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712. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

Tel est ce morceau sur l’empoisonnement des Borgia : « Le poison agit sur le vieux pape avec la violence de la flamme ; il tomba presque foudroyé. […] La pleine lumière du jour les enveloppe ; la force du soleil fait sortir, de leurs vieux membres, une senteur d’aromates. […] Quoique enrichi et propriétaire, le campagnard est toujours le fils de ce vieux corvéable. […] Désormais il faut laisser aux écoles de rhétorique les vieilles thèses de Descartes et de Leibniz, plus d’échelons souterrains, le monde mental va rejoindre le monde physiologique. […] Il entendait les divers dialectes espagnols et déchiffrait les vieilles chartes catalanes.

713. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

Les Premières Œuvres de Flaubert, c’est son vieux Pourana romantique. […] » Empereur, vieille démangeaison ! […] Il a semblé d’abord que Mallarmé, le symbolisme, ce fussent des vieilles lunes du temps des robes longues. […] J’entends d’ici la vieille objection. […] Si vous voulez, maladies des vieilles littératures, mais maladies qui ne risquent pas d’être contagieuses.

714. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIIe entretien. Balzac et ses œuvres (3e partie) » pp. 433-527

Peut-être pourrait-elle se décrire si l’on inventait un procédé pour évaluer les quantités élémentaires et nauséabondes qu’y jettent les atmosphères catarrhales et sui generis de chaque pensionnaire, jeune ou vieux. […] Pour expliquer combien ce mobilier est vieux, crevassé, pourri, tremblant, rongé, manchot, borgne, invalide, expirant, il faudrait en faire une description qui retarderait trop l’intérêt de cette histoire, et que les gens pressés ne pardonneraient pas. […] Son jupon de laine tricotée, qui dépasse sa première jupe faite avec une vieille robe, et dont la ouate s’échappe par les fentes de l’étoffe lézardée, résume le salon, la salle à manger, le jardinet, annonce la cuisine et fait pressentir les pensionnaires. […] Le troisième étage se composait de quatre chambres, dont deux étaient louées, l’une par une vieille fille nommée mademoiselle Michonneau ; l’autre, par un ancien fabricant de vermicelles, de pâtes d’Italie et d’amidon, qui se laissait nommer le père Goriot. […] Trompé par le silence de mes parents, je les attendais en m’exaltant le cœur, je les annonçais à mes camarades ; et quand, à l’arrivée des familles, le pas du vieux portier qui appelait les écoliers retentissait dans les cours, j’éprouvais alors des palpitations maladives.

715. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

Car il y a chez lui un fonds de candeur intacte, une âme « vieille France », des restes sérieux de bons principes, d’éducation religieuse et provinciale, un penchant aux attendrissements honnêtes, et qui ne craint même pas un rien de banalité, tant il est certain de sauver tout par la grâce. […] Vieux mot ! […] Puis, sur le conseil d’un vieux caissier philosophe, il « file » à l’étranger, — avec la ferme résolution, d’ailleurs, de se refaire et de restituer un jour ou l’autre. […] Et le plus vieux conseiller chante la dernière strophe : « Oui, ce fut un héros ! […] Presque tous nos grands écrivains ont été bourgeois ; bourgeois, la plupart des premiers rôles de la Révolution ; bourgeois, Auguste Comte, Proudhon, Fourier, Leroux, et les vieux de 48.

716. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

Maugis ne diffère en rien du pur traître des vieux romans de chevalerie ou de ceux de l’éternel mélodrame. […] On voit par combien de points vifs devaient se toucher d’abord le jeune secrétaire et le vieux maître. […] Taylor, par les descriptions de provinces auxquelles il prit une part effective au moins au début, il poussait à l’intelligence du gothique, au respect des monuments de la vieille France. Ses préfaces spirituelles, qu’en toute circonstance il ne haïssait pas de redoubler, harcelaient les classiques, et, en vrai père de Trilby, il sut piquer plus d’un de ses vieux amis sans amertume. […] Depuis sa mort, on a fait un tout petit volume d’une dernière nouvelle de lui, intitulée Franciscus Columna, où il se retrouve tout entier sous sa double forme ; c’est un coin de roman logé dans un cadre de bibliographie, une fleur toute fraîche conservée entre les feuillets d’un vieux livre.

717. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

Laissant là ta morale, Tu peux, comme au vieux temps, chanter la pastorale, Les roses, le sainfoin, le pasteur Corydon, La belle Amaryllis et son mol abandon, Le miel de l’Age d’or, les jeux dans les prairies Tous nos hommes d’Etat aiment les bergeries Rien de tel pour calmer les noires passions Et nous donner l’horreur des révolutions. […] Peu lui importait, j’imagine, qu’un terme fût jeune ou vieux, pourvu qu’il arrivât à son adresse. […] Victor Hugo se vantait quand il disait : J’ai mis un bonnet rouge au vieux dictionnaire. […] On trouve étrange qu’applaudir et aplanir, malgré leur formation identique, s’écrivent de façon différente ; que poids, venant de pensum et non de pondus, reste agrémenté d’un d superflu, n’ayant d’autre raison d’être que de perpétuer une vieille erreur d’étymologie. […] Aussi comptez ceux qui depuis Béranger et Victor Hugo, jusqu’à Lamartine, Quinet, Barbier, ont chanté, en l’exaltant ou en le maudissant, l’homme à la redingote grise, le vaincu de Waterloo, sa vieille garde et ses grenadiers épiques.

718. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

Des livres, aussi vieux que les fondements de l’Himalaya, nous parlent de l’homme, de ses sens, de ses formes, de sa stature, de son état physique et moral. […] Il faut n’avoir lu sérieusement ni une page des annales des siècles, ni une page de son propre cœur, pour se complaire à ce songe doré de vieux enfants. […] Le sort est le sort, l’arrêt est porté, le monde est vieux ; on a rêvé avant vous : ces sophistes de la félicité croissante ont protesté depuis des milliers de siècles, ils n’ont pas fait révoquer une syllabe de la destinée. […] J’attendis que le vieux berger qui ramène les moutons à l’étable pendant les heures brûlantes repassât avec son troupeau sur la lisière du bois, pour lui faire emporter le chevreuil à la maison. […] L’âme ne peut ni tuer ni être tuée : de même que l’homme rejette ses vieux vêtements, en revêt de neufs, de même l’âme, ayant dépouillé sa vieille forme, en prend une nouvelle.

719. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIIe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset » pp. 409-488

J’ai mis mon bonheur dans moi-même pour qu’il ne dépendît que de ma raison : jeune, j’ai évité la dissipation, persuadé qu’un peu de bien était nécessaire aux commodités d’une vie avancée ; vieux, j’ai cessé d’être économe, pensant que la nécessité est peu à craindre quand on a peu de temps à en souffrir. […] Mes mains tombèrent par hasard sur ces cinq volumes poudreux de Saint-Évremond, dans une vieille bibliothèque de famille, chez un de mes oncles, curieux de reliques d’esprit. […] J’en ai conservé la saveur que laissent aux doigts des roses séchées retrouvées sur la pierre d’un vieux sépulcre : vers, prose, correspondance, épanchement du cœur, enjouement d’esprit, fines railleries, plaisanteries d’autant plus rieuses qu’elles sont plus inoffensives, voilà le patrimoine héréditaire de cet ancêtre de Voltaire et d’Alfred de Musset. […] Les vieux poètes allemands s’en sont emparés et lui ont donné un degré de dépravation de plus. […] Tu pourrais le lire dans Cicéron, si tu n’aimais mieux lire la ballade à la Lune ou les facéties de tes pamphlétaires que le Songe de Scipion ; toute la jeunesse romaine, après les longues guerres civiles, séduite par l’éclat des armes et par les robes flottantes de César, d’Antoine, de Dolabella, fut prise d’un épicuréisme insolent, d’une insouciance pour les lettres, et d’un mépris pour les choses cultivées et honorées jusque-là, qui devaient précipiter vite la ruine morale de l’Italie ; il ne resta du parti des patriciens de la vieille liberté et de la vieille austérité romaines, que des têtes chauves abandonnées par les idolâtres de la gloire militaire et raillées par les poètes lascifs du plaisir et de la jeunesse, tels que le lâche Horace qui avait jeté son bouclier.

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