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261. (1874) Premiers lundis. Tome I « Tacite »

Voilà en quoi consiste la question véritable, ou plutôt il n’y a pas là de question, En effet, pour qu’une résurrection si miraculeuse de l’auteur original fût possible, il faudrait entre son traducteur et lui non-seulement une égalité, mais une identité de talent ; et, quand on l’obtiendrait par une sorte de métempsycose, le peu d’analogie qu’il y a du traduire au produire, surtout le peu de ressemblance Ses idiomes, suffirait encore pour empêcher fréquemment le succès. […] Entre toutes les qualités d’un écrivain, la force et l’énergie se prêtent le mieux à ce passage toujours violent d’un idiome dans un autre ; elles offrent plus de corps, pour ainsi dire, à la main qui les déplace, et il suffit que cette main et l’instrument qu’elle manie ne fléchissent pas sous le fardeau.

262. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 21, du choix des sujets des comedies, où il en faut mettre la scene, des comedies romaines » pp. 157-170

Mais si cette raison fait une objection contre mon sentiment : elle ne suffit point pour prouver le sentiment opposé à celui que j’expose. […] Il ne suffit pas que l’auteur d’une comedie en place la scene au milieu du peuple qui la doit voir répresenter, il faut encore que son sujet soit à la portée de tout le monde, et que tout le monde puisse en concevoir sans peine, le noeud, le dénouëment et entendre la fin du dialogue des personnages.

263. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 7, nouvelles preuves que la declamation théatrale des anciens étoit composée, et qu’elle s’écrivoit en notes. Preuve tirée de ce que l’acteur qui la recitoit, étoit accompagné par des instrumens » pp. 112-126

Il suffit pour cela que l’auteur de cet écrit, qui est connu depuis plusieurs siecles, ait vécu quand les théatres des anciens étoient encore ouverts. […] Il suffit que ces écrits qui sont très-anciens aïent été composez quand les théatres étoient encore ouverts, pour rendre les faits que j’appuïe de leur témoignage, des faits averez.

264. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Μ. Jules Levallois » pp. 191-201

… Mais l’éducation morale ne se prend pas comme de la moelle de lion, et pour faire une âme, quand on avalerait la sève de toute une forêt de chênes, franchement, cela ne suffirait pas ! […] Il est très bon — dit-elle — que l’homme soit seul, et la Nature, qui suffît pour lui donner la becquée morale, la lui donne mieux quand il est seul.

265. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — II »

Toutefois, M. de Vogüé m’a dit aujourd’hui que dans son monde ce mot ne suffit pas.‌ […] Et la haute situation d’académicien ne suffit pas à m’autoriser, devant l’opinion, à traiter librement de la période révolutionnaire, ni d’aucun sujet délicat.‌

266. (1895) La science et la religion. Réponse à quelques objections

« Je suis convaincu, — a dit Renan, — qu’il y a une science des origines de l’humanité qui sera construite un jour non par la spéculationabstraite, mais par la recherche scientifique… Quelle est la vie humaine qui, dans l’état actuel de la science, suffirait à explorer tous les côtés de cet unique problème ? […] Deux mots suffisent à les résumer : la Science a perdu son prestige ; et la Religion a reconquis une partie du sien. […] Mais, dans le catholicisme, — à quelque monstrueux abus que la doctrine des indulgences et des œuvres ait pu donner lieu quelquefois, — il suffit de la ramener à son premier principe pour en apercevoir clairement la fécondité sociale. […] Berthelot nous suffisent, — dans son article de la Revue de Paris, du 1er février 1895, sur la Science et la Morale. […] Ajoutez qu’il suffit à un gouvernement des consciences de n’être pas coercitif pour être parfaitement légitime.

267. (1914) Enquête : Les prix littéraires (Les Marges)

Certes, tous ces jurys peuvent se tromper, mais quelquefois ils ne se trompent pas — et cela suffît — à mon avis du moins. […] Il suffit qu’une fois on tombe juste pour motiver leur existence. […] Il lui suffira de fonder un prix littéraire. […] Si un jeune écrivain, capable de la dignité de se suffire sans rien quémander, semble digne d’être encouragé dans sa qualité de travail pour qu’il y parvienne à la maîtrise et peut-être à l’invention, est-ce le maintenir dans de bonnes conditions que risquer de le troubler par une forte somme dont il n’a pas l’habitude. […] Ils ne suffisent pas à créer l’avenir d’un inconnu, et cela est si vrai qu’on tend à reculer la limite d’âge et qu’on a couronné des jeunes approchant la quarantaine et ayant déjà un bagage.

268. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre I. Le broyeur de lin  (1876) »

Leurs sermons, sur ce sujet, me faisaient une impression profonde qui a suffi à me rendre chaste durant toute ma jeunesse. […] Elle ne lui demandait pas un regard : une pensée eût suffi. […] « Comme un violent cours d’eau qui, rencontrant un obstacle infranchissable, renonce à son cours direct et se détourne, la pauvre fille, n’ayant aucun moyen de dire son amour à celui qu’elle aimait, se rabattait sur des riens : obtenir un instant son attention, ne pas être pour lui la première venue, être admise, à lui rendre de petits services, pouvoir s’imaginer qu’elle lui était utile, cela lui suffisait. « Mon Dieu, qui sait ? […] Le sentiment dont nous parlons ne tue que celui qui l’éprouve, et voilà pourquoi la race bretonne est une race facilement chaste ; par son imagination vive et fine, elle se crée un monde aérien qui lui suffit. […] Il y a des instincts pour qui l’apparence suffit et qu’on endort par des fictions.

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