288. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre II. De la patrie d’Homère » pp. 258-259

S’il est vrai qu’il n’existe point d’écrivain plus ancien qu’Homère, comme Josèphe le soutient contre Apion le grammairien, si les écrivains que nous pourrions consulter ne sont venus que longtemps après lui, il faut bien que nous employions notre critique métaphysique à trouver dans Homère lui-même et son siècle et sa patrie, en le considérant moins comme auteur de livre, que comme auteur ou fondateur de nation ; et en effet, il a été considéré comme le fondateur de la civilisation grecque.

1289. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Note »

Même dans le discours de réception de Lamartine à l’Académie, en 1830, on trouve un grand parallèle établi entre la poésie et l’action, entre la vie du littérateur en temps régulier et cette même existence dans les siècles d’orage, en « ces époques funestes au monde, glorieuses pour l’individu. » Dans les temps calmes, chacun est classé, chacun suit sa voie ; avec plus ou moins de distinction, selon nos forces ou nos faiblesses, « nous arrivons au terme. Si nous en valons la peine, on nous nomme, on nous caractérise en deux mots, et voilà la page de notre vie dans un siècle. » Dans les temps d’orage, au contraire, « dans ces drames désordonnés et sanglants qui se remuent à la chute ou à la régénération des empires, quand l’ordre ancien s’est écroulé et que l’ordre nouveau n’est pas encore enfanté, dans ces sublimes et affreux interrègnes de la raison et du droit,… tout change ; la scène est envahie, les hommes ne sont plus des acteurs, ils sont des hommes… Tout a son règne, son influence, son jour ; l’un tombe, parce qu’il porte l’autre ; nul n’est à sa place, ou du moins nul n’y demeure ; le même homme, soulevé par l’instabilité du flot populaire, aborde tour à tour les situations les plus diverses, les emplois les plus opposés ; la fortune se joue des talents comme des caractères ; il faut des harangues pour la place publique, des plans pour le Conseil, des hymnes pour les triomphes… On cherche un homme !

1290. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IX et dernier. Conclusion » pp. 586-601

Lorsqu’on accuse la philosophie des forfaits de la révolution, l’on rattache d’indignes actions à de grandes pensées, dont le procès est encore pendant devant les siècles. […] Enfin, qu’on se rappelle les noms illustres que les siècles nous ont transmis, et l’on verra qu’il n’en est aucun dont l’histoire n’enseigne au moins une vertu.

1291. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre VII. Narrations. — Dialogues. — Dissertations. »

Ainsi Voltaire, dans son Siècle de Louis XIV, raconte d’abord toutes les guerres du règne, puis, arrivé à la paix d’Utrecht, revient à l’avènement du roi, pour raconter les anecdotes de la cour et des mœurs du temps, après quoi il reprend encore les choses au début pour développer le gouvernement intérieur, les lois, les réformes, les principes d’administration, les mesures heureuses ou funestes dans chaque département, enfin il finit par exposer chacune des principales disputes religieuses : faisant ainsi non pas une histoire générale du siècle de Louis XIV, mais une dizaine d’histoires spéciales, qui sont simplement mises bout à bout et n’ont d’unité que par le titre unique.

1292. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Richepin, Jean (1849-1926) »

Si son siècle n’était pas ce qu’il est, M. Richepin n’aurait pensé ni publié son livre ; mais il est de son siècle, il le connaît… et il l’a chanté.

1293. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XXIV. Conférence sur la conférence » pp. 291-305

Il y avait dix siècles qu’on faisait des conférences, que c’était un métier, le métier de rhéteur, auquel on se préparait longuement, quand saint Augustin, qui ne songeait pas alors à la sainteté, y gagnait cinquante mille francs par an, en improvisant sur Hélène ou sur Orphée, sur la pluie ou sur le beau temps. Et cet exercice conservé et transmis dans les scolastiques et dans les Sorbonnes, dans les académies de province et autres jeux floraux, voilà que, malgré le débordement de journaux et de revues à qui toutes les idées se pourraient si sûrement confier, voilà qu’au siècle de M. 

1294. (1890) L’avenir de la science « VI »

Reconnaissons d’abord que l’enthousiasme de la science est beaucoup plus rare et plus difficile dans un siècle comme le nôtre, où toutes les branches de la connaissance humaine ont fait d’incontestables progrès, qu’à une époque où toutes les sciences étaient en voie de création. […] Il est commode de jeter sur ces nobles folies le mot si équivoque de pédantisme ; il est plus facile encore de montrer que ces amants passionnés de la science n’avaient ni le bon goût ni la sévère méthode de notre siècle.

1295. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXV. Mort de Jésus. »

À mesure que la vie du corps s’éteignait, son âme se rassérénait et revenait peu à peu à sa céleste origine. 11 retrouva le sentiment de sa mission ; il vit dans sa mort le salut du monde ; il perdit de vue le spectacle hideux qui se déroulait à ses pieds, et, profondément uni à son Père, il commença sur le gibet la vie divine qu’il allait mener dans le cœur de l’humanité pour des siècles infinis. […] Pleinement vainqueur de la mort, prends possession de ton royaume, où te suivront, par la voie royale que tu as tracée, des siècles d’adorateurs.

1296. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VII. Vera »

Il n’est plus, il est vrai, dans la période ascendante d’une célébrité qui monta comme la mer, mais qui commence de s’abaisser et de reculer comme elle, et non pas, comme elle, pour revenir. « Trente ans, — disait le plus positif des esprits de ce siècle positif, — trente ans, voilà ce que dure à peu près toute gloire philosophique allemande !  […] … Pouvons-nous admettre autrement que comme une précaution, — que certes Diderot, plus franc, n’aurait pas eue, et qui tient à l’hypocrisie de ce siècle, lequel a déplacé Tartuffe, — pouvons-nous admettre autrement que comme une précaution ce respect pour le christianisme, cette religion qui n’est pas la science et qu’Hegel a voulu montrer, en expliquant à sa manière le dogme de la Sainte-Trinité ?

1297. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Maurice de Guérin »

Or, parce que Maurice de Guérin a écrit quelquefois des vers qu’on dirait tirés de l’Anthologie grecque, par exemple ceux-ci : Les siècles ont creusé dans la roche vieillie Des creux où vont dormir des gouttes d’eau de pluie ; Et l’oiseau voyageur qui s’y pose le soir Plonge son bec avide en ce pur réservoir. […] Nous le répétons et avec joie, il y a plus que ces deux volumes en Guérin, et il y a surtout une biographie intellectuelle et intime à faire de ce poète qui surgit maintenant, l’étoile au front, dans la constellation des poètes de son siècle.

1298. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Musset »

… Né dans les premières années du siècle, quand le canon de Wagram fêtait le baptême de ceux-là qui pouvaient avoir l’espérance de mourir un jour en héros, et qui, l’Empire tombé, ne surent que faire de la vie, Alfred de Musset se jeta aux coupes et aux femmes de l’orgie comme il se serait jeté sur une épée si on lui en eût offert une, et il a peint cette situation dans les premières pages qui ouvrent les Confessions d’un enfant du siècle, avec une mélancolie si guerrière !

1299. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « La Fontaine »

Cependant, Oudry est trop du xviiie  siècle pour bien interpréter La Fontaine, qui n’est d’aucun siècle que du siècle de sa délicieuse fantaisie.

1300. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Auguste Barbier »

Alors même qu’elle ne penserait pas que la poésie est la plus belle et la plus difficile des choses littéraires, alors qu’elle partagerait pour ce langage des dieux, méprisé des goujats, l’indifférence dédaigneuse des fortes têtes de son siècle, la Critique ne peut pas plus laisser inaperçu un livre de vers signé Auguste Barbier, qu’un poème de Lamartine et des recueils de poésies de Victor Hugo et d’Alfred de Musset. […] II C’est par la politique, en effet, qu’Auguste Barbier a donné sur le tympan du siècle ce coup, inouï d’éclatante sonorité, qui, après plus de cinquante ans, vibre encore… Avec autant de génie qu’il en montra alors, — car, je ne ménage pas les termes, l’auteur des Iambes, dès son début, apparut complet comme un homme de génie, — Auguste Barbier n’aurait, certes !

1301. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Laurent Pichat »

être le champ de l’avenir, — c’est cette petite fleur, retrouvée là, qui m’a empêché de jeter sous mes pieds avec mépris ce livre où un regain de poésie vivace, inarrachable du cœur d’un homme, domine encore, domine toujours tous les prosaïsmes glorifiés de ce siècle dégénéré ! […] dans ce volume que les idées impies d’un siècle qui a confisqué l’âme d’un homme, mais il y a aussi les sentiments personnels de cet homme, qui vaut mieux, sans nul doute, que les idées qui l’ont confisqué.

1302. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

Leur dernier livre (Journal des Goncourt) met en scène, dans le déshabillé d’une causerie familière, les principaux écrivains du siècle. […] Il n’y a donc qu’eux dans le siècle ? […] Mieux vaut convenir avec Montaigne « qu’il faut tant de rencontres à les bâtir que c’est beaucoup si la fortune y arrive en trois siècles ». […] Je l’emprunte au Miroir du monde, qui est un livre de réflexion fine et vive, dans la manière des conteurs galants de l’autre siècle. […] Solange de Croix-Saint-Luc, Disparu, Mademoiselle de Bressier, Le Fils de Coralie, La Marquise, Les Fils du siècle, etc.

1303. (1870) La science et la conscience « Chapitre I : La physiologie »

Pour toutes les sciences de la nature, mécanique, physique, chimie, biologie, il y a trois siècles que cette direction est suivie, on sait avec quel succès. Quant aux sciences morales proprement dites, ce n’est guère que depuis le commencement de ce siècle qu’elles ont été appliquées à la recherche des lois, et comme, dans l’accomplissement de cette tâche, elles n’ont pas rencontré des conditions aussi favorables, il faut dire qu’elles ne sont point parvenues à des résultats aussi satisfaisants. […] Au siècle dernier, l’école de la sensation, qu’elle admette ou non la spiritualité de l’âme, tend, en vertu de son principe, à exagérer l’influence du physique sur le moral. […] Avec notre siècle commence une réaction contre la philosophie de la sensation. […] Dans notre siècle, l’art d’observer et l’art d’expérimenter ont fait de tels progrès que la question tant débattue changea bientôt de face avec la physiologie tout entière.

1304. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

Où sont les écrivains sincères de notre siècle ? […] C’est assez pour qu’on cherche à le lire encore de nos jours, et son espérance de raconter pour la postérité les mœurs de son siècle ne sera pas tout à fait déçue. […] Dans notre siècle, plûs-que jamais, surtout depuis la glorieuse révolution d’Amérique, toutes les classes de la Société sont également à considérer. […] Tout cela est-il autre chose que la conséquence de l’éducation du siècle ? […] Le ministre parlait la voix du siècle en disant le mot, Balzac était du siècle en mettant le conseil en œuvre pour lui-même ; il peignait le siècle en nous montrant les héros de ses romans brûlés de cette soif de l’or.

1305. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Grenier, Édouard (1819-1901) »

Édouard Grenier, un peu Régence, un peu Chénier, un peu Bernardin, mélange agréable de toutes les élégances un peu apprêtées et de toutes les tendresses un peu affinées en gentillesses mondaines du siècle le plus aimable et le plus aimant, à sa manière, qui se soit vu.

1306. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

Voilà ce que ne comprirent pas les hommes ignorants et bornés qui prirent en main les destinées de la France à la fin du dernier siècle. […] Je le répète, si Napoléon III eût voulu ne pas faire la guerre, la dynastie des Bonapartes était fondée pour des siècles. […] Le jour où nous l’avons abandonné à lui-même, la machine brutale s’est détraquée ; je crains qu’il ne faille la remiser pour des siècles. […] Donnez à la France un roi jeune, sérieux, austère en ses mœurs ; qu’il règne cinquante ans, qu’il groupe autour de lui des hommes âpres au travail, fanatiques de leur œuvre, et la France aura encore un siècle de gloire et de prospérité. […] Le second type de société que notre siècle voit exister avec éclat est celui que j’appellerai l’ancien régime développé et corrige.

1307. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXII » pp. 242-243

Ils s’y plaisent et s’y sentent à l’aise : le chevalier et le prêtre rendent les armes au siècle.

1308. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Aurier, Georges-Albert (1865-1892) »

[Portraits du prochain siècle (1894).]

1309. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Delarue-Mardrus, Lucie (1874-1945) »

Delarue-Mardrus, de saluer, à travers les siècles, la grande

1310. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Le Braz, Anatole (1859-1926) »

Le Braz a écouté la voix plaintive des Celtes morts, de la Bretagne agonisante ; il a voulu nous conter les douces et amères confidences qu’il a recueillies, le soir, quand le bruit du siècle se taisait, près des calvaires désolés de Trégastel et de Ploumanac’h.

1311. (1874) Premiers lundis. Tome II « X. Marmier. Esquisses poétiques »

Au lieu d’envier le sort et de flatter par ses désirs la molle existence des oisifs, ne serait-il pas temps pour le poète de tourner la tête vers l’avenir, et de regarder, au sein de l’ardeur et des mouvements du siècle, l’enfantement merveilleux de ce qui va devenir l’espérance, la foi et l’amour du monde ?

1312. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Girardin, Delphine de (1804-1855) »

Et, en réalité, elle fut reine du royaume le plus difficile à conquérir, le plus périlleux à gouverner, le plus impossible à conserver : reine de ce Paris épique, magnanime, railleur, excellent, qui fabrique la poésie de notre siècle et tout ce qui se nomme Esprit dans le monde entier.

1313. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Du Plessys, Maurice (1864-1924) »

[Portraits du prochain siècle (1894).]

1314. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Argument » pp. 249-250

L’auteur entreprend de prouver : 1º qu’Homère n’a pas été philosophe ; 2º qu’il a vécu pendant plus de quatre siècles ; 3º que toutes les villes de la Grèce ont eu raison de le revendiquer pour citoyen ; 4º qu’il a été, par conséquent, non pas un individu, mais un être collectif, un symbole du peuple grec racontant sa propre histoire dans des chants nationaux.

1315. (1885) Les étapes d’un naturaliste : impressions et critiques pp. -302

On sait ce que les prétendus libéraux qui révolutionnèrent l’Espagne au début de ce siècle, firent pour remplacer l’assistance des couvents spoliés et des églises brûlées. […] Il n’y a presque pas de poésies de lui qui ne portent écrit le numéro du siècle où on les composa. […] Après Cervantès, ce fut le tour des éditions des classiques, et là, il choisit, comme son coin préféré, le théâtre espagnol du siècle d’or. […] Filon, compose en anglais la Confessio amantis, fade imitation d’Ovide. « Le siècle qui suit la mort de Chaucer est une époque de stérilité et de tristesse. […] — À donner un peu de nouveau à nos intelligences de blasés, à mettre une étincelle d’imprévu dans le siècle le plus platement bête que l’on ait pu rêver !

1316. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

Unité, uniformité, voilà, s’il est pacifique, quelle sera la devise du siècle qui vient. […] Mais chaque siècle est une patrie. […] Ce siècle prochain, il sera probablement très supportable à ceux qui y vivront. […] Les femmes étaient férues de poésie dans la première moitié de ce siècle. […] Je ne vois guère en ce siècle que De Maistre et Renan qui aient pu se les permettre à peu près impunément.

1317. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre premier. » pp. 15-203

Je ne doute point que la Providence ne lui ait donné à la fois ces vertus et cette éloquence, afin que notre siècle trouvât en lui un censeur et un modèle. » (De Benefic, lib.  […] Voici comme il en parle dans un autre endroit : « Je ne m’arrête qu’avec les gens de bien, de quelque pays, de quelques siècles qu’ils soient ; j’en digère mieux mes pensées. […] N’y a-t-il aucune différence entre la vertu d’un siècle et celle d’un autre, entre la vertu de la cour et celle d’un cloître ? […] Il y a des vertus dont on ne loue pas les particuliers ; ce sont celles qui, communes à la pluralité des citoyens, forment les mœurs nationales ; qualités du siècle, et non de l’homme. […] Tacite fait à peu près la même réflexion, en parlant des difficultés qu’on rencontre lorsqu’on se propose d’écrire l’histoire de son siècle, ou même de celui qui l’a précédé.

1318. (1895) La comédie littéraire. Notes et impressions de littérature pp. 3-379

Il fut, pendant un quart de siècle, le dieu des soirées bourgeoises. […] Il ne reconnaît de talent en ce siècle, où le talent abonde, qu’à deux ou trois poètes. […] Les félibres ne feront pas revivre l’héroïsme des siècles passés. […] En quelle année de quel siècle se passe son drame ? […] Sa tête est un creuset où bouillonnent vingt siècles de littérature.

1319. (1888) Études sur le XIXe siècle

Ainsi dans la Légende des Siècles, le magnifique morceau intitulé Booz Endormi, qui n’est en somme que la description du calme d’une nuit d’Orient. […] Sans doute, Garibaldi a joué un rôle dans l’élaboration des idées qui entraînent ce siècle ; mais sa véritable pensée, ce fut sa vie. […] Légende des siècles. […] Légende des siècles. […] Légende des siècles.

1320. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

Il y a du reste entre leurs compositions la même différence qu’entre la galanterie sucrée du temps de Louis XV et la galanterie loyale du siècle de Louis XIII. […] Ils sont allés dans le passé, loin, bien loin, copier avec une puérilité servile de déplorables erreurs, et se sont volontairement privés de tous les moyens d’exécution et de succès que leur avait préparés l’expérience des siècles. […] Comme je reprochais un jour à quelques Allemands leur goût pour Scribe et Horace Vernet, ils me répondirent : « Nous admirons profondément Horace Vernet comme le représentant le plus complet de son siècle. » — A la bonne heure ! […] Dans le siècle présent comme dans les anciens, aujourd’hui comme autrefois, les hommes forts et bien portants se partagent, chacun suivant son goût et son tempérament, les divers territoires de l’art, et s’y exercent en pleine liberté suivant la loi fatale du travail attrayant. […] Le doute, ou l’absence de foi et de naïveté, est un vice particulier à ce siècle, car personne n’obéit ; et la naïveté, qui est la domination du tempérament dans la manière, est un privilège divin dont presque tous sont privés.

1321. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

A propos de Montaigne, par exemple, il dira : « Montaigne, élevé dans un siècle d’érudition et de disputes, accablé de tout ce qu’il avait lu, et n’y trouvant aucune solution positive, préfère le doute comme plus facile, et peut-être aussi comme plus humain, dans un temps où l’on s’égorgeait par conviction. Aimant tout ce qu’aimait Horace, et comme lui placé dans un siècle où il n’y avait pas mieux à faire, il célèbre le plaisir, le repos, et se fait une voluptueuse sagesse. […] Quoi qu’il en soit, tous les deux y représentent, comme deux chefs, les deux grands instincts et les deux principaux courants de ce siècle, duquel on a pu dire tour à tour qu’il est un siècle d’action et un âge de rêverie ; une époque vague, sceptique, et une époque positive. […] « Nous ne pouvons plus avoir, dit-il, cette grandeur tout à la fois sublime et naïve qui appartenait à Bossuet et à Pascal, et qui appartenait autant à leur siècle qu’à eux ; nous ne pouvons plus même avoir cette finesse, cette grâce, ce naturel exquis de Voltaire. […] Le style de Laplace dans l’Exposition du système du monde, de Napoléon dans ses Mémoires, voilà les modèles du langage simple et réflechi propre à notre âge. » Et il finit par risquer ce mot qui, depuis, a tant fait fortune : « Napoléon est le plus grand homme de son siècle, on en convient ; mais il en est aussi le plus grand écrivain. » Il faudrait bien de la pédanterie pour venir contester, contrôler un jugement si piquant. si vrai même, à l’entendre d’une certaine manière.

1322. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre III. Ben Jonson. » pp. 98-162

Les chefs d’école dans leur école et dans leur siècle. —  Jonson. —  Son tempérament. —  Son caractère. —  Son éducation. —  Ses débuts. —  Ses luttes. —  Sa pauvreté. —  Ses maladies. —  Sa fin. […] Il se gouverne et gouverne ses personnages ; il veut et sait tout ce qu’ils font et tout ce qu’il fait. —  Mais par-dessus les habitudes d’ordonnance latine, il possède la grande faculté de son siècle et de sa race, le sentiment du naturel et de la vie, la connaissance exacte du détail précis, la force de manier franchement, audacieusement, les passions franches. […] Mais que Jonson rencontre des passions âpres, visiblement méchantes et viles, il trouvera dans son énergie et dans sa colère le talent de les rendre odieuses et visibles, et produira le Volpone, œuvre sublime, la plus vive peinture des mœurs du siècle, où s’étale la pleine beauté des convoitises méchantes, où la luxure, la cruauté, l’amour de l’or, l’impudeur du vice, déploient une poésie sinistre et splendide, digne d’une bacchanale du Titien138. […] V Il n’a pas été au-delà ; il n’était pas philosophe comme Molière, capable de saisir et de mettre en scène les principaux moments de la vie humaine, l’éducation, le mariage, la maladie, les principaux caractères de son pays et de son siècle, le courtisan, le bourgeois, l’hypocrite, l’homme du monde158. […] De même que les révolutions compliquées des corps célestes ne deviennent intelligibles qu’au contact du calcul supérieur, de même que les délicates métamorphoses de la végétation et de la vie exigent pour être expliquées l’intervention des plus difficiles formules chimiques, ainsi les grandes œuvres de l’art ne se laissent interpréter que par les plus hautes doctrines de la psychologie, et c’est la plus profonde de ces théories qu’il faut connaître pour pénétrer jusqu’au fond de Shakspeare, de son siècle et de son œuvre, de son génie et de son art.

1323. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1890 » pp. 115-193

Mercredi 23 avril Ce matin, mon marchand de vin parlant de la qualité inférieure des vins de cette année, m’affirme qu’indépendamment de toutes les maladies spéciales, particulières à la vigne en ce siècle, la vigne non malade, qu’elle soit ancienne ou replantée, est attaquée d’anémie, ainsi que toute la végétation. […] » Vendredi 1er août J’ai, de temps en temps, une fatigue à continuer ce journal, mais les jours lâches, où cette fatigue se produit, je me dis : « Il faut avoir l’énergie de ceux qui écrivent mourants dans les glaces ou sous les tropiques, car cette histoire de la vie littéraire de la fin du xixe  siècle, sera vraiment curieuse pour les autres siècles. » Lundi 4 août En pensant aux choses magiques trouvées par ce siècle comme le phonographe, etc., etc., je me demande si les autres siècles ne trouveront pas encore des choses plus surnaturelles, et si à propos des livres perdus de l’antiquité, on ne trouvera pas le moyen, par une cuisine scientifique dans une boîte crânienne d’une momie d’Égypte ou d’un autre mort antique, de faire revivre la mémoire des livres lus par le possesseur de cette boîte crânienne. […] J’accepte le reproche et je n’en ai nulle honte, — d’autant plus que mes indiscrétions ne sont pas des divulgations de la vie privée, mais tout bonnement, des divulgations de la pensée et des idées de mes contemporains ; — des documents pour l’histoire intellectuelle du siècle. […] Oui, de laisser après lui des hommes et des femmes qui ne seront plus pour les vivants des siècles à venir, des personnages de livres, mais bien véritablement des morts, dont on serait tenté de rechercher une trace matérielle de leur passage sur la terre.

1324. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Jouffroy »

Jouffroy Il y a une génération qui, née tout à la fin du dernier siècle, encore enfant ou trop jeune sous l’Empire, s’est émancipée et a pris la robe virile au milieu des orages de 1814 et 1815. […] On les voit ingénieux, distingués, remarquables ; mais aucun jusqu’ici qui semble devoir sortir de ligne et grandir à distance, comme certains de nos pères, auteurs du premier mouvement : aucun dont le nom menace d’absorber les autres et puisse devenir le signe représentatif, par excellence, de sa génération : soit que, dans ces partages des grandes renommées aux dépens des moyennes, il se glisse toujours trop de mensonge et d’oubli de la réalité pour que les contemporains très-rapprochés s’y prêtent ; soit qu’en effet parmi ces natures si diversement douées il n’y ait pas, à proprement parler, un génie supérieur ; soit qu’il y ait dans les circonstances et dans l’atmosphère de cette période du siècle quelque chose qui intercepte et atténue ce qui, en d’autres temps, eût été du vrai génie. […] S’il est exact, comme il le dit quelque part, que l’air que nous respirons sache douer au berceau les esprits distingués de notre siècle, de celle de toutes les qualités qui est la plus difficile et la moins commune, de l’étendue, il faut croire que, sur la montagne du Jura où il est né, un air plus vif, un ciel plus vaste et plus clair, ont de bonne heure reculé l’horizon et fait un spectacle spacieux dans son âme comme dans sa Prunelle. […] Quand nous avons dit qu’il y a dans l’atmosphère de cette période du siècle quelque chose qui coupe et atténue des talents, capables en d’autres époques de monter au génie, et quand M.

1325. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

Un siècle a-t-il été donné aux hommes si intelligents et si énergiques de notre patrie pour en faire un si misérable usage ? […] Balayer de la scène le moyen âge et installer à sa place un âge de justice, de logique, de vérité, de liberté, de fraternité, conçu d’une seule pièce et jeté d’un seul jet ; En religion, conserver la belle morale et la sainte piété chrétienne, en détrônant les intolérances ; En politique, supprimer les féodalités oppressives des peuples, pour les admettre aux droits de famille nationale, et leur laisser la faculté de grandir au niveau de leur droit, de leur travail, de leur activité libre ; En législation, supprimer les privilèges iniques pour inaugurer les lois communes à tous et à tous utiles ; En magistrature, remplacer l’hérédité, principe accidentel et brutal d’autorité, par la capacité, principe intelligent, moral et rationnel ; En autorité législative, remplacer la volonté d’un seul par la délibération publique des supériorités élues, représentant les lumières et les intérêts généraux du peuple tout entier ; Enfin, en pouvoir exécutif, respecter la monarchie, exception unique à la loi de capacité, pour représenter la durée éternelle d’une autorité sans rivale, sans éclipse, sans interrègne ; honorer cette majesté à perpétuité de la nation, mais la désarmer de tout arbitraire, et n’en faire que la majestueuse personnification de la perpétuité du peuple : voilà la véritable Révolution française, voilà le plan des architectes sages et éloquents des deux siècles. […] Sa pensée se brouille dans sa tête et la plus grande pensée des siècles aboutit à la guerre et à la servitude. […] Le jugement final porté par moi dans les Girondins sur cet homme, sur ses systèmes et sur ses actes, est trop implacable de sévérité pour qu’on puisse m’imputer aucune complicité d’idées ou aucune intention d’atténuation de ses immanités, juste horreur des siècles.

1326. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (1re partie) » pp. 305-364

Nous avons fait tous deux d’illustres naufrages : l’un, échoué sur un bel écueil, au milieu du libre Océan ; l’autre, sur la vase d’une ingrate patrie, la quille à sec, les voiles en lambeaux, les mâts brisés, le gouvernail aux mains du hasard ; l’un, plein d’espérances et de nobles illusions, ces mirages de la seconde jeunesse des hommes forts ; l’autre, décougégé, trouvant les hommes toujours les mêmes dans tous les siècles, et n’attendant d’eux dans l’avenir que l’éternelle vicissitude de leur nature, qui naît, qui se remue, qui se répète et qui meurt, pour se répéter encore jusqu’à satiété ! […] Je ne me crois ni plus ni moins d’intelligence que la généralité des hommes de mon siècle, et, à mon tour, je vous déclare que j’ai appliqué, pendant la moitié de ma vie, toute l’intelligence telle quelle dont Dieu m’a plus ou moins doué à comprendre ce que vos apôtres et vos faux prophètes vous promettent dans ce que vous appelez l’organisation du travail, et que, malgré toute mon application et tous mes efforts, il m’a été impossible d’y rien comprendre. […] « Il sera rejeté comme ce noir génie « Effrayant par sa gloire et par son agonie, « Qui tomba jeune encor, dont ce siècle est rempli. […] « Ô siècle, arrache-toi de tes pensers frivoles !

1327. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 février 1885. »

L’avenir, — cela peut être espéré, — fera triompher Wagner de ces oppositions : aujourd’hui les abonnés du Siècle et du Charivari apprécient encore M.  […] Depuis que le maître est couché pour les siècles sous sa pierre de Wahnfried, la place immense qu’il tenait parmi nous apparaît davantage ; sa gloire monte comme un soleil, éblouissante et féconde, et l’oiseau mystérieux dont Siegfried entendit la voix dans la forêt chante incessamment au-dessus des lauriers de sa tombe. […] Mais le public a été consolé par la qualité grande de la quantité petite : le feuilleton du 5 janvier du Siècle, a été précieux. […] Il semble aujourd’hui bien prouvé, dit M. de la Villemarqué dans sa célèbre étude sur les Romans de la Table ronde2, que les troubadours provençaux chantaient ses aventures dès l’année 1150 ; malheureusement leurs poèmes sont perdus ; quelques parties de ceux des trouvères ont survécu : l’un des trois plus anciens doit avoir été rédigé par un certain Bérox dans les dernières années du règne de Henri II, roi d’Angleterre ; le second est l’œuvre d’un poète nommé Thomas, postérieur au moins d’un quart de siècle au premier ; le troisième est généralement attribué à Chrestien de Troyes, déjà mort au commencement du treizième siècle.

1328. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 février 1886. »

C’est que, décidément, le palais de l’Institut est loin de Paris, et il faut des années ou des siècles pour que les bruits du monde y puissent parvenir. […] Ses douleurs, amassées pendant des siècles, sont un poids qui l’écrase. « Oh ! […] Il en est résulté dans les esprits russes, tous imprégnés depuis des siècles par ces mélodies, une association rigoureuse entre les émotions et les signes qui les expriment. […] La seconde forme était la plus appliquée durant les deux derniers siècles, surtout dans la poésie lyrique.

1329. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 décembre 1886. »

Dans la Saga de Sigurd telle qu’au commencement du siècle les habitants des îles Feroë avaient encore coutume de la chanter, Siegmund est tué par le fils (l’un guerrier nommé Hunding ; sa femme Hioerdis reçoit du héros mourant les deux morceaux de l’épée brisée au combat : « Dans ton sein, dit Siegmund, tu portes un fils de héros, l’espérance de ma race. […] Des poètes, des chevaliers, des moines sont allés entendre l’oiseau des bois ; saisis par le charme, ils sont demeurés dans la fascination de leur songe : en une heure, des siècles ont passé pour eux. […] Son œuvre est jeune pour les siècles, et il en sera de même de l’œuvre de Wagner. […] Il dépense des millions tous les ans en achats de tableaux et de sculptures et en créations et dotations de musées, et toujours on nous ressasse les oreilles de l’influence sur le goût et sur la culture du peuple que ces choses doivent exercer ; il n’en est rien cependant, — « lorsque l’art allemand se releva de sa profonde décadence à la fin du siècle passé, il n’y avait point de musées ; aujourd’hui que chaque ville en possède, la peinture allemande tombe dans la plus absolue inanité… Pourquoi du reste l’état n’achète-t-il pas des romans, et ne commande-t-il pas des valses ? 

1330. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Ernest Feydeau » pp. 106-143

Feydeau, embrouillé dans les scepticismes et les ignorances religieuses de son siècle, quand il eut le courage de se faire, dans Fanny, bourreau d’adultère, cette espèce d’éclair s’est vite éteint et sans avoir rien allumé. […] Il a sur les idées un siècle de plus. […] costumés avec le caoutchouc du siècle, baissés de trente-six crans, et transposés du ton féodal dans le ton moderne et bourgeois ; et les événements de ce poëme, en strophes de prose, sont de même transposés et baissés, et les détails aussi, et toutes choses enfin de ce livre, échoué sans naufrage ! […] Mettre des théories quelconques dans un roman est encore une des manies de notre siècle.

1331. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XIV » pp. 58-60

— La pièce d’Adolphe Dumas à la Porte Saint-Martin (Mademoiselle de La Vallière) réussit comme mélodrame ; c’est le siècle de Louis XIV traduit à l’usage des faubourgs.

1332. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — Q — Quinet, Edgar (1803-1875) »

Elle a le double aspect, ce qu’on pourrait appeler le double versant, politique et littéraire, et par conséquent la double utilité dont notre siècle a besoin ; d’un côté le droit, de l’autre l’art ; d’un côté l’absolu, de l’autre l’idéal… Le style d’Edgar Quinet est robuste et grave, ce qui ne l’empêche pas d’être pénétrant.

1333. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — I. » pp. 134-154

Voilà, ajoute L’Estoile dans un langage plein de satiété et de pléonasme, et qui semble regorger de son objet, voilà les augustes et magnifiques titres de grandeur du grand duc de notre siècle. […] Mézeray, très bon historien pour ces derniers siècles, portait de Sully le jugement juste et vrai qu’il faut qu’on en porte encore, mais sans embellissement et sans enthousiasme : « Outre qu’il était infatigable, ménager et homme d’ordre, dit-il, il avait la négative fort rude, et était impénétrable aux prières et aux importunités, et attirait à toutes mains de l’argent dans les coffres du roi. » Tant que Louis XIV régna, il fut assez peu question des grandeurs et des gloires des règnes précédents. […] Henri IV et Sully ne sont pas ce que les avait faits, après deux siècles, une tradition complaisante et légèrement mensongère : donc ils sont l’opposé et le contrepied de cette tradition.

1334. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — II. (Fin.) » pp. 513-532

Je n’ai pas à suivre l’histoire de cette croisade de saint Louis, mais à y noter seulement quelques faits qui caractérisent le saint roi, son naïf historien et le siècle. […]   Les compatriotes du sire de Joinville, justement fiers de sa renommée de plus en plus pure et de mieux en mieux dessinée après des siècles, viennent de lui vouer un hommage public, et de décider qu’il lui sera élevé une statue99. […] [NdA] Car il dicte et n’écrit pas ; et j’emprunte ici une remarque à un érudit en ces matières : On s’est longtemps récrié sur l’ignorance de l’antique noblesse, sur l’incapacité de tel ou tel seigneur qui ne savait pas écrire, attendu sa qualité de gentilhomme : si l’on se reporte au temps où tout châtelain avait à ses côtés un clerc ou chapelain, dont l’emploi était de tenir la plume pour son maître, on verra qu’il n’y avait rien d’extraordinaire à ce que le seigneur se dispensât d’écrire ; les écrivains alors remplaçaient les imprimeurs d’aujourd’hui, et étaient destinés comme eux à transmettre aux siècles futurs les pensées et les actes de leur époque… Les gens du métier seulement transcrivaient ce qu’on voulait conserver ; il en résulte de belles et uniformes copies.

1335. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

L’histoire, où il excellait aussi, et où il se montrait supérieur quand elle était contemporaine ou presque contemporaine, ne le conviait pas moins à devenir un auteur célèbre dans le sens le plus respectable du mot, le peintre de son siècle et du siècle précédent. […] Je crois voir, en un mot, dans ces travaux de Voltaire, sinon le germe, tout au moins un élément très essentiel de l’action qu’il a exercée sur son siècle… » — Nous autres, Français, nous sommes un peu lestes dans nos conclusions, et nous avons beau faire, nous ressemblons plus ou moins à ce seigneur Pococurante que Voltaire lui-même a introduit dans Candide.

1336. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de l’Académie française, par Pellisson et d’Olivet, avec introduction et notes, par Ch.-L. Livet. » pp. 195-217

On se lisait les uns aux autres les ouvrages qu’on avait composés ; on se critiquait, on s’encourageait. « Les conférences étaient suivies tantôt d’une promenade, tantôt d’une collation en commun. » Pendant trois ou quatre ans, on continua de la sorte avec une entière obscurité et liberté : « Quand ils parlent encore aujourd’hui de ce temps-là et de ce premier âge de l’Académie, nous dit Pellisson, ils en parlent comme d’un âge d’or, durant lequel avec toute l’innocence et toute la liberté des premiers siècles, sans bruit et sans pompe, et sans autres lois que celles de l’amitié, ils goûtaient ensemble tout ce que la société des esprits et la vie raisonnable ont de plus doux et de plus charmant. » Il y avait secret promis et gardé : Qui sapit in tacito gaudeat ille sinu. […] Il y a des gens qui parlent d’un grand siècle littéraire de saint Louis, comme s’ils le voyaient aussi clairement que le siècle de Louis XIV.

1337. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. De Pontmartin. Causeries littéraires, causeries du samedi, les semaines littéraires, etc. »

Il le maudit en masse, ce malheureux siècle, sans le bien connaître et faute d’y avoir habité. […] Tu le sais, d’Auberive, notre Dauphiné est fier de vous : dans ce temps où tout s’en va, votre race a conservé intact cet honneur, ce vieil et pur honneur qui est le premier des biens… Si jamais tu pouvais l’oublier, je m’en souviendrais pour toi… Quand je regarde ton Emmanuel, si enthousiaste, si beau, si digne de sa sainte mère, je retrouve en lui cette fleur de noblesse que notre siècle ne connaît plus, qui bientôt, peut-être ne sera plus qu’un nom, mais que nous ne devons pas laisser périr, nous qui en sommes les gardiens… Quoi ! […] Dans quel siècle l’auteur croit-il donc vivre ?

1338. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid(suite et fin.)  »

— Oui, admirable ; mais il faut ajouter, pour rendre justice à qui de droit, pour rendre à César ce qui est à César, que ce n’est qu’admirablement traduit de Guillem de Castro, comme tant d’autres passages et de belles paroles dont la monnaie circule et retentit depuis deux siècles. […] Il y avait un siècle que les mystères et les miracles proprement dits étaient bannis de notre théâtre. […] Le Cid contribua plus qu’aucune autre pièce à fixer le caractère du théâtre sur toutes les scènes du continent pendant plus d’un siècle.

1339. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre II. De l’expression »

En cela encore, La Fontaine s’est écarté de l’opinion de son siècle. […] Les écrivain du siècle sont soutenus ; ils gardent le même ton, noble ou plaisant. […] Comment a-t-il pu s’assouplir, et quel est le réformateur naïf qui, sans fracas, sans effort, devance d’un siècle et demi notre révolte romantique ?

1340. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Adrienne Le Couvreur. » pp. 199-220

Le siècle qui allait être celui de Voltaire ne pouvait souffrir longtemps un tel désaccord entre les divers interprètes des arts, et Mlle Le Couvreur fut la première, non pas à protester, mais (ce qui vaut mieux) à opérer doucement une révolution par le charme de son influence. […] Le ton qui y régnait ne devait pas ressembler à celui que nous voyons établi, vers le milieu du siècle, dans les soupers de Mlle Quinault. […] En entendant, l’autre jour, le drame intéressant dans lequel la lutte du talent et du sentiment vrai contre le préjugé et l’orgueil social est si vivement représentée sous son nom, je me disais combien les choses ont changé depuis un siècle, combien la haute société ne mérite plus, à cet égard du moins, les mêmes reproches, et combien elle est peu en reste d’admiration et de procédés délicats envers tout talent supérieur.

1341. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame Geoffrin. » pp. 309-329

Elle n’embrassa pas seulement dans sa sollicitude les gens de lettres proprement dits, mais elle s’occupa des artistes, sculpteurs et peintres, pour les mettre tous en rapport entre eux et avec les gens du monde ; en un mot, elle conçut l’encyclopédie du siècle en action et en conversation autour d’elle. […] Le siècle s’ennuyait à la fin d’être contenu par elle et conduit à la lisière, il voulait parler de tout à haute voix et à cœur joie. […] En un mot, elle continue de représenter l’esprit déjà philosophique, mais encore modérateur, de la première partie du siècle, tant qu’il n’avait pas cessé de reconnaître de certaines bornes.

1342. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire des travaux et des idées de Buffon, par M. Flourens. (Hachette. — 1850.) » pp. 347-368

Buffon, le dernier disparu des quatre grands hommes du xviiie  siècle, ferma pour ainsi dire ce siècle le jour de sa mort, 16 avril 1788. […] Ce fut un des événements du siècle. […] Il souffrait qu’on parlât de lui et de son génie à bout portant, et il en parlait lui-même avec bonhomie, comme en parlait déjà son siècle et comme allait faire la postérité.

1343. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Œuvres de Louis XIV. (6 vol. in-8º. — 1808.) » pp. 313-333

Regrettait d’en être venu si tard à l’étude de l’histoire, il considère que « la connaissance de ces grands événements que le monde a produits en divers siècles, étant digérée par un esprit solide et agissant, peut servir à fortifier la raison dans toutes les délibérations importantes ». […] Il voudrait que son fils, au lieu de s’arrêter en chemin, et de regarder autour de lui et au-dessous de lui, ceux qui valent moins, reportât ses regards plus haut : Pensez plutôt à ceux qu’on a le plus sujet d’estimer et d’admirer dans les siècles passés, qui d’une fortune particulière ou d’une puissance très médiocre, par la seule force de leur mérite, sont venus à fonder de grands empires, ont passé comme des éclairs d’une partie du monde à l’autre, charmé toute la terre par leurs grandes qualités, et laissé depuis tant de siècles une longue et éternelle mémoire d’eux-mêmes, qui semble, au lieu de se détruire, s’augmenter et se fortifier tous les jours par le temps.

1344. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

Nisard admire les Pensées autant que qui que ce soit, et ce grand sujet, qui a inspiré les écrivains les plus illustres de notre siècle, Chateaubriand, M.  […] Jusqu’au moment où l’Académie s’est trouvée remplie par les hommes de génie du siècle, par ceux-là mêmes qui ont fait les chefs-d’œuvre qu’elle aurait précédés, jusque-là, dis-je, l’Académie me paraît avoir eu bien peu d’influence sur les œuvres littéraires. […] En cela, Bossuet était bien du siècle de Louis XIV.

1345. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rivarol » pp. 245-272

cette gloire qui, dans un autre temps que le sien, aurait pu être fièrement et grandement littéraire, avait presque disparu tout entière dans une autre gloire qui semble l’avoir consumée, et c’était la gloire brûlante et sur place du causeur, et du causeur le plus spontané, le plus éclatant, le plus étonnant d’un siècle fameux surtout par la causerie. […] plus rare que la gloire littéraire, car vous pouvez compter ce qu’il y a dans un siècle de littérateurs — et même de littérateurs de talent !  […] Il est dans ces pages intitulées : Tableaux de la Révolution, journal politique national, où, sous la plume de Rivarol, le Journalisme est monté à la hauteur de l’Histoire, et, depuis un siècle tout à l’heure, n’est pas redescendu de cette hauteur… Et je ne crois pas qu’il en redescende !

1346. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — L’inter-nationalisme »

Si les cités actuelles veulent résolument s’engager dans une voie large, il leur faut, en tout premier lieu, abandonner aux siècles morts cette conception barbare, puérile et néfaste, de la patrie considérée comme un monde indépendant du monde lui-même. […] Toutefois, dominé par l’exclusivisme atavique de son jugement non moins que par l’opinion vulgaire entachée d’erreur, il agit presque toujours comme si les siècles écoulés n’avaient pas modifié du tout au tout la conception nationale de l’homme antique. […] I De l’immense labeur sociologique accompli en ce siècle par des myriades de savants et de philosophes, de l’accumulation des enquêtes et des hypothèses, se dégagent lentement quelques unes des lois capitales dominant la vie des sociétés.

/ 2731