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649. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier (suite et fin.) »

Or, il est certain que, dans ces premiers temps, non seulement Benjamin Constant, mais des libéraux puritains tels que Lafayette, tout en se tenant sur leurs gardes et en ne procédant qu’avec réserve, approuvaient ce qui se faisait. Le prince Joseph, qui avait longtemps conservé des relations affectueuses avec ses anciens amis du temps du Consulat, lui dont Mme de Staël écrivait en 1808, en lui pardonnant sa royauté : « Le pauvre Joseph est un véritable conscrit parmi les rois, tant sa situation lui fait de peine !  […] Des esprits sages et honnêtes qui, dans les temps habituels, préféreraient les procédés de liberté, ont reconnu, en de certaines crises publiques, la nécessité d’en passer par des dictatures temporaires, et ils s’y sont ralliés, non parce qu’ils se sont convertis, mais par pur bon sens et par le sentiment impérieux de la situation. […] Même au plus fort de sa puissance, de l’usage exorbitant qu’il en faisait et qu’il proclamait nécessaire, il avait toujours dit que dans cinquante, ou soixante ans on pourrait gouverner autrement, mais que le temps n’était pas venu : jugea-t-il que ce temps, beaucoup plus rapproché qu’il ne l’avait pensé d’abord, était venu en 1815 ? […] Mme de Staël, prise à témoin peu de temps après, répondait à la comtesse : « Je suis de votre avis sur Sismondi ; c’est un homme de la meilleure foi du monde.

650. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Lettres inédites de Jean Racine et de Louis Racine, (précédées de Notices) » pp. 56-75

Les communications semblent même avoir été interrompues entre elle et lui pendant tout le temps de sa carrière au théâtre ; il y a une lacune de dix-huit ans dans ces lettres. […] C’est par où il débute, dans un temps qu’il se croyait appelé au parti de la retraite religieuse chez les Oratoriens. […] Il ne répondit aux agaceries des belles Provençales qu’en rechignant et par monosyllabes ; il parut tout le temps embarrassé, distrait. […] Les choses justes elles-mêmes ont besoin d’être rafraîchies de temps à autre, d’être renouvelées et retournées ; c’est la loi, c’est la marche. […] Le vrai successeur de Voltaire, ç’a été cette pléiade d’historiens et de critiques, honneur de notre temps (Thiers, Thierry, Guizot, Fauriel, etc., aujourd’hui Renan).

651. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. »

En général il faut, pour en bien juger, avoir senti le souffle des temps. […] Peu de temps après, la Cour d’assises de Bordeaux, ayant à juger quelques accusés obscurs impliqués dans les troubles de La Réole, M. de Martignac était au nombre de leurs défenseurs ; eh bien ! […] Du moment qu’on quitte le port et qu’on se met en route, il faut bien naviguer avec les vents et sur les mers de son temps. […] L’historien, en général, lit et dépouille son Moniteur ou les journaux du temps, et il croit avoir tout fait ; mais il ne voyage pas assez, il ne consulte pas à sa source une tradition encore vivante et des traces qui fument encore. […] » — « Je ne suis pas aussi coupable, lui répondit Michaud, que vous êtes innocent. » — Une autre fois et dans un temps plus rapproché de nous, M. 

652. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis du Belloy (suite et fin.) »

Il ne se donne aucun bon temps, il n’a aucune pitié de lui. […] Mais ce que vous passez de temps à travailler vous-même, si vous l’employiez à surveiller votre monde, vous y gagneriez. » A ces observations hasardées d’un ton de bonté, avec intérêt, Ménédème répond d’abord sèchement : « Chrémès, vos affaires vous laissent-elles donc assez de temps de reste pour vous occuper de celles des autres et de ce qui ne vous regarde en rien ?  […] Là, comme vous voyez, j’accomplis cette tâche, Et je n’accepterai ni bon temps ni relâche,. […] Cet homme des champs a deux fils dont il a donné l’un à l’oncle de la ville, qui l’a adopté et qui l’élève à sa manière, c’est-à-dire fort doucement et en lui laissant la bride sur le cou, il a gardé l’autre avec lui et l’a de tout temps tenu fort sévèrement : il l’a élevé à la Caton. […] Je ne sais plus lequel des critiques de ce temps-ci dont je disais : « Il aime le délicat, mais il adore le faible. » Celui-là aura beau être instruit et versé dans les choses de l’Antiquité, il n’est digne qu’à demi de sentir Térence.

653. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vie de Jésus, par M. Ernest Renan »

Renan, qui publie cette Vie de Jésus, laquelle est à bien des égards une version et interprétation de l’Évangile, telle que le Vicaire savoyard l’eût conçue et désirée en ce temps-ci, vit tranquille, prend les bains de mer en Bretagne avec sa famille, et voit son livre se débiter, se lire, se discuter dans tous les sens. […] Rousseau disait dans la préface de la Nouvelle Héloïse : « J’ai vu les mœurs de mon temps, et j’ai publié ces lettres. » M. Renan a dû se dire de même : « J’ai vu les croyances de mon temps, et j’ai publié mon livre. » Rousseau ajoutait, en parlant des mêmes lettres de Saint-Preux et de Julie : « Que n’ai-je vécu dans un siècle où je dusse les jeter au feu !  […] A son nom se rattachent désormais des principes dont le triomphe n’est plus qu’une affaire de temps. […] Scherer, le mieux préparé des juges sur un tel sujet, a fait dans le journal le Temps une suite d’articles qui disent tout.

654. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid. »

En remontant à quelques années en arrière, je rencontre sur Corneille quelques ouvrages littéraires qu’il n’est que juste de rappeler quand on parle de lui : Et d’abord le Corneille et son temps de M.  […] Mais le mot véritable est différent, et il est plus juste : « Si Corneille eût vécu de mon temps, je l’eusse fait prince » ; c’est-à-dire je l’eusse honoré, aussi grandement honoré que possible. […] Le temps aux plus belles choses Aime à faire cet affront : Il saura faner vos roses Comme il a ridé mon front. […] Cependant j’ai quelques charmes Qui sont assez éclatants Pour n’avoir pas trop d’alarmes De ces ravages du temps. […] Corneille et son temps, étude littéraire par M. 

655. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Recueillements poétiques (1839) »

Peut-être ce temps-ci n’est-il pas plus privilégié qu’un autre en variations, mais nous y sommes plus sensibles parce que nous les saisissons de plus près et plus en détail dans nos contemporains. […] Dans les Harmonies, il perce déjà beaucoup d’idées de transformation chrétienne, mais arrêtées à temps. […] Mais bientôt, à voir l’exemple de M. de La Mennais, à sentir chaque matin le souffle des temps, l’émulation, sans qu’il se rendît compte peut-être, l’a gagné. […] Ce singulier sujet, qui ne choquera peut-être que médiocrement, me suggère une réflexion qui doit s’appliquer bien moins à l’auteur qu’à tous les poëtes de ce temps-ci.  C’est que maintenant le poëte se livre en scène de la tête aux pieds : le contraire avait lieu du temps de Racine.

656. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine »

Or, ceci bien posé, il est aisé de rétablir en leur vraie place et de voir en leur vrai jour les hommes originaux du temps, qui, dans leur conduite ou dans leurs œuvres, ont fait autre chose que remplir le programme du maître. […] La Fontaine dépensait son génie, comme son temps, comme sa fortune, sans savoir comment, et au service de tous. […] mais cela n’était ni du temps ni du génie de La Fontaine. […] Ai-je passé le temps d’aimer ? […] Dans une de ses dernières fables au duc de Bourgogne, il se plaint de fabriquer à force de temps des vers moins sensés que la prose du jeune prince.

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