Il est certain qu’aujourd’hui, plus qu’à aucune époque, nos auteurs à succès sont tous à l’Académie ou vont en être, sauf ceux qui, déjà de la dissidente Goncourt, se voient interdire le cumul. […] Elle assure le succès, le maintient, l’affirme encore, quel que soit la pauvre qualité des produits débités en librairie. L’immortalité que confère l’Académie est rarement sanctionnée par la postérité, mais cette rente viagère de gloriole est agréable à toucher en hommages, succès mondains, sourires fashionables et succès d’argent.
Dans son Œdipe chez Admète, où il confond deux actions distinctes, deux tragédies, celle d’Alceste voulant mourir pour son époux, et celle d’Œdipe expirant entre les bras d’Antigone, Ducis a plus que des mots ; il a, au troisième acte et au cinquième, des tirades pathétiques, une touche large, comme lorsque Œdipe, s’adressant aux dieux, les remercie, jusque dans son abîme de calamités, de lui avoir laissé un cœur pur : C’est un de vos bienfaits que, né pour la douleur, Je n’aie au moins jamais profané mon malheur… On s’explique aussi très bien le succès de son Othello, représenté pour la première fois en 1792, et parlant comme un soldat parvenu qui sert avec désintéressement la République et n’a rien à envier aux grands : Ils n’ont pas, tous ces grands, manqué d’intelligence, En consacrant entre eux les droits de la naissance : Comme ils sont tout par elle, elle est tout à leurs yeux. […] Quoiqu’il eût débuté tard, la situation de Ducis était faite d’assez bonne heure ; nommé secrétaire de Monsieur depuis Louis XVIII, il avait été désigné, par son grand succès d’Œdipe chez Admète, à remplacer, honneur insigne ! […] La première phrase du discours de réception de Ducis (4 mars 1779) fut saluée d’un long applaudissement : « Messieurs, il est des grands hommes à qui l’on succède et que personne ne remplace… » Ainsi Voltaire fut remplacé et célébré par celui même dont il avait tant de fois parlé comme d’un auteur wisigoth ou allobroge et ne sachant pas écrire : Vous avez vu sans doute Hamlet, écrivait-il à d’Argental lors de la première pièce de Ducis qui eut du succès ; les Ombres vont devenir à la mode ; j’ai ouvert modestement la carrière, on va y courir à bride abattue : domandava acqua, non tempesta. […] Thomas, malade de la poitrine, était allé prolonger sa vie aux rayons du soleil de Provence ; Ducis, pendant ce temps, et au lendemain du succès du Roi Léar, était cruellement frappé dans son bonheur domestique : il perdait ses deux filles, il avait perdu sa première femme ; il ne lui restait plus que sa mère, et il remarquait à ce sujet, en faisant un retour sur lui-même et en se comparant à son ami Thomas, soigné par sa sœur : Il y a une espèce d’hymen tout fait entre les sœurs qui ne se marient pas et les frères libres et poètes, un recommencement de maternité et d’enfance entre les mères veuves et leurs fils poètes, sans engagements.
Jamais homme n’avait à ce point méconnu l’idéal des hommes. » Si Zola a tant déplu aux délicats et à ce qu’on appelait, au xviie siècle, « les honnêtes gens », pourquoi, ce qu’on ne peut nier, a-t-il eu tant de succès auprès de la foule ? […] La sensualité étalée fut une des causes aussi du succès de ces livres. […] Et il faut bien savoir dire que Zola dut son succès à un petit nombre de qualités très réelles. […] Je crois être sûr que la postérité sera étonnée du succès qu’il eut, autant, peut-être beaucoup plus qu’elle le sera de celui de Dumas père.
Zola ne s’intéresse qu’au succès de ses œuvres, et qu’au développement de sa personnalité. […] Et il a bien quelque droit de s’étonner ou de s’irriter même qu’en lui reprochant ses effets on les lui dérobe, mais les naturalistes ont aussi celui de s’en plaindre, et qu’en introduisant dans La Terre cet élément comique, il ait achevé de les compromettre ; — s’il assurait d’ailleurs le succès de son roman. […] Mais, en attendant, les jeunes gens l’imitaient, ils essayaient surtout d’imiter son succès, et tous ensembles ils achevaient de tuer sous eux le naturalisme. […] Ainsi sommes-nous faits en France, toujours courtisans du succès, et non moins empressés d’oublier, quand l’heure en est venue, pour quelle part nous y avons autrefois contribué.
— une des grandes importances littéraires de ce temps-ci par l’action qu’ils ont exercée ; et il est facile d’expliquer leur succès et leur influence. […] Il n’y a de succès qu’à ce prix. […] Mais, grande ou petite, voilà leur originalité et l’explication de leur succès parmi nous, les affaiblis de la raison, qui n’avons d’intérêt que pour les arts de l’imagination et de la main !
Ses Souvenirs de Madame de Créqui avaient eu le succès de cette chose qui enfonce l’Histoire chez les peuples aussi légers que nous et que l’on appelle l’anecdote. Eh bien, le succès n’y fit rien ! […] Les messieurs à succès de son époque, ces vers-luisants qui brillèrent quelques soirs, après souper, — quand on était ivre : — Raynal, Cerutti, Bernardin de Saint-Pierre, Dupaty, « qui était à Montesquieu — disait-elle — comme le singe est à l’homme », Necker, Chamfort et Rivarol lui-même, elle les exécuta dans un sourire.
… Il a tout ce qu’il faut pour produire ce scandale qui est au succès ce que la Renommée est à la Gloire. […] « On devine combien fut grand le scandale et combien le bon prédicateur dut regretter une phrase qui, toute légitime qu’elle fût, avait eu la malheureuse vertu d’arrêter si complètement la grâce, ou du moins de compromettre un succès. […] Dans les conférences de M. de Frayssinous, le succès dépassait toutes les espérances.
Il est peut-être, pour la Critique aux besognes routinières, plus piquant de tourner le dos à l’œuvre dernière, qui n’est bien souvent qu’une redite de ce qu’on avait mieux dit déjà, quand le génie, qui monte à chaque œuvre dans une assomption plus haute, n’y est pas, et de s’avancer à travers les succès équivoques et les œuvres laborieusement manquées, vers le premier instant du début heureux, cette fleur d’amandier qui n’a qu’un jour, la première fraîcheur de la source ! […] Cet orgueil aux yeux baissés, cette orgueil jeune fille est superbe et n’avait jamais été exprimé d’un trait plus profond et plus vrai… Certainement, rien n’a jamais valu ni pour elle, ni pour personne, ni au point de vue de la galerie et du succès, ni au point de vue de son émotion intérieure, ce moment unique… ce premier coup d’archet de l’ouverture d’une existence qui ressembla, hélas ! […] Quand elles se croient des Muses de la patrie et qu’au lieu de sonner, pour les faire sourire, dans les trompettes de leurs petits, elles veulent sonner dans le clairon d’airain des Renommées, les femmes font une besogne aussi en harmonie avec leur organisation vraie que les belles et pauvres créatures qui, sur les routes de l’Albanie, cassent des pierres pour raccorder le chemin… Malgré le succès qu’on lui fit, le talent ne se montre pas dans cette partie des œuvres de Mme Delphine Gay, ce talent qu’elle a, sans effort, dans beaucoup de fragments de ses poèmes et dans une partie de ses poésies, la partie, par exemple, qui est datée de 1828 et qui remonte au-delà.