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604. (1824) Observations sur la tragédie romantique pp. 5-40

Ducis s’est bien gardé d’emprunter ce trait à Shakespeare, et n’en a pas excité moins d’intérêt pour Hédelmone ; il a fait pleurer sur elle des spectateurs plus délicats. […] Et ceux qui pardonnent, qui préconisent cette licence comme un trait de génie, reprochent à l’auteur de Charles IX de faire bénir les poignards de la Saint-Barthélemy par le cardinal de Lorraine qui, alors, ne les aiguisait et ne les dirigeait que de Rome ! […] Disons plus, une tragédie est assez historique quand elle peint à grands traits les véritables mœurs d’un peuple et d’un siècle. […] Dans l’entretien de Fotheringay, il échappe aux deux reines des traits si naturels et des phrases si purement familières, que nos dames de la halle s’en accommoderaient ou même les dédaigneraient aujourd’hui.

605. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre cinquième »

Le tour d’esprit de Malherbe le portait vers la critique il ne pouvait ni se contenter des apparences, ni supporter les équivoques ; vif, passionné, d’une netteté de langage qui ne souffrait aucune obscurité chez les autres, ayant, dit Racan, une conversation, brusque, où tout mot portait ; intraitable sur tout ce qui touchait à l’art ; risquant ses amitiés, non pour un trait d’esprit, mais pour une vérité utile : témoin sa brouille avec Regnier, neveu de Desportes, qu’il estimait par-dessus tous les autres, mais devant lequel il n’avait pu s’empêcher de préférer un bon potage aux vers de son oncle. […] L’esprit français sous les traits d’un habitant de Paris, cultivé par la forte discipline de l’antiquité, mais gardant son indépendance et sa physionomie ; la langue française sur la place Saint-Jean, là où elle est le plus inaccessible au pédantisme et à l’imitation étrangère, voilà quelle fut la pensée de Malherbe. […] Ce sont mille traits qui ne touchent pas le but, mille sens douteux, mille finesses sous lesquelles se cachent des niaiseries ; une habitude de tourner tout à l’ingénieux et à la pointe ; toutes sortes de manquements, calculés ou involontaires, à la première loi du langage, la propriété, et, toutefois, une fausse précision qui les dissimule. […] Il peignit par ces traits généraux et sommaires sous lesquels nous apparaît la nature extérieure.

606. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre septième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie. »

. — Un des traits caractéristiques de la pensée et de la littérature à notre époque, c’est d’être peu à peu envahies par les idées philosophiques. […] Une théodicée est poétiquement enseignée dans Jocelyn : c’est la Religion de Racine fils, avec des traits de génie en plus :                                     Je suis celui qui suis. […] Tout mourait autour d’eux, l’oiseau dans le feuillage, La fleur entre leurs mains, l’insecte sous leurs pieds, La source desséchée où vacillait l’image        De leurs traits oubliés ; Et sur tous ces débris joignant leurs mains d’argile, Etourdis des éclairs d’un instant de plaisir, Ils croyaient échapper à cet être immobile        Qui regarde mourir 91. […] Et, dernier trait de ressemblance avec l’enfant, il ne, sait jamais lui-même s’il va rire ou pleurer, et il pourrait dire de toutes ses pièces ce qu’il dit de deux d’entre elles : Il se peut que l’on pleure à moins que l’on ne rie.

607. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Sainte-Beuve » pp. 43-79

Homère est l’homme et Virgile est la femme… Idée bien simple, mais que, pour cette raison sans doute, tous les parallèles entre Virgile et Homère ont oubliée… Sainte-Beuve lui-même, qui darde si bien sa lancette dans la veine des sujets dont il veut nous faire voir le sang, Sainte-Beuve a omis comme les autres cette différence de sexe, dans la même nature de génie, qui pose d’un trait le rapport à établir entre Homère et Virgile et que la Critique a toujours manqué ! […] Pendant que la philosophie de notre temps ne connaît en tout que la force individuelle de l’homme, pendant qu’en politique elle efface sur la carte du monde les lignes bleues et rouges des frontières et en littérature proclame l’invention et la fantaisie comme les supériorités incontestables et souveraines, on aime à voir une fois de plus la preuve faite de l’insuffisance de l’homme et de la nature lorsqu’il s’agit de marquer le génie de son trait le plus solide et le plus beau. […] Mais ceci montre, par un dernier trait, à quel point des curiosités sans grandeur avaient réduit son esprit en miettes. […] Voilà ce que j’avais à dire sur ces fameuses lettres dans lesquelles on croyait trouver presque du scandale, et où l’on ne trouve que quelques petites malices qui ne sont pas bien méchantes, et cette déclaration naïve, dans laquelle le finaud d’habitude a oublié pour une fois la couarde hypocrisie de son esprit et qui le peint d’un trait : « Je me suis fait plus d’ennemis avec mes éloges qu’avec mes critiques. » Tout Sainte-Beuve est là, en effet.

608. (1773) Discours sur l’origine, les progrès et le genre des romans pp. -

Il est aussi merveilleux par le fond, que tous les Romans qui l’avoient précédé ; mais il offre un ton d’ingénuité, des traits de critique, & même des traits de génie, que nul d’entre eux ne présente. […] L’Historien est le portraitiste asservi à des traits & à un local donnés ; le Romancier est le peintre qui crée le local & les traits qu’il veut rendre.

609. (1892) Les idées morales du temps présent (3e éd.)

Les traits caractéristiques de M.  […] Pour compléter le portrait de l’homme idéal, il faudrait emprunter encore quelques traits à certaines figures que M.  […] Brunetière nous livre un des traits les plus décisifs de son Moi à lui, de ce Moi qu’il voudrait « couvrir », et qui s’obstine à se révéler ! […] Leur unité et leurs traits communs. […] Ces traits, qu’il suffit d’indiquer sommairement car ils sont dans l’esprit de tous, même de ceux qui en contestent la portée, et auxquels on pourrait en ajouter bien d’autres, moins importants et aussi significatifs, ces traits nous livrent le caractère de notre époque.

610. (1896) Hokousaï. L’art japonais au XVIIIe siècle pp. 5-298

Série d’une grande finesse dans le trait et d’une remarquable douceur de couleur. […] De face, debout, les traits farouches, le menton appuyé sur sa main gauche, sa main droite tenant sa hache homicide. […] Dessin à l’encre de Chine avec quelques colorations rouges et bleues : gai dessin aux traits spirituels et au lavage léger. […]   Un Shôski en pied, tout peint à l’encre rouge, sauf les yeux, et le trait serpentant de la bouche. […] Et beaucoup de dessins, à la plus grande partie au trait, avec un morceau terminé, ainsi que dans ce coq et cette poule, où seulement la queue du coq est lavée.

611. (1896) Les Jeunes, études et portraits

L’un des traits qui le caractérisent c’est l’horreur où il est de l’époque moderne. […] Il se contente de marquer le trait significatif. […] Daudet ne connaît pas la beauté d’un trait juste et sûr. […] Comme la nature, l’humanité est ici réduite à ses traits les plus généraux. […] Nous arrêtons.à nôtre gré les traits flottants de ces figures imprécises.

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