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186. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VIII. De l’éloquence » pp. 563-585

De l’éloquence Dans les pays libres, la volonté des nations décidant de leur destinée politique, les hommes recherchent et acquièrent au plus haut degré les moyens d’influer sur cette volonté ; et le premier de tous, c’est l’éloquence. […] L’esprit serait moins faussé, l’éloquence ne serait point perdue, si l’on s’était contenté de commander, dans les délibérations comme à la guerre, par le simple signe de la volonté.

187. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VI. Les localisations cérébrales »

A cette objection, Gall répondait par une distinction très-juste et très-philosophique, par la distinction du désir et de la volonté. Il disait qu’il ne faut pas confondre les instincts avec la faculté de les gouverner, de les discipliner, de les diriger vers une fin donnée, que ce qui est lié à l’organisation ce sont les instincts, que ce qui appartient à l’âme c’est la volonté, que la volonté peut modifier les effets de l’organisme, que c’est là du reste une difficulté qui subsiste dans tous les systèmes, puisque dans tous les systèmes il faut bien accorder qu’il y a des instincts innés, quelquefois même de mauvais instincts.

188. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre premier : M. Laromiguière »

Et un peu plus loin : Ce qui constitue proprement la bonté morale, c’est la fin que se propose l’agent libre, à savoir, le bien de ses semblables, et quelquefois aussi d’autres motifs, comme celui de ne pas blesser la dignité de sa nature, de nous conformer à l’ordre, et surtout de nous soumettre à la volonté de notre Créateur. […] Il raillait les métaphysiciens amateurs de métaphores, pour qui « l’entendement est le miroir qui réfléchit les idées », et qui définissent la volonté « une force aveugle guidée par l’entendement, éclairée par l’intelligence. » Mais au même instant il joignait l’exemple au précepte, et disait dans ce style choisi dont ses maîtres lui avaient donné le modèle : L’homme est porté à tout animer, à tout personnifier, à mettre quelque chose d’humain jusque dans les objets qui ont le moins de rapport à sa nature. […] Le système des facultés de l’âme se compose de deux systèmes, le système des facultés de l’entendement, et le système des facultés de la volonté.

189. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion statique »

Chacun de nous peut faire l’expérience, s’il lui plaît : il verra la superstition jaillir, sous ses yeux, de la volonté de succès. […] Pourquoi donc introduit-il une « cause mystique », telle que la volonté d’un esprit ou d’un sorcier, pour l’ériger en cause principale ? […] De ce raisonnement très logique nous saisissons d’ailleurs l’origine pratique quand nous voyons le joueur esquisser un mouvement de la main pour arrêter la bille : c’est sa volonté de succès, c’est la résistance à cette volonté qu’il va objectiver dans la veine ou la déveine pour se trouver devant une puissance alliée ou ennemie, et pour donner au jeu tout son intérêt. […] Elle était réelle, mais d’une réalité qui n’était pas sans dépendre de la volonté humaine. […] Mais ce qui lie les uns aux autres les membres d’une société déterminée, c’est la tradition, le besoin, la volonté de défendre ce groupe contre d’autres groupes, et de le mettre au-dessus de tout.

190. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

. — Cependant, le 28 juin 1857, Wagner écrit à Liszt qu’il a définitivement abandonné son projet de continuer et de finir le Ring. « J’ai conduit mon jeune Siegfried dans la solitude de la forêt ; je l’ai laissé là sous le tilleul… peut-être ce sommeil lui fera-t-il du bien ; quant à son réveil je ne puis rien prévoir… tout dépend de dispositions d’esprit indépendantes de ma volonté[…] Mais, je ne peux considérer comme tels, ceux qui prétendent m’aimer comme artiste, et croient devoir me refuser leur sympathie comme homme (IV, 288). » Et, autre part : « Je demande à ceux qui doivent me comprendre, seulement de me voir tel que je suis en réalité et non autrement, et de ne reconnaître dans mes communications artistiques comme essentiel que ce qui leur est révélé de moi suivant ma volonté et mon moyen de m’exprimer. » En prenant l’expression « ennemis de Wagner au sens wagnérien du mot, c’est-à-dire en l’appliquant à ceux qui ne le comprennent ni ne l’aiment comme il voulait l’être, on peut dire que la majorité du parti wagnérien français est ennemie de Wagner. […] Ayant reçu des éditeurs qui aujourd’hui en sont les propriétaires, l’autorisation de jouer en France les œuvres de Wagner, et cela malgré la volonté expresse du maître, il s’est mis à la besogne. […] Si nous n’en voulons pas, si nous trouvons que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes, ne nous passionnons donc pas tant pour un homme dont le mérite se réduit à avoir fait de la musique qui chatouille agréablement les oreilles ; et que ceux dont les oreilles sont rebelles à cette musique sachent que tout ce bruit qu’on fait dans les concerts et dans les théâtres, se fait contre la volonté expresse du maître, et qu’au moins elles ne lui en portent donc pas rancune ! […] L’art que voulait Wagner ne pourrait vivre entièrement, pleinement que « par la volonté de tous les artistes réunis », et par la volonté du public qui se joindrait à celle des artistes, c’est ce que très peu comprennent, tant parmi les artistes que parmi le public.

191. (1923) Les dates et les œuvres. Symbolisme et poésie scientifique

L’Histoire littéraire en France, et de la Poésie particulièrement, doit être admirée par surcroît, de se présenter conservatrice de toute intense volonté. […] des volontés créatrices, les réalisations, comme, d’un occulte travail, amassant et transmuant les matériaux ma pensée s’élargit et multiplia depuis ce premier livre ! […] Symboliste, il ne le sera que durant ces poèmes de la trilogie où il s’évertue à un « dilettantisme de courage et de volonté » tentant de dompter son tempérament romantique. […] J’avais d’ailleurs commis une erreur en détournant Gaston Dubedat de consacrer les « Ecrits » à mes seules volontés d’art. […] Nous comprenons qu’il se produisit tout naturellement, de Mallarmé non encore en possession d’une volonté soutenante, vers Baudelaire aux puissances tant concentrées, un transport passionné !

192. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

De plus, cette éducation a été absolument sans tendresse ; elle n’a pu développer en lui que l’orgueil et la force de la volonté. […] Il faut certainement un don spécial, une volonté, une confiance peu communes pour agir directement sur ces masses obscures. […] Aussi tous les grands hommes de guerre ont-ils eu besoin de croire à leur étoile, c’est-à-dire à une volonté divine, plus forte que tout, et qui leur donnait la victoire. […] Ce qui fait la grandeur d’un général en chef, outre l’intelligence calculatrice et organisatrice qu’il doit posséder à un degré remarquable, c’est qu’il doit agir, et dans les conditions les plus terribles, les plus propres à paralyser la volonté.

193. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IX. La littérature et le droit » pp. 231-249

On en revient aux annexions de territoires, fondées non plus sur la volonté des habitants, mais sur le succès des armes ; et pour défendre cet abandon des principes modernes, ce retour aux brutalités des âges barbares, on s’appuie sur la science mal comprise. […] Combien de fois Taine n’a-t-il pas écrit que la forme sociale dans laquelle un peuple peut entrer et durer ne dépend pas de sa volonté, mais lui est imposée par son caractère et son passé. […] Est-ce Taine ou un théoricien du marxisme (on pourrait aisément s’y tromper) qui a dit que la volonté est serve, et non maîtresse des faits ; que les concepts de justice, d’égalité, de liberté sont de la mauvaise métaphysique ? […] Encore aujourd’hui, moitié par la mauvaise volonté persistante des dépositaires de l’autorité, moitié par la faute des auditeurs qui savent mal écouter et supporter la contradiction, on peut dire que la parole libre est à peine entrée dans les mœurs françaises et, au moindre frisson de réaction, elle est aussitôt suspendue ou menacée.

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