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1158. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre dixième. »

Il s’en glisse quelquefois dans les charmants récits de La Fontaine ; c’est comme une volupté de sa pensée, à laquelle il se laisse aller un moment ; mais bientôt il reprend son récit ; le poète ne s’est regardé un moment que pour mieux voir dans le cœur d’autrui. […] A regarder ce genre trop en savant, on se jette, comme Lessing, dans des subtilités. […] Ils regardent mieux et avec plus d’intérêt.

1159. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quinzième. »

A voir de quelle hauteur le premier regarde les choses, on pourrait croire qu’il n’aperçoit rien sur la terre qui soit digne d’admiration, sinon ce qu’il appelle le dessein de Dieu dans les choses humaines. […] Elle semble s’en échapper comme à son insu, tant l’expression en est soudaine et naïve ; mais regardez bien : il y est amené par la raison, et ce qui éclate tout à coup dans son discours, c’est plutôt la force de la conviction que la surprise. […] Ces sortes d’écrivains, s’ils voulaient trop regarder leurs pensées, les dissiperaient ou finiraient par s’en défier.

1160. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre IV. L’ironie comme attitude morale » pp. 135-174

Peut-être y-a-t-il quelque intérêt à la regarder en face, au moins de temps en temps. […] Où que nous regardions, la même parole pèse sur nous. […] Elles l’aident à marcher, mais elles perpétuent sa faiblesse, s’il les regarde comme des institutions divines et ne sait pas se résigner à en changer.

1161. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre I : L’histoire de la philosophie »

Transportant dans la psychologie la vieille erreur aristotélicienne de la matière et de la forme, considérées comme séparables réellement (tandis qu’elles ne le sont que par abstraction), il regarda les formes de la pensée comme des facteurs tout faits (ready-made), antérieurs à et indépendants de l’expérience. […] Il vous regardera comme un fou, si vous en doutez. […] Lewes répond à cette critique par la distinction suivante : s’il s’agit de reconnaître que la psychologie est une science possible, et de grande valeur ; que l’analyse subjective a été méconnue par Comte, et qu’il a eu le tort de regarder l’observation interne comme un procédé illusoire ; je suis avec M. 

1162. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1856 » pp. 121-159

Eh bien, qu’est-ce que vous voulez qu’on fasse d’un dessin une fois fait : il n’y a qu’à le donner. » Puis il nous parle du théâtre, de ses idées contre l’illusion scénique en faveur du tréteau, déclarant qu’il n’admire que deux pièces : Les Précieuses ridicules et Le Bourgeois gentilhomme, parce que ce sont des leçons de philosophie sous la forme la plus tangible, sous la forme la plus parade, — et s’interrompant : « Avez-vous jamais regardé attentivement non le théâtre, mais la salle ? […] C’est peut-être la faute de ces deux chiens que je regardais jouant sur l’herbe : ils se sont arrêtés pour bâiller. […] Je regarde aux fenêtres.

1163. (1809) Quelques réflexions sur la tragédie de Wallstein et sur le théâtre allemand

Après une route longue et pénible, elle arrive dans une cabane ; la fatigue l’accable, la soif la dévore ; un paysan, touché de compassion, lui présente un peu de lait : au moment où elle le porte à ses lèvres, un enfant, qui l’a regardée pendant quelques instants avec attention, lui arrache la coupe, et s’écrie : C’est la sorcière d’Orléans. […] Buttler, après avoir raconté ses efforts pour convaincre ses complices, finissait par ces vers : Lorsque je leur ai dit que, s’offrant à leur place, D’autres briguaient déjà mon choix comme une grâce, Que le prix était prêt, que d’autres, cette nuit, De leur fidélité recueilleraient le fruit, Chacun a regardé son plus proche complice ; Leurs yeux brillaient d’espoir, d’envie et d’avarice ; D’une sombre rougeur leurs fronts se sont couverts ; Ils répétaient tout bas : d’autres se sont offerts. […] Je n’ai pas même voulu supprimer son penchant pour l’astrologie, bien que les lumières de notre siècle puissent faire regarder comme hasardée la tentative de revêtir d’une teinte tragique cette superstition.

1164. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

La bonne manière de savoir si un tableau est mélodieux est de le regarder d’assez loin pour n’en comprendre ni le sujet si les lignes. […] Guérin, rude et sévère envers son jeune élève, ne regarda le tableau qu’à cause du bruit qui se faisait autour. […] C’était un excellent peintre, il est vrai ; mais maintenant il regarde la nature avec plus d’attention, et il s’applique à rendre les physionomies. […] Un tableau n’est que ce qu’il veut ; il n’y a pas moyen de le regarder autrement que dans son jour. […] Il ne faut pas confondre cette décadence avec la précédente : l’une concernera le public et ses sentiments, et l’autre ne regarde que les ateliers.

1165. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

Mais regardez de plus près : il ne s’agit pas tant pour notre homme d’éviter le châtiment que d’effacer le passé, et de faire comme si le crime n’avait pas été commis. […] Oh, je sais ce que la société dit (elle a, je le répète, ses raisons de le dire) ; mais pour savoir ce qu’elle pense et ce qu’elle veut, il ne faut pas trop écouter ce qu’elle dit, il faut regarder ce qu’elle fait. […] Tant que vous raisonnerez sur l’obstacle, il restera où il est ; et tant que vous le regarderez, vous le décomposerez en parties qu’il faudra surmonter une à une ; le détail en peut être illimité ; rien ne dit que vous l’épuiserez. […] Mais regardons de plus près. […] Que de choses surgissent devant les yeux émerveillés d’une mère qui regarde son petit enfant !

1166. (1923) Paul Valéry

« Plus je regarde, moi aussi, cette danseuse inexprimable, et plus je m’entretiens de merveilles avec moi-même. […] Une matière mystérieuse que vous avez beau regarder, cela reste, pour vous, de la matière, vous ne savez l’incorporer dans aucun mouvement spontané et suivi. […] Ni l’un ni l’autre ne se peuvent regarder fixement. […] Valéry remarque quelque part avec quelque mépris que les philosophes devant une notion « ont à faire de débattre ce qu’y virent leurs prédécesseurs, bien plus que d’y regarder eux-mêmes. » On ne saurait méconnaître avec une plus belle candeur, au profit de sa technique propre, une technique étrangère. […] Le poète, l’artiste, n’ont guère à débattre ce qu’ont fait leurs prédécesseurs, mais à y regarder immédiatement eux-mêmes.

1167. (1881) Le naturalisme au théatre

Le public est regardé comme souverain, voilà la vérité. […] Cela est un art tout particulier, qui regarde le peindre décorateur et le machiniste. […] D’ailleurs, il suffit d’aller aux Halles et de regarder. […] Pas une fois, ils ne regardent le public. […] On vous regarde, et on vous dit : « Monsieur, je crois que vous insultez l’armée ! 

1168. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre II. Du sens et de la valeur des mots »

Enfin Pascal invite l’homme à regarder le soleil, « cette éclatante lumière mise comme une lampe éternelle pour éclairer l’univers ».

1169. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XIII. Beau trio » pp. 164-169

mon cher, vous avez eu tort… ce pauvre Daudet… non, il ne faut pas…. » Mais, cette fois, j’ai regardé d’abord comment procédait l’ami Coppée dans le premier-Paris-réclame du Journal.

1170. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 331-337

Comment Moliere, Auteur seulement de trois ou quatre Pieces achevées, Auteur de tant d’autres, dont le dénouement est si peu naturel, & les défauts si sensibles ; comment avec une Prose si négligée, des Vers peu exacts, des caracteres outrés, est-il parvenu à se faire regarder, à juste titre, comme le premier Poëte Comique de tous les Théatres connus ?

1171. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Marie Tudor » (1833) »

Ce n’est pas, comme chez ces grands hommes, un seul côté des choses systématiquement et perpétuellement mis en lumière, c’est tout regardé à la fois sous toutes les faces.

1172. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Avant-Propos. » pp. -

On se flatte d’avoir inséré, dans presque tous les articles, des traits ignorés d’une grande partie du public, sur-tout dans ceux qui regardent nos écrivains les plus distingués.

1173. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre troisième. »

Mais La Fontaine n’y regarde pas de si près.

1174. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Lettre a monseigneur le duc de**. » pp. -

Elle m’a été d’un grand secours pour certaines parties ; car ce savant Ecrivain n’a pas traité, à beaucoup près, tout ce qui regarde la Littérature.

1175. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Restout » pp. 187-190

Il faut voir comme il est coiffé et drapé ; comme sa main est naturellement posée sur sa baguette ; comme il regarde la douleur d’Esther ; comme il en est pénétré.

1176. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 27, qu’on doit plus d’égard aux jugemens des peintres qu’à ceux des poëtes. De l’art de reconnoître la main des peintres » pp. 382-388

Mais nonobstant tous les moïens que nos experts peuvent avoir pour discerner nos écritures, leur art est encore si fautif, que les nations plus jalouses de proteger l’innocence que de punir le crime, défendent à leurs tribunaux d’admettre la preuve par comparaison des écritures dans les procez criminels ; et dans les païs où cette preuve est reçûë, les juges en dernier ressort la regardent plûtôt comme un indice que comme une preuve parfaite.

1177. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre I. De la sagesse philosophique que l’on a attribuée à Homère » pp. 252-257

Il enlève Briséis à Achille, sans doute afin que ce héros, qui portait avec lui le destin de Troie, s’éloigne avec ses guerriers et ses vaisseaux, et qu’Hector égorge le reste des Grecs que la peste a pu épargner… Voilà pourtant le poète qu’on a jusqu’ici regardé comme le fondateur de la civilisation des Grecs, comme l’auteur de la politesse de leurs mœurs.

1178. (1895) Les confessions littéraires : le vers libre et les poètes. Figaro pp. 101-162

regardez la prose de Chateaubriand ! […] Je me borne à dire que, s’il s’agissait de la versification française, je regarderais cette tentative comme une désertion. […] Les passants, trop las, ne les regardent plus ; C’est un astre chimère du pays des hasards. […] Quand nous irons à l’Opéra, nous regarderons les instruments. […] Alors, un instant, nous nous regardâmes avec dans les yeux, le poète, de la fureur, et moi, de la malice ; puis, nous partîmes d’un méridional éclat de rire, la bière et la conversation avaient été bonnes et nous eûmes te vague espoir que les lecteurs du Figaro ne s’en plaindraient pas.

1179. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

Robert Dreyfus regarde comme très voisines. […] Barrès, Renan se serait offusqué surtout de ce passage : « Dans la bibliothèque, nous avons un instant regardé ses livres. […] Certes, c’est toujours le voyageur qui voyage, qui voit avec ses yeux et comprend avec son esprit : il a pourtant raison de voyager, de regarder, de comprendre. […] Secondement, il biffe ce qu’il regarde comme des répétitions. […] Pour nous faire regarder Augustin comme un homme sensible, il faudrait pouvoir supprimer le chapitre XV du sixième livre des Confessions.

1180. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

Elle veut lui parler. « Regardez-moi, dit Krogstad, je suis comme un naufragé cramponné à une épave. […] — Quelque chose… qui regarde… A propos de quoi ? […] » Qu’elle est contente de pouvoir regarder son mari comme une manière de gredin ! […]Regarde le Turc et sa grande impératrice !  […] C’est la plus belle de toutes, et elle semble me regarder… Ah !

1181. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

qui m’avez accordé cet enfant, si je manque aux soins que vous m’imposez en ce jour, ou s’il ne doit pas y répondre, ne regardez point à la joie de sa mère, reprenez-le ! […] Car il n’importe pas si sa vie privée, comme on le répète et comme il y aurait lieu d’y regarder, fut honorable ou non, puisqu’après tout la vie privée de ses adversaires ne le fut pas davantage. […] À Paris, disait-il piteusement, « ils ne regardent pas les secrétaires d’ambassade ». […] Ôtez l’exécution et ne regardez qu’à l’intention, — ôtez la forme, et avec la forme le fond (car, dans toute œuvre d’art digne de ce nom, ils se pénètrent intimement l’un l’autre), et ne regardez qu’à la bonne volonté, — ôtez l’art enfin et ne regardez qu’au sujet. […] Regardez au second plan.

1182. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

Chacun suit sa route, sans regarder qui le précède ou qui le suit. […] Sa vue est excellente, il le sait si bien qu’il ne prend pas toujours la peine de regarder attentivement les objets. […] On reproche toujours aux artistes de ne pas s’inspirer de leur temps et d’aller chercher dans le passé des sujets qu’ils trouveraient autour d’eux s’ils voulaient regarder. […] À la regarder vaillamment, hardiment, on contracte la force qui fait les hommes, et les hommes ne manquent pas à la comédie de nos jours. […] Regardez ces petites feuilles publiques qui vous tentent par l’appât de la caricature et de l’image enluminée.

1183. (1894) Écrivains d’aujourd’hui

Il n’est pas besoin d’y regarder de très près pour constater qu’en quelques années la pensée de M.  […] — Que si nous regardons maintenant dans des cœurs de femmes, nous constaterons mêmes désastres. […] Seulement c’est avec mes yeux que j’ai regardé, non avec ceux d’un autre. […] Je regarde les personnes qui m’entourent. […] Il regarde en avant.

1184. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

Elle offre les symptômes, visibles pour tous ceux qui veulent regarder sans parti pris, d’une maladie de la vie morale arrivée à sa période la plus aiguë. […] A regarder longtemps, l’énigme livre son secret. […] Cette page prouve que Renan, au moins pour ce qui regarde Henriette, a bien aperçu les ombrageuses délicatesses de cette sensibilité exigeante et endolorie. […] Il paraît, tel du moins que ses lettres nous le montrent, avoir été un de ces hommes équilibrés qui ne se complaisent pas à se regarder sentir. […] Qu’il ait des opinions, une conduite, des chapeaux et des gants comme le public, cela regarde le public.

1185. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Saint-Arnaud. Ses lettres publiées par sa famille, et autres lettres inédites » pp. 412-452

Ces natures ardentes n’y regardent pas à deux fois. […] Capitaine de voltigeurs avec la croix, et une croix bien gagnée que personne n’est tenté de regarder en souriant, sera-t-il bientôt chef de bataillon ? […] Quand le mal vient saper mon moral, que je me sens seul, isolé, loin de tout ce que j’aime, j’ai le cœur bien serré ; alors je regarde ma croix, mes épaulettes, je pense à mes enfants, à vous, à mon passé, à l’avenir ; je me roidis et je tiens bon, mais mes cheveux blanchissent et mes genoux tremblent. » Dans une expédition faite pour prendre possession de Djidjelli (mai 1839) et pour châtier les Kabyles voisins, le capitaine Saint-Arnaud mérite d’être proposé pour le grade de chef de bataillon, en remplacement du brave Horain, qui meurt des suites d’une blessure. […] À peine arrivé à Metz, il a repris son air jeune « qui, avec sa grosse épaulette, le fait un peu regarder. — Cela m’amuse », dit-il. — Un vrai militaire français.

1186. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DE LA MÉDÉE D’APOLLONIUS. » pp. 359-406

Et peu s’en est fallu que, d’indignation, je ne lui aie cassé l’autre jour ses méchantes flèches avec son arc, car il m’a osé dire dans sa menace que, si je ne m’éloignais bien vite tandis qu’il était encore maître de lui, je n’aurais à m’en prendre des suites qu’à moi-même. » A ce discours de Vénus, les deux déesses se regardèrent en souriant, et Vénus un peu piquée repartit : « Mes maux, je le vois bien, ne servent qu’à faire rire les autres ; aussi ai-je tort de les dire à tout le monde ; ce m’est bien assez de les savoir moi-même. » Et elle se met en devoir d’exécuter le vœu des déesses. […] Se débattant d’effroi, elle s’élança hors du lit et regarda de tous côtés les murailles de sa chambre : elle eut peine à recueillir ses esprits comme auparavant, et elle laissa échapper ces paroles avec sanglots : « Malheureuse que je suis, quels songes pesants m’ont épouvantée ! […] Elle se ressouvint de tout ce qu’il y a d’agréable parmi les vivants ; elle se souvint de ses compagnes du même âge qui faisaient sa joie, comme une jeune fille qu’elle était ; et le soleil lui parut plus doux à regarder qu’auparavant, à mesure en effet qu’elle se reprenait en idée à chaque chose. […] « Ainsi parla-t-il en la glorifiant, et elle, jetant les yeux de côté, elle souriait d’un sourire délicieux ; le cœur lui nageait au dedans, tout enlevée qu’elle était par la louange, et elle finit par le regarder en face.

1187. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

Son visage sévère regarde le fleuve et semble encore animer cette navigation, créée par le génie du fondateur. […] Son bras terrible est encore étendu sur leur postérité qui se presse autour de l’auguste effigie : on regarde, et l’on ne sait si cette main de bronze protège ou menace. […] De Maistre, sain de corps et d’esprit, regarde la destinée en face. […] On le regardait comme un monument que la distance avait grandi et que l’on croyait destiné à grandir encore dans l’avenir par quelque éclatante reconnaissance de la cour de Turin.

1188. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CIXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (1re partie) » pp. 5-79

Je prie ceux qui par hasard parcourront ces lignes de regarder ce que je dis à ce sujet comme un effet de ma reconnaissance pour le maître auquel je rapporte le peu que je sais, et non comme une louange de ma propre personne. […] « Je renonce à rapporter ici le gracieux accueil qu’il me fit, la manière dont il agréa mon attachement à sa personne sacrée, et ce qu’il me dit de Rome, de Naples, de Vienne, de la France, et de la conduite tenue par ceux qu’il devait regarder comme les plus attachés et les plus fidèles de ses serviteurs. […] Et pour parler d’abord de ce qui regarde le prélat secrétaire, il alla sans retard, comme on l’y avait autorisé, communiquer ses idées au cardinal Braschi. […] Il voyait encore, dans l’espoir qu’il avait de vaincre ces embarras, l’occasion de se faire un grand mérite auprès de l’élu à qui il aurait obtenu ce que Chiaramonti lui-même devait alors regarder comme chimérique.

1189. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIe entretien. L’Imitation de Jésus-Christ » pp. 97-176

Si vous jugez des choses sainement et selon la vérité, vous ne devez jamais, dans les adversités, vous laisser si fort abattre par la tristesse, mais plutôt vous devez vous en réjouir, m’en remercier, et regarder même comme un sujet unique de joie, quand je vous afflige sans vous épargner. […] L’homme de désir et d’espérance élève involontairement ses regards vers cette lueur crépusculaire, pendant que le vulgaire regarde en bas. […] Celui-là est vraiment sage, qui, pour gagner Jésus-Christ, regarde comme de la boue toutes les choses de la terre. […] Il ne regarde pas aux dons, mais il s’élève au-dessus de tous les biens jusqu’à celui qui donne.

1190. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

Lorsque le roi arrivait chez Mme de Montespan, ils lui lisaient quelque chose de son histoire ; ensuite le jeu commençait, et lorsqu’il échappait à Mme de Montespan, pendant le jeu, des paroles un peu aigres, ils remarquèrent, quoique fort peu clairvoyants, que le roi, sans lui répondre, regardait en souriant Mme de Maintenon, qui était assise vis-à-vis de lui sur un tabouret, et qui, enfin, disparut tout à coup de ces assemblées. […] Corneille fait des vers cent fois plus beaux que les miens, et cependant personne ne le regarde. […] » Mme de la Fayette, femme d’un goût sûr, parle avec le même sentiment, mais avec plus de sang-froid, de l’effet d’Esther sur la cour et sur le public ; mais on voit qu’elle en attribue le succès à la passion des applications religieuses et politiques qui en étaient faites ouvertement à la cour : « Ce succès ne se comprend pas, car il n’y eut ni petit ni grand qui n’y voulût aller ; et ce qui devait être regardé comme une comédie de couvent, devint l’affaire la plus sérieuse de la cour. […] Regardez et écoutez !

1191. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

Nous ne regarderons pas avec lui de ce côté dans son horizon ordinaire. […] Regardez-la bien ! […] Michelet, s’il reste dans les conclusions de cette histoire, peut être regardé comme fini, comme irrévocablement fini. […] … Certes, si la critique est quelque chose de plus qu’une leçon d’anatomie donnée sur le cadavre d’un livre mal fait, si elle a le droit et le devoir de remonter du livre à l’homme, et de regarder dans le cœur et sous l’écorce de l’arbre qui a distillé un pareil poison, il peut être utile de rechercher quelles causes mystérieuses ont pu placer un écrivain à contre-sens de sa nature d’intelligence, de son talent, de ses premiers ouvrages ; car, ironie d’un Dieu qui a d’épouvantables plaisanteries !

1192. (1739) Vie de Molière

La petite ode d’Horace, Donec gratus eram tibi  a été regardée comme le modèle de ces scènes, qui sont enfin devenues des lieux communs. […] L’Europe regarde cet ouvrage comme le chef-d’œuvre du haut comique. […] Ils me regardent tous, et se mettent à rire. […] Aujourd’hui bien des gens regardent comme une leçon de morale cette même pièce, qu’on trouvait autrefois si scandaleuse.

1193. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

tu veux, ingrat que nous regardions comme notre confrère, faire scission avec nous, et nous renier comme l’apôtre, en disant : « Je ne connais pas ces hommes !  […] Vous écoutez bouche béante et vous me regardez d’un air d’étonnement ? […] On s’y presse, on s’y pousse, on regarde. On regarde même les portraits de MM. les épiciers et gardes nationaux ; car notre poète croit aux épiciers ; il croit aux épiciers tout comme M.  […] Il faut donc laisser de côté le peu de grâce de ce vêtement, pour ne regarder que ces heureux détails et cette ressemblance incroyable ; mais aussi, personne de nos jours, plus que M. 

1194. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire littéraire de la France. Ouvrage commencé par les Bénédictins et continué par des membres de l’Institut. (Tome XII, 1853.) » pp. 273-290

Il finit par trouver que ce serait plutôt à la dame Hersent à se plaindre de ce que le Loup son mari lui fait aujourd’hui un tel procès, une telle avanie, où tant de bêtes sont à regarder. […] Que fera désormais votre sœur malheureuse, qui vous regarde avec grande douleur ?

1195. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le Roman de Renart. Histoire littéraire de la France, t. XXII. (Fin.) » pp. 308-324

— Et il retourne à son sillon de poussière, moins rassuré pourtant qu’il ne le veut paraître ; il regarde souvent de côté et d’autre ; un œil ouvert et l’autre clos, un pied replié et l’autre droit, il s’appuie à un mur, et, comme celui qui est fatigué de chanter et de veiller, il se met à sommeiller peu à peu. […] Renart sourit de la condition et lui dit, en touchant toujours la corde filiale : « Chante, cousin ; je saurai bien si Chanteclin mon oncle te fut de quelque chose. » Chanteclair chante ; mais il chante comme il dormait d’abord, un œil clos et l’autre ouvert, et il regarde souvent de côté : « Ce n’est pas cela, dit Renart, Chanteclin chantait autrement, tout d’un trait, les yeux fermés, tant qu’on l’entendait par-delà les plessis. » À ce coup Chanteclair n’y tient pas ; il commence sa mélodie en fermant les yeux de toutes ses forces, et Renart, s’élançant par-dessus un chou rouge, le prend au cou et l’emporte.

1196. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Nouveaux voyages en zigzag, par Töpffer. (1853.) » pp. 413-430

Et ce n’est qu’ainsi qu’on s’explique aussitôt et pleinement, dit-il, pourquoi « l’on voit si souvent le paysagiste, qui est donc au fond un chercheur de choses à exprimer bien plus qu’il n’est un chercheur de choses à copier, dépasser tantôt une roche magnifique, tantôt un majestueux bouquet de chênes sains, touffus, splendides, pour aller se planter devant un bout de sentier que bordent quelques arbustes étriqués ; devant une trace d’ornières qui vont se perdre dans les fanges d’un marécage ; devant une flaque d’eau noire où s’inclinent les gaulis d’un saule tronqué, percé, vermoulu… C’est que ces vermoulures, ces fanges, ces roseaux, ce sentier, qui, envisagés comme objets à regarder, sont ou laids ou dépourvus de beauté, envisagés au contraire comme signes de pensées, comme emblème des choses de la nature ou de l’homme, comme expression d’un sens plus étendu et plus élevé qu’eux-mêmes, ont réellement ou peuvent avoir en effet tout l’avantage sur des chênes qui ne seraient que beaux, que touffus, que splendides ». […] Töpffer nous montre, chez ces familles fidèles au cul le du passé, la vie paisible, régulière, patriarcale, l’oubli du siècle qui serait amer à trop regarder, et qui n’émancipe les uns qu’en froissant les autres.

1197. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le buste de l’abbé Prévost. » pp. 122-139

Manon s’amusant gaiement à coiffer de ses mains le chevalier, et choisissant ce singulier moment pour recevoir le prince italien qu’elle veut berner et à qui elle montre le miroir en disant : « Voyez, regardez-vous bien, faites la comparaison vous-même… » ; cette tendre et folâtre espièglerie n’était pas dans le premier récit, et c’est un petit épisode que Prévost a voulu ajouter après coup, un souvenir sans doute qui lui sera revenu. […] S’il y manquait encore quelque chose, au moins du côté du public, je suis prêt à me retirer pour quelque temps dans une communauté de Paris, ou dans ma famille qui demeure au pays d’Artois, et je m’y occuperai à composer quelque livre utile qui puisse être regardé comme un surcroît de satisfaction.

1198. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — II. (Fin.) » pp. 364-380

Ses personnages, au lieu de vivre, de marcher et de se développer par leurs actions mêmes, s’arrêtent, se regardent, et se font regarder en nous ouvrant des jours secrets sur la préparation anatomique de leur cœur.

1199. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

Arago confiné sur son plateau, le Desierto de las Palmas, se dévorait à attendre, à regarder chaque nuit sans rien voir. […] La seconde statue, qu’il conviendrait peut-être de placer sur un écueil, nous le représenterait après la double carrière fournie, figure visiblement attristée, imposante toujours ; de haute stature ; la tête inclinée et fléchie, et comme à demi foudroyée ; semblant avertir par un geste les savants de ne point donner trop à l’aveugle sur le récif populaire : mais même alors, et de quelque côté qu’on regarde, gravez et faites lire encore sur le piédestal la date mémorable des services rendus.

1200. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — III. (Fin.) » pp. 162-179

Et il le comparait encore dans son ambition couverte aux rameurs qui, en se dirigeant à un but, ne regardent jamais le lieu où ils veulent aller. […] Le maître lui fie tout, et cette grande faveur le rend moins sociable avec ceux qu’il regarde au-dessous de lui, quoiqu’ils soient affectionnés à lui rendre service.

1201. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — I. » pp. 180-197

Je puis dire que, dans sa mâle et virile pudeur, il aurait rougi, même enfant, de cette manière d’être regardé pour être peint. […] Allez plutôt voir au Louvre son buste par Coysevox : noble tête, beau port, fierté sans jactance, front haut et plein, siège de pensée et de majesté ; la bouche singulièrement agréable en effet, fine, parlante même lorsqu’elle est au repos ; le profil droit et des plus distingués : en tout une expression de feu, d’intelligence et de bonté, la figure la plus digne de l’homme, selon qu’il est fait pour parler à son semblable et pour regarder les cieux.

1202. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

Un autre, assis encore sur sa monture paisible, et la main armée de l’aiguillon comme d’un sceptre, porte au front la gravité native des descendants des maîtres du monde ; il regarde deux hommes de la troupe qui dansent en s’accompagnant du piffero, la cornemuse du pays. […] Je le regarde comme bien supérieur à son Condé.

1203. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

Le portrait saillant, ineffaçable, qu’a tracé de lui Saint-Simon en sa fureur de peintre, reste dans les yeux, et empêche qu’on ne soit tenté de regarder le personnage en lui-même et d’une vue plus reposée. […] Changez la lumière, faites que le rayon tombe où il faut, que l’ombre se retire et se dégrade, en un mot regardez Villars au soleil, le même homme va paraître tout différent.

1204. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Tallemant et Bussy ou le médisant bourgeois et le médisant de qualité » pp. 172-188

Il prit également les siennes, sans y tant regarder. […] Il a fait des traductions ; regardez le bel auteur qu’il a choisi : il a mis Perse en vers français.

1205. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — I » pp. 107-125

Il regardait aussi le dedans. […] Marolles, qui lui fait à l’avance toutes les objections, et qui établit qu’en telle matière « le peuple ne voit pas même ce qu’il regarde », ne laisse pas d’y aller pour lui obéir, et il s’assure que tout est fabuleux, hors le coup de pistolet que quelqu’un avait lâché sans intention : « Toutefois, ajoute-t-il, on ne laissa pas d’en faire une image en taille-douce, que j’ai eue entre les miennes ».

1206. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — I » pp. 1-17

Il y a des moments où, à force de se concentrer dans cette idée et de regarder fixement la nature, on croit éprouver quelque chose comme cela. […] écrivait l’un d’eux. — Mais pour nous qui n’avons ici qu’à parler de littérature, il est impossible de ne pas noter un tel moment mémorable dans l’histoire morale de ce temps, de n’y pas rattacher le talent de Guérin, de ne pas regretter que l’éminent et impétueux esprit qui couvait déjà des tempêtes n’ait pas fait alors comme le disciple obscur, caché sous son aile, qu’il n’ait pas ouvert son cœur et son oreille à quelques sons de la flûte pastorale ; qu’au lieu de se déchaîner en idée sur la société et de n’y voir qu’enfer, cachots, souterrains, égouts (toutes images qui lui reviennent perpétuellement et qui l’obsèdent), il n’ait pas regardé plus souvent du côté de la nature, pour s’y adoucir et s’y calmer.

1207. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Sainte-Hélène, par M. Thiers »

Ce n’est pas celle des philosophes proprement dits, qui analysent la machine humaine, la démontent, la décomposent, se donnent le plaisir de la regarder en dedans et en dessous, de l’expliquer tant bien que mal, et puis n’en font rien. […] Je regarde à l’histoire des littératures et je vois que les chercheurs d’effet ont eu la durée, non pas d’une génération, mais d’une mode ; et vraiment ce n’est pas la peine de se tant tourmenter pour une telle immortalité.

1208. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les Saints Évangiles, traduction par Le Maistre de Saci. Paris, Imprimerie Impériale, 1862 »

Repousser tout examen, toute comparaison entre ces témoins ou ces narrateurs, reconnus sincères et authentiques, n’a jamais été la voie la plus sûre pour arriver au respect et à la vénération la mieux conçue en ce qui regarde la mission et les paroles du maître. […] À qui regarde successivement ces quatre portraits d’Évangélistes, il n’y paraît pas à l’œil de si grandes différences.

1209. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Daphnis et Chloé. Traduction d’Amyot et de courier »

Mais cette ingénuité est regardée et décrite par un témoin indiscret et qui y assiste avec un malin et coquet plaisir. […] Dans le dessin de Prud’hon, on voit Daphnis assis au sortir du bain, et Chloé également nue, debout, un pied dans le bassin de la fontaine, se penchant vers lui et le touchant au bras, à l’épaule, avec une sorte de curiosité : Daphnis la regarde avec douceur et tendresse Quoique tous deux soient un peu plus âgés dans le dessin que dans le roman, que Daphnis ait plus de quinze ans, et Chloé surtout plus de treize, rien n’est trop ni d’un sens douteux dans cette agréable composition.

1210. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier. »

Ilm’en était resté dans les yeux et en même temps dans le cœur une première impression très-agréable ; des yeux très-noirs (Bonstetten avait dit seulement bleu foncé, mais Alfieri dut y regarder de plus près) et pleins d’une douce flamme, joints, chose rare ! […] Mais, de l’autre côté, je vous prie de faire réflexion que, dans ce qui regarde votre indissoluble union avec mon frère, je n’ai eu aucune part que celle d’y donner mon consentement de formalité, après que le tout était conclu, sans que j’en aie eu la moindre information par avance… Rien ne peut être plus sage ni plus édifiant que la pétition que vous faites de venir à Rome dans un couvent, avec les circonstances que vous m’indiquez : aussi je n’ai pas perdu un moment de temps pour aller à Rome, expressément pour vous servir et régler le tout avec notre Très-Saint Père… J’ai pensé à tout ce qui pouvait vous être de plus décent et agréable, et j’ai eu la consolation que le Saint-Père a eu la bonté d’approuver toutes mes idées.

1211. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine. (suite et fin.) »

Despréaux : il l’a marqué plus que jamais durant sa dernière maladie, et il a affronté la mort avec une audace toute chrétienne, quoiqu’il eût été toujours fort timide sur ce qui regardait la santé et qu’une égratignure lui fît peur. » — « Oui, reprit le roi, et je me souviens que pendant une des campagnes où vous étiez ensemble, c’était vous qui étiez le brave. » Il y avait plusieurs années que M.  […] Pardonnez tout ce détail, monsieur, à un ami qui s’étend volontiers sur tout ce qui regarde un tel ami, dont ces restes vivants lui sont précieux. » Tel est notre tribut particulier d’informations, notre complément scrupuleux, minutieux, mais qui n’est certes pas sans prix sur les cinq derniers mois de la vie de Racine.

1212. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — II »

Le procédé en est d’ordinaire analytique et abstrait ; chaque personnage principal, au lieu de répandre sa passion au dehors en ne faisant qu’un avec elle, regarde le plus souvent cette passion au dedans de lui-même, et la raconte par ses paroles telle qu’il la voit au sein de ce monde intérieur, au sein de ce moi, comme disent les philosophes : de là une manière générale d’exposition et de récit qui suppose toujours dans chaque héros ou chaque héroïne un certain loisir pour s’examiner préalablement ; de là encore tout un ordre d’images délicates, et un tendre coloris de demi-jour, emprunté à une savante métaphysique du cœur ; mais peu ou point de réalité, et aucun de ces détails qui nous ramènent à l’aspect humain de cette vie. […] C’est le cas de Racine lorsqu’on vient à lui en quittant Molière ou Shakspeare : il demande alors plus que jamais à être regardé de très-près et longtemps ; ainsi seulement on surprendra les secrets de sa manière : ainsi, dans l’atmosphère du sentiment principal qui fait le fond de chaque tragédie, on verra se dessiner et se mouvoir les divers caractères avec leurs traits personnels ; ainsi, les différences d’accentuation, fugitives et ténues, deviendront saisissables, et prêteront une sorte de vérité relative au langage de chacun ; on saura avec précision jusqu’à quel point Racine est dramatique, et dans quel sens il ne l’est pas.

1213. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre III. Théorie de la fable poétique »

Le moraliste ne regarde pas si elle est utile ou nuisible, bien ou mal conduite, liée à cet événement ou à cet autre, produite en ce lieu, à ce moment, à cette occasion, par cette personne, mais si elle est juste ou injuste ; il écarte ce cortège obscur de caractères accessoires et découvre dans la foule le droit, qui s’y cachait confondu. […] Achille n’est pas seulement la force héroïque : c’est le jeune fils d’une déesse, le plus beau des Grecs, qui, outragé, pleure comme un enfant dans le sein de sa mère ; qui sur la grève solitaire chante avec la lyre en contemplant la mer immense ; qui console son ami affligé avec un accent aussi tendre et aussi ému que celui d’une jeune mère : « Pourquoi pleures-tu, Patrocle, comme une enfant qui ne sait pas encore parler, qui court après sa mère afin qu’on la prenne, la tire par sa robe, et l’arrête, et la regarde en pleurant pour être portée dans ses bras ? 

1214. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre III. Madame de Staël »

Elle n’a pas le sentiment de la nature : elle la voit quand elle veut regarder ; alors elle élabore ses perceptions en notions dont elle donne la formule intelligible : mais pour ce qui est de peindre, elle n’y peut arriver. […] Mais je ne sais ce qui a offusqué son clair esprit, retenu son âme affectueuse : elle qui savait, dans la Russie de 1812, deviner, aimer le moujik, elle n’a regardé, compté en France que les classes supérieures.

1215. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre IV. L’heure présente (1874) — Chapitre unique. La littérature qui se fait »

Zola, qui regardait ses théories plutôt que ses œuvres, s’est perdue dans l’insignifiance et dans la grossièreté. […] Faguet regardait avec une bienveillance plus défiante, M. 

1216. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Oscar Wilde à Paris » pp. 125-145

Regardez ces diamants d’une si belle eau, disposés en diadème, qu’on rêverait au front d’une jeune impératrice et qui ne serviront peut-être qu’à parer quelque tripière enrichie dont elles accentueront la vulgarité et la laideur. […] disait une duchesse anxieuse à sa fille, Brummel nous regarde ! 

1217. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mme de Graffigny, ou Voltaire à Cirey. » pp. 208-225

Je regarde un homme qui a aimé la poésie, et qui n’en est plus touché, comme un malade qui a perdu un de ses sens. […]  » Notez que l’honnête correspondant ne voulait dire autre chose sinon : « Le chant de Jeanne, tel que vous me le racontez en abrégé dans votre analyse, doit être charmant. » Mais la colère et le soupçon n’y regardent pas de si près.

1218. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie Stuart, par M. Mignet. (2 vol. in-8º. — Paulin, 1851.) » pp. 409-426

Elle ne répondit d’abord à cette ouverture qu’en parlant du divorce et de la difficulté de l’obtenir ; mais ces hommes peu scrupuleux, par la bouche de Lethington, le plus habile et le plus politique d’entre eux, lui dirent : Madame, ne vous inquiétez de rien ; nous sommes ici les principaux de la noblesse et du Conseil de Votre Grâce, et nous trouverons bien le moyen de vous délivrer de lui sans aucun préjudice pour votre fils ; et quoique milord Murray, ici présent (le frère naturel de Marie Stuart) soit un peu moins scrupuleux pour un protestant que Votre Grâce ne l’est pour une papiste, je suis sûr qu’il regardera à travers ses doigts, nous verra faire et ne dira rien. Le mot était lâché, il ne s’agissait, pour Marie comme pour son frère Murray, que de regarder à travers ses doigts, selon l’expression vulgaire, et de laisser faire sans se mêler de rien.

1219. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Les regrets. » pp. 397-413

En me promenant avec lui dans ses jardins, j’aperçus de loin une statue de marbre ; je lui demandai ce que c’était. « C’est, me dit-il, ce que je n’ai plus le courage de regarder » ; et en nous détournant : « Ah ! […] Il est permis à l’un de ceux qui se tiennent debout à regarder, de leur répondre : Non, le monde n’est pas en train d’aller plus mal depuis hier seulement ; s’il dégénère, c’est de votre temps et du temps de vos pères que cela a commencé, non pas du jour où vous n’y avez plus la haute main.

1220. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre I : Principe de la métaphysique spiritualiste »

Pour ce qui regarde ce dernier par exemple, il y a quelques années à peine que, par la publication du Journal de Maine de Biran, nous apprenions qu’Ampère était son collaborateur philosophique et qu’ils avaient une doctrine commune ; c’est d’hier seulement et par les soins de M.  […] C’est à ce titre qu’il est permis de dire avec Pascal que l’homme est à lui-même « un monstre, un prodige incompréhensible », car il unit les contradictoires, non-seulement dans sa vie et dans ses attributs, mais dans son fond même, et il peut, selon le côté par lequel il se regarde, se confondre avec l’infini ou se perdre dans la poussière de ses propres phénomènes.

1221. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Observations générales, sur, l’art dramatique. » pp. 39-63

Je regarde, dit Voltaire, la tragédie et la bonne comédie comme des leçons de vertu, de raison et de bienséance. […] Dans la fable unie et simple, si l’on représente le malheur du méchant, ce malheur n’inspire ni pitié ni terreur ; nous le regardons comme la juste punition de son crime.

1222. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Seconde partie. Nouvelles preuves que la société a été imposée à l’homme » pp. 243-267

Le feu, accordé à l’homme pour s’en servir comme d’un instrument, a été aussi regardé par eux comme l’emblème du don de la parole. […] X Je ne reviendrai point sur les castes, que j’ai regardées comme conservatrices des traditions, et qui deviennent inutiles à mesure que la puissance des traditions s’affaiblit et s’éteint ; mais avouons que l’on ne peut se passer des hiérarchies sociales.

1223. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Gustave Droz » pp. 189-211

Il est noble de sang, et on le voit bien quand on le regarde, quoiqu’il ne soit qu’un enfant trouvé. […] J’ai vu la hauteur, la pureté et la logique de la conception, avant d’en regarder le talent.

1224. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

Mais regardez-y de près. […] C’est par leurs mauvais côtés qu’il faut les regarder. […] Regardez par une vitre enfumée : tout vous paraîtra sombre. […] Il préfère regarder en dedans. […] Regardez.

1225. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXVIII » pp. 158-163

Cela regarde directement les Suisses.

1226. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « PAUL HUET, Diorama Montesquieu. » pp. 243-248

J’ai toujours paru ne me préoccuper d’art qu’incidemment ; j’en ai rarement écrit, bien persuadé que, pour être tout à fait compétent en ces matières, il faut y passer sa vie ; mais je n’ai cessé tant que j’ai pu de voir et de regarder, et je n’ai pas laissé l’occasion de dire mon mot et de donner mon coup de collier à ma manière.

1227. (1874) Premiers lundis. Tome II « Li Romans de Berte aus Grans piés »

Or, Margiste a sa fille Aliste, suivante de Berte, Aliste qui ressemble à Berte mieux qu’un peintre ne saurait la peindre, et d’ailleurs Pépin n’y regarde pas de si près.

1228. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre premier. Idée générale de la seconde Partie » pp. 406-413

Dans mon orgueil national, je regardais l’époque de la révolution de France comme une ère nouvelle pour le monde intellectuel.

1229. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Gilbert Augustin-Thierry »

… Cherchons et regardons autour de nous, que de fois nous voyons les fils expier pour leurs pères et leurs aïeux !

1230. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre premier. » pp. 5-11

Le berceau de cette révolution fut l’hôtel de Rambouillet, cet hôtel regardé, depuis la fin du siècle passé, comme l’origine des affectations de mœurs et de langage, et qui fut dans le grand siècle, et pour tous les grands écrivains qui l’illustrèrent, pour Corneille, pour Boileau, pour La Fontaine, pour Racine, pour Molière même, oui pour Molière, plus que pour aucun autre, l’objet d’une vénération profonde et méritée.

1231. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre IX » pp. 77-82

Boileau regardait son suffrage comme le plus honorable qu’il pût obtenir ; Molière a emprunté son caractère plusieurs des beaux traits de son Misanthrope.

1232. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « La course à la mort » pp. 214-219

L’impuissance de sa volonté, qui est la cause et le fond de son infortune, est par lui subtilement analysée ; il distingue le penchant à suppléer aux actes par de vagues rêves, sa dépravation morose qui le porte à se regarder faire dans le peu qu’il fait et à se rendre ainsi déplus en plus incapable de toute action spontanée ; enfin apparaît ce dernier symptôme de la décadence volitionnelle, la lassitude anticipée, le dégoût préventif qui détournent même de tout désir, de tout rêve-d’entreprise et bornent définitivement en son incapacité le malade et le moribond que M. 

1233. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XI. Suite des machines poétiques. — Songe d’Énée. Songe d’Athalie. »

Ce fantôme qui regarde Énée en silence, ces larges pleurs, ces pieds enflés, sont les petites circonstances que choisit toujours le grand peintre, pour mettre l’objet sous les yeux.

1234. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 25, des personnages et des actions allegoriques, par rapport à la poësie » pp. 213-220

Il les regarde comme des symboles et des énigmes, sous lesquels sont enveloppez des préceptes de morale, et des traits de satyre qui sont du ressort de l’esprit.

1235. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — IV. Les ailes dérobées »

Sakaye regarda tout autour de lui et aperçut une case toute vermeille.

1236. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Nicole, Bourdaloue, Fénelon »

Quand on regarde une telle charpente, on se demande : — Qu’aurait été le monument ?

1237. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Bathild Bouniol »

Bathild Bouniol7 C’est sous ce ciel-là, retrouvé enfin par la muse de l’auteur des Chants du Passé, que se tient la muse de notre autre poète, Bathild Bouniol, mais elle a les pieds sur la terre, et son œil, plus attentif qu’inspiré, est fixé sur les hommes, qu’elle regarde jusqu’au fond du cœur.

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