Il vit les spirituels Français qui voyageaient alors en Angleterre et acheva de former le chevalier de Grammont ; du moins il essayait, par ses leçons et ses conseils, de faire entrer un grain de raison dans cette étourderie séduisante. […] Le bruit ayant couru dans Londres des raisons qui retardaient mon entrée, le chevalier de Grammont et le sieur de Saint-Évremond me sont venus trouver comme bons Français et zélés pour la gloire et l’autorité de Votre Majesté. […] Giraud, rassemblant les raisons à l’appui, soutient son opinion en des fermes dont certes l’adversaire n’avait pas à se plaindre : « Il est probable, dit-il, qu’en 1647 Saint-Évremond a écrit ces paroles : Il est certain que l’amitié est un commerce, le trafic en doit être honnête ; mais enfin c’est un trafic. […] N’en prenez sujet ni de louange ni de reproche : son humeur est ainsi ; il a reçu en naissant ce qu’on appelle un naturel philosophe : « Je puis dire de moi une chose assez extraordinaire et assez vraie, c’est que je n’ai presque jamais senti en moi-même ce combat inférieur de la passion et de la raison : la passion ne s’opposait point à ce que j’avais résolu de faire par devoir ; et la raison consentait volontiers à ce que j’avais envie de faire par un sentiment de plaisir… » Ses passions, — c’est trop dire, — mais ses goûts et sa raison ont, de tout temps, fait bon ménage en lui.
Nisard use de cette méthode d’un avocat qui amoindrit et altère insensiblement les raisons de l’adversaire pour enfler les siennes. […] Grâce à part, au milieu de toute son apparence et de sa réalité de sens et de raison, il a bien, il est vrai, du convenu, des opinions qui ne sont pas nées en lui dans leur originalité ; il a, dans ses développements, des habitudes littéraires qui font que la phrase domine un peu et amplifie et achève parfois l’idée. […] Il a raison dans l’objet qu’il se propose, qui est de ranimer le sentiment littéraire en ne s’occupant que des principaux monuments. […] Villemain avait relevé ; il donne là-dessus des raisons de France, pays de démocratie, de Poésie, fille du peuple, qui me semblent toujours un peu vaines et acquises, dans la bouche de M. […] Comme je tiens à ne point paraître vouloir flatter même un mort, ni vouloir encore moins blesser, sans raison, des vivants, j’expliquerai toute ma pensée : je n’ai prétendu ici que relever chez M.
Et voilà pourquoi il est entendu que sa plume est lourde : je vous assure qu’il n’y a pas d’autre raison Ou bien encore, si vous voulez, c’est sa franchise qui est « lourde » aux épaules de ceux sur qui elle s’exerce. […] A plus forte raison est-il incapable d’apprécier beaucoup les extrêmes raffinements, un peu maladifs, de la littérature contemporaine, notamment l’impressionnisme de M. […] Sarcey, vous pouvez avoir raison sans que j’aie tort. […] Songez qu’une pièce de théâtre n’est point écrite pour une demi-douzaine de dégoûtés, et vous finirez par me donner raison. […] Sarcey qui a raison, sauf les cas où il abonde un peu trop dans son sens.
Magnard a négligé de le faire réimprimer, j’ignore pour quelle raison. […] J’y vois une première raison très simple. […] Tout ce qu’on peut accorder, c’est que beaucoup de petits paysans entrent au séminaire pour des raisons de prudence et d’égoïsme naïf. […] Il se peut qu’on ait raison sur ce dernier point ; mais, au reste, l’impétuosité de Rufin n’exclut point l’habileté. […] C’est, en somme, et si l’on va au fond, la morale naturelle opposée à la morale religieuse ; et la raison opposée à la foi.
Vielé-Griffin alla comme eux vers la poésie du peuple pour les raisons que j’ai énumérées plus haut, et aussi, je l’ai fait pressentir en parlant de la technique, parce que la liberté d’allure de ces rythmes devait attirer sa spontanéité ennemie des règles imposées31. […] Encore qu’elle séduise par des beautés certaines, sa vision légendaire ne me satisfait qu’à demi ; elle n’a pas assez de verdeur ni de bonne foi crédule, on la devine trop vite maîtresse de soi, raison née, volontaire, telle qu’on la voit dans les ballades de Hugo ; d’une forme très pure, elle manque de naïveté soit innée, soit acquise, et j’en admire l’expression sans qu’elle me touche en mon intimité ; je la voudrais plus proche des contes de Perrault. […] Griffin sont la preuve que cette expansion, d’ailleurs limitée chez lui, peut s’allier à de la distinction ; mais je présume que le poète de Tel qu’en songe la redoute pour lui-même — et chez d’autres, non sans raison, la hait comme un acte d’impudeur : qu’il y voit un peu le débordant tumulte du commis-voyageur qui se raconte à tout venant. […] La logique est sa raison d’être, la proportion est sa méthode ; son but est la pureté impeccable des formes, — leur objectivité, son aboutissement. […] Mais la suprême Beauté ne suppose point qu’on les sépare : De tout notre instinct et de toute notre énergie nous devons aimer et poursuivre le premier, — admirer le second par tout ce que notre esprit contient de jugement et de lumineuse raison, — mais infrangiblement les unir si nous voulons que notre œuvre soit vivante et sacrée, tressaillante et surnaturelle.
Malgré ces défauts où Voltaire est trop de son temps, on a raison de mettre le Siècle aux mains de la jeunesse studieuse. […] Les mêmes contemporains qui le détournaient d’écrire le Siècle de Louis XIV, lui commandèrent de faire ce procès au passé, par les mêmes principes au nom desquels on avait mis à la raison Aristote, puis Homère. […] On aimerait mieux sans doute que les mêmes actes qui honorent son bon sens fussent des mouvements de son cœur ; mais la meilleure chose, après la sensibilité, est de n’en pas affecter ; et l’on sait gré à Voltaire de n’avoir mis que de la raison émue où d’autres auraient mis de la rhétorique. […] Où la philosophie croyait être arrivée par les seules forces de la raison, une tradition entrée dans le monde avec l’Évangile l’y avait amenée sans qu’elle s’en doutât. […] Il a d’abord l’esprit de bon sens, Esprit, raison qui finement s’exprime, a dit Chénier qui l’avait vu sur les lèvres de Voltaire.
Ce n’était cependant pas une raison pour qu’à la rigueur, même après la publication du livre, et nonobstant cette censure préalable, suivie d’approbation, il ne pût y avoir poursuite, soit par arrêt du Conseil du roi, soit par le fait du Parlement. […] Dans les Mémoires de lui qui ont été publiés sur la librairie et la liberté de la presse, M. de Malesherbes revient souvent, et avec une raison piquante, sur cette diversité et cette contradiction des mille amours-propres entre eux. […] Mais ce qu’était surtout M. de Malesherbes, c’était un homme des anciens jours, se développant et se réjouissant un peu plus que de raison aux lumières de son siècle. […] S’il pensait ainsi de l’administrateur, à plus forte raison du ministre : « Pour faire un bon ministre, disait-il, l’instruction et la probité ne suffisent pas. […] Notre science était toute dans les livres ; nous n’avions aucune connaissance des hommes. » On n’a nulle raison de révoquer en doute ces paroles qu’il a répétées plus d’une fois et à plus d’une personne.
Le libre arbitre, ainsi qu’on l’a dit, supposerait en effet chez l’homme le pouvoir de conformer toujours ses actes aux conclusions de sa raison. Or cette raison lui apprend à distinguer le bien du mal, pour employer ici les mots au sens que les moralistes leur assignent. Cette raison lui commande aussi d’accomplir le bien et d’éviter le mal. […] Selon que le sentiment du devoir opposé au sentiment du plaisir sera le plus fort ou le plus faible en raison d’une hérédité, d’une éducation et de circonstances inconnues et complexes, il l’emportera ou cédera le pas. […] Le moi, qui n’est qu’une raison sociale, qu’une représentation abstraite, comme la cité ou l’état, est pris pour un être pourvu d’une unité réelle.