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1199. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Saint-Marc Girardin »

Seulement, son nouvel ouvrage, bien différent en cela du livre de Lerminier, lequel est digne d’être pris en considération par les esprits les plus profonds, n’ajoutera pas beaucoup aux idées actuelles et à la gloire de son auteur.

1200. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Furetière »

Tel était le cas pour Furetière, — Furetière, un homme de lettres énorme, qui a fatigué les mille voix de la renommée de son temps, et sur la mémoire duquel s’est assis un profond silence.

1201. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

Tout grand changement a sa racine dans l’âme, et il n’y a qu’à regarder de près dans cette région profonde pour découvrir les inclinations nationales et les irritations séculaires dont le protestantisme est issu. […] Si vous allez les entendre dans le pays et si vous écoutez l’accent vibrant et profond avec lequel on les prononce, vous verrez qu’elles y forment un poëme national, toujours compris et toujours efficace. […] Il s’en est accommodé pourtant ; bien mieux, elles l’ont fait naître : chez Taylor, comme chez les autres, la poésie libre conduit à la foi profonde. […] Au-dessous de ces bouillonnements désordonnés de la surface, les couches saines et profondes de la nation s’étaient prises, et la foi nouvelle y faisait son œuvre, œuvre pratique et positive, politique et morale. […] Pour y entrer, il ne reste à franchir qu’un courant profond où l’on perd pied, où l’eau trouble la vue, et qu’on appelle la rivière de la Mort.

1202. (1896) Impressions de théâtre. Neuvième série

les charmantes et profondes paroles d’amour, écrites il y a dix-huit cents ans, je pense, et toujours jeunes ! […] » — Le larcin consommé, il dit des choses vraiment profondes. […] Tous les personnages vivent dans la plus profonde intimité avec les fleurs, les arbres et les bêtes. […] C’est là que gît la vérité profonde du drame de M.  […] Comment ce qu’il y a d’égoïsme dans la profonde tendresse de Chambray lui sera-t-il révélé ?

1203. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

La pièce nous paraît obscure, parce que, bénévolement, nous la jugions d’avance toute nourrie d’idées sérieuses et profondes, et que nous finissons, — oh ! […] Scène excellente, de vérité simple, profonde, lamentable. […] Et assurément cela est même beau, d’une froide beauté d’ordonnance et de déduction ; et j’en ai conçu, à mesure, une profonde estime intellectuelle. […] J’en suis délicieusement troublée au plus profond de moi. […] … » Cela est beau, cela est vrai, cela est profond.

1204. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

Rien n’est plus vrai que cette idée, d’une vérité plus morale et plus profonde. […] Et Swift, à quelle race rapporterez-vous sa forme solide d’esprit, sa misanthropie sauvage, ses haines implacables et son sentiment profond de la réalité ? […] La misère profonde où ces populations de Savoie avaient été réduites par la guerre nous est révélée de la manière la plus saisissante et la plus touchante par une aventure de ce voyage de lord Herbert. […] Quelle tranquillité, et comme toutes ces clameurs sourdes et violentes s’éteignent vite dans ce silence si profond qu’il nous permet d’entendre le plus léger battement des ailes d’Ariel ! […] Je ne pus lui répondre que par un regard de sympathie reconnaissante et un profond soupir, et je retournai à votre logement, que j’ai loué jusqu’à votre retour, pour me résigner à mon malheur.

1205. (1864) Le roman contemporain

Il prouve le vide profond que laisse dans une famille l’absence du christianisme pratique. […] Ce furent les ténèbres qui vinrent profondes et fatales. […] Au fond, ces trois caractères sont trois égoïsmes profonds, implacables, qui cherchent leur propre satisfaction. […] Un soupir lui a répondu, c’est celui de sa maîtresse qui ne peut voir sans une anxiété profonde son chien fidèle mourir sous ses yeux. […] Victor Hugo veut nous faire admirer, c’était leur ignorance profonde, qui n’avait rien d’égal que leur monstrueuse vanité, comme M. 

1206. (1890) Impressions de théâtre. Quatrième série

Une profonde humanité y respire — avec la grâce du génie athénien. […] Qu’est-ce à dire, sinon qu’il a le respect le plus profond et le plus sincère des préjugés publics ? […] Sa fièvre et son désordre mental ont une autre cause que la terreur, et plus profonde. […] Tout cela, c’est de la psychologie profonde sans doute, mais rêvée. […] Et cela fait qu’à Paris les psychologues murmurent d’un air profond : « Oh !

1207. (1898) Essai sur Goethe

Une impression profonde, complète, remplit mon âme, et parce qu’elle se composait de mille détails harmonieux, je pouvais la goûter et en jouir, mais je n’aurais pu l’expliquer ni la décrire. […] Ce qu’un homme peut demander à une belle femme dans la nuit profonde. […] L’on y chercherait en vain quelque trait de sentiment fort, de passion profonde. […] C’est là qu’est le nœud de son entente la plus profonde avec Spinoza, dont il avait étudié les doctrines avec zèle et pour sa profonde satisfaction entre ses deux versions de Tasse (1784-1786). […] Néanmoins, j’aime à croire qu’Henrik Ibsen, ou tout autre écrivain moderne que tenterait le sujet, en pénétrerait mieux le sens humain et profond.

1208. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

J’ai vu bon nombre d’eux à l’île d’Elbe : gauches, mauvaise tournure, ne sachant pas entrer dans mon salon ; mais, sous l’écorce, on trouvait un homme, des idées justes, profondes, du bon sens au moins. » La conversation se détourna quelque temps sur l’Angleterre, dont Sismondi était dès lors moins enthousiaste qu’autrefois : il remit l’auguste interlocuteur sur la voie, en disant le bien qu’il pensait des Français. […] Des changements assez profonds s’étaient introduits dans la manière de vivre de Sismondi, et aussi peu à peu dans ses sentiments. […] Sismondi, tout en résistant, en vient à écrire sur le progrès des idées religieuses, et insensiblement il est entamé, il est gagné jusqu’à un certain point et selon sa mesure ; il regarde dans son cœur, et il écrit un matin dans son Journal : « 31 décembre 1835. — Je sens désormais les traces profondes de l’âge, je sais que je suis un vieillard (il avait 62 ans), je sais que je n’ai plus longtemps à vivre, et cette idée ne me trouble point.

1209. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

Ces détails si vrais, si faciles, si heureux de présence d’esprit et de liberté d’expression, ces innocents et profonds souvenirs se jouant d’eux-mêmes dans le cadre sanglant, funèbre, qui les entoure, qui les resserre à chaque instant et qui bientôt va les supprimer avant la fin et les écraser, forment une des lectures éternellement charmantes et salutaires, les plus propres à tremper l’âme, à l’exhorter et à l’affermir en l’émouvant. […] Mme Roland pressentait et ruinait d’avance ces justifications futures, quand elle lui écrivait de sa prison : « Fais maintenant de beaux écrits, explique en philosophe les causes des événements, les passions, les erreurs qui les ont accompagnés ; la postérité dira toujours : Il fortifia le parti qui avilit la représentation nationale, etc. » Quant à Brissot, nous adoptons tout à fait le jugement de Mme Roland sur lui, sur son honnêteté profonde et son désintéressement ; nous le disons, parce qu’il nous a été douloureux et amer de voir les auteurs d’une Histoire de la Révolution qui mérite de s’accréditer, auteurs consciencieux et savants, mais systématiques, reproduire comme incontestables des imputations odieuses contre la probité du chef de la Gironde. […] Des détails intimes sur les sentiments de Mme Roland nous sont révélés dans la Correspondance avec Bancal, et ajoutent à tout ce qu’on connaissait en elle de profond et de simple.

1210. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre III »

Dans les collèges de l’Université, on n’enseigne point l’histoire604. « Le nom de Henri IV, dit Lavalette, ne nous avait pas été prononcé une seule fois pendant mes huit années d’études, et, à dix-sept ans, j’ignorais encore à quelle époque et comment la maison de Bourbon s’est établie sur le trône. » Pour tout bagage, ils emportent, comme Camille Desmoulins, des bribes de latin, et ils entrent dans le monde, la tête farcie « de maximes républicaines », échauffés par les souvenirs de Rome et de Sparte, « pénétrés d’un profond mépris pour les gouvernements monarchiques ». […] « Qu’est-il résulté de tant et de si profondes recherches ? […] Ce sont là des feux de paille, tout au plus des feux de cheminée : mais, avec un seau d’eau froide, on les éteint ; et d’ailleurs ces petits accidents nettoient les cheminées, font tomber la vieille suie. » Prenez garde : dans les caves de la maison, sous les vastes et profondes voûtes qui la portent, il y a un magasin de poudre.

1211. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre IV. Racine »

Par Joad, le pieux poète nous découvre tous les crimes du fanatisme et leur source profonde. […] Ariane, ma sœur, etc… La fille de Minos et de Pasiphaé… Moi-même, il m’enferma dans des cavernes sombres, Lieux profonds, et voisins de l’empire des ombres… Et tant d’autres vers, qui font que la tragédie s’élargit avec l’imagination du public, et devient apte à recevoir toutes les impressions que notre éducation archéologique et esthétique nous fait rechercher dans la représentation de l’antiquité. […] Et, pour doubler l’audace de la peinture, imaginez que ce prophète découvre les crimes futurs de Joas, et risque de rendre odieux le personnage sympathique : faute insigne pour un dramaturge adroit, trait admirable de vérité profonde et de large poésie, qui jette soudainement une vive lumière sur la sinistre histoire de Juda, et sur le triste, le pauvre fond de notre humanité.

1212. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quinzième. »

Sensibilité vive, mais passagère et sans vapeurs ; raison nourrie sans être profonde, n’enfonçant guère dans les choses, mais parfois, et de la première vue, en découvrant le fond ; gaieté, sans rien d’éventé ; une douce mélancolie qui se forme et se dissipe au moment où elle s’exprime ; pas de vieillesse, sans la prétention de ne pas vieillir ; beaucoup de mobilité, avec le lest d’un grand sens qui écarte de la conduite l’imagination et les caprices ; du goût pour les gens en disgrâce, mais sans rancune contre les puissants ; une pointe d’opposition, comme chez tous les frondeurs pardonnés qui n’osaient ni se plaindre ni regretter, et qui se ménageaient pour un retour de fortune ; le cœur de la meilleure mère qui fut jamais, quoi qu’on en ait dit, capable d’amitiés persévérantes, et qui craignit l’amour plutôt qu’elle ne l’ignora ; tels sont les principaux traits de ce caractère, où le solide se fait sentir sous l’aimable, et où l’aimable n’est jamais banal. […] Mais les récits de Saint-Simon n’ont pas cette brièveté de Tacite, si pleine et si éloquente, ni cet art merveilleux qui donne à l’histoire l’intérêt d’un récit et l’aspect saisissant d’un tableau, ni ces profondes maximes qui en sont la moralité, et où Tacite est sans égal. […] Quel tableau que celui de ces espérances détruites par la mort du prince ; de ce règne dévoré d’avance ; de ces dettes contractées sur une succession qui ne doit pas s’ouvrir ; de ce deuil extérieur de tous, qui cache tant de pensées diverses et la profonde joie de quelques-uns ; de ce vieux roi qui pleure à la porte de son fils !

1213. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

Le lien de profonde affection qui s’établit ainsi entre M.  […] Ma douceur, qui vient souvent d’un fond d’indifférence ; mon indulgence, qui, elle, est très sincère et tient à ce que je vois clairement combien les hommes sont injustes les uns pour les autres ; — mes habitudes consciencieuses, qui sont pour moi un plaisir ; — la capacité indéfinie que j’ai de m’ennuyer, venant peut-être d’une inoculation d’ennui tellement forte en ma jeunesse, que j’y suis devenu réfractaire pour le reste de ma vie ; — tout cela s’explique par le milieu où j’ai vécu et les impressions profondes que j’ai reçues. […] Une fois, lors de la mort de ma sœur, elle m’a, à la lettre, chloroformé pour que je ne fusse pas témoin d’un spectacle qui eût peut-être fait une lésion profonde dans mes sens et nui à la sérénité ultérieure de ma pensée.

1214. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 janvier 1886. »

Voici qu’au seuil profond de la Vague, apaisée, Avec Elle, — ô le feu de sa lèvre baisée ! […] Mais cette négation ne revêt pas le caractère affirmatif d’une profonde conviction ; elle est ce que Wagner nommait le « pessimisme absolu », (X, 326), celui « qui se contente de constater la nullité du monde ». […] Nous avons la confiance d’avoir réussi : les Wagnéristes français ont eu la curiosité de ces œuvres prodigieuses ; ils savent que Wagner ne fut pas seulement un musicien extraordinaire, mais qu’il fut encore et surtout le réformateur de l’art, le glorieux initiateur, fondant ses théories artistiques sur les plus profondes notions philosophiques.

1215. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Chamfort. » pp. 539-566

Il n’en parle jamais qu’en des termes qui marquent un attendrissement profond : Lorsque mon cœur a besoin d’attendrissement, je me rappelle la perte des amis que je n’ai plus, des femmes que la mort m’a ravies ; j’habite leur cercueil, j’envoie mon âme errer autour des leurs. […] De telles paroles montrent à quel point Chamfort, malgré quelques parties perçantes et profondes, n’était qu’un homme d’esprit sans vraies lumières et fanatisé. […] En effet, Madame, le triomphe de la tendresse fraternelle, l’amitié généreuse et les combats magnanimes de deux héros avaient naturellement trop de droits sur votre âme, et peindre des vertus, c’était s’assurer l’honneur du suffrage de Votre Majesté. — Je suis avec un très profond respect, Madame, de Votre Majesté le très humble, très obéissant et très fidèle sujet, Chamfort. » 79.

1216. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre troisième. La reconnaissance des souvenirs. Son rapport à l’appétit et au mouvement. »

Il ne faut pas abuser d’une méthode positiviste qui dispense de toutes les questions profondes et vraiment difficiles, de celles qui portent sur le cœur même des choses. […] Que je ferme les yeux, que je m’absorbe dans une rêverie profonde, que je me rappelle fortement les circonstances dans lesquelles j’ai reçu un coup, je pourrai finir par me persuader un instant que je le reçois, plus ou moins fort ; je pourrai tressaillir comme si on me frappait encore. Reid ne croit donc pas si bien dire ; il est profond sans s’en douter.

1217. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre V. Le Bovarysme des collectivités : sa forme idéologique »

Il est pour les collectivités sociales d’autres modes de Bovarysme qui les contraignent de se concevoir différentes d’elles-mêmes dans leur activité la plus profonde et qui comportent des conséquences d’une tout autre gravité : car la plante sociale modifiée jusque dans ses racines se voit imposer aussi et par là même une floraison différente. […] Or cette vue du philosophe paraît bien profonde si l’on considère que le juif, dont le lien national est purement ethnique et religieux et n’est fixé autour d’aucun lieu de l’espace, a tout à gagner et rien à perdre avec une doctrine qui fait de tous les hommes, des citoyens de l’univers égaux entre eux, et, des nationalités diverses, des faits d’une importance secondaire ou périmée. […] Alors seulement elles recommenceront à façonner, au lieu de ses plats commodes pour les seuls renards, des amphores profondes, au col étroit, adaptées à la forme de leur cou et qui garderont pour elles quelques bons morceaux.

1218. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1870 » pp. 321-367

Je ne peux dire la profonde tristesse dans laquelle je tombai, quand il me déclama, avec une solennité recueillie, ce petit morceau sur lequel nous ne nous étions pas concertés, et qui ne devait être fait que plus tard. […] * * * Un mystère, un mystère incompréhensible, insondable, que dans cet atrophiement du cerveau, la résistance, la survie de certaines facultés, de certaines puissances de l’entendement, un mystère que cette échappée de mots, de réflexions, de choses vives ou profondes, jaillissant à travers cette léthargie qu’on penserait universelle, un mystère qui vous retire à tout moment de votre désespérance et vous fait dire : « Mais cependant ?  […] Des yeux larmoyants, profonds, ténébreux.

1219. (1809) Quelques réflexions sur la tragédie de Wallstein et sur le théâtre allemand

D’autres fois, ces personnages secondaires servent à développer d’une manière piquante et profonde les caractères principaux. […] Ils ont dans le cœur une sensibilité naturelle et profonde qui se plaît à la peinture des sentiments vrais. […] Thécla n’observe aucun des déguisements imposés à nos héroïnes ; elle ne couvre d’aucun voile son amour profond, exclusif et pur ; elle en parle sans réserve à son amant. « Où serait, lui dit-elle, la vérité sur la terre, si tu ne l’apprenais par ma bouche ? 

1220. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre IV. Comparaison des variétés vives et de la forme calme de la parole intérieure. — place de la parole intérieure dans la classification des faits psychiques. »

La bouche garde le silence Pour écouter parler le cœur34 ; sa parole intérieure reste calme ; elle ne peut s’élever jusqu’à l’inspiration ; si, dans cet état, il se souvient de la Muse et de leurs amours d’autrefois, son esprit lui représente en vain tous les motifs poétiques qui devraient éveiller son génie ; aucun n’a le pouvoir de l’arracher à lui-même ; il ne ressent ni colère durable ni enthousiasme profond ; la Muse est pourtant descendue du ciel ; elle lui a parlé ; mais il a eu peine à la reconnaître ; ni son appel ni son baiser n’ont pu réchauffer un cœur glacé ; il refuse de s’envoler avec elle dans les « mondes inconnus » qu’en des temps plus heureux ils ont tant de fois parcourus ensemble. […] La mémoire étant la reproduction des faits d’expérience, l’imagination est l’innovation expérimentale ; or le fond de toute cette activité novatrice est mémoriel ; en supposant l’imagination à son maximum et pénétrant les couches les plus profondes de nos phénomènes, la mémoire est comme une couche infinitésimale, irréductible, plus profondément située encore, et sur laquelle repose nécessairement l’édifice construit par l’imagination. […] La succession de faits homogènes que nous appelons la parole intérieure est donc une série continue d’habitudes positives réalisées, et la parole intérieure, dans son ensemble, est une habitude positive complexe, qui dès l’enfance a pris possession de la vie psychique, et qui, toujours entretenue et fortifiée par l’attention, a poussé en nous des racines si profondes que son incessante réalisation est devenue comme une nécessité de notre existence.

1221. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre IV. Conclusions » pp. 183-231

Quelles que soient les lois générales qui dominent avec plus ou moins de force les évolutions individuelles, il y a d’homme à homme des différences dont on aimerait savoir les causes profondes. […] » Après réflexion, je l’expliquai par ce besoin profond que nous avons tous du mieux. […] Nullement ; elles sont au contraire dans tous les éléments de leur époque et de leur milieu qu’ils ont subis sans leur imposer l’empreinte de leur personnalité, dans tel cliché du vocabulaire ou de la syntaxe, dans telle forme purement traditionnelle, dans tel préjugé local docilement obéi, dans tel principe de l’époque aveuglément accepté ; en un mot, partout où la forme, — dans le sens profond du mot, — n’est pas parfaitement adéquate à la personnalité ; par contre ces mêmes artistes demeurent vivants jusque dans leurs erreurs, quand elles sont personnelles.

1222. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

La douleur de Pétrarque fut profonde. […] C’est à la foi chrétienne qu’il faut demander le sens intime, le sens profond du Canzoniere. […] Or, la lecture de Giusti, n’a jamais produit en moi une de ces émotions profondes dont le génie a seul le secret. […] Toutes ses paroles révèlent la connaissance profonde du sujet qu’il traite. […] Une femme ainsi faite ne mérite guère d’inspirer une affection profonde.

1223. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

Il n’y a pas de plus profonde jouissance que la lecture d’un beau style. […] Le génie de Virgile, c’était sa langue, son style exquis, d’une mélancolie et d’une création nuancée si profondes. […] Sous cette vigoureuse enveloppe, il y avait une intelligence puissante, un cœur indomptable, une âme ardente et profonde. […] Nous sommes descendus, à travers les ronces et les broussailles, dans une douve profonde et sombre, cachée au pied d’une grande tour qui se baigne dans l’eau et dans les roseaux. […] Les critiques l’ont remarqué, et nous connaissons des professeurs qui recommandent expressément la lecture de Rousseau, bien qu’il soit plus ingénieux que profond, et qu’on sente toujours la rhétorique à travers son éloquence.

1224. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff » pp. 237-315

Souvent du tronc des arbres, que l’on a coupés, on voit s’élever de nouveaux rejetons ; souvent les plaies les plus profondes se cicatrisent ; la vie triomphe de la mort qui, à son tour, triomphera de la vie. […] Guérassime avait une horreur profonde pour les ivrognes. […] Elle s’attacha avec une sorte de sentiment profond de gratitude à son bienfaiteur ; elle le suivait partout pas à pas en agitant sa queue comme un éventail. […] Une demi-heure après, un silence profond régnait dans l’hôtel. […] c’est ce que je n’aurais jamais cru, ajouta-t-elle avec une profonde expression de tristesse.

1225. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

Richelieu n’eût pas mieux pénétré la profonde conduite du sénat romain. […] Toutes les études religieuses du prédicateur, la vaste littérature du précepteur du dauphin, une religion et une expérience si profondes, allaient être employées pendant vingt ans à des controverses dont le bruit a rempli l’Europe, et où Bossuet devait se faire voir sous une face nouvelle. […] Ce sont les qualités de composition, de méthode, de proportion, de plan, vérités d’art indépendantes des applications qu’on en fait ; ce sont tant de vues profondes sur le cœur humain, sur les passions, sur les affaires, inépuisable matière des disputes des hommes. […] Faut-il accorder ce scandale aux incrédules, que la foi de Bossuet fut la jalousie de l’autorité dans l’évêque plutôt que la paisible et profonde habitude du chrétien ? […] Aux endroits les plus impénétrables il semble prendre la lyre de David, et il chante comme enivré par cette nuit profonde, où il est si doux pour le chrétien d’abîmer l’orgueil de son entendement.

1226. (1923) L’art du théâtre pp. 5-212

Elles ont été formulées dans un petit livre subtil et profond que tout artiste « conscient » devrait garder à son chevet, Art et Scolastique, de Jacques Maritain. […] Dépassant la lettre et le mot, il s’agira de réaliser dans l’objet dont ils sont le revêtement une luminosité plus profonde. […] Pour honorer, illustrer et magnifier cette réalité profonde, on ne déploiera jamais trop de pompe extérieure. […] Si les deux formes du drame romantique qui va être instauré ont des rapports profonds entre elles, elles ne se confondent pas. […] Lorsque la phrase se dépouille, que les êtres, s’entrechoquant, échangent des répliques rapides, concises et profondes, n’est-ce pas malgré lui, sous la contrainte de l’action parvenue à son paroxysme ?

1227. (1769) Les deux âges du goût et du génie français sous Louis XIV et sous Louis XV pp. -532

Mersene les calculerent en Mathématiciens profonds ; mais des calculs ne feront jamais un Musicien. […] On les regarda comme une profonde carriere, d’où l’on pourrait tirer les matéreaux propres à élever plus d’un édifice utile & régulier. […] Le profond Clairaut calculait les tables de la lune, & décrivait la figure de la terre. […] Destouches est moins profond que Campra ; mais il a plus de goût : ses chants son plus gracieux. […] Sa Musique pittoresque & saillante, offre, en même tems, des morceaux profonds & sublimes.

1228. (1890) Causeries littéraires (1872-1888)

Non, tout cela n’est pas bien grave et les dissentiments ne sont pas profonds. […] Et je songe au mot profond de M.  […] Bourget ne semblent pas aux esprits plus profonds d’une autorité suffisante. […] Cependant dans ce noble cœur a germé une haine vivace et profonde, la haine de ce père qui l’a délaissé. […] Amour d’hier, notez-le bien, et qui n’a pas poussé encore de profondes racines.

1229. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXI » pp. 237-241

Sainte-Beuve sur Daunou nous a appris à bien fixer nos idées sur un savant et un écrivain dont on avait beaucoup parlé dans ces derniers temps, depuis sa mort ; il en avait été fait tant d’éloges qu’on se demandait naturellement ce qui avait manqué à un homme qui avait été aussi profond érudit et aussi habile écrivain pour arriver à plus de célébrité et à plus de résultats notoires.

1230. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 92-99

Avoir reçu du Ciel une imagination vive & féconde, un jugement aussi exquis que solide ; allier à l’étendue du savoir une profonde sagesse ; aux charmes de l’éloquence l’empire de la vertu ; à l’élévation des dignités un amour aussi éclairé qu’intrépide pour le bien ; avoir ajouté à ces qualités une application infatigable à cultiver ses talens, une modestie sincere, la véritable parure du mérite : tel est le privilége heureux qui distingue ce Grand Homme, à qui les hommages ne peuvent être trop prodigués.

1231. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 331-337

Nulle autre cause de cette étonnante supériorité, que la connoissance profonde du cœur humain, qu’une observation subtile qui saisissoit avec justesse les vices & les ridicules par-tout où ils se trouvoient, qu’une délicatesse de tact qui discernoit, à coup sûr, ce qu’il y avoit de plus saillant dans les travers de la Société, que l’art enfin de les présenter sous un jour propre à les rendre sensibles, & à les corriger par une plaisanterie sans aigreur, sans apprêt, & toujours si naturelle, que l’effet en étoit immanquable.

1232. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre V. Histoire littéraire. » pp. 212-219

On ne sauroit trop en recommander la lecture à ceux de nos Ecrivains qui traitent superficiellement les matieres qui demandent les recherches les plus profondes.

1233. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

Mais il ne met la main que sur elle ; il a laissé de côté tous les profonds prolongements enchevêtrés par lesquels elle plonge et se ramifie dans ses voisines ; il ne s’embarrasse pas d’eux, il n’y songe pas ; il détache, cueille, effleure, et puis c’est tout. […] Rien de plus opposé à leur génie que les vrais chants et les profondes hymnes, telles que les moines anglais en chantent encore sous les voûtes basses de leurs églises. […] Le profond rajeunissement des êtres, l’air tiède du printemps qui renouvelle et ébranle toutes les vies, ne leur suggère qu’un couplet gracieux ; ils remarquent en passant que « déjà est passé l’hiver, que l’aubépine fleurit, et que la rose s’épanouit  » ; puis ils vont à leurs affaires. […] — Tu chantes bien, coucou. —  Ne cesse pas maintenant de chanter120. » Voilà des peintures riantes, comme en fait en ce moment Guillaume de Lorris, même plus riches et plus vivantes, peut-être parce que le poëte a trouvé ici pour soutien le sentiment de la campagne qui, en ce pays, est profond et national. […] Il a songé « qu’il était dans un désert,  — il ne put jamais savoir en quel endroit,  — et comme il regardait en l’air,  — du côté du soleil,  — il vit une tour sur une hauteur,  — royalement bâtie,  — une profonde vallée au-dessous,  — et là-dedans un donjon,  — avec de profonds fossés noirs,  — et terribles à voir. » Puis, entre les deux, une grande plaine remplie de monde, « d’hommes de toutes sortes,  — pauvres et riches,  — travaillant et s’agitent,  — comme le veut le monde ; — quelques-uns à la charrue — labouraient avec un grand effort,  — pour ensemencer et planter,  — et peinaient durement,  — gagnant ce que des prodigues venaient détruire et engloutir164. » Lugubre peinture du monde, pareille aux rêves formidables qui reviennent si souvent chez Albert Durer et chez Luther ; les premiers réformateurs sont persuadés que la terre est livrée au mal, que le diable y a son empire et ses officiers, que l’Antechrist, assis sur le trône de Rome, étale les pompes ecclésiastiques pour séduire les âmes et les précipiter dans le feu de l’enfer.

1234. (1848) Études critiques (1844-1848) pp. 8-146

L’abattement profond d’un souverain pleurant sur les débris de sa ville, ou d’un amant trahi par sa maîtresse, ou bien d’un père qui embrasse sa fille morte, ce sont là des situations qui n’ont guère de rapports entre elles, et pourtant lorsque les paroles deviennent dépositaires de ces grandes douleurs, elles se refusent à tenir compte de la distance qui les sépare, et elles ne peuvent leur présenter que l’usage des mêmes mots. […] Il arrive encore que, pressée de se faire voir sans nécessité, elle risque de déplaire en se montrant sous une parure qu’elle a usée ; mais, tout cela admis, sa sincérité naïve et profonde lui fait trouver faveur, et, tout en lui reconnaissant des défauts, on l’aime. […] Comme il a pris dans ce livre la divagation pour le naturel, la digression fatigante pour la réflexion profonde et pour le caprice ! […] Il y court, en effet, et comme il se tient sur le pont, regardant couler les eaux profondes, voici qu’il entend tout à coup sortir du sein du fleuve une voix creuse et tremblotante, interrompue par des quintes de toux, en un mot une voix de vieillard qui le salue et s’empresse de lui conter en gémissant mille infortunes. […] La preuve c’est qu’au moment où je parle, il est retombé de tout son poids dans la très profonde obscurité d’où M. 

1235. (1895) Les confessions littéraires : le vers libre et les poètes. Figaro pp. 101-162

» Certes, l’évolution de Mistral va causer une révolution littéraire ; mais n’oublions pas que nous sommes d’une terre classique où la tradition exerce une profonde influence. […] Je puis admirer Hugo, Musset, Gautier, Leconte de Lisle, sans les aimer ; en revanche, mon amour ira profond à un Ronsard, à un Vigny, à un Baudelaire, à un Verlaine. […] Pour ce qui est de notre langue, au contraire, voici quelle est ma foi profonde : Le vers français, tel qu’il a été constitué de Villon à Ronsard, affermi de Malherbe à Racine, assoupli d’André Chénier à Victor Hugo, est le plus parfait instrument d’expression qui puisse être donné à la poésie. […] J’avais toujours eu le désir profond de l’inaugurer. Aussi suis-je heureux au possible de collaborer avec Zola, avec qui je suis tendrement lié, pour qui je professe la plus haute admiration, la plus profonde amitié.

1236. (1890) Dramaturges et romanciers

« Ce qu’il nous faut, dit-il, c’est la vérité, mais la vérité neuve et profonde. […] Feuillet nous l’a révélé par un mot étrange et profond. […] Cherbuliez dans quelques pages ingénieuses et vraiment profondes. […] Babolain prodigue toute sa vie des trésors de tendresse sans obtenir jamais d’autre récompense que le plus profond ridicule. […] Mais le Babolain de Gustave Droz ne nous amuse ni ne nous émeut ; le sentiment qu’il nous inspire, c’est celui d’un profond étonnement.

1237. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

Ses maisons se groupent sur un promontoire qui domine le profond ravin où coule la Nive d’Arnéguy. […] La Chanson de Roland évoque pour nous, avec une incomparable puissance, autour du nom de Roncevaux l’image de gorges profondes, de hauts rochers sombres laissant entre eux d’étroits défilés : Hauts sont les monts et les vaux ténébreux, Les roches bises, les détroits merveilleux… Hauts sont les monts et ténébreux et grands, Les vaux profonds où courent les torrents. […] Aux flancs des montagnes, des grottes profondes font des trous noirs dans la verdure ensoleillée des prairies ; les pentes plus hautes éclatent de l’or éblouissant des genêts. […] Au contraire, le Moyen Âge a produit en masse des œuvres imparfaites, où des idées profondes, des pressentiments sublimes ont pris des formes souvent vagues et imprécises qui permettent à l’imagination moderne de les interpréter et de les compléter à son gré. […] Cette idée si profonde, où se mêlent d’une façon si poétique l’enchantement de l’espérance et le désenchantement de la réflexion, n’est à vrai dire que suggérée par le vieux conte, elle n’y est pas nettement indiquée, car il fait rentrer le héros, et pour toujours, dans le paradis qu’il a quitté.

1238. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

L’étude n’en est pas moins profonde, et pour avoir été faite par un docteur en manchettes, l’autopsie n’est pas moins complète. […] profonde bassesse !  […] Ils ne savaient pas qu’il y a, dans certaines âmes, au plus profond, une pitié grave et froide comme la justice. […] Oui, les choses éternelles semblaient seules vivantes au fond de ses grands yeux ; les autres y passaient comme de vaines apparences dans un miroir profond. […] Car ces visions émouvantes du Seigneur étaient ce qu’il y avait de plus radieux dans leur vie, de plus profond dans leur conscience.

1239. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

Tant cette complexion est riche et profonde ! […] Le génie est tranquille dans sa force profonde : à cause de cette profondeur même, il semble avoir je ne sais quoi de calme jusque dans la passion. […] Les masses qui composent l’humanité ne se conduisent pas par des raisonnements ; elles vont par instincts profonds, par flux et reflux, comme la mer. […] Quelle mélancolie profonde ! […] Quiconque n’a pas vu de ses yeux l’éclatante beauté du paysage anglais, avec sa végétation fraîche et humide, ne peut apprécier suffisamment Constable et sa profonde vérité.

1240. (1903) La pensée et le mouvant

Comment déraciner une inclination aussi profonde ? […] Nous n’avons aucun intérêt à écouter le bourdonnement ininterrompu de la vie profonde. […] Plus vivante était la réalité touchée, plus profond avait été le coup de sonde. […] Les idées profondes et fécondes sont autant de prises de contact avec des courants de réalité qui ne convergent pas nécessairement sur un même point. […] Mais les causes qui l’amenèrent à se concentrer sur lui-même furent plus profondes.

1241. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

Il n’est pas vrai que les opinions soient si diverses, ni les divisions si profondes. […] Que ne l’a-t-il donc mise à l’endroit où il célèbre en Vigny « le sens profond de la volupté physique » ? […] comme l’émotion en est plus profonde, plus intense ! […] Ses vues, quand elles sont profondes, sont courtes, mais, quand elles sont plus longues ou plus larges, elles sont vagues. […] C’est le sens profond des anciens mythes qui plaçaient l’éloquence à l’origine des civilisations ou des sociétés mêmes.

1242. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

A Rome je ne vois à y ranger que Plaute, Plaute mal apprécié encore1, peintre profond et divers, directeur de troupe, acteur et auteur, comme Shakspeare et comme Molière, dont il faut le compter pour un des plus légitimes ancêtres. […] En un mot, plus on avance dans le siècle dit de Louis XIV, et plus la littérature, la poésie, la chaire, le théâtre, toutes les facultés mémorables de la pensée, revêtent un caractère religieux, chrétien, plus elles accusent, même dans les sentiments généraux qu’elles expriment, ce retour de croyance à la révélation, à l’humanité vue dans et par Jésus-Christ ; c’est là un des traits les plus caractéristiques et profonds de cette littérature immortelle. […] assemblage indéfinissable qui répond à ce qu’il y a de plus mystérieux aussi dans le talent dramatique et comique, c’est-à-dire la peinture des réalités amères moyennant des personnages animés, faciles, réjouissants, qui ont tous les caractères de la nature ; la dissection du cœur la plus profonde se transformant en des êtres actifs et originaux qui la traduisent aux yeux, en étant simplement eux-mêmes ! […] Shakspeare a de plus que Molière les touches pathétiques et les éclats du terrible : Macbeth, le roi Lear, Ophélie ; mais Molière rachète à certains égards cette perte par le nombre, la perfection, la contexture profonde et continue de ses principaux caractères. […] Il est difficile de croire, par exemple, que Shakspeare et Molière, les deux plus hauts types de cette classe d’esprits, n’aient pas senti avec une passion profonde et parfois amère les choses de la vie.

1243. (1825) Racine et Shaskpeare, n° II pp. -103

profonde politique !  […] Tous les autres, pour mieux se livrer à leur attention profonde, se cachaient le front de la main, et à l’interruption, aucun n’a fait de mouvement. […] Si elles sont satiriques, méchantes, attristantes, elles ne traverseront pas l’Océan, et tomberont dans le profond oubli qu’elles méritent. […] Je ne sais jusqu’à quel point tous ces reproches sont fondés ; mais voici un petit exemple du profond savoir de messieurs les écrivains Classiques. […] Je vous l’avouerai, je suis touché de votre profond respect pour Racine, mais touché sensiblement.

1244. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IV : Sélection naturelle »

Mais aujourd’hui nul ne s’avise plus guère de traiter l’action des vagues côtières comme une cause insuffisante pour rendre compte de l’excavation de vallées profondes ou de la formation de longues murailles de rochers à pic. […] Comme la géologie contemporaine a presque complétement renoncé à l’hypothèse des grandes vagues diluviennes, la sélection naturelle, si le principe sur lequel elle repose est vrai, doit aussi bannir à jamais l’idée que de nouveaux êtres organisés soient périodiquement créés, ou que des modifications profondes puissent se manifester soudainement dans leur structure. […] Un éleveur choisit un but déterminé pour en faire l’objet de sa sélection méthodique ; et le libre croisement suffirait pour anéantir ses résultats acquis ; mais quand beaucoup d’hommes, sans avoir l’intention d’altérer la race, ont un idéal commun de perfection et que tous s’efforcent de se procurer les plus beaux sujets et de les multiplier, des modifications et des améliorations profondes doivent résulter lentement, mais sûrement, de ce procédé de sélection inconsciente, nonobstant une grande somme de croisements avec des sujets inférieurs. […] Mais, comme je l’ai déjà dit dans mon Introduction, nul ne doit s’étonner qu’il reste encore beaucoup de choses inexpliquées sur l’origine des espèces, si l’on songe à notre profonde ignorance concernant les relations mutuelles des habitants du monde, durant les époques successives de son histoire. […] Aussi les petites différences qui distinguent les variétés de la même espèce tendent constamment à s’accroître, jusqu’à ce qu’elles égalent les différences plus profondes qui séparent les espèces du même genre, ou même les genres distincts.

1245. (1920) Action, n° 2, mars 1920

La pure impression, naïve et forte, délicate ou profonde, vaut d’ailleurs mille fois mieux que les plus habiles discours de l’école et la géométrie la plus savante. […] Il devait arriver que cette âme profonde et délicieuse, que la vie a tourmentée sans qu’elle cesse de lui sourire, projetât sa vive et exquise lumière sur d’autres que ses amis de lettres. […] Comment des lettrés sincères ont-ils pu réduire cette verve qui ne veut rien laisser perdre des injonctions profondes que recèlent les événements les plus futiles, à de la simple facétie ? […] Pur surcroît, à notre époque, qui est la plus matérialiste et la plus vile, les artistes et les sensibles ont besoin d’une nouvelle foi, d’une profonde émotion intérieure. […] Franz Werfelbj est le plus vaste et le plus profond de sa génération.

1246. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre II. L’antinomie psychologique l’antinomie dans la vie intellectuelle » pp. 5-69

Ce fait indéniable prouve bien non seulement qu’il n’y a aucune antinomie profonde entre l’individu et la société, mais que leur séparation ne peut être conçue14. » — Qui ne voit que cette solution de l’antinomie est un pur trompe-l’œil et qu’elle aboutit simplement à nier l’individu et à l’absorber dans le déterminisme social ? […] L’antinomie résulte de ce fait que l’individu n’étant pas un simple produit social, mais impliquant d’autres éléments (physiologie, hérédité, race) capables d’influer sur son intelligence, on conçoit qu’il puisse se produire une désharmonie plus ou moins profonde entre la pensée individuelle et la pensée du groupe. […] Et c’est ce moi profond, mystérieux ; c’est cette partie inaccessible et voilée de nous-mêmes qui constitue notre être véritable. […] N’abolit-il pas en conséquence, dans cette partie profonde de nous-mêmes le sentiment de l’individualité ?

1247. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juin 1885. »

Puis il nous semble que Beethoven, éperdu de cette profonde joie intime, jette au monde extérieur un regard pénétré d’une indicible sérénité. […] Il contemple, ainsi, la vie, et, dans une réflexion, se demande comment il prendra, lui-même, sa part de cette danse ; (court Adagio 3/4) ; réflexion brève, mais cruelle, rappelant le Maître au Rêve profond de son âme. […] peut-être n’est-il point nécessaire que nous l’admettions, car, certes, nous ne pourrions admettre, jamais, sans nous tromper, que l’artiste puisse composer quelque œuvre, s’il n’a, en son âme, la plus profonde sérénité. […] Fantin a rendu le sens profond de la scène, et de ce drame entier, la Goetterdaemmerung, où le jeune Siegfried, avec la joie de sa force, nous donne aussi comme l’angoisse du fait cruel, si prochain.

1248. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

Ouvrez l’Edda et les Niebelungen ; la lecture la plus superficielle y découvre un goût de rêverie et des sentimens profonds, sombres ou exaltés qui nous rappellent sans cesse que les héros et les bardes de ces vieilles poésies n’ont pas vu le ciel de l’Italie ou celui de l’Espagne. […] Sigurd, Sigefried, Attila, les héros du Nord, se jouent des accidens naturels ; ils se plaisent au milieu des tempêtes de l’Océan, soupirent après les combats comme après des fêtes, sourient à la mort comme à une amie, et joignent à un profond mépris de la vie un sentiment énergique du devoir, et le goût d’un amour infiniment plus pur que celui des peuples du midi. […] Cette indifférence, qui désespère au premier coup d’œil, est digne d’une méditation profonde. […] Non ; il s’agit d’une critique plus profonde, et qui s’applique à l’instrument même de tout système, de toute métaphysique, à la faculté de connaître, à la raison, qui en détermine la constitution intérieure, l’étendue et aussi les limites : Tecum habita et nôris quàm sit tibi curta supellex.

1249. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — I. » pp. 279-295

Comment peut-on encore ignorer quelque part que les recherches les plus profondes, la lecture la plus assidue, ne sont que des moyens d’instruction dont l’application seule fait le mérite, et que se tourmenter pour devenir érudit, sans avoir d’autre talent et sans se proposer d’autres vues, c’est passer sa vie à aiguiser une arme dont on ne doit jamais se servir ? […] Le Vacher de La Feutrie, doyen de la faculté de médecine de Paris, Vicq d’Azyr est traité plus gaiement ; dans un parallèle développé il est comparé à Cromwell : « Mille traits de ressemblance vous rapprochent : ambition démesurée, hypocrisie profonde, etc., etc.

1250. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La Divine Comédie de Dante. traduite par M. Mesnard, premier vice-président du Sénat et président à la Cour de cassation. » pp. 198-214

Un homme plus jeune, sorti comme Ginguené de la philosophie du xviiie  siècle, et qui tenait par ses habitudes premières à la société d’Auteuil, Fauriel était destiné à opérer ce changement profond dans le goût, je ne dirai pas du public, mais de tous les littérateurs instruits et de la portion la plus éclairée de la jeunesse française. […] Cet amour, dont les principaux accidents et les aventures se bornèrent à quelques saluts, à quelques regards échangés et à quelques sourires, tout au plus à de rares paroles, et qui ne devait empêcher aucune des deux personnes qui s’en entretenaient ainsi, de s’engager un peu plus tôt ou un peu plus tard dans les liens positifs du mariage ; cet amour qui semblait d’ailleurs à jamais rompu par la mort prématurée de Béatrix vers l’âge de vingt-six ans, devint et continua d’être la pensée profonde, supérieure, le ressort le plus élevé de la conduite et des entreprises de Dante.

1251. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — I » pp. 1-17

Mais s’il devait s’affranchir par l’intelligence, il appartenait bien radicalement à ce monde de La Chênaie par la sensibilité, par les impressions profondes, par les premiers et sincères témoignages du talent : tellement que, dans la perspective littéraire du passé, il s’y vient placer comme une figure dans son cadre, en s’en détachant ; il en est et en demeurera dans l’avenir le paysagiste, le peintre, le véritable poète. […] Un grand vent du nord roulait sur la forêt et lui faisait pousser de profonds mugissements.

1252. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance diplomatique du comte Joseph de Maistre, recueillie et publiée par M. Albert Blanc » pp. 67-83

C’est une étrange nation, qui fait depuis deux cents ans, par un instinct aveugle, tout ce que la plus profonde sagesse dicterait aux plus profonds philosophes, c’est-à-dire d’être fidèle à son gouvernement, quel qu’il soit, et de répandre tout son sang pour lui, sans jamais lui demander compte de ses pouvoirs… Il peut haïr, il peut maudire, exécrer son grand adversaire, mais ce n’est pas lui qu’on pourra jamais soupçonner de le mépriser.

1253. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourg, par M. Michelet. (suite.) »

Et, comment, après quelque satisfaction incomplètement donnée au sentiment public et une première lune de miel à coup sûr, mais bien rapide et passagère, comment n’y aurait-il pas eu guerre profonde et irréconciliable en effet ? […] mais excluant de son idée de réforme et de ses ressources financières tout impôt régulier sur la Noblesse, tout recours et toute reprise sur les biens immenses et scandaleux du Clergé ; roi croyant à l’égalité chrétienne, mais attentif à reconstituer les classes, à les séparer en les épurant, à les distinguer par des attributions spéciales, par des délimitations exactes et profondes, le duc de Bourgogne n’eût fait (en lui supposant un succès d’un jour) qu’asseoir sa monarchie soi-disant restaurée sur un degré étroit et glissant, et la retenir à peine sur la pente où tout son poids la précipitait.

1254. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

Il règne dans ce poème un profond sentiment de la misère de l’homme qui, « à peine né, a déjà les tempes qui blanchissent ». […] Et ces bons serviteurs, dociles animaux Que la main d’un enfant, sans rigueur, sans sévices, Incline, en se jouant, aux plus rudes services, Je les aime et le dis sans phrase, — et le premier, Nommant tout par son nom, je chante le fumier, Le fer comme les bras qui font la moisson drue, Et le labour profond et la grande charrue !

1255. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « M. de Pontmartin. Les Jeudis de Madame Charbonneau » pp. 35-55

Un jour, l’impatience le prenant, il a fait une addition, une somme totale de toutes les petites piqûres qu’il avait reçues, et cela formait une blessure large et profonde qui tout d’un coup s’est découverte : son amour-propre a parlé par la bouche de sa blessure. […] Ne cherchez en effet dans cette production aucune trace d’un sentiment profond, élevé, aucune mâle et noble colère ; d’un bout à l’autre la personnalité règne, et rien que la personnalité ; on peut dire que cette plume crache la personnalité à tout propos.

1256. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc »

Mais, ce premier examen terminé et dans le calme profond dont on jouit si pleinement au milieu de la vaste cité aux trois quarts déserte, quelques monuments, quelques peintures revenaient dans la mémoire, en y laissant chaque jour des traces plus profondes ; bientôt ils formaient comme des points lumineux dont les reflets jetaient la clarté jusque sur les objets les plus médiocres en apparence.

1257. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre. »

Édouard Lefebvre, ne se faisait point illusion sur le caractère de la reine : il savait combien était profonde son aversion pour la France, quelle témérité elle portait dans la direction de sa politique ; mais elle était mère : il pensait qu’à ce titre elle pourrait se laisser toucher. […] Mais, on le conçoit, et même chez un esprit que les succès littéraires ne préoccupaient point, même pour le seul penseur, il y eut, il dut y avoir des tristesses intimes et profondes, de grandes défaillances morales, de voir ainsi l’œuvre de sa vie compromise et découronnée, de se sentir arriver au public tout haché et morcelé, lui qui précisément avait la conception une et entière ; d’assister au développement et au plein succès d’une autre vue que la sienne, et que naturellement il estimait moins exacte et moins vraie, sur cette grande époque et sur l’homme étonnant qui la personnifie.

1258. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

Lorsque j’étais parvenu dans une de ces profondes solitudes, où je croyais arriver seul, je m’y retrouvais avec toutes mes secrètes angoisses, avec mes passions à demi brisées, mes soifs ardentes de l’inconnu, mes dégoûts infinis et mes prodigieuses lassitudes. […] On se dit en lisant ces couplets : « J’ai déjà entendu cela quelque part. » Ils reviennent pourtant ici avec je ne sais quel accent nouveau et touchant, personnel à l’homme. — Et s’asseyant au bord du torrent, s’absorbant aux bruits vagues, uniformes et profonds, qui berçaient sa pensée et qui lui en renvoyaient comme l’écho, il s’écriait encore : « Va, coule dans ton lit de pierres vives, précipite-toi dans ta fougue indomptée, enfant des neiges et de l’orage !

1259. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Gisors (1732-1758) : Étude historique, par M. Camille Rousset. »

Si jamais il y eut une chute profonde, irréparable, et d’où il semblait qu’on ne dût jamais se relever, ce fut assurément celle du surintendant Fouquet et de toute sa famille. […] La douleur du maréchal fut profonde : il perdait son bras droit, son conseil et une moitié de lui-même.

1260. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres choisies de Charles Loyson, publiées par M. Émile Grimaud »

Vous m’êtes échappés, secrets d’un autre monde,    Merveilles de crainte et d’espoir, Qu’au bout d’un océan d’obscurité profonde Sur des bords inconnus je croyais entrevoir ! […]  » Ces dernières paroles produisirent, on peut le croire, une impression profonde sur l’assistance : rien ne manquait au dramatique ; Cousin était alors souffrant, pâle, affecté ou se croyant affecté de la poitrine, comme il convenait à un disciple du Phédon qui aspire à jouir le plus tôt possible de l’immortalité.

1261. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LE COMTE MOLÉ (Réception à l’Académie.) » pp. 190-210

Il recueillit de tout cela des impressions profondes, ineffaçables, de ces impressions qui ne devraient jamais être séparées de l’histoire, et sans lesquelles elle n’est que froide et morte, toujours plus ou moins menteuse. […] Molé a parlé avec élévation et sentiment de la conduite de M. de Quélen durant le choléra, et de son sermon à Saint-Roch pour les orphelins de ce fléau : « Serait-il vrai, messieurs, qu’il y eût pour tous les hommes dont la vie mérite qu’on la raconte, un moment, une journée, où ils arrivent au plus haut qu’il leur soit donné d’atteindre, où ils sentent, au plus intime comme au plus profond de leur âme, une sainte estime d’eux-mêmes qui ne saurait être surpassée ? 

1262. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « APPENDICE. — CASIMIR DELAVIGNE, page 192. » pp. 470-486

Arraché par le bruit des armes étrangères au silence des bois, aux ombrages profonds du Taygète et de l’Hémus, sous lesquels s’égarait son imagination riante et sensible, il eut un cri sublime de douleur auquel la France entière répondit comme un seul écho. […] Solennisant les événements contemporains avec les réminiscences de son ancienne manière, étouffant la pensée principale sous des hors-d’œuvre classiques, il semble n’avoir plus considéré ses sujets que comme des canevas donnés, des thèmes à la mode, dans lesquels il a inséré de beaux, de très-beaux vers assurément, mais des vers sans à-propos, sans liaison, sans conception profonde.

1263. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Jean-Baptiste Rousseau »

Et à toutes les époques de trouble et de renouvellement, quiconque, témoin des orages politiques, en saisira par quelque côté le sens profond, la loi sublime, et répondra à chaque accident aveugle par un écho intelligent et sonore ; ou quiconque, en ces jours de révolution et d’ébranlement, se recueillera en lui-même et s’y fera un monde à part, un monde poétique de sentiments et d’idées, d’ailleurs anarchique ou harmonieux, funeste ou serein, de consolation ou de désespoir, ciel, chaos ou enfer ; ceux-là encore seront lyriques, et prendront place entre le petit nombre dont se souvient l’humanité et dont elle adore les noms. […] Le fantastique en effet n’est autre chose qu’une folle réminiscence, une charmante étourderie, un caprice étincelant, quelquefois un effroyable éclair sur un front serein ; c’est un jeu à la surface dont l’invisible ressort gît au plus profond de l’âme de la Muse.

1264. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre II. Rapports des fonctions des centres nerveux et des événements moraux » pp. 317-336

Mais nous savons que la sensation ordinaire est un composé, qu’elle diffère de ses éléments, que ces éléments échappent à la conscience, qu’ils n’en sont pas moins réels et actifs, et, dans cette pénombre inférieure et profonde où naît la sensation, nous trouverons peut-être le lien du monde physique et du monde moral. […] Ainsi, la conception que nous formons porte toujours l’empreinte profonde du procédé qui la forme.

1265. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les deux Tartuffe. » pp. 338-363

Peu importe qu’à mes yeux le vrai Tartuffe ce soit l’autre, « le second », ou mieux encore (je l’avoue franchement), l’Onuphre de La Bruyère, si finement nuancé, si profond, si cohérent, si harmonieux. […] Les figures les plus populaires du théâtre ou du roman ne sont pas nécessairement les plus profondes, les plus étudiées ni celles qui résument le plus d’observations.

1266. (1914) Enquête : L’Académie française (Les Marges)

Le public, paraît-il, lui témoigne un profond respect. […] L’histoire du 41e fauteuil se fera chaque jour davantage glorieuse et d’un enseignement encore plus élevé et plus profond.

1267. (1899) Le préjugé de la vie de bohème (article de la Revue des Revues) pp. 459-469

Nous y chercherons une raison plus profonde. […] Voilà sa joie profonde, voilà le secret de son sourire, voilà le secret du succès de la Vie de Bohème, parmi les bourgeois épanouis.

1268. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre onzième. »

Est-ce un calcul de cet amour-propre, qu’il nous montre si compliqué, si tortueux et si profond ? […] Les moins profonds sentent vaguement qu’il y a là quelque chose d’indestructible ; mais leur premier mouvement est de se révolter, de prendre fait et cause pour la nature humaine, comme s’ils étaient les représentants de ses droits ou les types de sa pureté.

1269. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — II. (Suite.) » pp. 149-166

Son attitude, son sang-froid, la promptitude et la propriété de ses réponses, sa profonde connaissance de la matière et des conséquences politiques qu’elle recelait, son intrépidité à maintenir les droits de ses compatriotes, ses expressions pleines de trait et de caractère, tout contribue à faire de cet interrogatoire un des actes historiques les plus significatifs et l’un de ces grands pronostics vérifiés par l’événement : Si l’acte du Timbre était révoqué, lui demanda-t-on en finissant, cela engagerait-il les assemblées d’Amérique à reconnaître le droit du Parlement à les taxer, et annuleraient-elles leurs résolutions ? […] Cette scène devant le Conseil privé laissa une impression profonde dans l’âme de Franklin.

1270. (1903) Zola pp. 3-31

La grande âme contemptrice et désolée de Chateaubriand, si souvent retrouvée partiellement par Musset, par Gautier, par Vigny, par Lamartine lui-même, le tempérament neurasthénique des romantiques, est l’âme même, intime et profonde, du romantisme ; et si Vigny est considéré à présent, plus que tout autre, comme le représentant du romantisme, c’est que du romantisme il a négligé le magasin des accessoires, mais exprimé plus fortement que personne l’esprit même. […] Jules Lemaître, « il se dégage de ces vastes ensembles une impression de vie presque uniquement matérielle et bestiale, mais grouillante, profonde, vaste, illimitée ».

1271. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre III. Le Bovarysme des individus »

Son souci est de ne point penser selon les modes ordinaires car il ignore que les hommes ne diffèrent pas entre eux par leurs opinions qui sont marchandises communes, mais par les raisons, selon qu’elles sont superficielles ou profondes, ’grossières ou délicates, qui les persuadent de ces opinions. […] Il a semblé qu’en rattachant à ce cas général cette forme ancienne de la présomption à laquelle l’esprit contemporain a ajouté une nuance, qu’en montrant la source profonde où le snobisme se forme, les définitions qui en ont été données jusqu’ici recevraient quelque précision.

1272. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse psychologique »

Or, l’œuvre d’un artiste nous donne directement une partie notable de ces phénomènes ; de plus elle est l’expression non seulement de ces apparences, mais de leurs conditions profondes, des facultés et des désirs qui en forment le fond. […] Mais il faut comprendre que le fait même de l’imitation, le fait intime grâce auquel un écrivain s’enrôle sous telle bannière plutôt que sous telle autre, qu’il parvient à se servir avec quelque succès et quelque originalité de l’esthétique qu’il a choisie, a une cause profonde, et se ramène, comme tous ses actes, à sa constitution intellectuelle, à ses aptitudes, à ses tendances.

1273. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre I : De la méthode en général »

Il est inutile de mentionner les livres si connus de Descartes16, de Pascal17, de Newton18; mais je rappellerai quelques ouvrages du xviiie  siècle, peu lus aujourd’hui, et où nos logiciens pourront trouver des détails intéressants : par exemple, la Logique 19 de Mariotte, le célèbre et ingénieux physicien, le premier ouvrage français de ce genre où la méthode expérimentale ait pris la place qui lui appartient (encore n’y est-elle pas très-nettement distinguée de la méthode géométrique) ; le Traité de l’expérience, du docteur Zimmermann, célèbre médecin du xviiie  siècle, né en Suisse et connu surtout par son beau livre sur la Solitude ; l’Essai sur l’art d’observer, de Jean Sénebier, ministre protestant de Genève, traducteur de Spallanzani, et lui-même naturaliste distingué de cette grande école de Genève qui a produit les Réaumur, les Trembley, les Bonnet, les de Saussure, les de Gandolle et tant d’autres hommes supérieurs ; les Fragments de Lesage, de Genève20, personnage original, doué d’un esprit méditatif et profond, connu surtout comme l’auteur d’une hypothèse sur la cause mécanique de la gravitation ; enfin le Discours sur l’étude de la philosophie naturelle, de W. […] Chasles à son Traité de géométrie supérieure, on consultera surtout un profond et éminent travail de M. 

1274. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Paragraphe sur la composition ou j’espère que j’en parlerai » pp. 54-69

Quel est celui qui mérite un hommage si profond ? […] Il y a dans presque tous nos tableaux une faiblesse de concept, une pauvreté d’idée dont il est impossible de recevoir une secousse violente, une sensation profonde.

1275. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Seconde partie. Nouvelles preuves que la société a été imposée à l’homme » pp. 243-267

Sitôt que l’homme voulut attenter à la paix profonde dont jouissaient ces divinités sauvages, elles s’élevaient avec fureur contre l’audace de l’homme. […] Cette communication trop merveilleuse pour qu’on puisse l’expliquer est un de ces mystères profonds qui confondent notre intelligence.

1276. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Maurice Rollinat »

Elle avait été très vive et très profonde. […] Il y en a une surtout, parmi les pièces laissées dans ce sombre volume et qui y font tache : La Belle Fromagère, qui a produit sur certaines âmes, et c’était ces âmes-là auxquelles le poète des Névroses aurait dû tenir le plus, un effet de dégoût si profond et si invincible, que ces âmes poétiques, dignes d’apprécier les beautés et les hardiesses du livre, l’ont fermé pour ne plus jamais le rouvrir.

1277. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Hippolyte Babou »

quelquefois il la rencontre à force de… justesse, mais, franchement, ce n’est pas cette calme et profonde chose, austèrement cherchée, qui est la préoccupation habituelle de l’auteur de ce livre tout en étincelles, et en étincelles qui tombent… n’importe où ! […] Ce n’est pas tout, enfin, que d’avoir expliqué Balzac par une faculté unique, l’imagination, — comme on pourrait expliquer Shakespeare, — et montré avec une ingéniosité profonde que le monde qu’il a créé n’a été le vrai qu’après coup ; que quand le monde réel a été frappé et façonné par cette invention toute-puissante !

1278. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VII. Le cerveau et la pensée : une illusion philosophique »

Nous ne doutons pas, d’ailleurs, qu’on ne puisse donner des définitions plus profondes des deux tendances réaliste et idéaliste, telles qu’on les retrouve à travers l’histoire de la philosophie. […] Comme d’ailleurs notre connaissance de la matière ne saurait sortir entièrement de l’espace, et que l’implication réciproque dont il s’agit, si profonde soit-elle, ne saurait devenir extraspatiale sans devenir extrascientifique, le réalisme ne peut dépasser l’idéalisme dans ses explications.

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