On se voit, en même temps, initié au secret qui va permettre de réhabiliter le mensonge bovaryque et de lui restituer sa valeur positive.
Mme Roland, qui trouvait ce roman joli, et qui précisément y cherchait avec un secret plaisir les mœurs d’une classe qu’elle détestait, serait devenue pourpre, si elle avait lu le feuilleton de Mlle de Meulan, et aurait du coup été guérie. […] Celle qui, à vingt-cinq ans, avait débuté par se faire personne d’un certain âge ou même douairière du Marais, entre non moins exactement, à mesure qu’elle vieillit, dans les divers personnages de ce petit monde de dix à quatorze ans, en y apportant une morale saine, la morale évangélique, éternelle, qui s’y proportionne sans s’y rapetisser. « Son idée favorite, son idée chérie, est-il dit dans la préface d’une Famille, c’était que la même éducation morale peut et doit s’appliquer à toutes les conditions ; que, sous l’empire des circonstances extérieures les plus diverses, dans la mauvaise et dans la bonne fortune, au sein d’une destinée petite ou grande, monotone ou agitée, l’homme peut atteindre, l’enfant peut être amené à un développement intérieur à peu près semblable, à la même rectitude, la même délicatesse, la même élévation dans les sentiments et dans les pensées ; que l’âme humaine enfin porte en elle de quoi suffire à toutes les chances, à toutes les combinaisons de la condition humaine, et qu’il ne s’agit que de lui révéler le secret de ses forces et de lui en enseigner l’emploi. » Comment Mme Guizot, de raison un peu ironique, d’habitudes d’esprit un peu dédaigneuses qu’elle était, se trouva-t-elle conduite si vite et si directement à cette idée plénière de véritable démocratie humaine ? […] En faut-il garder le secret ? […] Sa santé altérée ; au milieu de tant d’accords profonds et vertueux, le désaccord enfin prononcé des âges ; ses vœux secrets (une fois sa fin entrevue) pour le bonheur du fils et de l’époux avec une autre qu’elle, avec une autre elle-même ; il y eut là sans doute de quoi attendrir et passionner sa situation dernière plus qu’elle ne l’aurait osé concevoir autrefois pour les années de sa jeunesse.
Néanmoins, il s’introduit en secret dans la ville, obtient de Méphistophélès les moyens de délivrer Marguerite, et pénètre de nuit dans son cachot, dont il a dérobé les clefs. […] Cela est affreux. » D’autres paroles, plus abandonnées, exprimaient, dit-on, avec une lucidité étonnante dans un pareil trouble public et privé, toutes les conditions de mécontentement intraitables, de secrètes hostilités, de défections cachées sous l’alliance dont Napoléon allait être entraîné de toutes parts à l’intérieur avec les périls et les démonstrations implacables du dehors. […] Pour comble de félicité domestique, le vide que l’échafaud, la mort naturelle, les années, les affections trompées avaient creusé dans le cœur de madame de Staël venait d’être, à l’insu du monde, comblé par un mariage secret et heureux. […] Le mystère d’une passion que la vulgaire sagesse aurait désavouée avait ajouté à cet attachement mutuel les obstacles, les pudeurs, les charmes d’une secrète intelligence.
Elle ordonna, sous peine de la vie, aux mariniers de la conduire à la côte ; mais, sans faire attention à ses paroles, ils ramèrent aussitôt en sens contraire, lui promettant le secret, surtout envers le lord à la garde duquel elle était confiée. […] Tout le secret de la temporisation d’Élisabeth est dans cette impossibilité d’avouer une politique qui la servait, mais qui la déshonorait devant l’Europe. […] … Gardez-moi bien secret, car il m’en coûterait la vie ! […] Elle y avait façonné elle-même un autel, où son aumônier lui disait quelquefois la messe en secret.
Voltaire s’offrit pour porter au jeune roi des paroles secrètes de paix. […] L’héroïsme de Frédéric le Grand était un reproche tacite de la mollesse de Louis XV ; soit que les lettres qu’il recevait de Paris lui fissent redouter de vivre trop près de Versailles, soit qu’un avertissement secret de la cour lui interdît de s’en rapprocher sans exposer sa liberté, il résolut de chercher un asile hors de la portée de ces arbitraires des rois. […] Son règne est annoncé par la voix des oracles, Son trône est cimenté par le sang des martyrs ; Tous les pas de ses saints sont autant de miracles, Il leur promet des biens plus grands que leurs désirs ; Ses exemples sont saints, sa morale est divine ; Il console en secret les cœurs qu’il illumine ; Dans les plus grands malheurs il leur offre un appui, Et si sur l’imposture il fonde sa doctrine C’est un bonheur encor d’être trompé par lui ! […] La cour, le parlement, la noblesse, le paysan, la bourgeoisie, le clergé inférieur lui-même étaient les complices secrets de Voltaire dans cette réforme des idées et des institutions religieuses qu’il avait le premier provoqué par le ridicule ; ensuite son scepticisme flattait les impies, tandis que son théisme édifiait les sages et que son esprit déridait tout son siècle.
C’est ainsi que, sous ses yeux à demi fermés, Lamotte put impunément publier tout un recueil d’odes, des fables, et jusqu’à des églogues imitées des pastorales de Fontenelle, l’oracle et le conseil secret de Perrault. […] Pour qui n’a pas les deux, mieux vaut le second que le premier ; car l’admiration échauffe et féconde, et le cœur y a toujours sa part ; la critique dessèche : heureux si elle ne dégénère pas en une secrète envie contre ceux qu’elle juge ! […] Mais le spécieux qui domine dans Lamotte et qui paraît comme son naturel, ce sont ces pensées, équivoques secrètes, qui, vraies à la première vue, sont fausses dès qu’on y appuie, sans pourtant qu’on en sache mauvais gré à l’écrivain qui nous en donne le mirage passager. […] Le poète lui-même, au moment où il est inspiré, ignore ce qui l’inspire ; et c’est parce que le secret de son travail lui échappe qu’il en fait honneur à la muse, et qu’il transforme sa plume en une lyre mystérieuse touchée par des doigts divins.
L’auteur, du reste, en donnant comme pivot à son œuvre entière une phrase exquise et passionnée, sur laquelle est bâti le prélude, établit d’avance un courant secret qui échauffe ses auditeurs et les associe à la pensée génératrice du drame. […] Cet élan des deux amants l’un vers l’autre, leur amour effréné, leurs ressouvenir, leur hymne à la nuit qui les rassemble, les lointains avertissements de Brangœne, enfin leur suprême abandon d’où nulle prudence humaine ne les peut tirer : autant d’épisodes du drame, autant de secrets mouvements de l’âme et du cœur que le musicien-poète a su traduire et condenser en une page où les motifs caractéristiques s’enchaînent et se superposent de la façon la plus merveilleuse, où des mélodies sans cesse renaissantes viennent fleurir à la surface de cet océan symphonique. […] Mais voici une des mises en œuvre les plus profondes de la Réminiscence en général : vers la fin du sublime cycle de Schumann, Amour et vie de femme (1840), au moment où le chant cesse, le piano reprend le premier morceau, qu’il chante dans son entier, la jeune veuve écoute au fond de son cœur la phrase à laquelle elle confiait naguère son premier secret d’amour78, illustration musicale bien éloquente, bien touchante et intime à coup sûr, du fameux cri de désespoir de Francesca : Nessun maggior dolore Che ricordansi del tempo felice Nella miseria ! […] Cependant, comme j’ai nommé Auber, je voudrais, afin de ne pas être par trop incomplet, indiquer encore une Réminiscence dramatique au second acte d’HAYDEE (1847), où le traître Malipiéri révèle devant le malheureux Lorédan sa connaissance du fameux Secret, en fredonnant l’air de la grande scène du premier acte : « Ah !
. — Un lien secret dont on ne distingue que le nœud, relie la volupté à la cruauté. […] Mais en Grèce même, tandis que le Bacchus Thébain règne et triomphe au grand jour, un symbolisme secret travaille sur lui et pour lui dans l’ombre ; il lui creuse un empire occulte aussi vaste que son royaume extérieur. […] Chaque année, au solstice d’hiver, les prêtres offraient un sacrifice secret à Bacchus-Zagreus mort, tandis qu’au même instant les Thyades en course sur le Parnasse réveillaient, à grands cris, Bacchus Lichnités, le dieu nouveau-né, porté et bercé sur le van sacré. […] Ses confréries secrètes s’étendaient jusqu’en Étrurie.