Son talent très fier ne souffre rien que d’absolument choisi au plus fin fond des considérables sensualités dont il s’agit, et vous serez ravis des deux preuves que voici de ce que j’avance là.
Il soutient avec une vive intelligence et une finesse habile au paradoxe des causes souvent bizarres, excessives, difficiles, et il voyage de l’audace à la routine, du subtil au violent, du précieux au déréglé, avec autorité parfois, avec grâce souvent, avec talent toujours.
d’Arnaud ne sauroit donc recevoir trop de marques de reconnoissance & de considération de la part de cette classe d’hommes, que leur sagesse & leurs lumieres mettent seuls en état d’apprécier le talent & son véritable usage.
Après avoir composé le meilleur Livre que nous ayons sur les principes de l’Art dramatique, il prouva par sa Tragédie de Zénobie, que ce n’est pas tout d’être instruit, qu’il faut encore avoir le talent de réduire les instructions en pratique.
N’eût-il fait que ce Mémoire, M. de Beaumarchais mériteroit de figurer dans le petit nombre des Gens de Lettres qui, au mérite d’écrire avec autant de clarté que de corrections, réunissent le talent de nourrir la curiosité du Lecteur, par un style aussi varié que piquant.
Tant que les Auteurs médiocres auront la ressource de suppléer au défaut de mérite par le manége des petites séductions de Société, la Littérature sera médiocre, parce que le vrai talent, qui dédaigne les manœuvres, sera toujours opprimé & méconnu.
Il seroit incompréhensible qu’avec un style net, précis, correct, & quelquefois élégant, cet Ecrivain n’eût pas le talent d’intéresser ses Lecteurs, si on ne pouvoit en rejeter la faute sur la froideur, l’uniformité, & le défaut de mouvemens.
Le moyen, après cela, de ne pas craindre la chute entiere de la Littérature, & le découragement du vrai talent !