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514. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — II » pp. 76-92

Il a très bien montré que c’était une grande nouveauté alors en France de lire Homère en grec, que dans l’Université même, et parmi ceux qui passaient pour doctes, on ne s’en avisait que depuis peu, et il en a fait un mérite à notre poète, qui, non content de l’étudier sans cesse, voulait encore l’imiter, le reproduire, et doter son siècle et son pays d’un poème épique : vain effort, mais noble pensée ! […] Depuis Ronsard, je cherche en vain un poète, un écrivain de renom dans son siècle, qui soit comme lui, je ne dirai pas de la religion, mais de la familiarité et de la fréquentation homérique. […] À continuer, après le siècle de Ronsard, d’adresser cette question à nos poètes et auteurs en renom : « Lisez-vous Homère ? […] Là où le texte dit : « Heureux qui, vieux, s’appuyant sur un bâton dans la même allée où il s’est traîné enfant, ne sait compter en fait de siècles que ceux de sa cabane ! […] Le même défaut de jugement paraît dans son grand ouvrage, non seulement dans ce menu de termes et matières inconnues à ce siècle, mais encore dans le dessein, lequel, par ce que l’on en voit, se fait connaître assez avoir été conçu sans dessein, je veux dire sans un plan certain et une économie vraiment poétique, et marchant simplement sur les pas d’Homère et de Virgile, dont il faisait ses guides, sans s’enquérir où ils le menaient.

515. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « La Religieuse de Toulouse, par M. Jules Janin. (2 vol. in-8º.) » pp. 103-120

Janin, en composant le roman qu’il vient de publier, a eu l’excellente idée, et bien digne d’un véritable homme de lettres, de se distraire depuis deux ans du spectacle des choses publiques, du spectacle de la rue, et de chercher dans un sujet emprunté au Grand Siècle un oubli des misères et des ennuis du présent. […] Il changea alors courageusement de plan et de batterie, et se mit, pour plus de contraste, à chercher un sujet dans le siècle, non plus de Louis XV, mais de Louis XIV. […] Ce que la fondatrice voulait établir, ce n’était pas un ordre religieux ni un cloître austère ; c’était quelque chose d’intermédiaire entre la retraite et le monde, un asile en faveur des filles qui n’auraient point de vocation pour le mariage ni pour le couvent proprement dit, et qui voudraient concilier l’éloignement du siècle avec une vie exempte de clôture et affranchie de la solennité des vœux. Les Filles de l’Enfance, telles que les vierges chrétiennes ou les diaconesses des premiers siècles, n’étaient point enfermées dans un cloître, pour être à même de vaquer avec plus de facilité à tous les emplois de la charité que les vierges chrétiennes peuvent pratiquer honnêtement dans le monde. […] La distinction des rangs, et des conditions de naissance selon le siècle, n’était pas supprimée dans cette congrégation d’une nouvelle espèce.

516. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Légendes françaises. Rabelais par M. Eugène Noël. (1850.) » pp. 1-18

Toutefois, je ne suis pas moins persuadé qu’après très peu de temps passé dans son commerce, en pratiquant l’homme de science, d’étude, et sans doute aussi de très bonne compagnie pour son siècle, on devait retrouver au fond et bien vite le railleur incomparable. […] On a, pour réaliser ce programme, même après trois siècles, bien des progrès à faire encore. […] Michelet poursuivant, après trois siècles, cette guerre contre le Moyen Âge qu’il croit retrouver encore menaçant, commença un jour une de ses leçons au Collège de France, en ces mots : « Dieu est comme une mère qui aime que son enfant soit fort et fier, et qu’il lui résiste ; aussi ses favoris sont ces natures robustes, indomptables, qui luttent avec lui comme Jacob, le plus fort et le plus rusé des pasteurs. […] Chaque siècle a sa marotte ; le nôtre, qui ne plaisante pas, a la marotte humanitaire, et il croit faire grand honneur à Rabelais en la lui prêtant. […] , et curé après avoir été moine, Molière venu dans un siècle où tout esprit libre avait à se garder des bûchers de Genève comme de ceux de la Sorbonne, Molière enfin sans théâtre et forcé d’envelopper, de noyer dans des torrents de non-sens, de coq-à-l’âne et de propos d’ivrogne son plus excellent comique, de sauver à tout instant le rire qui attaque la société au vif par le rire sans cause, et il m’a semblé qu’on aurait alors quelque chose de très approchant de Rabelais.

517. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

Des provinces, jusqu’aux premières années de ce siècle, gardèrent la tradition des unions précoces. […] La jeune fille est une création du siècle dernier. […] L’orientation des esprits change à peine deux fois par siècle. […] On les a imperméabilisées avant de les lancer sur les flots du siècle. […] On ne veut pas dire quel moment de passion et de folie luxurieuse fut le grand siècle.

518. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

Qui ne sait que le goût, par l’étroitesse native de ses vues et par son impuissance à rien comprendre sans une lente, lente éducation est condamné à se contredire misérablement d’une nation à la nation voisine, et d’un siècle au siècle suivant ? […] Il faut bien des siècles pour que le bon goût s’épure. […] Au siècle de Louis XIV, Fénelon est l’abeille composant son miel des parfums de l’antiquité. […] La méthode d’une science est le fruit lent et naturel du travail des siècles. […] La difficulté n’existe que pour les critiques qui veulent trouver la formule d’une race, d’un siècle, d’une nation, d’un homme.

519. (1858) Du roman et du théâtre contemporains et de leur influence sur les mœurs (2e éd.)

Seul, au fond du firmament désert, le Christ, vieux et décrépit, sent après des siècles de siècles, sa fin approcher et la vie divine tarir en lui. […] Ce genre de littérature florissait encore chez nous au commencement du siècle. […] Ce siècle-ci en a offert un curieux exemple. […] On put dire alors que nous étions dans le siècle du roman. […] Récriminer contre le passé, accuser nos pères de notre propre incrédulité, insulter le siècle dernier pour absoudre le siècle présent, c’est une tactique aisée et qui prête à la déclamation.

520. (1891) [Textes sur l’école romane] (Le Figaro)

Vous me permettrez donc de donner en quelques mots les éclaircissements que voici : L’École romane française revendique le principe gréco-latin, principe fondamental des Lettres françaises qui florit aux onzième, douzième et treizième siècles avec nos trouvères, au seizième avec Ronsard et son école, au dix-septième avec Racine et La Fontaine. Aux quatorzième et quinzième siècles, ainsi qu’au dix-huitième siècle, le principe gréco-latin cesse d’être une source vive d’inspiration et ne se manifeste que par la voix de quelques excellents poètes tels que Guillaume de Machaut, Villon et André Chénier.

521. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre IV. La philosophie et l’histoire. Carlyle. »

. —  En quoi elle est contraire aux préjugés de siècle et de rôle. —  Le goût n’a qu’une autorité relative. […] C’est ainsi qu’il a pénétré autrefois dans les extases des ascètes indiens et dans les philosophies de nos deux premiers siècles. […] Dans la première sont les simples savants, les vulgarisateurs, les orateurs, les écrivains, en général les siècles classiques et les races latines ; dans la seconde sont les poëtes, les prophètes, ordinairement les inventeurs, en général les siècles romantiques et les races germaniques. […] Voilà les deux doctrines qui circulent à travers les écrits des deux premiers penseurs du siècle, Hegel et Gœthe. […] Son temple, fondé il y a dix-huit siècles, gît en ruines maintenant, recouvert de végétations parasites, habité par des créatures plaintives.

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