Nous avons d’ailleurs des moyens tout particuliers de l’étudier : il n’a pas eu seulement pour témoin assidu et curieux, pour révélateur impitoyable, le grand observateur Saint-Simon, le duc d’Antin a lui-même écrit des Mémoires, et a laissé comme une confession de ses faiblesses, de sa passion pour la Cour, et de tout ce qu’il a pu se dire pour ou contre dans le secret de sa conscience. […] » Il fallut bien des années à d’Antin pour vaincre cette indifférence glaciale du roi à son égard, et qui était son secret tourment. […] Sous ces formes diverses, nos Mémoires secrets nous aident à saisir le lieu continu et l’intime ressemblance. […] Je suis bien persuadé que, malgré toutes mes résolutions et mes chagrins, je cherchais à les trouver telles. » Les compliments, les assurances de services qui lui pleuvent de toutes parts, lui sont un prétexte ; tout conspire avec son secret désir ; il se laisse reprendre plus que jamais au train de la Cour. […] En peignant si à nu sa défaite et l’infirmité de la raison aux prises avec les inclinations les plus chères, il nous désarme nous-mêmes et nous force, par un retour secret, à nous demander : « Et qui donc d’entre nous sait assez résister à ses propres passions pour lui jeter la première pierre ?
Mais, au fait, de quoi pourrions-nous former la substance de nos livres, sinon de notre vie même, et parfois de la plus secrète ? […] Et puis, au fond, les morts n’ont pas de secrets et n’en sauraient avoir. […] Il est assez probable que la publication de la correspondance même la plus secrète de Corneille ou de La Bruyère ne les desservirait point : de quoi je me réjouirais sincèrement.
L’âme qui a senti de la sorte court risque de ne jamais guérir et de rester inconsolable en effet, dans une attitude de suppliante, avec sa blessure non fermée, et implorant toujours son pardon : Le secret perdu Qui me consolera ? — « Moi seule, a dit l’Étude ; J’ai des secrets nombreux pour ranimer tes jours. » — Les livres ont dès lors peuplé ma solitude, Et j’appris que tout pleure, et je pleurai toujours. […] Ni leurs voix, ni ta voix ; mais descends dans ton cœur ; Le secret qui guérit n’est qu’en toi. […] Quant à elle-même, portant et cachant son mal, ce mal, dit-elle, dont on n’ose souffrir, dont on n’ose ni vivre ni mourir, elle découvre tout au fond de son cœur, un jour, qu’il n’y a qu’un remède, un consolateur ; et comme elle a en elle de cette flamme et de cette tendresse qui transportait les Thérèse et les Madeleine, comme elle a sucé la croyance avec le lait, elle regarde enfin là où il faut regarder, et elle s’écriera dans des stances qui se peuvent lire, ce me semble, après certain sermon de Massillon : La couronne effeuillée J’irai, j’irai porter ma couronne effeuillée Au jardin de mon père où revit toute fleur ; J’y répandrai longtemps mon âme agenouillée : Mon père a des secrets pour vaincre la douleur.
Ils l’ont trouvée dans les correspondances secrètes, les papiers intimes, les mémoires, les recueils de scandale ou de mode, les journaux, les comédies, les vaudevilles, les chansons, dans toutes les plus futiles publications d’une époque passionnée et futile. […] Elles avaient étudié dans leur cœur le cœur des autres ; elles avaient vu que chacun y porte un secret caché, et elles avaient résolu de faire leur puissance avec la découverte de ce secret de chacun. […] Ainsi formées, secrètes et profondes, impénétrables et invulnérables, elles apportent dans la galanterie, dans la vengeance, dans le plaisir, dans la haine, un cœur de sang-froid, un esprit toujours présent, un ton de liberté, un cynisme de grande dame, mêlé d’une hautaine élégance, une sorte de légèreté implacable.
Bérénice, bien que commandée par Madame, me semble tout à fait dans le goût secret et selon la pente naturelle de Racine ; c’est du Racine pur, un peu faible si l’on veut, du Racine qui s’abandonne, qui oublie Boileau, qui pense surtout à la Champmeslé, et compose une musique pour cette douce voix. […] Bérénice, chez lui, c’est la veine secrète, la veine du milieu. […] Elle crut qu’une victoire obtenue sur l’amour le plus vrai et le plus tendre ennoblissait le sujet, et en cela elle ne se trompait pas ; mais elle avait encore un intérêt secret à voir cette victoire représentée sur le théâtre : elle se ressouvenait des sentiments qu’elle avait eus longtemps pour Louis XIV et du goût vif de ce prince pour elle. Le danger de cette passion, la crainte de mettre le trouble dans la famille royale, les noms de beau-frère et de belle-sœur mirent un frein à leurs désirs ; mais il resta toujours dans leurs cœurs une inclination secrète, toujours chère à l’un et à l’autre. […] Ce qui est d’un art infini, c’est que ces petits ressorts qui font aller la pièce et en établissent l’économie concordent parfaitement et se confondent avec les plus secrets ressorts de l’âme dans de pareilles situations.
Il ne s’expliquait jamais là-dessus qu’avec une extrême réserve ; il avait ceci pour constante maxime : « Si tu veux que ton secret reste caché, ne le dis à personne ; car pourquoi un autre serait-il plus discret que toi-même dans tes affaires ? […] Est-ce par là que j’échapperai, ou ce secret parfum lui-même s’évaporera-t-il ? […] « On s’établit dans la vie ; on est las de ce qu’il y a de roide et de contemplatif dans les premières années de la jeunesse ; on est un peu plus avant dans le secret des Dieux ; on sent qu’on a à vivre pour soi, pour son bien-être, son plaisir, pour le développement de toutes ses facultés, et non-seulement pour réaliser un type abstrait et simple ; on vit de tout son corps et de toute son âme, avec des hommes, et non seul avec des idées. […] Il n’y avait plus qu’un point secret sur lequel Farcy se sentait inexpérimenté encore, et faible, et presque enfant, c’était l’amour ; cet amour que, durant les tièdes nuits étoilées du tropique, il avait soupçonné devoir être si doux ; cet amour dont il n’avait guère eu en Italie que les délices sensuelles, et dont son âme, qui avait tout anticipé, regrettait amèrement la puissance tarie et les jeunes trésors. […] La tête, chez lui, sollicitait le cœur ; et il se portait en secret un défi, il se faisait une gageure d’aimer.
Si, au mystère de leur cœur grandit un amour secret, ils sentent sa force douce éclore en eux « comme un lis de mer s’épanouit au fond des eaux tièdes de l’Océan ». […] J’entends qu’ils subissent les mystérieuses lois de la prosodie non formulée, instinctive, mais ayant cependant ses règles inécrites, laquelle a été tout simplement le secret des maîtres. » — Oui, mais cette prosodie inécrite comprend plus de secrets particuliers que de secrets communs à tous les maîtres. […] Et le critique devrait encore découvrir le secret de chaque maître, nous faire sentir en quoi diffèrent l’alexandrin de Racine sinueux et profond comme un sourire dessiné par Vinci et l’alexandrin de Corneille solide et précis comme sur une médaille un profil de Romain. […] Il dit la puissance de renouvellement de la nature, et que l’hiver est la préparation secrète du prochain printemps, et que toute souffrance réelle est le creuset d’une joie de bientôt. […] Je t’apprendrai le sens secret de mes paroles Et quand, dans le sommeil, nos lèvres s’uniront, Le songe effeuillera la pudeur des corolles Sur la limpidité mystique de ton front.
Elles lui racontent leurs secrets, elles lui demandent des conseils, elles se déshabillent physiquement et moralement devant lui, comme devant une camériste ou un directeur. […] Elles lui arrachent enfin son secret. Ce secret, que Jane avoue à cet étranger, inconnu la veille, une fille oserait à peine le balbutier à sa mère, entre deux sanglots. […] Alexandre Dumas ne la ménage plus ; il manie ses fibres secrètes comme les cordes d’un instrument insensible : son observation prend les procédés de la dissection. […] Camille, qui n’a que ce secret pour sa mère, l’aime depuis un an, pour l’avoir seulement entrevue.