Et plus tard, sous le sourire de Don Juan, sous la seule contraction d’ironie qui ait passé par ces lèvres pâles et si fièrement désespérées, on retrouve aussi le sérieux profond et la rêverie de celui qui partout n’est que Childe-Harold.
Cependant, il faut bien l’avouer, comme ce dix-neuvième siècle-là est dans l’autre, — dans le sérieux, l’honnête, l’élevé, — nous n’avons pas le bégueulisme de l’interdire au romancier qui veut l’aborder et le peindre : la règle, pour nous, de toute poétique, de toute observation, de toute étude et même de toute langue, étant que tout ce qui est doit être exprimé, MM. de Goncourt pouvaient donc préférer à l’autre ce dix-neuvième siècle.
Moi qui, jusque-là, était plutôt trop audacieuse et que rien ne retenait, j’avais maintenant une crainte sérieuse, le sentiment d’un danger très redoutable, venant de cet inconnu, où j’aimais tant aller à la découverte. […] Grand-père, très apitoyé, adoucissait beaucoup son caractère ; il restait près de moi et me racontait des histoires, un peu trop sérieuses et qui ne m’amusaient pas beaucoup. […] Sans doute elle trouvait là une source de profits sérieux, car rien ne la détournait de ce devoir. […] Ce projet ne devait certainement pas plaire à mon père, mais il dut céder à ma mère, qui n’admettait pas que l’on pût faire de sérieuses objections aux décisions de sa sœur. […] Elle se tenait très sérieuse sur sa chaise, avec les mamans, et oubliait sa broderie, dans la contemplation de toutes ces gambades.
Seulement, nous avons été bien aise de montrer comment à l’occasion le philosophe le plus sérieux pouvait être en même temps le personnage le plus amusant. […] Mais ce fut sous le roi Jacques Ier que lord Herbert fit son début sérieux dans la vie. […] On peut compter dans la vie de lord Herbert de vingt-cinq à trente affaires d’honneur, et pourtant il n’y en a pas une seule qui ait abouti à un duel sérieux. […] Ces imprudences, qui suffiraient aujourd’hui pour éloigner celui qui s’en rendrait coupable de toute fonction publique sérieuse, n’avaient nui en aucune façon à lord Herbert. […] Cette supposition est la plus sérieuse de toutes celles qui ont été émises et mérite un examen attentif.
Un clubman, un industriel sont des hommes sérieux. […] Son éducation d’enfant de chœur, son imagination d’artiste, sa rêverie de Celte, sa disposition à parler avec une sérieuse pitié de toutes les superstitions humaines, le prédisposaient singulièrement à cette tâche. […] Tous ceux qui étudient avec quelque sérieux le passé de l’humanité sont nécessairement ses disciples. […] On peut se moquer spirituellement de ceux qui prennent l’art au sérieux, pour qui la poésie est une sorte de religion et qui croient que noblesse oblige. […] voilà qui est décidément sérieux.
Un peu plus sérieux, déjà. […] Elle ne dit pas un mot, pas un, pouvant faire croire que sa proposition n’est pas sérieuse au fond de son cœur ; et, enfin, il faudrait pourtant qu’elle le dît un peu pour que je pusse m’en douter ; et elle en dit trente, elle en dit cent pour me faire croire qu’il n’y a rien de plus sérieux au monde et de plus tragique que sa proposition. […] Comment Corneille aurait-il fait la scène s’il avait voulu, énergiquement voulu, qu’on prît Rodogune au sérieux ? […] Ne me le dites pas, parce que ça m’a déjà été dit et je n’ai pas trouvé que ce fût sérieux. […] On lui a cherché et trouvé vingt noms : drame, tragédie bourgeoise, comédie larmoyante, comédie sérieuse, haute comédie, romanédie.
Nous eûmes, en ces dernières années, un essai très sérieux de littérature basée sur le mépris de l’idée et le dédain du symbole. […] « Le seul contrôle que nous ayons de la réalité, c’est l’idée. » Encore : « … Et sur le sommet d’un pin éloigné, isolé au milieu d’une clairière lointaine, j’entendis le rossignol, — unique voix de ce silence… Les sites « poétiques » me laissent presque toujours assez froid, — attendu que, pour tout homme sérieux, le milieu le plus suggestif d’idées réellement « poétiques » n’est autre que quatre murs, une table et de la paix. […] On risque d’être pris trop au sérieux et, par suite, de se sentir porté à maintenir sa littérature dans les tons graves. […] Dumur est en train de créer un théâtre philosophique, un théâtre à idées, et, parallèlement, de renouveler le roman à thèses, car Pauline ou la Liberté de l’Amour est une œuvre sérieuse, ordonnée avec talent, originalement pensée, et qui implique une rare valeur intellectuelle. […] c’est tiré des singulières Poésies : « Les perturbations, les anxiétés, les dépravations, la mort, les exceptions dans l’ordre physique ou moral, l’esprit de négation, les abrutissements, les hallucinations servies par la volonté, les tourments, la destruction, les renversements, les larmes, les insatiabilités, les asservissements, les imaginations creusantes, les romans, ce qui est inattendu, ce qu’il ne faut pas faire, les singularités chimiques du vautour mystérieux qui guette la charogne de quelque illusion morte, les expériences précoces et avortées, les obscurités à carapace de punaise, la monomanie terrible de l’orgueil, l’inoculation des stupeurs profondes, les oraisons funèbres, les envies, les trahisons, les tyrannies, les impiétés, les irritations, les acrimonies, les incartades agressives, la démence, le spleen, les épouvantements raisonnés, les inquiétudes étranges, que le lecteur préférerait ne pas éprouver, les grimaces, les névroses, les filières sanglantes par lesquelles on fait passer la logique aux abois, les exagérations, l’absence de sincérité, les scies, les platitudes, le sombre, le lugubre, les enfantements pires que les meurtres, les passions, le clan des romanciers de cour d’assises, les tragédies, les odes, les mélodrames, les extrêmes présentés à perpétuité, la raison impunément sifflée, les odeurs de poule mouillée, les affadissements, les grenouilles, les poulpes, les requins, le simoun des déserts, ce qui est somnambule, louche, nocturne, somnifère, noctambule, visqueux, phoque parlant, équivoque, poitrinaire, spasmodique, aphrodisiaque, anémique, borgne, hermaphrodite, bâtard, albinos, pédéraste, phénomène d’aquarium et femme à barbe, les heures soûles du découragement taciturne, les fantaisies, les âcretés, les monstres, les syllogismes démoralisateurs, les ordures, ce qui ne réfléchit pas comme l’enfant, la désolation, ce mancenillier intellectuel, les chancres parfumés, les cuisses des camélias, la culpabilité d’un écrivain qui roule sur la pente du néant et se méprise lui-même avec des cris joyeux, les remords, les hypocrisies, les perspectives vagues qui vous broient dans leurs engrenages imperceptibles, les crachats sérieux sur les axiomes sacrés, la vermine et ses chatouillements insinuants, les préfaces insensées comme celles de Cromwell, de Mademoiselle de Maupin et de Dumas fils, les caducités, les impuissances, les blasphèmes, les asphyxies, les étouffements, les rages, — devant ces charniers immondes, que je rougis de nommer, il est temps de réagir enfin contre ce qui nous choque et nous courbe souverainement. » Maldoror (ou Lautréamont) semble s’être jugé lui-même en se faisant apostropher ainsi par son énigmatique Crapaud : « Ton esprit est tellement malade qu’il ne s’en aperçoit pas, et que tu crois être dans ton naturel chaque fois qu’il sort de ta bouche des paroles insensées, quoique pleines d’une infernale grandeur. » Tristan Corbière Laforgue, au courant d’une lecture, crayonna sur Corbière des notes qui, non rédigées, sont tout de même définitives ; parmi : « Bohème de l’Océan — picaresque et falot — cassant, concis, cinglant le vers à la cravache — strident comme le cri des mouettes et comme elles jamais las — sans esthétisme — pas de la poésie et pas du vers, à peine de la littérature — sensuel, il ne montre jamais la chair — voyou et byronien — toujours le mot net — il n’est un autre artiste en vers plus dégagé que lui du langage poétique — il a un métier sans intérêt plastique — l’intérêt, l’effet est dans le cinglé, la pointe-sèche, le calembour, la fringance, le haché romantique — il veut être indéfinissable, incatalogable, pas être aimé, pas être haï ; bref, déclassé detoutes les latitudes, de toutes les mœurs, en deçà et au-delà des Pyrénées. » Ceci est sans doute la vérité : Corbière fut toute sa vie dominé et mené par le démon de la contradiction.
Des souvenirs plus ou moins sérieux de la bataille ne sont cependant absents ni de la collégiale, ni du pays. […] Sans parler de son intérêt propre, cet épisode nous permet de relier le La Sale septuagénaire et jovial au La Sale plus jeune et plus sérieux. […] N’employait-on pas alors des apologues de ce genre dans les circonstances les plus sérieuses et pour les applications les plus graves ? […] En général, la langue de notre lai est très correcte, et par là même donne lieu à peu d’observations ; elle ne présente pas non plus à la lecture de difficultés sérieuses. […] Mais était-elle bien sérieuse ?