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1174. (1908) Promenades philosophiques. Deuxième série

De cela nous pouvons lui savoir un plein gré, car sans les oiseaux tout paysage est triste. […] Il faut peut-être laisser aux pires criminels, ces plus tristes des malades, l’espoir au moins vague d’une guérison ou d’une amélioration lointaine de leur sort ? […] C’est quelque chose de pire ; c’est aussi quelque chose de plus triste. […] N’essayons pas de comprendre et ne réfléchissons pas trop sur de pareils faits ; il s’en dégage une horreur triste, une horreur à rendre malades les sensibilités les plus solides. […] Son dernier mot est d’une grâce qui m’enchante : « Et si parfois on est triste, on se console en respirant les roses. » Douces et sages sensations païennes !

1175. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

C’est de l’amour triste, mais c’est encore de l’amour, et cela vaut mieux que rien pour ces fanatiques de l’émotion. […] Sa sensibilité propre devient la sensibilité universelle et si, par exemple, il est triste après l’acte d’amour, il ne manque pas d’en conclure qu’il en est de même de tous les hommes. […] Quand on se sent triste, c’est-à-dire las et un peu déçu à ce moment suprême, on est mûr pour écrire sur l’amour. […] Lequel l’emporte, c’est-à-dire lequel a le triste privilège, compensé, il est vrai, par le privilège opposé, de ressentir la douleur selon sa plus haute intensité ? […] La chair est triste, hélas !

1176. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

L’esprit français est comme le vin français : il ne rend les gens ni brutaux, ni méchants, ni tristes. […] Ce sont les mœurs d’un saltimbanque effréné et triste : hanter les tripots, suborner les femmes, écrire des chansons sales et des pamphlets orduriers, voilà ses plaisirs ; des commérages parmi les filles d’honneur, des tracasseries avec les écrivains, des injures reçues, des coups de bâton donnés, voilà ses occupations. […] C’est là tout ce qui restait de l’homme dans ce triste monde. […] Nos larmes prendront une voie plus courte ; la marée vous les apportera deux fois par jour617. » Voilà des larmes qui ne sont guère tristes ; la dame les regarde comme l’amant les verse, de bonne humeur ; elle est dans sa loge (il s’en doute et l’écrit), offrant sa main blanche à un autre qui la baise, et se donnant une contenance avec le frou-frou de son éventail. […] Pareillement, dans le Misanthrope, le spectacle d’un honnête homme loyalement sincère, profondément amoureux, que sa vertu finit par combler de ridicules et chasser du monde, n’est-il pas triste à voir ?

1177. (1921) Esquisses critiques. Première série

L’écoulement du temps et des choses, (craignez qu’on vous appelle avant la fin du livre, hâtez-vous d’écouter, de regarder, de vivre) l’inanité de la vie, (je n’ai que peu d’amour pour les choses qui durent ……………………………………………………… ce que j’aime surtout, c’est les choses qui meurent) la cruauté de la mort, (que c’est triste mourir, oh, que mourir est triste) l’insensibilité de la nature, (Ô nature, on a bien raison de te haïr) ces thèmes — l’essence de toute poésie élevée — circulant dans les profondeurs de l’ouvrage comme dans l’âme du poète, lui confèrent l’élévation et la solidité. […] Des plus sèches fleurs de rhétorique il se fait des parures, et demeure toujours rhétoricien — au plus triste sens du mot — je veux dire que s’il connaît les recettes du style et de l’éloquence, il ne possède ni la passion d’un écrivain, ni la persuasion d’un orateur, ni leur flamme, ni leur inspiration. […] Je ne sais s’il est plus triste de voir que M. de Régnier les mérite ou d’observer qu’il mérite sa réputation malgré elles. […] Elle a je ne sais quoi de morose et de triste qui la colore d’une façon particulière. […] « L’Époque est triste, mais les gens sont gais » (Primerose).

1178. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre III. Molière »

Avec les mêmes types et les mêmes sujets, Balzac ferait frissonner ; Molière fait rire : il s’est imposé la loi de trouver le point d’où ces tristes dessous de l’âme et de la vie sont risibles. […] 402 » Toute la pièce est écrite dans ce ton, avec une verve âpre et triste, en sorte que l’on a peine à rire dans cet enchevêtrement de friponneries, sans éclaircie et sans arrêt, où seuls un valet balourd, un marquis ivre et une revendeuse forte en bec représentent les honnêtes gens.

1179. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre III. La poésie romantique »

Il aime les ardents, les tendres, les indisciplinés : et les tristes qui voient tout en beau en pleurant sur tout. […] Il n’a pas construit de système, mais il a disposé dans ses romans, ses drames, ses poèmes, son Journal intime, toutes les pièces d’un système original et triste.

1180. (1890) L’avenir de la science « X » pp. 225-238

Il y a dans le demi-jour une teinte plus douce et plus triste, un horizon moins nettement dessiné, plus vague et plus analogue à la tombe. […] La vue d’un Levantin excite en moi un sentiment des plus pénibles, quand je songe que cette triste personnification de la stupidité ou de l’astuce nous vient de la patrie d’Isaïe et d’Antar, du pays où l’on pleurait Thammouz, où l’on adorait Jéhovah, où apparurent le mosaïsme et l’islamisme, où prêcha Jésus !

1181. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 novembre 1885. »

» Avec le charme de ces souvenirs, la palpitation du cœur féminin s’insinue au cœur du jeune homme comme une mélodie triste et suave. […] Rien de sauvage ni de fiévreux ; elle est humble et triste.

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