Et c’est à peu près ainsi qu’ils sonnaient à l’oreille de nos aïeux, trop grossiers pour saisir dans le son fondamental les harmoniques concomitantes. […] Delaunay a très bien saisi et rendu cette nuance. […] C’est pour George Dandin que nous prenons parti ; la cruauté du sort qui le persécute, la barbarie du poète qui le flagelle à coups si pressés nous émeut et nous irrite ; nous éprouvons un sentiment analogue à celui dont vous êtes saisi, quand vous voyez une troupe d’enfants martyriser un pauvre chien, rire aux éclats, tandis qu’il agite la casserole pendue à sa queue, et le traîner par les oreilles à la rivière, en poussant des cris de joie féroce. […] Regnard abonde en traits imprévus qui ont tous été saisis au vol ; Valentin, le valet du chevalier, lui dit qu’il faut changer de costume, Prendre d’un héritier l’habit et la figure, L’air entre triste et gai. […] Je suis bien aise de saisir cette nouvelle occasion qui m’est offerte de montrer, par un exemple plus frappant peut-être que beaucoup d’autres, combien est inutile et dangereuse au théâtre la recherche de la vérité matérielle, de la vérité de fait, de la réalité comme disent les naturalistes.
On saisira mieux les applications que je ferai des textes, en connaissant le plan de l’ouvrage et les matières dont il traite. […] Dans les corps vivants, les phénomènes sont d’une complexité énorme, et de plus la mobilité des propriétés vitales les rend beaucoup plus difficiles à saisir et à déterminer. » Que dire alors des difficultés que doit rencontrer le roman expérimental, qui prend à la physiologie ses études sur les organes les plus complexes et les plus délicats, qui traite des manifestations les plus élevées de l’homme, comme individu et comme membre social ? […] Le problème du médecin expérimentateur consiste donc à trouver le déterminisme simple d’un dérangement organique, c’est-à-dire à saisir le phénomène initial… Nous verrons comment une dislocation de l’organisme ou un dérangement des plus complexes en apparence peut être ramené à un déterminisme simple initial qui provoque ensuite les déterminismes les plus complexes. » Il n’y a encore ici qu’à changer les mots de médecin expérimentateur, par ceux de romancier expérimentateur, et tout ce passage s’applique exactement à notre littérature naturaliste. […] M. de Goncourt parle de la difficulté qu’on éprouve à saisir dans sa vérité le Parisien et la Parisienne ; mais il y a une difficulté tout aussi grande à saisir le paysan.
Il y a sous Édouard Ier de grandes bandes de malfaiteurs qui courent le pays et combattent quand on veut les prendre ; il faut que les habitants de la ville s’attroupent, et aussi ceux des villes voisines, « avec des cris et des huées », pour les poursuivre et les saisir. […] Et ceci est le fruit de ce jus politicum et regale sous lequel nous vivons… Tout habitant de ce royaume jouit des fruits que lui produit sa terre, ou que lui rapportent ses bêtes, et aussi de tous les profits qu’il peut faire par son industrie propre ou par celle d’autrui, sur terre et sur mer ; il en use à son gré, et personne ne l’en empêche, par rapine ou injustice, sans lui faire une juste compensation157… Il n’est point appelé en justice, sinon devant les juges ordinaires et selon la loi du pays, ni saisi dans ses possessions ou dans ses biens-meubles, ni arrêté pour un crime, si grand ou si énorme qu’il soit, sinon selon la loi du pays et devant les juges susdits… C’est pourquoi les gens de ce pays sont bien fournis d’or et d’argent et de toutes les choses nécessaires à la vie.
Le prince Louis-Napoléon se présentant en 1848 comme héritier de ce titre, et paraissant fait exprès pour tirer la France d’un état qui lui est antipathique et dont elle s’exagérait les dangers, la France le saisit comme une bouée de sauvetage, l’aida dans ses entreprises les plus téméraires, se fit complice de ses coups d’État. […] On accourt, on se saisit de lui.
Dans les dessins, des dessins au crayon noir de Macari, des dessins de la Rome antique, de la Rome togata, où tous ces vieux Romains sont si bien saisis dans les plis et la tombée de la toge, dans leurs attitudes sur les sièges de pierre, dans leurs groupements debout, sont si bien saisis, qu’on croirait à des photographies du temps.
Il les considère objectivement, sans en saisir la raison d’art cachée ; la forme à ce moment quitte l’esprit, s’isole, et désormais le poète déchu se borne à la remplir ainsi qu’une forme étrangère. […] C’est pourtant de cette carcasse que Voltaire se saisit pour la proposer en exemple ! […] Mais, quand un Hugo le saisit dans ses mains brutales, que va-t-il en rester bientôt ? […] Mais l’élan premier est si vigoureux que nous devons pourtant le suivre, brutal et monotone, en admirant… Ces jeunes gens, d’une sève superbe, comment veut-on qu’ils n’aient pas saisi et dressé le drapeau d’anarchie de la première révolution vers-libriste ?
. — C’est que la sereine impersonnalité du philosophe s’y joint à la perspicacité de l’observateur ; — le désintéressement du savant à la curiosité du politique ; — et l’art de formuler la loi des phénomènes à celui d’en saisir le caractère essentiel. — L’Ancien Régime et la Révolution, 1856 ; — et que ce livre a marqué une époque dans la manière même de concevoir les origines de la Révolution ; — et d’en représenter l’histoire. — Comment Tocqueville a bien vu : 1º que la Révolution tenait par toutes ses racines au plus lointain passé de notre histoire ; — 2º qu’elle devait à la profondeur de ses causes son caractère « religieux » ; — et 3º que pour cette raison il ne dépendait d’aucune puissance politique d’en abolir les effets. — Par le moyen de ces deux ouvrages nul n’a plus fait que Tocqueville, — pour soustraire l’histoire à l’arbitraire du jugement de l’historien ; — préparer l’idée que nous nous en formons de nos jours ; — et lui donner tout ce qu’on peut lui donner des caractères d’une science. […] Ernest Daudet, La Police et les Chouans sous l’Empire] ; — si les soudards de la Restauration se montrent quelque part à nous, c’est dans un Un ménage de garçon ; — et pour voir revivre à nos yeux les bourgeois censitaires du temps de Louis-Philippe, nous n’avons qu’à rouvrir César Birotteau ou La Cousine Bette. — Il convient d’ajouter que les moyens dont il a usé, sont encore ceux de Walter Scott ; — « états des lieux », inventaires, descriptions précises, minutieuses et pittoresques des mobiliers et des costumes ; — « localisation » des mœurs provinciales et des milieux parisiens ; — « généalogie », physiologie, psychologie détaillée de ses moindres personnages ; — « rattachement », par brèves indications, de leur histoire particulière à l’histoire générale de leur temps ; — et généralement tout ce qui manque, à cet égard, — dans Volupté ; dans Valentine ou dans Indiana ; — dans Adolphe. — C’est le premier mérite de Balzac, et déjà un mérite unique. — Il a été non seulement le « peintre », mais « l’historien » des mœurs de son temps ; — dont il a non seulement saisi la physionomie, — mais fixé la succession ou le mouvement même. — Et, tandis que Walter Scott a besoin, pour nous donner la sensation de la diversité des temps, — d’en être lui-même séparé par d’assez longs intervalles, — Balzac nous a rendu les traits distinctifs des trois ou quatre générations d’hommes que l’on peut fréquenter dans le cours d’une seule vie. […] L’Obéissance passive ; Toulon ; L’Expiation] ; — où non seulement on saisit, — mieux encore que chez le poète indigné des Ïambes, — la parenté de la satire et du lyrisme ; — mais encore où l’on surprend le passage du mode lyrique au mode épique. — Il semble d’abord qu’on les voie moins bien dans les Contemplations, 1856. — Mais il faut observer que, si les Contemplations n’ont paru qu’en 1856, — tout un volume en est antérieur à 1848 [Cf. notamment À Villequier, et toutes les pièces sur la mort de sa fille] ; — et des pièces comme Horror ou Les Mages relient déjà la deuxième à la troisième manière du poète. — Au contraire la Légende des siècles, 1859, — est tout à fait caractéristique de cette seconde manière ; — et bien que lyrique encore, ou satirique [Cf. le début de La Rose de l’Infante] ; — en tant qu’Hugo n’y oublie point ses rancunes, ou ses haines ; — cette seconde manière est plutôt épique ; — si, par exemple, on ne voit point que le poète ait eu d’autre raison d’écrire son Booz endormi, — et quelques autres pièces de même nature, — que la tentation d’y réaliser sa vision des temps écoulés. — Il ne décrit point pour décrire ; — mais les choses l’intéressent en elles-mêmes pour ce qu’elles sont ; — et, parce qu’elles sont ; — et, telles enfin qu’elles furent. — Il s’occupe même des choses qui ne l’intéressent point personnellement ; — ce qui serait la définition même de la description épique ; — si d’ailleurs, comme au temps des Orientales, Hugo ne demeurait trop indifférent à la « vérité pure » de ces choses ; — et ne continuait à les représenter telles qu’il se les imagine ; — sans jamais éprouver de doute sur l’infaillibilité de son imagination. — C’est ce qui lui arrive également dans les Chansons des Rues et des Bois, 1865 ; — qui retournent au lyrisme, par le caprice ou la « folâtrerie » souvent énorme de l’inspiration ; — par la variété de l’exécution ; — et par la liberté qu’il s’y donne de ne recevoir et de ne respecter aucune contrainte. […] Elle a gagné de son côté deux choses à traverser le socialisme, — dont la première est d’avoir aperçu le danger de l’« individualisme » ; — et en second lieu, elle a compris que le monde est plus vaste que le peu qu’en saisit notre expérience personnelle. — Nous ne sommes pas les seuls hommes, et nos maux ne sont pas tous les maux ; — il y en a d’autres, et de plus cruels, que de s’être mariée sans amour, comme Valentine ; — ou d’avoir, comme Lélia, trouvé le dégoût au fond de la volupté. — Et de là le caractère nouveau des romans de la dernière période ; — à l’exception d’Elle et Lui, 1859, — qui est sa réponse, un peu tardive, à La Confession d’un enfant du siècle. — Jean de la Roche, 1860 ; — Le Marquis de Villemer, 1861 ; — Tamaris, 1862 ; — Mlle de la Quintinie, 1863 [celui-ci est une réponse à l’Histoire de Sibylle, d’Octave Feuillet]. — Elle n’abjure point ses idées ; — et elle plaide toujours volontiers ce qu’elle croit être la cause de la « liberté » ; — elle ne veut point de contrainte morale ni politique ; — mais l’ardeur d’apostolat s’apaise, — et surtout l’ardeur de la révolte. — Antonia, 1863 ; — La Confession d’une jeune fille, 1865 ; — Monsieur Silvestre, 1866 ; — Le Dernier Amour, 1867. — Mlle Merquem, 1868. — Si son imagination ne s’applique point à se « soumettre » à ses modèles, — elle mêle pourtant beaucoup moins d’elle-même aux peintures qu’elle en fait ; — et le grand intérêt en est pour elle dans l’air de vie, — sinon de réalité qu’elle leur communique [Cf. sa Correspondance avec Flaubert, et plus loin l’article Flaubert]. — Elle subit vaguement l’influence rétrospective de la popularité de Balzac tous les jours grandissante ; — et du « réalisme » qu’elle a aidé à naître. — Les dernières œuvres : Francia, 1871 ; — Nanon, 1872 ; — Flamarande, 1875 ; — La Tour de Percemont, 1876. — Pourquoi nous ne parlons pas de son « théâtre » ; — s’il ne lui appartient qu’à peine ; — et que les rares succès qu’elle y a obtenus — ne soient dus qu’à l’habileté technique de ses collaborateurs.
Le duc de Nivernais passa quelques mois à voir tous les jours Frédéric et à l’entretenir sur les objets les plus intéressants, à étudier son caractère : car,, pensait-il avec raison, dans les monarchies mixtes et non purement absolues, là où l’organisation de certains conseils est régulière et où l’État se conduit par les vrais principes, on peut saisir les motifs déterminants de la conduite, par la combinaison des circonstances avec l’intérêt de l’État : ainsi, les puissances voisines d’une telle monarchie ont des moyens de direction solides pour traiter avec elle ; mais, dans les pays où le souverain n’a d’autre conseil que lui-même, où ses perceptions non comparées à d’autres perceptions sont la seule occasion et la seule règle des mouvements de l’État, le caractère du prince est le gouvernail de l’État : la politique, l’intérêt fondamental ne sont que ce que l’intuition du prince veut qu’ils soient ; et les puissances voisines d’une telle monarchie ne peuvent traiter avec elle que d’après la connaissance des mouvements intérieurs du monarque, qui seuls impriment le mouvement à toute la machine.