/ 1789
666. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre IX » pp. 77-82

Les plus grands orateurs de la chaire sacrée, Fléchier et Bossuet, en ont fait le sujet de leurs plus éloquentes oraisons funèbres ; un siècle après sa mort, l’Académie française aussi appelé sur ses hautes vertus l’éloquence philosophique ; le prix qu’elle offrit au meilleur éloge, fut partagé entre MM. 

667. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre II. Des Époux. — Ulysse et Pénélope. »

Il n’aurait pas manqué de semer son récit de réflexions philosophiques, de vers frappants, de mots heureux.

668. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 5, que Platon ne bannit les poëtes de sa republique, qu’à cause de l’impression trop grande que leurs imitations peuvent faire » pp. 43-50

Mais ce raisonnement deviendroit une discussion philosophique qui nous meneroit trop loin ; contentons-nous de dire que la societé qui exclueroit de son sein tous les citoïens dont l’art pourroit être nuisible, deviendroit bientôt un sejour trop sujet à l’ennui.

669. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Champfleury ; Desnoireterres »

Le Père Malebranche, à part sa valeur philosophique incontestable, n’est, en fait d’imagination, qu’un Platon éteint ou voilé par un mysticisme dont les nuées sont plutôt grises que lumineuses.

670. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — III »

Parfois j’ai songé, — c’était ma réflexion à chaque tome qu’il publiait de ses Origines de la France contemporaine, — qu’une bonne explication de lui sur sa situation philosophique, confiée à quelque reporter intelligent, éclairerait le public qui se passionnait à le traiter tantôt d’infâme réactionnaire, tantôt d’athée sans principe.

671. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XII. Des panégyriques ou éloges des princes vivants. »

Pour suivre notre plan, nous allons tâcher de les faire connaître, indiquant rapidement et le nom des écrivains et le caractère des ouvrages ; c’est une branche de littérature qui mérite son coin dans l’histoire philosophique des hommes.

672. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre II. De la reconnaissance des images. La mémoire et le cerveau »

FÉRÉ, Le langage réflexe (Revue philosophique, janvier 1896). […] BROCHARD, La loi de similarité, Revue philosophique, 1880, t.  […] Les mouvements et leur importance psychologique (Revue philosophique, 1879, t.  […] MARILLIER, Remarques sur le mécanisme de l’attention (Revue philosophique, 1889, t.  […] BASTIAN Les processus nerveux dans l’attention (Revue philosophique, t. 

673. (1902) Le critique mort jeune

Mais un drame philosophique qui, en bien des points, rappelle ceux de Renan, indique avec netteté où tendait naturellement l’esprit de M.  […] Remy de Gourmont a su conférer à ce travail de délicate critique une vive saveur par d’excellents traits d’humour philosophique. […] S’il paraît éprouver un certain plaisir à habiter une pensée étrangère, à s’objectiver, comme on dit dans le jargon philosophique, il n’est tout de même pas homme, avec l’humeur que nous lui avons reconnue, à toujours rester truchement et porte-parole. […] Comme lui, il regrette les voluptés qu’il eût prises à l’« Hermès » achevé de Chénier et discute avec feu si ce poème philosophique eût compris quatre chants ou six. […] Lanson écrit très justement : « Pour Voltaire, Dieu est une idée, produit du raisonnement philosophique, ou suggestion de l’utilité sociale : pour Rousseau, Dieu est.

674. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mort de M. Vinet »

Druey, par exemple, homme d’une intelligence puissante et un peu grossière, d’une forte éducation allemande, une espèce de sanglier hégélien : les autres étaient purement socialistes et radicaux dans le sens politique et non philosophique.

675. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 4. Physionomie générale du moyen âge. »

Elles rendent impossible la saine conception de l’histoire : et il est notable que dans l’âge moderne l’esprit français, substituant une conception philosophique à la conception théologique de l’univers, n’arrivera pas encore sans grande peine à l’intelligence historique, comme si sa nature répugnait secrètement à la considération du contingent, du relatif, de ce qui passe dans les choses qui passent.

676. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Préface » pp. -

Renan appartient à la famille des grands penseurs, des contempteurs de beaucoup de conventions humaines, que des esprits plus humbles, des gens comme moi, manquant « d’idées générales » vénèrent encore, et nul n’ignore qu’il y a une tendance chez ces grands penseurs, à voir, en cette heure, dans la religion de la Patrie, une chose presque aussi démodée que la religion du Roi sous l’ancienne monarchie, une tendance à mettre l’Humanité au-dessus de la France : des idées qui ne sont pas encore les miennes, mais qui sont incontestablement dans l’ordre philosophique et humanitaire, des idées supérieures à mes idées bourgeoises.

677. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre V. Suite des précédents. — Héloïse et Abeilard. »

Son Épître d’Héloïse a une teinte philosophique qui n’est point dans l’original de Pope.

678. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre premier. Que la Mythologie rapetissait la nature ; que les Anciens n’avaient point de Poésie proprement dite descriptive. »

L’âge philosophique de l’antiquité ne changea rien à cette manière.

679. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 44, que les poëmes dramatiques purgent les passions » pp. 435-443

Il est des hommes trop fougueux pour être retenus par des exemples, et des passions trop allumées pour être éteintes par des refléxions philosophiques.

680. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « VI »

Voici en quels termes, dans ses notes personnelles, à propos de la double tendance poétique et philosophique, Taine confirme ce que nous disons :‌ « Je lutte, dit-il, entre les deux tendances, celle d’autrefois et celle d’aujourd’hui, Probablement j’ai voulu allier deux facultés inconciliables.

681. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — I »

Rien de plus philosophique qu’une concession.

682. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Argument » pp. 93-99

Philosophie de la propriété, histoire des idées humaines, critique philosophique, histoire idéale éternelle, système du droit naturel des gens, origines de l’histoire universelle.

683. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

Je m’attacherai ici particulièrement au poème d’Hermès, le plus philosophique de ceux que méditait André, et celui par lequel il se rattache le plus directement à l’idée de son siècle. […] On a l’épilogue de l’Hermès presque achevé : toute la pensée philosophique d’André s’y résume et s’y exhale avec ferveur : Ô mon fils, mon Hermès, ma plus belle espérance ; Ô fruit des longs travaux de ma persévérance, Toi, l’objet le plus cher des veilles de dix ans, Qui m’as coûté des soins et si doux et si lents ; Confident de ma joie et remède à mes peines ; Sur les lointaines mers, sur les terres lointaines, Compagnon bien-aimé de mes pas incertains, Ô mon fils, aujourd’hui quels seront tes destins ? […] En somme, on y découvre André sous un jour assez nouveau, ce me semble, et à un degré de passion philosophique et de prosélytisme sérieux auquel rien n’avait dû faire croire, de sa part, jusqu’ici.

684. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « George Farcy »

Une grande timidité, beaucoup de réserve, une sorte de sauvagerie ; une douceur habituelle qu’interrompait parfois quelque chose de nerveux, de pétulant, de fugitif ; le commerce très-agréable et assez prompt, l’intimité très-difficile et jamais absolue ; une répugnance marquée à vous entretenir de lui-même, de sa propre vie, de ses propres sensations, à remonter en causant et à se complaire familièrement dans ses souvenirs, comme si, lui, il n’avait pas de souvenirs, comme s’il n’avait jamais été apprivoisé au sein de la famille, comme s’il n’y avait rien eu d’aimé et de choyé, de doré et de fleuri dans son enfance ; une ardeur inquiète, déjà fatiguée, se manifestant par du mouvement plutôt que par des rayons ; l’instinct voyageur à un haut degré ; l’humeur libre, franche, indépendante, élancée, un peu fauve, comme qui dirait d’un chamois ou d’un oiseau73 ; mais avec cela un cœur d’homme ouvert à l’attendrissement et capable au besoin de stoïcisme : un front pudique comme celui d’une jeune fille, et d’abord rougissant aisément ; l’adoration du beau, de l’honnête ; l’indignation généreuse contre le mal ; sa narine s’enflant alors et sa lèvre se relevant, pleine de dédain ; puis un coup d’œil rapide et sûr, une parole droite et concise, un nerf philosophique très-perfectionné : tel nous apparaît Farcy au sortir de l’École normale ; il avait donc, du sein de sa vie monotone, beaucoup senti déjà et beaucoup vu ; il s’était donné à lui-même, à côté de l’éducation classique qu’il avait reçue, une éducation morale plus intérieure et toute solitaire. […] Victor Cousin, et se disposa à poursuivre les études philosophiques vers lesquelles il se sentait appelé. […] Pour exprimer toute notre pensée, ces vers de Farcy nous semblent une haute preuve de talent, comme étant le produit d’une puissante et riche faculté très-fatiguée, et en quelque sorte épuisée avant la production : on y trouve peu d’éclat et de fraîcheur ; son harmonie ne s’exhale pas, son style ne rayonne pas ; mais le sentiment qui l’inspire est profond, continu, élevé ; la faculté philosophique s’y manifeste avec largeur et mouvement.

685. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Nous n’exigeons pas qu’un homme de lettres et un homme d’État, impliqués dans un même homme, compromette à tout propos son œuvre politique devant la multitude, par ses professions de foi philosophiques, téméraires et radicales, qui aliènent de lui la liberté et la raison d’une partie de son siècle. […] Mais, si cette respectueuse tolérance est respectable, nous ne pouvons pas respecter de même l’affectation, plus ou moins suspecte, d’un écrivain qui arrive en France avec une profession de foi philosophique déjà imprimée, et qui, trouvant le gouvernement incliné, ainsi que son chef, à un culte d’État unique et dominateur, change à l’instant de note, déchire son livre philosophique et en compose sur-le-champ un autre d’après les principes opposés, et se pose en apôtre de ce qu’il venait d’apostasier.

686. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIV. La littérature et la science » pp. 336-362

Voilà sa destinée pour longtemps ; elle sera philosophique. ; elle sera, non plus un jeu de l’esprit, un caprice mélodieux de la pensée légère et superficielle, mais l’écho profond, réel, sincère des plus hautes conceptions de l’intelligence.  » La poésie sera sans doute autre chose aussi ; bien téméraire qui voudrait enfermer l’incessante mobilité de l’art dans une formule rigide ; mais il est certain qu’elle peut et doit réaliser la prophétie de Lamartine. […] Nous nous élevons de la sorte à des conceptions vraiment philosophiques où la science se transfigure d’elle-même en poésie. […] Or comment ne pas remarquer les rapports du système philosophique de Descartes avec la géométrie ?

687. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre deuxième. Le développement de la volonté »

La loi qui lie indissolublement à la sensation le mouvement persiste jusque dans nos méditations les plus philosophiques ; seulement le drame devient intérieur et cérébral : au lieu de mouvoir nos jambes, nous accomplissons des promenades à travers les idées ; nous nous attachons aux unes et nous détournons des autres. […] Espinas, Revue philosophique, janvier 1888. […] Revue philosophique, 1888, t. 

688. (1902) La métaphysique positiviste. Revue des Deux Mondes

Je ne connais qu’un seul résultat à la science, c’est de résoudre l’énigme, c’est de dire définitivement à l’homme le mot des choses, c’est de l’expliquer à lui-même, c’est de lui donner, au nom de la seule autorité légitime, qui est la nature humaine tout entière, le symbole que les religions lui donnaient tout fait et qu’il ne peut plus accepter. » Il y revient, en un autre endroit, de peur sans doute qu’on ne l’ait pas compris, et il ajoute : « Que reste-t-il, si vous enlevez à la science son but philosophique ? […] « Sous un tel ascendant, continue-t-il, nos diverses connaissances réelles pourront donc enfin former un vrai système, assujetti dans son entière étendue et dans son expansion graduelle, à une même hiérarchie et à une commune évolution, qui n’est certainement possible par aucune autre voie. » Et il conclut : « L’indispensable harmonie entre la spéculation et l’action est ainsi pleinement établie, puisque les diverses nécessités mentales, soit logiques, soit scientifiques, concourentà conférer la présidence philosophique aux conceptions que la raison publique a toujours considérées comme devant universellement prévaloir. » On remarquera que ces lignes, que j’extrais de la dernière leçon du Cours de philosophie positive, sont datées de 1842 ; elles appartiennent donc à la « première phase » de la philosophie d’Auguste Comte. […] J’inclinerais volontiers à croire que la constatation du « fait » équivaut à l’aveu du « mystère » ; et je remarque en tout cas que, toutes les fois qu’on termine une discussion philosophique en en appelant au « fait », c’est que l’on n’a plus rien à dire.

689. (1913) La Fontaine « VI. Ses petits poèmes  son théâtre. »

Je vous indiquerai seulement que Philémon et Baucis a probablement hanté l’imagination de Gœthe, puisque le grand poème de Faust finit presque par l’épisode de Philémon et Baucis ; il l’a traité d’une façon particulière dans laquelle je n’ai pas lieu d’entrer aujourd’hui et cela m’entraînerait trop loin ; mais il l’a traité à un point de vue à la fois philosophique et psychologique infiniment intéressant. […] C’est une boutade de La Fontaine ; mais au point de vue de l’histoire littéraire et des idées poétiques, ou même des idées philosophiques dans l’histoire littéraire, le passage est assez curieux. […] Ce ne sont pas de mauvais vers, mais ce sont des vers qui ne portent pas du tout le cachet de Voltaire, à moins qu’il ne s’agisse des discours moraux ou philosophiques qu’il introduit dans ses drames et qui, alors, sont tout simplement du Voltaire proprement dit, du Voltaire des Discours sur l’homme ; il y a certainement là la marque de Voltaire ; mais tout le reste, tout ce qui est dialogue, tout ce qui est tirades, tout ce qui est récit, cela pourrait être écrit par de Belloy aussi bien que par Voltaire.

690. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre III. De la logique poétique » pp. 125-167

Socrate, père de toutes les sectes philosophiques, introduisit la dialectique par l’induction, et Aristote la compléta avec le syllogisme, qui ne peut prouver qu’au moyen d’une idée générale. […] De cette manière, on rapporta aux auteurs de la sagesse vulgaire les découvertes de la sagesse philosophique. […] Ainsi le chant uni aux vers devint de plus en plus rapide, en suivant exactement le progrès du langage et des idées. — Ces vérités philosophiques sont appuyées par la tradition suivante : l’histoire ne nous présente rien de plus ancien que les oracles et les sibylles ; l’antiquité de ces dernières a passé en proverbe.

691. (1905) Promenades philosophiques. Première série

Le pessimisme n’a qu’une valeur philosophique des plus médiocres. […] Ils sont trop connus, trop généralement admis pour supporter une construction philosophique. […] Par intelligence, il faut, en ce dicton philosophique, qui est dû à Locke, entendre la conscience psychologique. […] Mais ses réponses, quoique ingénieuses et d’allure philosophique, sont insuffisantes et, en plusieurs cas, inexactes. […] De la Grasserie, Revue philosophique, septembre 1904.

692. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

Il a continué sous la Restauration sa vie cachée et ses travaux philosophiques. […] Le monde philosophique et religieux. […] Trop indépendant pour l’Université, il entreprit une éducation particulière ; puis il avait, en 1826, fait une excursion en Italie où il avait rencontré Lamartine et écrit quelques poésies philosophiques. […] Il faisait entendre des lamentations d’un caractère plus philosophique que celles de son ami, mais d’une philosophie tourmentée. […] Il n’aurait cependant pas des titres suffisants à notre attention dans une étude qui n’a pas pour objet direct le pessimisme philosophique, s’il n’avait fait qu’exposer la théorie de l’Infelicità.

693. (1868) Curiosités esthétiques « V. Salon de 1859 » pp. 245-358

Il est inutile, je pense, de parler de la conversation d’Eugène Delacroix, qui est un mélange admirable de solidité philosophique, de légèreté spirituelle et d’enthousiasme brûlant. […] Je pourrais faire défiler sous vos yeux le titre comique à la manière des vaudevillistes, le titre sentimental auquel il ne manque que le point d’exclamation, le titre-calembour, le titre profond et philosophique, le titre trompeur, ou titre à piège, dans le genre de Brutus, lâche César ! […] La nature est laide, et je préfère les monstres de ma fantaisie à la trivialité positive. » Cependant il eût été plus philosophique de demander aux doctrinaires en question, d’abord s’ils sont bien certains de l’existence de la nature extérieure, ou, si cette question eût paru trop bien faite pour réjouir leur causticité, s’ils sont bien sûrs de connaître toute la nature, tout ce qui est contenu dans la nature. […] Dans leur monotone laideur, tous ces petits parias ont une prétention philosophique, mélancolique et raphaélesque. […] Voilà bien l’immortelle antithèse philosophique, la contradiction essentiellement humaine sur laquelle pivote depuis le commencement des âges toute philosophie et toute littérature, depuis les règnes tumultueux d’Ormuz et d’Ahrimane jusqu’au révérend Maturin, depuis Manès jusqu’à Shakspeare !

694. (1856) Cours familier de littérature. II « XIIe entretien » pp. 429-507

Cette négation de tout le passé théologique, philosophique, poétique, architectural, historique même, de l’humanité antérieure à nous, leur est nécessaire ; car, sans cela, comment pourraient-ils se justifier à eux-mêmes cette progressivité indéfinie et continue de l’esprit humain, progressant de Brahma, de Job, de l’Égypte, de la Judée, de la Grèce et de Rome, jusqu’à Paris, au siècle de Louis XV, et au nôtre ? […] Cuvier le géologue trouvait des mastodontes dans les couches antédiluviennes du globe ; Job est pour nous un mastodonte intellectuel et philosophique dans les couches antédiluviennes de l’esprit humain. […] Job, selon moi, était évidemment un de ces fils de la famille patriarcale et pastorale de l’Idumée, plus imbu que ses contemporains des traditions et des vérités de souvenir de la race primitive, et parlant aux hommes, on ne sait combien d’années après le déluge, la langue philosophique, théologique et poétique que nos premiers ancêtres avaient comprise et parlée avant le cataclysme physique et moral de l’humanité. […] VI Voilà ce que je pensais de Job avant l’heure où une étude plus sérieuse, plus philosophique et plus développée, devait redoubler mon étonnement et mon enthousiasme pour ce drame unique.

695. (1884) Articles. Revue des deux mondes

Admirable dans le détail, l’ouvrage l’est peut-être plus encore par les généralités philosophiques qui marquent, en un langage élevé, le caractère divin de cette fonction universelle. […] De même dans l’étude des animaux, quels qu’ils soient, il n’y a jamais non plus à détourner nos regards dédaigneux, parce que, dans tous sans exception, il y a quelque chose de la puissance de la nature et de sa beauté. » III Il semblera peut-être que ces vues philosophiques et religieuses, pour grandes qu’elles soient, loin d’ajouter à la valeur scientifique de l’œuvre, ne peuvent que la compromettre aux yeux des hommes du métier. […] Dans la Vente à l’encan des sectes philosophiques de Lucien, Hermès, mettant à l’enchère un péripatéticien, fait le boniment de rigueur : « Vous voyez un homme qui peut vous dire par cœur quelle est la durée de la vie d’une mouche, à quelle profondeur pénètrent dans la mer les rayons solaires et quelle est la nature de l’âme d’une huître. […] A l’exemple d’Aristote, il fait un usage vraiment philosophique du principe des causes finales ; c’est à la lumière de ce principe qu’il arrive à constater chez tous les êtres étudiés par lui une remarquable uniformité de structure et qu’il aperçoit la corrélation qui doit exister entre l’organisation interne et la forme extérieure des animaux.

696. (1926) L’esprit contre la raison

De Valéry aux surréalistes, tous se réclament de « l’esprit », mais se trouvent pourtant sur des positions antagonistes : ainsi L’Esprit contre la raison peut-il apparaître comme une tentative de résolution philosophique d’une contradiction personnelle qui place Crevel en porte à faux : on le sent à la fois épris de rêve et de conséquence dans la pensée et le discours ; agacé par les attractions irrationnelles des surréalistes autant que par l’apologie de la rationalité occidentale, qu’il voit lui aussi comme une « rationalité restreinte ». […] Dans une lettre à Gertrude Stein, il présente son essai comme « un petit livre philosophique »e : c’est bien à la nécessité de mise au clair de la pensée que répond L’Esprit contre la raison, un peu paradoxalement si l’on en juge par son écriture bouillonnante. […] L’essai de Crevel réagit à des articles, livres et chroniques, qui sont dans l’actualité la plus récente : diatribes de Henri Massis contre l’Orient, et les Bolcheviksg, comptes rendus critiques de la traduction du Journal de Keyserling ou encore d’Anabase par Aragon dans La Révolution surréaliste… À travers l’opposition esprit/raison, Crevel reprend d’un point de vue philosophique le récit de l’avènement du surréalisme, après les grands récits de fondation mythique de Breton et d’Aragon. […] Ainsi le dualisme chrétien et philosophique prétend sauver l’âme de la mort totale, quand, aux yeux de l’auteur, dévalorisant le corps, mais incapable de renoncer aux bénéfices terrestres, il étouffe l’esprit.

697. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre IV. De la délimitation, et de la fixation des images. Perception et matière. Âme et corps. »

Telle est en effet la marche régulière de la pensée philosophique : nous partons de ce que nous croyons être l’expérience, nous essayons des divers arrangements possibles entre les fragments qui la composent apparemment, et, devant la fragilité reconnue de toutes nos constructions, nous finissons par renoncer à construire. — Mais il y aurait une dernière entreprise à tenter. […] La démarche extrême de la recherche philosophique est un véritable travail d’intégration. […] Voir, à ce sujet : Paul JANET, La perception visuelle de la distance, Revue philosophique, 1879, t.  […] XXII — Cf. au sujet de la perception visuelle de l’étendue : DUNAN, L’espace visuel et l’espace tactile (Revue philosophique, février et avril 1888, janvier 1889).

698. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Maucroix, l’ami de La Fontaine. Ses Œuvres diverses publiées par M. Louis Paris. » pp. 217-234

Prenez au contraire l’abbé de Chaulieu, de vingt ans plus jeune que Maucroix, et qui mourut onze ans après lui, ayant également poussé très loin sa carrière, et vous aurez l’épicurien à la fois de pratique et de système, celui qui, au milieu de ses refrains bachiques ou de ses nonchalances voluptueuses, raisonnera sur la mort en des vers philosophiques selon les principes d’Épicure tour à tour, ou selon ceux du déisme. […] Ce dernier vers est plus philosophique, ce semble, qu’il n’appartient à Maucroix ; il lui est venu plutôt ici par imitation de l’Antiquité, et il n’y mettait pas, on peut le croire, la force de sens et toute l’intention épicurienne qu’y aurait données Chaulieu.

699. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

Charron n’entre en rien dans cette intelligence et cette explication vraiment philosophique de l’humanité, qui, pour la mieux comprendre, en suivrait d’abord les directions générales et en reconnaîtrait les vastes courants : il prend l’homme au rebours et dans ses écarts ; il l’observe malade, infirme, le voit toujours en faute, dans une sottise continuelle, dans une malveillance presque constante : « La plupart des hommes avec lesquels il nous faut vivre dans le monde, dit-il quelque part, ne prennent plaisir qu’à mal faire, ne mesurent leur puissance que par le dédain et injure d’autrui. » De ce qu’il y a certains cas où les sens se trompent et ont besoin d’être redressés, il en conclut que ce qui nous arrive par leur canal n’est qu’une longue et absolue incertitude. […] Un des mots qu’employait le plus habituellement le spirituel et naïf Joinville, s’entretenant avec son royal maître saint Louis, c’est le mot de prud’homie : ce même mot dans un sens purement moral et philosophique est aussi celui de Charron.

700. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

Le point de vue des familles n’est pas nécessairement celui du monde littéraire et philosophique ; il serait plutôt tout l’opposé. […] « C’est à peu près, dit-il, la seule consolation de ce monde : quand les hommes vous maudissent, c’est alors que Dieu vous bénit. » Il a besoin, je l’ai dit, de sensations intellectuelles aiguës ; cette ardeur effrénée et cette surexcitation que d’autres, poètes surtout et artistes, ont portée dans les jouissances sensuelles, il la porte, lui, dans les systèmes philosophiques et politiques.

701. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Caractères de La Bruyère. Par M. Adrien Destailleur. »

Des sublimités de Louis le Grand à l’homme vu au naturel, le saut est brusque : La Bruyère est bien capable de l’avoir fait exprès, et, pour mon compte, je ne doute pas de l’intention philosophique qu’il y a mise. […] Chrétien sincère, bien que souvent inconséquent dans l’application, La Bruyère semble appartenir d’avance, par cette conclusion remarquable, à une classe d’esprits philosophiques que nous connaissons bien, rationalistes, néo-cartésiens, éclectiques, qui auront des tendances et des convictions religieuses intellectuelles plus encore que des croyances.

702. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poëme des champs par M. Calemard de Lafayette. »

André Lefèvre, avec cette pensée philosophique qu’il met en avant, est un artiste, un savant artiste de forme. […] C’est beau, c’est alexandrin, c’est bien plaidé, dirai-je au poëte, et rendu en vers philosophiques élevés ; mais, quand Jupiter se changeait en cygne, il ne pensait sans doute pas à toutes ces grandes choses. — Enfin, sans y voir tant de mystère, et toute symbolisation à part, on doit au moins reconnaître chez M. 

703. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Connaissait-on mieux la nature humaine au XVIIe siècle après la Fronde qu’au XVIIIe avant et après 89 ? »

Nisard, va jusqu’à accorder à la génération de 1660, c’est-à-dire des premières années du règne effectif de Louis XIV, à la génération qui était encore jeune ou déjà mûre alors, qui avait vu la fin de Richelieu et la Fronde, « une supériorité de lumières » sur les générations du xviiie  siècle qui lisait l’Esprit des Lois, les Lettres philosophiques et l’Émile ; admettant cette supériorité comme un fait, il l’explique par la nature même des événements politiques auxquels cette génération avait assisté, par les revirements étranges qui lui avaient découvert toutes les vicissitudes de l’opinion et qui l’avaient éclairée sur le fond de la nature humaine, tandis que les hommes du xviiie  siècle et d’avant 89 avaient perdu le souvenir des révolutions et des impressions qu’elles laissent, et n’avaient assisté qu’à des intrigues ministérielles, à des disputes de jansénisme et de molinisme, de gluckisme et de piccinisme, à de petites choses enfin, tout en en rêvant de grandes et d’immenses. […] Weiss nous le rappelle, il n’est pas jusqu’à l’honnête et sensée Mme de Motteville qui ne fasse là-dessus ses remarques très philosophiques ou du moins d’une morale très religieuse.

704. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Études de politique et de philosophie religieuse, par M. Adolphe Guéroult. »

L’idée philosophique de Condorcet, le rêve ardent du progrès, cessait d’être une aspiration vague et presque chimérique : elle prenait corps, elle allait trouver son moyen d’exécution et son organe. […] Littré dont les opinions philosophiques sont connues, et qui est un disciple de Condorcet autant que d’Auguste Comte, de rendre justice à son aise et en toute conscience, comme il le fait dans le Journal des Savants, aux travaux historiques de MM. de Montalembert et Albert de Broglie, traitant des vieux siècles religieux, si ce n’est en vertu de ce notable changement intellectuel qui vint affranchir l’ancien libéralisme de ses préjugés exclusifs, et qui éleva et étendit tous les points de vue ?

705. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Œuvres de M. P. Lebrun, de l’Académie française. »

De nouveaux noms de poètes se lèvent et scintillent sur bien des points, un peu confusément et au hasard, sans prééminence d’aucun ; il serait prématuré et téméraire d’entreprendre de les classer ; mais, en première ligne désormais, le dernier et le plus jeune d’entre les anciens, se détache et brille un rare talent, une muse charmante, capricieuse, colorée de tous les tons, philosophique aussi à sa manière, et qui n’a pas encore reçu les couronnes qui lui sont dues : tous ceux qui aiment l’art et qui apprécient le style ont nommé Théophile Gautier. […] Certes Victor Hugo les eût autrement décrites, ces Catacombes, et dans cette ode qu’il n’a pas faite, je vois d’ici en idée des merveilles de corridors, des profondeurs et des lacis de labyrinthes, et je crois sentir une impression glaciale de terreur ; mais, en dehors de toute comparaison pittoresque, l’idée philosophique et humaine, chez M. 

706. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. (Suite et fin.) »

Fustel de Coulanges55, la question est discutée et traitée avec un rare esprit philosophique et une érudition des mieux digérées ; mais peut-être la cité romaine n’y est-elle pas assez nettement mise à part et distinguée des cités grecques. […] On a véritablement « l’Empire libéral » et philosophique, comme l’a dénommé M. 

707. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Observations sur l’orthographe française, par M. Ambroise »

« Puisque l’orthographe du mot, dit-il, résulte de son étymologie, la changer, ce serait lui enlever ses titres de noblesse. » Telle cependant n’a pas été et n’est point l’opinion de beaucoup d’hommes instruits et d’esprits philosophiques depuis le xvie  siècle jusqu’à nos jours. […] D’autres esprits plus précis et plus fermes étaient écoutés : Dumarsais, Duclos, — n’oublions pas un de leurs prédécesseurs, le Père Buffier, un jésuite doué de l’esprit philosophique, — l’abbé Girard, — mais Voltaire, surtout, Voltaire le grand simplificateur, qui allait en tout au plus pressé, et qui, en matière d’orthographe, sut se borner à ne demander qu’une réforme sur un point essentiel, une seule : en la réclamant sans cesse et en prêchant d’exemple, il finit par l’obtenir et par l’imposer.

708. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet »

Il nous représente bien en sa personne tout ce qu’il y avait de lumières, de raisonnables idées de réformes, de sages vues administratives et pratiques, de vœux philosophiques honorables et de justes pressentiments politiques, dans les hommes de la seconde moitié du xviiie  siècle. […] A côté des descriptions obligées, chaque chant contient de petits épisodes ingénieusement retracés et des passages de réflexions philosophiques ou de sentiment.

709. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Affaires de Rome »

Ce sont les écrivains qui, sous la Restauration, formaient le monde philosophique, dit éclectique. […] Au reste, ces pages de M. de La Mennais sont merveilleuses de jeunesse d’imagination, de transparence de couleur et, par moments, de philosophique tristesse : « D’Antibes à Gênes, la route côtoie presque toujours la mer, au sein de laquelle ses bords charmants découpent leurs formes sinueuses et variées, comme nos vies d’un instant dessinent leurs fragiles contours dans la durée immense, éternelle. » Et plus loin, en Toscane, il nous montre çà et là, « à demi caché sous des ronces et des herbes sèches, le squelette de quelque village, semblable à un mort que ses compagnons, dans leur fuite, n’auraient pu achever d’ensevelir. » Mais à peine avons-nous le pied dans les États romains, quelques prisonniers conduits par les sbires du pape, comme il dit, font contraste avec cette simplicité naïve de foi que l’auteur s’attribue encore par oubli, ou qui du moins ne devait pas tarder à s’évanouir.

710. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Recueillements poétiques (1839) »

Dans la sphère religieuse et philosophique, il lui est arrivé de tomber précisément, comme hier tel illustre qui le plaignait est lui-même tombé dans l’enceinte parlementaire : la seule différence est dans la hauteur des questions d’où chacun est tombé.  […] À tant de variations diverses, religieuses, philosophiques, politiques et poétiques, que nous notons, il en est une à ajouter encore, celle même que nous autres critiques, en les remarquant, nous subissons.

711. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DIX ANS APRÈS EN LITTÉRATURE. » pp. 472-494

Les organes les plus en vue, les chefs de file tout à fait considérables du mouvement historique, philosophique et littéraire, aux dernières années de la Restauration, MM. […] Dans ces hautes influences philosophiques qu’il ne se refuse pas, il est, par rapport à tous, une simple précaution à garder : c’est de songer parfois à ceux qui sondent à d’autres points la sphère infinie, ou qui même, lassés, ne la sondent plus, et de se rappeler aussi que l’actuel espoir, l’impétueux désir des fortes âmes n’est pas le but trouvé.

712. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre II. Du goût, de l’urbanité des mœurs, et de leur influence littéraire et politique » pp. 414-442

Rien n’est plus contraire aux progrès de la littérature, à ces progrès qui servent si efficacement à la propagation des lumières philosophiques, et par conséquent au maintien de la liberté. […] Il permet aussi, sans doute, de transporter dans la littérature des beautés plus énergiques, un tableau plus philosophique et plus déchirant des grands événements de la vie.

713. (1892) Boileau « Chapitre VII. L’influence de Boileau » pp. 182-206

En réalité Perrault, vite oublié, compta plus de disciples que Despréaux : sa thèse du progrès continu répondait bien aux idées philosophiques qui étaient alors en vogue, en même temps qu’à la légèreté présomptueuse d’une société, qui, donnant les limites de sa raison pour limites à la raison, ne voyait que barbarie, inconvenance et fausseté en dehors de la conformité aux goûts, aux bienséances et aux modes de Paris. […] Ce n’est pas de lui à coup sûr que relèvent ni la poésie coquette et fardée de Bernis et de Gentil-Bernard, issus de Benserade et de Mme Deshoulières, qui étaient eux-mêmes les héritiers de Voiture — ni tous ces descriptifs acharnés à inventorier toute la nature, vrais continuateurs des faux épiques que Boileau poursuit, et qui pourraient s’appliquer une bonne part des leçons qu’il adresse à ceux-ci — ni ces faiseurs d’odes philosophiques et de dissertations découpées en strophes, qui n’ont même pas le « beau désordre » dont parlait l’Art poétique — ni même les satiriques auteurs de comédies pincées, ou les philosophes prêchant leurs vagues tragédies — ni évidemment les inventeurs de tragédies en prose, de drames bourgeois et de comédies larmoyantes, qui dénaturent ou confondent les genres — ni enfin les anglomanes, qui, se détournant des anciens, vont chercher des modèles en Angleterre comme leurs grands-pères en Espagne ou en Italie.

714. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre II. L’éloquence politique »

Il n’y a plus d’éloquence religieuse après Massillon, du moins dans l’église catholique : car lorsque Rousseau parle sur la Providence et la conscience, sur la religion et sur la morale, nous avons reconnu dans sa parole une inspiration protestante ; notre grand orateur philosophique est un prêcheur de Genève. […] Les pires défauts de la littérature philosophique ont passé à nos orateurs : les grands mots vagues, les formules abstraites, les déclamations ronflantes, la sentimentalité débordante ; ils nous apparaissent comme de mauvais copistes de Diderot et de Rousseau.

715. (1890) L’avenir de la science « V »

La critique mesquine et absolue vient toujours de ce qu’on envisage chaque développement de l’histoire philosophique en lui-même, et non au point de vue de l’humanité. […] Il y a une ligne très délicate au-delà de laquelle l’école philosophique devient secte : malheur à qui la franchit !

716. (1890) L’avenir de la science « XVI »

La réflexion ne saurait opérer l’unité ; la diversité est le caractère essentiel des époques philosophiques ; toute grande fondation dogmatique y est impossible. […] Lisez les psychologues écossais : ils répètent à chaque page que la première règle de la méthode philosophique est de maintenir distinct ce qui est distinct, de ne pas devancer les faits par une réduction précipitée à l’unité, de ne pas reculer devant la multiplicité des causes.

717. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre V. La littérature et le milieu terrestre et cosmique » pp. 139-154

Assurément, ces sentiments divers peuvent dépendre de telle ou telle prédisposition individuelle ; mais ils se rattachent le plus souvent à de grands systèmes scientifiques ou philosophiques. […] Impressions recueillies à vol d’oiseau, notes, études, enquêtes, réflexions philosophiques, poèmes descriptifs, récits d’ascensions, de chasse, d’excursions, romans de mœurs exotiques ou cosmopolites, fantaisies à la Jules Verne, itinéraires à la Chateaubriand, pérégrinations amoureuses à la Pierre Loti, — comptez, si vous pouvez, l’infinie variété d’œuvres qui démontrent cet élargissement du domaine littéraire, et vous comprendrez sans peine combien il importe de savoir en quels points précis chaque époque fixait les limites du monde connu.

718. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Éloges académiques de M. Pariset, publiés par M. Dubois (d’Amiens). (2 vol. — 1850.) » pp. 392-411

Condorcet, dans ses éloges, se préserva également de la pompe littéraire, mais pas toujours de la déclamation philosophique. […] Il était très initié, à cette époque, dans la petite société philosophique d’Auteuil, dans l’intimité de Cabanis, de Mme de Condorcet, de Fauriel.

719. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Droz. » pp. 165-184

Dans cet Essai sur l’art oratoire, il est disciple de Blair : dans les autres discours de cette date, il semble être en philosophie disciple de Condillac, de Garat, des maîtres du jour ; mais, à je ne sais quoi d’affectueux et de pur, à ce que les Anglais appellent feeling, on sent que, pour peu qu’il se développe, il aura bien plus de rapports d’affinité avec ces compatriotes de Blair, les Stewart, les Fergusson, les Beattie, avec cette école morale, économique, tour à tour occupée de l’utile et du beau, à la fois philosophique et religieuse. […] [NdA] La Décade avait perdu son titre à cette date et s’intitulait La Revue philosophique, littéraire et politique.

720. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — I. » pp. 441-459

Le second petit écrit, qui fut imprimé l’année suivante (1763), porte directement contre l’Émile de Rousseau : les instincts de celui qui distinguera toujours entre l’usage et l’abus de l’esprit philosophique s’y produisent plus nettement encore. […] S’élevant aux vrais principes de la liberté religieuse, il fait voir qu’au point de vue politique, il est impossible de ne pas appliquer « à une religion connue, ancienne, longtemps dominante et même exclusivement autorisée, professée par les trois quarts des Français, les principes de tolérance et de liberté que la Constitution proclame pour tous les cultes : Voudrions-nous aujourd’hui, s’écrie-t-il, que l’intolérance philosophique remplaçât ce que nous appelons l’intolérance sacerdotale ? 

721. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — I. » pp. 201-219

C’est ici qu’il serait curieux de tracer en détail ce qu’il appelait « le roman philosophique de sa vie ». […] Il fit ses réflexions philosophiques sur la sottise humaine, ne se chagrina point et se tourna autre part.

722. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « La Fontaine. » pp. 518-536

La fable qui clôt le livre VIIe, Un animal dans la Lune, nous révèle chez La Fontaine une faculté philosophique que son ingénuité première ne laisserait pas soupçonner : cet homme simple qu’on croirait crédule quand on raisonne avec lui, parce qu’il a l’air d’écouter vos raisons plutôt que de songer à vous donner les siennes, est un émule de Lucrèce et de cette élite des grands poètes qui ont pensé. […] Dans Les Souris et le Chat-huant, il revient sur ce sujet philosophique ; dans Les Lapins, adressés à M. de La Rochefoucauld, il y revient et en raisonne encore ; mais il égaye vite son raisonnement, selon son usage, et fait passer au travers comme un parfum de bruyère et de thym.

723. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre III : La littérature du xviiie et du xixe  siècle »

On peut discuter dans la pratique sur le plus ou moins d’opportunité de cette liberté, sur les conditions plus ou moins larges qui lui seront faites ; mais, dans l’ordre spéculatif, philosophique et moral, qui oserait nier que le principe de la liberté politique ne soit au nombre des quatre ou cinq plus grandes idées de l’esprit humain ? […] Ce sont, ou des vérités descriptives, ou des vérités de sentiment intime, ou des vérités de peintures domestiques, ou enfin des vérités historiques, politiques, philosophiques : ce sont ces vérités nouvelles, exprimées dans une langue inégale sans doute et dégénérée, mais tantôt brillante, tantôt ardente, tantôt molle et mélodieuse, tantôt austère et nerveuse, qui assurent à la littérature du xixe  siècle, malgré ses défauts, une sorte de solidité, et lui permettent de soutenir avec quelque honneur la comparaison avec les siècles précédents.

724. (1874) Premiers lundis. Tome I « Anacréon : Odes, traduites en vers française avec le texte en regard, par H. Veisser-Descombres »

Par la grâce naïve, par l’inspiration spirituelle et tendre, par l’émotion voluptueuse et philosophique à la fois qui animent ses pièces légères, le génie d’Anacréon se rapproche du génie français, tel surtout que nous le retrouvons dans nos vieux rimeurs.

725. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre premier. De l’invention dans les sujets particuliers »

Dimanche, les discussions philosophiques avec Sganarelle, l’hypocrisie.

726. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VIII. De la clarté et des termes techniques »

Sully-Prudhomme expliquer, mieux que dans la langue commune, dans la langue de la poésie, certaines doctrines philosophiques, avec autant de rigueur qu’eût pu le faire un docteur allemand, devant quelques disciples initiés, dans un langage hérissé de locutions scolastiques ?

727. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Casuistique. » pp. 184-190

Voltaire répète très souvent, dans son Dictionnaire philosophique, une maxime de Zoroastre : « Lorsque tu doutes si une action que tu es sur le point de faire est bonne ou mauvaise, abstiens-toi ».

728. (1887) Discours et conférences « Appendice à la précédente conférence »

Le contraste était surtout sensible pour moi quand je comparais cette frappante apparition au spectacle que présentent les pays musulmans en-deçà de la Perse, pays où la curiosité scientifique et philosophique est si rare.

729. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Lucrèce Borgia » (1833) »

Quand il voit chaque soir ce peuple si intelligent et si avancé qui a fait de Paris la cité centrale du progrès, s’entasser en foule devant un rideau que sa pensée, à lui chétif poète, va soulever le moment d’après, il sent combien il est peu de chose, lui, devant tant d’attente et de curiosité ; il sent que si son talent n’est rien, il faut que sa probité soit tout ; il s’interroge avec sévérité et recueillement sur la portée philosophique de son œuvre ; car il se sait responsable, et il ne veut pas que cette foule puisse lui demander compte un jour de ce qu’il lui aura enseigné.

730. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — VI »

L’intérêt de telles études, c’est qu’elles sont entendues au point de vue historique et philosophique et qu’elles n’impliquent pas chez celui qui se plaint de notre législation le naïf espoir, ni même le désir très vif de la voir modifier.

731. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

Il y a une raison d’une autre sorte, et d’un caractère assez particulier, qui conseille à chaque homme de vivre à peu près comme ceux qui l’entourent, de croire que la majorité a à peu près raison, de tenir grand compte, par conséquent, de l’opinion du voisin, ou, si l’on veut parler en beau langage philosophique, du consentement universel. […] Entre l’histoire trop encombrée de considérations philosophiques et l’histoire purement épique, et encore l’histoire qui n’était guère qu’un pamphlet et une œuvre de polémique, il y avait place en effet pour une étude patiente à la fois et passionnée de ces dessous, de ces régions profondes, de ces fonds de mer sur lesquels passent des courants, les flux et les reflux et les agitations tempétueuses des flots. […] Elle leur permet de déployer toutes leurs idées, et tout le pour et tout le contre, et tout l’entre-deux et tout l’accessoire ; et moins que la forme dialoguée elle éveille l’idée d’un scepticisme possible de la part de l’auteur, et plus que la forme dialoguée elle a un air philosophique ; et à ce qui paraîtrait abandonné sous la forme de dialogue elle donne au contraire une apparence et aussi un appareil et aussi un apparat de beau dogmatisme. […] Pour Sainte-Beuve, il y a des esprits philosophiques et des travaux philosophiques ; il n’y a pas de philosophie.

732. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

Par optimisme, vous pensez bien que je n’entends pas parler d’une conception philosophique ; non. […] Et, en effet, la plupart du temps, lorsqu’on a voulu exprimer des idées philosophiques en vers, on a exprimé des idées philosophiques, mais on n’a pas fait des vers ; on a fait de la prose rimée, de la poésie mnémotechnique. […] Aussi, la poésie philosophique, dans tous les pays, n’a-t-elle donné lieu qu’à un nombre d’œuvres fort restreint. […] L’idée philosophique est la suivante, à savoir que la pitié est vertu souveraine, mais que la pitié doit s’appliquer à la forme de la souffrance qui est vraiment la plus douloureuse. […] C’est là la conclusion morale du système philosophique d’Alfred de Vigny.

733. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

On témoigne au contraire beaucoup d’indifférence pour les pièces du commentateur, si régulières, si touchantes, si philosophiques ; et, bien loin de trouver chez lui trois tragédies dans une, on n’y trouve pas même une tragédie dans trois. […] D’ailleurs, l’hommage que rend Sévère aux vertus des chrétiens, fait beaucoup plus d’impression que ses conjectures politiques et philosophiques. […] Corneille supprima donc ces vers dans l’édition de 1664 ; ils ne reparurent plus dans les éditions suivantes : aujourd’hui on voudrait les crier sur les toits ; ils sont la base de la religion à la mode : les doutes de Sévère sont devenus les articles fondamentaux de la foi philosophique. […] Un pareil étourdi est bien plus comique qu’un fourbe odieux, qui ment pour son intérêt et pour le mal d’autrui : les modernes, que la manie de la morale tourmente, s’imaginent qu’il n’est pas assez philosophique de se borner à faire rire dans une comédie. […] Cet abus est né de l’ambition combinée avec l’impuissance, du goût de nos auteurs modernes pour les capucinades philosophiques, et de leurs fausses prétentions à la réforme des mœurs.

734. (1884) Propos d’un entrepreneur de démolitions pp. -294

Mais cela même servira de signe pour reconnaître le progéniteur ; et l’excès de l’ignoble, après tant de finesses et de douceurs, deviendra enfin la contre-épreuve philosophique et littéraire par laquelle sera démontrée la honte suprême de cette espèce de proconsulat intellectuel. […] Si le vrai nom du Prince ainsi désigné n’est pas un fort grand mystère, on devine encore mieux quel serait le sage investi du rôle de confident de César et presque César lui-même par l’ascendant des intimes conseils, de la vertu philosophique et du génie. […] Quelle espèce d’intérêt littéraire ou philosophique peut-il sortir des anecdotes de M.  […] Les onagres philosophiques du dix-huitième siècle ne pouvaient ni ruer ni braire en sécurité et, jusqu’aux derniers jours du second empire, un certain degré d’insolence n’allait pas sans quelque danger. […] Il adorait l’Être suprême, mais ne lui souffrait pas d’autels humains. » Voilà le reste de gigot philosophique que M. 

735. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Andrieux »

Andrieux est resté fidèle, toute sa vie, aux doctrines philosophiques et politiques de sa jeunesse.

736. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre I »

Ce que Tardieu traduit avec une sécheresse brutale et étroite « la prédisposition à l’étude de la médecine est le fait de deux facteurs associés : l’aptitude aux manipulations mécaniques, la faculté d’enregistrer passivement et impartialement, selon la méthode scientifique, les impressions matérielles, les sensations brutes, données par le fonctionnement des organismes vivants » (Revue philosophique).

737. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Des avantages attachés à la profession de révolutionnaire. » pp. 200-207

Si, partis de principes « philosophiques » sensiblement analogues, la Grande Catherine ou Frédéric II conclut à la monarchie absolue, et nos collectivistes à la nécessité d’un « chambardement général », c’est peut-être que la différence des conditions sociales et des intérêts entraîne ici la différence des applications.)

738. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Delavigne, Casimir (1793-1843) »

Alfred Nettement Casimir Delavigne a su rarement se dégager de cet esprit voltairien ou philosophique qui est devenu le moule de son esprit, et ce moule étroit a étouffé en lui l’inspiration poétique dont il avait reçu le germe.

739. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « I. Historiographes et historiens » pp. 1-8

Elle a été, tour à tour, philosophique, doctrinaire, socialiste, démocratique.

740. (1913) Les livres du Temps. Première série pp. -406

Élémir Bourges, que cette tragédie philosophique ne soit point écrite en vers. […] C’est une question religieuse ou philosophique. […] Quelle drôle de conception ces deux amis se font-ils donc de la culture philosophique et littéraire ! […] Romain Rolland a composé une espèce de Somme esthétique, philosophique, politique et sociale. […] Julien Benda s’adonne à un genre que l’on peut appeler la littérature philosophique.

741. (1886) Le roman russe pp. -351

Son programme littéraire lui était tracé par la révolution universelle dont j’ai rappelé quelques effets ; mais l’intelligence des causes qui avaient produit cette révolution pouvait seule lui donner un programme philosophique. […] De même pour les compositions romanesques ; les lecteurs patients de ces pays ne craignent pas un roman touffu, philosophique, bourré d’idées, qui fait travailler leur intelligence autant qu’un livre de science pure. […] Le romantisme ne pouvait guère durer sous sa forme lyrique, pas plus que ne dure une crise de passion ; sous cette forme, il avait été surtout une réaction inconsciente contre l’idéal philosophique du dix-huitième siècle. […] Ce fut celle de Tchaadaïef, dans la fameuse Lettre philosophique publiée en 1836. […] Le point de départ de l’écrivain était le même que celui de Tchaadaïef, dans la Lettre philosophique : la nécessité d’une vie spirituelle.

742. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

Ils demeurent comme ouverts, et tout près de croire, au moindre souffle de la grâce ; car il faut la grâce pour les croyances philosophiques comme pour les croyances religieuses. […] Peut-être y aurait-il profit à étudier dans la même vue toutes les querelles, soit philosophiques, soit théologiques, qui ont occupé le dix-septième siècle. […] Cousin, Mélanges philosophiques. […] Cousin, Mélanges philosophiques. […] Cousin, Mélanges philosophiques.

743. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

Des liaisons philosophiques très-empressées, qui essayèrent de se nouer autour de M. de Vigny vers 1829, et qui se rattachaient au remarquable mouvement d’idées représenté par M. […] c’est que le principe d’où partent ces inadvertances légères s’étend insensiblement à tout le récit et lui ôte un air de réalité, au milieu de beautés philosophiques et pathétiques du premier ordre. […] Trois histoires successives, Laurette, la Veillée de Vincennes et le Capitaine Renaud, nous amènent, à travers un savant labyrinthe concentrique et par de délicieux méandres, à un but philosophique et social élevé.

744. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

Personne ne l’a fait aussi juste et aussi grand que Sainte-Beuve ; à cet égard, nous sommes tous ses élèves ; sa méthode renouvelle aujourd’hui dans les livres et jusque dans les journaux toute la critique littéraire, philosophique et religieuse. […] Il y eut une de ces concordances lorsque, au dix-septième siècle, le caractère sociable et l’esprit de conversation innés en France rencontrèrent les habitudes de salon et le moment de l’analyse oratoire, lorsqu’au dix-neuvième siècle, le flexible et profond génie d’Allemagne rencontra l’âge des synthèses philosophiques et de la critique cosmopolite. […] Si par exemple on admettait qu’une religion est un poëme métaphysique accompagné de croyance ; si on remarquait en outre qu’il y a certains moments, certaines races et certains milieux, où la croyance, la faculté poétique et la faculté métaphysique se déploient ensemble avec une vigueur inusitée ; si on considérait que le christianisme et le bouddhisme sont éclos à des époques de synthèses grandioses et parmi des misères semblables à l’oppression qui souleva les exaltés des Cévennes ; si d’autre part on reconnaissait que les religions primitives sont nées à l’éveil de la raison humaine, pendant la plus riche floraison de l’imagination humaine, au temps de la plus belle naïveté et de la plus grande crédulité ; si on considérait encore que le mahométisme apparut avec l’avènement de la prose poétique et la conception de l’unité nationale, chez un peuple dépourvu de science, au moment d’un soudain développement de l’esprit ; on pourrait conclure qu’une religion naît, décline, se reforme et se transforme selon que les circonstances fortifient et assemblent avec plus ou moins de justesse et d’énergie ses trois instincts générateurs, et l’on comprendrait pourquoi elle est endémique dans l’Inde, parmi des cervelles imaginatives, philosophiques, exaltées par excellence ; pourquoi elle s’épanouit si étrangement et si grandement au moyen âge, dans une société oppressive, parmi des langues et des littératures neuves ; pourquoi elle se releva au seizième siècle avec un caractère nouveau et un enthousiasme héroïque, au moment de la renaissance universelle, et à l’éveil des races germaniques ; pourquoi elle pullule en sectes bizarres dans la grossière démocratie américaine, et sous le despotisme bureaucratique de la Russie ; pourquoi enfin elle se trouve aujourd’hui répandue en Europe avec des proportions et des particularités si différentes selon les différences des races et des civilisations.

745. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

On s’extasiait également sur les théories philosophiques du père et sur les œuvres pieuses de la mère. […] Leur fille était née dans une atmosphère plus libre que celle de Genève, ville théologique où respire toujours le souffle contentieux de Calvin ; elle vivait depuis son enfance sur les genoux des philosophes, elle inclinait par sentiment comme par éducation vers la religion philosophique de son père. […] Voltaire avait abrité en Suisse, à soixante-deux ans, son génie, au moment où sa vie littéraire finissait, et où il commençait sa vie philosophique.

/ 1789