/ 3799
874. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préfaces de « Han d’Islande » (1823-1833) — Préface d’avril 1823 »

C’est donc avec le soin le plus scrupuleux qu’ont été revues les épreuves de cette nouvelle publication, et maintenant l’auteur ose croire, ainsi qu’un ou deux amis intimes, que ce roman restauré est digne de figurer parmi ces splendides écrits en présence desquels les onze étoiles se prosternent, comme devant la lune et le soleil 4. […] Il a instamment prié le mauvais plaisant d’apprendre que tous les journalistes, indistinctement, sont des soleils d’urbanité, de savoir et de bonne foi, et de ne pas lui faire l’injure de croire qu’il fût du nombre de ces citoyens ingrats, toujours prêts à adresser aux dictateurs du goût et du génie ce méchant vers d’un vieux poëte : Tenez-vous dans vos peaux et ne jugez personne ; que pour lui, enfin, il était loin de penser que la peau du lion ne fût pas la peau véritable de ces populaires seigneurs. […] Il lui reste à remercier les huit où dix personnes qui ont eu la bonté de lire son ouvrage en entier, comme le constate le succès vraiment prodigieux qu’il a obtenu ; il témoigne également toute sa gratitude à celles de ses jolies lectrices qui, lui assure-t-on, ont bien voulu se faire d’après son livre un certain idéal de l’auteur de Han d’Islande ; il est infiniment flatté qu’elles veuillent bien lui accorder des cheveux rouges, une barbe crépue et des yeux hagards ; il est confus qu’elles daignent lui faire l’honneur de croire qu’il ne coupe jamais ses ongles ; mais il les supplie à genoux d’être bien convaincues qu’il ne pousse pas encore la férocité jusqu’à dévorer les petits enfants vivants ; du reste, tous ces faits seront fixés lorsque sa renommée sera montée jusqu’au niveau de celles des auteurs de Lolotte et Fanfan ou de Monsieur Botte, hommes transcendants, jumeaux de génie et de goût, Arcades ambo ; et qu’on placera en tête de ses œuvres son portrait, terribiles visu formæ , et sa biographie, domestica facta . […] Comme il paraît qu’en ce siècle tout lumineux chacun se fait un devoir d’éclairer son prochain sur ses qualités et perfections personnelles, chose dont nul n’est mieux instruit que leur propriétaire ; comme, d’ailleurs, cette dernière tentation est assez forte, l’auteur croit, dans le cas où il y succomberait, devoir prévenir le public de ne jamais croire qu’à demi tout ce que les journaux lui diront de son ouvrage.

875. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Proudhon et Couture »

Le prince Louis-Napoléon, l’homme du 2 décembre, démentant son coup d’État pour introduire en Europe la révolution qu’il a vaincue, est une de ces conceptions ineffables digne d’être mise à côté de l’espoir de ces légitimistes qui croyaient bonnement qu’un Bonaparte s’oublierait jusqu’à singer Monk. […] Proudhon, nous l’avons dit, croit ou feint de croire à la ruine de ce que l’histoire du monde appelle la politique, et à laquelle il substitue un ordre économique, impossible, il est vrai, à concevoir avec l’état actuel de la tête humaine. Louis Couture, qui s’en tient, lui, aux faits observables, croit que la politique est aussi durable que les peuples, et que, quand elle est forte et déterminée, les hommes comme Proudhon, par exemple, n’ont pas beaucoup de chances pour troubler les esprits et bouleverser les États. […] Ils sont coupables de cécité. « Ils ont cru qu’ils n’avaient qu’à jouir de la centralisation qui s’était formée sous leurs prédécesseurs, et non à en généraliser l’action, afin de la rendre de plus en plus juste et féconde. » Dès que le Premier Consul paraît, au contraire, la centralisation sort tout organisée de son gouvernement.

876. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Belmontet »

D’ici longtemps, croyez-le bien ! […] La poésie individuelle ne doit pas plus périr que l’âme de l’homme dont elle est la fille, et ce nous semble une erreur du même ordre en littérature qu’en politique de croire que le sentiment social puisse entièrement se substituer à l’action libre de l’individualité humaine. […] En 1832, je crois, la reine Hortense, dit-il avec orgueil, l’appelait le Blondet de l’exil. […] Il doit à ce précieux accord, plus rare qu’on ne le croit chez les artistes, si souvent en lutte, comme hommes, avec leur idéal, l’accent quelquefois très profond et toujours passionné de sa poésie, — cet accent qui reste et qui vibre dans l’expression, quand même cette expression n’a pas trouvé, sous la main du poète, toute sa perfection et toute sa rondeur. Belmontet est un poète lyrique, comme presque tous les poètes d’une époque où l’individualité dévore tout (cette individualité à laquelle Belmontet croit imposer silence dans sa préface !)

877. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — I. » pp. 495-512

On jeta la sonde ; on sentit la terre ; on se crut perdu ; le roi, pieds nus, en simple cotte et tout échevelé, était déjà sur le pont, les bras en croix devant le Saint-Sacrement86, comme celui qui croyait bien périrk. […] Louis XIV, on peut le croire, ayant pris avis des mariniers et les ayant entendus, aurait adopté la conclusion ; il aurait changé de bord. Pour Henri IV, je crois que sinon par charité et humanité chrétienne, du moins par noblesse de cœur et point d’honneur de soldat, par bonne grâce de Béarnais, il aurait fait comme saint Louis. […] [NdA] J’avais lieu de croire, quand je parlais ainsi, qu’on était arrivé à un résultat définitif. […] [1re éd.] les bras en croix devant le crucifix, comme celui qui croyait bien périr l.

878. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — I » pp. 395-413

Celle-ci voudrait y faire croire à un refroidissement soudain de Frédéric roi, et elle s’en plaint comme d’une inconstance sans motif. […] Une compassion mal placée, et une trop grande faiblesse pour une personne que je me croyais entièrement attachée, m’ont fait faillir. […] Je crois qu’il s’en tirera par une gambade ; il n’en aura pas moins d’esprit, mais son caractère en sera plus méprisé que jamais. […] Ces gens n’ont d’esprit que dans la société ; ils sont sévères sur leurs ouvrages pour ne point être critiqués par d’autres, et indulgents sur leur conduite, qui d’ordinaire est ridicule, et qu’ils croient ne point passer à la postérité. […] Elle veut m’emmener en Languedoc, où elle va passer l’hiver pour sa santé… Croiriez-vous que cette sœur du roi de Prusse a voulu absolument voir ma nièce ?

879. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance inédite de Mme du Deffand, précédée d’une notice, par M. le marquis de Sainte-Aulaire. » pp. 218-237

Mme de Choiseul, passionnément éprise de son mari, a été le martyr de cette union : elle a fini par se soumettre de bonne grâce ; elle a gagné un peu de crédit sur lui et passe pour l’idolâtrer toujours. — Mais j’en doute, ajoute Walpole, elle prend trop de peine pour le faire croire. […] Je crois bien qu’il aigrira ! […] Il assure la gloire de mon mari ; il le récompense de douze ans de travaux et d’ennuis ; il le paye de tous ses services ; nous pouvions l’acheter encore à plus haut prix, et nous ne l’aurions pas cru trop payer par le bonheur immense, et d’un genre nouveau, dont il fait jouir. […] Il y a des moments où elle se flatte du moins qu’on l’aime, et où elle s’écrie : « Je jouis d’un bonheur que j’ai toujours désiré et que j’ai été prête à croire une pure chimère ; je suis aimée ! […] On l’invite à venir à Chanteloup ; on l’assure du plaisir qu’elle y fera, du bonheur qu’on aura à la posséder : elle n’ose y croire, elle manque de foi dans l’amitié comme dans le reste.

880. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni (suite et fin.) »

Grandville s’effraya à l’idée du Cercle ; il crut voir dans ce mot toute l’image d’un souper-Régence. […] Grandville s’y prépara comme à un événement ; il se pommada, se parfuma et crut n’en avoir jamais fait assez pour être à la hauteur. […] C’est un bon moment dont vous profiterez, et je crois vous faire plaisir en vous le disant. » M.  […] Et celai qui croirait que l’artiste a uniquement voulu plaisanter et se permettre une légèreté se tromperait fort : il a voulu, sous forme vulgaire, exprimer le côté humain bien senti et montrer l’honnêteté de la chose. […] Je ne le crois pas.

881. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite et fin.) »

Il termine modestement en disant que « sa muse sera contente, si elle aide les ignorants à voir ce qui leur manque, et les hommes instruits à réfléchir sur ce qu’ils savaient déjà » ; ce qui a été rendu d’après lui en un seul vers latin excellent qu’on croirait d’Horace : Indocti discant, et ament meminisse periti. […] Un poète, qui a cru devoir donner une édition de Pope ou qui du moins y a mis une préface, le révérend M.  […] Il y en a qui aiment la vie à l’ombre, au point de croire que c’est une même chose d’être à la lumière ou dans le tourbillon. […] C’est cette proposition, votée à l’unanimité (je le répète) par sa Commission, que l’Académie, réunie en nombre, et après un long débat, a cru devoir repousser, en se fondant sur des principes d’orthodoxie philosophique qui lui semblaient enfreints et violés par le système de l’auteur. […] Taine, comme ont paru le faire ceux même qui le défendaient le mieux, j’aurais essayé, en le prenant tel qu’il s’offre, de présenter et de faire valoir, moins encore en sa faveur que dans l’intérêt de l’illustre Compagnie, une seule considération que je crois digne d’être méditée.

882. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

On pouvait croire que tout était dit sur Mme Roland : toutes les opinions s’étaient produites, et toutes les révélations semblaient faites à son sujet. […] Je le demande à tous ceux qui ont le sentiment et le culte de la famille : Mme Roland avoue qu’elle aima à la fin un autre homme que son mari, qu’elle l’aima en tout bien, tout honneur, mais enfin qu’elle l’aima d’amour et de passion ; elle confesse que son mari, à qui elle crut en devoir faire l’aveu, en souffrit, comme c’était bien naturel et en ressentit de la jalousie. […] 4° La plupart des additions et des rectifications de texte, dans l’édition présente, portent sur la passion secrète que nourrissait Mme Roland, et qui avait pour objet Buzot : elle n’en avait pas fait mystère à son mari ; elle ne crut pas non plus devoir la dissimuler par-devant le public et la postérité. […] Il n’en fallait pas davantage pour la croire éprise de lui. […] Je me permets pourtant de lui signaler une faute évidente de transcription, page 377 ; il faut lire : « Rabaut, que l’on croit à Nîmes à répandre la vérité, végète obscurément dans un coin de Paris » ; et non pas : « Rabaut, que l’on croit à Nîmes, a répandu la vérité. »

883. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre (suite et fin) »

Le maréchal de Noailles, dans un sentiment non de rivalité, mais d’intérêt public, croit devoir signaler au roi cette retraite précipitée, inexplicable, faite sans en avoir reçu l’ordre, comme la plus grande preuve du manque de concert et du peu de subordination qui compromet tout et tend à tout perdre. […] Camille Rousset s’étonne que le grand Frédéric, dans son Histoire de mon Temps, ait pu croire et dire que le maréchal de Broglie n’avait pas été disgracié à son retour pour cette inconcevable retraite, et que « la Cour ne lui avait témoigné aucun mécontentement ». […] vous croirez que Frédéric, donnant de prétendues leçons à son héritier, ait pu dire au sujet du choix de ses ambassadeurs : « J’en ai trouvé qui m’ont servi sur les deux doigts et qui, pour découvrir un système, auraient fouillé dans la poche d’un roi. […] Vraisemblablement nous n’aurons pas à ménager les Hollandais ; Luxembourg est de trop dure digestion ; mais si nous entreprenions le siège d’une place, par laquelle croiriez-vous qu’il faudrait commencer ? […] Je me hasarde peut-être un peu trop dans les circonstances critiques où nous sommes ; mais si vous ne croyez pas la chose possible, mandez-le-moi avec votre franchise ordinaire.

884. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Saint-Simon considéré comme historien de Louis XIV, par M. A. Chéruel »

Je sais comme vous qu’il ne faut pourtant pas que, sous prétexte de peindre, il se croie en droit d’imaginer, qu’il aille créer tout de bon et au pied de la lettre, et qu’il nous présente un roman au lieu de la réalité. […] Je ne crois pas, somme toute, que Louis XIV tout le premier ait à se plaindre de Saint-Simon : les portraits qu’il fait de lui en vingt endroits sont tous nobles, dignes, et surtout vivants, intéressants. […] Je crois que c’est le vrai point. […] Chéruel ne me semble pas assez reconnaître cette utilité pittoresque et morale de Saint-Simon. — Il croit avoir prouvé, par deux billets qu’il produit, que Saint-Simon en a imposé dans ses Mémoires sur le caractère de ses relations avec le duc de Noailles pendant la durée de leur brouille sous la Régence. […] On n’osait le croire aussi vrai qu’il était : on ose maintenant.

885. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN FACTUM contre ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 301-324

Nous croyons encore M. […] On crut à André Chénier comme à un poëte authentique et réel… » Tout cela veut dire, en style embarrassé, que, lorsque M. e Latouche publia en 1819 les Poésies d’André Chénier, quelques personnes n’auraient pas été fâchées de croire ou de donner à entendre que ces poésies étaient, au moins en partie, du fait du célèbre éditeur ; il est dommage que M. […] remy veut bien nous demander si nous croyons que ces poésies, publiées aujourd’hui pour la première fois, occuperaient dans l’attention publique le rang qu’elles obtinrent il y a vingt-cinq ans. […] Croyez-vous donc que l’Aristonoüs, publié vers 1788 ou vers 1819, eût produit de grands miracles de goût ?

886. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Henry Rabusson »

Très jeune encore, je crois, il est déjà, après M.  […] Mais qui est-ce qui y croit encore, au monde ? […] Il est tenté de croire, du moins la première fois, à un pétillement naturel d’idées, à un don surprenant, extraordinaire. […] Il sait très bien quels sentiments il devrait avoir ; il les simule et il croit les éprouver. […] On peut croire, à première vue, qu’il procède de l’auteur de Monsieur de Camors : il s’en faut du tout au tout.

887. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IV. Ordre d’idées au sein duquel se développa Jésus. »

Les bons et les méchants, ou du moins ceux qui se croient et que l’on croit tels, forment des armées opposées. […] Les graves disciples de l’Avesta et les adorateurs de Jéhovah se crurent frères. […] Le Sadducéen, qui n’y croyait pas, était, en réalité, fidèle à la vieille doctrine juive ; c’était le pharisien, partisan de la résurrection, qui était le novateur. […] Elles laissaient tout faire jusqu’au jour où elles croyaient devoir sévir. […] On se croyait à la veille de voir apparaître la grande rénovation ; l’Écriture torturée en des sens divers servait d’aliment aux plus colossales espérances.

888. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Maintenon. » pp. 369-388

Quand les dames de Saint-Cyr la pressaient dans sa retraite dernière d’écrire sa vie, elle s’en défendait, en disant que ce serait une histoire uniquement remplie de traits merveilleux tout intérieurs : « Il n’y a que les saints qui pourraient y prendre plaisir. » Et elle croyait parler humblement en s’exprimant ainsi. […] Elle en vint à être épousée secrètement du roi à une date qu’on croit être 1685. […] Près de quitter le moribond, elle voulut pourtant que son confesseur vît le roi et lui dît s’il y avait espoir qu’il reprît le sentiment. — « Vous pouvez partir, lui dit le confesseur, vous ne lui êtes plus nécessaire. » — Elle le crut, et elle obéit, partant aussitôt de Versailles pour Saint-Cyr. […] Ajoutez la multitude d’affaires qui passaient par ses mains, celles de religion surtout et de conscience, car elle se croyait l’« abbesse universelle », a dit Saint-Simon ; et elle-même s’appelle la « femme d’affaires des évêques ». […] Elle a raison, en un sens, de se comparer à un Louvois, à de grands ministres, aux grands ambitieux : je ne crois pas qu’on ait jamais poussé plus loin qu’elle l’esprit de suite, le culte de la considération et la puissance de se contraindre.

889. (1824) Discours sur le romantisme pp. 3-28

La secte est nouvelle et compte encore peu d’adeptes déclarés ; mais ils sont jeunes et ardents ; mais la ferveur et l’activité leur tiennent lieu de la force et du nombre, et le concert bruyant de leurs voix pourrait faire croire, de loin, à l’union de leurs sentiments. […] Ces chefs-d’œuvre, composés dans chacune des villes savantes, des huit ou dix Athènes de l’Allemagne, par le Sophocle du lieu, et joués, pour ainsi dire, en famille, devant le Périclès du Margraviat ou de la Principauté, obtinrent un succès prodigieux ; et nos bons voisins purent croire qu’ils avaient enfin un théâtre national. […] Il y a près de trente années, quelques récits de voyageurs et bientôt quelques traductions nous firent connaître plusieurs productions du romantisme allemand, qui n’avait pas encore été rédigé en théorie, et à qui même, je crois, il n’avait pas encore été imposé de nom. […] nous penchons fort à le croire. […] Les genres ont été reconnus et fixés ; on ne peut en changer la nature, ni en augmenter le nombre : on les confond, on les accouple monstrueusement, et l’on croit en avoir créé de nouveaux.

890. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Baudelaire  »

N’en croyez le titre qu’à moitié ! […] Croyez-vous donc que ce ne soit pas là quelque chose de pathétique et de salutaire ? […] Les uns y ont vu une étude très soignée, très épinglée, très atomistique, où rien n’est oublié des sensations et des nuances de sensation par lesquelles on passe dans les états qu’il décrit… et j’aime mieux le croire que d’y aller voir. […] Satan patelin, délicieux, plein de précautions et d’avertissement, moraliste enfin, puisque c’est plus comique ainsi et qu’ils le croient, les bonnes gens ! […] Seulement, j’allais trop loin, je crois, tout à l’heure, en disant que Baudelaire ne riait jamais, Bas-de-Cuir de l’opium, plus dur à la détente que le Bas-de-Cuir des grands bois.

891. (1900) La province dans le roman pp. 113-140

On pourrait croire qu’ils rêvent de se fixer là où ils passent, et qu’ils le feraient s’ils le pouvaient. […] Je crois même qu’il s’explique surtout par des considérations historiques. […] Je ne le crois pas. […] S’ils voulaient bien étudier de près et par eux-mêmes cette France inconnue qui commence à la banlieue de Paris, je crois qu’ils seraient récompensés de leur effort. Ils croiraient moins à la couleur locale, ils croiraient plus à la dramatique humanité, à l’égalité des âmes et des douleurs, qui fait que le reste est secondaire, le temps, le lieu et toute l’enveloppe de ces âmes.

892. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

Nous croyons que ces diverses fonctions peuvent toutes revêtir un caractère esthétique. […] Nous ne le croyons pas. […] On croyait aussi la poésie épuisée vers l’an 1820. […] Ils croient parler la langue de V.  […] Non, et Boileau, qui paraissait le croire, avait tort.

893. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre premier. La perception extérieure et les idées dont se compose l’idée de corps » pp. 69-122

Par exemple, lorsque, les yeux fermés, nous touchons une boule avec l’index et l’annulaire croisés, nous croyons toucher deux boules ; voilà une des erreurs du toucher. […] Je crois que Calcutta existe, quoique je ne perçoive pas cette ville, et je crois qu’elle existerait encore si tout habitant capable de perception quittait tout d’un coup la place ou tombait mort. […] Je crois, au contraire, que l’idée même d’un quelque chose hors de nous-mêmes est dérivée uniquement de la connaissance que l’expérience nous donne des possibilités permanentes. […] L’enfant a cru et bientôt cesse de croire que sa balle saute et se sauve, que sa boule court sur lui et veut lui faire du mal. […] Pour que l’analyse soit tout à fait exacte, il faut mettre, je crois : « Si un être quelconque, analogue à moi, était transporté sur les rives de l’Hooghly, il aurait, etc. » La possibilité permanente est absolument générale.

894. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe » pp. 81-160

Mes larmes étaient près de couler, je crus voir ses yeux se mouiller. […] Elle croit que tu t’es enfui ! […] Crois-tu en Dieu ? […] Ainsi tu n’y crois pas ? […] Qui oserait nommer Dieu et faire cette profession : Je crois en lui ?

895. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

J’ai cru entrevoir l’antichambre de la faillite. […] Nous croyons que la postérité sera plus démocrate que vous ! […] À quoi je réponds : « Vous croyez, vous croyez, Taine, seulement il y a une terrible objection à votre thèse. […] Ses parents la croyaient possédée. […] Alors, croit-il se rappeler, on le mettait en pension chez M. 

896. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

Et Francis croit, que d’ici à très peu de temps, l’armée doit devenir le corps influent de l’État, et avoir la haute main dans le gouvernement. […] Ces articles se perdent, s’oublient, et lorsque quelqu’un les cite de mémoire, on ne veut pas y croire. […] Il me tend le petit livre très bien relié, et me dit : « Regardez quel est mon bréviaire… et certes je ne croyais pas vous rencontrer !  […] Le lendemain, il annonçait que le pape, qu’on avait cru mort, allait mieux, et grâce à cette mirobolante invention, il échappait à l’emportement et aux sévices du premier moment. […] Depuis, les romans de Tolstoï, de Dostoïewski, et des autres, je crois, m’ont donné raison.

897. (1926) L’esprit contre la raison

À noter d’ailleurs que cet acte, gratuit pour la plupart, présente au moins l’intérêt d’aider à croire à la possibilité de n’en prendre à rien. […] Singulière position en tout cas que celle du commentateur qui voit un mal dans la révolte de l’esprit, la baptise signe de faiblesse comme si la bonne santé, la force étaient de croire, d’accepter de croire que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes. […] Alors ils se croient à l’aise et se réjouissent de se croire à l’aise fut-ce au milieu même de la forteresse d’individualisme rationalo-positiviste où ils se sont réfugiés, eux et leurs vieux troupeaux. […] Tout le monde aime ou croit aimer, tout le monde a peur, tout le monde est plus ou moins syphilitique. […] J’ai eu tort, je le sens, je le crois, je veux le sentir, le croire car ne trouvant point de solution dans la vie, en dépit de mon acharnement à chercher, aurais-je la force de tenter encore quelques essais si je n’entrevoyais dans le geste définitif, ultime, la solution ? 

898. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

On ne croit plus aux faits qu’il apporte dans ces mains qui portent Dieu, parce que ces mains sont bénies. […] … Nous ne le croyons pas. […] Eux, les seuls maintenant qui croient à la Famille, ont oublié que c’est manquer à la mémoire de ses pères que d’en répudier l’héritage. […] Audin croyait peut-être, à cette époque de sa vie, qu’être magnanime pour les protestants était un noble moyen de les accabler. […] Audin croit à l’heureuse influence du mouvement intellectuel provoqué par Léon X comme il croit à sa grandeur.

899. (1898) La cité antique

Croyait-on que l’esprit montait vers le ciel, vers la région de la lumière ? […] On réclamait sa protection ; on le croyait puissant. […] Là chaque famille croyait voir ses ancêtres sacrés. […] Elle est humaine, et nous la croyons dieu. […] On crut le trouver dans l’emploi de certaines formules.

900. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

Il le dit, je le crois, et pourtant ! […] — Et tu crois que c’est bien ? […] — Vous le croyez ?… Comment pouvez-vous croire une chose pareille ? […] Je crus qu’il allait sortir, indigné.

901. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

Je ne le crois pas. […] Et nous y croyons, parce que nous croyons à cet homme et à cette femme, comme à des êtres réels. […]  » En dépit des mélancolies qu’il avait pu traverser, Sorel croyait au bienfait de son activité, parce qu’il croyait à sa patrie. […] Il ne croyait plus en la monarchie. Il ne croyait plus à l’Église.

902. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

Ils croyaient mourir pour la République. […] Je ne crois pas. […] Je crois qu’il y a là une erreur. […] On croit les entendre ronfler. […] M. de Vogüé lui-même ne le croit pas.

903. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

A trente ans, il n’aurait jamais cru pouvoir arriver jusqu’à la cinquantaine. […] Tu l’as cherché si tu as cru l’ignorer. […] ou croyais-tu le savoir ? […] Naturellement même cela vous fera croire et vous abêtira. […] L’état de santé complète est plus rare qu’on ne croit.

904. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

Le peuple croyait défendre sa liberté en défendant ses dieux, à la voix d’un de ses tribuns qui l’ameutait contre Socrate. […] « Tout homme qui a choisi un poste parce qu’il l’a cru le plus honnête, ou qui y a été placé par son chef, doit, selon moi, y demeurer ferme, et ne considérer autre chose que le devoir. […] « Si je vous fléchissais par mes prières, et si je vous engageais ainsi à violer votre serment de rendre la justice selon vos consciences, et non selon vos sensations, c’est alors que je vous enseignerais l’impiété, et qu’en voulant me justifier, je prouverais moi-même que je ne crois pas aux dieux : mais j’y crois plus que mes accusateurs !  […] « Mais je ne crois pas que ces oiseaux chantent de tristesse, ni les cygnes non plus ; je crois plutôt qu’étant consacrés à Apollon, ils sont devins, et que, prévoyant le bonheur dont on jouit au sortir de la vie, ils chantent et se réjouissent ce jour-là plus qu’ils n’ont jamais fait. […] Eh bien, non, ne le fais pas, si tu m’en crois !

905. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Il verrait sa pupille au cou de Valère, qu’il n’en croirait pas ses yeux. […] Oui, vraiment, il y croit par vanité, et il y croit encore par le plaisir de trouver en faute la pupille d’Ariste. […] Votre pupille Léonor, lui crie-t-il, et c’est le fruit de vos beaux préceptes, est chez Valère ; ce bal où vous la croyez, est chez monsieur Valère. […] Ils croyaient lui ôter tout ce qu’ils restituaient aux originaux ; ils n’ont fait qu’ajouter à ses titres de propriété. […] En outre, comme la convention tient plus de place dans la tragédie que dans la comédie, le public se croit le droit d’y demander plus de changements.

906. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

Le croira-t-on ? […] En pleine beauté de corps et de génie, il mourut du delirium tremens dans la rue, — ce n’est pas assez dire : dans le ruisseau, — couché là, abattu, loin de Dieu et damné, croyait-il ; — car il le croyait ! […] Edgar Poe, avec la force d’un esprit qu’aux attitudes on croirait indomptable, n’a pu secouer ces vulgarités de son temps. […] Il y croit comme un enfant, lui, le satanique et le mystificateur ! […] Chimiste qui essaie vainement de croire que l’oxygène est dieu, le Cosmos ne lui pèse pas seul sur le cœur, mais sa propre identité même.

907. (1882) Autour de la table (nouv. éd.) pp. 1-376

Moi, j’y crois beaucoup. […] Je crois m’apercevoir qu’elle ressemble à la bonne Marguerite. […] car chacun croit y retrouver celle qu’il aime. […] Il a cru ou feint de croire à des choses étranges. […] Nous ne le croyons pas.

908. (1857) Causeries du samedi. Deuxième série des Causeries littéraires pp. 1-402

Les civilisations oisives qui ne se croient pas menacées, ou qui du moins se croient assez fortes pour résister aux secousses, trouvent leur péril dans leur sécurité même. […] le croyez-vous aveugle et sourd, insensible et glacé ? […] croyez-vous que je puisse être le gain d’un crime ?  […] De là à se croire Dieu, il n’y a qu’un pas, et ce pas sera franchi. […] Mais que direz-vous de la liberté de croire ?

909. (1759) Salon de 1759 « Salon de 1759 — Sculpture, Vassié, Pajou, Mignot » p. 104

Sculpture, Vassié, Pajou, Mignot Je n’ai vu parmi un grand nombre de morceaux de sculpture qu’une Nymphe de grandeur naturelle ; un Buste de Le Moine par un de ses élèves, et le Buste d’une prêtresse de Diane, à ce que je crois. […] Il y a partout une grande mollesse de chair ; et par-ci par-là des vérités de détail qui font croire que cet artiste ne s’épargne pas y les modèles. […] On croirait que c’est un morceau réchappé des ruines d’Athenes ou de Rome.

910. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — II » pp. 76-92

Je le crois bien, en lisant avec cette passion L’Iliade d’Homère, il est déjà avec les dieux mêmes et avec les héros fils des dieux. […] La Fontaine devine Homère comme toutes choses ; il le lit je ne sais comment, mais je croirais volontiers qu’il l’a vu face à face ; il est si digne d’en tout comprendre ! […] » Je crois qu’ici il y a trop d’envie de tirer à soi et à son sujet ce qui réellement n’y appartient ni de près ni de loin. […] Je ne le crois pas. […] Gandar croit voir « un bas-relief antique » ; mais pour cela il est obligé de découper les vers et de les isoler, en retranchant ceux qui précèdent et qui suivent.

911. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Eugénie de Guérin, Reliquiae, publié par Jules Barbey d’Aurevilly et G.-S. Trébutien, Caen, imprimerie de Hardel, 1855, 1 vol. in-18, imprimé à petit nombre ; ne se vend pas. » pp. 331-247

Maurice, écrit-elle après l’avoir perdu, je te crois au ciel. […] Ici était ton portefeuille, si plein de secrets de cœur et d’intelligence, si plein de toi et de choses qui ont décidé de ta vie : je le crois, je crois que les événements ont influé sur ton existence. […] Sa sœur, qui était venue du Cayla en 1838 et qui avait assisté à la noce, parvint, après quelques mois, à l’emmener de Paris, dont elle lui croyait l’air contraire et funeste. […] L’air de Paris l’a tué, je le crois ; je le savais, et je ne pouvais pas le tirer de là. […] Ceux qui l’ont connue alors disent ce que l’on croira sans peine, c’est qu’elle eut dès le premier jour la place que sa distinction et ses manières lui assuraient partout.

912. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance de Buffon, publiée par M. Nadault de Buffon » pp. 320-337

Celui-ci, attaqué par le gazetier janséniste au sujet de L’Esprit des lois, avait cru devoir répondre par une brochure qui réussit ; « Malgré cet exemple, disait Buffon, également attaqué, et par le même gazetier, je crois que j’agirai différemment et que je ne répondrai pas un seul mot. Chacun a sa délicatesse d’amour-propre : la mienne va jusqu’à croire que de certaines gens ne peuvent pas même m’offenser. » Il pratiqua toujours cette méthode de se taire et de laisser dire les ennemis. […] Il a paru croire que Buffon ne leur avait pas fait toujours cette part assez belle devant le public, et qu’il y avait lieu, à leur égard, à quelque réparation. […] Cuvier qui nous le dit et nous le croyons sans peine. — « Corvisart, pourquoi n’avez-vous pas d’imagination ?  […] vous feriez justement ce que fit un jour tout Paris, venant féliciter M. de Chateaubriand sur un article non signé qu’on croyait de lui et qui était de M. de Salvandy.

913. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance diplomatique du comte Joseph de Maistre, recueillie et publiée par M. Albert Blanc » pp. 67-83

Je crois le voir : son œil s’enflamme, sa tête se redresse, un éclair caresse son front, un souffle agite sa coiffure à ses tempes ; il a du prophète, il ne peut s’en empêcher. […] De Maistre est tout près de le croire, il va même au Te Deum qu’on chante pour célébrer la victoire prétendue ; mais il se ravise. […] Mille badauds, en lisant cette traduction, croiront qu’il s’agit de quelques vendeuses de pommes. » Chrétiennement, on avait toujours cru que le rang n’était pas un titre, que c’était plutôt un obstacle, une circonstance aggravante. […] Cet écrivain qui a le catholicisme le plus affichant et le moins chrétien, se croit, en effet, des droits sur de Maistre. […] C’est un grand travers de croire que pour être plus prisé et mieux goûté de quelques-uns, il faut commencer par être le scandale de tous.

914. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Halévy, secrétaire perpétuel. »

Après tout ce qui a été dit sur Halévy, compositeur, je n’aurais rien, je le crois bien, à ajouter pour mon propre compte, quand bien même je m’y connaîtrais. […] Moi profane, à le rencontrer dans la société, je l’aurais cru des plus heureux comme artiste et tout à fait comblé : je sens aujourd’hui pourquoi il ne l’était pas. […] Viguier, l’helléniste délicat de l’École normale ; et c’était chez le père de ce dernier, je le crois bien, que le dîner avait lieu. […] Interrogez en effet : l’auditeur, même bienveillant, croyait et croit encore avoir, après une heure de lecture, entendu au milieu du tumulte quelque chose comme ces mots : « Il nous reste maintenant à parcourir les trente dernières années de la vie de M.  […] Quatremère de Quincy faisait illusion au rebours de bien d’autres, en sens inverse et défavorable ; on croyait en avoir entendu plus et pis qu’il n’y en avait.

915. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres choisies de Charles Loyson, publiées par M. Émile Grimaud »

Aujourd’hui vingt-huit autres années se sont écoulées, et tout à coup il arrive que dans la génération nouvelle on se ressouvient de Charles Loyson, on revient à lui jusqu’au point de croire qu’une édition choisie de ses Poésies et de sa prose n’est pas un contre-temps ni un hors-d’œuvre à l’heure présente. […] Charles Loyson et lui, vers 1812, se décidèrent un matin de dimanche à aller faire visite à Chateaubriand qui logeait alors, je crois, à la place Louis XV. […] Vous m’êtes échappés, secrets d’un autre monde,    Merveilles de crainte et d’espoir, Qu’au bout d’un océan d’obscurité profonde Sur des bords inconnus je croyais entrevoir ! […] Quand leur raison essaye de la franchir, leur imagination et leur cœur les y ramènent ; leur sensibilité les y attache ; ils sont religieux par leur instinct le plus sincère : toute poésie croit en Dieu. » — Il y a bien du vrai dans cette remarque, et l’étape des poètes est bien trouvée. […]  » Ces dernières paroles produisirent, on peut le croire, une impression profonde sur l’assistance : rien ne manquait au dramatique ; Cousin était alors souffrant, pâle, affecté ou se croyant affecté de la poitrine, comme il convenait à un disciple du Phédon qui aspire à jouir le plus tôt possible de l’immortalité.

916. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

Mais il y faut, je crois, deux conditions. […] Et si vous croyez que M.  […] A chaque instant on sent qu’il n’a pas toujours fait de la critique et qu’il ne se croyait pas né spécialement pour en faire. […] Weiss adore, je crois, non seulement cette poésie et cet esprit, mais la société où ils ont fleuri délicieusement. […] Il n’y a que cela d’intéressant au monde, puisque la vérité nous échappe et que ceux qui croient la tenir la voient si sombre.

917. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les deux Tartuffe. » pp. 338-363

Gentilhomme, je ne sais pas bien s’il l’est en effet ; mais il faut croire à présent qu’il en a du moins les airs, puisque Dorine, son ennemie, dans le couplet où elle raille Marianne, admet elle-même qu’il tiendrait bon rang dans sa province : Vous irez par le coche en sa petite ville, etc. […] Si Tartuffe « croyait », il serait un pharisien, il ne serait pas un « imposteur », et Molière ne lui aurait pas donné ce nom. […] Mais il me paraît de toute évidence que le second Tartuffe, l’homme du monde, l’homme d’esprit, l’aventurier de haut vol, ne croit ni à Dieu ni à diable. […] Elle croit l’embarrasser et se sauver de lui en l’obligeant à ne parler qu’en dévot. […] Il y a des gens qui s’admirent et qui se croient l’âme belle, énergique et généreuse parce qu’ils ont sur tout des opinions violentes, insolentes, absolues et instantanées ; comme si la manie affirmative était une présomption de beauté morale !

918. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVI. Les derniers temps de la comédie italienne en France » pp. 311-338

Rodrigue, qui l’eût cru ? […] Arlequin va nous faire une théorie de la faillite qu’on serait tenté de croire plus moderne. […] Du commencement, je croyais cet homme-là un fripon ; mais, ma foi, il faut lui remettre l’honneur sur la tête, et demeurer d’accord qu’il a de grandes lumières… Ah ! […] Apparemment, messieurs, vous me croyez plus mal dans mes affaires que je ne suis. […] Croiriez-vous que dans mes États il n’y a point de bourreaux ?

919. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Qu’est-ce qu’un classique ? » pp. 38-55

Le Moyen Âge, qui n’était pas aussi ignorant de l’Antiquité latine qu’on le croirait, mais qui manquait de mesure et de goût, confondit les rangs et les ordres : Ovide y fut traité sur un meilleur pied qu’Homère, et Boèce parut un classique pour le moins égal à Platon. […] L’Italie moderne avait ses classiques, et l’Espagne avait tout droit de croire qu’elle aussi possédait les siens, quand la France se cherchait encore. […] Croire qu’en imitant certaines qualités de pureté, de sobriété, de correction et d’élégance, indépendamment du caractère même et de la flamme, on deviendra classique, c’est croire qu’après Racine père il y a lieu à des Racine fils ; rôle estimable et triste, ce qui est le pire en poésie. […] Le temple du goût, je le crois, est à refaire ; mais, en le rebâtissant, il s’agit simplement de l’agrandir, et qu’il devienne le panthéon de tous les nobles humains, de tous ceux qui ont accru pour une part notable et durable la somme des jouissances et des titres de l’esprit. […] Le Moyen Âge, croyez-le bien, et Dante occuperaient des hauteurs consacrées : aux pieds du chantre du paradis, l’Italie se déroulerait presque tout entière comme un jardin ; Boccace et l’Arioste s’y joueraient, et le Tasse retrouverait la plaine d’orangers de Sorrente.

920. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Ducis. » pp. 456-473

de sa barbarie Vous dûtes bien, je crois, punir un inhumain. […] Je sens qu’au fond je suis indisciplinable… Ducis se trompait sur un point : il était beaucoup plus de son siècle et du goût d’alentour qu’il ne le croyait. […] Quand Voltaire, quittant Ferney, était arrivé à Paris pour y triompher et y mourir, Ducis n’avait point fait comme tous les gens de lettres qui étaient allés lui rendre hommage, et, n’étant pas connu de lui, il n’avait pas cru devoir le visiter. […] C’est un frère (Farhan) qui se croit amoureux de sa sœur, et une sœur (Saléma) qui se croit éprise de son frère ; mais, à la fin, il se trouve que ce n’est qu’une sœur adoptive : sans quoi, Ducis dérobait d’avance à Chateaubriand la situation de René et d’Amélie. […] Farhan avait cru d’abord ce Pharasmin amoureux de Saléma et l’avait voulu traiter en rival.

921. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface de la seconde édition »

Sur les points mêmes où nous nous étions exprimé le plus explicitement, on nous prêta gratuitement des vues qui n’avaient rien de commun avec les nôtres, et l’on crut nous réfuter en les réfutant. […] On alla même jusqu’à restaurer contre nous des procédés de discussion que l’on pouvait croire définitivement disparus. […] Nous ne croyons pas nous abuser en disant que, depuis, les résistances ont progressivement faibli. […] Déjà, alors qu’il s’agit simplement de nos démarches privées, nous savons bien mal les mobiles relativement simples qui nous guident ; nous nous croyons désintéressés alors que nous agissons en égoïstes, nous croyons obéir à la haine alors que nous cédons à l’amour, à la raison alors que nous sommes les esclaves de préjugés irraisonnés, etc. […] Ne peut-on croire, par exemple, que la contiguïté et la ressemblance, les contrastes et les antagonismes logiques agissent de la même façon, quelles que soient les choses représentées ?

922. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Seconde partie. Nouvelles preuves que la société a été imposée à l’homme » pp. 243-267

L’erreur des philosophes vient de l’analogie qu’ils ont cru pouvoir établir entre l’homme et les animaux ; ils ont pensé que l’homme était un animal plus parfait. De cette première erreur il n’y avait pas loin à celle qui faisait croire que l’homme s’était successivement perfectionné lui-même. […] Bailly a très bien remarqué que l’absurdité même de certaines fables prouve qu’elles n’ont pas été inventées : c’est un langage hiéroglyphique dont nous n’avons plus la clef, dont nous ignorons les racines ; et c’est aussi la raison qui a déterminé quelques archéologues à croire la langue écrite douée d’une telle énergie. […] Croyez-vous que les flots de l’Adriatique respecteraient longtemps les pointes de rochers où furent d’abord assises de misérables huttes de pêcheurs, et qui devinrent la superbe Venise ? […] L’action de la Providence doit être voilée par respect pour la liberté de l’homme ; il a fallu qu’il fût possible de la nier, pour qu’il y eût du mérite à y croire, car la croyance ou la foi doit être un des mérites de l’homme sur la terre.

923. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Gustave Droz » pp. 189-211

c’est aujourd’hui Gustave Droz, — un peintre, je crois, qui, un matin, a trouvé une plume poussée au beau milieu de son pinceau. […] Malgré ses mérites incontestés, je ne crois pas que La Bruyère ait eu jamais celui de lacer un corset à personne et de remettre une épingle en place, tandis que Gustave Droz, lui, au contraire, habille, déshabille et réhabille, épingle, désépingle et réépingle, avec une incomparable supériorité. […] Moi qui crois à tous les miracles, je ne puis pas laisser passer un livre — de talent, d’ailleurs, — fait par un homme du monde ironique et incrédule, inspiré par eux et presque contre eux. « Presque contre eux » est trop dire pourtant. […] C’est un libre penseur, ou de nonchalance, ou d’irritation nerveuse, ou de paradoxe au dessert, en pelant sa pêche et en sirotant son verre de lacryma Christi, — la seule larme du Christ en qui il croie peut-être. […] On n’aurait peut-être pas cru que ce voluptueux sentimental se viriliserait, que cet efféminé se ferait mâle.

924. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XX. Du dix-huitième siècle, jusqu’en 1789 » pp. 389-405

Les courtisans ne réfléchissant pas sur la connexion intime qui doit exister entre tous les préjugés, espéraient tout à la fois se maintenir dans une situation fondée sur l’erreur, et se parer eux-mêmes d’un esprit philosophique ; ils voulaient dédaigner quelques-uns de leurs avantages, et néanmoins les conserver ; ils pensaient qu’on n’éclairerait sur les abus que leurs possesseurs, et que le vulgaire continuerait à croire, tandis qu’un petit nombre d’hommes jouissant, comme toujours, de la supériorité de leur rang, joindraient encore à cette supériorité celle de leurs lumières ; ils se flattaient de pouvoir regarder longtemps leurs inférieurs comme des dupes, sans que ces inférieurs se lassassent jamais d’une telle situation. […] Les idées philosophiques ont pénétré dans les tragédies, dans les contes, dans tous les écrits même de pur agrément ; et Voltaire, unissant la grâce du siècle précédent à la philosophie du sien, sut embellir le charme de l’esprit par toutes les vérités dont on ne croyait pas encore l’application possible. […] Défendre la patrie qui nous a proscrits, sauver la femme qu’on aime alors qu’on la croit coupable, l’accabler de générosité, et ne se venger d’elle qu’en se dévouant à la mort, quelle nature sublime, et cependant en harmonie avec toutes les âmes tendres ! […] L’intérêt que la pièce inspire exalte si fortement les spectateurs, qu’ils se croient tous capables du même dévouement. […] Dans cet avenir incertain qui se présente confusément au-delà du terme de notre être, ceux qui nous ont aimés semblent devoir encore nous suivre ; mais si nous avions cessé d’estimer leurs vertus, de croire à leur tendresse ; si nous étions déjà seuls, où serait l’appui d’une espérance ?

925. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « VIII »

Le lecteur ne nous pardonnerait pas de rouvrir ce débat, Je crois avoir suffisamment réfuté ces objections dans mon dernier volume le Travail du style, et j’avoue qu’il y a peu de choses qui m’aient donné autant de plaisir à écrire. […] Quant au style de Télémaque, nous croyons en avoir surabondamment montré la banalité, par le témoignage même de ses corrections manuscrites.‌ […] « Tout de bon, nous dit-on, on croit rêver en lisant des choses pareilles. […] Qu’un critique ne sache rien de tout cela, c’est ce qui me confond, et j’avoue, en effet, « qu’on croit rêver en lisant de pareilles choses » et que « la plume vous tombe des mains ».‌ […] On me persifle, parce que je trouve Télémaque « une pâle imitation des Anciens », et on affecte de croire que je suis seul de cet avis. « On doit croire naturellement M. 

926. (1799) Dialogue entre la Poésie et la Philosophie [posth.]

On dit et on nous répète partout, que le propre du poète est de peindre, que la poésie est une peinture parlante, et d’après cette définition, il n’y a point au bas de l’Hélicon de barbouilleur qui ne se croie un Raphaël : je demanderai d’abord ce qu’on entend par peindre ; c’est sans doute représenter l’objet à l’imagination, avec la même vivacité que si on l’avait devant les yeux. […] Je crois que toute image poétique, pour être vraiment belle, doit renfermer une pensée ; et sur ce pied-là je préfère les vers d’image, dignes de ce nom, aux vers qui ne renfermeraient qu’une pensée sans image, quoique ces derniers puissent avoir aussi beaucoup de mérite. […] Quant aux tragédies en prose, cette discussion nous mènerait trop loin ; et si j’y entrais avec vous, j’ose croire que vous ne seriez pas mécontente de moi : mais quant à la sévérité des lois poétiques, je n’en voudrais rien relâcher ; et quant à la rime, malgré la monotonie qu’elle cause dans nos vers, je la crois indispensablement nécessaire à notre poésie, qui sans cela ne me paraîtrait plus distinguée de la prose. […] C’est l’ouvrage d’un homme distingué par son rang, qui, après avoir utilement servi sa patrie3, n’a pas cru s’avilir en cultivant les lettres. […] Alexandre, César, ce roi philosophe dont je viens de vous parler, tous d’aussi bonne maison que ces messieurs, et à ce que je crois, un peu plus grands hommes, seraient d’un autre avis, plus juste et plus flatteur pour celui dont je parle ; et le public, plus fort que tous les gens à la mode, le dédommagera, par son suffrage, de ceux qu’il n’aurait pas le bonheur d’obtenir : ce public, un peu dur quelquefois, mais toujours respectable, prendrait la liberté de dire à ses frivoles censeurs : Rien n’est si ridicule que de vouloir attacher du ridicule aux talents, et de paraître dédaigner ce qu’on n’est pas en état de faire.

927. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Femme au XVIIIe siècle » pp. 309-323

L’aurait-on cru ! L’auraient-ils cru eux-mêmes, quand ils écrivaient le livre que voici, ces distingués, ces aristocrates de talent, ces élégants, ces admirateurs des élégances pomponnées du xviiie  siècle, le plus artificiel des siècles, le plus recherché et le plus quintessencié dans ses mœurs et dans ses arts, et dont le Diogène fut Rousseau, qui eut la prétention de le ramener à la nature ? […] Je crois même que si on remontait jusqu’à cette Femme au xviiie  siècle, leur meilleur livre pourtant, on pourrait y retrouver quelque chose des premiers linéaments, des premiers traits de ce réalisme dont ils ont été les générateurs, et le dégager de ce livre où il n’apparaît pas encore avec cette netteté qui viole le regard… L’abus du détail, l’accumulation des infiniment petits dans la description effrénée, illimitée, aveuglante, qui tient toute la place de l’attention et qui prend celle de la pensée, la matérialité plastique exagérée et impossible en littérature, on pourrait, en cherchant bien, trouver tout cela dans cette Femme au xviiie  siècle, qui, quand elle fut publiée pour la première fois, a passé sans qu’on y vit tout cela. […] Quoiqu’ils y eussent vu pourtant aussi, avec une masse trop forte, et, selon moi, exagérée de vertus et de sentiments individuels, les corruptions, les dépravations et les abominations de ce temps d’une immoralité à côté de laquelle peut-être rien ne peut être mis, sans déchet, dans l’histoire du monde, il n’en résultait pas moins, de l’effet prismatique de leur livre, que, tout compte fait, le xviiie  siècle était une époque qui valait mieux que ce qu’on en croyait et que ce qu’il en fallait croire. […] Dans leur chapitre consacré à « l’amour » au xviiie  siècle, et quand ils arrivent à la dépravation de ce sentiment tel qu’il est peint dans Les Liaisons dangereuses, par exemple, ce hideux chef-d’œuvre qui n’est pas le conte d’un infernal génie, mais une infernale réalité, ces historiens, sensibles et non impassibles, de la Femme au xviiie  siècle, ont une indignation et un accent superbes, et, pour mon compte, je ne crois pas que leur talent soit allé jamais au-delà !

928. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Xavier Eyma » pp. 351-366

En a-t-il été de même pour Xavier Eyma, qui nous a donné une étude politique très consciencieuse, je le crois, sur L’Amérique, ses institutions et ses hommes, sur l’ensemble, enfin, d’un pays proposé depuis longtemps à l’admiration et à la stupéfaction de l’Europe comme un phénomène qu’elle doit envier et adorer, malgré ce qu’il peut avoir d’injurieux pour elle ! […] L’idée de presque tous les historiens de l’Amérique est de croire que la divination doit s’exercer, en matière d’histoire américaine, bien plus en regardant l’avenir qu’en se retournant vers le passé… Erreur profonde, selon moi ! […] Supposez, comme je le crois, que ces contradictions qui y pullulent et dont nous vous montrerons quelques-unes, sans pouvoir, à mon grand regret, donner un tableau intégral des autres, supposez que ces contradictions viennent de l’esprit de justice d’un historien qui aime et qui n’en dit pas moins ce qu’il voit contre ce qu’il aime, on est toujours en droit de se demander comment il se fait que le heurt, l’achoppement, les soufflets de ces contradictions à travers lesquelles l’historien intrépide s’avance sans broncher, ne l’avertissent jamais des dangers qu’il court dans ce Colin-Maillard auquel il joue entre les faits et les sympathies de sa pensée ? […] Le croira-t-on ? […] Une étude sévère, approfondie, non des progrès d’une démocratie qui ne progresse point en Amérique, mais d’une aristocratie qui, à chaque moment, y fait éruption par un homme, comme Jackson, par exemple, ou tout autre énergique vaurien, et qui, un jour, — un jour plus prochain qu’on ne croit, — bouleversera la société qu’elle trouble déjà et finira par la tuer.

929. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Benjamin Constant »

… Mais, entre nous, je crois bien que ce n’en était pas… Cette fameuse Madame Récamier, cette Juliette à dix mille Roméos, dont ils ont tous, en Europe, raffolé au temps de leur jeunesse, au fond, ne me fait pas l’effet ici d’être vivante. […] Ce fut, je crois, Philarète Chasles, qui, le premier, fut assez hardi pour, après la mort de l’énigmatique phénomène, écrire pour les yeux de tous ce qui n’avait jamais été dit tout bas qu’aux oreilles de quelques-uns. […] Il avait aimé, disait-on, Madame de Staël, et les imbéciles avaient cru la reconnaître dans l’Ellénore du roman d’Adolphe, que, certes ! […] Je commence d’ailleurs à croire que mon indisposition ne sera pas violente. […]Croyez-vous qu’il n’y ait pas quelque mal à froisser une affection si vraie et si soumise et à laquelle vous rendez justice ?

930. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Byron »

On croit qu’il n’y en a plus : il y en a toujours. […] Lord Byron, — pour qui ne croit pas ce qu’il dit, car il ne faut pas toujours le croire, — Lord Byron n’est qu’un artiste, qui n’aime que son art, et qui, quand il fait l’amour, pense à son art encore, le fait dans une vue d’art supérieur qui ne le quitte jamais, même sur le cœur de sa maîtresse. […] et nous, qui n’étions pas Anglais pourtant, nous avons répété ces odieux cris scandalisés, les uns parce qu’ils avaient vraiment leur moralité offensée, les autres parce qu’ils aimaient Byron et que toujours Français, ils aimaient à le voir un peu mauvais sujet… Mais, malgré sa fatuité, à lui, qui a voulu nous y faire croire, et malgré notre fatuité pour lui, qui nous l’a fait croire, la terrible immoralité de Byron m’a toujours paru problématique. […] Mirabeau se vantait un jour à Sophie d’avoir eu, dans sa vie, quelques milliers d’amours, et on pouvait le croire, ce fier monstre, en le regardant… Mais Byron n’était pas cette tonne de sang de Mirabeau où la corruption finissait par allumer le phosphore.

931. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XII. MM. Doublet et Taine »

par se croire Voltaire. […] Nous croyons qu’il vaut beaucoup mieux. […] Il y croit. […] Taine, esprit frivole, ne croit absolument à rien, se moque de tout, et ne changera pas. […] Or, puisqu’il s’agit de cela et pour le dire en passant, nous ne croyons pas beaucoup aux ravages de la plaisanterie de M. 

932. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Maynard »

Il pouvait être naïf, cet abbé Maynard, je le crois. […] Je n’aurais jamais cru d’avance à cette virilité et à cette hauteur d’appréciation, à cette profondeur de judiciaire, à ce calme dans les plus vifs sentiments contenus, de la part d’un écrivain qui, jusque-là, avait montré du talent littéraire, mais sans rien de tranché et de péremptoire comme l’est la supériorité. Je puis bien le dire maintenant à l’abbé Maynard, puisque la supériorité lui est venue : je ne le croyais pas capable du beau livre qu’il vient de nous donner. […] C’est la première fois qu’on nous ait donné l’impression profonde, la notion claire, la mesure exacte de ce génie qu’on dédoublait et qu’on croyait déshonorer peut-être en l’appelant le génie du cœur, mais que voici aussi lumineusement prouvé que celui des génies de tête les plus incontestables, grâce au livre de l’abbé Maynard. […] » Saint Vincent de Paul est le saint qui a baisé avec le plus ardent respect les haillons, splendides pour lui, de la misère, et mis plus bas une tête illuminée de pensées angéliques, de prévoyances, de génie et de plans célestes, aux pieds des pauvres, qui, le croira-t-on ?

933. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Guizot »

… Pour ma part, je ne le crois pas. […] On aurait cru qu’il n’y avait qu’un cuistre qui pût mettre des rallonges à Joinville, et Guizot en a mis. […] est énervée dans les récits de l’homme qui, par ses attitudes, a fait le plus croire qu’il avait en lui du Calvin ! […] Tout peut se croire du pêle-mêle littéraire de ce temps, dans lequel roule ce livre encore trop ignoré, mais qui surgira du flot quand tant d’autres livres, portés par le flot, sombreront ! […] J’ai été dupe une fois de plus de ce nom de Guizot, qui papillote encore à l’œil dans la lumière de ce temps, et qui en est, je crois bien, à son dernier papillotage.

934. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Amédée Pommier »

On le voyait encore aux soirées de ce démocrate aux airs de roi, qui eut sa cour, et qui, s’il crut à l’égalité civile et politique, ne crut pas, du moins, plus que nous, à l’égalité littéraire ! […] Et croyez-vous que ce qui m’irrite l’irritât ? Croyez-vous qu’il en voulût à la Critique de son temps d’une si choquante injustice ? Croyez-vous qu’il eût seulement pour elle le mépris qu’il avait assurément le droit d’avoir ?… Vous vous tromperiez de le croire.

935. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Armand Pommier » pp. 267-279

Il se préoccupe de la manière d’écrire, et je lui crois une grande culture intellectuelle. […] Et, le croirez-vous ? […] Pommier, qui ne fait pas du tout du fantastique pour du fantastique, a prétendu nous intéresser, et, comme je l’ai dit, il nous y intéresse tout le temps qu’il ne peint que par dehors l’épouvantable créature, et que nous croyons qu’il y aura un défaut de cuirasse humaine dans cette organisation de l’enfer. […] Je crois que l’auteur de La Dame au manteau rouge ne l’a pas comprise. Je crois qu’en voulant maintenir jusqu’au bout sa donnée physiologique d’une monstruosité complète, il a versé dans un genre de fantastique qui sera sa punition.

936. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Ernest Feydeau »

Non pas l’exactitude qui arrive à temps dans ce qu’elle fait, — qui donne, par exemple, son feuilleton à heure fixe (sur mon âme, je l’ai cru un moment !)  […] Je le crois de l’école des Impassibles en littérature, mais je connais les despotismes de cette forme littéraire qu’on appelle le roman-feuilleton. […] Mais Feydeau, qui n’avait pas d’idées à lui, a cru, en outrant l’infamie de son héros, dissimuler mieux un sujet de roman déjà traité et qui ne lui appartenait pas… Ce sujet, c’est celui de Leone Leoni. C’est l’amour mystérieux, incorrigible, inexplicable aux moralistes qui ne croient pas au péché originel et à la fange dont est faite notre âme, d’un être pur pour un être immonde. […] Feydeau a trouvé le moyen de nous faire regretter Feydeau… On nous a accusé, dans le temps, d’avoir été trop sévère pour l’auteur de Fanny, de Daniel, de Catherine d’Overmeire, parce que nous ne trouvions pas que son talent fût du génie ; mais, franchement, si nous le jugions rétrospectivement à la lumière de ses nouveaux livres, nous pourrions croire qu’il en avait.

937. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

On ne se crut plus le droit de supposer l’âme inerte et passive. […] Toutefois, les écrivains athées ont été plus funestes qu’on ne le croit généralement. […] Il ne croyait pas que les nations fussent dignes de cette épreuve. […] Les mémoires et les récits pourraient le faire croire. […] L’un croyait à une nature de choses, l’autre ne croira qu’à des circonstances.

938. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « PARNY. » pp. 423-470

Si touchés que les contemporains aient pu être des grâces vives et naturelles de Parny, et de ses traits de passion, il ne faudrait pas croire que certains défauts essentiels leur aient entièrement échappé. […] Mais cet exil occupé lassa bientôt sa paresse ; il donna sa démission du service et de toute ambition, et, revenu à Paris, publia, en 1787, son choix agréable de Chansons madecasses recueillies sur les lieux, et qu’on peut croire légèrement arrangées. […] Quelques honnêtes auditeurs s’y méprirent pourtant et crurent que Garat avait voulu blâmer d’une manière couverte le récipiendaire. […] Parny, comme on peut croire, avait le ton de la meilleure compagnie ; point de bruit, point de fracas, rien de tranchant. […] J’incline tout à fait pour cette dernière supposition, et je crois que ce voyage obligé de Parny, qui amena la rupture, fut tout simplement son retour en France en 1775 ou 1776.

939. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

Ainsi, pour prendre l’exemple le plus rapproché de nous, le Dix-Huitième Siècle est, bien plus qu’on ne le croit, en germe dans la poésie du Dix-Septième. […] Et d’un autre côté nous pensons que cette foi chrétienne n’a pas un caractère aussi profond chez eux qu’on le croit généralement. […] Ne croyez pas cependant que le mouvement et l’inspiration du Dix-Huitième Siècle ne soient pas profondément entrés dans leur sein. […] Que leur pensée religieuse puisse subir une métamorphose et revêtir une nouvelle forme, c’est ce que nous croyons ; et nous pourrions dire sur quels signes, faibles encore, nous nous fondons pour le croire. […] Mythologie usée, à laquelle le poète ne croit pas, à laquelle personne ne saurait plus croire ; bonne dans les poèmes d’Homère ou dans ceux d’Ossian, ou dans les légendes des moines du Moyen-Âge ; aujourd’hui froides fictions, vain jeu de l’esprit, sorte de demi-rêve fantastique, qui n’a pas même l’illusion que le sommeil prête à nos rêves !

940. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

Tous ceux qui, jusqu’ici, ont cru avoir raison se sont trompés, nous le voyons clairement. Pouvons-nous, sans folle outrecuidance, croire que l’avenir ne nous jugera pas comme nous jugeons le passé ? […] Le monde est plus grand que tu ne crois. […] Je n’ai jamais su son nom, et même je crois que personne ne le savait. […] Ma mère ne croyait nullement que ce fût là l’explication véritable.

941. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre X : De la succession géologique des êtres organisés »

Quand une fois une espèce a disparu de la surface de la terre, nous n’avons aucune raison de croire qu’elle puisse jamais y reparaître de nouveau. […] Il y a seulement quelques motifs de croire que l’extinction complète des espèces d’un groupe est généralement plus lente que leur production. […] Nul, je crois, n’a plus que moi été frappé d’étonnement par le phénomène de l’extinction des espèces. […] Je crois encore utile de faire une observation à ce sujet. […] Je crois, avec MM. 

942. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 25, des personnages et des actions allegoriques, par rapport à la poësie » pp. 213-220

Je crois qu’on peut traiter dans la poësie les personnages allegoriques parfaits, comme nous les avons traitez dans la peinture. […] Je ne crois point qu’une action allegorique soit un sujet propre pour les poëmes dramatiques, dont le but est de nous toucher par l’imitation des passions humaines. […] Je crois donc qu’il en faut abandonner l’usage aux poëtes qui racontent, et qu’elle ne doit point être emploïée par les poëtes dramatiques. […] Ils crurent alors que des actions allegoriques pouvoient être des sujets de comedie.

943. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre ix »

Les protestants et les catholiques se croyaient revenus au temps de la primitive Église. […] Arrivés à la strophe sublime, « Liberté, Liberté chérie », beaucoup, en chantant, regardaient leur voisin chanter et croyaient recevoir de lui une promesse fraternelle, un consentement à toutes les idées. […] Sans doute, on vivait des jours bien misérables, mais tous croyaient à la vertu souveraine de leur sacrifice. […] Ils crurent leur rêve réalisé.‌

944. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

Mais il avait des yeux et des oreilles, et faut-il croire qu’il ne s’en soit jamais servi ? […] La vanité royale en a besoin ; ne croyez pas que cette magnificence ait d’autres motifs. […] Au premier rang est le petit prince provincial, glorieux d’être parent du roi, et qui croit que le monde a les yeux sur sa bicoque. […] Il se met au-dessus d’eux ou parmi eux « et se croit un personnage. » Cet orgueil est raisonneur et esprit fort. […] Si la poésie rustique coule dans Homère comme un vin pur et généreux, chez nous on croirait goûter un filet de vinaigre.

945. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

Après avoir passé sept ou huit ans à apprendre des mots, ou à parler sans rien dire, on commence enfin ou on croit commencer l’étude des choses ; car c’est la vraie définition de la philosophie. […] Je crois ne devoir pas omettre ici une observation que plusieurs gens de lettres me semblent avoir faite comme moi ; c’est que la langue française est en général plus analogue dans ses tours avec la langue grecque qu’avec la langue latine : supposé ce fait vrai, comme je le crois, quelle peut en être la raison ? […] D’ailleurs, il ne faut pas croire qu’un mot latin ou grec, pour avoir été employé par un bon auteur, soit toujours dans le cas de pouvoir l’être. […] Il ne faut pas croire cependant qu’avec un dictionnaire tel que je viens de le tracer, on eût une connaissance bien entière d’aucune langue morte. […] Plusieurs mots d’une langue n’ont point de correspond ans dans une autre, plusieurs n’en ont qu’en apparence, et diffèrent, par des nuances plus ou moins sensibles, des équivalents qu’on croit leur donner.

946. (1913) Le bovarysme « Avertissement »

Pourtant, il s’applique à une matière à laquelle les hommes, plus qu’à aucune autre, se croient tenus d’imprimer eux-mêmes une forme : on y traite de l’évolution dans l’humanité, c’est-à-dire des modes du changement dans cette partie du spectacle phénoménal où le fait de la conscience semblé attribuer à l’être qui subit le changement, avec le pouvoir de le causer, le devoir de le diriger. Sous l’empire de cette illusion, la volonté humaine, prise dans le remous d’un tourbillon de causes et d’effets, croit ; qu’il est possible pourtant d’intervenir. […] On n’a pas cru qu’il fût possible de se soustraire entièrement à cette fatalité de nos habitudes mentales et il a paru suffisant d’avertir que le véritable but de cette étude est ailleurs, que l’on ne s’y est proposé d’autre objet que celui-ci : mettre entre les mains de quelques-uns un appareil d’optique mentale, une lorgnette de spectacle qui permette de s’intéresser au jeu du phénomène humain par la connaissance de quelques-unes des règles qui l’ordonnent.

947. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Les nièces de Mazarin et son dernier petit-neveu le duc de Nivernais. Les Nièces de Mazarin, études de mœurs et de caractères au xviie  siècle, par Amédée Renée, 2e éd. revue et augmentée de documents inédits. Paris, Firmin Didot, 1856. » pp. 376-411

Il n’est pas du tout exact de dire, je le crois, que la duchesse de Bouillon ait d’emblée loué la salle pour faire tomber la pièce. […] Cet homme, qu’on ne croyait qu’aimable, et auquel on imputait volontiers un vernis de frivolité, se trouva, quand il ne fut plus que le citoyen Mancini, un modèle aisé de courage, de philosophie tranquille et sereine, et sans jamais rien perdre de son aménité. […] Quant à la hauteur, je ne sais si ce ne serait pas plutôt un bien qu’un mal, et je croirais que ce serait une bonne attention à faire dans le choix des ministres que le roi enverra ici. […] À Londres, on estimait ou l’on faisait semblant de croire, par orgueil et insolence, que c’était une grande preuve d’habileté au ministère français d’avoir su obtenir une telle paix. […] Ne croyez pas que j’aille parler de La Fontaine, mais Nivernais est incomparablement au-dessous de Florian.

948. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

Je crois qu’il y a du sang ! […] Enfin, dans ses rêveries, n’a-t-il pas joui de l’air comme l’oiseau, des ondes comme un chasseur altéré, des fleurs comme un amant qui croit respirer encore les parfums dont sa maîtresse est environnée ? […] « Croient-ils connaître la terre, croient-ils avoir voyagé, ceux qui ne sont doués d’une imagination enthousiaste ? […] Ils crurent avoir arrêté la révolution à leur formule, mesurant sa dose de royauté au roi, sa dose de privilége à l’aristocratie, sa dose d’influence à l’église, sa dose de liberté à la nation. Madame de Staël le crut avec eux ; elle enfanta cette génération d’hommes d’État.

949. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

On serait vraiment porté à le croire, à l’audition des grosses injures qui commencent à se faire entendre. […] Ma première impression a été telle, et je crois généralement à ma première impression. […] Champfleury moins qu’à tout autre, l’injure de croire qu’il ne soupçonne pas ce que la nature a de poétique. […] Toutes ces discussions, si l’on en croit M.  […] Champfleury, qui se croit peut-être le Christophe Colomb du réalisme, n’en sera peut-être pas même l’Améric Vespuce.

950. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  second article  » pp. 342-358

On sait qu’Aristarque a quelquefois changé, qu’il a sans doute plutôt adouci ; qu’en cet endroit, par exemple, où Phœnix s’adressant à Achille dans l’espoir de le fléchir se reporte vers sa propre jeunesse et raconte comment lui-même il a failli un jour devenir parricide, le critique avait cru devoir retrancher cette parole terrible, pour ne pas faire tache à ce caractère vénérable qu’il craignait de voir profaner. […] je ne le crois guère. […] Mais non, ce n’est nullement un pur effet de l’illusion et de la perspective : les Anciens avaient bien, je le crois, grandeur réelle et supériorité absolue, au moins quelques-uns, les bons, les meilleurs, comme ils disaient, ceux-là auxquels les autres obéissaient et servaient. […] Les Anciens, dans toutes les carrières, croyaient à la gloire, à la belle gloire ; ils voulaient laisser d’eux mémoire louable et noble sillon sur la terre. […] Dès qu’on met la main à l’œuvre, il ne s’agit pas seulement de se croire littéral, il faut être lisible et plus on s’éloigne de la phrase ordinaire et de fa locution française consacrée, plus il serait besoin d’avoir en dédommagement les mille secrets d’un grand écrivain.

951. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Joséphin Soulary »

» Les mieux renseignés ajouteront : « C’est un poète de Lyon, un ciseleur de vers et le plus grand sonnettiste du siècle. » Voilà, je crois, sur M.  […] Pas si sûre qu’on le croirait, cependant. […] Est-ce que vraiment il croit avoir jamais aimé et cultivé autre chose ? […] Quels sont, croyez-vous, les interlocuteurs d’une Querelle de ménage ? […] Et n’allez pas croire que ce soit peu de chose !

952. (1842) Essai sur Adolphe

Il n’y a pas une page de ce roman, si toutefois c’est un roman, et pour ma part j’ai grand’peine à le croire, qui ne donne lieu à une sorte d’examen de conscience. […] Je ne veux pas le croire ; car, à ce compte, l’amour serait le plus cruel des supplices, la plus odieuse déception, et l’égoïsme habile et désintéressé serait la première des vertus, le plus raisonnable des devoirs. […] Dans la crédulité de son cœur, elle attendra de ce nouvel engagement la paix et la sécurité qui ont manqué au premier ; elle croira que les autres femmes, humiliées de son triomphe, se rallieront autour d’elle. […] À force de penser à Ellénore et de publier partout son admiration, Adolphe se convaincra, ou croira se convaincre de la réalité de son amour, et Ellénore tombera dans le même piège. […] Quand on est jeune, on croit à peine à la moitié de ces conseils ; à mesure qu’on vieillit, on s’aperçoit qu’il y en a beaucoup d’oubliés.

953. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVII. Forme définitive des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

Plusieurs croyaient qu’il ne mourrait jamais. Peut-être était-ce là une opinion tardive, produite vers la fin du premier siècle par l’âge avancé où Jean semble être parvenu, cet âge ayant donné occasion de croire que Dieu voulait le garder indéfiniment jusqu’au grand jour, afin de réaliser la parole de Jésus. […] Le monde n’a point fini, comme Jésus l’avait annoncé, comme ses disciples le croyaient. […] Tout est dans sa pensée concret et substantiel : Jésus est l’homme qui a cru le plus énergiquement à la réalité de l’idéal. […] Il est sûr que l’humanité morale et vertueuse aura sa revanche, qu’un jour le sentiment de l’honnête pauvre homme jugera le monde, et que ce jour-là la figure idéale de Jésus sera la confusion de l’homme frivole qui n’a pas cru à la vertu, de l’homme égoïste qui n’a pas su y atteindre.

/ 3799