Telle est l’impression que ce double caractère de ses traits avait toujours produite involontairement sur moi : un savant véritable, enclin au mépris de la race humaine et dans lequel la science seule était vraie ; mais une science bornée, comme une science moderne, qui faisait calculer, mais qui ne faisait point penser, et qu’on pouvait écrire en chiffres au lieu de l’écrire en enthousiasme et en contemplation. […] Platon dépeint en quelques traits généraux « l’ombrage épais du haut platane, les parfums qui s’exhalent de l’Agnus-castus en fleur, la brise qui sent l’été et dont le murmure accompagne les chœurs des cigales ». Pour la description de Cicéron, elle est tellement fidèle, comme l’a remarqué récemment un observateur ingénieux, qu’aujourd’hui encore on en peut retrouver sur les lieux mêmes tous les traits… À travers les terribles orages de l’an 708, Cicéron trouva quelques adoucissements dans ses villas, se rendant tour à tour de Tusculum à Arpinum, des environs d’Antium à ceux de Cumes. […] On est surpris, dans un poème lyrique aussi court, de voir le monde entier, la terre et le ciel, peints en quelques traits. […] Là, tandis que le ciel du Midi brillait de son pur éclat, ou que par un temps de pluie, sur les rives de l’Orénoque, la foudre en grondant illuminait la forêt, nous avons été pénétrés tous deux de l’admirable vérité avec laquelle se trouve représentée, en si peu de pages, la puissante nature des tropiques, dans tous ses traits originaux.
La dernière période de la douleur est toujours l’épuisement, la prostration, la perte de la tonicité, le relâchement des traits, l’extinction du regard ; on voit bien alors que les centres nerveux « sont en pleine banqueroute ». […] La nature humaine, dit Maudsley, contient et renferme la nature animale ; le cerveau d’une brute habite dans le cerveau humain, et chez quelques personnes les traits du visage trahissent l’espèce à laquelle appartient l’animal intérieur. […] Les professions laissent aussi leur trace dans la forme des organes et dans les traits de la physionomie. […] Aucune nation n’a des traits moins marqués en même temps qu’une si grande mobilité. […] De nos jours, les psychologues commencent aussi à s’occuper de l’écriture comme expression du caractère : la graphologie est encore à l’état nébuleux, mais il est certain que l’écriture même a une physionomie et peut révéler certains traits de la physionomie morale.
Comment s’opère cette transformation d’un trait de plume matérielle, sur un morceau de matière blanche, appelée papier, en une substance immatérielle et tout intellectuelle, appelée pensée ? […] La mienne avait la piété d’un ange dans le cœur et l’impressionnabilité d’une femme sur les traits. Son visage, où la beauté de ses traits et la sainteté de ses pensées luttaient ensemble, comme pour s’accomplir l’une par l’autre, me donnait, bien plus encore qu’un livre, le spectacle de cette transformation presque visible de l’intelligence en expression physique, et de l’expression physique en intelligence. […] La physionomie est en effet le phénomène lui-même visible, mais toujours mystère : l’âme dans les traits et les traits dans l’âme. […] Sa physionomie, ordinairement si ouverte et si répandue sur tous ses traits, changeait tout à coup d’expression ; elle se recueillait, comme la lueur d’une lampe quand on la couvre de la main contre le vent, pour l’empêcher de vaciller çà et là et de s’éteindre.
On n’est pas journaliste pour mettre de temps en temps des articles dans les journaux ; on l’est, pour être prêt à y écrire n’importe sur quoi, à toute heure et à toute minute ; il faut tirer au vol et ne pas manquer : « Le talent du journaliste, dit-il, c’est la promptitude, le trait, avant tout la clarté. […] J’abrège bien des traits de comédie ; j’éteins ; c’est assez ici d’indiquer. […] Si nous osions donner un conseil à nos orateurs, c’est de le fréquenter un peu. » Ce voisin, ce jour-là, n’est ni plus ni moins que La Bruyère en personne ; et pour chaque député qui paraît à la tribune, dans le jugement et la définition de sa manière et de son caractère, c’est toujours un mot emprunté à La Bruyère qui fournit le dernier trait. […] Avant qu’il fût deux mois, De mes tremblantes mains j’en ensevelis trois ; Je les vois, mais non plus dans la fleur de la vie ; Non plus avec ces traits dont j’avais trop d’orgueil, Au baiser paternel offrant leurs jeunes têtes ; Mais telles que la mort, hélas !
J’ignore, Sire, sous quels traits vos généraux et vos agents vous peignent la situation des esprits en Allemagne. […] Matuchewitz et rempli de pensées solides et de traits d’une véritable éloquence. » Napoléon, en lisant ce discours, en reçut tout à fait la même impression : ce qui avait paru plus éloquent à quelques-uns et surtout à son auteur, il le trouva mauvais. […] Bignon, en se justifiant en bonne partie des inculpations de l’abbé de Pradt, n’a jamais mieux répondu que par ce mot qui qualifie et marque l’ensemble du procédé : « Quand le caractère d’un homme s’est décelé par de certains traits, il n’est plus possible de compter pour rien son jugement. » Ce mot mérite de rester définitivement attaché à tout portrait de l’abbé de Pradt. […] Gley, principal au collège d’Alençon, avec des notes relatives à l’ambassade de M. de Pradt à Varsovie (un vol. in-8°, 1816). — Trop empreint d’ailleurs du langage et des passions du temps, ce volume renferme quelques bons traits qui ne sont que là et qui portent leur cachet d’authenticité.
Cette première existence de l’abbé de Périgord, homme de plaisir en même temps qu’agent général du clergé, et qui, à la veille de la convocation des États-Généraux, venait d’obtenir l’évêché d’Autun, n’est que très rapidement esquissée et à grands traits par sir Henry Bulwer, qui est pressé d’arriver à l’homme public. […] Mais le portrait est d’un fin observateur, et sir Henry a eu raison d’y souligner quelques traits d’une sagacité qu’on dirait prophétique. […] Son premier abord en général était très-froid ; il parlait très peu, il écoutait avec une grande attention ; sa physionomie, dont les traits étaient un peu gonflés, semblait annoncer de la mollesse, et une voix mâle et grave paraissait contraster avec cette physionomie. […] Talleyrand excellait ainsi à donner le change à un soupçon sérieux par un trait amusant.
Avec les trois œuvres qui l’ont précédé, jointes aux romans antérieurs des deux frères, il semble que l’on peut maintenant définir, en ses traits essentiels, la physionomie morale de l’auteur de Chérie, le mécanisme cérébral que ses écrits révèlent et dissimulent, comme un tapis de fleurs la terre. […] Il lui faut des faits pour prouver ses assertions générales, le désir qu’ont les menuisiers de ne travailler que pour le théâtre, une fois qu’ils ont goûté de cette gloriole, pour montrer la séduction que celui-ci exerce sur tout ce qui l’approche ; des faits pour trait final à une analyse de caractère, ou à la notation d’un changement moral ; la mère des Zemganno appelée en justice, ne voulant témoigner qu’en plein air, pour montrer le farouche amour de la bohémienne pour le ciel libre ; pour représenter la modification produite en Chérie par sa puberté, décrire en détail la gaucherie et la timidité subite de ses gestes. […] Pour les portraits, l’aspect, la physionomie des gens dont l’auteur peuple ses pages, ce qu’il évoque c’est non une énumération de traits au repos, le catalogue d’un visage et d’un corps, mais leur mouvement, leur attitude instantanée, leur figure surprise en un changement ou une révulsion. […] Il peint, en la Tomkins, « des yeux gris qui avaient des lueurs d’acier, des clartés cruelles sous la transparence du teint » ; en Chérie, « l’animation, le montant, l’esprit parisien » ; « l’ébauche de mots colères crevant sur des lèvres muettes », pour les traits convulsés de la détenue Élisa.
Mais l’impossibilité ou il se trouve de rendre son original trait pour trait, lui laisse une liberté dangereuse. […] Il est d’autant plus difficile de représenter l’original dans une traduction, qu’il est souvent aisé de se méprendre à ses traits, et de ne le voir que par une face. […] L’original doit y parler notre langue, non avec cette timidité superstitieuse qu’on a pour sa langue naturelle, mais avec cette noble liberté qui sait emprunter quelques traits d’une langue pour en embellir légèrement une autre.