Allons, il faut qu’il y ait bataille autour de notre nom, jusqu’au bout de la vie du dernier des deux frères, et que je ne puisse, à la faveur et sous le bénéfice de mes soixante ans bien sonnés, remporter un succès, où je n’aie la bouche amère, un succès qui ne soit une meurtrissure de mon être moral. […] Et l’on soupe au milieu d’une douce gaîté, et de l’espérance de tous que mon succès va ouvrir à deux battants la porte au théâtre réaliste. […] Les dames de la société me blaguent sur les succès, qu’elles prétendent que j’ai auprès des femmes. […] Les journalistes semblent devoir caner devant le succès, qu’ils sentent ne pouvoir enrayer. […] On soupe dans l’absorption d’une pensée, tournée vers le lendemain, dans la contention d’esprit des soupers de premières, qui n’ont pas été précédés d’un succès à tout casser.
Dans la première étude, et assez complète, que j’en ai donnée à la Revue des deux mondes dès le mois de janvier 1840, et qui a été recueillie dans mon volume de Portraits de femmes entre Mme de Longueville et Mme de La Fayette, je disais, après avoir raconté tous les incidents de monde et de société qui accompagnèrent et suivirent la publication des Maximes et dont le salon de Mme de Sablé était le centre : Le succès, les contradictions et les éloges ne se continrent pas dans les entretiens de société et dans les correspondances ; les journaux s’en mêlèrent ; quand je dis journaux, il faut entendre le Journal des savants, le seul alors fondé, et qui ne l’était que depuis quelques mois. […] Nous autres grands auteurs sommes trop riches pour craindre de rien perdre de nos productions… » Notons bien tout ceci : Mme de Sablé dévote, qui, depuis des années, a pris un logement au faubourg Saint-Jacques, rue de la Bourbe, dans les bâtiments de Port-Roval de Paris ; Mme de Sablé, tout occupée, en ce temps-là même, des persécutions qu’on fait subir à ses amis les religieuses et les solitaires, n’est pas moins très présente aux soins du monde, aux affaires du bel esprit ; ces Maximes, qu’elle a connues d’avance, qu’elle a fait copier, qu’elle a prêtées sous main à une quantité de personnes et avec toutes sortes de mystères, sur lesquelles elle a ramassé pour l’auteur les divers jugements de la société, elle va les aider dans un journal devant le public, et elle en travaille le succès.
Le succès de cet ouvrage, que l’auteur reconnaît être fort défectueux, « fut, dit-il, surprenant ; il donna lieu à l’établissement d’une nouvelle troupe de comédiens malgré le mérite de celle qui était en possession de s’y voir l’unique ». Toutefois, cet ouvrage qui, selon Corneille, peint si naïvement la conversation des honnêtes gens, et qui par ce mérite obtint tant de succès, paraîtrait aujourd’hui un peu recherché.
Alors, tandis que les uns attribuaient la chose à une maladie des bas organes de l’écrivain, à des manies de moine solitaire, les autres y voulaient voir le développement inconscient d’une boulimie de vente, une habileté instinctive du romancier percevant que le gros de son succès d’éditions dépendait de ce fait que « les imbéciles achètent les Rougon-Macquart enchaînés, non pas tant par leur qualité littéraire, que par la réputation de pornographie que la vox populi y a attachée ». […] Nous répudions énergiquement cette imposture de la littérature véridique, cet effort vers la gauloiserie mixte d’un cerveau en mal de succès.
Maintenant, pour ceux qui voudraient nier l’influence des hommes sur les œuvres, énumérons les succès du Théâtre-Français sous le protectorat de M. […] Comme on le voit, nous ne parlons point ici de toutes les pièces jouées, nous parlons seulement des succès d’art et d’argent. […] Vous vous rappelez le succès qu’obtinrent ces deux caprices. […] Le succès se soutint ; j’en eus la preuve dans l’offre que me fit M. […] Cependant commençaient à s’agglomérer autour de la Revue des Deux Mondes ce faisceau d’intelligences auquel elle dut son succès.
Les poëmes recueillis en 1822, Éloa publiée en 1824, eurent peu de succès, et, sans la prose de Cinq-Mars, en 1826, le nom de l’auteur restait longtemps encore inconnu. […] Cinq-Mars, par son intérêt dramatique, par la grandeur ou la grâce des personnages, par ses vives et curieuses couleurs, eut un beau succès, contre lequel les critiques minutieuses ne purent rien. […] faites-nous des Cinq-Mars, disait-on de toutes parts à l’auteur, c’est là votre genre. » Succès injurieux ! […] Le succès de sa Maréchale d’Ancre (1831), lent, modéré, et de plus d’estime que de retentissement, confirma en lui sa pensée de représailles. […] Le succès de Chatterton, dans lequel il a été si merveilleusement aidé par une Kitty27 digne du pinceau de Westall, a conféré à M. de Vigny un rôle plus extérieur et plus actif qu’il ne semblait appelé à l’exercer sur la jeunesse poétique, lui, artiste avant tout distingué et superfin, enveloppé de mystère.
A quoi Lemierre dut-il son succès ? […] Trompé par son succès, il finit par mettre l’action et le spectacle au-dessus du reste, et il appela les tragédies de ses devanciers de longues conversations en cinq actes. […] Il voyait par-delà ses succès le refroidissement venir, dès qu’on lirait ses pièces avec le goût qu’il avait lui-même contribué à former. […] Elle aurait aussi quelques louanges pour le Siège de Calais de de Belloy, dont Voltaire disait : « Il a besoin d’un succès, il est mon ami. » J’ai rappelé à quels effets de scène Lemierre avait dû le succès de son Guillaume Tell et de sa Veuve du Malabar ; une histoire du théâtre y trouverait à louer autre chose, que la pomme et le bûcher. […] Le succès de Roméo et Juliette, représenté en 1772, fut un des derniers chagrins littéraires de Voltaire.
Combien un succès si rare à cet âge dut exciter de jalousie et humilier tout ce qui prétendait à la gloire ! […] Confondue dans une foule tumultueuse, elle est dispensée de rougir : elle a d’ailleurs si peu de chose à faire ; l’illusion théâtrale est si frêle et si facile à troubler ; les jugemens des hommes rassemblés sont dépendans de tant de circonstances, et tiennent quelquefois à des ressorts si faibles ; l’impression exagérée d’un défaut se répand si aisément sur les beautés qui le suivent, que toutes les fois qu’il y a eu un parti contre un ouvrage de théâtre, le succès en a été troublé ou retardé. […] Les ennemis de Racine, pour se consoler du succès d’ Andromaque , avaient dit que l’auteur savait en effet traiter l’amour, mais que c’était là tout son talent ; que d’ailleurs il ne saurait jamais dessiner des caractères fiers et vigoureux, tels que ceux de Corneille, ni traiter comme lui la politique des cours. […] Indépendamment des inimitiés personnelles qui avaient pu nuire à l’auteur, ne pourrait-on pas trouver dans la nature même de l’ouvrage les raisons de ce succès tardif que le temps seul a pu établir ? […] Furieuse, surtout lorsqu’elle est impuissante, elle avait vu le grand succès de Bérénice sans pouvoir le troubler que par des sarcasmes méprisés et des satires inutiles.