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8. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

. — On me racontait que Mérimée est un être uniquement fabriqué de la crainte du ridicule, et que cela vient de ceci. […] Et puis les éloges académiques… le vénérable prêtre… tout ce qu’a raconté Dufaure… Eh bien, voilà la vérité. […] » Sainte-Beuve nous raconte cette anecdote sur Musset. […] Il gravit encore avec un effort infini le grand escalier, au milieu duquel, s’arrêtant las, il nous charge de parcourir les étages supérieurs, et de les lui raconter. […] Le roman actuel se fait avec des documents racontés, ou relevés d’après nature, comme l’histoire se fait avec des documents écrits.

9. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Challe  » pp. 141-142

Un guerrier qui raconte ses aventures. […] Des trois tableaux de Challe, la Cleopatre expirante, le Socrate sur le point de boire la ciguë, et le Guerrier qui raconte ses aventures, on n’en remarque aucun, et l’on a tort. […] Je ne sais ce que c’est que ce Guerrier qui raconte ses aventures.

10. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1884 » pp. 286-347

» Et il me raconte les choses les plus curieuses et les plus humoristiquement observées, en les longs séjours, qu’il a faits dans les hôpitaux, pendant d’éternelles maladies, entre autres pour une hydarthrose du genou. […] * * * — Mme Sichel racontait, ce soir, que sa famille, après la Révolution, avait vécu du brûlement d’un meuble, en bois doré, que dans le petit appartement occupé par elle, on brûlait par petits morceaux, dans un petit poêle en fonte. […] La pauvre fille me raconte dans son baragouin, entrecoupé de sanglots, cette soudaine mort de Nittis. […] Ces vieilles lettres ont même rejeté ma pensée, je ne sais comment, à des années plus anciennes, que celles qu’elles racontaient. […] * * * — Ce soir, dans un coin du salon de la princesse, le Japonais Hayashi, me racontait un hara-kiri, dont son père avait été greffier, et auquel il avait assisté, tout enfant.

11. (1913) La Fontaine « IV. Les contes »

Je vous dirai tout de suite qu’Apulée l’a racontée, d’une façon intéressante, naturellement, mais d’une façon en quelque sorte austère, sévère, presque glaciale, solennelle. […] Cette histoire peut, d’après les idées modernes, peut, me semble-t-il, se raconter de trois manières différentes : d’abord, elle peut se raconter comme Apulée l’a racontée, et à peu près aussi La Fontaine (mais vous verrez qu’il y a une réserve à faire), se raconter comme un conte des Mille et une Nuits, en décrivant tout ce qui est arrivé à Psyché parce qu’elle a été curieuse, ce qui lui a valu des mésaventures qui ont été très dures. […] Il y aurait — et ce serait peut-être, entre les mains d’un homme qui ne serait que… Gœthe par exemple, un grand poème — il y aurait autre chose encore : il y aurait Psyché racontée comme un conte, non plus psychologique, mais métaphysique, mais symbolique. […] Apulée nous a raconté l’histoire de Psyché comme un conte de fées que raconterait un vieux sachem un peu austère et même un peu morose. […] Voici le passage, le voici tout entier : Psyché, à travers les épreuves dont je vous ai parlé, traversant les déserts, traversant les contrées sauvages, finit, ce qui est tout à fait naturel, par rencontrer un ermite  pas tout à fait, puisque c’est un bon vieillard qui vit dans une sorte de cottage avec sa fille  qui lui raconte son histoire.

12. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Notre critique et la leur »

… Voyageur à travers les musées et les ateliers, il venait raconter ses impressions de voyage à la Revue des Deux Mondes, comme d’autres y revenaient du Groenland ou de Nubie raconter les leurs. Individualité pédante, qui n’a que l’empirisme de la science, qui raconte ses impressions comme si c’était la règle suprême de la beauté, et qui les raconte sans légèreté, sans bonhomie et sans grâce ! […] Seulement, cette école ne fait pas plus de critique que l’autre ; elle ne cherche qu’une occasion de décrire, comme l’autre une occasion de raconter.

13. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Florian. (Fables illustrées.) » pp. 229-248

Florian a raconté ses impressions d’enfance et ses premières aventures, ses fredaines de jeunesse, dans des pages rapides, écrites d’un ton enjoué, parfois assez leste, et qui sent même la garnison. […] Cet oncle passait un été à Ferney, et le petit Florian, âgé de dix ans, l’y alla voir, il a très bien raconté ce premier voyage (juillet 1765). […] La première question qu’il me fit fut si je savais beaucoup de choses. — « Oui, monsieur, lui dis-je, je sais l’Iliade et le blason. » — Lope se mit à rire, et me raconta la fable du marchand, du gentilhomme, du pâtre et du fils de roi ; cette fable et la manière charmante dont elle fut racontée me persuadèrent que le blason n’était pas la plus utile des sciences, et je résolus d’apprendre autre chose. […] Lacretelle, l’un des hommes qui ont le mieux connu et le mieux peint Florian par tous ses aspects, nous raconte cette anecdote, avec beaucoup d’autres traits dont nous profitons. […] C’était, m’a raconté un témoin fidèle, une sorte d’enivrement, de bonheur mêlé d’un charme attendri, une gaieté quelquefois forcée et pourtant toujours vive.

14. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « W.-H. Prescott » pp. 135-148

Qu’un jour, par exemple, il ait pris pour sujet de ses investigations et de ses récits la conquête du Mexique par les Espagnols qu’il a racontée, je n’en suis nullement étonné, et même je me l’explique très bien ; car la conquête du Mexique, c’est l’histoire d’une aventure inouïe d’audace et de cruauté, et qui devait saisir avec puissance ce tempérament d’aventurier, lequel est le vrai tempérament américain. […] Prescott a raconté ce règne passionnant de Philippe II sans se passionner, également éloigné des aveuglements de la colère et des lamentations de l’hypocrisie. […] Il ne peint pas les hommes : il les raconte. Il raconte Granvelle, cette figure impassible qui a tant de sensibilité par-dessous… ce cardinal qui a la beauté calme d’une physionomie militaire, cet homme blanchi à quarante-six ans par des soucis affreux, impopulaire, — la gloire vraie de tous les grands ministres !  […] Il raconte Charles-Quint même plus qu’il ne le juge ; Paul IV, ce vieillard jeune homme, élu pape à quatre-vingts ans, qui a tous les défauts de la jeunesse dans la vieillesse, ce Jules II, de la seconde épreuve, qui n’a pas marqué ; Philippe II, enfin, — qui n’est plus ici l’homme en velours noir, le mouton d’or au cou, de La Rose de l’Infante, ce poncif romantique aussi insupportable que tous les poncifs classiques dont nous nous soyons jamais moqués.

15. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Henri de L’Épinois » pp. 83-97

Car l’auteur du Gouvernement des Papes ne discute pas une minute ; il se contente de raconter. Raconter purement et simplement. […] Je n’ai point à raconter ici les résistances héroïques, au point de vue divin tout autant qu’au point de vue humain, de la Papauté contre des hommes de l’acharnement des Frédéric II, des Philippe le Bel, des Henri VII et des Louis de Bavière, des Visconti, des antipapes, ni à dérouler les résultats de ces luttes glorieuses de la Papauté, qui profitèrent même à la liberté de l’Italie que la Papauté s’efforça toujours d’affranchir du joug étranger et des interventions impériales, et qui créa contre elles ce gouvernement des municipalités italiennes, sorti si généreusement du sien ! […] Mais ce que j’ai été bien obligé d’omettre en ce chapitre, l’auteur du Gouvernement des Papes avait pour devoir de le raconter, et il l’a raconté avec cette droiture d’esprit dans la clarté sobre qui est la marque distinctive de son esprit et de son histoire.

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