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27. (1892) Boileau « Chapitre VI. La critique de Boileau (Fin). La querelle des anciens et des modernes » pp. 156-181

Le même naturalisme, et la condition de chercher un objet d’imitation universel et permanent, nous font comprendre pourquoi le xviie  siècle n’a pas eu de poésie lyrique — ou si peu — et pas d’histoire. […] Je n’ai qu’à comparer ma connaissance avec les ouvrages des anciens, pour dégager la nature universelle qui est l’objet de l’art. […] L’expérience individuelle et le consentement universel, voilà tout ce dont Boileau a besoin, une fois posée l’identité du vrai et du beau, pour donner des lois à la poésie. […] La réduction de la beauté et de l’idéal littéraire à la vérité et à la nature, et du plaisir à la raison, c’est-à-dire au général, le sentiment de l’inaltérable identité de l’esprit humain correspondant à la confiance du savant en sa raison, la condition d’universalité objective et formelle imposée à la poésie, correspondant au principe de la permanence des lois de la nature, l’indépendance de la raison universelle maintenue sous l’autorité du consentement universel, la notion enfin de la vraisemblance, équivalent littéraire de l’évidence mathématique : tout cela est bien conforme à l’esprit de Descartes, et l’Art poétique fait l’effet de n’être qu’une transposition des idées cartésiennes. […] Il fit parler spirituellement et même raisonnablement son abbé sur la technique des beaux-arts ; il y distingua des beautés universelles et des beautés relatives ; il fit voir que les formes, le style et le goût sont choses infiniment variables, qui enveloppent et déguisent certaines conditions générales et permanentes.

28. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Tous les grands hommes de cette époque se sont comme distribué le domaine de la vérité universelle ; ils en font valoir toutes les parties. […] La première de ces vérités est le fameux axiome : « Je pense, donc je suis. » C’est la première vérité que rencontre Descartes, au sortir de son doute universel. […] Ce n’est ni la sienne, ni la mienne, ni la vôtre, avec les différences qu’elle reçoit du caractère de chacun, du pays, du temps, mais la raison universelle, impersonnelle et absolue. […] C’est donc l’homme, dans ce qui lui est commun avec tous les autres hommes, avec Pascal tout le premier, dans ce qui est conforme à la nature immuable et universelle, la raison. […] Descartes est une idée, dans ce sens qu’il recherche la vérité universelle, l’idée pure, avec la seule faculté universelle qui soit en nous, la seule qui ne dépende pas de l’individu, la raison.

29. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre II. La jeunesse de Voltaire, (1694-1755) »

Du moment qu’il entamait une Histoire universelle, Voltaire rencontrait devant lui le fameux discours de Bossuet. […] Cette thèse, qu’il dégageait de ses études sur l’Histoire universelle, modifia profondément le Siècle de Louis XIV. […] Après avoir achevé son Siècle de Louis XIV, Voltaire avait repris ses esquisses d’histoire universelle, et poussé vigoureusement son travail pendant l’année 1752. En 1753 et 1754 parurent les trois volumes de l’Abrégé de l’Histoire universelle. […] Il faut pourtant rendre justice à cet essai d’Histoire universelle.

30. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — La solidarité des élites »

Je ne parlerai ici que de la faim spirituelle, dont les revendications plus récentes créeront peut-être une solution plus large et plus universelle d’un débat qui s’éternise. […] Walt Whitman, enfin, nous a donné l’exemple du plus total épanouissement dans la chair et l’universelle vie.‌ […] La justice scellant enfin son plus intime accord avec la réalité, ou plutôt, la réalité s’élargissant jusqu’à faire entrer dans le cercle d’universelle beauté, jadis étroit et arbitraire, les plus humbles, les plus journalières fleurs de notre existence et de celle du monde ! […] Il n’y a aucun orgueil dans ce sentiment ; il y a la joie profondément vitale de se sentir infiniment lié à l’universel courant, de sentir vivre en soi un million de vies, de rayonner dans la lumière, de tous. […] -C, Chaigneau, quoique d’âge mur, dirige une revue d’avant-garde, l’Humanité intégrale, où il prêche la plus universelle extension de la solidarité, même par-delà la mort.

31. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre sixième. Genèse et action des idées de réalité en soi, d’absolu, d’infini et de perfection »

Idée de vérité absolue et universelle. […] Cette vérité consiste dans la raison déterminante et explicative des choses, qui permet d’affirmer qu’elles ne sont pas un rêve, mais qu’elles prennent place dans l’ordre universel. […] Loin donc de nous dépasser nous-mêmes, nous sommes enfermés en nous et ne pouvons-nous figurer l’universel que sur le type de notre expérience particulière en des relations supposées identiques. […] L’universel est l’expansion indéfinie du moi, avec le signe non-moi, qui n’exclut pas : semblable à moi. […] La « vérité » est le déterminisme universel, et le déterminisme n’est que l’identité des effets quand les données sont, par hypothèse, identiques.

32. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — L’inter-nationalisme »

Pourquoi dès lors ne pas accepter dans le langage courant, un terme qui exprime un fait essentiellement naturel, normal et universel ? […] La pensée de demain, qui semble aussi éloignée d’ériger en Stylite l’individu que de l’anéantir pour l’illusoire bonheur de tous, concevra comme possible son épanouissement au sein de l’universel.‌ […] Ce qu’on nomme « Exposition universelle » n’est que la consécration de ce fait, que les « industrieux » envisagent le monde comme un vaste champ d’activité, dont les divisions politiques ne peuvent rompre l’unité.‌ […] Les désirs de l’âme humaine sont naturellement universels. […] En revendiquant le droit à l’existence de ce sentiment, je n’ai fait qu’appliquer à la philosophie sociale, la doctrine nouvelle et universelle de la solidarité.

33. (1856) Cours familier de littérature. I « IIe entretien » pp. 81-97

C’est l’écho universel et éternel du monde pensant. […] « Examinons, disions-nous encore, ce que c’est que l’homme ; oublions que nous sommes nous-même une de ces misérables et sublimes créatures appelées de ce triste et beau nom dans la création universelle ; échappons, par un élan prodigieusement élastique de notre âme immatérielle et infinie, à ce petit réseau de matière organisée de chair, d’os, de muscles, de nerfs, dans lequel cette âme est mystérieusement emprisonnée ; supposons que nous sommes une pure et toute-puissante intelligence capable d’embrasser et de comprendre l’univers, et demandons-nous : Qu’est-ce que l’homme ?  […] Les langues et les livres écrits dans ces diverses langues sont le dépôt de cette littérature universelle. […] En attendant le fruit complet de leurs découvertes, l’inventaire général de la littérature universelle, ou de l’expression mémorable de l’esprit humain par ses œuvres, est contenu dans nos bibliothèques en un petit nombre de chefs-d’œuvre en toute langue qui ne dépassent pas les forces de l’attention.

34. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Introduction »

En face de cette doctrine, l’idéalisme représente le sujet pensant comme le principe même des lois universelles et des relations nécessaires que l’on croit découvrir dans les objets extérieurs : c’est la forme du miroir qui explique celle de l’image, et par cela même de l’objet représenté. […] Mais, selon nous, une troisième théorie des idées est possible : c’est celle qui, sous l’opposition du sujet pensant et du sujet pensé, chercherait une unité plus profonde, une action commune à l’esprit et aux choses, un processus universel dont la « représentation intellectuelle » est un moment et une manifestation incomplète. […] Il n’a pas su montrer dans cette « volonté de vivre » qui, selon lui, fait le fond commun de tous les êtres, la vraie origine de nos idées universelles et nécessaires, des formes à la fois cérébrales et mentales à travers lesquelles nous apercevons toutes choses.

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