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851. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — III »

Renan lui-même semble avoir cru, que cette décision avait été nécessitée en lui par des scrupules théologiques. […] Aucun des ouvrages de l’auteur de la Vie de Jésus ne me semble aussi parfaitement étranger au sentiment catholique, voire au sentiment religieux, que cette correspondance où éclate d’ailleurs une admirable passion de l’étude.‌ […] A vingt-cinq ans, enivrés par la méditation sentimentale que favorise l’Italie, ou par la méditation métaphysique, à laquelle les froides charmilles à la française du séminaire d’Issy sont fort convenables, ces deux adolescents merveilleux me semblent des sages.

852. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — VII »

Taine, j’éprouve plus de plaisir devant les choses naturelles que devant les œuvres d’art ; rien ne me semble égal aux montagnes, à la mer, aux forêts et aux fleuves. » A mon goût, il n’a écrit sur rien avec un sentiment plus profond et plus passionné que sur les arbres.‌ […] Enveloppé d’un par-dessus de fourrure grise, avec ses lunettes, sa barbe grisonnante, il semblait un personnage du vieux temps, un alchimiste hollandais. […] Du fond de ces douces cavernes, le regard venait, à la fois impatient et réservé, retardé par le savoir, semblait-il, et pressé par la curiosité.

853. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XV. De Tacite. D’un éloge qu’il prononça étant consul ; de son éloge historique d’Agricola. »

Quoique Tacite n’ait composé aucun panégyrique de prince, Cependant l’ordre des temps, la liaison des idées, le mérite de ce grand homme et le caractère particulier de ses ouvrages, semblent exiger que nous en parlions ici. […] J’ai parlé de son éloquence, elle est connue ; en général ce n’est pas une éloquence de mots et d’harmonie, c’est une éloquence d’idées qui se succèdent et se heurtent ; il semble partout que la pensée se resserre pour occuper moins d’espace ; on ne la prévient jamais, on ne fait que la suivre ; souvent elle ne se déploie pas tout entière, et elle ne se montre, pour ainsi dire, qu’en se cachant. […] Il semble que Tacite, fatigué des émotions douloureuses et profondes que lui a données l’indignation du crime et le spectacle de la cour d’un tyran, cherche, pour écarter ces images, à se reposer sur les sentiments les plus doux de la nature : c’est la sensibilité d’un grand homme qui tout à la fois vous attendrit et vous élève.

854. (1897) La vie et les livres. Quatrième série pp. 3-401

Les journaux, étalés sur des pupitres, semblent venir eux-mêmes au-devant des curieux. […] L’Anglaise n’a pas, semble-t-il, les mêmes nostalgies. […] Elle semble portée par une prédilection naturelle vers les médiocres. […] Albert Vandal me semble doué supérieurement. […] Il lui semble (et je ne sais s’il eut raison) que sur tous ces points on a tout dit.

855. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

Le seizième siècle n’en sait rien ; mais dans sa joie effrontée il semble pressentir qu’il joue de son reste. […] Il semblait destiné à corroborer le proverbe vulgaire : l’habit ne fait pas le moine. […] Et ne me semble l’interpretation abhorrente. […] Une force secrète semble même comprimer à la fois toutes les branches de l’activité humaine. […] Peu d’auteurs, ce me semble, sont faits pour donner à l’intelligence des joies aussi vives.

856. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Louis Veuillot »

Cela semble une chose épouvantable d’être tenu à une vie honnête et réglée par le grand devoir divin. […] Dans cette longue et douloureuse bataille  plus quam civilia bella  il me semble bien que c’est Veuillot, en principe, qui a raison. […] Sa vie me semble, au contraire, admirable et presque surnaturelle d’unité. […] Toute espèce de haine me semble totalement ridicule, sauf une qui est totalement abominable : la haine du bien. […] Il me semble que ce grand seigneur qui a vendu à la bande noire sa terre, son château, ses papiers de famille, m’a trahi personnellement.

857. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre huitième »

Dans les deux premiers tiers du dix-septième siècle, naissent comme tout exprès, pour porter tous les genres à leur perfection, des hommes de génie, qui s’adaptent chacun au genre qui semble lui être échu. […] Les héros de Corneille ne savent pas être des hommes : il semble qu’ils se ménagent pour l’effort que va leur demander le poète, et que, cet effort accompli, ils soient épuisés. […] Il semble même qu’il ait épuisé le sujet et qu’il ait réduit les poètes venus après lui soit à dire les mêmes choses en les affaiblissant, soit à emprunter à la mode de leur temps une nouveauté qui a passé avec elle. […] Il n’a rien eu à imaginer, et le peu qu’il y a mis du sien est si admirablement lié à la donnée de l’Ancien Testament, que le poète semble avoir suppléé quelque omission de l’historien sacré. […] Enfin, il semble que Racine, en se passant d’amour dans Athalie, ait voulu tirer la tragédie de la plus dangereuse des servitudes.

858. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1875 » pp. 172-248

Oui, il me semblait assister, dans une baraque de guignol, au plongeon ironiquement révérencieux de polichinelle, après le coup de bâton qu’il donne sur la tête de sa victime. […] Ce commerce n’est plus, chez le vendeur, un état d’infériorité vis-à-vis de l’acheteur, qui semble au contraire l’obligé du vendeur. […] Sur des murailles blanches, sur le ton de brique Pompéi, en honneur dans nos musées, ces objets de l’Extrême-Orient semblent malheureux. […] Dans les bronzes, des merveilles, des merveilles qui semblent l’idéal de ce que le goût et l’art savant de la fabrication peuvent produire. […] Le travail, ici, en levant, de temps en temps, le nez en l’air, me semble du travail en un lieu enchanté, et j’ai peine à quitter ces choses pour les rues de Paris.

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