/ 2576
1077. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

C’est assurément une grande vertu dans le maître des Espagnes et des Indes. […] Anne d’Autriche, Marie, de Thou, ne viennent qu’épisodiquement, mais sont tracés de main de maître. […] C’est à peine si elle se souvient des paroles dures et brutales de son maître. […] N’a-t-il pas dû s’accoutumer de longue main aux débauches de son maître, comme à l’air qu’il respire ? […] Il peut se moquer des dates : il en est bien le maître.

1078. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Du Camp, Maxime (1822-1894) »

Maxime du Camp, avec moins de fini, se rattache par le côté de Théophile Gautier à l’école de Victor Hugo ; il aime et cultive la description pour elle-même, il la cherche ; un de ses premiers soins a été de visiter cet Orient que le maître n’avait chanté que de loin et sur la foi du rêve… Il y a de beaux vers, surtout des poussées éloquentes.

1079. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Renaud, Armand (1836-1895) »

Sainte-Beuve Armand Renaud, après s’être terriblement risqué aux ardentes peintures d’une imagination aiguë et raffinée, en est venu à chanter ses propres chants, à pleurer ses propres larmes ; maître achevé du rythme, de recherches en caprice, et après avoir épuisé la coupe, il a trouvé des accents vraiment passionnés et profonds.

1080. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Sardou, Victorien (1831-1908) »

mais sa tête pâle, souffrante, ses yeux enfoncés et inquiets, sa bouche tourmentée, son grand front plein d’orages montrent clairement que. riche, heureux enfin, maître de son succès et de son art, propriétaire d’un beau château et d’un nom qui voltige sur les bouches des hommes, roi absolu du théâtre du Gymnase et du théâtre du Vaudeville, assez affermi dans sa tyrannie légitime pour pouvoir ne faire qu’une bouchée d’Edgard Poe et de Cervantès, et pour contraindre les poètes morts à lui gagner les droits d’auteur, — il ressent encore les souffrances passées du temps où les directeurs de spectacles, aujourd’hui ses esclaves !

1081. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Préface de la première édition »

Persuadé que les lettres doivent être un supplément de l’expérience personnelle une force active et présente, une discipline qui s’ajoute aux exemples du foyer domestique, à la religion, aux lois de la patrie, j’ai cherché dans nos grands écrivains moins l’habileté de l’artiste que l’autorité du juge des actions et des pensées, moins ce qui en fait des êtres merveilleux, dont la gloire nous peut troubler, que ce qui les met de tous nos conseils et les mêle à notre vie, comme des maîtres aimés et obéis.

1082. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 227-229

La pratique des grands Maîtres concourt à la conviction de la bonté du précepte qu’il donne ; &, soit dans l’universalité des Beaux-Arts, soit dans chaque espece particuliere, la justesse de la théorie est toujours démontrée par l’expérience.

1083. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 235-237

Ses Ecrits sur la Grammaire Françoise & Latine conviennent également aux Maîtres & aux Disciples ; les derniers y apprennent les élémens du langage, & les premiers la maniere de les développer.

1084. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 180-182

N’eût-il fait que Turcaret & Crispin Rival de son Maître, ces deux Comédies le mettroient au dessus de tous les petits Comiques de notre Siecle, & à côté des meilleurs du Siecle précédent.

1085. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Dumont le Romain  » pp. 115-116

C’est certainement l’ouvrage d’un maître.

1086. (1880) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Première série pp. 1-336

Un seul de ses maîtres, Gassendi, paraîtrait avoir eu sur l’élève une influence dont on retrouve quelques traces dans les comédies du poète. […] Colbert est la créature du roi, l’homme du maître, mais non pas Molière. […] Le maître avait déjà payé son opéra de la Princesse de Navarre d’un titre d’historiographe de France, avec deux mille francs d’appointements. […] Il ne souffrait que de la douleur de ne pouvoir conquérir les sympathies du maître. […] Tant mieux pour Freytag, mais son irréprochable orthographe n’excuse pas le procédé de son gracieux maître.

1087. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1895 » pp. 297-383

Le dîner est au dessert, Frantz Jourdain se lève, et lit des dépêches de la Belgique, de la Hollande, des dépêches des goncourtistes Cameroni et Vittorio Pica d’Italie, des dépêches d’Allemagne, parmi lesquelles se trouvent ces deux lignes de Georges Brandès : « Tous les écrivains scandinaves seront avec moi, aujourd’hui, quand je crie : Gloire au maître initiateur !  […] « Le gouvernement se devait à lui-même, mon cher maître, de s’incliner devant votre existence et devant votre œuvre ; et, si indifférent que vous soyez aux attestations officielles, il a pensé que vous ne refuseriez pas une distinction, que vous n’avez jamais sollicitée, que pour d’autres. […] Georges Bousquet qui a écrit : Le Japon de nos jours, et, qui, dans le cours de droit qu’il a fait là-bas, a constaté la reconnaissance, que tout Japonais apporte à celui qui lui apprend quelque chose. « Oh sénsei (le maître) !  […] Et cette connaissance de l’histoire de l’Empereur, lui est arrivée par des livres en langue hollandaise, que son père avait apprise de son maître, un médecin hollandais. […] Or le jour, où, après avoir fait tous deux de la peinture, nous passions à la littérature, mon frère, je l’avoue, était un styliste plus exercé, plus maître de sa phrase, enfin plus écrivain que moi, qui alors, n’avais guère l’avantage sur lui, que d’être un meilleur voyant autour de nous, et dans le commun des choses et des êtres, non encore mis en lumière, de ce qui pouvait devenir de la matière à de la littérature, à des romans, à des nouvelles, à des pièces de théâtre.

1088. (1891) Essais sur l’histoire de la littérature française pp. -384

Quel martyre est-ce de déguster en maître ès arts la quintessence du cynisme ? […] Jeune et maître de son patrimoine, il voyagea. […] Il étudia le maître moins par raison que par inclination, moins par amour de l’étude que par amour pour le maître lui-même. […] Son maître lui a-t-il pris sa première femme ? […] C’est ici qu’il est passé maître et qu’il soutient la comparaison avec Molière.

1089. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Blanchecotte, Augustine-Malvina (1830-1897) »

Théophile Gautier Élève de Lamartine, elle a gardé du maître la forme et le mouvement lyriques, mais avec un accent profond et personnel qui fait penser à Mme Valmore.

1090. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Des Essarts, Emmanuel (1839-1909) »

. — Portraits de maîtres (1888).

1091. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 277-279

De là, le défaut de liaison & de suite dans ses idées, d’assortiment dans l’ensemble, de caractere dans son style, tantôt philosophique, tantôt religieux, & toujours froid ; de là, ces figures étrangeres au sujet & préparées avec effort, ces tours étudiés, ces expressions symétriques qui supposent de l’esprit, mais qui décelent un cœur vide de sentimens, & par conséquent incapable de toucher les autres cœurs & de s’en rendre le maître.

1092. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 392-394

Les deux Ouvrages dont nous venons de parler, ont une marche libre, noble, qui prouve que l’Auteur a su se rendre maître des événemens, & les disposer de la façon la plus propre à faire effet.

1093. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Parocel » pp. 255-256

Au bas ce sont deux apôtres qui dorment de bon cœur et à qui l’on ne saurait pourtant reprocher le peu d’intérêt qu’ils prennent à leur maître, car le peintre ne l’a point fait intéressant.

1094. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 21, de la maniere dont la réputation des poëtes et des peintres s’établit » pp. 320-322

Ils sont prêts à dire leur sentiment avec autant de franchise, que les amis commençaux d’une maison disent le leur sur un cuisinier que le maître essaïe.

1095. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1886 » pp. 101-162

L’autre jour, dans un salon, cette femme a tout à coup aperçu son doucheur, qui est celui du maître de la maison, invité par hasard à la soirée, alors elle s’est mise à rougir, et est devenue tout à coup embarrassée, comme une femme, qui se verrait soudainement déshabillée. […] Mercredi 7 avril Je ne sais plus qui me contait, ces jours-ci, la fin de Servin, de ce peintre que j’ai connu du temps de Pouthier, et qui a peint quatre ou cinq tableaux, entre autres « Une Étable », qu’on pourrait prendre pour les tableaux d’un grand maître flamand. […] Un vrai maître de la chair que ce Rodin. […] Jeudi 26 août Nous causons avec du Boisgobey, de la femme orientale, et du point d’honneur qu’elle mettait dans l’amour, à ne point paraître prendre de plaisir, à n’apporter qu’un corps inerte à son seigneur et maître. […] Un moment, on cause de l’échauffourée de valetaille, qui a eu lieu, l’année dernière, à un bal chez la princesse de Sagan, cette émeute de larbins au bas du grand escalier, crachant des injures à leurs maîtres et à leurs maîtresses, sur ce téléphone, déshonorant les gens demandant leurs voitures, au milieu des m… et de salauderies ignobles.

1096. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 3665-7857

La politesse gase les vices ; mais c’est une espece de draperie légere, à-travers laquelle les grands maîtres savent bien dessiner le nud. […] Vous voulez qu’Hercule soit maître de lui dans ses fureurs ! […] Ces grands maîtres ont laissé imaginer & sentir au spectateur ce qu’ils n’auroient pû qu’énerver, s’ils avoient tenté de le rendre. […] le Guide entraîné par l’exemple n’a pas corrigé cette absurde composition dans l’enlevement de Dejanire, le chef-d’oeuvre de ce grand maître. […] Les Philosophes ont usé de leurs droits, & parlé de la gloire en maîtres.

1097. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

Dumas avait-il chance de devenir l’un des maîtres du roman ? […] Au surplus on le devinerait, rien qu’en songeant aux maîtres dont il se recommande. […] Feuillet allait se retourner contre ses maîtres. […] En fait, l’amour règne dans cette œuvre et y règne en maître. […] — Il y a deux voitures de maître. » Ce mot est d’une incontestable beauté.

1098. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Racine, qui est le maître de l’intérieur, du dedans, n’a pu être imité que par de froids pasticheurs. […] Lorsque Renan, plus tard, à vrai dire, que Taine, toucha à la narration et à la fiction, il y réussit en maître. […] Je rappelais au sujet du Maître du navire L’Île du docteur Moreau. […] « Malheureux, lui dit le Maître, pour frapper cette pécheresse te crois-tu donc sans péché ? […] Bourget, bon traditionaliste, le redit après ses maîtres de rhétorique, après les nôtres, après Brunetière, après Faguet.

1099. (1853) Portraits littéraires. Tome I (3e éd.) pp. 1-363

Maître absolu de la langue qu’il avait étudiée avec une patience monastique, André Chénier, s’il eût vécu plus longtemps, aurait trouvé pour l’amour une expression supérieure à l’expression païenne. […] L’amour de Quasimodo pour la Esmeralda n’est pas un amour humain, c’est le dévouement d’un chien de Terre-Neuve pour son maître. […] Il est maître de la langue, il dit tout ce qu’il veut ; que lui manque-t-il ? […] L’abondance de la pensée, la sobriété de l’expression, donnent aux personnages une vie, un naturel, qui n’appartiennent qu’aux maîtres du genre. […] Les trois frères Legoff sont peints de main de maître.

1100. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

Le Licencié, le Maître d’école, la Vieille Marquise, la Procureuse, le Peintre des femmes… — Ch.  […] Tout laquais, valet de chambre ou secrétaire qu’il soit, il n’est pas ennemi né de son maître, ni de ses semblables. […] Les passions cependant sont des cordes qui ont besoin de la main d’un grand maître pour être touchées. […] On peut dire qu’à cet égard encore il est bien l’élève de ses maîtres. […] ces propos d’ivrogne et de dépenaillé, du maître même des afféteries ?

1101. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bertrand, Aloysius (1807-1841) »

En répondant à la ballade du Pèlerin et en parlant aussi des autres morceaux insérés dans le Provincial, Victor Hugo lui avait écrit qu’il possédait au plus haut point les secrets de la forme et de la facture, et que notre Émile Deschamps lui-même, le maître d’alors en ces gentillesses, s’avouerait égale.

1102. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Moreau, Hégésippe (1810-1838) »

Il allait, selon toutes probabilités, s’il avait vécu, devenir un maître, mais il ne l’était pas encore.

1103. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — N — Normand, Jacques (1848-1931) »

Je ne saurais m’en plaindre : j’appartiens, par mes maîtres, au passé.

1104. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 285-288

Hardouin, son confrere & son maître ; trop de fécondité à trouver des raisons pour se séduire lui-même ; trop de fermeté, disons même trop d’opiniâtreté dans les sentimens qu’il avoit adoptés avec peu de précaution, ont répandu quelques nuages, non sur sa foi (car sa soumission en écarte toute idée désavantageuse), mais sur son discernement & sur sa prudence.

1105. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 390-393

Il n’appartient qu’au génie d’égaler le génie ; & la médiocrité ou le monstrueux sont ordinairement le partage de ceux qui, sans mission, veulent figurer sur la Scene, qui n’admet que les grands Maîtres.

1106. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 76-79

Nous ne parlons pas de ses autres Tragédies : on y voit constamment briller le grand maître, au milieu même des défauts qui lui échappent & qu’on a un peu trop exagérés.

1107. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 459-462

Ce n’est pas pour avoir appris les Mathématiques sans Maître, qu’on doit le regarder comme un homme extraordinaire : le P.

1108. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Préface »

Ce n’est pas comme caution que je dis le nom de l’illustre Max Muller, maître des mythologies et des métaphores, ni celui de M. 

1109. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre III. La Phèdre de Racine. »

J’ai pour aïeul le père et le maître des dieux ; Le ciel, tout l’univers est plein de mes aïeux : Où me cacher ?

1110. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Chardin » pp. 220-221

Après que mon enfant aurait copié et recopié ce morceau, je l’occuperais sur la Raie dépouillée du même maître.

1111. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Millet Francisque » p. 168

S’ils continuent de barbouiller de la toile, (comme la plupart de nos littérateurs continuent de barbouiller du papier) sous peine de mourir de faim, je leur pardonne aujourd’hui cette manie comme je la leur pardonnais par le passé ; car enfin il faut encore mieux faire de sots tableaux et de sots livres que de mourir ; mais je ne le pardonnerai pas à leurs parens, à leurs maîtres, que n’en fesaient-ils autre chose ?

1112. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — I. » pp. 88-109

Je vous tiendrai néanmoins toujours pour mon maître, et réputerai à grande faveur d’apprendre de vous, pourvu que ce soit sans ces mots odieux : Sus Minervam, qui sont tout à fait indignes, à mon jugement, d’être proférés entre deux amis de l’un à l’autre. […] Ce Renaudot qui avait titres et qualités : « Docteur en la faculté de médecine de Montpellier, médecin du roi, commissaire général des pauvres, maître et intendant général des bureaux d’adresse de France », était un homme à idées modernes comme plus tard l’a été Charles Perrault. […] Montaigne, en ses Essais, au chapitre xxxive , qui a pour titre : « D’un défaut de nos polices », avait dit : Feu mon père, homme, pour n’être aidé que de l’expérience et du naturel, d’un jugement bien net, m’a dit autrefois qu’il avait désiré mettre en train qu’il veut ès villes certain lieu désigné auquel ceux qui auraient besoin de quelque chose se pussent rendre et faire enregistrer leur affaire à un officier établi pour cet effet : comme « Je cherche à vendre des perles ; Je cherche des perles à vendre ; Tel veut compagnie pour aller à Paris ; Tel s’enquiert d’un serviteur de telle qualité ; Tel, d’un maître ; Tel demande un ouvrier ; Qui ceci, qui cela, chacun selon son besoin ».

1113. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — III » pp. 81-102

Mais Villars n’était pas maître de ses mouvements. […] D’après ce qu’on voit de ces lettres, il n’est donc pas exact de dire avec Saint-Simon « que Villars mit aux gens le marché à la main, et répondit tout net que le roi était le maître de lui ôter le commandement de l’armée du Rhin, le maître de l’employer ou de ne l’employer pas, etc. » Villars répondit avec respect, en homme sensé et ferme, et comme un général qui ne veut pas se placer dans une position fausse dont il prévoit à l’avance les inconvénients.

1114. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. (suite et fin) »

Il répondit un jour à l’un d’eux44 qui, dans une discussion, l’appelait emphatiquement son maître : « Il y a longtemps, Monsieur, que je l’ai été. » Le nom de M.  […] A la tribune, s’il eut le mérite d’apporter de prime-abord un talent d’improvisation véritable, chose alors très-neuve, maître d’ailleurs de sa parole, il la gouverna toujours et sut la tenir également éloignée de la passion on du système. […] Royer-Collard était président du Conseil de l’Instruction publique, Jouffroy, alors maître de conférences à l’École normale, avait parlé trop librement du Christianisme devant ses élèves, au nombre desquels se trouvait alors un parent de M. de Villèle.

1115. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.) »

C’est ainsi que la forteresse de Montmélian, seule place du duché de Savoie qui ne fût pas encore en notre pouvoir, lui parut une conquête possible malgré la saison avancée et la forte position qui était « hideuse pour un assiégeant » ; il s’en rendit maître le 21 décembre de cette année 1691 si remplie. […] Le duc de Savoie, sentant la faiblesse à laquelle était réduit l’adversaire, s’enhardit, passa à l’offensive et à l’invasion de notre territoire, pénétra jusqu’à Embrun qu’il assiégea, s’en rendit maître sur les derrières de Catinat, brûla le pays jusqu’à Gap, et il serait même descendu dans la plaine du Dauphiné sans la petite vérole qui le prit à Embrun et dont il fut fort mal. […] Je répète les préceptes des maîtres.

1116. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

On sent qu’une fois sur ce terrain on a pour guide un maître. […] Un auteur de ce mérite, dont les écrits sont classiques, dont les livres sont entre les mains de tout officier qui étudie et pense ; un maître qui a donné les meilleures leçons pour régler autant que possible et soumettre à la raison, pour préciser, diriger, pour accélérer et par conséquent pour diminuer la guerre, pour la faire ressembler le moins qu’il se peut (et c’est de plus en plus difficile) à une œuvre d’extermination et de carnage, un tel maître, — le Malherbe du genre 72, — ne saurait garder de l’odieux sur son nom, ni même laisser de lui comme caractère une idée obscure et louche.

1117. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo en 1831 »

Un ancien prêtre marié, bon homme, M. de La Rivière, lui avait débrouillé, à lui et à ses frères, les premiers éléments, et la méthode libre du maître s’était laissée aller à l’esprit rapide des élèves. […] L’aptitude d’Eugène et de Victor pour les mathématiques frappa beaucoup leurs maîtres ; ils obtinrent même des accessits au concours de l’Université. […] En 1820, un troisième prix remporté pour Moïse sur le Nil valut à Victor le grade de maître ès Jeux floraux.

1118. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Pierre Corneille »

L’objet de sa passion était, à ce qu’on rapporte, une demoiselle de Rouen, qui devint madame Du Pont en épousant un maître des comptes de cette ville. […] Pompée semble s’écarter un peu de la prudence d’un général d’armée, lorsque, sur la foi de Sertorius, il vient conférer avec lui jusqu’au sein d’une ville où celui-ci est le maître ; mais il était impossible de garder l’unité de lieu sans lui faire faire cette échappée. […] » Une fois il s’adresse à Louis XIV qui a fait représenter à Versailles Sertorius, Œdipe et Rodogune ; il implore la même faveur pour Othon, Pulchérie, Suréna, et croit qu’un seul regard du maître les tirerait du tombeau ; il se compare au vieux Sophocle accusé de démence et lisant œdipe pour réponse ; puis il ajoute : Je n’irai pas si loin, et si mes quinze lustres Font encor quelque peine aux modernes illustres, S’il en est de fâcheux jusqu’à s’en chagriner, Je n’aurai pas longtemps à les importuner.

1119. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre II. Boileau Despréaux »

Et il a une précision, une vigueur, parfois une finesse de rendu qui sont d’un maître. […] Rappelons-nous que Flaubert refusait d’en médire : il reconnaissait en Despréaux un artiste, un maître qui avait égalé son exécution à son intention. […] Ce que Boileau immole, ce sont les maîtres de la littérature précieuse, leurs genres et leur goût : les froides épopées avec Chapelain et Scudéry, les romans extravagants avec Mlle de Scudéry, les petits vers alambiqués avec Cotin, la tragédie doucereuse avec Quinault ; c’est la poésie sans inspiration et sans travail, la négligence prosaïque et prolixe, la fantaisie subtile ou emphatique, les sentiments hors nature et les expressions sans naturel.

1120. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre IV. Le patriarche de Ferney »

Tout le monde le comprit ainsi, et les « frères » saluèrent avec-joie le maître qui leur venait. […] Il n’a pas eu le grand goût, le sens profond de l’art, de la poésie : il a eu des timidités d’écolier, des répugnances de petite-maîtresse, devant la vraie nature et devant les maîtres qui l’ont rendue. […] Voilà par où Voltaire est le maître du conte moral ou philosophique : ses chefs-d’oeuvre sont construits, dans leur plan et dans leur style, avec une rigueur mathématique ; tout y fait démonstration.

1121. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre V. Le roman »

Le maître qui a fourni les formules les plus impérieuses, les applications les plus éclatantes de la doctrine, est M.  […] Une fois formé, au gré de son maître, Maupassant se mit à écrire des nouvelles et des romans remarquables par la précision de l’observation et par la simplicité vigoureuse du style. […] Mais c’est, depuis Stendhal, le plus grand maître du roman psychologique que nous ayons eu.

1122. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « V »

Il y a encore des survivants, à Paris, de la meute qui pourchassa si gaillardement Berlioz, au temps où le maître vivait. […] Bientôt — grâce aux soins de quelques amis du maître, au premier rang desquels il faut nommer M.  […] Cette biographie doit former un livre en deux volumes et offrir, dans une langue appropriée, peut-être fantaisiste, eu égard au sujet, la représentation exacte et détaillée et la vie artistique comme de la vie intime du grand maître.

1123. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IV, Eschyle. »

Il nourrit sans doute son fils de la moelle des leçons du maître. […] Machiniste et costumier, décorateur et maître de danses, il fut à la fois son poète et son architecte, son penseur et son ouvrier. […] Aussi bien que Dante, Eschyle est le maître de la grâce comme de la colère.

1124. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chansons de Béranger. (Édition nouvelle.) » pp. 286-308

Et j’ajouterai, en passant, qu’il ne cesse à la rencontre de donner aussi des chiquenaudes à André Chénier, ce jeune maître si hors d’atteinte par le souffle et la largeur de l’inspiration et par le tissu du style. […] Moi, pour braver des maîtres exigeants, Le verre en main gaiement je me confie Au Dieu des bonnes gens. […] c’est dommage : ces rois qu’on déifie, ces maîtres exigeants ne viennent là qu’à toute force et par la nécessité du refrain.

1125. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

Dans les diverses occasions qu’il eut d’approcher du maître d’alors et de l’entendre, soit au Conseil d’État, soit ailleurs, il fut frappé des défauts plus que des qualités ; il vit et nota surtout, de cette grandeur déclinante, les éclats, les écarts, les brusqueries, sans apercevoir assez les éclairs de génie et de haut bon sens qui jaillissaient et se faisaient jour : c’était là de sa part une prévention que lui-même reconnaît aujourd’hui. […] Un roi est le maître, en tout temps, et par sa seule volonté, d’abolir le droit public de son pays, d’en substituer un autre, ou de n’en substituer aucun ! […] L’écrivain ne se donne que comme amateur et comme l’un du parterre, et il est maître.

1126. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Condorcet, nouvelle édition, avec l’éloge de Condorcet, par M. Arago. (12 vol. — 1847-1849.) » pp. 336-359

Necker, au point d’écrire à Voltaire (25 octobre 1776) : « Vous savez, mon illustre maître, ce qui vient de nous arriver. […] On a fort loué, dans cette correspondance de Condorcet avec Voltaire, quelques témoignages de véracité et de franchise, mais il y fallait remarquer aussi ces premiers indices d’un esprit dénigrant, et surtout l’espèce d’adresse avec laquelle Condorcet, très mécontent que Voltaire ait fait des vers pour Mme Necker, cherche à exciter l’illustre maître contre le financier genevois : « D’ailleurs, je ne puis rien espérer, lui écrit-il, d’un homme (M.  […] En exposant le vaste système de vues et d’idées de cet ami et de ce maître, son aîné de quinze ans, et pour qui il avait un véritable culte, il expose le plus souvent ses propres pensées ; mais ici, plus voisines de leur source, elles ont gardé quelque chose de plus net et de plus lumineux.

1127. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « L’abbé de Choisy. » pp. 428-450

Du portugais, en un clin d’œil, il passe au siamois : il en est bientôt maître, et peut jargonner et caqueter dans les deux langues. […] Choisy dut s’en excuser auprès du roi, qui lui dit pour toute parole : Cela suffit, et qui lui tourna brusquement le dos : « Je crus qu’il fallait laisser passer l’orage, ajoute le pauvre mortifié, et je m’en allai à Paris m’enfermer dans mon séminaire, où une demi-heure d’oraison devant le Saint-Sacrement me fit bientôt oublier tout ce qui venait de m’arriver. » Il ne fallait pas moins que cette oraison devant le Saint-Sacrement pour soulager l’abbé courtisan de la douleur d’avoir pu déplaire un instant à son maître, — à son autre maître.

1128. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame de La Vallière. » pp. 451-473

Les années du bonheur s’étaient écoulées ; Mme de Montespan, spirituelle, altière, éblouissante, avait pris place et trônait à son tour dans le cœur du maître, et la pauvre La Vallière pâlissait. […] mais si j’étais assez malheureuse pour cela, je n’aurais jamais l’effronterie de me présenter devant la reine. » Cette dame si scrupuleuse, et qui le disait si haut, était Mme de Montespan, celle même qui, dès ce moment, allait chercher, par tous les brillants de la coquetterie et toutes les saillies de l’esprit, à supplanter la pauvre La Vallière dans la faveur du maître. […] On ne trouve pas, dans les lettres de Mme de La Vallière, un seul mot qui ne soit naturel, humble et doux, d’une reconnaissance vive pour ceux qui lui veulent du bien, d’une parfaite indulgence pour les autres : « Mes affaires n’avancent point, écrit-elle (11 janvier 1671), et je ne trouve nul secours dans les personnes dont j’en pouvais attendre : il faut que j’aie la mortification d’importuner le maître, et vous savez ce que c’est pour moi… » Et ailleurs : « Quitter la Cour pour le cloître, ce n’est point là ce qui me coûte ; mais parler au roi, oh !

1129. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

Il devenait de la plus haute importance que cette ville d’Orléans tînt bon pour la Fronde, sans quoi toute la ligne de la Loire était coupée, et le prince de Condé, qui arrivait de Guyenne, trouvait l’ennemi maître des positions. […] Dans la lettre au roi où elle demande d’épouser Lauzun, Mademoiselle a soin de faire sonner bien haut cette chaîne de précieuse servitude et de domesticité, qui, selon elle, honore plus que tout, et dont elle réclame sa part : « Je dis tout ceci à Votre Majesté pour lui marquer que plus on a de grandeurs, plus on est digne d’être vos domestiques. » Il y avait quelque chose à quoi Lauzun tenait plus encore qu’à être le mari de Mademoiselle, le duc de Montpensier et le plus grand seigneur du royaume, c’était d’être du dernier bien avec son maître. — Je note expressément la forme régnante de platitude de ce temps-là : n’allons pas nous flatter de n’avoir point la nôtre. […] Quand Lauzun sortit de prison, ce n’était plus l’honnête homme, le galant homme et l’homme poli qui l’avait tant charmée : le courtisan seul avait survécu, courtisan acharné, et qui n’eut pas de cesse qu’il ne se retrouvât sur pied et dans un replâtrage de faveur auprès du maître ; d’ailleurs dur, intéressé ouvertement, cupide, osant reprocher à Mademoiselle les sacrifices mêmes qu’elle avait faits pour le délivrer.

1130. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — II. (Suite.) » pp. 220-241

Le fond du Barbier est bien simple et pouvait sembler presque usé : une pupille ingénue et fine, un vieux tuteur amoureux et jaloux, un bel et noble amoureux au-dehors, un valet rusé, rompu aux stratagèmes, et qui introduit son maître dans la place, quoi de plus ordinaire au théâtre ? […] Il voulait être le maître du théâtre, et le musicien voulait l’être aussi ; il n’y avait pas moyen de s’entendre. […] En matière de publicité et de théâtre, il est maître passé, il a perfectionné l’art de l’affiche, de la réclame, de la préface, l’art des lectures de société qui forcent la main au pouvoir et l’obligent d’accorder tôt ou tard la représentation publique ; l’art de préparer ces représentations par des répétitions déjà publiques à demi et où déjà la claque est permise ; l’art de soutenir et de stimuler l’attention, même au milieu d’un succès immense, moyennant de petits obstacles imprévus ou par des actes de bruyante bienfaisance qui rompent à temps la monotonie et font accident.

1131. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — I. » pp. 389-410

Il est plus favorable à la Syrie et se déride quelquefois en nous en parlant : c’est par la Syrie qu’il entre davantage dans l’esprit de l’Orient, et que, devenu maître de la langue, il reçoit son impression tout entière : il parle du désert et des Bédouins avec quelque chose de plus senti que d’habitude, bien que de sobre également et d’inflexible. […] Lui seul subvient à tous les besoins de ses maîtres. […] dit-il, ce sont nos maîtres qui siègent là : nous ne sommes que leurs ouvriers, ils ont le droit de nous censurer et de nous applaudir. » On reconnaît dans ce dernier mot l’imprudente parole qui, au début, était échappée à Volney, et qui demeurait attachée à son nom ; en la répétant, on la résumait avec plus de force encore qu’il n’en avait mis en la proférant.

1132. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Introduction »

Est-ce l’autorité des maîtres ? […] En philosophie comme en politique, la liberté réclamée n’est souvent qu’un ingénieux moyen de devenir le maître. […] Il pourra prendre l’un pour l’autre à sa volonté, justifier ses passions par ses opinions, et lorsqu’on voudra le condamner au nom d’une règle reconnue par tous, il pourra toujours répondre que chacun est maître de sa manière de voir.

1133. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Première partie. Écoles et manifestes » pp. 13-41

Je ne veux pas discourir sur cette opinion qui ne me paraît pas dénuée de bon sens ; je me borne à constater d’une part : que le plus grand nom et le plus original que l’art du roman ait produit avec chance de durée, depuis Flaubert, est Maupassant, qui reçut de son maître la règle et ne s’en cacha point ; et, d’autre part, que jamais plus qu’aujourd’hui on ne poussa plus loin l’aversion d’une discipline, ni la croyance à l’inspiration individuelle. […] Qu’il vienne, le maître de la pensée et du verbe, la jeune âme française lui obéira et le suivra. […] H. de Régnier, dès aujourd’hui, est reconnu comme un maître… L’heure du symbolisme, en tant qu’école et crise révolutionnaire, est passée » (G. 

1134. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 35, de la mécanique de la poësie qui ne regarde les mots que comme de simples sons. Avantages des poetes qui ont composé en latin sur ceux qui composent en françois » pp. 296-339

Il nous faut dire le maître, du maître, au maître.

1135. (1759) Réflexions sur l’élocution oratoire, et sur le style en général

L’étude réfléchie des grands maîtres, et surtout un organe sensible et sonore, en apprendront plus sur cela que toutes les règles. […] De ne vivre jamais pour soi, Et d’être toujours tout entier Aux passions d’un maître, etc. […] un philosophe rigide ne balancerait pas ; la raison est son maître, je dirais presque son tyran.

1136. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Nisard » pp. 81-110

C’est ainsi qu’il a jugé Byron en maître, et peut-être, dans toutes ses œuvres, n’a-t-il été grand critique, c’est-à-dire critique complet, que cette fois-là. […] En restant fidèle à ses idées, qui ne sont pas ses maîtresses, à lui, mais ses maîtres, il a été aussi loin qu’il pouvait aller dans la bienveillance pour les hommes, dans l’accueil fait aux esprits les plus différents du sien. […] Et ce sera parfaitement sûr : nous aurons une histoire· Trelawney aura envoyé ingénieusement chercher un verre d’eau, un innocent verre d’eau à l’office par Fletcher, qui aurait pu lui en faire un avec ses larmes, quand il gardait pieusement le corps de son maître, et pendant que le bonhomme aura le dos tourné, le malicieux M. 

1137. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « X. M. Nettement » pp. 239-265

Nettement, doivent tenir pour la vérité, ce fut cet enfant gâté de la Fortune qui passa toute sa vie à se plaindre d’elle, et qui, ingrat avec ses maîtres comme il l’était avec la Gloire, ne vit jamais, dans les idées ou les événements qui créent des devoirs aux âmes élevées, rien de plus que des occasions de colorer sa pensée et d’ajouter à sa popularité. […] Mais, chez nous, chez nous qui vivons dans l’intimité de notre propre littérature, pour qu’on se croie le droit de toiser les hommes et les œuvres, il faut, si on n’est pas un maître, en savoir pourtant un peu plus long que le premier venu littéraire, il faut une personnalité. […] On voit qu’il a pris l’ordre longtemps chez M. de Chateaubriand ; mais il tempère la manière du maître par la sienne, et de ce mélange il résulte je ne sais quelle phraséologie solennelle et verbeuse qui se remue mal, s’étale, s’affaisse et devient, au bout d’un certain nombre de pages, un modèle de style accroupi.

1138. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pommier. L’Enfer, — Colifichets. Jeux de rimes. »

Ce n’est pas sans dessein qu’il a pris Virgile pour conducteur et pour maître dans ces ombres où l’Énéide se reflète comme un demi-jour. […] Et jamais cette ironie divine ne se lasse, et d’un bout de ce poëme à l’autre on l’entend rugir dans ces strophes aux rimes redoublées et dociles, dans ces vers maniés, courbés, assouplis par cet impérieux Maître du rythme. […] Amédée Pommier, cet artiste acharné qui n’a pas besoin de l’impulsion des autres, à des effets nouveaux et à des tentatives nouvelles, nous lui conseillons plutôt, maintenant qu’il a prouvé qu’il pouvait être un grand maître dans l’art des vers pour les vers, de remonter de cette poésie de l’expression pure vers la poésie plus mâle de la pensée et de préférer désormais aux difficultés, cherchées pour les vaincre, du rythme, les inspirations victorieuses des sentiments auxquels il est impossible de résister !

1139. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — La rentrée dans l’ordre »

Ruine irréparable : « il était prêtre, et il ne croyait plus. » Pourtant, il ne se reconnaît pas le droit de violer son serment. « Du moment qu’on l’avait châtré, il voulait rester à part, dans sa fierté douloureuse. » D’ailleurs, s’il n’a pu vaincre la raison en lui, il est resté maître de sa chair. […] Les « sciences », l’histoire, la morale, la métaphysique, que professent ses maîtres ne sont qu’amusette et tromperie, car cet enseignement ne doit, à aucun prix, révéler la vérité sur quoi que ce soit. […] Et j’attends l’heure prochaine où il prononcera à son tour non plus la vieille prière de mendicité : « Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien », mais l’invocation superbe de l’homme à sa propre énergie : « Je veux prendre chaque jour, sans souci des maîtres ni des dieux, le pain de la chair et le pain de la pensée dans la lumière, dans la force et dans la joie %100 ».‌

1140. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

Le Dantec ne fera pas comme son maître. […] Nous ne sommes les maîtres du monde que parce que nous sommes les seuls maîtres possibles. […] Le maître des animaux et le maître de l’homme n’est pas extérieur, mais intérieur. […] J’ai cependant vu un renard suivre son maître ; mais c’est très rare. […] Les maîtres de la philosophie française contemporaine n’ont pas encore osé en faire autant.

1141. (1900) Molière pp. -283

Son vaste répertoire, c’est le répertoire du rire ; le rire s’y démène si bien, il y règne en souverain, en maître si absolu, que rien n’y manque, pas même les plus libres facéties de tréteaux et les plus violentes tabarinades. […] Pour cela vous pouvez vous en détacher, si je chante ce soir… Où est-il donc ce maître que vous craignez de renvoyer ! […] Beaumarchais a parfaitement pillé Molière dans cette circonstance ; il lui a pris l’expédient, la ruse, le maître de chant ; mais il a fait envers Molière comme Molière lui-même avait fait envers Scarron, dans le Tartuffe. […] C’est une scène de comédie des plus profondes et des plus violentes ; on a persuadé à M. de Pourceaugnac que ces deux médecins sont deux maîtres d’hôtel ; il raisonne tout le temps avec eux comme si c’étaient des maîtres d’hôtel, et eux avec lui comme si c’était un malade. […] C’est un tyran très insinuant, et redoutable, qu’un médecin, dans une famille ; c’est un très terrible maître ; Jacques Coictier, dans son temps, en fit faire l’épreuve au roi Louis XI.

1142. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

Parmi les romanistes, il mérita l’estime difficile du maître incomparable Gaston Paris. […] Mais le maître de l’œuvre est mort. […] Un humoriste a son rôle très important et voire auguste à jouer, parmi les maîtres de la pensée active. […] Il n’est pas, de nos jours, un menu géographe qui ne se croie le maître et l’autocrate de la pensée humaine. […] Surtout, il est le maître incomparable du lied.

1143. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « PENSÉES ET FRAGMENTS. » pp. 495-496

Dubois, un de mes maîtres, j’avais écrit au Globe, dès la fondation, en 1824 ; l’émancipation est venue par degrés.

1144. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Séverin, Fernand (1867-1931) »

Cet écrivain s’est révélé maître de sa forme dans son livre de début : Le Lis.

1145. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 58-61

Et, dans un autre endroit, il prétend prouver, par l'exemple des Quakers, que les hommes seroient plus heureux sans Prêtres & sans Maîtres. « La Pensilvanie, ajoute-t-il, dément l'imposture & la flatterie, qui disent impudemment, dans les Cours & dans les Temples, que l'homme a besoin des Dieux & des Rois.

1146. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Boucher » pp. 196-197

Ce maître a toujours le même feu, la même facilité, la même fécondité, la même magie et les mêmes défauts qui gâtent un talent rare.

1147. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

Le poète évoque tous les souvenirs de la grandeur romaine pour encourager le tribun, maître absolu de Rome, aux plus hardies entreprises. […] Toute vertu meurt, et le pouvoir appartient à un autre maître qui promet une vie plus tranquille. […] Ô maître ! […] Ernest n’y est plus, et les nouveaux maîtres de la maison ne répondent aux questions d’Alice que par une pitié dédaigneuse. […] Beauséant décide Claude Melnotte à le venger par un mensonge, qui doit mettre entre les bras du jardinier poète la fille de son ancien maître.

1148. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « MÉLEAGRE. » pp. 407-444

La philosophie fait exception, et elle a sa jeune milice déjà brillante : le feu sacré n’a cessé d’être entretenu, d’être attisé de ce côté par la main et par le souffle d’un maître qui ne s’endort pas ; mais je parle de la littérature proprement dite, de la poésie des Anciens, de ces œuvres sans cesse invoquées de tous et trop peu ressaisies à leur source même. […] il préfère, par toutes sortes de raisons de cabinet, Virgile à Homère ; on s’est cru très-loin de Scaliger, et on a fait longtemps comme lui ; on a toujours été, chez nous, très-tenté de préférer des maîtres élaborés et polis117, accomplis en leur genre, des maîtres de seconde venue, et qui prêtaient davantage aux poétiques. […] » Qu’on énumère maintenant ce qui nous reste de ces neuf maîtres, sans parler de tant d’autres qui les suivaient de près, et qu’on calcule, si l’on ose, la part du naufrage.

1149. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIIe entretien. Poésie lyrique. David (2e partie) » pp. 157-220

David, qui voit toutes ces pensées sur le visage du roi, prend sa harpe, et, s’associant en esprit aux angoisses d’esprit de son maître, il chante, en interrogeant Jéhovah et en se répondant comme par la bouche de Jéhovah à lui-même. […] C’est un gémissement et une invocation au nom du roi abattu par la souffrance, que David chante pour son maître sur sa harpe auprès de son lit ; c’est l’élégie du malade. […] « De même que les yeux de l’esclave sont fixés sur les mains de son maître, de même que les yeux de la servante sont attachés aux mains de sa maîtresse, de même, ô Jéhovah ! […] Ce petit berger est devenu le maître des chœurs sacrés de tout l’univers.

1150. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (1re partie). Littérature scientifique » pp. 221-288

Les premiers maîtres de toutes les sciences les achevèrent à l’université de Berlin. […] Telle était, après ce premier ouvrage, la réticence suspecte de M. de Humboldt, disciple de ces maîtres dans l’art de se taire, ou d’étudier les effets sans remonter jamais aux causes. […] Alors sa conversation devenait ouverte et pétillante d’esprit ; néanmoins ses jugements étaient pleins de réserve et il était toujours maître de sa parole. […] Seiffert introduisait les visiteurs dans une vaste salle encombrée avec ordre des reliques de la nature pendant le voyage de son maître.

1151. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 321-384

Quant aux chèvres, aux moutons et à l’âne, ils se gardaient eux-mêmes dans la bruyère, et quand ils tardaient à se rapprocher, le soir le chien que j’envoyais dans la montagne me comprenait ; il les ramenait tout seul à la cabane ; ce bon chien était le père de celui que vous voyez couché aux pieds de son maître ; il l’a si bien instruit, qu’il nous sert comme son père ; c’est un serviteur sans gages, pour l’amour de Dieu. […] Dieu est le maître d’ouvrir ou de rétrécir sa main à ses créatures ! […] Ils disaient que ces noisettes des bois voisins et sans maître appartenaient bien aux écureuils, mais pas à nous ; ils ne voulaient pas non plus que nous ramassassions la mousse des steppes des voisins pour en faire des litières à nos bêtes, parce que, disaient-ils, la mousse tient chaud à la terre, et que cette terre n’était plus à nous. […] Le propriétaire l’a vendu hier au maître de ces bûcherons, pour l’abattre et pour l’exploiter à son profit.

1152. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre I. Polémistes et orateurs, 1815-1851 »

Magistrat, d’une vieille famille de magistrats de Savoie, jeté hors de chez lui par la Révolution française qui annexa son pays, Joseph de Maistre671, s’en alla à l’autre bout de l’Europe représenter son maître le roi de Sardaigne : il passa quatorze ans de sa vie (1802-1816) dans cet exil de Saint-Pétersbourg, vivant pauvrement, stoïquement, jugeant de haut les événements et les hommes, et composant dans son loisir ses principaux ouvrages. […] Il avait une rare puissance de raisonnement, une clarté et une précision de termes qui rappelaient les maîtres du xviie  siècle, une plénitude de développement qui saisissait les esprits ; et parfois son austère parole était illuminée de sobres images. […] Mais le maître était irrémédiablement légitimiste : la légitimité est une pièce essentielle de la doctrine. […] Guizot, toujours froid, maître de lui-même, le même dans sa chaire et dans ses livres, se représentera bientôt à nous quand nous étudierons le mouvement historique.

1153. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE IX »

Son règne dura quelques années, si l’on peut appeler un règne cet esclavage de bazar qui change de maître à chaque instant, cette captivité dans le plaisir où le dégoût veille au seuil de l’orgie, comme le nègre hideux à la porte du harem. […] Tel est ce drame ardent, vivace, passionné, qui inaugure un nom, qui popularise un théâtre, qui promet un maître à l’art dramatique. […] Elle l’a englué dans la toile d’araignée de l’habitude ; elle l’a confiné dans les malpropretés et les médiocrités du petit ménage, elle l’a isolé de ses maîtres, de ses amis, du monde vivant, de l’air extérieur. […] et c’est de grand cœur, pour notre part, que nous applaudissons ce victorieux, qui s’empare en maître, par deux invasions éclatantes, de ce terrain glissant du théâtre, Où l’on voit trébucher ceux qui, dans la carrière, Debout depuis vingt ans sur leur pensée altière, Des pieds de leurs coursiers ne doutèrent jamais.

1154. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Additions et appendice. — Treize lettres inédites de Bernardin de Saint-Pierre. (Article Bernardin de Saint-Pierre, p. 420.) » pp. 515-539

J’ai été friponné sur la route par des maîtres de poste, qui m’ont fait payer très chèrement la permission de coucher chez eux. […] Je vous prie de la communiquer à M. le grand maître de l’artillerie69, auquel j’écris par la même occasion. […] Un coup de mer qu’on ne put éviter brisa sur notre avant, rompit quelques barreaux du pont, enleva la petite chaloupe et emporta le maître de l’équipage avec trois matelots ; un seul fut rejeté dans les haubans et sauvé après avoir eu l’épaule et la main fracassées. […] [NdA] Il plaisante moins qu’il ne veut en avoir l’air, et, en parlant d’une île où il serait roi et maître, il revient à son vœu de Salente et à son rêve de Robinson Crusoé.

1155. (1772) Éloge de Racine pp. -

On l’opposa d’abord à Corneille ; et c’était beaucoup, si l’on songe à cette admiration si juste et si profonde qu’avait dû inspirer l’auteur du cid, des Horaces et de Cinna , demeuré jusqu’alors sans rival, maître de la carrière, et entouré de ses trophées. […] Il n’y a pas un trait, pas un coup de pinceau, qui ne soit d’un maître. […] On l’accuse de faiblesse, pour s’être montré sensible aux critiques injustes et au mécontentement de son maître. […] C’est qu’on ne veut point revenir sur ses pas ; qu’on tient à ses erreurs par amour-propre ; qu’après avoir décidé qu’un auteur a seul atteint les bornes de son art, il en coûte d’avouer qu’un autre les a reculées bien plus loin ; que c’est bien assez d’avoir un grand homme à admirer, et qu’il paraît un peu pénible d’en admirer encore un autre sur lequel on n’a pas compté ; qu’en général dans tous les arts on adopte d’abord un maître, à qui l’on veut bien prodiguer toutes les louanges, pourvu qu’on soit dispensé d’en accorder aucune à tous les autres : c’est qu’il est beaucoup de juges de certains traits de force et de grandeur, et qu’il en est peu de la perfection ; que les beautés étincellent davantage dans une multitude de défauts, sont plus vivement senties et plus aisément pardonnées ; au lieu que la perfection continue, procurant un plaisir égal, paraît naturelle et simple, charme sans étonner, et a pour ennemis secrets ceux qui, pouvant l’apprécier mieux que les autres, ont plus d’intérêt à la rabaisser.

1156. (1913) La Fontaine « VIII. Ses fables — conclusions. »

Mais nous arrivons à des fables qui sont de petits poèmes épiques de la nature, à savoir : l’Alouette et ses Petits avec le Maître d’un champ et l’Hirondelle et les petits Oiseaux. […] L’alouette à l’essor, le maître s’en vient faire Sa ronde ainsi qu’à l’ordinaire. […] Pour la troisième fois, le maître se souvint De visiter ses blés. « Notre erreur est extrême, Dit-il, de nous attendre à d’autres gens que nous. […] Il a compris, lui, le maître de la versification correcte et de la versification, ce semble, un peu rigide, il a compris que l’irrégularité des vers telle que l’a pratiquée La Fontaine, était d’une très grande beauté.

/ 2576