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1017. (1879) L’esthétique naturaliste. Article de la Revue des deux mondes pp. 415-432

Si les romans naturalistes étaient l’exacte peinture de la société française, en vérité il serait bien inutile d’essayer de sauver cette société ; on n’y trouverait pas les cinq justes qui eussent suffi au salut de Sodome. […] J’arrive au second caractère de l’esthétique naturaliste, à sa préférence marquée pour les personnages populaires ; il serait plus juste de dire pour les ouvriers et ouvrières de nos ateliers parisiens : car en fait de peuple on ne nous a guère montré jusqu’ici que cela. […] Je conviens encore qu’on ne leur a pas toujours fait leur juste place.

1018. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre IV. Conclusions » pp. 183-231

Supposons que ma méthode soit juste, dans ses grandes lignes ; jusqu’ici je n’ai fait que l’appliquer sommairement, par un groupement nouveau de faits bien connus ; et je n’en ai donné qu’une seule explication, en insistant sur les rapports intimes qu’il y a contre l’évolution littéraire d’une part, l’évolution d’un principe et celle d’un groupe d’hommes (nation) d’autre part. […] S’il est vrai que l’humanité ne vit pas au hasard, si les principes ne sont pas une phrase, mais qu’ils ont en eux une logique, si les grands hommes que nous vénérons méritent cette vénération, si l’homme conscient est supérieur à la bête, cette méthode est juste. […] Chacune des solutions a ses défenseurs ; aucune ne me semble juste, à elle seule, mais l’une n’exclut pas l’autre.

1019. (1857) Causeries du samedi. Deuxième série des Causeries littéraires pp. 1-402

Seulement M. de Balzac avait tout juste les qualités nécessaires pour exceller à ne pas les peindre. […] Cette réclamation est trop juste, trop polie, trop élégamment exprimée, pour que nous refusions d’y souscrire. […] Comment pourrait-il donner à des intelligences neuves et simples une idée juste, nette, précise, des ouvrages de l’esprit ? […] Ai-je été bien juste à mon tour ? […] Ma juste indignation me détermina à faire remettre entre les mains d’un magistrat cette feuille punissable, qui ne peut avoir été composée que par un scélérat insensé, imbécile.

1020. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Joseph de Maistre »

A force d’avoir prédit juste, il se trouve naturellement en veine, et souvent alors il en dit trop. […] On perdrait soi-même la juste mesure si on le voulait juger sur le pied d’un philosophe impartial. […] L’impulsion est donnée ; comme Jeanne d’Arc continua de combattre, il continue de prédire après que le Dieu, c’est-à-dire le rayon juste du moment, s’est retiré de lui. […] — pourquoi le juste souffre ?   […] Les Français seront flagellés, tourmentés, massacrés, rien n’est plus juste, mais point du tout humiliés.

1021. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

En quoi le bon sens, qui n’est que l’habitude de voir juste et de se conduire en conséquence, est-il si caractéristique dans Bossuet, que ce soit surtout par ce mérite simple qu’il nous étonne ? […] Je les compare alors à quelqu’un qui a dans sa possession des choses qu’il sait valoir beaucoup, sans pourtant savoir tout ce qu’elles valent au juste, et qui ne veut s’en défaire, ni surtout se les laisser prendre. […] Dix ans plus tard, dans une lettre au père le Tellier, confesseur de Louis XIV, qui pensait à le remettre en grâce auprès du roi, Fénelon prouva combien Leibniz avait vu juste. […] Tout en reconnaissant que les armes n’ont pas toujours été bonnes, il faut dire que la victoire a été juste. Juste théologiquement, elle a été juste et nécessaire si l’on regarde les principes des deux contradicteurs, les conséquences générales de ces principes pour la conduite de l’esprit, enfin le côté par lequel une lutte entre deux des plus grands écrivains de notre pays peut intéresser notre littérature et notre langue.

1022. (1865) La crise philosophique. MM. Taine, Renan, Littré, Vacherot

Elle n’est plus la maîtresse de l’opinion : de toutes parts des objections, des critiques, des imputations justes ou injustes, mais très-accréditées, s’élèvent contre elle ; elle subit enfin une crise redoutable. […] Caro sont courtoises, fines, souples, élégantes ; et, quoiqu’elles courent çà et là un peu trop rapidement, elles savent cependant aux bons endroits toucher juste et pénétrer. […] Taine et celle de Hegel, c’est que, à mon avis, l’hégélianisme, quelque juste objection qu’il puisse provoquer, appartient encore à la grande famille des systèmes métaphysiques. […] Pour être juste, il faut reconnaître que de temps à autre ils semblent laisser errer quelque autre chose au-delà, au-dessus, au-dessous ou au dedans de cette série flottante : c’est ce que M.  […] Ici ce n’est plus leur science qui proteste, c’est leur ignorance ; ce n’est plus une juste réclamation, c’est un orgueilleux empiétement ; ce n’est plus liberté et progrès, c’est tyrannie et préjugé.

1023. (1714) Discours sur Homère pp. 1-137

La nature l’avoit doué de l’esprit universel, et le travail l’avoit mis en possession de toutes les connoissances ; son discernement répondoit à l’étenduë de ses lumieres ; juste apprétiateur des choses, il a toujours donné le bon pour bon, et le mauvais pour mauvais : aussi varié que fécond, il n’a jamais rassasié ses lecteurs, et il sçait répandre un air de nouveauté jusques sur ses répétitions. […] Le point est de sentir au juste, jusqu’où l’on peut compter sur la crédulité de ses lecteurs, et de mesurer exactement ses hardiesses à leurs lumieres. […] J’avoue franchement que je l’ai fait ; j’ai examiné tout le reste dans cet esprit ; et si le plaisir de deviner juste ne m’a pas fait illusion, j’ai trouvé presque par tout que mon soupçon n’étoit que trop bien fondé. […] Dans celles que le poëte dit de lui-même, la vérité doit être exacte et absolue, parce qu’il est obligé de penser juste. […] Il n’avoit peut-être pas la force de s’élever à des idées plus justes ; mais aussi n’étoit-il pas nécessaire pour son dessein.

1024. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

Il y a donc dans l’art théâtral une juste balance à tenir, un état d’équilibre à observer. […] Mais il est évident que, pour réaliser cet accord, s’il convient de ne rien ajouter à la juste mise en scène, il ne faut pas non plus en rien retrancher. […] Et ce vengeur, en effet, c’est un autre pédant, Vadius, qui, tout pédant qu’il est lui-même, fera entendre à Trissotin de dures, mais justes vérités. […] Néanmoins, il ne serait pas juste de dire simplement que dans ces deux cas la difficulté est multipliée par la distance ou par le temps. […] Si je vois juste, la voici, dégagée des théories secondaires qui l’encombrent et présentée sans dénigrement avec toute l’impartialité dont je suis capable.

1025. (1892) Sur Goethe : études critiques de littérature allemande

Elle renferme des observations intéressantes et elle dénote chez l’auteur beaucoup de science et un esprit juste. […] Goethe trouva le reproche juste. […] Je ne veux point discuter l’idée qu’il conçoit du bien et du mal, ni lui demander comment il explique la notion du juste et de l’injuste. […] Et que deviendra le juste « dans ce sentier solitaire et rude, où il grimpe plutôt qu’il ne marche », si de là, d’où il attend son secours, lui arrivent les tentations suprêmes ? […] Mais ses revenus sont juste suffisants pour le faire vivre à la campagne.

1026. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XII » pp. 47-52

Son idée est juste.

1027. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXI » pp. 237-241

Tout cela se passait il y a juste un an (fin de juillet 1843).

1028. (1874) Premiers lundis. Tome II « La Comtesse Merlin. Souvenirs d’un créole. »

L’épisode de la mère Inès et la peinture du couvent sont semés de traits discrets et justes, sur cet effet mystérieux des religieuses aux formes vagues se perdant dans les corridors, sur cette marche furtive de la jeune fille serrant le mur auquel, de temps en temps, elle s’appuie pour se rendre plus légère ; un art délicat a touché ces points.

1029. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre III. Du meilleur plan. — Du plan idéal et du plan nécessaire. »

C’est en marquant leur place sur ce premier plan qu’un sujet sera circonscrit et que l’on en connaîtra l’étendue ; c’est en se rappelant sans cesse ces premiers linéaments qu’on déterminera les justes intervalles qui séparent les idées principales, et qu’il naîtra des idées accessoires et moyennes qui serviront à les remplir… « C’est faute de plan, c’est pour n’avoir pas assez réfléchi sur son objet qu’un homme d’esprit se trouve embarrassé et ne sait par où commencer à écrire.

1030. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre VI. Exordes. — Péroraisons. — Transitions. »

Quand on domine une matière et qu’on lui donne sa forme, on se trouve appliquer ces préceptes dans ce qu’ils ont de juste et d’utile : il n’y a pas lieu de pousser plus loin le scrupule et de se piquer là-dessus d’une exactitude entière et littérale.

1031. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XIII. Beau trio » pp. 164-169

Il y a dans les ultimes chapitres — et je suis heureux, après des compliments que de mauvais esprits craindront énigmatiques, de finir sur une louange sincère : — il traîne en queue de roman une intrigue de juge d’instruction où Mme Fénigan croit son mari assassin, tandis que son mari la suppose coupable, et que c’est au juste un vieux braconnier qui a fait le coup, il y a là un de ces quiproquos à triple détente, d’un comique irrésistible, et dont M. 

1032. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » pp. 489-496

Helvétius n’adopta-t-il jamais les intrigues & les procédés de la cabale qui avoit su se l’attacher d’abord par adresse, & le conserver ensuite, par la juste crainte qu’il avoit d’en devenir la victime.

1033. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Louise Labbé, et Clémence de Bourges. » pp. 157-164

Mais comment la belle cordière, surnommée la dixième muse, à plus juste titre que tant d’autres femmes auxquelles on a prodigué ce nom, répondit-elle à la satyre ?

1034. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Lettre a monseigneur le duc de**. » pp. -

J’ai rendu justice à ceux-ci en les louant presque tous, & si quelque Lecteur pense que je leur aurois rendu plus de justice en les critiquant, qu’il se mette à la place de ces Ecrivains, & qu’il voie si son amour propre auroit supporté facilement les critiques même les plus justes.

1035. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre V. Histoire littéraire. » pp. 212-219

Les éloges qu’on prononce dans les différentes Académies, à la mort de chaque Académicien, sont de bons matériaux pour l’histoire littéraire, pourvu qu’on réduise certaines louanges à leur juste valeur.

1036. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Louis-Michel Vanloo » pp. 191-195

Parce qu’Homere est plus impétueux que Virgile, Virgile plus sage et plus nombreux que le Tasse, le Tasse plus intéressant et plus varié que Voltaire, refuserai-je mon juste hommage à celui-ci ?

1037. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 17, s’il est à propos de mettre de l’amour dans les tragedies » pp. 124-131

Or l’esprit connoît mal les passions que le coeur n’a pas senties ; tout ce que les autres nous en racontent ne sçauroit nous donner une idée juste et précise des agitations d’un interieur qu’elles tirannisent.

1038. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XVII »

Emotion contenue n’est pas plus ridicule qu’émotion dissimulée ; quant à front fuyant, c’est une expression scientifique et très juste qu’il suffit d’employer à propos.

1039. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame de La Fayette ; Frédéric Soulié »

Faibles de donnée et d’exécution, entre Scarron et mademoiselle de Scudéry, sans les qualités et le relief de l’un et de l’autre, les Mémoires de Hollande pouvaient rester dans l’ombre où le Temps, juste, cette fois, les avait mis.

1040. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre I. De la sagesse philosophique que l’on a attribuée à Homère » pp. 252-257

De la sagesse philosophique que l’on a attribuée à Homère Nous accorderons, d’abord, comme il est juste, qu’Homère a dû suivre les sentiments vulgaires, et par conséquent les mœurs vulgaires de ses contemporains encore barbares ; de tels sentiments, de telles mœurs fournissent à la poésie les sujets qui lui sont propres.

1041. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

Même, si je ne craignais de trop défigurer une idée juste sous une expression paradoxale, j’appellerais M.  […] C’est à ce signe infaillible qu’on peut discerner les esprits justes et les esprits faux en temps de révolution. […] Edmond Texier a quelque chose de froid et d’acéré comme la lame ; il ne redouble pas, mais il frappe si juste, que la pointe pénètre jusqu’au vif. […] Il n’y a qu’un mot juste dans cet injuste chapitre. […] Soyons justes pourtant, et n’oublions pas que le Tableau de Paris de Mercier est de 1788, et celui d’Edmond Texier de 1855.

1042. (1848) Études critiques (1844-1848) pp. 8-146

Mais, pour en revenir à Frédéric et Bernerette, et après avoir payé à son auteur le juste tribut de nos louanges, nous aurions bien quelques reproches à lui faire ; ainsi la composition est assez défectueuse, elle s’éparpille un peu trop. […] Que peut-on répondre à ses justes reproches ? […] Janin a vu souvent de pareilles insultes se faire autour de son nom : il me semble qu’une critique froide de son talent doit lui paraître une nouveauté que de justes reproches même ne pourront lui rendre positivement désagréable. […] je parierais volontiers qu’il ne se soucie pas plus que vous des arrêts qu’il porte, mais encore une fois il attache une juste, une grande importance à être monté sur un sujet (autant celui-ci que celui-là) pour avoir le droit d’ouvrir la bouche et de vous dire ce qu’il vous dit. […] Il n’est pas d’homme raisonnable et juste qui puisse lui faire un reproche bien amer de ne pas réaliser l’idéal de toutes les perfections.

1043. (1896) Impressions de théâtre. Neuvième série

— Alors, coupable, tu seras châtié par la main d’un juste. » Et le prince facétieux se met à battre le pauvre diable. […] » Alors Ludovic : « C’est juste ; il faut que je m’explique. […] Et le poète voyait juste. […] Marcel Prévost n’a pas oublié, lui, que Maud est une « demi-vierge » et ce que cela signifie au juste, bien qu’il n’ait pas osé nous l’expliquer. […] Et tout cela est juste, mais peut-être insuffisant.

1044. (1825) Racine et Shaskpeare, n° II pp. -103

Sa comédie est éconduite, comme de juste, et même l’on se moque de lui. […] Je ne demande pas, monsieur, que l’on dise que mon idée est juste, mais je désire qu’on veuille bien avouer que bonne ou mauvaise on la comprend. […] Si, suivant les conseils du plus simple bon sens, vous écrivez aujourd’hui sans vous embarrasser de la censure actuelle, peut-être qu’en 1834, par un juste respect pour vous-même, et afin de repousser le désagrément de toute ressemblance avec les hommes de lettres de la trésorerie d’alors, vous serez obligé d’affaiblir les traits dont vous aurez peint les noirs ridicules des puissants d’aujourd’hui24. […] non seulement elle siffle ce qui lui semble mauvais, rien de plus juste ; mais elle empêche les spectateurs, qui s’amusent de ce qui lui semble mauvais, de jouir de leur plaisir. […] Êtes-vous doué d’un esprit juste ?

1045. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre II. La perception extérieure et l’éducation des sens » pp. 123-196

En effet, le moindre mouvement de la tête remplace toutes nos sensations visuelles par d’autres ; il doit être tel ou tel, ni trop grand ni trop petit ; pour atteindre à telle sensation visuelle préconçue, nous devons viser juste. De même qu’un enfant ne démêle et ne retient qu’après beaucoup de tâtonnements l’espèce précise et le degré juste d’effort par lequel son bras jettera une pierre à dix pas et non à neuf ou à onze, de même la dame opérée ne put distinguer et fixer dans sa mémoire qu’après beaucoup d’essais incessamment corrigés la sorte particulière, le degré d’intensité, la durée précise de la sensation musculaire que son cou devait éprouver pour que l’inclinaison à droite ou à gauche, l’élévation ou l’abaissement de sa tête et, partant, de son œil, fussent de trois degrés et non pas de deux, quatre ou cinq. […] Sauf les cas rares dans lesquels les troncs et les centres nerveux entrent spontanément en excitation, cette application est toujours juste. […] Ainsi, cette fois encore, notre jugement, toujours faux en soi, est presque toujours juste par contrecoup et concordance. […] À la fin, le volet disparut, et il vit et reconnut tous les objets dans leurs justes proportions. » (Franz, On the Eye, p. 34, 36.) — Le docteur Franz ajoute : « Puisque les idées sont produites par la réflexion appliquée aux sensations, pour qu’un individu se fasse par la vue une idée exacte des objets, il est nécessaire, dans tous les cas, que les facultés de son esprit soient complètes et aient leur jeu libre.

1046. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

Elle seroit encore privée de tous ces avantages, sans l’étude que des hommes, nés pour saisir le beau & le vrai, ont faite de l’Antiquité ; &, si les Grecs & les Romains existoient aujourd’hui dans toute leur splendeur, ne seroit-ce pas à bien plus juste titre, qu’ils se diroient encore les Maîtres du Monde ? […] Il étoit juste que la langue Latine eût la préférence, puisqu’elle étoit la langue de la nation. […]   Quand on réfléchit sur la nature de l’esprit humain, qu’il est aisé d’humilier son orgueil, & de le réduire à ses justes dimensions ! […] Le cours des études fini, on entroit dans le monde, non avec ces graces qui doivent tout à l’art, cette confiance hautaine, dont la présomption est la mère, ce ton libre & décidé qu’on applaudit, & qu’il seroit plus sage de réprimer ou de contenir ; mais avec ces graces ingénues, cette candeur aimable, cet embarras modeste, qui annoncent l’innocence des mœurs, cette juste méfiance de soi-même, compagne des vrais talens que l’expérience achève de perfectionner, & qui conduisent aux places destinées à la naissance, briguées par la fortune, accordées à la faveur, & que le mérite attend. […] Si elle est juste, honnête & modérée, en quoi nous offense-t-elle ?

1047. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre premier. Aperçu descriptif. — Histoire de la question »

Ce que Platon entend dire par cette définition, c’est que la pensée lui paraît analogue à la parole, non seulement parce qu’elle est une succession, — vue juste, mais superficielle, et même légèrement inexacte, du moment que la pensée est comparée à la seule parole extérieure, qui est toujours localisée5, — mais aussi en vertu de certains rapports intrinsèques qui expliquent à ses yeux l’association des mots et des idées ; cette dernière théorie, qui est exposée dans le Cratyle 6 ne saurait être acceptée aujourd’hui que dans une mesure très restreinte [ch. […] Mais l’effort mental n’est pas le même chez tous les hommes ; l’empire que nous exerçons sur la parole intérieure est « proportionné à l’habitude », — c’est-à-dire aux habitudes que nous lui avons données, — et par conséquent à l’effort mental que nous avons déployé pour créer ces habitudes103. — Rien n’est plus juste. […] II, § 6], la description de Bain, et ramené l’élément tactile de la parole intérieure à ses justes proportions. […] Bossuet, Mystici in tuto, 12. — Cf., du même auteur, la Tradition des nouveaux mystiques, X, 5 : « Dieu, qui sait tout et connaît le fond du juste, en écoute les inclinations avant qu’elles se soient formées en termes exprès, intérieurs ou extérieurs. » 16. […] Il nous semble qu’on l’a généralement réfuté avant de l’avoir compris ; c’est qu’il était plus facile de prouver contre lui la possibilité de l’invention humaine du langage que de saisir la suite de ses idées avec leur vraie portée, leurs contradictions cachées, et ce qu’elles contenaient d’aperçus justes ou suggestifs.

1048. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

. — Soyez juste, répliqua l’homme, et dites-moi s’il est permis de récompenser le bien par le mal. — Je ne ferai en cela, repartit la couleuvre, que ce que vous faites tous les jours vous-même, c’est-à-dire reconnaître une bonne action par une mauvaise, et payer d’ingratitude un bienfait reçu. — Vous ne sauriez, dit l’homme, me prouver cette proposition, et si vous rencontrez quelqu’un qui soit de votre opinion, je consentirai à tout ce que vous voudrez. »184 Donnons-nous le plaisir de décomposer tout à loisir la fable de La Fontaine ; elle est peut-être la plus longue de l’ouvrage, et cette multitude de détails ne fera que rendre plus sensible l’unité du tout. […] Dès lors, suivant le mot antique, « le juste est devenu injuste », et la fable s’arrête. […] Il ne se traîne pas dans la prose plate comme Cassandre, il atteint à chaque pas les audaces de la poésie, et vous entendez la parole solennelle et véhémente de la juste indignation contenue. […] Craignez, Romains, craignez que le ciel quelque jour Ne transporte chez vous les pleurs et la misère ; Et mettant en nos mains par un juste retour Les armes dont se sert sa vengeance sévère,     Il ne vous fasse en sa colère     Nos esclaves à votre tour.

1049. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (1re partie) » pp. 81-159

C’était une guerre civile intentée à la mère patrie, pour une cause purement vénale ; cela n’était ni juste ni noble ; cela ne pouvait produire que beaucoup de mal aux Anglais et beaucoup d’ingratitude pour la France. […] Quand l’homme est juste, Dieu est grand ! […] La pensée de la position à prendre par nous au Mexique est une pensée grandiose, une pensée incomprise (je dirai tout à l’heure pourquoi), une pensée juste comme la nécessité, vaste comme l’Océan, neuve comme l’à-propos, une pensée d’homme d’État, féconde comme l’avenir, une pensée de salut pour l’Amérique et pour le monde. […] XII La pensée d’une position hardie et efficace à prendre au Mexique contre l’usurpation des États-Unis d’Amérique est une pensée neuve, mais juste.

1050. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIIe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset » pp. 409-488

On ne sait pas bien au juste dans quelle proportion exacte le comte de Grammont, son beau-frère l’anglais Hamilton, et Saint-Évremond, l’ami des deux et vivant à Londres avec eux, concourent à cet inimitable livre. […] Le comte de Grammont fut l’original de ces esprits fins, légers, futiles, inconsistants, mais cependant justes, sensés, exquis, dont notre littérature de passe-temps a eu depuis cette époque tant de copies. […] XVII Soyons justes dans nos indulgences cependant : il n’est pas exact de dire que tout fut neuf dans l’âme de l’artiste, dans la musique et dans l’instrument. […] C’était la beauté métaphysique n’empruntant à la matière que juste assez de forme pour être perceptible aux yeux d’ici-bas.

1051. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

Ce n’est pas un historien, dont le premier devoir est d’être juste, et le second, d’avoir dans le ton de ses arrêts la majesté de la justice. […] Être juste, être grave, être digne, sont réellement des qualités d’homme, et qui ne les a point manque évidemment de virilité. […] quelque plume dégradante, qui l’appellera un juste milieu ! […] Jésus-Christ), entre l’injuste Dieu qui sauve les élus, ceux qu’il aime et qu’il préfère, les favoris de la grâce, et le dieu de justice, le dieu de la révolution, duquel dérive une société juste, démocratique, égale (c’est le paradis de la Sociale avec l’abolition de l’enfer) !

1052. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — II. (Fin.) » pp. 364-380

Ils ne disaient rien que de juste et que de convenable, rien qui ne fût d’un commerce doux, facile et gai… Je sentis même une chose qui m’était fort commode, c’est que leur bon esprit suppléait aux tournures obscures et maladroites du mien ; ce que je ne disais qu’imparfaitement, ils achevaient de le penser et de l’exprimer pour moi sans qu’ils y prissent garde, et puis ils m’en donnaient tout l’honneur. […] Quand on a aujourd’hui à parler de lui après cent ans, on rencontre encore des esprits justes et amis qui le possèdent en entier, et qui vous disent en le soignant, comme on ferait d’un contemporain : « Prenez garde de n’en pas trop mal parler ! 

1053. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — I. » pp. 19-35

La meilleure manière, selon moi, de lire les Lettres spirituelles de Fénelon lorsqu’on veut en faire un lent et juste usage, c’est de les lire dans leur suite et leur diversité, telles qu’on les a recueillies et disposées dans la grande édition en onze volumes de la Correspondance (1827). […] Depuis que la nature physique est plus connue et que la science en observe et en expose successivement les lois, il serait à craindre que la pensée de Dieu, même auprès de ceux qui ne cessent de l’admettre et de s’incliner devant elle, ne reculât en quelque sorte aux confins de l’univers et ne s’éloignât trop de l’homme, jusqu’à ne plus être à son usage et à sa portée ; il serait à craindre que ce Dieu, tel qu’on a reproché à Bolingbroke de le vouloir établir, Dieu plus puissant que bon, plus souverainement imposant que présent et que juste, Dieu qu’on admet en un mot, mais qu’on n’adore point et qu’on ne prie point, il serait à craindre que ce Dieu-là ne prît place, et seulement pour la forme, dans les esprits, si la pensée chrétienne ne veillait tout à côté, si le Dieu du Pater ne cessait d’être présent matin et soir à chaque cœur, et si la prière ne maintenait cette communication invisible et continuelle de notre esprit borné avec l’Esprit qui régit tout.

1054. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — III » pp. 476-491

Elle parle assez favorablement de Rivarol ; ce n’est pas qu’elle ne sache ce qu’on y peut reprendre : « Mais, vu la misère des temps, je le trouve bon ; il y a une sorte d’originalité dans le style et des aperçus qui ne sont que trop justes, mais il faut s’en distraire. » Il s’agissait de quelque écrit de Rivarol, qui touchait aux affaires du temps. […] Ces divers jugements de Mme de Créqui, le plus souvent justes en dernier résultat, mais si secs, et qui coupent leur homme en quatre, ont un inconvénient, et, par leur rigueur même, atteignent à une sorte d’injustice ; ils ne laissent après eux aucune ressource à celui qui en est l’objet.

1055. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

Le charmant portrait que Voltaire a tracé du héros de Denain dans Le Siècle de Louis XIV est bien plus celui qui nous semble juste, sauf l’indispensable teinte de flatterie, laquelle encore est si transparente qu'elle laisse bien apercevoir les défauts. […] Peu après, le maréchal de Luxembourg ayant emporté l’abbaye de Piennes et gagné le champ de bataille, mais voyant la droite des ennemis se retirer sans perte, ne put s’empêcher de dire à Villars : « Je voudrais que le cheval de Chamlay eût eu les jambes cassées quand il vous apportait ce maudit ordre. » Villars ne raconte sans doute dans ses Mémoires que ce qui peut lui faire honneur, et il ne serait pas plus juste de le suivre en tout aveuglément que de s’en remettre à Saint-Simon contre lui ; mais dans tout ceci il n’est rien qui ne réponde à la suite de sa carrière et que ne confirment ses futurs succès.

1056. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Guillaume Favre de Genève ou l’étude pour l’étude » pp. 231-248

On ne s’intéresse pas à ce Marius qui n’est nullement un personnage intéressant, et que son biographe est trop exact pour nous montrer tel ; et l’auteur n’a pas su introduire quelque idée supérieure à la fois et juste, qui rattache cette vie à toute son époque, et qui fasse qu’on se rattrape par ce côté. […] Soyons plus justes envers Schlegel qu’il ne l’a été envers nous, et ne cessons point pour cela de l’honorer, à côté de Lessing et de Goethe, comme un des plus fermes et des plus doctes esprits critiques de la grande époque.

1057. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — II » pp. 268-284

Au second chapitre de la Genèse, il est dit d’Adam « que le Seigneur Dieu ayant formé de la terre tous les animaux terrestres et tous les oiseaux du ciel, il les amena devant Adam, afin de voir comment il les appellerait : et le nom qu’Adam donna à chacun des animaux est son nom véritable. » Mais cette langue primitive d’Adam est perdue ; et puis il s’agit ici de nommer les pareils d’Adam, ou, pour ne pas sortir de notre ton et de notre sujet, il s’agit de trouver une juste nomenclature à des esprits et des talents humains, matière essentiellement ondoyante et flottante, diversité et complication infinie. […] Rarement ce qui crie d’abord se trouve être juste ensuite.

1058. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps. Par M. Guizot »

Guizot, prenant la mesure de cet homme d’État, une mesure très juste, et le qualifiant « homme de cour et de diplomatie, non de gouvernement, et moins encore de gouvernement libre que de tout autre », énumère plusieurs des qualités qu’il estime indispensables pour ce haut emploi, le plus haut en effet qui soit dans la société, puisqu’il l’embrasse et la comprend tout entière elle-même : L’autorité du caractère ; La fécondité de l’esprit ; La promptitude de résolution ; La puissance de la parole ; L’intelligence sympathique des idées générales et des passions publiques. […] Celui de madame de Boigne me semble moins bien traité et trop peu étudié : cette personne rare, d’un esprit si ferme et si juste avec tant de tour et de délicatesse, méritait mieux.

1059. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Essais de politique et de littérature. Par M. Prevost-Paradol. »

Les analyses du Journal de l’ambassadeur deviennent fréquemment, sous la plume du jeune écrivain, de piquants tableaux de mœurs, mais sans excéder jamais et sans sortir de la juste mesure de l’histoire. […] Ceux qui ont parcouru ces époques et qui croient les juger sans amour et sans haine ne laissent pas d’être étonnés de cet enthousiasme un peu vague, de cette admiration un peu confuse et indistincte de la part d’un esprit aussi juste : car enfin toutes ces années, déjà anciennes, ne se ressemblaient pas ; ces régimes, à les prendre dans le détail et à les vivre jour par jour, étaient fort différents entre eux, et il y a eu bien des moments.

1060. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

Qu’avez-vous prétendu au juste dans ce portrait de pure et angélique enfant auquel vous vous êtes visiblement affectionné ? […] Il est juste que M. 

1061. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La Grèce en 1863 par M. A. Grenier. »

Les nations, comme les hommes, n’ont que d’illustres moments ; aux jours de gloire et de grandeur morale qui méritent et obtiennent le triomphe, succèdent des journées monotones que le bon sens et une juste politique pratique doivent, sous peine de déchet, occuper tout entières et remplir. […] Un poète le premier, Alfred de Musset, s’avisa qu’on avait trop chanté sur cette corde, et le cruel enfant, dès les premiers couplets de Mardoche, ne manqua pas de nous montrée son héros prenant, comme de juste, le rebours de l’opinion, et aimant mieux la Porte et le sultan Mahmoud Que la chrétienne Smyrne, et ce bon peuple hellène, Dont les flots ont rougi la mer Hellespontienne, Et taché de leur sang tes marbres, ô Paros !

1062. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Jean-Baptiste Rousseau »

De la sorte, chez lui, nul sentiment vrai du passé non plus que du présent ; son esprit était le plus terne des miroirs ; rien ne s’y peignait, il ne réfléchit rien ; sans originalité, sans vue intime ou même finement superficielle, sans vivacité de souvenirs, aussi loin des chœurs d’Esther que des vers datés de Philisbourg, tenant tout juste au siècle de Louis XIV par l’Ode sur Namur, ce fut le moins lyrique de tous les hommes à la moins lyrique de toutes les époques. […] Il est juste pourtant de noter, dans l’ode aux princes chrétiens au sujet de cet armement, un écho retentissant et harmonieux des Croisades : ……………………………….

1063. (1899) Le préjugé de la vie de bohème (article de la Revue des Revues) pp. 459-469

De gras rédacteurs dûment appointés, ayant tout juste produit deux mille chroniques dans leur existence, s’attendrirent ou devinrent lyriques devant la force de la belle jeunesse qui sait rester joyeuse au milieu de la misère, et qui, et que… La Vie de Bohème est, malgré tout, un livre rebutant et désolant, et je ne crois pas qu’il y ait un écrivain vrai, un homme de talent et de cœur qui n’ait la nausée devant ces plaisanteries vieillies alternant avec ces crachats de phtisique et ce dépenaillement. […] Il est juste de dire que les trois quarts des jeunes peintres et écrivains se sont rangés à cette conception, et seuls les vieux romantiques survivants songent à s’en plaindre.

1064. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVI. Les derniers temps de la comédie italienne en France » pp. 311-338

» Les femmes, de leur côté, exercent de justes représailles : « En France, dit Colombine, les hommes ne font que babiller jusqu’au jour de la noce ; aussi, quand ils sont mariés, ils n’ont plus rien à dire à leurs femmes. […] Allons, touchez là, il est trop juste de vous donner le tiers des sommes que vous me faites prêter.

1065. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « La Religieuse de Toulouse, par M. Jules Janin. (2 vol. in-8º.) » pp. 103-120

Il y avait de la reine dans la manière dont Mme de Mondonville établissait cette domination à son usage : La Supérieure, disait-elle, donnera une fois le mois une audience à chacune des filles qui demandera de lui parler, les accueillera avec un visage serein, les écoutera paisiblement et charitablement, gardant un juste tempérament entre la familiarité et la pesanteur d’une trop tendue conversation… Enfin, elle se comportera de telle manière qu’elle ne les renvoie jamais mécontentes, s’il est possible. […] Elles garderont, était-il dit, un juste tempérament, qui ne fasse pas rire les fous et qui ne contriste pas les sages, qui ne les fasse pas remarquer par la légèreté de la mode, ni par le ridicule d’un usage passé… Elles seront bien propres sans curiosité, nettes sans délicatesse, et bien mises sans afféterie.

1066. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Qu’est-ce qu’un classique ? » pp. 38-55

En ce sens, les classiques par excellence, ce seraient les écrivains d’un ordre moyen, justes, sensés, élégants, toujours nets, d’une passion noble encore, et d’une force légèrement voilée. […] Cette seule pensée apprendrait à un esprit juste à ne pas envisager l’ensemble des littératures, même classiques, d’une vue trop simple et trop restreinte, et il saurait que cet ordre si exact et si mesuré, qui a tant prévalu depuis, n’a été introduit qu’artificiellement dans nos admirations du passé.

1067. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame la duchesse d’Angoulême. » pp. 85-102

Cette âme droite, juste et noble, s’était de bonne heure fixée, et, à aucun moment depuis, elle ne vacilla. […] Elle a raconté l’histoire de sa captivité et des événements arrivés au Temple depuis le jour où elle y entra jusqu’au jour où y mourut son frère, et elle l’a fait d’un style simple, correct, précis, sans un mot de trop, sans une phrase, comme il sied à un cœur profond et à un esprit juste parlant en toute sincérité des douleurs vraies, de ces douleurs véritablement ineffables et qui surpassent tout ce qu’on en peut dire.

1068. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — III. (Suite et fin.) » pp. 47-63

Mais ici la méfiance, déjà propre à cette jeune nature, se marqua à l’instant ; sa physionomie se ferma : « Mais je ne connais personne à Paris », répondit-il ; — et après une pause d’un instant : « Je n’y connais plus que la colonne de la place Vendôme. » Puis s’apercevant qu’il avait interprété trop profondément une parole toute simple, et pour corriger l’effet de cette brusque réponse, il envoya le surlendemain à M. de La Rue, qui montait en voiture, un petit billet où étaient tracés ces seuls mots : « Quand vous reverrez la Colonne, présentez-lui mes respects. » Au maréchal Marmont, comme à toutes les personnes avec qui il parlait de la France, le jeune prince exprimait l’idée qu’il ne devait, dans aucun cas, jouer un rôle d’aventure ni servir de sujet et de prétexte à des expériences politiques ; il rendait cette juste pensée avec une dignité et une hauteur déjà souveraines : « Le fils de Napoléon, disait-il, doit avoir trop de grandeur pour servir d’instrument, et, dans des événements de cette nature, je ne veux pas être une avant-garde, mais une réserve, c’est-à-dire arriver comme secours, en rappelant de grands souvenirs. » Dans une conversation avec le maréchal, et dont les sujets avaient été variés, il en vint à traiter une question abstraite ou plutôt de morale, et comparant l’homme d’honneur à l’homme de conscience, il donnait décidément la préférence à ce dernier, « parce que, disait-il, c’est toujours le mieux et le plus utile qu’il désire atteindre, tandis que l’autre peut être l’instrument aveugle d’un méchant ou d’un insensé ». […] Pour avoir mission et vertu de relever dans la juste mesure le nom de Marmont, il faut être un Bonaparte même : c’est à la lance d’Achille à guérir la blessure.

1069. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Les regrets. » pp. 397-413

Mais plutôt mettez votre honneur et votre supériorité à n’avoir ni dépit ni colère, à garder de vos idées ce que vous en croyez juste et durable, sauf à les confronter perpétuellement avec l’état de la société, à les corriger sans cesse par l’observation de ce monde qui marche et qui change, et qui de nos jours tourne si vite à l’indifférence du passé. […] Cette réfutation, qui s’est fait attendre, prouverait seule combien l’article a touché juste.

1070. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — II. (Suite.) » pp. 149-166

Il ne faut donc pas blâmer vos compatriotes s’ils n’en désirent pas plus qu’ils n’en ont, et, si j’en ai quelque peu, il est juste certainement que je la porte là où, en raison de la rareté, elle trouvera probablement un débit meilleur. […] Le mérite de Franklin dans cette longue et à jamais mémorable affaire, fut de ne jamais devancer l’esprit de ses compatriotes, mais, à cette distance, de le deviner et de le servir toujours dans la juste mesure où il convenait.

1071. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une croisade universitaire » pp. 107-146

» De quoi Duranty se frotte les mains et rit à se tenir les côtes, en confectionnant des nœuds coulants — ou étrangloirs — qu’il vend, au plus juste prix, à Sarcey. […] J’ai été bien scandalisé, l’autre jour, en voyant le Rêve et la Fantaisie danser des sarabandes effrénées dans le rez-de-chaussée du Figaro, sur ce motif : L’Auberge des Trois-Pendus, juste au moment où l’article Suttières faisait un cours de bon sens et de bonne tenue — au premier étage.

1072. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « I »

Qu’on réfute un ouvrage, rien de plus juste : c’est le droit de la critique, et j’aurais mauvaise grâce à me plaindre. […] Je ne sais au juste ce que M. 

1073. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Maurice Rollinat »

Et encore faut-il ajouter, pour être juste, que cette poésie physique et maladive d’une époque si désespérément décadente, cette poésie du spleen et du spasme, de la peur, de l’anxiété, de la rêverie angoissée, du frisson devant l’invisible, — cette poésie adorée dans leurs œuvres par des générations qui n’ont plus que des nerfs et qui est la poésie habituelle d’Edgar Poe et de Baudelaire, — n’en est pas moins, malgré l’effroyable perversion des têtes dont elle est sortie, le dernier cri — noble quand on le compare à tant d’autres cris ! […] À la réflexion, on a été injuste, après avoir été juste dans la surprise de l’émotion.

1074. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Hippolyte Babou »

Babou n’a pas appuyé beaucoup sur ce caractère, mais ses traits sont si justes et si pénétrants à la fois que nous avons eu quelque chose d’aussi réel qu’un portrait pris sur le vif d’un homme, et qui sait ? […] Cette sensibilité ondoyante, dont parfois les impressions sont justes et vraies, et d’autres fois injustes et fausses, cette sensibilité qui, dans les Lettres satiriques, tourne si brusquement de la haine à l’amour et de l’amour à la haine, tient évidemment trop la place de l’étude attentive d’une conscience sévère, et Babou en a donné une preuve particulièrement malheureuse, et que je me permettrai de citer, parce que je le dois.

1075. (1887) La banqueroute du naturalisme

Zola n’est qu’une juste conséquence du dédain qu’il a toujours professé pour la psychologie. […] Zola, qui n’en connaît le sens que tout juste, n’a évidemment jamais connu la valeur ni le pouvoir des mots.

1076. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IV : M. Cousin écrivain »

Qui leur a dit qu’au-dessus de toutes les incertitudes, il est une certitude suprême, une vérité égale à toutes les vérités de la géométrie, c’est à savoir que, dans la mort comme dans la vie, un Dieu tout-puissant, tout juste et tout bon, préside à la destinée de sa créature, et que derrière les ombres du trépas, quoi qu’il arrive, tout sera bien, parce que tout sera l’ouvrage d’une justice et d’une bonté infinies ? […] En dernier lieu vient l’idée de l’immortalité de l’âme, et, pour calmer les incertitudes que laisse cette croyance, la résignation confiante aux mains d’un Dieu juste et bon.

1077. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXII. »

Seules, les actions du juste exhalent un doux parfum, et fleurissent dans la cendre du tombeau226. » Récitées devant Cromwell, ces strophes le troublèrent, dit-on, jusqu’à la terreur. […] On peut se demander encore si tout est juste dans ce langage du vieux barde, dernier survivant de ses frères immolés par la jalouse tyrannie d’Édouard.

1078. (1900) Molière pp. -283

À être trop curieuse et trop subtile, l’observation risquerait de manquer d’ampleur, et de n’être ni absolument exacte ni absolument juste. Or l’exactitude et la justesse sont la passion, l’instinct, le besoin de Molière : il est juste et exact avant tout, surtout dans le langage qu’il prête aux personnages qu’il crée. […] Elles perdraient, à n’être qu’utiles, la grâce, qui est une de leurs plus incontestables qualités : il y a donc une théorie juste et très bien exprimée dans le vers : Il est bon qu’une femme ait des clartés de tout. […] Parmi les représentants les plus outrés de ce rigorisme, nous retrouvons un très grand adversaire de Molière, un adversaire qui pense très juste sur bien des points, mais qui, en tout ce qui regarde les femmes, est souvent d’un ridicule achevé. […] Je serais bien embarrassé aujourd’hui de définir au juste ce que j’entends par classique.

1079. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. Biot » pp. 306-310

Ce plaisir, nous devons le dire, a été mêlé de regret pour une nombreuse partie de l’auditoire ; on écoutait, on saisissait quelques mots, on sentait que quantité de choses justes, délicates et fines passaient tout près de là ; on les devinait au sourire même de celui qui parlait, et à la satisfaction de tous ceux qui se trouvaient assez voisins pour en jouir ; on était bien sûr de ne pas se tromper en joignant ses applaudissements aux leurs, mais on éprouvait, en réalité, un peu du supplice de Tantale.

1080. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. de Ségur. Mémoires, souvenirs et anecdotes. Tome II. »

Après de justes hommages rendus en passant à l’hospitalité polonaise, notre ambassadeur arrive enfin à Saint-Pétersbourg, et nous introduit avec lui à la cour de Catherine le Grand.

1081. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre premier. Idée générale de la seconde Partie » pp. 406-413

Quand j’aurai présenté les diverses idées qui tiennent à ce sujet, je considérerai de quelle perfectibilité la littérature et la philosophie sont susceptibles, si nous nous corrigeons des erreurs révolutionnaires, sans abjurer avec elles les vérités qui intéressent l’Europe pensante à la fondation d’une république libre et juste.

1082. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 196-203

Ses expressions sont vives, justes, pittoresques, pleines d’imagination, de délicatesse ; ses pensées, fines, ingénieuses, profondes ; ses réflexions, lumineuses, & le plus souvent vraies.

1083. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre IV. De quelques poèmes français et étrangers. »

Le prophète Samuel raconte à David l’histoire des rois d’Israël : Jamais, dit le grand saint, la fière tyrannie Devant le Roi des rois ne demeure impunie : Et de nos derniers chefs le juste châtiment En fournit à toute heure un triste monument.

1084. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — IV. Les ailes dérobées »

Elle le déposa juste devant la porte de l’amirou142 son père.

1085. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Nicole, Bourdaloue, Fénelon »

On pourrait mettre au compte de Fénelon, en le modifiant un peu, un mot piquant et juste qui a été dit sur Diderot : — Diderot n’est naturel que quand il est exagéré. — Fénelon, lui, n’est naturel que dans je ne sais quelle affectation de simplicité qui lui sied et qu’on lui pardonne.

1086. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Bathild Bouniol »

Seulement, quelque idée qu’on s’en fasse, on n’aura une notion juste du mouvement de cet esprit qui, si nous ne nous trompons, a le signe des forts : l’abondance, qu’en lisant dans le livre même : La France devant Dieu, Le Souverain et les sujets, La Leçon d’anatomie, La Barricade, Le Théâtre, La Peste littéraire, Les Catastrophes, Le Journaliste, Le Doigt de Dieu dans les révolutions, La Graine du Comédien, L’Amour des bêtes, Comment on se marie, La Morgue, et tant d’autres morceaux dont les titres seuls attestent éloquemment la largeur de circonférence dans laquelle l’auteur de la Croisade étend les rayons de son observation poétique.

1087. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — III »

Et les auteurs, cela est fort juste, veulent qu’on les comprenne, eux et leurs livres.‌

1088. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

Ses sentiments les plus justes dans leur fond appellent des atténuations de toutes sortes. […] Ou mieux, vous souffririez de ne pas savoir quels devraient être au juste vos sentiments. […] Ô roi juste, ô mon père, Viens voir ce que cet homme a fait de mon époux. […] Au reste, il est animé des meilleurs désirs ; il se propose d’être un grand prince et un roi juste. […] Mais, juste à ce moment, on lui annonce la mort de sa femme Claude, qu’il avait, jusque-là, quelque peu oubliée.

1089. (1913) Les livres du Temps. Première série pp. -406

Il est juste que nous recevions ces outrages jetés à la République et dont nous aurions dû la défendre. […] Sous cette réserve, on l’acceptera comme juste et salutaire. […] Le mot peut paraître irrévérencieux, mais c’est le mot juste. […] Est-ce juste ? […] Le privilège de ces innocents au paradis est-il juste ?

1090. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

Les maintenir dans un juste équilibre est le propre de certains auteurs et de certains siècles qu’on appelle classiques. […] Mais, au nord, les Barbares, gardant plus fidèlement leurs défauts avec leurs qualités, compromettent la notion juste de l’art. […] Voici surtout le jugement : un ange tient une balance ; les âmes des justes défilent ; Abraham les recueille en son sein : c’est encore de l’idéalisme. […] Après avoir prolongé ce petit jeu juste assez pour inquiéter un peu son amant, elle fait le signal convenu, et tous deux s’en vont à la nuit parler et deviser ensemble. […] Ainsi, à poids égal, qu’ils portent l’arche sainte ou un veau, un lingot d’or ou un caillou, ils donneront juste le même résultat d’expression.

1091. (1885) L’Art romantique

Il ne suffit pas d’avoir la voix juste ou belle, il est beaucoup plus important d’avoir du sentiment. […] Chaque chose est à sa place, tout est bien ordonné et de juste dimension. […] Mais cela ne sera qu’à moitié juste, tant que vous n’aurez pas dans le genre que vous voulez installer autant de talent qu’Eugène Sue dans le sien. […] Il a banni la raison de son cœur, et, par un juste châtiment, la raison refuse de rentrer en lui. […] Absorbés par la passion féroce du beau, du drôle, du joli, du pittoresque, car il y a des degrés, les notions du juste et du vrai disparaissent.

1092. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Eugène Gandar »

Un peu de réflexion le rendit à lui-même et le ramena à la juste mesure des choses. […] Émile Michel ; le 19 j’arriverai à Athènes juste à temps pour y trouver encore Beulé. […] Il ne s’agit plus de venir faire une simple lecture d’un auteur en l’accompagnant de remarques vives, de commentaires rapides et justes, de rapprochements heureux, et en y apportant un vif sentiment des beautés et aussi des défauts, comme ce serait le compte d’un disciple de Voltaire, de Pope et d’Horace. […] On a trouvé dans les papiers de Colbert la note suivante, qu’un correspondant bien informé adressait au ministre, au sujet de l’abbé Bossuet, alors âgé de trente-cinq ans (1662) : « Attaché aux jésuites et à ceux qui peuvent faire sa fortune plutôt par intérêt que par inclination, car naturellement il est assez libre, fin, railleur et se mettant fort au-dessus de beaucoup de choses. — Ainsi, lorsqu’il verra un parti qui conduit à la fortune, il y donnera, quel qu’il soit, et il pourra servir utilement170. » Quel qu’il soit n’est pas juste, et rien dans la vie de Bossuet n’autoriserait cette idée d’une ambition à tout prix ; c’est un mot mis à la légère. […] « … Mon fardeau m’a poursuivi jusqu’ici, et aucun chapelier ne consent à la coiffer (ma tête) ni d’un chapeau ni d’un bonnet grec ; il paraît que dans le pays de Phidias on me trouve aussi plus gros que nature ; mais vous devez me pardonner ma laide grosse tête, car j’ai un bon gros cœur pour vous aimer… » (Lettre d’Athènes, 23 mai 1848, à Mme Viollet-Le-Duc.) — En insistant sur l’idée de force et de solidité, qui était le caractère le plus saillant, il ne serait que juste toutefois, pour compléter la physionomie, de marquer aussi ce qu’il y avait d’intelligence sur ce front et parfois de finesse dans ce regard.

1093. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLIXe Entretien. L’histoire, ou Hérodote »

« Hérodote d’Halicarnasse expose ici le résultat de ses recherches, afin que le souvenir des événements passés ne se perde pas avec le temps ; que les grandes et mémorables actions, soit des Grecs, soit des barbares, aient une juste célébrité, et que la cause des guerres qui ont éclaté entre eux soit connue. » Il attribue toutes ces causes à des enlèvements de belles femmes, telles qu’Hélène, Médée. […] … » Alors, celui avec lequel il s’entretenait reprit en ces mots : « Ô Crésus, si c’est avec raison qu’une juste espérance du succès vous fait désirer vivement que les habitants des îles viennent réellement attaquer le continent avec de la cavalerie, que pensez-vous que ces mêmes insulaires doivent de leur côté souhaiter plus ardemment, lorsqu’ils ont appris que vous étiez occupé à faire construire des vaisseaux, que de rencontrer vos Lydiens en mer, et de vous voir ainsi leur offrir vous-même l’occasion de venger les malheurs des Grecs du continent, que vous venez de réduire en servitude ?  […] Dès qu’Astyage fut instruit des menées de Cyrus, il lui adressa l’ordre de revenir ; mais Cyrus renvoya le courrier avec ces mots : « Dites à Astyage qu’il me verra plutôt qu’il ne voudra. » Sur cette réponse, Astyage fit armer les Mèdes, et choisit pour général (c’était un dieu sans doute qui l’égarait) Harpagus même, oubliant les justes sujets de ressentiment qu’il lui avait donnés. […] Car enfin, ajouta Astyage, puisque tu voulais donner la royauté à quelque autre et ne pas la garder pour toi, n’était-il pas juste, du moins, que la puissance tombât entre les mains d’un Mède, plutôt que dans celles d’un Perse ? […] Enfin, on ne peut se faire une juste idée de tout ce qui périt dans cette mêlée ; car les Lacédémoniens, instruits d’avance que les troupes avaient franchi les montagnes, leur portaient la mort, ne songeant plus à se ménager, et, pour ainsi dire, hors d’eux-mêmes, déployèrent des forces surnaturelles contre les barbares.

1094. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

L’idée du drame, c’est-à-dire la connaissance exacte de ce qui se passe en nous, suppose un juste équilibre entre l’affirmation et la négation du moi. […] Mais en quoi consistait au juste ce phénomène extraordinaire ? […] Mais le génie d’une langue a ses mystères ; il est souvent difficile de justifier d’une façon satisfaisante pour l’entendement telle image, que, pourtant, nous comprenons sans peine, et qui, si notre réflexion se tait, nous paraît juste, et non pas seulement gracieuse ou brillante ; il me semble que, parfois, les figures du style plaisent à l’esprit pour plus d’une raison et ne peuvent être rangées exclusivement dans aucune des catégories que distinguent les dictionnaires. […] » Il avait pris l’habitude de dire tout bas les deux mots ajoutés, qui étaient pour lui ce qu’est le tremplin d’où s’élance le gymnasiarque sur le trapèze, et il retombait, avec l’inflexion juste, sur le « qu’il mourût !  […] Et si vous songez que fichtre est ici un équivalent, vous imaginez aisément la stupeur du public. » (Sarcey, feuilleton dramatique du 8 mars 1880.) — Stupeur est le mot juste : Monvel, emporté par la passion, n’était pas ridicule.

1095. (1880) Goethe et Diderot « Gœthe »

C’était brutal, mais c’était juste. […] Et quand on songe que Gœthe, cet arrangeur, avait derrière lui, pour s’en inspirer, cette ribambelle et cette ribaudaille de démons : lago, Lovelace, Tartufe, don Juan, Valmont, le Satan de Milton et celui de Byron dans la Vision du Jugement, tous les dandies de la terre, Voltaire dans Candide et Talleyrand pendant quatre-vingts ans d’existence, on est tout étonné que Gœthe, ce tondeur sur tous les œufs pour en rapporter quelque chose, n’ait pas tondu sur ces œufs-là, qui sont des œufs d’autruche, et ne nous ait pas donné mieux que son grand diable, déhanché et maigre, qui ne paraît à l’imagination éveillée, pour peu qu’elle ait une conception juste du diable, qu’un Crispin, — un Crispin de l’Enfer, écrasé par ce nom de Méphistophélès que le polisson ose porter ! […] Selon nous, qui voulons rester juste, même envers Gœthe, l’histoire méprisée lui a porté plus de bonheur dans Egmont que dans Berlichingen. […] Au milieu de tous mes mépris pour Gœthe, pour ce faux grand homme multiface, taillé octogonalement comme un palais par une critique de fantaisie, j’ai dit que je resterais juste, et je le serai en reconnaissant qu’en matière d’art il est sorti parfois de sa médiocrité originelle et a dépassé le niveau intellectuel qui fut le sien et qu’il ne s’agit plus à présent d’élever. […] Il y écrit sur l’Apollon du Belvédère : « Le souffle sublime de la vie, la jeunesse éternelle, la jeune liberté ne sont pas dans le plâtre : il faut le marbre, dont la transparence fait chair… » Observation juste, qu’on peut lui appliquer, à lui, Gœthe, chez qui le talent n’a jamais la transparence qui fait chair.

1096. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Weiss et Sainte-Beuve y voyaient juste dans l’effet, sans peut-être distinguer entièrement la cause. […] C’est par le détail juste et sans commentaire que Mérimée a procédé. […] Henri Lavedan, qui déplorait avec une juste colère les insuffisances de cette souscription. […] Tout est exact et juste. […] Cette épigramme de famille est-elle juste ?

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