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221. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVII. De la littérature allemande » pp. 339-365

On a voulu blâmer l’auteur de Werther de supposer au héros de son roman une autre peine que celle de l’amour, de laisser voir dans son âme la vive douleur d’une humiliation, et le ressentiment profond contre l’orgueil des rangs, qui a causé cette humiliation ; c’est, selon moi, l’un des plus beaux traits de génie de l’ouvrage. […] Les tragédies allemandes, et en particulier celles de Schiller, contiennent des beautés qui supposent toujours une âme forte. […] Ils croient ainsi se mettre à la portée de leurs lecteurs ; mais il ne faut jamais supposer à ceux qui nous lisent, des facultés inférieures aux nôtres : il convient mieux d’exprimer ses pensées telles qu’on les a conçues.

222. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Gaston Paris et la poésie française au moyen âge »

Elles ne supposent d’ailleurs, chez ceux qui s’y sont voués, que de la patience, une sagacité moyenne et le goût d’une certaine activité sans invention, qui peut fort bien s’allier à une réelle paresse d’esprit. […] Or, de travailler pour un si petit nombre de personnes et de tenir leur estime pour une suffisante récompense de son labeur, cela ne suppose-t-il pas une fierté qui a sa noblesse ? […] Cette recherche désintéressée, pour être soutenue avec l’espèce d’héroïsme qu’y apportent certains esprits, suppose, ou la foi en cette idée que la vérité est bonne, quelle qu’elle puisse être, où la résignation à la vérité même triste, même décevante, même inintelligible.

223. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre X. La commedia dell’arte en France pendant la jeunesse de Molière » pp. 160-190

La pièce la plus remarquable que représenta la troupe de Giuseppe Bianchi, à ce voyage, fut une œuvre demi-comique, demi-lyrique, intitulée : La Finta Pazza (la Folle supposée), représentée au Petit-Bourbon, le 14 décembre 1645. […] « La Folle supposée (La Finta Pazza) ouvrage du célèbre Giulio Strozzi, très illustre poète italien, qui se doit représenter par la grande troupe royale des comédiens italiens entretenus par Sa Majesté dans le Petit-Bourbon, par le commandement de la Reine mère du roi Très Chrétien (Louis XIV). Imprimé à Paris en novembre 1645. » Dans l’extrait du privilège pour l’impression de ce programme, il est marqué : « qu’il est permis au sieur Jacomo Torelli da Fano de faire imprimer en français l’explication des décorations du théâtre, ensemble les arguments de la Folle supposée, faits en Italie par ledit sieur Torelli. » 33.

224. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VII. L’antinomie pédagogique » pp. 135-157

L’éducation perpétue et renforce cette homogénéité en fixant d’avance dans l’âme de l’enfant les similitudes essentielles que suppose la vie collective. […] Tout cela suppose toujours des précautions prises contre l’initiative des individus. […] Ce moyen d’action suppose une condition particulièrement difficile à réaliser : un personnel d’éducateurs vraiment exemplaires et possédant une supériorité morale éclatante et incontestée.

225. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre troisième. L’appétition »

Le désir suppose une sorte de consentement plus ou moins complet à l’idée, un accord de l’idée avec l’ensemble de nos tendances, par conséquent une certaine activité antérieure qui, au lieu d’être un simple effet de l’idée, tend au contraire elle-même à la produire ou à la maintenir, et à la réaliser au dehors par des mouvements. […] La sélection naturelle et mécanique a pour premier caractère d’agir sur un ensemble d’individus, non dans un seul individu ; elle suppose un certain nombre d’organismes donnés en un milieu donné ; d’où résulte ce problème : lesquels survivront et se propageront ? […] Supposons maintenant que, parmi les divers mouvements spontanés, il y en ait un qui produise un contact douloureux, comme quand on heurte une pierre ou quand on touche une plante épineuse.

226. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre troisième. L’idée-force du moi et son influence »

Mais supposons, à l’intérieur de la fusée, un appareil optique et photographique capable de photographier toutes ses étincelles, tout son trajet brillant, et même le trajet des autres fusées : ce sera une sorte de mémoire, si la fusée sent à la fois sa lueur présente et les images affaiblies de ses lueurs passées, disposées selon une ligne fuyante. […] Mais ce lien ne suppose pas nécessairement un centre indivisible, un être simple, une monade. […] Comme la vie, la pensée suppose évidemment une certaine union, puisqu’elle est d’abord une harmonie de sensations, puis une harmonie de rapports entre ces sensations, rapports qui eux-mêmes ont toujours un côté sensitif et appétitif.

227. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VI : M. Cousin philosophe »

. — Ou bien encore : Supposez, comme les Éléates, que le monde n’est qu’une apparence, et qu’il n’y a qu’un seul être, l’unité absolue, vous êtes panthéiste. — On aurait pu lui répondre : Pardon, il y a une troisième manière d’être panthéiste, celle de Schelling et d’Hégel ; car ils repoussent avec autant de mépris que vous celle que vous venez de citer. […] Supposons qu’il n’y ait que des bluets au monde ; comme ce type ne dépend pas d’eux et que partant il ne dépend de rien, on peut l’appeler l’inconditionnel et l’absolu. […] Aussi supposez qu’un orateur, un beau jour, par entraînement, par imagination, par jeunesse, se soit trouvé panthéiste.

228. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Grosclaude. »

Il suppose qu’un arrêté préfectoral vient de fermer les bains Deligny, « attendu que ledit établissement de bains est entièrement construit en bois, ce qui l’expose d’une façon particulièrement grave aux dangers du feu… ». […] Grévy, et nous montre M. de Freycinet s’apprêtant à découper le gâteau : « M. de Freycinet, dit-il, avec cette gravité qu’il apporte même aux choses sérieuses… » Cette simple phrase, remarquez-le, est un puits de profondeur, puisqu’on y suppose couramment admise une pensée qui passe elle-même pour surprenante et profonde, à savoir que c’est aux choses futiles que nous apportons le plus de gravité… N’ai-je pas raison de conclure que le délire de Grosclaude est le délire d’un sage ?

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