/ 2467
1230. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Les Faux Démétrius. Épisode de l’histoire de Russie, par M. Mérimée » pp. 371-388

Le 13 avril 1606, il présida le conseil comme à son ordinaire, mais tous les boyards furent frappés de l’altération de ses traits. […] Dans Le Vase étrusque, l’auteur s’est plu à retrouver des passions fortes et à les dessiner en quelques traits jusque sous notre civilisation élégante ; plus habituellement, il s’est attaché à les découvrir ou à les créer hors du cadre des salons, et, se détournant des caractères effacés qu’on y rencontre, il s’est mis en quête des natures primitives appartenant à un état de société antérieur, et qui sont comme égarées dans le nôtre.

1231. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « La Fontaine. » pp. 518-536

Elle jouit de ces charmants tableaux encore plus qu’elle ne songe à les mesurer ou à les classer ; elle en aime l’auteur, elle le reconnaît pour celui qui a le plus reproduit en lui et dans sa poésie toute réelle les traits de la race et du génie de nos pères ; et, si un critique plus hardi que Voltaire vient à dire : « Notre véritable Homère, l’Homère des Français, qui le croirait ? […] Grand, bien fait et d’une belle taille s’il s’était mieux tenu, avec une figure à longs traits expressifs et fortement marqués, laquelle exprimait la bonhomie, et qui aux clairvoyants eût permis, par éclairs, de deviner de la force ou de la grandeur, il se laissa aller, durant cette première partie de sa vie en province, au hasard des compagnies et des camaraderies qu’il rencontrait.

1232. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre V. Le génie et la folie »

Ajoutez qu’ils sont loin d’être difformes, et que nos dandys pourraient envier à tel poète illustre, à tel historien, à tel savant, et même à toi philosophe, la beauté de la stature et des traits. […] D’un autre côté, il est également certain que les conditions normales et saines de l’organisme, que la structure des organes, les linéaments du corps, les traits de la figure peuvent aussi se transmettre par l’hérédité.

1233. (1912) L’art de lire « Chapitre III. Les livres de sentiment »

Les jeunes ouvrières qui lisent les romans à très bon marché ne sont capables que de l’enthousiasme du premier moment, que de ce que j’ai appelé l’abandonnement ; le second moment n’existe que pour ceux qui sont plus âgés et qui sont doués d’une certaine faculté d’observation et de mémoire ; mais ceux-ci goûtent des plaisirs beaucoup plus vifs, étant encore capables de s’abandonner, l’étant surtout de comparer le roman à la vie et d’éprouver des sensations d’admiration très vive quand ils estiment que le roman a copié la vie avec sûreté ou plutôt l’a déformée de manière à accuser plus vigoureusement ses traits caractéristiques. […] La connaissance que nous avions d’un caractère est juste sans doute, mais elle est générale ; elle est d’ensemble et par conséquent elle est flottante encore ; ce qui nous ravit, c’est d’avoir retrouvé dans le roman cette même connaissance sous un rayon plus vif qui fait sortir les traits de détail, qui met en relief les particularités significatives et qui nous fait dire : « Comme c’est vrai !

1234. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Michelet »

Il racontait les animaux se faisant, et il devait les raconter sans forcer le trait, panthéiste, naturaliste, matérialiste, je ne sais quoi de confus mais d’adouci, de peu ambitieux, d’homme à son affaire, qui était de décrire, et d’amuser les petites filles sans qu’elles vissent un Dieu dans tout cela. […] Le trait a bientôt pesé, la couleur s’est foncée, et toute intelligence, même celle de son propre dessein, a disparu !

1235. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IX : M. Jouffroy écrivain »

Ses traits, ses bras, son corps, tout parlait. […] Cette disposition était le trait saillant de son caractère.

1236. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIII : De la méthode »

Pierre a soixante ans, une petite tête spirituelle et sereine, des traits nets vivement coupés, des yeux souriants et perçants, un beau front uni, un peu fuyant, régulièrement encadré par des lignes géométriques de cheveux gris, rien de maladif, d’inquiet, d’âpre ou de vague, comme dans nos figures modernes. […] La férocité des visages, l’abus de la laideur méchante et vulgaire, la violente et universelle horreur pour le bonheur et la beauté, l’intensité de l’émotion, la lugubre rêverie, l’invention fantastique d’apparitions et de monstres, le déchaînement des fantômes de l’Apocalypse et du moyen âge à travers un cerveau malade ; par-dessus tout une précision de traits, une vigueur de dessin, une surabondance de détails, un fini qui accable ; le génie consciencieux, spiritualiste, visionnaire et mélancolique d’un Allemand de la Renaissance : voilà une partie du groupe moral qui entoure le fait physique et le produit.

1237. (1899) Musiciens et philosophes pp. 3-371

La Musique ne peut, par exemple, reproduire le portrait d’un personnage, fixer ses traits ; elle ne peut peindre un arbre, une forêt. […] Ils n’ont pas des traits personnels sur la scène, ils ont des masques, immuables comme les principes actifs dont ils sont la fragile incarnation. […] Il est difficile de découvrir en lui n’importe quel trait allemand. […] Ce trait le complète et accuse sa physionomie morale. […] Ce mot n’est qu’une paillette, un trait plus ou moins spirituel ; au fond, il n’a guère de portée, car dès qu’on cherche à s’en expliquer le sens, il n’en reste rien.

/ 2467