On lui reproche cependant un peu de sécheresse, & ce nombre infini de récits consécutifs, qui ne donnant rien à la représentation, laissent sans occupation un des principaux sens, par l’organe duquel les hommes sont le plus facilement touchés, celui de la vue.
C’est dans ces limites, chères aux esprits d’élite et aux âmes modérées, qu’il circonscrit ses vues, et qu’il aime à tracer le cercle où il voudrait retenir le plus habituellement, ou faire rentrer le plus tôt possible, l’homme de lettres même de l’avenir.
Même argument que tout à l’heure : le sens primitif n’était pas seulement inexact ; il était aussi, et bien plutôt, incomplet ; une partie du texte n’avait tout d’abord éveillé aucune pensée ; la signification qu’elle contenait a succédé à la parole intérieure ou extérieure que suscitait la vue des caractères.
On tremble pour sa grâce native, quand on rapporte que, dans son enfance, elle voulut apprendre le latin sous le même maître que ses frères et l’on n’est rassuré qu’en lisant l’humble réflexion de sa sœur : « Elle ne faisait cela que dans des vues de piété et pour mieux comprendre les offices de l’Église », écrivait dernièrement cette sœur, avec l’accent du plus naïf des légendaires.
Ce rapprochement de Pindare avec Bossuet n’a été pour nous, on le voit, ni un paradoxe ni une prétention à des vues nouvelles, mais un cadre abrégé où se plaçaient d’eux-mêmes les principaux traits de la physionomie du poëte grec.
et que nous acceptons enfin cette égalité « que nous oublions si volontiers, mais dont la vue nous est si nécessaire pour nous rendre plus équitables et plus traitables » ? […] Ses vues, quand elles sont profondes, sont courtes, mais, quand elles sont plus longues ou plus larges, elles sont vagues. […] Mais il faut dire aussi que l’école à laquelle ils succèdent n’ayant guère été qu’une école descriptive, — très différente en son genre, mais la plus pauvre en idées qu’on eût assurément vue depuis celle de l’abbé Delille, — ils ne sont pas inexcusables de s’imaginer qu’ils inventent ce qu’ils ne font que retrouver. […] C’est ce que n’ignorent pas les dramaturges, qui disposeront volontiers toute une pièce en vue d’un dénouement, dont les exigences deviennent alors, par contrecoup, la mesure et la règle de ce qui est nécessaire et de ce qui ne l’est pas : voyez Ruy Blas ou Caligula. […] Il en est de l’art comme de la nature, que nous ne pouvons asservir à nos fins qu’en commençant nous-mêmes par entrer dans ses vues, et par feindre, pour ainsi parler, d’en être d’abord les dupes, si nous voulons en devenir les maîtres.
Cette tendance intérieure de la littérature à se rendre plutôt l’interprète des « idées communes » ou générales que des opinions particulières, et qu’on a déjà vue poindre chez quelques écrivains de l’âge précédent, ce sont nos précieuses qui l’ont développée, fortifiée et consolidée. […] C’est que, s’il n’est pas douteux qu’un borgne, un boiteux, un bossu soient des hommes, on pense, et on a raison, non pas précisément que la vue ou la représentation en sont affligeantes, mais qu’ils font eux-mêmes défaut, pour ainsi parler, à la définition de l’homme. […] Il a des vues d’homme d’État, et elles peuvent bien être « chimériques », mais le rapport en est étroit avec l’état de la France de son temps. […] Il y faut joindre le recueil de Dissertations et de Lettres, composées dans la vue de réunir les protestants d’Allemagne à l’Église catholique, publié pour la première fois en 1753 ; complété dans les éditions successives des Œuvres ; et, par M. […] Le Dictionnaire historique et critique. — La première intention du Dictionnaire [Cf. le projet de 1692] ; — et qu’elle était d’un pur érudit ; — n’ayant en vue que de dépister et de rectifier les erreurs des autres Dictionnaires. — Mais le projet se transforme en avançant ; — des rancunes s’y mêlent ; — et Bayle s’avise que « la découverte des erreurs n’est ni importante ni utile à la prospérité des États ». — Il contracte en outre, dans une étude plus approfondie des systèmes et de l’histoire, l’espèce de scepticisme que cette étude engendre ; — et, à cet égard, comparaison de Bayle et de Montaigne. — Mais il est encore plus frappé, — depuis que Descartes a passé par là, — des obstacles que les préjugés, la coutume, la tradition, — opposent aux progrès de la raison ; — et, insensiblement, d’une « chambre d’assurances de la république des lettres contre l’erreur » ; — le Dictionnaire devient l’arsenal du rationalisme.
Ici, quelques historiens de Pocquelin6 prétendent le perdre de vue ; il vécut ignoré, disent-ils, pendant plusieurs années : je le vois cependant, dès l’année 1645, se mêler à des jeunes gens qui s’amusaient à jouer la comédie, d’abord sur les fossés de Nesle, ensuite au quartier Saint-Paul ; je le vois donner à ses camarades d’assez bons conseils, pour que leur réunion obtienne le titre de l’Illustre Théâtre ; pour qu’on leur confie des nouveautés ; pour que, fiers de leurs succès, ils osent élever un théâtre en règle, dans le jeu de paume de la Croix-Rouge, et pour que le public coure en foule payer leurs plaisirs. […] Mademoiselle Dangeville prouvait aussi, dit-on, à toutes nos Marinettes, combien il y a loin d’une servante à une soubrette ; je ne l’ai pas vue sur la scène14, mais je sais que madame Bellecour, en l’imitant dans ce rôle, a mérité d’être appelée la servante de Molière. […] Voltaire, partageant cette erreur, a écrit dans une vie de Molière : « Cette petite pièce faite en province, prouve assez que son auteur n’avait en vue que le ridicule des provinciales ; mais il se trouva depuis que l’ouvrage pouvait convenir à la cour et à la ville. » Je demande si les ridicules qui, du temps de Molière, caractérisaient les femmes les plus célèbres de Paris, pouvaient avoir pris naissance dans la province ? […] — Refuseras-tu à l’acteur dont nous parlons le talent d’être sur la scène comme dans son appartement, de la remplir à lui tout seul, ou de se trouver toujours sous la main de ses interlocuteurs, de jouer autant pour eux que pour lui, et de ne perdre jamais de vue l’ensemble d’un ouvrage ?