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16. (1889) L’art au point de vue sociologique « Préface de l’auteur »

La conception d’un lien de société entre l’homme et des puissances supérieures, mais plus ou moins semblables à lui, où il voit l’explication de l’univers et dont il attend fine coopération matérielle ou morale, voilà ce qui, selon nous, fait l’unité de toutes les doctrines religieuses. […] Elle n’anime pas toutes choses uniquement pour satisfaire l’imagination et l’instinct sympathique de sociabilité universelle ; elle anime tout, 1° pour expliquer les grands phénomènes terribles ou sublimes de la nature, ou même la nature entière, 2° pour nous exciter à vouloir et à agir avec l’aide supposée d’êtres supérieurs et conformément à leurs volontés. […] L’art, en un mot, c’est encore la vie, et l’art supérieur, c’est la vie supérieure ; toute œuvre d’art, comme tout organisme, porte donc en soi son germe de vie ou de mort.

17. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Les Césars »

Montesquieu cessait d’être sagace ; Gibbon, tête d’historien supérieur, Gibbon, qui avait assez de savoir pour être juste, avec sa misérable haine contre le Christianisme atrophiait un des lobes de son cerveau et rapetissait une histoire qui aurait pu être un chef-d’œuvre. […] C’est-à-dire qu’il possédait, jointe à des connaissances positives, la vue supérieure du Christianisme sans laquelle il est impossible de juger la société antique et même de la comprendre, l’homme ayant besoin pour juger une chose de valoir mieux qu’elle, de la tenir sous ses pieds, de la dominer ! Avec des qualités si diverses et si supérieures, le livre de Champagny fut un tableau complet de la société romaine, étudiée dans son ensemble, puis dans ses détails, et, pour ainsi dire, pièce à pièce ; saisie de haut d’abord, puis vue de plus près, dans chaque anse de ses rivages, dans tous ses recoins d’horizon. […] Lorsqu’on est un homme de réalité supérieure comme Franz de Champagny, c’est trop superficiel, en vérité, que d’expliquer l’avènement de l’Empire et sa durée par les seules questions morales, par la vertu oblitérée des républiques, par une terreur à la Robespierre et une idolâtrie épouvantée du nom de César, — de ce nom devenu, grâce à celui qui le porta le premier, une tête de Méduse d’adoration et de crainte ! […] Initié aux vues supérieures du gouvernement par le catholicisme ; qui, en généralisant les devoirs, a simplifié l’obéissance, Champagny a parfaitement compris le rôle de la famille dans l’organisation romaine.

18. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre X : De la succession géologique des êtres organisés »

Enfin elle s’amincit en traversant les formations supérieures, indiquant par là le décroissement et bientôt l’extinction finale du genre ou de la famille. […] De plus, d’autres formes, qui manquent à notre Craie d’Europe, mais qu’on trouve dans les formations, inférieures ou supérieures, manquent également dans les dépôts de ces diverses contrées. […] Les lignes horizontales peuvent représenter des formations géologiques successives, et toutes les formes au-dessous de la ligne supérieure seront supposées éteintes. […] Elles ne peuvent donc guère manquer d’être à peu près intermédiaires en caractères entre les formes organiques des formations inférieures et supérieures. […] Il faut aussi considérer les nombres proportionnels des classes inférieures et supérieures dans la population totale du monde aux deux époques : si, par exemple, nous comptons aujourd’hui cinquante mille espèces d’animaux vertébrés, et si nous savons qu’à une époque antérieure il n’en a existé que dix mille, il faut tenir compte de cet accroissement de nombre des classes supérieures, qui implique au moins un grand déplacement des formes inférieures ; c’est encore un progrès évident dans le monde organique, si l’on constate que ce sont les ordres les plus élevés plutôt que les moins élevés de l’embranchement des vertébrés qui se sont ainsi multipliés.

19. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XII : Distribution géographique (suite) »

Dans le temps, comme dans l’espace, les membres inférieurs de chaque classe changent généralement moins que les supérieurs, mais en l’un et l’autre cas il y a des exceptions marquantes à la règle. […] Darwin, tous les organismes supérieurs descendent par voie de génération directe des organismes inférieurs ; il faut donc que ceux-ci aient beaucoup varié pour les produire ; et il ne s’agit plus que de savoir si le mouvement de variation se ralentit ou s’accélère, à mesure que l’organisation s’élève, et, si c’est possible, par quelles causes. […] Enfin, s’il est vrai que les organismes supérieurs de chaque classe soient des branches collatérales modifiées des types inférieurs de même type, il s’ensuit que la force d’atavisme doit être beaucoup plus puissante dans les rameaux généalogiques restés sans modification, que dans ceux qui ont, au contraire, subi de nombreuses et profondes transformations successives. […] De sorte que, si la faculté actuelle de variabilité est en raison directe de la somme des variations subies pendant la série totale des temps géologiques, il est de toute évidence que les êtres supérieurs doivent être plus variables que les inférieurs, et d’autant plus qu’ils sont plus élevés. […] Il se peut donc que les formes inférieures varient aussi souvent ou même plus souvent que les formes supérieures, c’est-à-dire donnent plus souvent naissance à des formes nouvelles ; mais en vertu de leur grande extension géographique, les souches-mères ne s’éteignent pas pour cela ; tandis que parmi les espèces supérieures terrestres, enfermées dans des limites plus ou moins étroites, la variété-fille supplante et extermine presque invariablement l’espèce-mère qui l’a produite.

20. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VIII. L’antinomie économique » pp. 159-192

Apprendre à supporter l’ennui — et non seulement à le supporter, — apprendre à le voir entouré d’un charme supérieur ; c’est ce qui fut jusqu’à présent la tâche de toute instruction supérieure. […] Leur culture supérieure ne leur sert qu’à mieux sentir leur condition humiliée. […] À ce titre, il est la raison d’être supérieure de la production ; il est la fleur de la civilisation économique. […] Gobineau, grand seigneur, croit qu’il faut de la fortune pour tenir un rang social supérieur. […] Ce dernier individualisme est très supérieur au premier.

21. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IV. De la philosophie et de l’éloquence des Grecs » pp. 120-134

Les anciens philosophes ont obtenu, dans leur temps, une réputation beaucoup plus éclatante que celle des modernes ; mais il n’est pas moins vrai que les modernes, dans la métaphysique, la morale et les sciences, sont infiniment supérieurs aux anciens. […] Un génie supérieur, quel qu’il soit, ne peut s’affranchir à lui seul de ce besoin du surnaturel, inhérent à l’homme ; il faut que la nation fasse corps avec le philosophe contre de certaines terreurs, pour qu’il soit possible à ce philosophe de les attaquer toutes. […] Aristote cependant, qui vécut dans le troisième siècle grec, par conséquent dans le siècle supérieur pour la pensée aux deux précédents, Aristote a mis l’esprit d’observation à la place de l’esprit de système ; et cette différence suffit pour assurer sa gloire. […] Si le régime républicain n’avait pas cessé d’exister depuis Aristote, les modernes lui seraient aussi supérieurs dans la connaissance de l’art social que dans toute autre étude intellectuelle. […] Tous ses tableaux sont pleins d’imagination ; et ses harangues sont, comme celles de Tite-Live, de la plus belle éloquence : lorsqu’il raconte les malheurs attachés aux troubles civils, il jette de grandes lumières sur les passions politiques, et doit paraître supérieur aux écrivains modernes qui n’ont que l’histoire des guerres et des rois à raconter.

22. (1890) L’avenir de la science « I »

Reconnaître la distinction de ces deux vies, c’est reconnaître que la vie supérieure, la vie idéale, est tout et que la vie inférieure, la vie des intérêts et des plaisirs, n’est rien, qu’elle s’efface devant la première comme le fini devant l’infini, et que si la sagesse pratique ordonne d’y penser, ce n’est qu’en vue et comme condition de la première. […] Non seulement il négligea totalement le vrai et le beau (la philosophie, la science, la poésie étaient des vanités) ; mais, en s’attachant exclusivement au bien, il le conçut sous sa forme la plus mesquine : le bien fut pour lui la réalisation de la volonté d’un être supérieur, une sorte de sujétion humiliante pour la dignité humaine : car la réalisation du bien moral n’est pas plus une obéissance à des lois imposées que la réalisation du beau dans une œuvre d’art n’est l’exécution de certaines règles. […] Ainsi, tout ce qui se rattache à la vie supérieure de l’homme, à cette vie par laquelle il se distingue de l’animal, tout cela est sacré, tout cela est digne de la passion des belles âmes. […] L’homme parfait serait celui qui serait à la fois poète, philosophe, savant, homme vertueux, et cela non par intervalles et à des moments distincts (il ne le serait alors que médiocrement), mais par une intime compénétration à tous les moments de sa vie, qui serait poète alors qu’il est philosophe, philosophe alors qu’il est savant, chez qui en un mot, tous les éléments de l’humanité se réuniraient en une har-monie supérieure, comme dans l’humanité elle-même. […] Il lui faudrait une vie pour savoir, une vie pour sentir et aimer, une vie pour agir, ou, plutôt, il voudrait pouvoir mener de front une série d’existences parallèles, tout en ayant dans une unité supérieure la conscience simultanée de chacune d’elles.

23. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 56-59

Presque tous les Ouvrages qu’il a publiés roulent sur des matieres de commerce, de finance ou de politique, & nous n’en connoissons aucun où il ne se montre supérieur au sujet qu’il traite. […] L’Eloge de Colbert, du même Auteur, sujet proposé par l’Académie Francoise, obtint le premier Accessit, au jugement de cette Société ; ce qui ne seroit pas une preuve de son mérite, s’il n’étoit même supérieur à celui de Charles III. […] Les hommes véritablement supérieurs ne connoissent point la jalousie, & honorent d’autant plus le mérite dans les autres, qu’ils en sentent mieux le prix, & qu’ils en ont davantage eux-mêmes.

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