Voilà pourquoi le sentiment d’une mission sociale et religieuse de l’art a caractérisé tous les grands poètes de notre siècle ; s’il leur a parfois inspiré une sorte d’orgueil naïf, il n’en était pas moins juste en lui-même. […] Ainsi en arrive-t-il pour Lamartine : quoique le sentiment soit vrai, trop souvent la pensée philosophique et religieuse, au lieu de projeter spontanément son expression vivante, est « traduite en vers », — en vers heureux, faciles, abondants, poétiques, mais qui n’en sont pas moins des traductions et des tours d’adresse84. […] La vraie poésie est surtout dans les grands symboles philosophiques et même dans les mythes ; l’imagination poétique se confond avec l’imagination religieuse : la poésie est une religion libre et qui n’est qu’à demi dupe d’elle-même ; la religion est une poésie systématisée qui croit réellement voir ce qu’elle imagine et qui prend ses mythes pour des réalités. […] En somme Lamartine, qui se souvient de la quiétude des classiques plus qu’il ne pressent les agitations des modernes, n’est qu’assez légèrement affecté encore par toutes ces questions morales, philosophiques et religieuses qui préoccuperont nos poètes contemporains.
Les opinions religieuses qui lui servaient de principe changèrent de forme. […] La guerre de trente ans eut pour mobile, dans les peuples, le besoin d’acquérir la liberté religieuse ; dans les princes, le désir de conserver leur indépendance politique. […] Les Allemands voient dans l’amour quelque chose de religieux, de sacré, une émanation de la divinité même, un accomplissement de la destinée de l’homme sur cette terre, un lien mystérieux et tout-puissant entre deux âmes qui ne peuvent exister que l’une pour l’autre. […] C’est pour cette raison que je lui ai donné une teinte religieuse, et que j’ai voulu qu’elle cherchât un asile aux pieds de son Dieu, au lieu de se tuer sur le corps de son amant ou de son père, ce qui ne m’aurait pas coûté un grand effort d’invention ; mais la violence du suicide m’aurait semblé déranger l’harmonie qui doit être dans son caractère.
Ainsi il arrive sans cesse à un théoricien incrédule de signaler, dans les restes de foi qui survivent au milieu de l’ébranlement général des croyances religieuses, un phénomène morbide, tandis que, pour le croyant, c’est l’incrédulité même qui est aujourd’hui la grande maladie sociale. […] C’est d’après la même méthode que devront être résolues toutes les questions controversées de ce genre, comme celles de savoir si l’affaiblissement des croyances religieuses, si le développement des pouvoirs de l’État sont des phénomènes normaux ou non. […] C’est de cette manière que nous avons pu démontrer que l’affaiblissement actuel des croyances religieuses, plus généralement, des sentiments collectifs à objets collectifs n’a rien que de normal ; nous avons prouvé que cet affaiblissement devient de plus en plus accusé à mesure que les sociétés se rapprochent de notre type actuel et que celui-ci, à son tour, est plus développé (Division du travail social, p. 73-182). […] En effet, d’une part, si cette régression de la conscience religieuse est d’autant plus marquée que la structure de nos sociétés est plus déterminée, c’est qu’elle tient, non à quelque cause accidentelle, mais à la constitution même de notre milieu social, et comme, d’un autre côté, les particularités caractéristiques de cette dernière sont certainement plus développées aujourd’hui que naguère, il n’y a rien que de normal à ce que les phénomènes qui en dépendent soient eux-mêmes amplifiés.
Frédéric Deville De bonne heure, son goût naturel le portait vers les études morales et religieuses ; il s’essaya, de bonne heure aussi, dans cette double voie, et, soit qu’il ait écrit en prose, soit qu’il ait demandé à la poésie ses inspirations, partout et toujours il a conservé intact le caractère qu’il avait revêtu, le caractère d’écrivain moraliste.
En effet, les Ouvrages de ce Religieux sont d’une diffusion, d’une monotonie, d’une foiblesse d’expression, qui en rendent la lecture insipide.
Il se retira ensuite dans une Communauté Religieuse, ce qui étoit une des conditions de sa liberté.
Un grand avantage du livre de M. de Tocqueville, et ce qui le distingue complètement des autres écrits publiés jusqu’à ce jour sur les États-Unis, c’est de n’être à aucun degré ni un plaidoyer, ni une insinuation pour ou contre telle ou telle forme de gouvernement ; et pourtant, M. de Tocqueville l’a composé en vue de notre Europe, dans un but élevé d’enseignement, et sous l’impression, comme il l’avoue lui-même, d’une sorte de terreur religieuse que lui inspirait la marche fatale des sociétés. […] « Il est un pays dans le monde, se dit-il, où la grande révolution sociale semble avoir à peu près atteint ses limites naturelles ; elle s’y est opérée d’une manière simple et facile, ou plutôt on peut dire que ce pays voit les résultats de la révolution démocratique qui s’opère parmi nous, sans avoir eu la révolution elle-même. » Il nous emmène donc avec lui en Amérique pour y étudier le principe dominateur et générateur des sociétés modernes, l’égalité des conditions ; pour l’y contempler en ce vaste espace, où ni les souvenirs historiques, ni les décombres d’anciennes institutions ne l’ont comprimé ; pour l’y voir en jeu et vivifié de toute sa moralité, grâce à l’esprit religieux qui, là, s’est trouvé uni dès le début à l’ardeur laborieuse.
De telles recherches sont le complément naturel des premières ; elles importent essentiellement à la connaissance de notre histoire nationale… Les instructions que j’aurai l’honneur de vous adresser à ce sujet s’appliqueront, les unes, aux travaux à faire pour la découverte et la publication des manuscrits enfouis dans les Bibliothèques, Archives et Collections ; les autres, à un grand ensemble de recherches et d’études d’une nature différente sur les monuments d’arts en France, monuments bâtis ou monuments meubles, monuments religieux, militaires, civils, etc. […] Dans les siècles suivants, les ordres religieux qui se sont successivement établis ont cultivé la renommée de chacun de leurs membres ; de là les éditions, au moins passables, des maîtres célèbres des xiiie , xive et xve siècles.