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420. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (2e partie) » pp. 365-432

Il fallait que la Brie et le village de Faverolles, où il travaillait à quinze sous par jour pour nourrir neuf personnes, fussent bien dépourvus de toute humanité, pour qu’en frappant dans cette extrémité à la première porte venue où il y avait du pain noir ou blanc dans la huche, riche ou pauvre, même mendiant, ne lui prêtât pas un peu de son superflu ou de son nécessaire pour sauver la vie d’un soir à ces pauvres petits affamés. […] Il est recueilli par ce bon saint évêque, qui ne lui fait pas l’aumône du soir seulement, mais l’aumône de son honneur, l’aumône de sa dignité d’homme, qui l’appelle : « mon frère », qui le fait asseoir à sa table, pour le réhabiliter par cette égalité chrétienne de l’innocence constante avec l’innocence reconquise du repentir justifié, qui lui montre la confiance absolue du juste dans le repentant, qui le croit incapable même d’une mauvaise pensée, qui lui prépare son lit dans son antichambre, qui y laisse l’argenterie, son seul trésor, qui ne ferme pas même le loquet, et qui s’endort sans peur à côté du crime mal assoupi dans ce cœur inconnu ! […] Cependant elle n’était pas complète si le temps froid ou pluvieux l’empêchait d’aller passer, le soir, quand les deux femmes s’étaient retirées, une heure ou deux dans son jardin avant de s’endormir. […] Misère du cœur qui s’attache et qui se brise en se sentant enlever ce qu’il aime plus que la vie ; misère du sage qui se dessèche et qui s’effeuille comme une racine de cyprès sur une tombe, et qui ne végète plus que par l’écorce ; misère de l’amour qui est séparé de l’amour par les impitoyables obstacles de la vie, qui meurt ou qui voit mourir tout ce qui fait passer l’homme sur la dure nécessité de vivre ; misère de la condition dans laquelle Dieu nous a fait naître, comme des mineurs dans l’onde humide et froide des puits de métal ou de charbon où il faut aller puiser le salaire, pain du soir ; misère du dénuement qui menace tous les jours de la faim du lendemain le salarié quelconque qui se sent gagné par la vieillesse ou l’infirmité, comme l’homme qui s’enfonce dans le sol du marécage qui va l’étouffer ; misère de l’inexorable maladie paralysant sur son grabat le jeune travailleur, qui ne peut répondre aux larmes de sa femme et aux cris affamés de ses petits enfants qu’en tordant ses bras désespérés et qu’en maudissant l’imprudence qui l’a poussé à devenir père ; misère de l’homme sans ressources, chassé par ses créanciers impitoyables du toit qui l’a vu naître, de l’ombre qu’il a plantée, pour aller errer sans asile, sans pain, sans tombeau et sans berceau sous des cieux inconnus !

421. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

« Mais ce soir-là toute sa vivacité de libres pensées et de verve originale, toute cette chaleur de sympathie et de bienfaisance était comme éteinte par un seul et absorbant intérêt. […] L’une, on m’a dit le soir que c’était madame Récamier, m’éblouit comme le plus céleste visage qui ait jamais éclairé les yeux d’un poëte, trop beau comme un éclair pour être autre chose qu’une apparition ! […] Je t’envoie quelques vers que j’écrivis tristement le soir, en remontant à travers une forêt de châtaigniers, au château de V***, où l’on se moqua un peu de ma ferveur et de ma déception ; mais je me suis bien gardé de les envoyer à madame de Staël, etc., etc. » LVII La rencontre que je racontais ainsi à mon ami avait lieu précisément le jour et à l’heure où le canon de Waterloo foudroyait du dernier coup la fortune de Napoléon et rendait l’air libre à madame de Staël. […] Ce n’est que le style des notes du Moniteur ; et si jamais je me rétablis, je crois pouvoir réfuter cet écrit de bien haut. » Ses derniers moments furent illuminés comme un soir de fête ; ils resplendirent pour elle de la gloire de la vie terrestre qui allait s’éteindre sur sa couche, et des espérances de sa vie immortelle qui allait éclore.

422. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVIe Entretien. Marie Stuart (reine d’Écosse) »

Les dames du palais le découvrirent un soir, à l’heure du coucher, caché sous le lit de la reine ; il en fut expulsé avec indignation, mais on n’attribua cette témérité qu’à l’étourderie de son âge et de son caractère. […] » — « On vous dira, écrit à Catherine de Médicis Paul de Foix, son envoyé à Holyrood, la vie gracieuse et aisée de ladite dame, employant tous les matins à la chasse et le soir aux danses, musiques et mascarades ! » — « Ce n’est pas une chrétienne, s’écriait Knox dans sa chaire, ce n’est pas même une femme ; c’est une divinité païenne : c’est Diane le matin, Vénus le soir ! […] La confidente, prévenant ou croyant prévenir les désirs non exprimés de la reine, introduisit un soir Bothwell dans les jardins et jusque dans l’appartement de sa maîtresse.

423. (1888) Petit glossaire pour servir à l’intelligence des auteurs décadents et symbolistes « Petit glossaire »

Aux soirs illunés. […] Des citoles avec des saltères Frémissent aux soirs des périptères. […] Ma parole, aux soirs des périptères Fait taire citoles et saltères […] Et l’idéal se sélecte quand même son petit maximum tous les soirs.

424. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — II. (Suite.) » pp. 346-370

Dans les quinze jours qui précédèrent le 18 Brumaire, il voyait le général tous les soirs et avait avec lui un entretien particulier : « Bonaparte ne voulait rien faire sans Sieyès ; Sieyès ne pouvait provoquer Bonaparte. […] Talleyrand me mena deux fois le soir au Luxembourg, où Sieyès logeait comme directeur. […] — Un de mes amis me demandait ce soir (6 janvier 1802) comment je ne craignais pas de louer publiquement le premier consul et de déprimer si hautement ses ennemis.

425. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [IV] »

Il est possible pourtant que l’ordre daté de Dresde, le 13 mai au soir, ait paru indiquer plus probablement au maréchal cette direction de Berlin, et que Jomini ait dû alors insister auprès de lui par toutes les raisons stratégiques qui tendaient à la contre-indiquer. […] Il est probable qu’un soir, ne trouvant pas ceux de Jomini sous la main, il s’était livré à un emportement que Berthier n’avait pris nul soin de calmer. […] Le baron Fain, dans son Manuscrit de 1813, a rapporté (tome II, p. 237) une anecdote tirée des papiers anglais, qui met Moreau et Jomini en présence dès le 16 tu soir, une historiette piquante, mais controuvée.

426. (1895) La musique et les lettres pp. 1-84

Soir. […] Tant de bienveillance comme une invite à parler sur ce que j’aime ; aussi la considérable appréhension d’une attente étrangère, me ramènent on ne sait quel ancien souhait maintes fois dénié par la solitude, quelque soir prodigieusement de me rendre compte à fond et haut de la crise idéale qui, autant qu’une autre, sociale, éprouve certains : ou, tout de suite, malgré ce qu’une telle question devant un auditoire voué aux élégances scripturales a de soudain, poursuivre : — Quelque chose comme les Lettres existe-t-il ; autre (une convention fut, aux époques classiques, cela) que l’affinement, vers leur expression burinée, des notions, en tout domaine. […]   Je pose, à mes risques esthétiquement, cette conclusion (si par quelque grâce, absente, toujours, d’un exposé, je vous amenai à la ratifier, ce serait pour moi l’honneur cherché ce soir) : que la Musique et les Lettres sont la face alternative ici élargie vers l’obscur ; scintillante là, avec certitude, d’un phénomène, le seul, je l’appelai l’Idée.

427. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — I. (Dialogues inédits.) » pp. 1-28

Je m’occupe sérieusement à des chiffons ; je fais un reversi le soir ; j’écoute des médisances, je les oublie bien vite ; je dors et je recommence. […] Un jour, un soir d’hiver, Mirabeau devait pénétrer chez la marquise et y arriver juste pendant le souper des gens. […] Il arrivait de Berne, il allait droit à Paris se présenter au ministre ; il avait arrangé sa course de manière à entrer le soir à Pontarlier, ne voulant point y passer sans nous voir et nous remercier de nos bontés.

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