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22. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre I. Le broyeur de lin  (1876) »

Il se forma naturellement une petite ville autour de l’évêché ; mais la ville laïque, n’ayant pas d’autre raison d’être que l’église, ne se développa guère. […] Les environs de la ville présentaient le même caractère religieux et idéal. […] C’était l’endroit le plus vivant de la petite ville. […] Cette petite noblesse de race avait disparu en grande partie ; les autres étaient venus se fixer à la ville depuis longtemps. […] Les nobles des villes se moquaient de lui, mais bien à tort : il connaissait le pays ; il en était l’âme et l’incarnation.

23. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin »

Par exemple, à Aïn-Mahdy, la ville sainte, il s’abstiendra d’entrer dans la mosquée. […] Il aime, dit-il, en arrivant dans une ville arabe, à choisir, pour bien voir, le point de vue le plus élevé, le pied d’une tour, ce qu’on appellerait en Grèce l’acropole ; et là, montant dès le matin, il passe en contemplation et en rêverie des heures entières. […] La nuit vient ici comme un évanouissement. » Mais enfin il atteint le but, il est à El-Aghouat, la ville du désert. […] C’est là, à El-Aghouat, dans cette ville conquise de la veille et tout récemment française, qu’il va passer plusieurs semaines à peindre, à regarder, à s’imbiber de lumière et de soleil ; c’est de là qu’il fera une pointe de quelques jours jusqu’à Aïn-Mahdy à l’Ouest, une ville sainte, célèbre par le siège qu’elle soutint contre Abdel-Kader et par une lutte fratricide qui n’est pas à l’honneur de ce dernier. […] Le paysage change d’aspect et, de rose qu’il était, devient fauve ; la ville elle-même devient plus grise à mesure que le soleil s’élève ; des exhalaisons chaudes semblent monter des sables.

24. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VIII. »

C’est une petite joie pour elle qu’un de ses citoyens soit athlète vainqueur aux rivages de Pise, car cela n’enrichit pas le trésor de la ville ». […] Après Xénophane, Parménide, son disciple dans la ville d’Élée, sur la côte grecque d’Italie, n’était pas bon poëte, nous dit Cicéron, du moins pour la forme et le tour des vers. […] Pythagore, dont il n’est demeuré qu’une tradition et un souvenir, partagea l’empire des esprits avec ces chants homériques répétés des côtes d’Asie dans toutes les villes de l’ancienne Grèce. […] Jeté en effet parmi ces villes de Sicile que la fertilité du territoire, le commerce, la liberté, livraient à toutes les corruptions du luxe, il en fut l’habile réformateur. […] Là où j’arrive dans une ville peuplée, je suis vénéré des hommes et des femmes.

25. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVe entretien. Littérature grecque. L’Iliade et l’Odyssée d’Homère » pp. 31-64

Il se transporta donc de Magnésie dans une autre ville neuve et peu éloignée de Magnésie, où cette vallée, déjà trop peuplée, jetait ses essaims. Cette ville s’appelait Cymé. […] Après la mort de Phémius et de Crithéis, sa mère, Homère erra par le monde, enseignant de ville en ville les petits enfants. […] La tombe d’Homère consacra cette île, jusque-là obscure, plus que n’aurait fait son berceau, que sept villes se disputent encore. […] On montre seulement dans l’île de Chio, près de la ville, un banc de pierre semblable à un cirque, et ombragé par un platane qui s’est renouvelé, depuis trois mille ans, par ses rejetons, qu’on appelle l’École d’Homère.

26. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

À la nouvelle de l’approche des Français, la Junte de Navarre, assemblée à Pampelune, s’empresse d’envoyer offrir les clefs de la ville ; mais le maréchal de Bellefonds qui, sur la fin de sa carrière militaire, n’en faisait jamais plus qu’il ne fallait, n’avait pas ordre d’ailleurs de pousser sa visite jusque-là ; on se contenta d’occuper l’abbaye de Roncevaux et d’y souper. […] Ces ménagements lui réussirent au point que les villes, les bourgs et les cantons se convertissaient en corps et demandaient à démolir de leurs propres mains des temples que leurs pères avaient bâtis. […] Croira qui voudra qu’il a tenu la main, comme il en prenait l’engagement, à ce qu’il n’y eut aucune violence : « Le 18 avril 1685, j’ai demandé à M. de Louvois des ordres en blanc pour faire loger une ou plusieurs compagnies dans les villes remplies de religionnaires, étant certain que la seule approche des troupes produira un grand nombre de conversions ; que je tiendrai si bien la main à ce que les soldats ne fassent aucune violence, que je me rendrai responsable des plaintes qu’il en pourrait recevoir. […] M. de Louvois m’ayant envoyé plusieurs ordres en blanc, il s’est converti six cents personnes dans cinq villes ou bourgs, sur le simple avis que les compagnies étaient en marche. » Tous les articles qui suivent dans le Journal seraient à citer comme aveu naïf des inventions, ruses, douces contraintes, moyens de toutes sortes employés ; l’effroi, l’intérêt, les pensions, — même les livres de Bossuet et de l’abbé Fleury. […] Le Béarnais a l’esprit léger, et l’on peut dire qu’avec la même ; facilité, que la reine Jeanne les avait pervertis, ils sont revenus à la religion, de leurs pères. » Il y a des assemblées de gentilshommes, des villes entières qui demandent le temps de la réflexion, un répit d’une quinzaine, d’une huitaine de jours ; Foucault le leur refuse et les fait capituler à heure dite, montre en main : « La ville d’Orthez a été la dernière à se convertir.

27. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

Cette gloire dramatique d’Athènes, suscitée du milieu de sa gloire guerrière et libératrice, était si bien le propre domaine de la cité de Minerve que, parmi les citoyens des autres villes de la Grèce, nul, pendant plus d’un siècle, ne s’avisa d’y prétendre. […] Visant d’abord Agrigente, je ferai d’une âme sincère le serment que, depuis cent années, cette ville n’a pas vu homme d’un cœur plus bienfaisant et d’une main plus libérale que Théron. […] Grâce à la poésie et à la gloire, Pindare n’était pas compris dans cet anathème de sa ville natale. […] « Et c’est la ville dont mon fils a si grand désir de faire la conquête ? […] maintenant, de ces Perses à la tête altière, aux bataillons nombreux, tu as détruit l’armée : tu as couvert des ténèbres du deuil la ville de Suse et celle d’Ecbatane.

28. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pioch, Georges (1874-1953) »

. — Instants de ville (1898). […] Georges Pioch a voulu célébrer en ces Instants de ville ; ce sont, au contraire, les visions austères et tristes de la ville du peuple de l’ouvrier — et c’est avec des traits ordinairement exacts et souvent profonds que le poète évoque les aspects et les états des milieux ouvriers : tantôt c’est la rue, tandis que Le matin, morne et clair, sonne comme une enclume. […] Georges Pioch ne satisfait pas entièrement en son nouveau livre : Instants de ville, c’est qu’il n’a pas toujours évité avec assez de soin le fait divers, y joignît-il des considérations morales qui l’élèvent tout au plus au rang de chronique.

29. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre IV »

. — Dernier affluent, l’embauchement demi-forcé, demi-volontaire, qui le plus souvent ne verse dans les cadres que l’écume des grandes villes, aventuriers, apprentis renvoyés, fils de famille chassés, gens sans asile et sans aveu. […] L’ouvrier tailleur est aigri contre le maître tailleur qui l’empêche d’aller en journée chez les bourgeois, les garçons perruquiers contre le maître perruquier qui ne leur permet pas de coiffer en ville, le pâtissier contre le boulanger qui l’empêche de cuire les pâtés des ménagères, le villageois fileur contre les filateurs de la ville qui voudraient briser son métier, les vignerons de campagne contre le bourgeois qui, dans un rayon de sept lieues, voudrait faire arracher leurs vignes792, le village contre le village voisin dont le dégrèvement l’a grevé, le paysan haut taxé contre le paysan taxé bas, la moitié de la paroisse contre ses collecteurs, qui à son détriment ont favorisé l’autre moitié. « La nation, disait tristement Turgot793, est une société composée de différents ordres mal unis, et d’un peuple dont les membres n’ont entre eux que très peu de liens, et où, par conséquent, personne n’est occupé que de son intérêt particulier. […] Les villes, les villages n’ont pas plus de rapport entre eux que les arrondissements auxquels ils sont attribués ; ils ne peuvent même s’entendre entre eux pour mener les travaux publics qui leur sont nécessaires. » Depuis cent cinquante ans, le pouvoir central a divisé pour régner. […] Pour celles qui ont été averties, les avocats, procureurs et notaires des petites villes voisines ont fait leurs doléances de leur chef, sans assembler la communauté… Sur un seul brouillon, ils faisaient pour toutes des copies pareilles qu’ils vendaient bien cher, aux conseils de chaque paroisse de campagne. » — Symptôme alarmant et qui marque d’avance la voie que va suivre la Révolution : l’homme du peuple est endoctriné par l’avocat, l’homme à pique se laisse mener par l’homme à phrases. […] Par exemple, près de Liancourt, le duc de la Rochefoucauld avait un terrain inculte ; « dès le commencement de la Révolution800, les pauvres de la ville déclarent que, puisqu’ils font partie de la nation, les terrains incultes, propriété de la nation, leur appartiennent », et tout de suite, « sans autre formalité », ils entrent en possession, se partagent le sol, plantent des haies et défrichent. « Ceci, dit Arthur Young, montre l’esprit général… Poussées un peu loin, les conséquences ne seraient pas petites pour la propriété dans ce royaume. » Déjà, l’année précédente, auprès de Rouen, les maraudeurs, qui abattaient et vendaient les forêts, disaient que « le peuple a le droit de prendre tout ce qui est nécessaire à ses besoins »  On leur a prêché qu’ils sont souverains, et ils agissent en souverains.

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