/ 1822
255. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Monselet »

, pouvait subsister et respirer tout aussi bien sous une forme didactique ou logique que sous la forme d’un roman, d’un poème ou d’un drame. […] « J’aimerais mieux — écrivait dernièrement à un critique de profession un de ces esprits systématiquement gendarmés contre la Critique — faire un petit roman payé mille francs que de la Critique à dix mille francs par an dans vos journaux  », et si cette phrase exprimait plus qu’un goût personnel, c’est-à-dire une insignifiance, c’était tout simplement une sottise ! […] Mais à part les vers qui s’y sont mis, comme dirait Rivarol, ce poème n’est, au fond, qu’un petit roman d’observation pénétrante et raffinée, d’un détail très pur et d’une émouvante simplicité. […] C’est un de ces romans comme le xviiie  siècle en a produit beaucoup, qui partent d’une donnée impossible pour arriver plus aisément à généraliser des études de mœurs et à multiplier des épisodes. […] Telle est la donnée que Monselet a cru faire accepter à l’Imagination moderne, cette grande dégoûtée, mais, au demeurant, la meilleure fille du monde ; tel est le pivot sur lequel il s’amuse à faire tourner, et quelquefois avec beaucoup de souplesse de grâce, les divers épisodes d’une composition qui est au roman ce que la comédie à tiroirs est à la comédie de caractère.

256. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Mgr Rudesindo Salvado »

Ni poème inédit de Goethe ou de Byron, ni drame perdu et retrouvé de Calderon ou de Shakespeare, ni roman, ni histoire, ciselés par les maîtres de l’observation et de l’analyse, ni chefs-d’œuvre quelconques, ne sauraient, selon nous, lutter en intérêt et en importance avec ce modeste livre écrit par un moine, traduit par un prêtre, et dans lequel se joue un souffle qui n’est ni le talent ni le génie de l’homme, et qu’il faut bien appeler la force de Dieu pour y comprendre quelque chose ! […] Mais, si le succès était une justice, ils auraient, nous n’en doutons pas, un retentissement pour le moins égal à celui du fameux roman de madame Beecher-Stowe. […] Très probablement, le livre de l’évêque de Port-Victoria ne fera pas autant de tapage que le roman de madame Beecher-Stowe, et cependant quelle différence entre ces deux compositions, dont l’une est une simple histoire, l’autre un roman exagéré ! L’idée chrétienne, qu’il faut saluer partout où elle passe, brille dans le roman américain, mais tronquée, humanisée, et telle qu’elle devient toujours au toucher trop appuyé, du protestantisme. […] de la production la plus personnelle qui puisse jamais être (l’œuvre d’une femme, et un roman encore !)

257. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

Est-ce surtout du roman ? […] Je suppose un roman tel que M.  […] Et cela est surtout sensible dans ses derniers romans. […] La forme de ses romans est beaucoup plus défendable. […] Enfin et surtout l’allure des romans de M. 

258. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc (suite et fin.) »

Cet art byzantin fut inoculé par les Nestoriens fugitifs aux Arabes ; il poussa de ce côté une de ses branches, bientôt florissante ; et il s’insinua, il s’infiltra aussi, tout à l’opposé, dans notre Occident, dans notre Gaule, vers l’époque de Charlemagne, et entra pour beaucoup dans la formation de notre premier style roman. […] Ainsi de l’architecture romane et gothique : il y eut un jour où elle naquit, où elle sortit de terre de toutes parts, et couvrit le sol comme une végétation nouvelle. Une distinction capitale, pourtant, est à faire entre les deux formes dites romane et gothique de l’architecture au Moyen-Âge. La première, en date, la romane, qui n’employait guère que le plein-cintre, se rattache plus sensiblement aux traditions romaines, bien que ce rapport de ressemblance soit plus superficiel que réel et que de nouveaux principes, introduits déjà, la dirigent. […] Une scène de roman va nous édifier à ce sujet, et si agréablement que nous ne l’oublierons plus.

259. (1902) L’œuvre de M. Paul Bourget et la manière de M. Anatole France

Et l’on n’ignore pas que, par surcroît, et pour compliquer de beaucoup l’exégèse du roman, par une innovation, pourrait-on dire, qui n’allait pas sans hardiesse, — quelque préface que les théories positivistes en cours fissent à la vulgarisation du système d’observation rétroactive, — M. Bourget a en quelque sorte achevé l’évolution du roman d’analyse en faisant franchement de celui-ci un prétexte à chirurgie psychique. […] Ainsi s’expliquerait, au moins théoriquement, ce choix d’un genre de littérature inférieur, le roman, par un cerveau comme celui de M.  […] Bourget, s’il n’avait cherché à être qu’instructif et s’était plu à nous servir, en guise de romans, d’arides traités de psychologie expérimentale. […] Qui ne voit d’ailleurs que les grandes lignes du roman, c’est-à-dire le sujet dans sa floraison mouvante, ne sauraient constituer à elles seules le roman, ni surtout le roman d’analyse ; que, par suite, le sujet ne saurait être entièrement séparé de sa portée psychologique, et nous entendons par l’auteur, — dont le dogmatisme n’est une charge d’état que parce qu’il y a des significations multiples derrière les événements les plus futiles en apparence, derrière les moindres affirmations de la réalité où tout s’enchaîne, tout le passé à tout le présent, dans une constante, rigoureuse et subtile logique. — On ne peut nier non plus que, si les faits présentés, si peu alourdis qu’ils soient de complications matérielles, se distinguent des ordinaires accidents ressassés, par une idée, — il en résulte souvent un ensemble capable d’offrir des ressources d’émotion et d’intérêt, mille fois plus puissantes sur le cœur que ne l’ont jamais été sur l’imagination les ficelles du roman à physionomie unilatérale, comme le roman d’aventures, par exemple.

260. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1881 » pp. 132-169

On dit beaucoup de bien de Huysmans, de son roman En ménage. […] * * * — Une bien jolie ouverture de roman naturaliste, racontée ce soir par Manet. […] Il est tout content, tout guilleret, et dès que nous sommes installés dans la voiture, il s’écrie : « J’ai écrit douze pages de mon roman… douze pages, fichtre ! […] Ce matin encore, distribuée, sur les boulevards, une chromolithographie, représentant une scène du roman, et distribuée à 10 000, et dont la distribution doit durer une semaine. […] — Mon roman sur le Midi !

261. (1913) Les livres du Temps. Première série pp. -406

Il leur a imposé parfois l’aspect de romans. […] Il ne doit pas écrire de romans. […] Il y avait là, nous semble-t-il, un superbe sujet de roman. […] Son roman comporte un sens général et presque symbolique. […] Il n’a qu’un rôle épisodique dans ce roman.

262. (1888) Poètes et romanciers

Feuillet, La Petite Comtesse et Le Roman d’un jeune homme pauvre. […] Tout est possible, je le sais, dans la vie, mais tout n’est pas vraisemblable dans le roman. […] C’est là la grande épreuve du roman. […] Jusque-là, c’est moins un roman qu’une charmante psychologie de bébés. […] L’idée brille au milieu des bassesses et des hontes où se plonge le roman contemporain.

/ 1822