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201. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — III. (Fin.) » pp. 479-496

On ne saisit pas bien l’instant précis où il s’arrêta dans sa confiance en la Révolution, car il ne faisait point partie de l’Assemblée constituante : lorsqu’il entra dans la seconde législature et qu’il devint membre de l’Assemblée législative, il était déjà dans la résistance, dans la ligne constitutionnelle, voulant y rester et s’y tenir. […] De même que nous avons vu quelques-uns de ceux qui l’avaient observée avant l’explosion, et quand elle ne faisait que de naître, se flatter de saisir et d’assigner l’instant précis où il eût été possible de la régler, ou mieux de l’anticiper et de la prévenir, de même lui, qui l’avait connue de près en plein cours, il la considérait et la jugeait comme il eût fait un grand soulèvement physique et une révolution de régime dans les montagnes. […] Lui qui a si bien senti l’individualité et comme le génie de chaque montagne, n’a-t-il pas dit : « Une fois que le Marboré s’est saisi du spectateur, on n’est plus où l’on est, et il n’y a plus que lui dans tout ce qui mène à lui. » En 1793, arrêté trois fois au milieu de ses paisibles herborisations, recueilli ici, insulté là, il n’avait qu’un pas à faire pour franchir la frontière, il ne songea point à émigrer : il n’aurait voulu compromettre ni son vieux père ni aucun des siens ; et puis il était de ceux (selon sa belle expression) qui respectaient jusque dans son délire la mère qui les frappait.

202. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — II » pp. 369-387

Read (1854), et où se lisent des conversations de Henri IV et du ministre protestant Chamier de Montélimar, pendant un voyage de celui-ci en Cour, on voit comment Henri IV traitait d’autre part ses anciens coreligionnaires demeurés opiniâtres et ardents ; il y employait un mélange de sévérité, d’adresse et de bons propos : on y saisit bien son procédé politique en action ; mais il n’était qu’exact et véridique, lorsqu’il disait à ce ministre Chamier, dont il aurait voulu adoucir l’âpreté : « Qu’il ne demandait rien de lui que ce qui se doit d’un honnête homme ; qu’il n’était pas, comme on disait, gouverné par les jésuites, mais qu’il gouvernait et les jésuites et les ministres (calvinistes), étant le roi des uns et des autres. » Vrai roi de tous en effet, grand et admirable en ce qu’il devançait l’esprit des temps, dominant toutes ces haines qui l’entouraient, toutes ces passions de gallicans, de parlementaires, d’ultramontains, de huguenots, et au sortir d’une époque où l’on s’égorgeait et l’on s’entre-dévorait, forçant tous ses naturels sujets à subsister, bon gré mal gré, dans une paix et une garantie mutuelles ! […] Même à travers ce qu’il peut y avoir d’inexactement recueilli ou d’arrangé après coup dans la harangue de Henri, nous saisissons aussitôt les différences. […] Jung a très bien saisi ce caractère du talent de Henri IV, si l’on peut ainsi parler, et ce mélange de saillie spirituelle, d’imagination rapide et de cœur. « Pour moi, écrit Henri à la reine Élisabeth (15 novembre 1597), je ne me lasserai jamais de combattre pour une si juste cause qu’est la nôtre ; je suis né et élevé dedans les travaux et périls de la guerre : là aussi se cueille la gloire, vraie pâture de toute âme vraiment royale, comme la rose dedans les épines.

203. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre (suite et fin.) »

Il est plus difficile qu’on ne le croirait de saisir tout d’une venue les grands hommes en tout genre : il faut du temps et passer par plus d’un degré pour arriver à les embrasser dans leur ensemble. […] La plupart des esprits, qui d’abord se figuraient dans Napoléon un génie pareil à un volcan ou à un tonnerre et procédant par éruptions ou par éclairs, se guérirent insensiblement de leur idée incomplète et s’accoutumèrent à saisir l’ensemble de cette pensée puissante dans toute l’ampleur de son développement : l’excellent historien narrateur leur avait fait faire bien du chemin. […] Toutes ses facultés, y compris son imagination grandiose, y trouvaient leur magnifique emploi ; un rêve superbe, une vision charlemanesque le saisit ; il entra tout d’un trait dans une phase nouvelle ; et lorsqu’en 1807, ayant reconnu qu’il n’y avait que la Russie qui pouvait ne pas être irréconciliable, il put se flatter de l’avoir gagnée dans la personne de son jeune empereur, il dut se croire en mesure de tout oser, de tout exécuter dans l’Occident.

204. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre V. De la littérature latine, pendant que la république romaine durait encore » pp. 135-163

La principale cause de l’admiration qui nous saisit en lisant le petit nombre d’écrits qu’il nous reste de la première époque de la littérature romaine, c’est l’idée que ces écrits nous donnent du caractère et du gouvernement des Romains. […] Enfin, quand on veut connaître le caractère d’une littérature, c’est son esprit général que l’on saisit. […] L’instruction vaut quelquefois beaucoup mieux que l’érudition ; car, dans la nuit de l’antiquité, l’on peut se perdre dans des faits de détails qui empêcheront de saisir la vérité de l’ensemble.

205. (1892) Boileau « Chapitre VII. L’influence de Boileau » pp. 182-206

On saisit dans ce public, dans certains individus qui en sont les représentants les plus éminents, des indices qui font croire que son goût, sans s’opposer formellement à celui de Despréaux, n’y correspondait pas absolument : en un mot, il s’en distinguait. […] Dieu me garde de penser qu’elle saisisse les chefs-d’œuvre des grands écrivains surtout par leurs parties inférieures et caduques, et qu’elle n’en sente pas la vraie grandeur et la grâce intime ! […] La recherche de la vraisemblance supprime celle de la vérité, et tandis que le vraisemblable pour Boileau était l’introducteur du vrai, et consistait à saisir le rapport de l’objet à l’esprit, il devient au xviiie  siècle le pire ennemi de la nature, qu’il déforme quand il ne l’exclut pas.

206. (1890) L’avenir de la science « XVI »

Car celui-ci saisissait la vie complète, et l’analyse ne la saisit pas. […] ces hommes si fins, si délicats, si habiles à saisir dans la vie pratique les nuances les plus déliées sont de vrais badauds pour les choses métaphysiques et y admettent des énormités à faire bondir le sens critique.

207. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre III : Les Émotions »

Il y a au contraire une surprise agréable à saisir des ressemblances nouvelles : de là le plaisir que nous causent les comparaisons poétiques ou l’application pratique de quelque découverte au bien-être de la vie. […] Il faut renoncer à saisir l’insaisissable et à traduire l’idéal par les formules imparfaites de la science : elles n’offrent qu’un faux-semblant de rigueur. […] Très-claire dans le détail, elle est plus difficile à saisir et à exposer dans son ensemble.

208. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Pline le Naturaliste. Histoire naturelle, traduite par M. E. Littré. » pp. 44-62

Après une préface sous forme de lettre familière adressée à Titus, lettre spirituelle, mais difficile à saisir en quelques parties, et qui n’est pas du même ton que le reste de l’ouvrage, Pline entre en matière. […] la religion de la nature, eux, ils n’ont nullement senti et daigné saisir cet esprit général circulant et respirant dans Pline. […] » C’était pour ajouter une observation de plus à son grand ouvrage, qu’étant à Misène à la tête de la flotte, au moment où l’éruption du Vésuve se déclara, Pline alla droit au péril, pour y saisir de plus près ce mystère des causes dont il était si curieux.

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