M. de Lescure, après eux, s’est montré plus vif et plus chevaleresque encore dans sa Vraie Marie-Antoinette. […] N’ayant été nourri dans aucune religion monarchique, n’ayant pas, il est vrai, de religion politique contraire, je me borne à considérer la vie et le caractère de cette noble victime avec une attention respectueuse. […] Je ne crains pas de confier ma pensée à tous ceux qui ont réfléchi sur les principes de la vraie morale. […] Il lui dit tout d’abord qu’elle était mieux que son portrait, ce qui devait être vrai. […] Elle les dépeint toutes deux à leur arrivée de Piémont sous des traits non flattés, non enlaidis, et qui doivent être vrais.
Cela est assez vrai et le sera de plus en plus, j’espère ; pourtant, jusqu’ici, il y aurait lieu de soutenir, sans trop d’injustice, que cette fièvre de publicité, cette divulgation étourdissante, a eu surtout pour effet de fatiguer le talent, en l’exposant à l’aveugle curée des admirateurs, en le sollicitant à créer hors de saison, et qu’elle a multiplié, en les hâtant, l’essaim des médiocrités éphémères, tandis qu’on n’y a pas gagné toujours de découvrir et d’admirer sous leur aspect favorable certains génies méconnus. Le mal, au reste, n’est pas bien grand pour ces sortes de génies, s’ils savent de bonne heure, abjurant l’apparence, se placer au point de vue du vrai, et il conviendrait de les féliciter, plutôt que de les plaindre, de cette obscurité prolongée où ils demeurent. […] Tout dévoués au réel, à l’effectif, au vrai, ils ne sont pas privés pour cela d’une manière de beauté et de bonheur ; beauté nue, rigide, sentencieuse, expressive sans mobilité, assez pareille au front vénérable qui réunit les traits sereins du calme et les traits profonds des souffrances ; bonheur rudement gagné, composé d’élévation et d’abstinence, inviolable à l’opinion, inaccessible aux penchants, porté longtemps comme un fardeau, pratiqué assidûment comme un devoir, et tenant presque en entier dans l’origine à cette âpre et douloureuse circoncision du cœur, dont on reste blessé pour la vie. […] Sa science consiste désormais à discerner ce qui est proche et permanent, ce qui est facile et inévitable, à s’y ranger, à s’y retrancher comme à un centre vrai, juste, essentiel, et à l’indiquer au monde. […] L’auteur d’Oberman s’est de bonne heure fermé et fixé ; immobile devant l’ensemble des choses, les embrassant dans leur étendue sans jamais les entamer par leurs détails, incapable de s’ingénier, de s’orienter dans la cohue, exigeant avant tout, et pour user de ses moyens, qu’on l’isole et qu’on le pose, nature essentiellement méditative, il a surtout visé au juste et au vrai ; renonçant au point de vue habituel, il a dépouillé l’astre, pour le mieux observer, de ses rayons et de sa splendeur ; il s’est consacré avec une rigueur presque ascétique à la recherche du solide et du permanent.
J’ai entre les mains les lettres les plus vraies, les plus naïves, les plus modestes, dans lesquelles elle s’ouvrait à moi et de son cœur et de son talent. […] Cela est peut-être ridicule à vous dire, mais quand on se sent dans le vrai, on ne recule pas devant la crainte des fausses interprétations. […] Je vois à tout cela une bien déplorable conclusion, c’est que rien n’est vrai. […] Mon ami, vous rendrez compte de Lélia dans le National, n’est-il pas vrai ? […] En causant avec lui (quand vous en aurez l’occasion), il vous sera facile de savoir ce qu’il pense à mon égard et quelles sont ses vraies idées.
Toutes les grandes et vraies réactions ont leurs causes profondes. […] On a retrouvé alors, ou, au besoin, on a réinventé tout cela : il y a eu, dans la grande reconstruction, du vrai, du solide et de l’authentique ; il y est aussi entré bien du mensonger, de l’apocryphe et du postiche. […] Les vrais rapports de l’éditeur et de l’auteur sont rompus, et il semble trop souvent que c’est à qui des deux exploitera l’autre. […] On pourrait pousser longtemps cette suite de remarques ; mais, en réunissant des traits que je crois vrais de toute vérité, je ne prétends pas former un tableau. […] Le vrai y est sans cesse à côté et à la merci du faux ; à un très-petit nombre d’exceptions près, l’éloge s’y achète, l’insulte y court le trottoir, l’industrie y trône en souveraine.
Bailly, le grave Bailly, en son Éloge de Gresset (car Bailly a fait l’Éloge de Gresset, et il eut même pour concurrent Robespierre), a très-finement déduit comme quoi ce gracieux petit poème n’est qu’un transparent à travers lequel on devine les passions, les émotions chères au cœur, qui prennent ici le change pour éclore et s’amusent à ce qui leur est permis : Et dans le vrai c’était la moindre chose Que cette troupe étroitement enclose, A qui d’ailleurs tout autre oiseau manquait, Eût pour le moins un pauvre Perroquet. […] Gresset, n’en déplaise à l’enthousiasme trop continu de son panégyriste, n’a fait dans sa vie que deux choses qui se puissent relire avec un vrai plaisir, et qui s’attacheront toujours à son nom : il a fait Vert-Vert à son moment le plus vif, et le Méchant à son moment le plus mûr. […] Ceux de Gresset avaient pourtant de quoi plaire dans leur nouveauté : Jean-Baptiste Rousseau, qui les recevait à Bruxelles, ne se contenait pas de joie, et voyait déjà dans le nouveau-venu un rival et un vainqueur de Voltaire : « Je viens de relire votre divine Épître (celle à ma Muse), lui écrivait-il, et, si la première lecture a attiré mon admiration, je ne puis m’empêcher de vous dire que la seconde a excité mes transports. » Il est vrai que, dans l’épître en question, Gresset y parlait de Jean-Baptiste comme d’un Horace, et le proclamait ce Phénix lyrique. […] et est-il bien vrai alors qu’on en ait eu réellement auparavant, j’entends du vrai goût, du franc, du meilleur, de celui qui tient à la première nature ? […] Des deux parts le sentiment est aussi vrai ; il s’exprime chez Mme de Staël d’une manière plus piquante, et chez Cicéron plus à l’antique.
Et d’abord, si l’hypothèse de la nébuleuse est admise comme vraie, la formation du système solaire nous fournit une vérification de cette loi. […] Il fait remarquer d’ailleurs que s’il y a en réalité des causes complexes, là où nous en avons parlé comme de causes simples, il reste cependant vrai que ces causes sont bien moins complexes que leurs résultats. […] Rien n’étant vrai que dans certaines limites, le danger pour une idée juste, c’est d’être poussée à bout. […] On concevait si peu la loi naturelle et nécessaire du développement, que le mot si vrai de Mackintosh : « on ne fait pas les constitutions, elles se font », n’a causé d’abord que de la surprise. […] Quoiqu’il n’y paraisse guère, la recherche intrépide tend sans cesse à donner une base plus ferme à toute vraie religion.
Il y a du vrai dans cette vue sévère ; mais à qui la faute ? […] Les fils de famille dans l’embarras ont à leur service des valets aux jarrets d’arlequin et aux nez de sbire, vrais Chats Bottés domestiques, qui leur rapportent, comme dans les contes de fées, la bourse ou la cassette convoitée. […] La scène est vraie, elle est instructive. […] Une vraie pourvoyeuse le cultiverait soigneusement, au lieu de l’extirper à sa première dette. […] Augier n’a eu plus d’esprit, jamais il n’a eu tant de passion vraie, ressentie, sincère.
Ce portrait de Fontenelle par La Bruyère est pour nous une grande leçon : il nous montre comment un peintre habile, un critique pénétrant, peut se tromper en disant vrai, mais en ne disant pas tout, et en ne devinant pas assez que, dans cette bizarre et complexe organisation humaine, un défaut, un travers et un ridicule des plus caractérisés n’est jamais incompatible avec une qualité supérieure. […] Ce portrait de Fontenelle d’après Mme Geoffrin doit se joindre à un excellent jugement de Grimm (Correspondance, février 1757), lequel, tout sévère qu’il semble, porte en plein dans le vrai pour ce qui est du goût. […] On le vit pleurer de vraies larmes quand il le perdit. […] Tout cela est vrai, et pourtant il est un point par lequel Fontenelle va reprendre aussitôt sa revanche sur Pascal lui-même ; car, dans cette vue admirablement sentie et embrassée tant au physique qu’au moral, Pascal, à un endroit, a corrigé lui-même sa phrase, l’a rétractée et altérée pour faire tourner le soleil autour de la terre et non la terre autour du soleil. […] Il ne manquait autre chose à tant de beaux ouvrages, dit Fontenelle, sinon qu’il fût vrai que la dent était d’or.