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12. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre III : M. Maine de Biran »

Dans la volonté. […] Vous voyez que pour lui la volonté est un être persistant et distinct. […] Je ne pouvais m’habituer à considérer la volonté comme un être réel et solide. […] Le moi n’est point la volonté, non plus que la volition. […] L’action de la volonté ne porte point sur le muscle, mais sur le cerveau ; l’objet de la volonté n’est point le mouvement du muscle, mais la sensation musculaire.

13. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre V. L’antinomie esthétique » pp. 109-129

L’esprit classique représente ainsi, à certains égards, une volonté d’unité esthétique, sociale et morale, une volonté d’obéissance à l’ordre établi, d’adaptation et de subordination de l’individu au milieu. […] Le sentiment et la volonté de différenciation se convertit aisément en principe de révolte antisociale. […] Voir aussi Nietzsche : Par-delà le Bien et le Mal et surtout la partie de La Volonté de puissance où Nietzsche expose sa physiologie de l’art. […] Ici, comme l’indique le nom même de l’art (Kunst), ce qui compte, c’est le pouvoir. » La bonne volonté, la volonté morale, c’est la volonté se conformant à la loi, à la discipline commune. On comprend qu’en art cette volonté de conformisme soit sans valeur.

14. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Th. Ribot. La Philosophie de Schopenhauer » pp. 281-296

Ermite là, espèce de Timon enragé dans la carapace d’obscurité qui l’écrasait, il publia, en 1836, un nouveau livre, qui tomba à pic dans l’oubli avec la précision des premiers : La volonté dans la nature. — Il n’en démordait pas, de la volonté ! […] Sa grande découverte, sa Thèbes aux cent portes, comme il l’appelle, fut que « tout, dans le monde, se réduit à la volonté ». La séparation de la volonté et de l’intelligence était, selon lui, pour la philosophie, ce qu’avait été pour la chimie la séparation de l’eau en deux éléments. […] Seulement, après avoir tout ramené de ce qui est au principe de la volonté, il ajoutait qu’il ne savait pas ce qu’est la volonté en soi, et de cette déclaration il niait carrément la cause efficiente et la cause finale du monde, c’est-à-dire la métaphysique elle-même ; et il n’en était pas moins fier pour cela ! […] L’homme comprend que la réalité est une illusion, la vie une douleur ; que le mieux pour la volonté est de se nier elle-même, car du même coup tombent l’effort et la souffrance qui en est inséparable.

15. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre septième. Les sentiments attachés aux idées. Leurs rapports avec l’appétition et la motion »

Le plaisir causé par un mets savoureux est sensitif ; le plaisir causé par une pensée, par un raisonnement, par la compréhension d’un rapport de cause à effet, de moyen à fin, de tout à parties, est intellectuel ; les plaisirs causés par l’exercice de l’activité volontaire et motrice, par exemple le plaisir de vouloir, le plaisir de résister à la volonté d’autrui ou, au contraire, de coopérer à cette volonté, le plaisir de mouvoir ses muscles, ses membres, etc., sont des plaisirs volitifs. […] De là cette soif de certitude, cette difficulté, cette impossibilité même de consentir au doute, suspension partielle de la vie intellective, mort partielle de la pensée et, par cela même, de la volonté. […] C’est grâce à l’intelligence que nous pouvons, en exerçant notre volonté, éprouver des sentiments intéressés ou désintéressés, égoïstes ou altruistes. […] La volonté, grâce à l’intelligence, prend donc nécessairement deux formes et deux directions : l’une de concentration sur le moi, l’autre d’expansion vers le non-moi, l’une qui est l’intérêt proprement dit, l’autre qui est le désintéressement. […] La substitution du toi au moi devient alors possible, puisque toute idée, comme telle, est, déjà une forme d’activité et de volonté en même temps que d’intelligence.

16. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Introduction »

— La vie, ou plus généralement l’action, qui elle-même ne se comprend que comme désir et volonté. […] Sa théorie des idées demeure encore un pur idéalisme à la manière de Platon et de Kant, sans connexion visible avec sa philosophie de la volonté. Il oppose violemment la « représentation » intellectuelle à la « volonté » aveugle et inintelligente sans en montrer le lien ; il déclare même ce lien absolument « inexplicable ». Nous croyons, au contraire, que l’explication des formes de la pensée tient, en grande partie, aux fonctions de la volonté et aux nécessités de la vie. Sous le dualisme de la volonté et de l’intelligence, auquel s’est arrêté Schopenhauer, il faut chercher l’unité.

17. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Introduction. Le problème des idées-forces comme fondamental en psychologie. »

Au point de vue de la volonté, il existe aussi une préférence implicite, qui n’enveloppe pas de comparaison. […] Nous trouvons que la douleur est une véritable explication et de la volonté d’écarter la douleur et de l’aide apportée à la volonté par l’intelligence. […] Mais la sensibilité et la volonté, elles, vont plus loin. […] C’est donc bien le réflexe qui est de la volonté rendue automatique et descendue dans la moelle : ce n’est pas la volonté qui est du mécanisme devenu intelligent par miracle. […] Son problème essentiel est : — Y a-t-il en nous une volonté ?

18. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « VI »

On sait qu’à force de volonté et de travail Taine changea sa manière d’écrire et réussit à se faire un style coloré et plastique. […] Ce désir d’art entrevu, cette formation en perspective, c’est la volonté, c’est le labeur qui les déterminent. […] Nous n’avons jamais prétendu qu’on peut se créer une faculté par un simple acte de volonté. Ce que nous prétendons, c’est que c’est la volonté qui développe, forme et exerce cette faculté. […] Il n’admet pas que Taine soit arrivé à modifier son style par la volonté, le travail et la « virtuosité ».

19. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre quatrième. Les émotions proprement dites. L’appétit comme origine des émotions et de leurs signes expressifs. »

Est-ce le mouvement de la pensée qui explique celui de la volonté et de l’appétit, conséquemment l’émotion ? Ou, au contraire, est-ce ici encore la volonté qui est le ressort primordial ? […] Si la volonté peut consentir au plaisir, elle ne peut consentir à la peine : elle se défend, elle lutte. […] C’est qu’il existe une antithèse fondamentale entre le plaisir et la douleur, entre l’acceptation par la volonté et la répulsion par la volonté. […] Un missionnaire de la Nouvelle-Zélande affirme que les femmes peuvent y répandre à volonté des larmes abondantes.

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