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1498. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre I. Shakespeare — Sa vie »

Il y voyait et traitait familièrement deux assidus de son théâtre, Decker, auteur du Guis Hornbook, où un chapitre spécial est consacré à « la façon dont un homme du bel air doit se comporter au spectacle », et le docteur Symon Forman qui a laissé un journal manuscrit contenant des comptes rendus des premières représentations du Marchand de Venise et du Conte d’hiver. […] § VII En 1589, pendant que Jacques VI d’Écosse, dans l’espoir du trône d’Angleterre, rendait ses respects à Élisabeth, laquelle, deux ans auparavant, le 8 février 1587, avait coupé la tête à Marie Stuart, mère de ce Jacques, Shakespeare fit son premier drame, Périclès. […] En 1593, pendant que les jésuites obtenaient du pape la permission expresse de faire peindre « les tourments et supplices de l’enfer » sur les murs de « la chambre de méditation » du collège de Clermont, où l’on enfermait souvent un pauvre adolescent qui devait, l’année d’après, rendre fameux le nom de Jean Châtel, il fit la Sauvage apprivoisée. […] Il y a sur ce tombeau un petit buste, d’une ressemblance douteuse et d’un art médiocre, mais, ce qui le rend vénérable, contemporain de Shakespeare.

1499. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ernest Hello » pp. 207-235

[I] Il faut réellement se tenir à quatre pour rendre impartialement justice à ce livre d’Ernest Hello, quand on a passé par la préface de M.  […] III Livre tout en style et tout en idées, qui, par sa nature, répugne au compte rendu de la Critique. […] Lacordaire surtout (rendons-lui cette justice), Lacordaire, dont la tache, restée sur son froc, sera d’avoir trop été un moderne, redevint, en écrivant la Vie de Saint Dominique, un dominicain du xiiie  siècle, un dominicain éternel. […] Il a touché d’un effleurement de feu trente-deux têtes de Saints qu’il a rendues flamboyantes, mais, puisqu’il aimait les Saints, puisqu’il les comprenait et qu’il savait pénétrer dans les merveilleux arcanes de leurs âmes, quel dommage qu’il n’ait pas pu se consacrer tout entier à leur gloire et qu’il ne l’ait pas vengée des abaissements que leur ont fait subir la philosophie et l’indifférence modernes, qui ne se doutent pas, les malheureuses !

1500. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre III. “ Fantômes de vivants ” et “ recherche psychique ” »

Je soupçonne qu’il y a eu ici un effet de « clairvoyance » ou de « télépathie », que vous avez senti de loin l’intérêt que je prenais à vos investigations, et que vous m’avez aperçu, à quatre cents kilomètres de distance, lisant attentivement vos comptes rendus, suivant vos travaux avec une ardente curiosité. […] Une conscience qui ne serait qu’un duplicatum, et qui n’agirait pas, aurait depuis longtemps disparu de l’univers, à supposer qu’elle y eût jamais surgi : ne voyons-nous pas que nos actions deviennent inconscientes dans la mesure où l’habitude les rend machinales ? […] Ces lésions rendent, en réalité, impossible ou difficile l’évocation des souvenirs ; elles portent sur le mécanisme du rappel, et sur ce mécanisme seulement. […] Si cette inter-communication existe, la nature aura pris ses précautions pour la rendre inoffensive, et il est vraisemblable que certaine mécanismes sont spécialement chargés de rejeter dans l’inconscient les images ainsi introduites, car elles seraient fort gênantes dans la vie de tous les jours.

1501. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XI : M. Jouffroy moraliste »

« Dès que nous avons conçu que tout être a une fin, nous recueillons de l’expérience cette seconde vérité, que cette fin varie de l’un à l’autre, et que chacun a la sienne qui lui est spéciale85. » Ces deux vérités nous en découvrent une troisième, à savoir que « si chaque être a une fin qui lui est propre, chaque être a dû recevoir une organisation adaptée à cette fin, et qui le rendît propre à l’atteindre : il y aurait contradiction à ce qu’une fin fût imposée à un être, si sa nature ne contenait le moyen de la réaliser. » Puisque la nature des êtres est appropriée à leur fin, on pourra, en étudiant la nature d’un être, connaître sa fin, de même qu’en étudiant la structure d’un édifice on peut conclure sa destination. Puisque chaque être a sa fin, la création, qui n’est que l’ensemble des êtres, a sa fin ; « et les fins particulières de tous les êtres qui peuplent et composent l’univers ne sont que des moyens divers qui concourent à l’accomplissement de cette fin totale et suprême. » — « Ce concours des fins éparses aspire à un but unique, celui-là même que Dieu s’est proposé en laissant échapper l’univers de ses mains. » Jusqu’ici les conceptions et les déductions qu’on vient de lire ne sont que spéculatives ; la remarque suivante les rend pratiques ; elles n’étaient que des œuvres de science, elles deviennent des ressorts d’action. […] Mais, par un triste hasard, ce changement de sens qui rend vraies les dernières propositions de M. Jouffroy rend les premières fausses ; or, les dernières dépendent des premières ; de sorte que tout croule, et qu’il n’y a plus rien debout.

1502. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXVI » pp. 100-108

Genoude a le privilége de mettre les Débats en gaieté, de leur rendre la verve aux moments de lassitude et de disette. […] On était aux premières années de la Restauration ; pour arrondir son nom ou pour le rendre moins rond, il l’a entouré de deux de (pardon de l’inévitable cacophonie) ; il en a fait de Genoude.

1503. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « [Addenda] »

Il vient de faire un tableau peu flatteur de la Cour de Louis XV, et des intrigues qui s’y croisent : « C’est au milieu, dit-il, de ces luttes sourdes et intestines que parut Marie-Antoinette, parée de sa candeur, de ses quinze ans, de sa beauté et de cette noblesse native, tempérée de sensibilité, qui, sans qu’elle y songeât, lui donnait un si grand air et la rendait si touchante. […] Voilà qui est bien conforme et « en parfaite harmonie avec le goût théâtral du moment où nous vivons71. » Pour peu donc qu’on ait le sentiment dramatique et qu’on se mette à envisager les choses à ce point de vue, on indiquerait d’avance, comme dans un bon cours de rhétorique, les endroits, les motifs qui prêtent à une jolie lettre et qui font canevas ou thème :   Le moment où la Dauphine quitte les terres de l’empire ; Le moment où elle met le pied sur la terre de France ; Le moment, la minute qui suit la célébration du mariage ; Le moment, la minute où elle devient reine, Louis XV venant de rendre le dernier soupir ; Le moment où, souveraine outragée, elle apprend l’Arrêt du Parlement dans l’affaire du Collier, etc., etc.

1504. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIV. De la plaisanterie anglaise » pp. 296-306

La plupart des hommes, absorbés par les affaires, ne cherchent, en Angleterre, le plaisir que comme un délassement ; et de même que la fatigue, en excitant la faim, rend facile sur tous les mets, le travail continuel et réfléchi prépare à se contenter de toute espèce de distraction. La vie domestique, des idées religieuses assez sévères, des occupations sérieuses, un climat lourd, rendent les Anglais assez susceptibles des maladies d’ennui ; et c’est par cette raison même que les amusements délicats de l’esprit ne leur suffisent pas.

1505. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 1. Éléments et développement de la langue. »

Cette langue nationale unique se superpose aux patois locaux, plus ou moins distincts, dégradés, ou vivaces, auxquels parfois le caprice individuel ou le patriotisme provincial rendent artificiellement une existence littéraire. […] Au nord de la ligne idéale dont on vient de parler, toute la Gaule romaine à peu près appartient au français, un peu diminuée pourtant au Nord-Est, où les invasions barbares ont fait avancer le tudesque au-delà du Rhin jusque vers la Meuse et les Vosges, et à l’Ouest, où les Bretons chassés de Grande-Bretagne par la conquête anglo-saxonne ont rendu au celtique une partie de l’Armorique.

1506. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre III. Buffon »

Il fuit Paris dès qu’il peut, et se rend à Montbard : là il se lève à cinq heures, il s’enferme dans son cabinet, et dicte jusqu’à neuf heures. […] Il rendit deux grands services à la science et à la littérature : à la science, le service de la dégager des aventures irréligieuses, immorales, où les philosophes la compromettaient ; à la littérature, le service de lui donner l’histoire naturelle comme une nouvelle province.

1507. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « George Sand. »

La Porte Saint-Martin va reprendre les Beaux Messieurs de Bois-Doré, cette délicieuse comédie romanesque ; et l’Odéon promet de nous rendre bientôt Claudie, ce drame rustique dont le premier acte, au moins, est un chef-d’œuvre, une géorgique émouvante et grandiose. […] Leur manie d’analyse, leur peur d’être dupes, et peut-être un appauvrissement du sang les ont rendus incapables d’aimer et réduits à la recherche maladive des sensations rares.

1508. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — K — Kahn, Gustave (1859-1936) »

Verlaine, rendue seulement à sa pleine valeur poétique, par la suppression de toutes règles vaines et du stérile désir de raconter une histoire. […] Cette petite école cherche donc la forme la plus capable de rendre les tâtonnements, les changements de résolutions, les subites décisions qui sont l’« entrclac » tracé actuellement par la plupart des cerveaux.

1509. (1890) L’avenir de la science « XIV »

Au surplus, ma complète ignorance de la vie réelle m’y rendrait tout à fait incompétent. […] Les charges qu’on impose au contribuable pour ces fins spiritualistes sont au fond un service qu’on lui rend.

1510. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Montmaur, avec tout le Parnasse Latin & François. » pp. 172-183

Un mauvais cœur, un esprit caustique, une mémoire chargée d’anecdotes scandaleuses contre les auteurs morts & vivans ; ses épigrammes & sa réputation d’homme à bons mots ; son avarice sordide, quoiqu’il eut amassé, par toutes sortes de voies, des biens considérables ; sa fureur de primer partout ; sa profession de parasite : voilà ce qui le rendit l’objet de la haine, ou le sujet des plaisanteries des auteurs. […] Ils se rendent des premiers à la maison du président, & mettent la conversation sur Montmaur.

1511. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Milton, et Saumaise. » pp. 253-264

Croiroit-on qu’un écrivain obscur & mauvais patriote ait osé, depuis quelques années, s’élever à Londres contre le culte qu’on y rend à l’Homère Anglois ? […] Quoique tous les livres en faveur des parlementaires rebèles eussent été composés par des écrivains plus factieux encore, & que l’esprit seul qui dictoit ces ouvrages dût les rendre méprisables, ils ne laissoient pas de faire des impressions profondes dans les têtes même les mieux organisées.

1512. (1867) Le cerveau et la pensée « Avant-propos »

On nous rendra cette justice que nous discutons nos adversaires sans haine et sans colère : nous serions plutôt disposé à leur savoir gré de nous fournir l’occasion d’étudier les choses de plus près, et de nous rendre mieux compte de nos propres opinions.

1513. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre III. Parallèle de la Bible et d’Homère. — Termes de comparaison. »

Aigle, en grec, se rend par αἰετὸς, vol rapide. […] Dans la Bible, au contraire, le plus haut sublime provient souvent d’un contraste entre la grandeur de l’idée et la petitesse, quelquefois même la trivialité du mot qui sert à la rendre.

1514. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Lépicié » pp. 275-278

Je lui garantis l’entreprise de toutes les chapelles de Ste Reine et autres lieux tant en France qu’ailleurs, où les paysans malheureux aiment mieux mendier dans les grandes villes que de rester dans leurs villages à cultiver des terres où ils déposeraient leur sueur et qui ne rendraient pas un épi pour les nourrir ; à moins qu’il n’aime mieux exercer les deux métiers à la fois, faire la curiosité et la montrer. […] Les progrès de l’esprit humain chez un peuple rendent ce plan mobile.

1515. (1767) Salon de 1767 « De la manière » pp. 336-339

Celui qui a étudié l’écorché voit et rend toujours le dessous de la peau. […] L’imitation rigoureuse de nature rendra l’art pauvre, petit, mesquin, mais jamais faux ou maniéré.

1516. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 33, de la poësie du stile dans laquelle les mots sont regardez en tant que les signes de nos idées, que c’est la poësie du stile qui fait la destinée des poëmes » pp. 275-287

Voilà pourquoi nous admirons plusieurs poëmes qui ne sont rien moins que reguliers, mais qui sont soutenus par l’invention et par un stile plein de poësie, qui de moment en moment présente des images qui nous rendent attentifs et nous émeuvent. […] L’abbé De Chaulieu nous présente cependant cette pensée sous des images qui la rendent capable de toucher infiniment.

1517. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 3, que l’impulsion du génie détermine à être peintre ou poëte, ceux qui l’ont apporté en naissant » pp. 25-34

Tous les poëtes, dont le nom s’est rendu célebre, sont une preuve encore plus forte de ce que j’avance sur la force de l’impulsion du génie. […] Nous verrons que la plûpart de ceux qui se sont rendus illustres en exerçant ces professions, n’y ont pas été engagez par les conseils et par l’impulsion de leurs parens, mais par une inclination naturelle qui venoit de leur génie.

1518. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 30, objection tirée des bons ouvrages que le public a paru désapprouver, comme des mauvais qu’il a loüez, et réponse à cette objection » pp. 409-421

On pourroit objecter encore que les grecs et les romains rendirent souvent dans leurs théatres des sentences injustes et qu’ils infirmerent dans la suite. […] Les empereurs qui vouloient se rendre agréables au peuple, ôtoient même la garde de soldats qu’on mettoit quelquefois aux théatres.

1519. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XV. De Tacite. D’un éloge qu’il prononça étant consul ; de son éloge historique d’Agricola. »

Qu’on imagine une langue rapide comme les mouvements de l’âme ; une langue qui, pour rendre un sentiment, ne se décomposerait jamais en plusieurs mots ; une langue dont chaque son exprimerait une collection d’idées : telle est presque la perfection de la langue romaine dans Tacite. […] qui nous consolera de n’avoir pu, dans ta maladie, te rendre les devoirs et les soins les plus tendres, de n’avoir pu te serrer dans nos bras, nous rassasier d’une vue si chère, recueillir de ta bouche mourante tes derniers soupirs et tes derniers avis ?

1520. (1936) Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours pp. -564

Mais il ne faut pas rendre ce régime responsable de la médiocrité des lettres sous Napoléon. […] La Restauration rend ses libertés à la République des Lettres. […] Les services que ces hommes éclairés ont rendus en politique peuvent être reconnus, mais sont incontestablement moindres que ceux qu’ils auraient rendus à la société en restant maîtres du poste des idées. […] Depuis quatre ans Lamartine s’est rendu à la Chambre maître de l’art de la parole. […] On se rendra mieux compte de cet écart en comparant la situation de Hugo à celle de Lamartine.

1521. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

Une pareille intolérance aboutirait bientôt à rendre toute littérature impossible. […] Maurice Barrès rend merveilleusement ces « symphonies de la prairie ». […] Les éditeurs d’autrefois n’avaient guère l’habitude de rendre des comptes. […] Même si l’on ne souscrit pas à toutes ses conclusions, son lumineux talent d’exposition rend d’inestimables services. […] Mais ne nous rendra-t-on jamais les morceaux du Journal d’un poète élagués par Ratisbonne ?

1522. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Les nièces de Mazarin et son dernier petit-neveu le duc de Nivernais. Les Nièces de Mazarin, études de mœurs et de caractères au xviie  siècle, par Amédée Renée, 2e éd. revue et augmentée de documents inédits. Paris, Firmin Didot, 1856. » pp. 376-411

Renée a donc su rendre, par un agréable enchaînement de citations, d’extraits et d’observations rapides, l’existence et le caractère de la comtesse de Soissons, de la duchesse de Mazarin, de la duchesse de Bouillon ; il nous a introduits dans cette compagnie choisie de l’hôtel de Nevers, dans ce mystérieux ménage « qui joignait les grâces de Mortemart61 et l’imagination de Mancini ». […] Vous trouverez qu’il a grand soin de ne rien dire et de ne rien faire qui puisse être imputé à mépris ou à négligence, ni qui puisse le moins du monde atteindre la vanité ou l’amour-propre des autres : loin de là, vous apercevrez qu’il rend les gens contents de lui, faisant en sorte que chacun soit content de soi-même ; il a du respect, des égards, de l’estime et de l’attention, précisément là où chacune de ces choses est de mises il les sème avec soin, et il en recueille des fruits à foison. […] Il intervint utilement, et de la seule manière dont il le pouvait, en tâchant de faire prolonger indéfiniment les procédures : « Car il ne faut pas se flatter, écrivait-il, de terminer cette affaire autrement que par insensible transpiration, et en la traînant si longtemps que cela la fasse oublier, ce qui n’est pas même fort aisé ; car quand une fois un livre est dénoncé ici, vous ne sauriez croire avec quelle ardeur quatre zélés et quatre mille hypocrites le poursuivent. » Il réussit pourtant à rendre à son illustre confrère ce bon office auquel se prêta la partie sage de la cour romaine. — Le duc de Nivernais avait auprès de lui, dans son ambassade de Rome, un homme d’esprit et de talent, La Bruere, auteur d’opéras et capable de mieux, et qui, s’il avait vécu, aurait appris au public à distinguer son nom de celui de son presque homonyme. […] C’est, concluait-il, ce qui rend intéressant et nécessaire de connaître le caractère du roi de Prusse, qui est à lui-même son ministre, son général, son conseil ; qui délibère, qui détermine sans consulter personne, et même sans communiquer à personne. […] Beaucoup d’agrément dans la société, d’aménité dans les mœurs, le ton excellent d’un grand seigneur homme de cour, et peut-être un peu trop homme de lettres… » Enfin (et ceci est plus sérieux), on lit dans une lettre du général en chef Bonaparte au général Joubcrt, datée du quartier général, Milan, 14 thermidor an v (1er août 1737) : « Il y a à Vicence, citoyen général, la veuve Brissac, fille du respectable Mancini-Nivernais ; elle est hors de France depuis 1787 ; je ne vois point d’inconvénient à ce que vous lui donniez un passeport pour se rendre au quartier général, comme je lui en ferai donner un pour se rendre en France ; je vous prie même, si l’occasion s’en présentait naturellement, de lui faire des honnêtetés.

1523. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME GUIZOT (NEE PAULINE DE MEULAN) » pp. 214-248

Une autre raison plus fondamentale entre autres, qui rend le La Bruyère difficile de nos jours, c’est qu’on ne sait plus bien ce que sont certains défauts auxquels le moraliste jette tout d’abord un coup d’œil pénétrant, et que sa sagacité évente pour ainsi dire. […] Mais ne craindraient-ils pas d’avoir un reproche à se faire à eux-mêmes, si, par une opinion légèrement énoncée, ils parvenaient à m’ôter ou du moins à me rendre plus difficile le courage dont j’ai pu avoir besoin pour sacrifier, à ce que je regardais comme un devoir, des convenances que mon éducation et mes habitudes m’avaient appris à respecter ? […] Au mois de mars 1807, sous le coup de nouvelles douleurs domestiques, et dans un grand dérangement de santé, elle se vit forcée d’interrompre un moment son travail ; mais une lettre arrive, qui lui offre des articles qu’on tâchera de rendre dignes d’elle durant tout le temps de l’interruption. […] En ce point, notez-le, Mme Guizot est fermement du siècle, de la philosophie, de l’expérience, qui examine, va jusqu’au bout et ne se rend pas ; elle ne fait intervenir aucun élément mystérieux et irrationnel dans l’éducation. […] Le sentiment qu’elle inspire est tel que les termes d’estime et de respect peuvent seuls le rendre, et que c’est presque un manquement envers elle, toujours occupée d’être et si peu de paraître, que de venir prononcer a son sujet les mots d’avenir et de gloire 15 mai 1836.

1524. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVIe Entretien. Marie Stuart (reine d’Écosse) »

La licence de ses mœurs et les victoires de son libertinage l’avaient rendu célèbre à la cour d’Holyrood ; il s’était attaché à plusieurs des femmes de cette cour, moins pour les posséder que pour les déshonorer. […] Elles informent Bothwell, jour par jour, de l’état de la santé de Darnley et ses supplications pour que la reine lui rende ses priviléges de roi et d’époux, des progrès que les blandices de Marie Stuart font dans la confiance du jeune roi bercé d’espérances, de sa résolution de revenir avec elle partout où elle voudra le conduire, même à la mort, pourvu qu’elle lui rende son cœur et ses droits d’époux. […] En effet, la reine, à la nouvelle de la fuite de Darnley chez le comte de Lenox, son père, quitte soudainement son favori Bothwell ; elle se rend dans un de ses châteaux de plaisance, nommé Craig Millur ; elle y convoque secrètement les lords confédérés de son parti et du parti de Bothwell. […] Elle laisse les conjurés à Craig Millur ; elle se rend, contre toute convenance et contre toute vraisemblance, à Glascow, elle y trouve Darnley convalescent de la petite vérole ; elle le comble de tendresse ; elle passe les jours et les nuits au chevet de son lit ; elle renouvelle les scènes d’Holyrood après le meurtre de Rizzio ; elle consent aux conditions conjugales que Darnley implore. […] Un moment après, il appelle son valet de chambre et s’habille ; un de ses agents entre du dehors et lui parle bas à l’oreille ; il prend son manteau de cheval et son épée, couvre son visage d’un masque, sa tête d’un chapeau à larges bords et se rend à une heure du matin à la maison solitaire du roi.

1525. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIe entretien. Biographie de Voltaire »

Il avait la passion de la vérité, la vérité ne vieillit pas ; la pensée qui s’y attache et qui s’en nourrit n’a point de décadence ; chaque aurore lui rend son élasticité et sa vigueur. […] Quel tribut d’admiration dois-je lui rendre ? […] XXV Ce caractère lui rendit la vieillesse même gaie et heureuse : à plus de quatre-vingts ans il écrivait des vers qu’Anacréon n’aurait pas désavoués. […] Sa mort fut hâtée par cette faiblesse ; l’envie, qui avait poursuivi sa jeunesse, était morte avant lui ; pressé par sa nièce et par ses amis d’aller recueillir à Paris l’apothéose que la France lui décernait à l’unanimité sur ses derniers jours, il quitta à regret sa douce retraite de Ferney et se rendit à Paris. […] Le jour de la représentation d’Irène, il se rendit au théâtre à travers les flots d’un peuple ivre de son nom.

1526. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre IV. Le Séminaire d’Issy (1881) »

Une circonstance rendait de telles créations faciles et sans danger pour l’État, c’est qu’elles n’avaient pas de professorat intérieur. […] Ce qu’il y a de vertu dans Saint-Sulpice suffirait pour gouverner un monde, et cela m’a rendu difficile pour ce que j’ai trouvé ailleurs. […] Tantôt je le vois perdu au ciel parmi les troupes d’anges roses d’un paradis du Corrège ; tantôt je me figure la femme qu’il eût pu rendre folle d’amour le flagellant durant toute l’éternité. […] Mais le fanatisme rend parfois très sagace. […] Elles ont une saveur qui rend fades et insipides les meilleures choses.

1527. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mai 1886. »

Et une nouvelle peinture fut essayée, rendue possible par de naturelles circonstances. […] Il nous rend, aujourd’hui, le même sujet, mais agrandi, un peu modifié, toujours charmant. […] Fantin-Latour d’avoir adjoint la couleur aux éléments symphoniques qui rendaient si émouvants ses dessins wagnériens ? […] Le grand public anglais ne connaît l’Opéra que sous la forme introduite par Offenbach, traduite en anglais et rendue bien plus décente et bien moins amusante par Sullivan. […] Cette marche en si majeur est relevée par une autre en sol majeur, destinée à l’entrée des poètes ; d’une mesure plus lente, elle a un caractère plus réfléchi, plus élégant et plus noble que la première ; c’est là un de ces détails finement, intentionnés, qui rendent les compositions de Wagner riches, substantielles, et d’une étude si attachante.

1528. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « III »

Le morceau a été rendu avec cet admirable et unique instinct des œuvres artistiques que possède M.  […] Ces deux faits d’histoire ne contribuèrent pas peu à lui rendre sa couleur méridionale, à faire réapparaître, dans les récits merveilleux des poètes, des noms et des personnages empruntés à l’Orient. […] Ses gestes sont lourds et gauches : il a l’air étonné comme un innocent (c’est le mot populaire qui peut le mieux rendre l’expression allemande : thor) ; il pleure, rit, brusquement ; les émotions le trouvent sans force, et le récit de la mort de sa mère le fait souffrir comme une blessure ; il bondit pour étrangler Kundry, puis tombe inanimé : c’est bien là le sauvage, le grand enfant. […] Et tous les pharisiens — à l’envi — ont rendu témoignage. […] La Casserole : Compte rendu marollien en quatre numéros, par Bazoef.

1529. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1876 » pp. 252-303

Lundi 24 janvier Chez Alphonse Daudet. « Rendre l’irrendable » c’est ce que vous avez fait, — me dit, ce soir, Alphonse — ça doit être l’effort actuel, mais le point où il faut s’arrêter : voilà le difficile, sous peine de tomber dans le amphigourisme. […] Le duc s’y rend, pour jouir de l’ovation faite à sa musique. […] Toutes les fois qu’il rencontrait Rochefort, il lui parlait du Rembrandt, du fameux Rembrandt de Morny, lui arrachant la promesse de venir le voir, et prenant rendez-vous avec lui. […] Il se rend chez le pope, le grise, s’empare de son registre, gratte le nom de l’homme, puis… vous croyez qu’il substitue un autre nom — non, sur le nom gratté, il remet le même nom. […] J’avais rendez-vous avec le médecin chargé du dispensaire des maisons de prostitution de Vincennes et de l’École Militaire.

1530. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — IV. La Poësie dramatique. » pp. 354-420

La seconde, c’est que, leurs femmes menant une vie beaucoup plus retirée que les nôtres, & le langage de l’amour n’étant pas, comme aujourd’hui, la matière de tous les entretiens, les poëtes en étoient moins invités à traiter cette passion, la plus commune & pourtant la plus difficile à rendre par la délicatesse qu’elle exige. […] Ce goût tomba vers l’an 1660 ; mais on l’a relevé depuis, on l’a épuré, on l’a rendu digne d’une nation dont le génie est si analogue à celui des Grecs pour l’esprit, la politesse, les graces, l’enjouement & la bonne plaisanterie. […] Son adversaire lui passe de n’avoir jamais eu que des vues aussi petites ; mais il ne veut pas qu’on juge également de tous les écrivains, dont plusieurs peuvent avoir un objet important comme celui d’éclairer les hommes & de les rendre meilleurs, de servir le prince & la patrie. […] Les poëtes comiques, selon lui, s’attachent uniquement à tourner la bonté & la simplicité en ridicule, à rendre les vieillards la dupe & le jouet des jeunes gens. […] Tout ce qui pense chez eux, la laisse s’enivrer & fumer, & se rend en foule à la comédie à Carouge.

1531. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

Les comptes rendus dramatiques, c’est un « rapport » au public sur la dernière pièce. […] Mais si le compte rendu immédiat et aussi le compte rendu hebdomadaire sont choses si récentes, auparavant comment faisait-on ? […] Cela eût rendu l’académie charmante, féconde, et peut-être héréditaire. […] C’est cela qu’il faut rendre, c’est ainsi qu’il faut sauver le rôle, stupide du reste. […] À la vérité, ça suffit, et cela a été suffisant en effet pour la rendre immortelle.

1532. (1929) La société des grands esprits

Chacun de nous a pu s’associer au juste hommage qui lui était rendu en relisant ses œuvres. […] Il n’aura jamais à restituer, surtout s’il a rendu un jugement injuste, parce que rien ne l’obligeait à l’injustice, et son argent est donc plus légitimement gagné que s’il avait rendu un jugement juste, comme il y était tenu par son devoir. […] Grâces immortelles vous en soient rendues !  […] Et Chateaubriand n’a-t-il pas merveilleusement rendu la majesté de la campagne romaine ? […] On ne rendra jamais trop d’hommages à Pasteur.

1533. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

Les voleurs sont condamnés à des dommages envers tous, et Cyrille, en outre, doit rendre à Théodosie ses papiers et son argent. […] Les sous-préfets n’ont pas le pouvoir de rendre la parole aux morts. […] La ville des morts, rendue à la nature, devenait un bois immense aux carrefours marqués de croix. […] Je ne répondis pas, et il me rendit ma main. […] » Je n’oserais affirmer cela de Mérimée, que sa littérature seule a rendu célèbre.

1534. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

Beyle, ce profond observateur, raconte qu’un jour (il aimait alors je ne sais quelle personne) la musique le rendit plus enamouré que jamais ; il crut d’abord que cet art avait sur l’amour une influence particulière. […] L’éducation, cet art supérieur qui agit sur des êtres vivants, n’a qu’un but, celui de produire les types les plus parfaits, les plus irréprochables : rendre plus beau et rendre plus heureux, tel serait aussi l’objet de l’art, si ses fictions prenaient vie. […] Plus l’idée est haute et intéresse la pensée, plus l’artiste doit s’efforcer d’intéresser aussi les sens ; rendre l’idée sensible et concrète, et, d’autre part, rendre la sensation féconde et en faire sortir la pensée, tel est donc le double but de l’art. […] Sans la rime, cette durée incertaine des syllabes qui caractérise les langues modernes — et qui, nous le répétons, n’est pas en elle-même un défaut — rendrait incertaine et flottante la durée même du vers. […] Nous citerons un cas où il n’est pas parvenu à rendre cette forme acceptable : Ce nom, Jéhovah, comme à travers des éclairs.

1535. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre II. La Nationalisation de la Littérature (1610-1722) » pp. 107-277

Mais elles nous ont, après cela, rendu de grands services, et des services qu’on ne saurait oublier, méconnaître ou négliger, sans fausser vingt ou trente ans de l’histoire des mœurs et de la littérature. […] Les précieuses ont exigé des hommes qu’ils leur rendissent les respects auxquels toute femme a droit, comme femme, dans une société civilisée ; et elles l’ont obtenu. […] Les faiseurs d’épopées, rendus prudents depuis un demi-siècle par l’insuccès de la Franciade, reprennent alors courage au contact du Tasse et de sa Jérusalem. […] À vrai dire, ce sont elles qui finiront par le rendre janséniste ! […] I]. — Premiers travaux de l’Académie ; — services généraux rendus par l’Académie française ; — et dans quel sens on peut dire qu’elle a vraiment fixé la langue.

1536. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

Et ce qui rend ces suaves peintures plus chères encore, c’est qu’on voit tout près du chœur, au-dessus d’une arcade, le tombeau du peintre, qui mourut à Spolète avant d’avoir achevé son œuvre. […] Je l’ai prêté à qui ne me l’a jamais rendu : Dieu lui pardonne ! […] Nos pleurs, dites-vous, ne nous le rendront pas ? C’est pour cela que nous les répandons, c’est pour cela que la source n’en tarit pas, et est toujours prête à jaillir, car chaque heure nous enlève ce qu’aucune ne nous rendra. […] Au lieu d’ἰξευτἠς le manuscrit grec suivi par le traducteur latin portait sans doute τοξευτἠς, qu’il a rendu par « sagittarius ».

1537. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Parny poète élégiaque. » pp. 285-300

Il ne songe pas à rehausser et à redorer son cadre, à rajeunir ses images de bordure et de lointain par l’observation de cette nature nouvelle, qu’il avait eue pourtant sous les yeux et qu’il éteignait sous des couleurs un peu vagues : il estimait que Bernardin de Saint-Pierre l’exagérait et la rendait trop ; lui, il ne la rendait pas. […] Au Ciel elle a rendu sa vie, Et doucement s’est endormie Sans murmurer contre ses lois.

1538. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite.) »

Dans cette atmosphère imprégnée de vin et de tabac où il vivait et qu’il portait avec lui, il avait acquis (ce qui est désagréable à dire, mais ce qui était encore plus odieux à éprouver) une odeur particulière, sui generis, qui le rendait insupportable, inabordable en certaines saisons. […] Lorsque je vins en Russie, et les premières années de notre union, pour peu que ce prince eût voulu se rendre supportable, mon cœur aurait été ouvert pour lui ; il n’est pas du tout surnaturel que quand je vis que de tous les objets possibles j’étais celui auquel il prêtait le moins d’attention, précisément parce que j’étais sa femme, je ne trouvai pas cette situation ni agréable ni de mon goût, qu’elle m’ennuyait et peut-être me chagrinait. Ce dernier sentiment, celui du chagrin, je le réprimais infiniment plus que tous les autres ; la fierté de mon âme et sa trempe me rendaient insupportable l’idée d’être malheureuse ; je me disais : “Le bonheur et le malheur est dans le cœur et dans l’âme d’un chacun ; si tu sens du malheur, mets-toi au-dessus de ce malheur, et fais en sorte que ton bonheur ne dépende d’aucun événement.”

1539. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

Sully Prudhomme soient fiers de lui, et que l’un d’eux nous écrive à son sujet : « Ou je me trompe fort et l’amitié m’égare, ou vous serez frappé de ce volume ; il révèle, si je ne m’abuse, un nouveau mouvement dans la poésie et comme le frémissement d’une aurore encore incertaine. » Je m’explique aussi que l’auteur, à la fin comme au début de son recueil, s’excuse de n’avoir su tout exprimer et tout rendre de ce qu’il voulait étreindre et de ce qu’il sentait : Je me croyais poëte, et j’ai pu me méprendre ; D’autres ont fait la lyre et je subis leur loi ; Mais si mon âme est juste, impétueuse et tendre,     Qui le sait mieux que moi ? […] si mes doigts jamais ne te rendent sensible, Poëme intérieur dont je suis consumé, Tu chanteras en moi sur la lyre invisible Que l’art suspend au cœur de ceux qui l’ont aimé. […] Il rend à l’aimable et douloureux génie tous les hommages que lui doivent les générations filles ou sœurs, mais il ne lui passe point son mépris de toute humanité, de toute réforme supérieure, ses airs de débauche, son indifférence affichée pour tout ce qui n’était pas Ninette ou Ninon.

1540. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MADAME TASTU (Poésies nouvelles.) » pp. 158-176

1835 Le talent de poésie tel qu’on aime à se le figurer, de poésie lyrique principalement, semble n’être départi à quelques êtres privilégiés que pour rendre avec harmonie les sentiments dont leur âme est émue, l’expression ne faisant que suivre en modération ou en énergie le soupir intérieur, comme la gaze suit les battements du sein, comme la voile se prête au vent. […] Ces talents inférieurs à leur sensibilité, d’une expression bien souvent en deçà de l’émotion, ces talents qui ne parviennent à rendre ce qu’ils veulent que rarement, et une fois dans leur vie peut-être, ont un charme particulier à côté des autres plus grands ; ils sont très-sincères. […] … Mais Mme Tastu a rendu si supérieurement les accents de l’original, qu’on sent qu’elle les a retrouvés dans son âme.

1541. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LA REVUE EN 1845. » pp. 257-274

Nous ne cesserons, nonobstant toute avanie, de croire obstinément à la vie cachée, aux muses secrètes et à cette élite des honnêtes gens et des gens de goût qui se rend trop invisible à de certaines heures, mais qui se retrouve pourtant quand on lui fait appel un peu vivement et qu’on lui donne signal. […] M.Gustave Planche alors, je vous assure, ne se voyait point, lui présent, traité par les poëtes avec ce dédain magnifique qu’il était du reste si en fonds pour leur rendre. […] Les attaques dont il était question, et qui sont déjà si oubliées, se retrouveraient dans divers journaux, et notamment dans le moins littéraire de tous, dans la Démocratie pacifique, qui avait rendu à M.Alexandre Dumas le mauvais service de se prêter aveuglément à ses colères. — Dans cet article d’ailleurs, aussi bien que dans la suite de ceux qui ont pour titre : De la Littérature industrielle, Dix Ans après, etc., Quelques Vérités, etc., etc.

1542. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Rodolphe Topffer »

La douleur profonde qu’il laisse à ses amis de Genève sera ressentie ici de tous ceux qui l’ont connu, et elle trouvera accès et sympathie auprès de ces lecteurs nombreux en qui il a éveillé si souvent un sourire à la fois et une larme. » Mais c’est trop peu dire, et ceux qui l’ont lu, qui l’ont suivi tant de fois dans ces excursions alpestres dont il savait si bien rendre la saine allégresse et l’âpre fraîcheur, ceux qui le suivront encore avec un intérêt ému dans les productions dernières où se jouait jusqu’au sein de la mort son talent de plus en plus mûr et fécond, ont droit à quelques particularités intimes sur l’écrivain ami et sur l’homme excellent. […] Il ressentit d’abord, en y arrivant, une grande impression de solitude ; le bruit et la vanité qui, jusque dans la maladie, continuent de faire la vie apparente de ces grands rendez-vous, l’offusquaient ; il avait, si l’on ose le dire, quelques préventions un peu exagérées contre ce qu’il appelait notre beau monde ; nature genuine, comme disent les Anglais, il avait avant tout horreur du factice ; mais il ne tarda pas à s’y lier d’un commerce en tout convenable à son caractère et à son esprit avec quelques personnes qui lui prodiguèrent un intérêt affectueux, et particulièrement avec M.  […] Dans la conversation même, il s’animait très-vite ; l’intérêt des idées qu’elle faisait naître le rendait complètement à son état naturel, et jamais son entretien n’était sans quelques-uns de ces traits amusants, inattendus, qui lui étaient particuliers.

1543. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre premier. De la première époque de la littérature des Grecs » pp. 71-94

On peut considérer les Grecs, relativement à la littérature, comme le premier peuple qui ait existé : les Égyptiens qui les ont précédés ont eu certainement des connaissances et des idées, mais l’uniformité de leurs règles les rendait, pour ainsi dire, immobiles sous les rapports de l’imagination ; les Égyptiens n’avaient point servi de modèles à la poésie des Grecs ; elle était en effet la première de toutes13 ; et loin qu’il faille s’étonner que la première poésie ait été peut-être la plus digne de notre admiration, c’est à cette circonstance même qu’est due sa supériorité14. […] Moins il y avait de communications faciles entre les divers pays, plus le récit des faits se grossissait par l’imagination ; les brigands et les animaux féroces qui infestaient la terre, rendaient les exploits des guerriers nécessaires à la sécurité individuelle de leurs concitoyens ; les événements publics ayant une influence directe sur la destinée de chacun, la reconnaissance et la crainte animaient l’enthousiasme. […] C’est la satiété qui fait recourir à la bizarrerie ; c’est le besoin de variété qui rend souvent l’esprit recherché ; mais les Grecs, au milieu de tant d’images et de sensations vives, s’abandonnaient à peindre celles qui leur causaient le plus de plaisir.

1544. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Deux tragédies chrétiennes : Blandine, drame en cinq actes, en vers, de M. Jules Barbier ; l’Incendie de Rome, drame en cinq actes et huit tableaux, de M. Armand Éphraïm et Jean La Rode. » pp. 317-337

» Sur quoi elle lui donne rendez-vous, la nuit prochaine, à l’assemblée des chrétiens, dans le propre temple de Rome et d’Auguste. […] Et la patricienne Æmilia découvrirait avec étonnement et vénération la sainteté de son esclave ; et, comme autrefois Blandine aidait Æmilia à sa toilette et lui parfumait ses cheveux, Æmilia à son tour servirait Blandine dans la prison, lui rendrait les offices qu’on se doit entre martyres, laverait ses plaies avec l’eau de la cruche et essayerait de démêler sa maigre chevelure raide de sang coagulé. […] … Mais à la lecture, et jusqu’à l’endroit où j’en ai arrêté le compte rendu, cette œuvre intelligente ne semble point particulièrement neuve, et je dirais qu’elle rentre dans l’ordinaire « formule » des tragédies romano-chrétiennes, si, dans sa dernière partie, ne se marquait fort heureusement le dessein par lequel surtout elle vaut.

1545. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verlaine, Paul (1844-1896) »

Sa prosodie imprécise a rendu plus musicale la poésie française, qui se surchargeait de couleurs pittoresques et se raidissait en structures architecturales. […] La lutte fut celle que tous subissent et subiront, jusqu’au jour où l’esprit chrétien s’affaiblissant de plus en plus, l’accord des deux antiques adversaires rendra la paix et l’unité à la conscience humaine. […] La pureté, la transparence et l’innocence des choses furent rendues.

1546. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Premiere partie. » pp. 12-34

Il fixe alors cette vaste étendue du Ciel, cette immense Nature, qui, fiere dans toutes ses productions n’a point fait d’esclaves, elle n’a point bâti de murs, elle n’a point forgé de chaînes ; cet oiseau qui sur une aîle hardie, franchit l’espace, cet animal des bois qui erre sans guide au gré de son instinct, l’ouragan qui passe, tout parle éloquemment à son cœur, & il apperçoit au milieu de l’Univers la liberté, & il s’écrie : c’est à toi que j’adresse mes vœux, ame des nobles travaux, mere des vertus & des talens ; toi qui formes les ames vigoureuses, les esprits élevés & lumineux ; toi qui ne faisant point d’opprimé, ne fais point d’oppresseur ; toi dont la main sacrée grave dans le cœur de l’homme le caractère primitif de la Justice ; c’est à toi que je voue mes jours, conduis mes pas & ma langue ; je le sens, tu éleveras ma pensée, tu la rendras digne de l’Univers. […] Qui verra disparoître l’enceinte des murs, les habis, les coutumes, & les mœurs ; & dans une affection généreuse & universelle, frappera cette barbare intolérancea, qui oppose Loix à Loix, homme à homme, & qui le rend à la fois aveugle & furieux ? […] Entouré des génies les plus rares, c’est à eux qu’il rend son hommage, & non aux idoles de la Fortune.

1547. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVII. Forme définitive des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

Cette réhabilitation, il l’a rendue en artiste incomparable par des traits qui dureront éternellement. […] Peut-être était-ce là l’erreur des autres plutôt que la sienne, et s’il est vrai que lui-même ait partagé l’illusion de tous, qu’importe, puisque son rêve l’a rendu fort contre la mort, et l’a soutenu dans une lutte à laquelle sans cela peut-être il eût été inégal ? […] La société n’étant plus sûre de son existence, en contracta une sorte de tremblement et ces habitudes de basse humilité, qui rendent le moyen âge si inférieur aux temps antiques et aux temps modernes 816.

1548. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XI »

Le vieux marquis d’Orgebac, frère de la douairière, auquel le jeune homme a plu tout d’abord, parle de réparer, par une adoption, la faillite paternelle dont son neveu s’est rendu coupable envers le fils de ses œuvres. […] Qui ne partagerait pourtant l’indignation de ce gentilhomme, traité par son fils en enfant mutin à qui on coupe les vivres pour le rendre sage ? […] Il entre froid et contraint ; il s’agit de comptes à rendre, d’affaires à régler.

1549. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires touchant la vie et les écrits de Mme de Sévigné, par M. le baron Walckenaer. (4 vol.) » pp. 49-62

Tous ceux qui travaillent à nous en rendre la lecture, non pas plus agréable, mais plus facile et plus courante, plus éclaircie jusque dans les moindres détails, sont sûrs de nous intéresser. […] Walckenaer, plein d’intérêt et de longueur, qui ressemble à la promenade en zigzag dont nous parlions ; c’est un livre qui rendrait Mme de Sévigné bien reconnaissante et qui l’impatienterait un peu ; elle dirait de son d’Hacqueville biographe, comme elle disait de l’autre quand elle le voyait se prodiguer pour des personnes du dehors : « Il est, en vérité, un peu étendu dans ses soins. » Mais la reconnaissance surnagerait, et elle doit à plus forte raison surnager chez nous, qui ne sommes point Mme de Sévigné, et que cet habile homme, informé comme on ne l’est pas, initie à tant de choses que, sans lui, nous n’aurions jamais eu chance de savoir. […] J’ai les yeux assez grands ; je ne les ai ni bleus ni bruns ; mais, entre ces deux couleurs, ils en ont une agréable et particulière ; je ne les ouvre jamais tout entiers, et quoique, dans cette manière de les tenir un peu fermés, il n’y ait aucune affectation, il est pourtant vrai que ce m’est un charme qui me rend le regard le plus doux et le plus tendre du monde.

1550. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bossuet, et Fénélon. » pp. 265-289

Elle ne fit que les rendre plus respectables. […] L’archevêque voulut d’abord les éluder ; mais, trop bon courtisan pour résister toujours, il rendit bientôt madame Guyon aux empressemens de ses amies. […] Les peuples trouvent, dans cet ouvrage, un ami zèlé qui ne cherche qu’à les rendre heureux ; & les rois un ennemi implacable de la flatterie.

1551. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre II : Partie critique du spiritualisme »

Sans rien savoir directement de l’essence de l’âme, j’en sais au moins ceci : c’est qu’elle doit être telle qu’elle ne rende pas impossible l’intuition de soi-même, qui est le fait primitif. […] Or, cette âme, cette chose en soi, doit être telle qu’elle ne rende pas impossible le moi apparent, le moi phénoménal. […] Le spiritualisme français, sans méconnaître le génie de Fichte et les éclatants services que cet éloquent et profond philosophe a rendus à la cause de la personnalité humaine, se rattache plutôt par un lien historique naturel à Maine de Biran.

1552. (1761) Apologie de l’étude

Et qu’y a-t-il de plus propre que l’étude à nous consoler, à nous instruire, à nous rendre meilleurs et plus heureux ? […] Las de m’ennuyer des pensées des autres, j’ai voulu leur donner les miennes ; mais je puis me flatter de leur avoir rendu tout l’ennui que j’avais reçu d’eux. […] En repliant votre esprit sur lui-même, sans avoir besoin d’interroger celui des autres, vous auriez senti qu’en métaphysique ce qu’on ne peut pas s’apprendre par ses propres réflexions, ne s’apprend point par la lecture ; et que ce qui ne peut pas être rendu clair pour les esprits les plus communs, est obscur pour les plus profonds.

1553. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Récamier »

« Elle avait une taille souple et élégante, des épaules de la plus admirable forme, une bouche petite et vermeille, des bras charmants… des cheveux châtains naturellement bouclés, le nez délicat et régulier mais bien français, — (comme la narration) ; — une physionomie pleine de candeur et quelquefois de malice, et que l’expression de la bonté rendait — (malgré la malice ?)  […] Cette pureté en Madame Récamier, qu’elle conserva et qui le lui rendit, cette pureté était en elle comme le cours du sang et le mouvement des yeux, comme tout ce qu’il y a de plus involontaire, et faisait d’elle le Génie, sous la forme la plus parfaite, de ces sentiments qui n’ont pas de sexe parce qu’ils sont plus divins que les autres : la Bonté, la Pitié, l’Amitié… L’amitié était, en effet, pour l’âme de Madame Récamier, la limite de la passion humaine, et jamais elle ne la dépassa pour entrer dans un sentiment plus troublé. […] À cette époque, les services qu’elle rendit furent immenses.

1554. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XX. De Libanius, et de tous les autres orateurs qui ont fait l’éloge de Julien. Jugement sur ce prince. »

Avides de terres, de jardins, de chevaux, d’esclaves, ils volaient, pillaient, forçaient de vendre ; les uns ne daignaient pas mettre un prix à l’objet de leurs rapines, d’autres le mettaient au-dessous de la valeur ; ceux-ci différaient de payer de jour en jour ; ceux-là après avoir dépouillé l’orphelin, comptaient pour paiement tout le mal qu’ils ne lui faisaient pas… C’est par ces voies qu’ils rendaient pauvres les citoyens riches, et qu’eux-mêmes devenaient riches, de pauvres qu’ils étaient. […] Il s’égara dans la religion, voyons du moins ce qu’il fut comme prince ; en détestant son crime, discutons ses vertus : l’aveu que nous en ferons ne peut nous rendre complices de ses erreurs. […] Voici ses dernières paroles telles qu’on les trouve partout : « Mes amis, la nature me redemande ce qu’elle m’a prêté ; je le lui rends avec la joie d’un débiteur qui s’acquitte.

1555. (1904) Le collier des jours. Souvenirs de ma vie

Sans doute on dut l’entourer, cette fois, de précautions et de transitions qui rendirent le déchirement moins douloureux. […] J’aurais bien voulu savoir comment avait fait le canon pour le rendre sourd. […] Je le connaissais fort peu, et une fois rendue à moi-même, je l’examinais avec beaucoup de curiosité, afin de découvrir ce qu’il avait de particulier, qui le rendait si admirable. […] — On est parvenu à la rendre laide. […] — Elles l’ont rendue sournoise, disait tante Zoé.

1556. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

L’esprit français est comme le vin français : il ne rend les gens ni brutaux, ni méchants, ni tristes. […] On veut être homme à la mode ; un habit rend célèbre : Grammont est tout désolé quand la coquinerie de son valet l’oblige à porter deux fois le même. […] Il le rend visible par son opposition ou le fortifie par sa ressemblance. […] Leur dialogue tourne naturellement à la satire haineuse ; au lieu de couvrir le vice, il le met en saillie ; au lieu de le rendre risible, il le rend odieux. « À quoi avez-vous passé la nuit ? […] ma jolie créature, voulez-vous me rendre heureux en me donnant un baiser ?

1557. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre II. Le Roman (suite). Thackeray. »

Le siége était bien fait, l’héritage attaqué si obstinément devait se rendre ; les dix doigts vertueux de la matrone entraient d’avance et en espérance dans la substantielle masse d’écus qu’elle voyait luire. […] Ce qui rend ces ironies encore plus fortes, c’est leur durée ; il y en a qui se prolongent pendant un roman entier, par exemple celui des Bottes fatales. […] L’amour maternel, chez elle comme chez toutes les autres, est un aveuglement incurable ; son fils est son dieu ; à force d’adoration, elle trouve le moyen de le rendre insupportable et malheureux. […] Il ne travaille pas à la rendre odieuse, mais intelligible. […] » Cette phrase est une imprudence peu naturelle dans une personne si réfléchie, et que l’auteur ajoute au rôle pour rendre le rôle odieux.

1558. (1920) Action, n° 2, mars 1920

Ainsi le monde est toujours jeune pour eux, et il leur rend la jeunesse qu’eux-mêmes lui prêtent. […] Il les délivre de la pesanteur, il les rappelle et les rend à la patrie désirée. […] Tous, sauf la jeune fille amoureuse ; c’est elle qui retient toute l’histoire sur les bords de l’abîme, et qui la rend, plus légère que le chant, au rêve et au caprice. […] Pourtant, c’est nous qui, dès les premières années du siècle, avions rendu impossible la « vie artistique ». […] Ils étaient sériés et confiés à des spécialistes qu’une longue pratique avait rendu experts.

1559. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

Il mérite bien qu’on lui fasse l’honneur de le critiquer dans sa langue, et ce qui me rend un peu moins incapable de le faire, c’est qu’au dix-huitième siècle a paru un grand philosophe allemand, auteur d’un ouvrage célèbre, qui n’est que la traduction en langue savante des principes de critique chers à Molière et à moi. […] Plusieurs critiques, sans être allemands, trouvent même qu’il est un peu sérieux, et que le personnage qui le rend nécessaire est bien odieux pour être comique. […] Mais croit-on que, si l’on prenait cette peine, on rendît un grand service à la critique ? […] Fallait-il quelle fît table rase de toutes les idées que l’éducation lui avait acquises, afin de purifier, d’affranchir son goût, de le rendre à l’état de nature, et de pouvoir le mettre désormais en rapport direct avec les œuvres du génie, sans l’intermédiaire de ces idées ? […] L’autorité que le texte a par lui-même pour convaincre et persuader tous les hommes de sa propre beauté, le commentaire ne l’a point pour rendre cette beauté sensible aux esprits rebelles et aux cœurs indifférents.

1560. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

Si je pouvais, pour me rendre plus intelligible, employer ici un terme de médecine, je dirais que dans ma pensée les arts ne sont que les excitants, les grands et énergiques cordiaux de l’intelligence et du sentiment par les sens. […] Nous disons de plus : il n’y a qu’une religion qui soit capable de rendre un art universel et populaire. […] Leurs larges sonnettes de cuivre, suspendues à leurs cous par une courroie de cuir à boucles luisantes, rendent de loin en loin des tintements très harmonieux qui semblent sonner les heures sous leurs pas à ces solitudes. […] Il ne peut concevoir cette sibylle de salon, drapée par la marchande de modes et donnant rendez-vous à ses amis sur un écueil lavé par l’écume, pour écouter une déclamation à froid, puisée dans des rhétoriques de demoiselles. […] Ce sont les rêves de son cœur qu’il rend visibles sur sa palette pour les transporter sur la toile ; les trois phases de son amour y sont écrites en trois tableaux immortels : la première ivresse d’un sentiment qui vient d’éclore dans la Madonna dell’ Arco, la félicité suprême dans les Moissonneurs, la désillusion et le pressentiment de mort dans les Pécheurs de l’Adriatique.

1561. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

Elle les trouve chez eux : l’une est assise auprès du foyer avec les femmes qui la servent, filant sur sa quenouille une laine teinte de la pourpre des mers ; elle rencontre l’autre comme il sortait pour se rendre avec ses chefs illustres au conseil où les nobles Phéaciens l’appelaient ; elle s’arrête tout près de son père bien-aimé, et lui dit : « “Père chéri, n’allez-vous pas me préparer un char élevé, aux fortes roues, afin que je porte vers le fleuve, pour les laver, les précieux vêtements que j’ai là tout malpropres ? […] Il me dit que son frère était venu le chercher à Paris pour le mener en Normandie, dans sa famille, où le bon air des champs et les jeux de ses enfants lui rafraîchiraient la tête et lui rendraient les forces. […] Le hasard me rendit témoin des tendresses vraiment paternelles de son frère et de ses amis, quand ils vinrent eux-mêmes à Paris le chercher, Benjamin de la famille, dans sa retraite de la rue Neuve-Coquenard, pour l’emmener sous le bras respirer chez eux, en Normandie, l’air vivifiant de l’été, et des loisirs, et du jardin de famille. […] Il écrivit à son frère qu’il désirait revenir à Paris, et le priait de venir le prendre à la gare de Trouville, en lui marquant le jour et l’heure du rendez-vous. […] Il arriva trop tard pour recevoir son dernier soupir ; il l’avait rendu quelques heures avant, serein, confiant, résigné, entre les mains du curé du pays, chargé de bénir sa famille.

1562. (1857) Cours familier de littérature. IV « XIXe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset (suite) » pp. 1-80

C’est là que don Paez, le lendemain matin, Se rendait. — etc. […] Mais il semble se complaire, comme un violoniste impatient, à briser la corde à laquelle il vient de faire rendre de si délicieux accords. […] Qu’on te rende le ciel, tu le perdras encore. […] Et ce retour amer et délicieux à l’âge de pureté et d’innocence par l’air oublié et retrouvé d’un orgue dans la rue, comme il est compris et rendu dans ces vers funèbres. […] Quelle main, de ton luth en parcourant la gamme, A changé tout à coup la clef de ta jeune âme, Et fait rendre à l’esprit le son du cœur humain ?

1563. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

Qui nous rendra leur esprit ? […] Le rendez-vous était à Athènes. […] L’assassin monte au Capitole et rend grâces aux Dieux. […] En secouant sa perruque, le roy lui promit de le rendre content. […] L’énormité des choses les rend presque incompréhensibles.

1564. (1913) Les livres du Temps. Première série pp. -406

Dans un compte rendu, d’ailleurs justement élogieux, d’un des premiers romans de M.  […] Un juvénile désir de voir du pays nous rendait-il imprudents ? […] Elle rend la vue à l’enfant de cette sœur qui lui a crevé les yeux. […] Il a trouvé, pour rendre sensible cette « ascension », comme dit M.  […] Belle-sœur et amie de Ludovic le More, duc de Milan, elle se rend néanmoins auprès de.

1565. (1922) Gustave Flaubert

Il semble que, tant que vécut Flaubert, Du Camp se soit comporté en ami et lui ait rendu beaucoup plus de services matériels qu’il n’en reçut. […] Mais la lâcheté que Flaubert attribue à tous les hommes n’est évidemment pas le manque absolu de courage, celui qui rend Homais grotesque à la fin de la scène du Comice. […] Ce n’est pas comme dans la vie ordinaire où ils finissent par vous rendre féroces. » Évidemment, Flaubert n’a pas peint Homais avec férocité. […] des femmes qui trompent leur mari, qui font des dettes, qui ont des rendez-vous dans des jardins, et qui vont dans les ombrages. […] La vie intérieure de cette armée, ses sentiments simples à sautes brusques, sont admirablement rendus.

1566. (1902) La poésie nouvelle

Cependant, les Parnassiens rendaient l’âme. […] Leur symbolisme a pour but, d’une manière générale, de rendre le mystère saisissable en toutes choses. […] Celle-ci était souple et aisée ; les Latins la rendirent plus catégorique et plus impérieuse. […] On s’appliqua systématiquement à rendre la versification plus compliquée, le travail du poète plus ardu. […] Le rythme n’est plus déterminé par la symétrie, mais par la pensée qu’il lui faut rendre.‌

1567. (1923) Les dates et les œuvres. Symbolisme et poésie scientifique

sans doute un retard de la poste) me trouver au rendez-vous de onze heures. […] Nous ne sommes pas seuls   Ghil comprend cela, dit-il, avec un sourire qui me rendait complice. […] Le Parnasse a au moins rendu ce service, dans sa débilité d’idées qui l’a frappé de mort. […] J’avais l’air, dans ce compte rendu, d’un auteur piqué et furieux, qui piétinait rageusement ses ennemis. […] Moréas et Mallarmé, qu’il méprise, et qui, sans doute, le lui rendent.

1568. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

Son perpétuel ennui ne le rend pas sauvage. […] Un seul de ces morceaux, Amitié pour les arbres, me rend un peu rêveur. […] Il a rendu au monde ce que le monde avait accumulé en lui. […] La surcharge des caractères rend illisible pour le contemporain ce texte qui sera si limpide pour nos successeurs. […] Sa frénésie devant Mme Walewska, quand il lui ordonnait de l’aimer, me rend le sans-pitié pitoyable.

1569. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

Ils jouent aux cartes, fument, injurient le parterre qui le leur rend bien, et par surcroît leur jette des pommes. […] trop heureux, le bonheur rend hautain, à ce qu’on dit… Il n’y a pas de paix pour une épouse arrachée à son vrai mari, arrachée de force par un mariage infâme. […] « Parmi les laïques, il y avait peu de dévotion ; le jour du Seigneur était grandement profané et peu observé ; les prières communes n’étaient pas fréquentées ; plusieurs vivaient sans rendre aucun culte à Dieu. […] Throw off his golden mitre, rend his stole, And in the channel christen him anew… Fawn not on me, French strumpet ; Get thee gone. […] See where Christ’s blood streams in the firmament : One drop of blood will save me : Oh, my Christ, Rend not my heart for naming of my Christ.

1570. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — I. » pp. 88-109

Belin que celui-ci a entre les mains quelques-unes de ces thèses si désirées, il lui offre de mettre en dépôt vingt pistoles contre ledit paquet, si on le lui confie ; il s’engage à perdre son dépôt s’il n’a rendu les pièces empruntées au temps préfix. […] En avançant dans la lecture de Gui Patin, nous verrons qu’il n’avait point sans doute l’esprit philosophique et méthodique dans le sens général du mot ; il n’est point à cet égard de la famille de Descartes, il est de ces esprits à bâtons rompus, si je puis dire, et qui ne vont pas jusqu’au bout d’une conséquence ; mais il a tout ce que le bon sens à première vue saisit et appréhende, et il le rend avec des jets de verve, avec des éclats de causticité qui sont amusants. […] Pour bien faire la médecine, pensait-il, il ne faut guère de remèdes, et encore moins de compositions, la quantité desquelles est inutile et plus propre à entretenir la forfanterie des Arabes, au profit des apothicaires, qu’a soulager des malades… Je rends la pharmacie le plus populaire qu’il m’est possible… Il cite les noms de plusieurs de ses confrères comme ayant introduit dans les familles de Paris « une médecine facile et familière, qui les a délivrées de la tyrannie de ces cuisiniers arabesques ». […] Montaigne, en ses Essais, au chapitre xxxive , qui a pour titre : « D’un défaut de nos polices », avait dit : Feu mon père, homme, pour n’être aidé que de l’expérience et du naturel, d’un jugement bien net, m’a dit autrefois qu’il avait désiré mettre en train qu’il veut ès villes certain lieu désigné auquel ceux qui auraient besoin de quelque chose se pussent rendre et faire enregistrer leur affaire à un officier établi pour cet effet : comme « Je cherche à vendre des perles ; Je cherche des perles à vendre ; Tel veut compagnie pour aller à Paris ; Tel s’enquiert d’un serviteur de telle qualité ; Tel, d’un maître ; Tel demande un ouvrier ; Qui ceci, qui cela, chacun selon son besoin ».

1571. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — III. (Fin.) » pp. 371-393

On me dit que Benjamin Constant parlait mal de Roederer ; je le crois bien : ils s’étaient connus, ils s’étaient rencontrés et même rendu de bons offices ; Benjamin se vantait d’avoir une fois rapproché Roederer de Sieyès qui le boudait ; Roederer avait eu souvent à écrire sur les brochures de Benjamin Constant : tout cela était bien ; mais un jour, dans une circonstance capitale, Roederer l’avait déjoué et blessé. […] Par suite de cette confusion d’attributions qui faisait de lui à la fois une manière de grand maître de l’instruction publique et de directeur des Menus, Roederer, en revenant d’inspecter le prytanée de Saint-Cyr, se rendait à Versailles pour y juger des débuts de Mlle Duchesnois dans le rôle de Phèdre ; car c’est du passage de Roederer à l’administration des théâtres que datent l’entrée de Mlle Georges et de Mlle Duchesnois à la Comédie-Française, et l’admission de Mlle Bigottini à l’Opéra. […] Mais lui-même il ne se rend pas assez compte de certaines choses lumineuses, éclatantes, de représentation ou de fantaisie, qui sont nécessaires chez nous. […] Beugnot correspondait pour le compte rendu journalier de ses actes ; c’est par son canal qu’il communiquait hiérarchiquement avec l’empereur.

1572. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — II. Duclos historien » pp. 224-245

Cette somme, quoique modique, fut d’un très grand secours dans les besoins où l’on était ; et le premier soin du Dauphin, lorsqu’il fut parvenu à la couronne, fut de retirer cette croix et ce hanap, et de les rendre aux religieux de Saint-Antoine. […] Duclos avait encore présentes certaines scènes de 1711, de 1712, et en avait gardé les poignantes émotions, comme nous avons eu celles de 1812 et de 1814 ; les victoires de Marlborough, les menaces et les outrageuses espérances du prince Eugène, l’épuisement de la France dans cette lutte extrême60, la carte du démembrement projeté, il rend cela avec nerf et dans un sentiment patriotique : c’est lorsqu’il en vient aux portraits des personnages qu’il s’en remet purement à Saint-Simon. […] Le duc de Berry, très en vue un moment (après la mort du duc de Bourgogne), et le duc d’Orléans se rendent au Parlement pour la formalité des renonciations. […] Mais il est un chapitre intéressant et neuf de son ouvrage qui sans doute (je l’espère du moins) lui appartient plus en propre et auquel il faut rendre toute justice, c’est celui qui a pour titre Histoire des causes de la guerre de 1756.

1573. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

Il y inspire un tendre intérêt à une jeune dame qui, après bien des troubles et des luttes secrètes de cœur, devient veuve fort à propos, et qui n’aurait plus qu’à l’épouser si lui-même, forcé par l’honneur de se rendre à l’armée de Condé, il n’était fait prisonnier les armes à la main et condamné à périr sur l’échafaud ; il ne s’y dérobe qu’en se donnant la mort et en se frappant d’un coup de stylet, exactement comme Valazé. […] Mais ce qu’on sait moins, ce qu’un observateur moraliste peut seul avoir saisi sur le fait et nous rendre ensuite comme il l’a senti, c’est quel était au moment même et quelques heures après, dans cette même soirée, l’effet de cette scène déplorable sur ce qu’on appelait la bonne compagnie, qui n’est bien souvent qu’une autre espèce de peuple. Laissons M. de Meilhan nous le dire par la bouche d’un de ses personnages : Je me rendis dans une maison voisine où se rassemblait ordinairement l’élite de la société ; mon cœur était navré, mon esprit obscurci des plus sombres nuages, et je croyais trouver tout le monde affecté des mêmes sentiments ; mais écoutez les dialogues interrompus des personnes que j’y trouvai, ou qui arrivèrent successivement : « Avez-vous vu passer le roi ? […] Selon lui, elle n’était nullement nécessaire avant d’éclater, elle était évitable ; elle a été purement accidentelle, en ce sens que « le caractère de ceux qui ont eu part à l’ancien gouvernement (à commencer par le caractère du roi, ennemi de toute résistance) a été le seul principe de la totale subversion de ce gouvernement » ; mais ce caractère de quelques personnes étant donné, et la faiblesse de l’opposition qu’elle rencontrera étant admise au point de départ, M. de Meilhan est bien d’avis que la Révolution en devenait un effet presque nécessaire : « Sa marche, dit-il, a été déterminée et hâtée par cette faiblesse ; le défaut de résistance a rendu tout possible, et, semblable à un torrent qui ne trouve aucune digue, elle a tout dévasté. » Il ne croit donc pas que la Révolution soit directement sortie des écrits de Rousseau ni de ceux des encyclopédistes, comme on le répète souvent, ni qu’elle découle de causes aussi générales : Si l’on suit attentivement la marche de la Révolution, il sera facile de voir que les écrivains appelés philosophes ont pu la fortifier, mais ne l’ont pas déterminée ; parce qu’une maison a été bâtie avec les pierres d’une carrière voisine, serait-on fondé à dire qu’elle n’a été construite qu’en raison de ce voisinage ?

1574. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Tout remue, tout danse ; le pêle-mêle de sensations est complet, la joie du départ l’emporte ; il a, pour le rendre, ses refrains familiers : « Marseille, 21 octobre 1839 Voilà le grand moment arrivé. […] Ce qui s’organise n’est autre chose que l’ordre dans le despotisme, pour le rendre plus également pesant et de manière à ce que rien ne puisse s’en affranchir ; et les lumières que le Pacha va soi-disant chercher au milieu de nos institutions philanthropiques ne sont que des armes qu’il aiguise et, pour ainsi dire, qu’un rasoir qu’il fait repasser pour tondre plus près. » Que dites-vous de ce rasoir ? […] Il est artiste, et il sent avec son âme : elle va nous rendre juste l’écho. […] Ses relations anciennes avec la famille d’Orléans, ses obligations particulières et connues envers le prince auquel le tzar se montrait personnellement si contraire, ne rendaient pas son rôle plus aisé ; de plus diplomates que lui se seraient trouvés embarrassés en sa place : il s’en tira à merveille, avec droiture, loyauté et bon sens.

1575. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid (suite.) »

Je voudrais ressaisir et rendre ici le plus que je pourrai de l’émotion du Cid, de l’étincelle électrique qu’en reçut le public d’alors. […] Il le dit à Elvire, suivante de Chimène, au moment de se rendre au Conseil dans lequel le roi doit nommer un gouverneur à son fils : il ne doute pas que ce ne soit lui-même sur qui tombe le choix. […] Don Diègue tire l’épée, mais le comte la lui fait tomber des mains et, pour comble d’insulte, la lui rend. […] La musique seule serait capable de bien rendre ce qui se passe, à ce moment, d’orageux, de contradictoire et de déchirant dans l’âme de Rodrigue.

1576. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

S’agit-il de l’acclimatation, s’agit-il de l’agriculture et de l’élève des bestiaux, s’agit-il des haras, lisez ce qu’en écrivent journellement dans leurs rapports les administrateurs intelligents et entendus qui possèdent leur sujet ; pour moi, s’il m’arrive parfois de jeter les yeux sur ces comptes rendus, je l’avoue, ils m’attachent, ils piquent mon attention, même d’écrivain ; ils enrichissent mon vocabulaire et ma langue en même temps qu’ils m’instruisent. […] Lorsque vous portez votre enfant, — doux fardeau qui vous rend léger ! […] On lui donne la naissance, et il vous la rend ; car il fait renaître votre âme de ses cendres, de ses débris… Il la ranime, il la recrée, il la transporte… Avec ses petits cris d’oiseau joyeux, il semble lui donner des ailes. […] Lui, coquettement, se laisse adorer : il reçoit toutes les caresses et en rend très peu.

1577. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »

Il rendit bon témoignage de sa taille et prôna fort sa figure, ses grâces. […] Elle se plia à son humeur, et le rendit aussi heureux qu’il pouvait l’être. […] Il commença par se rendre maître de ce qu’on appelait la Flandre hollandaise, c’est-à-dire de toutes les places en deçà d’Anvers. […] En ce qui est de la bataille de Raucoux livrée l’année précédente, à ceux qui trouveraient que le maréchal ne l’a pas assez complètement gagnée, il suffit d’opposer le compte rendu qu’il en a fait dans une lettre au roi de Prusse, si bon juge (lettre du 14 octobre 1746, dans le Recueil de Grimoard, tome III, page 242). — Les officiers qui ne voient qu’un point de l’action peuvent trouver à dire (ainsi Rochambeau, en ses Mémoires, tome I, page 48) ; mais le général en chef qui embrasse l’ensemble est obligé de tenir compte de tout et de régler, s’il le faut, les ardeurs de l’un sur les retards de l’autre.

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