/ 1701
605. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

Pascal admet, comme Descartes, un infranchissable abîme entre la matière constituée par l’étendue et l’esprit constitué par la pensée. […] Cela fournira la matière de deux fragments dont le défaut sera d’être consacrés à un auteur sur lequel il semble que tout ait été dit. […] Mais, en pareille matière, les faits sont insuffisants. […] La nature n’admet pas plus le luxe et la virtuosité dans l’ordre de l’intelligence qu’elle ne l’admet dans l’ordre de la matière. […] Mais, quelque matière qu’il ait choisie, il a toujours eu soin qu’elle fût concrète et que le philosophe pût s’y appuyer comme sur un terrain résistant et solide.

606. (1894) Critique de combat

C’est matière de bréviaire et de séminaire. […] C’est Deslon qui définissait le magnétisme « l’action de la volonté sur la matière animée ». […] Hamon, c’est qu’il a voulu appliquer à la même matière la méthode scientifique. […] L’uniformité en pareille matière n’est ni désirable ni possible, et je souhaiterais quelques ordonnances plus spéciales du médecin consultant. […] C’est en matière politique que ce genre d’esprit est curieux à étudier.

607. (1895) La science et la religion. Réponse à quelques objections

J’entends maintenant ce qu’on voulait dire autrefois quand on réduisait toute la querelle entre protestants et catholiques à la « matière de l’Église ». […] Jean Jaurès une belle matière de discours français. […] Il ne s’agit pas davantage d’établir que les dogmes religieux n’ont inventé « ni l’imprimerie, ni le télescope, ni les matières colorantes !  […] Plus près de nous, celui qui devait être le Cardinal Newman en a fait la matière d’un livre tout entier : c’est son Essai sur le développement de la doctrine chrétienne. […] Enfin, si l’on veut savoir quelle est sur cette matière infiniment délicate et importante, puisqu’en somme il y va de l’avenir dogmatique du christianisme, l’avis actuel du catholicisme et du protestantisme, on consultera, du côté catholique, le traité du cardinal Franzelin : De divina traditione et scriptura, Rome, 1882, troisième édition, pp. 278-288 ; et du côté protestant l’intéressante brochure de M. 

608. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

On faisait de cette raison un être à part, subsistant par lui-même, séparé de la matière, logé par miracle dans un corps, n’ayant nulle puissance sur ce corps, ne lui imprimant des impulsions et ne recevant de lui des impressions que par l’intermédiaire d’un Dieu appelé d’en haut tout exprès pour leur permettre d’agir l’un sur l’autre. […] Il décrit avec complaisance cette âme charmante que Gassendi appelait « la fleur la plus vive et la plus pure du sang. » Il « subtilise un morceau de matière, un extrait de la lumière, une quintessence d’atome, je ne sais quoi de plus vif et de plus mobile encore que le feu. » Il met cette âme en l’enfant comme en l’animal, et nous fait ainsi parents de ses bêtes. Seulement il en ajoute chez nous une seconde « commune à nous et aux anges, fille du ciel, trésor à part, capable de suivre en l’air les phalanges célestes, lumière faible et tendre pendant nos premiers ans, mais qui finit par percer les ténèbres de la matière. » Ces gracieuses rêveries, imitées de Platon, vraie philosophie de poëte, peignent son sentiment plutôt que sa croyance.

609. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre I. Le quatorzième siècle (1328-1420) »

Ni les hommes ni les œuvres ne manquent : mais, si la matière est riche pour l’historien ou pour le philologue, elle est pauvre pour le critique, qui s’arrête seulement aux œuvres littéraires, c’est-à-dire aux idées, sentiments, expériences, rêves que l’art a revêtus d’éternité. […] Il prend tout juste sa matière — et c’est la guerre de Cent Ans — comme Chrétien de Troyes a pris l’histoire de la Table ronde. […] Ou bien prenez la Somme des Prédicateurs, où Jean Bromyard a enfermé toutes matières prêchables.

610. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

Mais en matière d’ajustement des têtes, la fantaisie exerce d’autant plus librement son caprice. […] Or, toutes ces activités, même les plus simples, sont liées à un effort du système nerveux, à une consommation de matière. […] Il absorbe de grandes quantités de matières nutritives pour les dissocier, et les enlève aux autres portions du cerveau. […] L’appareil logique est une machine qui peut seulement élaborer la matière qu’on y a mise. […] En matière d’art, l’enthousiasme religieux des Anglais dégénérés et hystériques chercha son expression dans le préraphaélisme.

611. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — II. (Fin.) » pp. 213-233

Ce pesant Chapelain, qui avait du jugement dans les matières de prose, a dit de Mézeray en notant quelques-uns de ses défauts : « C’est néanmoins le meilleur de nos compilateurs français. » L’éloge est juste, si l’on entend le mot de compilateur sans aucune idée défavorable et en se contentant de le prendre par opposition aux écrivains de mémoires et de première main. […] Tous ces récits de Mézeray ne donnent aucune leçon, car il n’y a pas de leçon en pareille matière, mais ils font réfléchir les studieux et ceux qui, dans les jours de stabilité et de silence, aux heures d’intervalle d’une société apaisée, se prennent à méditer sur l’éternelle ressemblance de ces éternelles vicissitudes.

612. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — I » pp. 395-413

Ici la margrave a affaire à une tout autre matière qu’elle attaque avec moins de façon : on ne se fait aucune idée, quand on ne l’a pas lue, de la grossièreté gothique et ostrogothique qu’elle nous démasque dans son entourage, et, si supérieure qu’elle soit à son sujet, elle en a quelque chose dans sa manière ; il en rejaillit par moments sur elle et sur son ton des teintes désagréables : cette jeune femme qui écrit (car elle commença d’écrire ses mémoires à vingt-cinq ans) a des crudités de Saint-Simon quand il dévisage les gens, et, faute d’occasion sans doute, et de savoir où la placer, elle ne dédommage jamais par de la grâce. […] Ce n’est point seulement par complaisance et pour condescendre à autrui qu’il entre dans cette variété de matières, c’est bien par goût, avec abandon et plaisir.

613. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. »

On a raconté là-dessus mille histoires qu’on peut lire chez Saint-Simon, lequel en telle matière est prêt à renchérir toujours. […] Trouvez donc bon, s’il vous plaît, qu’avec le respect que je vous dois, je vous dise librement mes sentiments dans cette matière.

614. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Charles-Quint après son abdication, au monastère de Saint-Just »

Ce qui est certain, c’est que les papiers de Van Male, de celui qui aurait servi de secrétaire à l’empereur pour ce genre de travail, furent saisis après la mort du maître pour être remis à Philippe II, lequel était peu ami de la publicité en telle matière, et qui, une fois qu’il la tenait, ne lâchait pas sa proie. […] C’est matière à longue réflexion.

615. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame, secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. »

Que Fléchier fût lent, qu’il n’eût pas beaucoup de vivacité en causant ni de vives saillies, c’est possible, et c’est même certain ; mais que le fin auteur des Grands Jours d’Auvergne eût la conversation plate, je ne défère pas assez au goût de l’abbé Legendre pour lui accorder ce point, et j’aime mieux supposer qu’il a employé un mot impropre en matière si délicate. […] Successeur de son oncle qui se démit en sa faveur, et archevêque de Rouen avant ses vingt-sept ans accomplis (1652), il commença à déployer ses talents d’administrateur et de conciliateur ; il y avait matière dans un diocèse qui lui arrivait en très fâcheux état.

616. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Exploration du Sahara. Les Touareg du Nord, par M. Henri Duveyrier. »

La géographie physique des lieux parcourus, la géologie, la météorologie, les productions minérales, la flore, si l’on ose parler ainsi, la faune, sont la matière d’autant de chapitres et de tableaux ; puis l’on passe au moral des peuples qui se meuvent dans ce cadre inflexible et sous ce climat impérieux : les centres commerciaux, les centres religieux, puis les mœurs des Touareg en particulier, leurs origines probables, leur histoire (si histoire il y a), leur constitution, leur vie politique et intérieure, tout vient par ordre et en son lieu. […] Notre conquête de l’Algérie lui a fourni une belle matière et un point de mire excitant.

617. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « THÉOPHILE GAUTIER (Les Grotesques.) » pp. 119-143

Ce manuscrit est uniquement fait pour être consulté par les curieux en quête sur ces matières, par ceux surtout qui ont à parler de Colletet. […] Mais, laissant encore une fois ces préambules, abordons, sans plus tarder, ce qui est le cœur même du sujet et la matière favorite de l’auteur, je veux dire la tentative de réhabilitation de Théophile et de Saint-Amant.

618. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN FACTUM contre ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 301-324

Fremy entre en matière par se poser sur André Chénier la question solennelle et formidable que voici : « Doit-il être, dès à présent, considéré comme le souverain représentant de la littérature poétique de notre siècle ?  […] Pour nous qui ne faisons que balbutier en ces matières, nous avons pourtant gravé au fond du cœur, et nous nous surprenons quelquefois à réciter avec émotion ce début de l’admirable élégie de Properce, dont M.

619. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SOUZA » pp. 42-61

Mariée, logée au Louvre, elle dut l’idée d’écrire à l’ennui que lui causaient les discussions politiques de plus en plus animées aux approches de la Révolution ; elle était trop jeune, disait-elle, pour prendre goût à ces matières, et elle voulait se faire un intérieur. […] En appliquant ici ce que j’ai eu l’occasion de dire quelque part ailleurs au sujet de l’auteur d’Indiana et de Valentine, chaque âme un peu fine et sensible, qui oserait écrire sans apprêt, a en elle-même la matière d’un bon roman.

620. (1892) Boileau « Chapitre VI. La critique de Boileau (Fin). La querelle des anciens et des modernes » pp. 156-181

Mais, de plus, Boileau et Racine, et La Fontaine, et Molière étaient des artistes : ce que n’étaient ni les Chapelain, ni les Scudéry, ni les Desmarets, ni les Cotin, ni tous les prétentieux rédacteurs d’emphatiques épopées, ni tous les ingénieux rimeurs de petits vers, ni tous les pédants qui estimaient que l’usage des règles, par une vertu secrète, suffit sans la matière et sans le génie à la perfection des œuvres, ni enfin tous les inspirés qui écrivaient en courant, sans réflexion et sans retouches, au hasard de leur fantaisie. […] Il sentait bien qu’en dépit de tout les anciens étaient beaux : mais il s’obstinait à démontrer qu’ils avaient la noblesse, la politesse, de bons principes, de bonnes façons, tout l’extérieur enfin et le fond des « honnêtes gens », et il ne se rendait pas compte que de les défendre ainsi et se montrer incapable de se déprendre des mœurs et du goût de son siècle en ces matières, c’était une autre façon d’être « moderne », mais c’était être aussi « moderne » que les plus acharnés détracteurs de l’antiquité.

621. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IV. Des figures : métaphores, métonymies, périphrases »

Ainsi l’on nomme la cause pour reflet ; l’effet pour la cause ; l’instrument pour l’acte ou l’acteur ; l’œuvre pour l’auteur ; les dieux pour les actions, les objets, les éléments auxquels ils président ; le contenant pour le contenu ; la résidence pour l’habitant ; le lieu d’origine pour le produit ; le signe pour la chose signifiée ; le possesseur pour la chose possédée ; les parties du corps pour les facultés ou les qualités dont on convient qu’elles sont le siège ; l’espèce pour le genre ; le genre ou l’individu pour l’espèce ; la matière pour l’objet qui en est fait ; la partie pour le tout ; le fleuve pour le pays qu’il arrose ou pour le peuple qui vit sur ses bords. […] Tout nous appelle à la mort ; la nature, comme si elle était presque envieuse du bien qu’elle nous a fait, nous déclare souvent et nous fait signifier qu’elle ne peut pas nous laisser longtemps ce peu de matière qu’elle nous prête, qui ne doit pas demeurer dans les mêmes mains, et qui doit être éternellement dans le commerce ; elle en a besoin pour d’autres formes, elle la redemande pour d’autres ouvrages.

622. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Le père Monsabré »

III Quelques-uns d’entre vous (dit le Père Monsabré dans sa première conférence), plus amis des spéculations qui font voyager l’âme au-dehors que des vérités qui la ramènent sur elle-même, trouveront peut-être que je me suis attardé à des matières de prône et de catéchisme : j’en suis fâché pour eux. […] Ces bêtes à face humaine font profession de n’obéir qu’aux fatalités de la matière.

623. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

Mais, bien qu’il domptât cette matière ingrate, elle ne le satisfaisait pas. […] Certes, pour qui lit de sang-froid ces conférences sur l’Église et sur sa constitution, sur son infaillibilité, etc., l’argumentation souvent est faible, la logique en paraît pleine de lacunes, et, en pareille matière, à cette date où nous sommes, il n’est pas surprenant qu’il manque dans la chaîne du raisonnement quelques anneaux.

624. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits de Fénelon. (1850.) » pp. 1-21

Consulté par écrit sur toute matière politique ou ecclésiastique, arbitre très écouté en secret dans les querelles du jansénisme, redevenu docteur et oracle, il tenait déjà le grand rôle à son tour. […] Il pensait qu’en ces matières qui n’intéressent point le salut de l’État, on peut être plus coulant que dans d’autres, et incliner vers la politesse.

625. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Étienne Pasquier. (L’Interprétation des Institutes de Justinien, ouvrage inédit, 1847. — Œuvres choisies, 1849.) » pp. 249-269

Giraud, qui est dès longtemps reconnu pour maître en ces matières. […] Si l’on voulait s’égayer, il faudrait rappeler l’histoire de cette fameuse puce que, pendant la tenue des Grands Jours de Poitiers (1579), Pasquier aperçut, un matin qu’il la visitait, sur le sein de la belle Mlle Des Roches, et qui fournit matière à tout un volume de vers plus ou moins anacréontiques, grecs, latins et français, gentillesse et récréation des graves sénateurs.

626. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Rulhière. » pp. 567-586

Le ministre, M. de Choiseul, le chargea en 1765 d’écrire, pour l’instruction du Dauphin (Louis XVI), l’histoire des troubles de Pologne ; c’est cette histoire toute contemporaine, dont la matière se déroulait chaque jour sous ses yeux, que Rulhière s’étudia à traiter durant vingt-deux ans à la manière des anciens, sans parvenir à la mener à fin, et qui forme aujourd’hui son titre le plus considérable. […] Lorsqu’il aborde enfin sa vraie matière, qui commence avec l’élection du roi Stanislas Poniatowski, Rulhière a l’inconvénient d’avoir à se prononcer sur des caractères vivants qui n’ont pas eu leur entier développement, sur des personnages qui n’ont pas donné leur dernier mot.

627. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. » pp. 103-122

Doué d’une grande facilité à produire et d’une grande aptitude à juger, d’une ardeur d’amour-propre qui paraît inhérente au tempérament littéraire, et d’une excessive irritabilité dans les matières de goût, La Harpe, en entrant dans le monde, se fit des ennemis dont il accrut le nombre durant le cours de ses variations si peu ménagées, et leur animosité a tout fait pour empoisonner sa vie et pour en noircir ou en travestir bien des circonstances. […] Sur Bossuet, sur Bourdaloue, sur La Rochefoucauld et Retz, on est allé, depuis plus avant que lui : il n’exprime guère sur leur compte que ce qu’une première lecture courante peut suggérer d’impressions et d’idées à un esprit facile, abondant, éloquent en ces matières.

628. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « De la poésie et des poètes en 1852. » pp. 380-400

Théophile Gautier, qui se plaît à déployer plus que jamais dans ses rimes de sculpteur ou de peintre les opulences de la nature corporelle et de la matière vivante ; c’est le luxe et la floraison du genre porté au dernier degré de l’épanouissement. […] Si j’avais pourtant à le faire, je dirais que, malgré des fautes trop fréquentes et de mauvaises habitudes de goût, jamais peut-être la vraie matière poétique en circulation n’a été plus abondante, jamais la main-d’œuvre plus vulgarisée, et plus à la portée de ceux qui en abusent comme de ceux qui en sauront profiter.

629. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — II. (Suite et fin.) » pp. 421-440

Ainsi, à propos du prince de Vaudémont, ancien gouverneur de Milan et homme de mérite, qui a fort réussi à Versailles : Serait-ce un grand malheur, écrit Mme des Ursins, quand vous voudriez par vous-même le connaître à fond, en l’entretenant sur toutes sortes de matières différentes, et lui demandant comment il pense sur les sujets ? […] Est-ce que vous voulez vous priver d’avoir commerce avec une personne d’esprit et de mérite, et qui peut vous entretenir sur toutes sortes de matières ?

630. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre V. Séductions pour la compréhension de la psychologie indigène. — Conclusion »

. — But de l’auteur : planter des jalons pour faciliter le travail de ceux qui voudront approfondir une matière digne d’une étude plus poussée que celle-ci. […] Il est délicat d’insister en pareille matière.

631. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Baudelaire  »

— quelle matière à curiosité et à dissertations pour tous les genres de badauds, mais surtout pour les « badauds de l’ordre intellectuel  », comme les appelle Baudelaire. […] L’âme humaine, captive de la matière, croit que ses passions sont une ressource, et que c’est se jeter par la fenêtre de sa prison que de se jeter à elles, et elle s’y jette ; mais c’est dans l’ennui qu’elle retombe, ennui plus creusé par sa chute, hélas !

632. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre III : M. Maine de Biran »

« Car nulle cause ou force ne peut se représenter sous une image qui ressemble à l’étendue ou à ce que nous appelons matière. » « Toute cause efficiente dans l’ordre physique même est une force immatérielle. » « Les êtres sont des forces, les forces sont des êtres : il n’y a que les êtres simples qui existent réellement à leur titre de forces ; ce sont aussi les véritables substances existantes. » « Aussi les esprits conséquents et qui pensent comme il faut, se trouvent-ils éconduits au point de spiritualiser le monde, comme a fait Leibnitz, en n’admettant d’autre réalité que celle des êtres simples dont toute l’essence est la force active. […] Les entités s’en vont, les monades s’évaporent, les petits être immatériels se réfugient auprès des sylphes et des gnomes ; la matière cesse d’être une apparence, les sciences d’observation regagnent leur dignité, les forces redeviennent des qualités dérivées de rapports nécessaires.

633. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XV. »

Il en a reçu l’incrédulité aux Dieux et la négation de l’âme spirituelle, le culte de la matière et l’indifférence sur la vertu, toutes les croyances en un mot qui sont ennemies de l’enthousiasme et devraient éteindre l’imagination comme le cœur. […] Au moment où, conduit par une rêverie savante à ce matérialisme épicurien dont César devait abuser en factieux quelques années après, Lucrèce allait expliquer la formation spontanée du monde, l’action exclusive de la matière, l’intelligence passagère qui en résulte et la mortalité absolue de l’être humain, il élève ses regards vers les cieux ; il y voit briller un astre cher à la superstition romaine ; il en retrouve le souvenir et le nom dans les origines de Rome, et il ouvre son poëme antimythologique et antiplatonique par cette invocation incomparable à la déesse de la fécondité dans la nature, à cette déesse de la beauté et de l’amour, qu’il supplie de désarmer le dieu de la force et de la guerre : « Mère des enfants d’Énée, charme des hommes et des dieux, bienfaisante Vénus !

634. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [M. de Latena, Étude de l’homme.] » pp. 523-526

et, en supposant qu’il ne soit pas un peu téméraire d’écrire aujourd’hui sur une matière qui a exercé tant d’esprits supérieurs, n’aurais-je pas dû au moins étudier leurs ouvrages ?

635. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Sur Adolphe de Benjamin Constant » pp. 432-438

Quoique le caractère poétique soit moins marqué dans ce dernier roman, il y a eu de la part de l’auteur une grande habileté à fondre les éléments réels qui font la matière de son récit, avec les circonstances romanesques qui composent ou achèvent la physionomie de ses personnages.

636. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Laurent (de l’Ardèche) : Réputation de l’histoire de France de l’abbé de Montgaillard  »

Il importait de rabaisser à sa juste valeur un ouvrage incomplet, incohérent, plein de mensonges, de contradictions et d’erreurs, qui, grâce à une certaine causticité originale et à une affectation cynique de franchise, mais grâce avant tout au patronage influent de ses tuteurs, a usurpé en peu de mois un succès de vogue que n’ont obtenu que lentement et à grand’peine d’admirables écrits sur les mêmes matières.

637. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Avertissement »

Ce sont leurs compositions mêmes qui les instruisent ; c’est sur les matières mêmes qu’ils auront traitées que le maître leur apprendra à féconder, à développer, à ordonner un sujet, c’est par leurs propres trouvailles de pensée et de style, bonnes ou méchantes, qu’il éclairera leur jugement et redressera leur goût.

638. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre III. De la sécheresse des impressions. — Du vague dans les idées et le langage. — Hyperboles et lieux communs. — Diffusion et bavardage »

La vie des autres est une matière inépuisable, et l’on croit obtenir un brevet d’esprit en déchirant les réputations à belles dents.

639. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Bilan des dernières divulgations littéraires. » pp. 191-199

Cela nous rappelle que la matière première des plus beaux livres n’est, fort souvent, qu’une réalité souillée et médiocre.

640. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Heredia, José Maria de (1842-1905) »

Stuart Merrill Ces Trophées me semblent valoir moins par leur signification de la noblesse d’une âme que par celle d’une bien stérile victoire sur la seule matière de la poésie.

641. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Sully Prudhomme (1839-1907) »

Sully Prudhomme, avec ses poèmes, la Justice, le Bonheur, a voulu, et cet effort mérite tous les éloges, faire entrer dans les solides cadres de ses dogmes moraux et de ses conceptions sociales, la matière frémissante d’une riche sensibilité que tout ébranle, que tout froisse et meurtrit.

642. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre II. « Faire de la littérature » » pp. 19-26

Les professeurs de seconde et de rhétorique préparent leurs élèves à affronter cette épreuve en leur faisant développer chaque semaine une matière en quatre paragraphes.

643. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « I »

Les affaires du monde ne se règlent guère par ces sortes de raisonnements ; mais les hommes appliqués veulent porter en ces matières quelque raison et démêler les confusions où s’embrouillent les esprits superficiels.

644. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Addisson, et Pope. » pp. 17-27

Autant il y a, dans l’Art poëtique, d’ordre & de liaison, autant on remarque de confusion & d’embarras dans les matières de l’Essai sur la critique.

645. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Avertissement » pp. -

Qui scit ubi scientia sit, ille est proximus habenti  : c’est un vieux proverbe qui n’a nulle part de plus juste application qu’en matière d’histoire littéraire.

646. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

Sa matière, j’entends par là les idées ou les sentiments qu’elle remue d’ordinaire ; et sa forme, c’est ce qui en rend l’expression proprement éloquente : c’est le rythme et c’est l’image. […] Nous y trouverons d’ailleurs cet avantage inattendu que, de l’un à l’autre, nous verrons la forme diminuer de splendeur ; la matière s’humaniser, l’inspiration biblique remplacée par la dialectique ; et la dialectique par la rhétorique. […] 6° Nous achèverons de nous en rendre compte en étudiant le lyrisme, premièrement dans sa forme, secondement dans sa matière ; et si nous trouvons cette matière et cette forme identiques à celles de l’éloquence de la chaire, la démonstration sera complète, me semble-t-il ; et nous aurons vu vraiment, non pas métaphoriquement, un genre se transformer en un autre. […] C’est le livre le plus utile qu’on ait jamais écrit sur ces matières chez aucun peuple de l’Europe. […] Il suit de là que les hommes du xviiie  siècle, en général, s’en tiennent volontiers sur ces matières aux principes que leur ont légués les générations précédentes.

647. (1927) Approximations. Deuxième série

le mot de beauté, si on le leur applique, prend aussitôt des contours trop arrêtés : subitement s’y accusent le grain de la matière, le ciseau du sculpteur. […] Par elle, cependant, ils participent de ce qu’ils voient et de ce qu’ils touchent : ils sont pierres, ils sont arbres ; ils échangent des contacts et des souffles avec la matière qui les englobe. […] En maints endroits ils se sont targués de ne point aimer la nature : cependant le Journal renferme certains paysages d’une précieuse matière saupoudrée devant lesquels on comprend tout le sens de l’expression : les caresses du pinceau. […] Quelle que soit la tâche qu’il entreprenne, nous sommes certains qu’il saura demeurer fidèle à la formule toujours valable que Taine avait reprise à Goethe, et dans laquelle il voyait en 1863 la matière de la littérature prochaine : « . […] Où se situe en pareille matière le point d’équilibre ?

648. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

En toute matière, les solutions simples ont beaucoup de chances d’être incomplètes. […] La matière même de son œuvre n’a pas varié depuis les années où il composait ses Récits d’un chasseur. […] La matière habituelle de ses récits est l’histoire de l’avortement d’une espérance. […] Ce mépris et ces souffrances constituent, avec le tableau des incertitudes intimes qui en résultent, la matière du livre de M.  […] Il est sans matière, il n’est plus que forme.

649. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

Ainsi les doctrines littéraires commençaient aussi à s’ébranler et à devenir matière de doute. […] Les sens apportent plus ou moins de matière à l’activité de leur flamme. […] D’Alembert était trop loin de la poésie pour chercher à y atteindre ; mais il fit voir que son esprit s’appliquait mal aux matières littéraires. […] Son habileté n’a servi qu’à faire voir encore mieux combien l’essence de la nature morale est étrangère aux lois qui peuvent régir la matière. […] Ils offrent à l’esprit matière à réfléchir longtemps, et, même en les rejetant, ils laissent admirer l’imagination forte et ingénieuse qui les a créés.

650. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre II. Dryden. »

Ses auditeurs ne sont pas de beaux esprits occupés à voir comment on peut orner une matière sèche, théologiens par occasion et pour un moment, avec défiance et réserve, comme Boileau dans son amour de Dieu. […] C’est pourquoi la matière manque à l’art d’écrire. […] Quand La Fontaine a mis Ésope ou Boccace en vers, il leur a soufflé un nouvel esprit ; il ne leur a pris qu’une matière ; l’âme nouvelle, qui fait le prix de son œuvre, est à lui, n’est qu’à lui, et cette âme convient à son œuvre. […] L’accent vrai, les idées neuves ont paru ; Dryden, écrivant à son cousin, gentilhomme de campagne787, a rencontré une matière anglaise et originale. […] Né entre deux époques, il avait oscillé entre deux formes de vie et deux formes de pensée, n’ayant atteint la perfection ni de l’une ni de l’autre, ayant gardé des défauts de l’une et de l’autre, n’ayant point trouvé dans les mœurs environnantes un soutien digne de son caractère, ni dans les idées environnantes une matière digne de son talent.

651. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1894 » pp. 185-293

Là-dessus, le voilà qui me lit dans un cahier manuscrit, son livre tout plein de Dieu, dans lequel il est devenu un métaphysicien, disant des choses plus élevées, que dans ses autres livres, et où il cite cette originale phrase de l’Allemand Bohme : « La matière est comme le portrait d’une personne absente. » Vendredi 8 juillet Seconde pose pour un médaillon, qu’exécute d’après moi, Alexandre Charpentier. […] l’étain est tout à fait triomphant, et je crois que son emploi va avoir une action sur la sculpture, et forcer le marbre, la pierre, le bronze, à lutter avec le flou de cette matière. C’est de Rispal, un médaillon en cire de couleur, représentant sainte Cécile, un médaillon d’un caractère artistiquement étrange, avec, sur un fond de brun rouge, sa tête de délicate Nubienne, et à travers le pétrissage de cette grasse matière, colorée fauvement, seulement le brillant de l’or d’un nimbe, l’éclair d’argent d’un ruban qui enferme sa chevelure. […] le grand inventeur d’idéalité que l’homme, et ce qu’il a fabriqué dans cette vision, d’étrange, de surnaturel, avec la matière même d’étoffes communes et d’une lumière canaille ! […] Quelques bibelots, au sertissement de matières colorées, translucides, en cette fabrication, habituelle à l’article de l’Empire du Lever du Soleil, sont accrochés au mur.

652. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

Krantz ait effectivement retrouvé ce que l’on appellerait assez bien la matière diffuse de cette esthétique. […] « En laissant à Aristote et à Chapelain la matière de la règle des trois unités, dit encore M.  […] Derôme a l’air d’en faire si peu d’état que nous sommes impatients de voir ce qu’il composera sur la même matière. […] Mais surtout, si le moraliste, si le psychologue, si le philosophe y peuvent prendre intérêt, ou si même elles sont la matière propre de leur observation, sont-elles, et peuvent-elles être également la matière de la poésie pure, ou du drame, ou du roman ? […] Mais c’est bien toujours la même matière et c’est bien toujours le même ouvrier.

653. (1864) Cours familier de littérature. XVII « Ce entretien. Benvenuto Cellini (2e partie) » pp. 233-311

Si Votre Excellence avait quelque connaissance de l’art, elle ne craindrait rien pour cette tête, mais pour le pied droit du Persée, qui est si éloigné de l’autre, et vers lequel la matière aura plus de peine à parvenir. […] La matière se soulevait et se répandait. […] La tête de Persée n’avait pas moins bien réussi, et j’en fus surpris davantage ; car la matière avait servi tout juste pour la remplir entièrement, et je regardai cela comme un coup du ciel. […] Finalement, j’arrivai au pied de la jambe droite, et je trouvai le talon rempli, ce qui, me faisant plaisir d’un côté, me fâchait de l’autre, parce que j’avais prédit au duc qu’il n’arriverait pas à bien ; mais il manquait quelque chose aux doigts, et j’en fus bien aise, afin de lui faire voir que je savais ce que je disais ; car la matière ne serait jamais parvenue jusqu’à ce pied, et il aurait totalement été manqué, si je n’avais jeté dans le fourneau toute ma vaisselle d’étain, ce que personne n’avait imaginé avant moi.

654. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

Et l’on sait enfin que, chez l’artiste, la passion s’amortit toujours un peu par la conscience qu’il en prend, et parce que ses propres sentiments lui deviennent « matière d’art ». […] Il ne permet à la matière d’exister qu’en tant qu’elle traduit quelque chose de spirituel. […] Cela, à la lettre : « Pour créer le monde, un grain de matière a suffi… Cette masse qui nous effraye n’est rien qu’un grain que l’Éternel a créé et mis en œuvre. […] Voilà, pour un contempteur de la matière, une imagination bien matérielle.

655. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire de la maison royale de Saint-Cyr, par M. Théophile Lavallée. » pp. 473-494

Mme de Maintenon ne discutait pas, mais lui opposait l’usage, l’expérience, l’impossibilité de ne pas bégayer en de telles matières : Toutes ces idées, lui disait-elle, sont des restes de vanité : vous ne voudriez point de choses communes à tout le monde ; votre esprit est élevé, vous voudriez des choses qui le fussent autant que lui : inutile désir ! […] Ce que vous sentez là-dessus est encore matière de sacrifice ; il faut, que votre esprit devienne aussi simple que votre cœur… Employez votre esprit non à multiplier vos dégoûts, mais à les vaincre, mais à les cacher en attendant qu’ils soient vaincus, mais à vous faire aimer les plaisirs de votre état.

656. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — I. » pp. 413-433

Daru procédera de la sorte : en matière administrative, ce sera sa méthode ; et même en littérature, son jugement aimera à s’appuyer sur des matériaux préparatoires amassés avec soin et digérés avec sens. […] Dans la nouvelle organisation réglée par le Premier consul, et qui répartissait les détails de l’administration militaire entre deux corps différents, l’un conservant l’ancien titre de commissaires des guerres et destiné à surveiller l’emploi des matières et les approvisionnements, l’autre, sous le titre d’inspecteurs aux revues, destiné à constater le chiffre de l’effectif, Daru fut compris dans la création de ce dernier corps ; et ce fut en cette qualité d’inspecteur aux revues qu’il fut envoyé à l’armée d’Italie et qu’il fit la campagne de Marengo.

657. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — II » pp. 375-394

Insistant sur l’utilité dont peut être une bonne dialectique pour prémunir contre les faux jugements : « Il est certain, dit-il, que la lecture fréquente des ouvrages de Bayle donne à l’esprit une certaine volubilité sur cette matière, qu’il ne tiendra jamais uniquement des avantages de la nature. » Tout en recommandant particulièrement à son frère quelques écrits de son auteur de prédilection, il ajoute que lui-même est occupé de faire imprimer en ce moment un extrait du Dictionnaire ; il compte que cet abrégé, qui porte principalement sur la partie philosophique de l’ouvrage, se répandra dans le public et pourra être utile : Je suis persuadé que la mauvaise conduite de la plupart des hommes vient moins d’un principe de méchanceté que d’une suite de mauvais raisonnements ; et je crois par conséquent que si on pouvait leur apprendre à raisonner d’une façon plus juste et plus conséquente, leurs actions s’en ressentiraient d’une manière avantageuse. […] Il réitère à ce propos, comme en mainte autre occasion, sa profession de foi en ces matières spéculatives : « Vous avez grande raison de dire, mon cher frère, qu’on ne fera pas de grands progrès dans la métaphysique ; c’est une région où il faudrait voler, et nous manquons d’ailes. » Frédéric ne se laisse pas enlever volontiers jusqu’à la région des étoiles : il craint trop les nuages.

658. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — II » pp. 126-147

L’avocat protestant Jean Rou, à qui Marolles envoya sa traduction en vers de l’Apocalypse (1677), ne savait comment se tirer de ce mauvais pas ; l’étant allé voir quelques jours après, il se borna à un compliment succinct, et engagea aussitôt la conversation sur d’autres matières. […] Et encore dans une lettre à Huet, du 18 février 1662 (car Chapelain, en leur présentant Marolles, fait le tour de tous ses amis) : Jamais homme n’envisagea moins la vérité, n’entendit moins les auteurs, pour peu qu’ils soient difficiles, ne crut moins important de les rendre fidèlement, ni ne distingua moins les termes pour les employer…, et, ce qu’il y a de pis, jamais homme ne conçut moins la matière qu’il manie, n’eut moins de teinture des préceptes de l’éloquence et de la poésie, ni ne sut moins les principes de la philosophie.

659. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. (suite et fin). »

Ce serait matière à examen. […] Le sérieux des autres en telle matières qui l’étonnait même un peu.

660. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « GRESSET (Essai biographique sur sa Vie et ses Ouvrages, par M. de Cayrol.) » pp. 79-103

pour le coup, ceci est trop ; en matière littéraire un peu de superstition ne me déplaît pas, mais point de fanatisme. […] M. de Cayrol, qui n’entend pas contradiction sur son héros, traite fort mal M. de Feletz, pour avoir osé mettre en doute l’agrément de Gresset en prose ; il me semble qu’au moment où il plaidait pour les agréments d’un autre, le digne biographe l’aurait pu faire en un style plus persuasif et mieux assorti ; pour moi, en ces matières d’urbanité, je suis accoutumé à reconnaître M. de Feletz comme un excellent juge.

661. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN DERNIER MOT sur BENJAMIN CONSTANT. » pp. 275-299

Hier encore, un estimable journal, du très-petit nombre de ceux dont les jugements comptent, le Semeur 86, tout ému de charmantes lettres d’amour écrites en 1814 par Benjamin Constant, et dont M.de Loménie a publié des extraits, semblait en conclure que nous avions perdu notre cause, comme si nous nous étions mêlé de cette délicate matière, et comme si nous avions rien dit qui pût faire injure à ces tendres billets. […] Il avait compris de bonne heure que la société moderne ne serait pas satisfaite en son mouvement de révolution avant d’avoir appliqué en toute matière le principe de liberté ; il se rattacha à cette idée, et, à part les inconséquences personnelles, il en demeura le fidèle organe.

662. (1890) La fin d’un art. Conclusions esthétiques sur le théâtre pp. 7-26

Nos idées, qui sont le plus intime et le plus personnel de nous, ne sont élaborées que grâce à la matière fournie par notre sensibilité. […] La matière de son œuvre est forcément prise au monde extérieur (les chimériques fictions d’un Poe ou d’un Rops sont faites avec des morceaux de réalité), mais il est génial, c’est-à-dire créateur, parce que : 1º Sa sensibilité exceptionnelle (supériorité nerveuse) le fait descendre à des profondeurs encore vierges, où il sent les harmonies cachées et les beautés inconnues ; 2º Son intellectualité exceptionnelle (supériorité cérébrale) lui découvre, après des analyses plus subtiles ou des synthèses plus générales, les expressions neuves et les formules définitives.

663. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XX. La fin du théâtre » pp. 241-268

Nos idées, qui sont le plus intime et le plus personnel de nous, ne sont élaborées que grâce à la matière fournie par notre sensibilité. […] La matière de son œuvre est forcément prise au monde extérieur (les chimériques fictions d’un Poë où d’un Rops sont faites avec des morceaux de réalité), mais il est génial, c’est-à-dire créateur, parce que : 1º Sa sensibilité exceptionnelle (supériorité nerveuse) le fait descendre à des profondeurs encore vierges, où il sent les harmonies cachées et les beautés inconnues ; 2º Son intellectualité exceptionnelle (supériorité cérébrale) lui découvre, après des analyses plus subtiles ou des synthèses plus générales, les expressions neuves et les formules définitives.

664. (1890) L’avenir de la science « XIII »

Mais ce qui serait à désirer, c’est que les savants les plus spéciaux eussent le sentiment intime et vrai de leur œuvre et que les esprits philosophiques ne dédaignassent pas de s’adresser à l’érudition pour lui demander la matière de la pensée. […] La matière de l’érudition, en effet, va toujours croissant d’une manière si rapide, soit par des découvertes nouvelles, soit par la multiplication des siècles, qu’elle finira par dépasser de beaucoup la capacité des chercheurs.

665. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVII. Rapports d’une littérature avec les littératures étrangères et avec son propre passé » pp. 444-461

Sous le règne de Louis XIV, il suffit qu’un petit-fils du grand roi monte sur le trône de Madrid pour qu’il n’y ait plus de Pyrénées en matière littéraire ; car, aussitôt, l’Espagne, qui depuis un tiers de siècle avait à peu près cessé d’inspirer la France, redevient avec Le Sage un sujet de peintures à la mode. […] On n’approchera de la vérité en ces matières que lorsqu’une série de monographies auront suivi au dehors l’expansion de nos différentes écoles, les adaptations innombrables de nos pièces, les traductions de nos romans, les annexions de mots faites aux dépens de notre langue.

666. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IX, les mythes de Prométhée »

Des sillons ondoyants d’épis, des navires glissant sur les flots, un tourbillon de guerres déchaînées, des trophées de lances et d’épées, de faux et de mors, des armures et des statues vaguement modelées, des vases de toute forme et de toute matière. — Il aurait pu y voir encore des familles entrelacées autour du foyer, des cités sortant de terre, avec leurs remparts et leurs tours, des cortèges de prêtres enveloppés du nuage d’encens des sanctuaires. — Et tout en haut, des groupes de dieux, de plus en plus vrais, de plus en plus justes, montant et se succédant dans l’éther. […] Les dieux en descendent à sa voix bruyante, ils s’asseoient sur des bancs d’herbe, autour du bûcher sacré, et prennent part au sacrifice dont il est à la fois la matière et l’âme.

667. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome IXe. » pp. 138-158

Là ressort encore ce qu’on peut appeler, en pareille matière, l’aventure. […] Que de questions jugées et vidées qui auraient fourni matière à controverse, s’il n’en avait établi dès l’abord la solution décisive !

668. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Fontenelle, par M. Flourens. (1 vol. in-18. — 1847.) » pp. 314-335

Il y a le Fontenelle bel esprit, coquet, pincé, damoiseau, fade auteur d’églogues et d’opéras, rédacteur du Mercure galant, en guerre ou en chicane avec les Racine, les Despréaux, les La Fontaine ; le Fontenelle loué par de Visé et flagellé par La Bruyère ; et à travers ce Fontenelle primitif, à l’esprit mince, au goût détestable, il y en a un autre qui s’annonce de bonne heure et se dégage lentement, patiemment, mais avec suite, fermeté et certitude ; le Fontenelle disciple de Descartes en liberté d’esprit et en étendue d’horizon, l’homme le plus dénué de toute idée préconçue, de toute prévention dans l’ordre de la pensée et dans les matières de l’entendement ; comprenant le monde moderne et l’instrument, en partie nouveau, de raisonnement exact et perfectionné qu’on y exige, s’en servant avec finesse, avec justesse et précision, y insinuant l’agrément qui fait pardonner la rigueur, et qui y réconcilie les moins sévères ; en un mot, il y a le Fontenelle, non plus des ruelles ni de l’Opéra, mais de l’Académie des sciences, le premier et le plus digne organe, de ces corps savants que lui-même a conçus dans toute leur grandeur et leur universalité quand il les a nommés les états généraux de la littérature et de l’intelligence. […] Cette conclusion positive, qui vient couronner si singulièrement l’hommage rendu au plus grand génie scientifique moderne, n’étonnera point ceux qui ont noté dans les Lettres du chevalier d’Her… toutes les supputations et comparaisons financières que Fontenelle, jeune, apportait et prodiguait jusqu’en matière d’amour et de sentiment.

669. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Monsieur de Bonald, (Article Bonald, dans Les Prophètes du passé, par M. Barbey d’Aurevilly, 1851.) » pp. 427-449

Tel est véritablement l’effet que produit la méthode à demi scolastique de Bonald, mise en regard de la marche naturelle et large de Bossuet dans les mêmes matières. […] Dans la Législation primitive, le corps du livre, qui ne se compose que d’une suite de propositions et d’axiomes souvent très contestables, rangés et numérotés comme les pierres d’un édifice non construit, ou comme une table de matières, a paru et paraîtra toujours d’une lecture difficile et ingrate.

670. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

Marmont n’est pas seulement un homme de guerre, c’est un homme d’esprit qui juge, qui a des aperçus supérieurs, et qui, en toute matière, pénètre à la philosophie et à la moralité de son sujet. […] J’aime à multiplier ces citations qui me dispensent d’avoir un avis en de telles matières, et qui ont l’avantage, ce me semble, d’exprimer sensiblement aux yeux de tous le feu, l’éclat, la verve militaire de Marmont.

671. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — II. (Fin.) » pp. 63-82

Ce n’est qu’à partir d’Annibal et des guerres puniques que la pensée de Montesquieu se déploie à l’aise et qu’il trouve toute sa matière. […] Il a de ces mots qui, transportés ailleurs, illustrent la matière.

672. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — II. (Fin.) » pp. 350-370

Necker en matière religieuse, c’est la sincérité parfaite, c’est l’onction, un sentiment profond et persuasif qui passe dans ses paroles, et qui remplace souvent la métaphysique par une morale touchante. […] Il avait toujours été désintéressé en pareille matière ; il avait refusé durant ses divers ministères les appointements de ministre des Finances et tous les avantages qui étaient attachés à cette place ; il ne craignait pas de le rappeler avec un faste qui compensait, certes, le désintéressement : « Ainsi, s’écriait-il, l’Assemblée nationale peut à son aise me montrer de l’indifférence, je n’en resterai pas moins créancier de l’État de plusieurs manières, et jamais je n’ai tant joui de cet avantage, jamais je n’y ai tenu plus superbement. » Ces cris d’orgueil sont fréquents chez M. 

673. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — I. » pp. 455-475

Quand il le sait malade et qu’il le voit comme prêt à s’évanouir dans sa pure essence, il s’écrie : La seule pensée de votre mort me sert d’argument pour prouver l’immortalité de l’âme ; car serait-il possible que cet être qui vous meut et qui agit avec autant de clarté, de netteté et d’intelligence en vous, que cet être, dis-je, si différent de la matière et du corps, cette belle âme douée de tant de vertus solides et d’agréments, cette noble partie de vous-même qui fait les délices de notre société, ne fût pas immortelle ? […] Nous vivons trop peu pour devenir fort habiles ; de plus, nous n’avons pas assez de capacité pour approfondir les matières, et d’ailleurs il y a des objets qu’il semble que le Créateur ait reculés afin que nous ne puissions les connaître que faiblement.

674. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — L’inter-nationalisme »

C’est en raison de ce fait anormal qu’il importe, à notre avis, de montrer sur quelles bases repose la solidarité inter-nationale ; car il n’y a rien tant à craindre pour l’avenir que la confusion en ces matières.‌ […] Ce n’est pas à la constatation banale d’un échange industriel entre deux infimes parcelles de groupes sociaux différents que nous voulons conclure, mais à la positive inter-dépendance, pour ainsi dire, cosmique, de ces agrégats de matière vivante et pensante que l’on nomme nations modernes.‌

675. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XI : M. Jouffroy moraliste »

» Ainsi d’écho en écho retentit la question éternelle, unique matière de la religion, de la poésie et de la science, poursuivie par toutes les puissances de l’homme « qui, alarmées, demandent, invoquent la lumière, comme les lèvres du voyageur altéré appellent la source dans le désert. » Mais jamais elle ne reparaît plus impérieuse que dans des temps comme les nôtres, où les anciennes réponses niées ou combattues laissent l’âme en proie au tourment du doute, battue par le vent des opinions contraires, ébranlée et arrachée à tous ses appuis. […] La pure matière elle-même a les siens ; elle est inerte, et l’on peut dire que sa destinée est l’inertie.

676. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Bossuet. Œuvres complètes publiées d’après les imprimés et les manuscrits originaux, par M. Lachat. (suite et fin) »

Il se dévoua tout entier à l’instruction de ses diocésains, prêchant fréquemment dans sa cathédrale, où j’ai été étonné d’apprendre que son peuple finit par négliger de l’entendre, soit que son admirable talent eût diminué, ou que l’habitude trop répétée en eût affaibli l’impression ; soit, ce qui est plus probable, que Bossuet ayant pris celle des considérations les plus élevées, et traitant des matières au-dessus de la portée du vulgaire, ses auditeurs fussent dans le cas de lui adresser le reproche que faisait à saint Chrysostome une bonne femme d’Antioche : Père, nom t’admirons, mais nous ne te comprenons pas.

677. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « APPENDICE. — M. DE VIGNY, page 67. » pp. -542

Quant au roi, il tira sa montre vers l’heure de l’exécution, et dit nonchalamment à ses courtisans : « Je crois que cher ami fait à présent une vilaine mine. » Certes, il y a bien là matière à un roman historique ; ou plutôt il est tout fait dans les Mémoires de ce temps-là, et il ne s’agit que de l’en extraire.

678. (1874) Premiers lundis. Tome I « [Préface] »

Rien n’est plus difficile d’ailleurs que de faire un choix dans des œuvres posthumes ; et, en l’absence de l’auteur, nous ne nous sommes pas cru le droit de substituer notre goût à celui du public, d’élaguer la matière à notre gré.

679. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française. Ve et VIe volumes. »

De ces causes cachées qui déconcertent nos raisonnements en pareille matière, et en compromettent si fréquemment la certitude, les plus réelles se rapportent à la nature même de l’homme et à sa spontanéité d’action.

680. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 1. Éléments et développement de la langue. »

Elle disputera au latin les matières de science haute et ardue ; elle prétendra au privilège de traduire les plus graves et les plus nobles idées : histoire, morale, philosophie, théologie, science, tous les genres lui appartiendront un jour, et son extension coïncidera avec l’étendue de l’esprit français.

681. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Contre une légende »

Comme l’auteur des Origines du christianisme étudiait une matière obscure et était souvent amené à douter des faits, on a lestement transformé son scepticisme historique en scepticisme moral.

682. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Guy de Maupassant »

Maupassant, presque toujours, se borne à noter les signes extérieurs  actes, gestes ou discours  des sentiments de ses personnages, et use peu de l’analyse directe, qui a ses périls, qui quelquefois invente sa matière, et l’embrouille pour avoir le mérite et le plaisir de la débrouiller… Mais enfin vous entrevoyez peut-être combien est curieuse l’évolution d’un écrivain qui, ayant commencé par la Maison Tellier, finit par Notre Coeur.

683. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Dédicace, préface et poème liminaire de « La Légende des siècles » (1859) — La vision d’où est sorti ce livre (1857) »

Tout s’y trouvait, matière, esprit, fange et rayon ; Toutes les villes, Thèbe, Athènes, des étages De Romes sur des tas de Tyrs et de Carthages ; Tous les fleuves, l’Escaut, le Rhin, le Nil, l’Aar, Le Rubicon disant à quiconque est césar : — Si vous êtes encor citoyens, vous ne l’êtes Que jusqu’ici. — Les monts se dressaient, noirs squelettes, Et sur ces monts erraient les nuages hideux, Ces fantômes traînant la lune au milieu d’eux.

684. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — Les inscriptions des monumens publics de France doivent-elles être écrites en Latin ou en François. » pp. 98-109

La matière est traitée, dans cet ouvrage, avec assez d’ordre, de lumières & de goût.

/ 1701